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F. Graziano & R. Meynet (eds), Studi del sesto convegno


RBS, ISBN 978-90-429-3929-5

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Francesco Graziano – Roland Meynet, ed.

Studi del sesto


convegno RBS
Rhetorica Biblica et Semitica
XVIII

PEETERS
LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT
2019
Indice

Presentazione ............................................................................................... 7
Sigle e abbreviazioni ................................................................................... 9

Carlos Alberto SANTOS GARCÍA


El amor que nos hizo hijos, el amor que nos hace hermanos.
Itinerario exegético del P. Jacek Oniszczuk SJ en los escritos joánicos 13

PRIMA PARTE: ANTICO TESTAMENTO ......................................................... 21


Marek BARANIAK
Janus parallelism in Gen 2:1. First and second account of creation
from the perspective of the Biblical and Semitic Rhetoric Analysis ..... 23

Luísa Maria ALMENDRA


Reaching the full meaning of God’s Words (Part II).
Remarks on the composition and meaning of Job 40,25–41,26 ............ 43

SECONDA PARTE: NUOVO TESTAMENTO ..................................................... 57


Francesco GRAZIANO
Il Messia apre l’Alleanza per le Nazioni.
Analisi retorica di Mt 15,1–16,12. Prima parte ..................................... 59

Roberto DI PAOLO
Il Figlio di Davide compie la Parola con autorità.
Analisi retorica biblica di Mt 21,1–27 ................................................... 85

Carlos Alberto SANTOS GARCÍA


«“Entre el Reino de Dios y la ira de Dios”.
Cristología y soteriología en Jn 3,1-36» ................................................ 111

Timothy CHIKWETO
«From Where then do You have the Living Water?».
Composition and Interpretation of John 4,5-18 ..................................... 137

+ Ciro QUISPE
Pablo y los Tesalonicenses:
Análisis retórico semítico de 1Tes 2,17-3,13 ......................................... 153
354 Studi del quinto convegno RBS

Javier LOPÉZ
Un inicio insólito. Análisis retórico semítico de Ap 1,1-8 .................... 181

Heon KIM
A Metaphorical Interpretation
on Paul’s Sea Journey to Rome in Acts 27:1–28:15 .............................. 203

TERZA PARTE: ALTRI TESTI ......................................................................... 225


Gérard JOYAU
L’atelier du monastère.
Le chapitre 4 de la règle de saint Benoît ................................................ 227

Nicolas LEROUX
Rhétorique et parallelismus membrorum
aux portes des temples égyptiens : le cas des Recommandations
aux prêtres du temple d’Horus à Edfou ................................................. 249

Giuliano LANCIONI – Raoul VILLANO


Qurʾanic Pairs and Semitic Rhetoric.
Self-Similarity as an Exploring Device .................................................. 275

QUARTA PARTE: METODOLOGIA ................................................................. 301


Michel CUYPERS
De quelques indices de composition caractéristiques du Coran ............ 303

Roland MEYNET
Une nouvelle figure:
la composition à double foyer ................................................................ 325

Elenco dei contributori ................................................................................ 351


Roland MEYNET

Une nouvelle figure : la composition à double foyer

Dans sa thèse sur La composition de l’évangile de Matthieu, Francesco


Graziano a montré que le premier évangile comprend trois larges sections,
formant une sorte de triptyque (1,18–9,38 ; 11,1–17-27 ; 19,1–27,61) ; ces trois
sections sont articulées par deux autres sections beaucoup plus courtes, de la
dimension d’une seule séquence, les chapitres 10 et 18 (10,1-42 ; 18,1-35). Le
tout est encadré par un « prologue » (1,1-17) et un « épilogue » (27,62–28,20)1.
Il fait remarquer que ce genre de composition ressemble à celle de deux autres
textes, un passage du discours de la plaine selon Luc (Lc 6,27-38) et le Ps 22,
dont les parties majeures sont articulées par de courtes « unités de reliure »2.
Ces rapprochements inédits ont fait jaillir dans mon esprit une étincelle,
inaperçue, mais qui y a mis le feu. Celui-ci a couvé pendant quelques jours, puis
à l’improviste, en pleine nuit, une flamme a jailli qui m’a réveillé. Pourrait-il se
faire qu’il existât des compositions à double centre ? Les constructions paral-
lèles ainsi que les spéculaires sont dépourvues de centre, ou, pour mieux dire,
elles s’organisent autour d’un « centre absent »3. Les constructions concentri-
ques, si fréquentes aux niveaux supérieurs, sont focalisées, comme leur nom
l’indique, autour d’un centre qui en constitue la clé de voûte, celle qui fait tenir
l’ensemble, la clé de lecture, « la clé du chiffre »4, qui permet de déchiffrer le
message de l’ensemble du texte. L’image biblique qui représente ce genre de
construction est celle de la menora, le chandelier à sept branches dont la branche
centrale a pour fonction d’assurer la cohérence de l’ensemble, d’articuler les six
autres branches qui lui sont attachées, comme sortant d’elle5. Alors que la
composition concentrique serait comme un cercle tracé autour de son centre, la
« composition à double centre » serait comme une ellipse tracée à partir de ses
deux foyers (F1 et F2) grâce à une ficelle de longueur constante (F1 – M – F2) :

1
Voir le tableau, page suivante.
2
F. GRAZIANO, La composizione letteraria del vangelo di Matteo, thèse de doctorat en théo-
logie biblique, soutenue le 23 mars 2018 à l’Université Grégorienne, 145-152.
3
Voir P. BOVATI, « Il centro assente. Riflessioni ermeneutiche sul metodo dell’analisi retorica,
in riferimento specifico alle strutture prive di centro », R. MEYNET – J. ONISZCZUK, ed., Retorica
Biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, Bologna 2009, 107-121.
4
Voir P. MAGNARD, Pascal. La clé du chiffre, La table ronde, Paris 20072.
5
Voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 12, Pendé 20132, 193-195.
326 Roland MEYNET

La composition de l’évangile selon Matthieu6

1.478 PROLOGUE: la généalogie de Jésus le Messie 1,1-17

7.250 A1–A3: sous-section narrative 1,18–4,25

A4–A8: DISCOURS DE LA NOUVELLE ALLIANCE 5,1–7,29


Section A
9.832 «sur la montagne... S’ÉTANT ASSIS,
23.629
ses disciples s’approchèrent de lui»

6.547 A9–A11: sous-section narrative 8,1–9,38

Section B
Discours sur la Vie Apostolique 10,1-41
3.690

7.200 C1–C3: sous-section narrative 11,1–12,50

C4–C5: DISCOURS EN PARABOLES SUR LE RÈGNE 13,1-52


Section C
4.952 «IL S’ASSIT près de la mer» [...]
24.090
«monté sur une barque IL S’ASSIT»

11.938 C6–C10: sous-section narrative 13,53–17,27

Section D
Discours sur la Vie Ecclésiale 18,1-35
3.262

17.004 E1–E3: sous-section narrative 19,1–23,39

E4–E6: DISCOURS DE L’ACCOMPLISSEMENT DU TEMPS 24,1–25,46


Section E
7.969 «sur le mont des Oliviers S’ÉTANT ASSIS,
36.264
ses disciples s’approchèrent de lui »

11.291 E7–E9: sous-section narrative 26,1–27,61

2.251 ÉPILOGUE: la descendance de Jésus le Messie 27,62–28,20

A1 signifie la première séquence de la section A, A11 la onzième.

6
F. GRAZIANO, La composizione letteraria del vangelo di Matteo (cf. nt. 2), 144. Les comptes
sont faits en nombre de signes, espaces, accents et esprits exclus (Nestle–Aland, 28e édition).
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 327

Chacune des sections principales comprend deux sous-sections autour d’une


sous-section discursive. Ainsi ces trois sections sont focalisées sur un long
discours, « Le discours de la nouvelle alliance » au centre de la section A (les
chapitres 5 à 7), « Le discours en paraboles » (13,1-52), « Le discours de
l’accomplissement du temps » (les chapitres 24 et 25). Beaucoup plus courts que
les trois autres discours, ceux des chapitres 10 et 18, qui se distinguent des autres
parce qu’ils sont adressés aux seuls disciples, sont aussi bien liés à chacune des
deux sections qui les entourent, sans en faire partie intégrante. Chacun d’eux
forme en lui-même une section dont la fonction est de relier, d’articuler les trois
grands volets du triptyque des grandes sections. Ils entretiennent évidemment
des rapports étroits entre eux et avec les trois autres discours majeurs. Quand
l’ensemble du premier évangile aura été analysé, à tous les niveaux, alors pourra
être vérifiée la fonction de clé de lecture de ces deux unités de reliure.
Encouragé par les deux autres exemples donnés par Francesco Graziano (Lc
6,27-38 ; Ps 22), j’ai décidé de faire une première enquête, limitée aux seuls
textes que j’ai analysés, à la recherche d’autres cas susceptibles d’entrer dans la
catégorie des constructions à double foyer : j’en ai compté quatorze autres7, en
comprenant aussi Mt 4,12-25 analysé par F. Graziano dans sa thèse8. Cela fait un
total de dix-sept exemples, de la taille du passage jusqu’à celui du livre :
– Am 3,1-8 (passage)
– Ps 22 (passage)
– Ps 41 (passage)
– Ps 51 (passage)
– Ps 67 (passage)
– Ps 96 (passage)
– Ps 145 (passage)
– Ct 5,2–6,3 (SÉQUENCE)
– Mt 4,12-25 (passage)
– Mt 19,27–20,19 (SOUS-SÉQUENCE)
– Mt 1–28 (LIVRE)
– Mc 14,1-52 (SÉQUENCE)
– Lc 2,41-52 (passage)
– Lc 6,27-38 (passage)
– Lc 6,39-49 (passage)
– Lc 10,25-37 (passage)
– Chant I de la pré-fête de la Nativité (passage).
Tous ne pourront pas être présentés dans les limites du présent article.

7
Cette recherche m’a conduit à remettre en question mon analyse de Lc 9,10-17, où j’avais vu
deux segments de reliure (voir L’évangile de Luc, Rhétorique sémitique 8, Pendé 20113, 398). En
outre, j’ai repris mon analyse du Ps 37, intégrant désormais à la partie centrale du psaume les deux
segments que je considérais comme segments de reliure (voir Les huit psaumes acrostiches alpha-
bétiques, Retorica biblica e Semitica 6, Rome 2015, 118) ; repris et corrigé dans Le Psautier.
Premier livre (Ps 1–41), RBSem 16, Leuven 2018, 493-521.
8
F. GRAZIANO, La composizione letteraria del vangelo di Matteo (cf. nt. 2), 385.
328 Roland MEYNET

27
Mais je le dis à vous qui écoutez :

: AIMEZ VOS ENNEMIS, FAITES du bon à ceux qui vous haïssent ;


: 28 bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.
··································································································································
+ 29 À qui te frappe sur la joue, présente aussi l’autre
– et à qui prend ton manteau, même ta tunique ne refuse pas ;
··············································································································
+ 30 à quiconque demande, DONNE
– et à qui prend le tien, ne redemande pas.

31
Et comme vous voulez que FASSENT pour vous
LES HOMMES,
FAITES pour eux semblablement.

+ 32 Et si vous AIMEZ ceux qui aiment vous,


= quelle reconnaissance vous revient ?
: Car même les pécheurs ceux qui les aiment aiment.
··············································································································
+ 33 Et si vous FAITES-du-bien à ceux qui ont fait-du-bien à vous,
= quelle reconnaissance vous revient ?
: Même les pécheurs de même FONT.
··············································································································
+ 34 Et si vous
+ à ceux dont vous espérez recevoir
= quelle reconnaissance vous revient ?
: Même les pécheurs aux pécheurs prêtent
: afin de recevoir autant.
+ 35 Mais AIMEZ VOS ENNEMIS
+ et FAITES-du-bien
+ et sans rien espérer ;
= et sera votre récompense grande
= et vous serez les fils du TRÈS-HAUT,
.. parce qu’il est bienveillant pour les non-reconnaissants et les mauvais.

36
Soyez compatissants
comme VOTRE PÈRE
compatissant est.

– 37 Et ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ;


– et ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés ;
··············································································································
+ et il vous sera remis,
+ 38 DONNEZ et il vous sera DONNÉ.
··································································································································
= Une mesure bonne, tassée, secouée, débordante ils DONNERONT dans votre sein ;
.. car à la mesure dont vous mesurez, il vous sera mesuré en retour.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 329

La première et la dernière partie se répondent en miroir9. Leurs morceaux


extrêmes édictent d’abord des commandements (27b-28) puis promettent une
récompense (38bc). Dans chacun des deux derniers morceaux de la première
partie (29-30) alternent les commandements positifs et négatifs ; dans les deux
premiers morceaux de la dernière partie les commandements positifs (37b-38a)
suivent les négatifs (37ab), mais chaque fois, les seconds membres expriment la
récompense. « Aimer » du début est ensuite décliné dans ses différentes mani-
festations concrètes, « faire du bon », « bénir », « prier », « donner » dans la
première partie, « ne pas juger », « ne pas condamner », « remettre » et « don-
ner » dans la dernière. La première partie se joue essentiellement entre les
hommes, les disciples et leurs ennemis, dans la dernière un troisième personnage
intervient, non nommé directement mais désigné par les cinq passifs divins (37-
38a.38c) et par « ils donneront » de 38b. Il faut dire cependant que Dieu est déjà
présent au début en 28, comme celui que les disciples sont invités à prier et au
nom duquel ils doivent bénir leurs ennemis.
Dans la partie centrale les trois morceaux de la première sous-partie (32-34),
clairement parallèles entre eux, correspondent à la première partie, non seule-
ment parce qu’ils reprennent « aimer » et « faire du bien » en termes initiaux des
premiers morceaux (32a.33a) comme en 27b, mais surtout parce qu’ils traitent
eux aussi les rapports entre les disciples et leurs ennemis. Quant à la deuxième
sous-partie (35), si le premier trimembre (35abc) fait écho aux premiers mem-
bres des morceaux de la sous-partie précédente, la suite fait intervenir « le Très-
Haut » dont les disciples deviendront les « fils » ; ainsi cette deuxième sous-
partie annonce la dernière partie du passage où est aussi énoncée la récompense
que le Seigneur promet aux disciples.
Les deux panneaux latéraux du triptyque peuvent en quelque sorte se replier
sur chacune des deux moitiés du panneau central. Les trois panneaux sont arti-
culés par deux autres parties très courtes, de la taille d’un segment bimembre,
toutes deux de construction concentrique. Focalisée sur « les hommes », la
première (31) relie donc la première partie et la première sous-partie de la partie
centrale ; focalisée sur « votre Père », le deuxième segment de reliure (36)
articule la deuxième sous-partie de la partie centrale et la dernière partie où « le
Père » est présent, « le Très-Haut » dont les disciples sont les « fils » (35) et qui
récompense ceux qui auront obéi aux commandements.
Le premier foyer est traditionnellement appelé « la règle d’or »10 ; j’ai donc
appelé le deuxième « la seconde règle d’or ». Il s’agit en fait de formules,
proches des proverbes, qui condensent ce qui est développé par le texte qui les
entoure. Leur fonction est tout à fait semblable au proverbe sur lequel sont foca-
lisées certaines compositions concentriques, par exemple la parabole des invités
et de l’invitant en Lc 14,7-14 :

9
Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc (cf. nt. 7), 290-295.
10
Sur l’origine de cette appellation, voir C. SPICQ, Agapè dans le Nouveau Testament : analyse
des textes, ÉtB, Paris 1958, I, 105, nt. 3.
330 Roland MEYNET

. 7 Il disait à ceux qui avaient été invités une parabole


remarquant comment ils choisissaient les PREMIÈRES PLACES
. disant à eux :
:: 8 « QUAND tu es invité par quelqu’un à des noces,
– ne t’étends pas à la PREMIÈRE PLACE

: un plus digne que toi ait été invité par lui


: 9 et venant celui qui t’a invité toi et lui te dise :
.. “Donne à celui-ci la place.”
= Alors tu te mettras avec HONTE à occuper la DERNIÈRE PLACE.
····································································································
:: 10 Mais QUAND tu es invité,
+ pars tomber à la DERNIÈRE PLACE

: venant
: celui qui t’a invité te dise :
.. “Ami, monte PLUS HAUT.”

= Alors il y aura pour toi de la GLOIRE devant tous les convives.

11
Car quiconque S’ÉLÈVE SERA ABAISSÉ
et qui S’ABAISSE SERA ÉLEVÉ. »

. 12 Et il disait aussi à celui qui l’avait invité :

:: « QUAND tu fais un déjeuner ou un dîner,


– n’ appelle pas TES AMIS, ni TES FRÈRES,
– ni TES PROCHES, ni TES VOISINS RICHES,
: eux aussi ne t’invitent-en retour
: et il y aurait pour toi un don-en retour.
····································································································
:: 13 Mais QUAND un banquet tu fais,
+ invite DES PAUVRES, DES ESTROPIÉS,
+ DES BOITEUX, DES AVEUGLES.
14
= Et HEUREUX seras-tu
= parce qu’ils n’ont pas de quoi te donner-en retour
= car il te sera donné-en retour
= à la RÉSURRECTION des justes. »

Le verset 11 articule les deux versants de la parabole, résumant ou générali-


sant leur contenu en une formule lapidaire11.

Le même genre de construction à double foyer se retrouve dans le passage de


Luc qui suit celui de la double règle d’or (Lc 6,39-49)12 :

11
Voir l’analyse de ce passage dans R. MEYNET, L’évangile de Luc (cf. nt. 7), 610-614.
12
Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc (cf. nt. 7), 299-308.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 331

39
Il leur dit aussi une parabole :

– « Un aveugle peut-il guider un AVEUGLE ? Tous deux ne TOMBERONT-ils pas dans un creux ?
+ 40 Le disciple n’est pas au-dessus du maître. Tout BIEN-INSTRUIT sera comme son maître.
······································································································
: 41 Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère
. et la poutre qui est dans ton œil tu ne la remarques pas ?
42
Comment peux-tu dire à ton frère :
“Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”
et toi-même la poutre qui est dans ton œil tu ne la vois pas ?
. Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil
: et alors tu verras la paille qui est dans l’œil de ton frère pour l’enlever.
······································································································
+ 43 Il n’est pas en effet d’ARBRE BON qui fasse du FRUIT MALADE
– et il n’est pas non plus d’ARBRE MALADE qui fasse du FRUIT BON.
44
Chaque arbre en effet de son propre fruit est connu.

= Ce n’est pas des RONCES en effet qu’on cueille des FIGUES


= ni non plus des ÉPINES que des RAISINS on vendange.
:: 45 L’homme bon du BON trésor de son cœur produit le BON
:: et le mauvais du MAUVAIS produit le MAUVAIS.

Car c’est de l’abondance du cœur que parle sa bouche.

– 46 Pourquoi M’APPELEZ-VOUS “Seigneur, Seigneur” et NE FAITES PAS ce que je dis ?


············································································································
+ 47 Quiconque VIENT À MOI et qui écoute mes paroles et les fait,
48
je vous montrerai à quoi il est semblable : il est semblable à un homme construisant une maison
qui a creusé et approfondi et a posé le fondement sur la pierre.
Une crue étant venue, s’est rué le torrent contre cette maison
et il n’a pas eu la force de l’ébranler parce qu’elle était BIEN-CONSTRUITE.
·········································································
49
– Qui a écouté et N’A PAS FAIT
est semblable à un homme ayant construit une maison
sur la terre sans fondement
contre laquelle le torrent s’est rué
et aussitôt elle est TOMBÉE et la ruine de cette maison fut grande. »

Parlant d’« arbre » et de « son propre fruit », le premier foyer (44a) généralise
ce qui est dit dans la partie précédente avec le « fruit bon » de « l’arbre bon » et
avec « le fruit malade » de « l’arbre malade » (43) — images qui renvoient à
« l’aveugle » qui conduit « un aveugle », lesquels s’opposent au « maitre » et à
son « disciple bien instruit » (39b-40) — ainsi que ce qui est dit dans la première
moitié de la partie centrale (44bc) où il est question de « ronces » et d’« épines »
d’une part et des fruits que sont « figues » et « raisins ». De manière analogue le
deuxième foyer articule la seconde moitié de la partie centrale (45) et la dernière
partie (46-49) où il n’est plus question d’arbre et de fruit mais des disciples dont
la « bouche » dit des choses bonnes mais ne les « font » pas.
332 Roland MEYNET

La composition à double foyer se retrouve aussi aux niveaux supérieurs à


celui du passage. Ainsi dans la sous-séquence de Mt 19,27–20,19 :

19,27 Alors répondant Pierre lui dit :


« Voici que NOUS nous avons tout laissé et t’avons suivi ; quoi donc SERA à nous ? »
28
Et Jésus leur dit : « En vérité je vous dis, vous qui m’avez suivi dans la nouvelle
naissance, quand LE FILS DE L’HOMME siégera sur le TRÔNE de sa gloire, vous
siégerez vous aussi sur DOUZE TRÔNES jugeant les douze tribus d’Israël. 29 Et
quiconque aura laissé maisons, ou frères ou sœurs, ou père ou mère ou fils, ou champs
à cause de mon nom, RECEVRA cent fois autant et la vie éternelle héritera.
30
Beaucoup des PREMIERS seront DERNIERS
et les DERNIERS PREMIERS !

20,1 En effet le RÈGNE des Cieux est semblable à un homme maître de maison
qui sortit à l’aube pour embaucher des ouvriers dans sa vigne. 2 S’étant mis
d’accord avec les ouvriers pour un denier par jour, il les envoya dans sa vigne.
3
Et, sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient sur la place sans travail
4
et il leur dit : “Allez, vous aussi, dans ma vigne, et ce qui sera juste je vous le
donnerai.” Et ils y allèrent. 5 Sorti de nouveau vers midi et vers trois heures,
il fit de même. 6 Sorti encore vers cinq heures, il en vit d’autres qui étaient là et
il leur dit : “Pourquoi êtes-vous ici toute la journée sans travail ?” 7 Ils lui
disent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez, vous
aussi, dans ma vigne.”
8
Le soir venu, le seigneur de la vigne dit à son gérant :
“Appelle les ouvriers et DONNE-leur la paie,
en commençant par les DERNIERS jusqu’aux PREMIERS.”
9
Ceux de cinq heures étant venus REÇURENT chacun un denier. 10 Et les premiers
étant venus pensaient qu’ils auraient REÇU davantage ; mais ils REÇURENT eux
aussi un denier chacun. 11 Cependant l’ayant REÇU, ils murmuraient contre le
maître de maison disant : 12 “Ces derniers n’ont fait qu’une seule heure et tu as
fait pour eux comme pour nous qui avons supporté le poids du jour et de la
chaleur !” 13 Mais lui, répondant à l’un d’eux, dit : “Ami, je ne suis pas injuste
avec toi ; ne t’es-tu pas mis d’accord avec moi pour un denier ? 14 Prends ce qui
est à toi et va-t’en. Je veux donner à ce dernier aussi autant qu’à toi ; 15 est-ce
que je ne peux pas faire ce que je veux de ce que j’ai, ou bien ton œil est-il
mauvais parce que je suis bon ?”
16
Ainsi les DERNIERS seront PREMIERS
et les PREMIERS DERNIERS ! »
17
Et Jésus montant à Jérusalem prit les DOUZE à part et le long du chemin il leur dit :
18
« Voici que NOUS nous montons à Jérusalem et que LE FILS DE L’HOMME sera
livré aux grands-prêtres et aux scribes, et ils le condamneront à mort ; 19 et ils le
livreront aux païens pour qu’il soit bafoué et flagellé et crucifié mais le troisième jour
il ressuscitera. »
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 333

Les passages extrêmes se correspondent. Ils comprennent un discours de Jésus


(19,28-29 ; 20,18-19), où, se présentant comme « le Fils de l’homme », il
annonce son destin, royal au début (« siégera sur le trône de sa gloire »), livré et
crucifié à la fin. Les paroles de Pierre (19,27b) et de Jésus (20,18a) commencent
par « Voici que nous »13. Les deux passages s’achèvent avec une annonce
positive, « la vie éternelle héritera » (19,29c) et « le troisième jour il ressusci-
tera » (20,19bc) qui jouent le rôle de termes finaux. Aux deux occurrences de
« suivre » (19,27b.28a) correspondent les deux occurrences de « monter »
(20,17.18a), puisque les Douze suivent Jésus dans sa montée à Jérusalem.
Au centre, la parabole des ouvriers de la dernière heure où les « premiers »
embauchés sont payés après les « derniers » (au centre 20,8).
Le « ainsi » par lequel commence 20,16 signale que ce proverbe conclut la
parabole qui précède. Comme l’a interprété la division en chapitres, le proverbe
de 19,30 est habituellement considéré comme la conclusion du premier passage.
Toutefois, le « en effet » par lequel commence la parabole indique clairement
que celle-ci va illustrer le proverbe. « Les deux proverbes peuvent donc être
considérés comme des passages en eux-mêmes qui assurent la transition entre les
trois autres passages. Ils sont en quelque sorte les deux charnières qui articulent
les trois panneaux de ce triptyque »14. On aura noté que ces deux proverbes, qui
se correspondent en miroir, sont proches du centre de Lc 14,7-14 (voir p. 330) :

+ 30 Beaucoup des PREMIERS seront DERNIERS


:: et les DERNIERS PREMIERS.

:: 16 Ainsi les DERNIERS seront PREMIERS


+ et les PREMIERS DERNIERS.

Ces proverbes ne s’appliquent pas seulement à la parabole centrale, en tant


que son introduction et sa conclusion. En effet, par sa passion Jésus s’est fait le
« dernier » et par sa résurrection le troisième jour il a été fait « premier » ; de
même les disciples sont devenus les « derniers » quand ils ont tout abandonné
pour suivre leur maitre, mais ils deviendront « premiers » quand ils recevront le
centuple et la vie éternelle.
On a donc là un autre exemple de double foyer de type proverbial, caractérisé
cependant par le fait que les deux foyers sont pratiquement identiques, ce qui
n’était pas le cas des exemples précédents.
Que le phénomène du double foyer ait un rapport avec le centre unique des
compositions concentriques est illustré par la comparaison de la sous-séquence
de Mt avec son parallèle en Mc (10,28-34) :

13
La première fois le pronom hēmeis est utilisé ; la deuxième fois au contraire ce pronom n’est
pas utilisé, mais le verbe « montons » est à la première personne du pluriel, comme l’est aussi
« avons laissé ».
14
Voir R. MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, ReBibSem 7, Rome 2015, 248-253 (la
citation se trouve p. 248).
334 Roland MEYNET

10,28 Pierre se mit à lui dire : « Voici que nous nous avons tout laissé et nous t’avons
29
SUIVI. » Jésus déclara : « En vérité je vous dis, il n’est personne qui ait laissé maison
ou frères ou sœurs ou mère ou père ou fils ou champs, pour moi et pour l’Évangile,
30
qui ne reçoive le centuple, maintenant, en ce temps-ci, maisons et frères et sœurs et
mère et fils et champs,
avec des PERSÉCUTIONS, et dans le siècle qui vient LA VIE ÉTERNELLE.

31
Beaucoup de PREMIERS seront DERNIERS
et les DERNIERS PREMIERS. »

32
Ils étaient sur la route montant à Jérusalem, et Jésus les précédait. Ils étaient
stupéfaits et ceux qui SUIVAIENT étaient épouvantés. Prenant de nouveau les Douze, il
commença à leur dire ce qui allait lui arriver : 33 « Voici que nous montons à
Jérusalem; le Fils de l’homme sera livré aux grands-prêtres et aux scribes et ils le
condamneront à mort et le livreront aux nations ; 34 ceux-ci se moqueront de lui et lui
cracheront dessus, ils le flagelleront ;
ils le TUERONT et après trois jours IL RESSUSCITERA. »

Marc n’a pas la parabole des ouvriers de la dernière heure et les deux foyers
de la sous-séquence de Mt sont réduits chez Marc au seul centre de sa compo-
sition concentrique (10,31)15.

Il est aussi un autre genre de double foyer, celui de la double question. Ce cas
rejoint celui, si fréquent, de « la question au centre » pour les compositions
concentriques16.
Le passage de Lc 10,25-37 comprend trois parties reliées par deux questions.
La première partie (25-28) rapporte le dialogue entre Jésus et un légiste où la
déclaration finale de Jésus (28) répond à la question initiale du légiste (25). Dans
le court dialogue final (37) la réponse de Jésus, « va et fais de même », rappelle
sa réponse à la fin de la première partie, « fais cela et tu vivras » (28). La longue
partie centrale est occupée par la parabole du bon Samaritain (30-35). La para-
bole est déclenchée par une question du légiste (29) et elle est suivie par une
question de Jésus (36). Ce sont là les deux foyers de l’ellipse. Ils en constituent
la clé de lecture, en particulier par le retournement que Jésus opère : en effet,
alors que pour le légiste le problème est de savoir qui est son prochain, l’autre
qu’il doit aimer, pour Jésus il s’agit de savoir qui s’est comporté en prochain de
l’autre. D’objet qu’il était dans la bouche du légiste, le prochain devient le sujet
de l’action. En d’autres termes, le problème n’est pas celui de l’autre, il est celui
de son interlocuteur, et c’est ce qu’il explicitera en finale quand il lui dira de
faire comme le bon Samaritain17.

15
Voir R. MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré (cf. nt. 14), 223.260-261.
16
Voir R. MEYNET, Traité (cf. nt. 5), 417-436.
17
Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc (cf. nt. 7), 496-502.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 335

– 25 Voici qu’un légiste se leva, le tentant en disant :


· « Maître, FAISANT quoi j’hériterai LA VIE éternelle ? »
26
Il lui dit : . « Dans la Loi, quoi est-il écrit ?
. Comment lis-tu ? »
················································································································
27
Répondant, il dit :
: « TU AIMERAS LE SEIGNEUR TON DIEU
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de toute ta force et de tout ton esprit
: et TON PROCHAIN
comme toi-même. »
+ 28 Il lui dit :
· « Tu as bien répondu ; FAIS cela et TU VIVRAS. »

• 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et QUI est le PROCHAIN de moi ? »

+ 30 Jésus reprit et dit :


: « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho
et il tomba sur des brigands.
: Ceux-là l’ayant dépouillé et l’ayant blessé,
, le laissant À MOITIÉ-MORT.
··················································································································
. 31 D’aventure, un prêtre descendit par cette route
et le voyant, .
32
. De même aussi un lévite vers cet endroit venant
et le voyant, .
33
Un Samaritain en voyage vint vers lui
et le voyant, fut pris de compassion.
. 34 Allant près (de lui),
il banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin ;
. et l’ayant chargé sur sa propre monture,
il le conduisit à l’auberge et prit-soin de lui.
··················································································································
: 35 Le lendemain, tirant deux deniers, il les donna à l’aubergiste
et il dit :
: “Prends-soin de lui et ce que tu aurais dépensé en plus,
à mon retour je te le redonnerai.”

• 36 QUI de ces trois penses-tu avoir été LE PROCHAIN de celui qui était tombé sur les brigands ? »

– 37 Il dit :
· « Celui qui A FAIT la miséricorde envers lui. »
+ Jésus lui dit :
· « Va et FAIS de même. »
336 Roland MEYNET

Un autre exemple de double foyer interrogatif est fourni par la séquence de


Ct 5,2–6,3 :

5,2 Moi je dors, mais mon cœur veille ; la voix de MON BIEN-AIMÉ frappe.
« Ouvre-moi, ma sœur, MA COMPAGNE, ma COLOMBE, ma parfaite,
car MA TÊTE est pleine de rosée, MES BOUCLES, des gouttes de la nuit. »
3
« J’ai ôté ma tunique, comment la vêtirais-je ?
J’ai lavé mes pieds, comment les salirais-je ? »
4
MON BIEN-AIMÉ a passé LA MAIN par la fente, et MON VENTRE a frémi pour lui.
5
Je me suis levée, moi, pour ouvrir à MON BIEN-AIMÉ ;
et de MES MAINS A DÉGOUTTÉ LA MYRRHE, de mes doigts la myrrhe liquide
sur la poignée du verrou.
6
J’ai ouvert moi à MON BIEN-AIMÉ, et MON BIEN-AIMÉ se déroba, s’enfuit ;
J’ai rendu l’âme à cause de sa disparition,
je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé, je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu.
7
M’ont trouvée les gardes, ceux qui font la ronde dans la ville ;
ils m’ont frappée, ils m’ont blessée, ils m’ont enlevé mon manteau,
les gardes des remparts.
8
Je vous en conjure, FILLES DE JÉRUSALEM, si vous trouvez MON BIEN-AIMÉ,
que lui déclarerez-vous ? Que je suis malade d’amour, moi.

9
Qu’a donc TON BIEN-AIMÉ de plus qu’UN BIEN-AIMÉ, ô la plus belle des femmes ?
Qu’a donc TON BIEN-AIMÉ de plus qu’UN BIEN-AIMÉ, pour qu’ainsi tu nous conjures ?

10
MON BIEN-AIMÉ est frais et vermeil, reconnaissable entre dix mille.
11
SA TÊTE est d’or, d’or-pur ;
SES BOUCLES des palmes, noires comme le corbeau.
12
Ses yeux comme des COLOMBES, au bord des eaux
se baignant dans le lait, demeurant sur la berge.
13
Ses joues comme des parterres embaumés, des massifs parfumés.
Ses lèvres des anémones ; DÉGOUTTANT DE MYRRHE vierge.
14
SES MAINS des globes d’or, sertis de chrysolithes ;
SON VENTRE une masse d’ivoire, couverte de saphirs ;
15
Ses jambes des colonnes d’albâtre, posés sur des bases d’or-pur.
Son aspect comme le Liban, distingué comme les cèdres.
16
Son palais est la suavité même, et il n’est que délices.
Tel est MON BIEN-AIMÉ, tel est MON COMPAGNON, FILLES DE JÉRUSALEM.

6,1 Où est parti TON BIEN-AIMÉ, ô la plus belle des femmes ?


Où s’est tourné TON BIEN-AIMÉ, que nous le cherchions avec toi ?

2
MON BIEN-AIMÉ est descendu à son jardin, aux parterres embaumés,
pour paitre dans les jardins, et pour cueillir des anémones.
3
Je suis à MON BIEN-AIMÉ et MON BIEN-AIMÉ est à moi
QUI PAIT parmi les anémones.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 337

Les cinq passages sont liés du point de vue narratif : le premier s’achève par
une requête adressée par la bien-aimée aux « filles de Jérusalem » (5,8). Ces
dernières lui demandent alors ce que son bien-aimé a de particulier (9). Elle leur
répond en en brossant un portrait détaillé (10-16). Alors, avec une seconde
double question les filles de Jérusalem lui demandent où son ami est parti (6,1),
à quoi elle répond dans le dernier passage qu’ils se sont retrouvés (6,2-3). Au
long récit initial où les deux amants se cherchent mais ne se trouvent pas
correspond le court passage final où ils sont enfin réunis.
Les trois passages principaux sont articulés par deux courts passages qui
contiennent chacun une question redoublée (5,9 ; 6,1) ; les premières questions
s’achèvent par la même apostrophe, « ô la plus belle des femmes », les secondes
par une proposition subordonnée, causale dans le premier cas, finale dans le
deuxième.
Le premier passage a beaucoup de vocables en commun avec la description du
passage central : « tête » et « boucles » jouent le rôle de termes initiaux (5,2c.
11ab), « colombe(s) » revient en 2b et 12a, « main(s) » et « ventre » en 4-5 et 14,
enfin les deux occurrences de « filles de Jérusalem » (8.16) remplissent la fonc-
tion de termes finaux.
« Ma compagne » du début du premier passage (5,2) trouve son correspondant
avec « mon compagnon » de la fin du passage central (5,16) ; il faut ajouter que
« qui fait paitre » (rō‘eh) à la fin de la séquence est en rapport de paronomase
avec « compagnon » (rē‘î). « Bien-aimé » revient dix-sept fois dans la séquence.
La deuxième partie relie les passages qui l’encadrent : d’une part, le lien avec
la première partie est assuré par la reprise du verbe « conjurer » (5,8a.9b),
d’autre part la longue description enthousiaste de la partie centrale répond à la
question des filles de Jérusalem, qui demandent ce que le bien-aimé a de plus
que les autres.
L’avant-dernière partie (6,1) renvoie, par-delà la description centrale, à la
première partie : le bien-aimé était « parti » (6,1), il s’était « enfui » (5,6), sa
compagne l’avait « cherché » en vain (6c), et elle avait confié aux filles de
Jérusalem un message pour lui au cas où elles le trouveraient. La réponse à leur
dernière question est qu’il est revenu à elle : à la rencontre manquée du début
s’oppose les retrouvailles de la fin.

Les deux foyers de la construction elliptique représentent un cas particulier de


binarité, qui est une des deux caractéristiques fondamentales de la rhétorique
biblique18. Dans cette séquence du Cantique la binarité est redoublée, puisque
chacun des deux foyers comprend deux questions.

18
R. MEYNET, Traité (cf. nt. 5), 15-21.
338 Roland MEYNET

+ 2,41 Ses parents allaient


. tous les ans À JÉRUSALEM pour la fête de la Pâque.
42
+ Quand il atteignit douze ans,
. ses parents MONTÈRENT avec lui selon la coutume de la fête des Azymes.
43
+ Ayant achevé les jours,
. tandis qu’ils s’en retournaient, l’enfant Jésus resta À JÉRUSALEM.

: Et ses parents ne (le) surent pas.

– 44 Or pensant
. qu’il était DANS LA CARAVANE,
– ils firent une journée de chemin,
. et ils le cherchèrent PARMI LEURS PARENTS ET CONNAISSANCES.
········································································································
45
NE LE TROUVANT PAS, ils retournèrent À JÉRUSALEM EN LE CHERCHANT.
········································································································
– 46 Et il arriva qu’après trois jours
– ILS LE TROUVÈRENT DANS LE TEMPLE,
– assis AU MILIEU DES DOCTEURS,

. les écoutant
. et les interrogeant.

47
Et tous s’extasiaient en l’écoutant
DEVANT L’INTELLIGENCE DE SES RÉPONSES.
48
En le voyant ils furent frappés.

– Et sa mère lui dit :


: « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait ainsi ?
. Voici, TON PÈRE ET MOI étant angoissés
. NOUS TE CHERCHIONS. »
·········································································································
– 49 Et il leur dit :
: « Pourquoi ME CHERCHIEZ-VOUS ?
. Ne saviez-vous pas
. qu’il me faut être CHEZ MON PÈRE ?»

: 50 Mais eux ne comprirent pas la parole qu’il leur disait.

+ 51 Et il DESCENDIT avec eux


. et il vint À NAZARETH et il leur était soumis.
Et sa mère gardait toutes ces paroles dans son cœur.
52
+ Et Jésus grandissait
. en sagesse, taille et grâce devant DIEU et LES HOMMES.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 339

Le récit de Lc 2,41-52 présente une configuration particulière : en effet, les


deux segments de reliure sont non seulement en relation d’identité entre eux,
mais aussi d’opposition avec le centre de tout le passage, ce passage ayant le
statut de séquence dans la première section du troisième évangile.
Les parties extrêmes rapportent d’abord la montée de Jésus et de ses parents
« à Jérusalem » jusqu’au moment où ils s’en retournent (41-43b) et en finale leur
retour effectif « à Nazareth » (51-52).
La troisième partie (44-46) raconte comment les parents de Jésus le « cher-
chent », d’abord dans la caravane puis à Jérusalem, jusqu’au moment où ils le
retrouvent dans le temple. La partie symétrique (48b-49) rapporte le dialogue
entre Jésus et sa mère : Jésus reproche à ses parents de l’avoir « cherché » et
définit le temple où il était resté comme la maison de son « Père ».
Enfin la partie centrale (47-48a) focalise l’ensemble du passage-séquence sur
« l’intelligence » de Jésus.
Quant aux deux foyers (43c.50), ils ont le même sujet, « ses parents », et les
verbes, tous deux affectés de la négation, soulignent leur ignorance : d’abord ils
« ne savent pas » que leur fils est resté à Jérusalem, tandis qu’ils s’en retour-
naient chez eux, ensuite ils « ne comprirent pas » ce qu’il leur disait. Cette
double ignorance s’oppose à « l’intelligence » des réponses que Jésus fait aux
docteurs au centre du texte. Il faut remarquer en outre que ce n’est pas « en
écoutant » leur fils qu’ils sont « frappés », mais « en le voyant », comme s’ils
n’avaient pas entendu ses réponses et n’avaient pas pu avoir connaissance de son
« intelligence », ce qui serait encore une manifestation de leur ignorance.
Cette composition est différente de celles qui ont été examinées jusqu’ici, car
elle combine, pour ainsi dire, la composition concentrique avec la composition
elliptique : en effet, le centre général (47-48a) est en relation étroite avec les
deux foyers, relation d’opposition où « l’intelligence » de Jésus prend d’autant
plus de relief qu’elle est mise en relation avec l’inintelligence de ses parents. Ce
fait, évidemment, ne saurait être négligé, bien au contraire, pour l’interprétation
de la séquence19.

L’exemple suivant est de la dimension d’une longue « séquence » (Mc 14,1-


52), la première de la Passion de Jésus. Cette séquence, qui ne comprend pas
moins de neuf « passages », est complexe, car ses trois sous-séquences sont
reliées par deux passages qui sont en relation étroite avec le passage central de la
séquence20. Cet exemple est donc du même type que le précédent.

19
Voir R. MEYNET, L’évangile de Luc (cf. nt. 7), 152-153 où l’interprétation se développe en
deux paragraphes intitulés : « La sagesse de Jésus » et « L’incompréhension des parents ».
20
Voir R. MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection du Seigneur dans les
évangiles synoptiques, RhSem 14, Pendé 2013, 83-123 ; ID., L’évangile de Marc, RhSem 16,
Pendé 2014, 429-468.
340 Roland MEYNET

Les autorités cherchent à tuer Jésus 14,1-2

L’ONCTION DE PARFUM 3-9

JUDAS cherche à donner Jésus 10-11

Les disciples invités À MANGER LA PÂQUE avec Jésus 12-16

Jésus annonce la trahison d’un disciple 17-21

LA CÉLÉBRATION DE LA PÂQUE 22-25

Jésus annonce l’abandon d’un disciple 26-31

Les disciples invités À BOIRE LA COUPE avec Jésus 32-42

JUDAS trahit Jésus 43-46


LE COUP D’ÉPÉE 47
Les disciples abandonnent Jésus 48-52

La première et la dernière sous-séquence (1-11 et 43-52) se correspondent. En


termes médians, Judas cherche d’abord le moyen de livrer son maitre (10-11) et
il réalise enfin son dessein (43-46) ; dans le premier passage (1-2) « les grands
prêtres et les scribes » cherchent comment s’emparer de Jésus, à la fin Jésus leur
dit que « c’est afin que s’accomplissent les Écritures » que cela arrive (49) ;
enfin on peut voir un rapport entre la violence exercée contre la femme de
Béthanie (5) et le coup d’épée à Gethsémani (47).
Encadrant la sous-séquence centrale (17-31), deux passages symétriques (12-
16 et 32-42) qui, à première vue, sont très différents et n’ont pas grand-chose à
voir l’un avec l’autre. Toutefois, si on les met en rapport avec le passage central
de la séquence (22-25), des liens très forts se révèlent, signalés par quelques
reprises lexicales. « Manger » se retrouve dans le premier foyer (12-16) et au
centre de la séquence (22) ; « coupe » revient dans le passage central (23) et
dans le second foyer (36). Jésus entend « manger la Pâque avec » ses disciples
(14), eux qui avaient dit « afin que tu manges la Pâque » (12) ; il prend « avec »
lui trois de ses disciples (33), mais dormant, ils ne sont pas avec lui.
Reste une question sur cette composition : étant donné que les deux passages
qui assurent le passage entre les trois sous-séquences sont développés, peut-on
les considérer comme les deux foyers d’une composition elliptique ?
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 341

14,1 Or c’était la Pâque et les Azymes après deux jours : les grands prêtres et les scribes cherchaient comment,
s’emparant de lui par ruse, ils le tueraient. 2 Car ils disaient : « Pas durant la fête, de peur qu’il y ait un tumulte du
peuple. »
3
Tandis qu’il était à Béthanie, dans la maison de Simon le Lépreux, tandis qu’il était à table, vint une femme
ayant un flacon de parfum d’un nard pur de grand prix. Ayant brisé le vase, elle le versa sur sa tête. 4 Il y en
avait certains à s’indigner entre eux : « En vue de quoi cette perte du parfum est-elle advenue ? 5 Car ce parfum
aurait pu être vendu plus de trois cents deniers et être donné aux pauvres ! »
Et ils s’irritaient contre elle.
6
Mais Jésus dit : « Laissez-la ; pourquoi lui causez-vous des ennuis ? C’est une bonne œuvre qu’elle a
accomplie pour moi. 7 Car vous avez toujours les pauvres avec vous et quand vous voulez, vous pouvez leur
faire du bien, mais moi vous ne m’avez pas toujours. 8 Ce qu’elle a pu, elle l’a fait : d’avance elle a parfumé
mon corps en vue de la sépulture. 9 En vérité je vous dis : partout où sera proclamée la bonne nouvelle dans le
monde entier, aussi ce qu’elle a fait on en parlera en souvenir d’elle. »
10
JUDAS Iscariote, L’UN DES DOUZE, alla vers les grands prêtres afin de le leur -donner. 11 Ayant entendu, ils se réjouirent
et lui promirent de lui donner de l’argent. Et il cherchait comment il le -donnerait au bon-moment.

12 Et le premier jour des Azymes, quand ils immolaient la Pâque, ses disciples lui disent : « Où veux-tu que nous allions
préparer afin que tu MANGES la Pâque ? » 13 Et il envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez dans la ville et vous
rencontrera un homme portant une cruche d’eau ; accompagnez-le 14 et où il entrera, dites au maitre-de-maison que : “Le
Maitre dit : ‘Où est ma salle, où je MANGERAI la Pâque AVEC mes disciples’ ?” 15 Et lui vous montrera une salle-haute grande,
garnie, préparée ; et là préparez pour nous. » 16 Et les disciples sortirent et ils vinrent à la ville, et ils trouvèrent comme il leur
avait dit et ils préparèrent la Pâque.

17
Le soir venu, il vient AVEC les Douze 18 et, tandis qu’ils étaient à table et qu’ils mangeaient, Jésus dit : « En
vérité je vous dis que l’un de vous me -donnera, celui-qui mange AVEC moi. » 19 Ils commencèrent à s’attrister
et lui dirent, l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? » 20 Mais lui leur dit : « L’un des Douze, celui qui plonge
21
AVEC moi la main dans le plat. Car le Fils de l’homme s’en va comme il est écrit de lui, mais malheur à cet
homme-là par qui le Fils de l’homme est -donné ! Il eût mieux valu qu’il ne soit pas né cet homme-là. »
22 Et tandis qu’ils MANGEAIENT, ayant pris du pain, ayant dit la bénédiction, il le rompit et le leur donna et dit :
« Prenez, ceci est mon corps. » 23 Et ayant pris une COUPE et ayant rendu grâces, il leur donna et ils en BURENT
tous 24 et il leur dit : « Ceci est mon sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup. 25 En vérité, je vous dis que
je ne BOIRAI plus du produit de la vigne, jusqu’au jour où je le BOIRAI nouveau dans le royaume de Dieu. »
26
Après le chant des psaumes, ils sortirent vers le Mont des Oliviers. 27 Et Jésus leur dit : « Vous serez tous
scandalisés ; car il est écrit : “Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées.” 28 Mais après m’être
dressé, je vous précéderai en Galilée. » 29 Pierre lui déclara : « Même si tous sont scandalisés, du moins pas
moi ! » 30 Et Jésus lui dit : « En vérité, je te dis que toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq ne crie
deux fois, tu m’auras renié trois fois. » 31 Mais lui disait de plus belle : « Même s’il me fallait mourir AVEC toi,
non je ne te renierai pas. » Et tous en disaient autant.

32 Et ils viennent à un domaine dont le nom est Gethsémani et il dit à ses disciples : « Asseyez-vous ici tandis que je prierai. »
33 Et il prend Pierre, Jacques et Jean AVEC lui et se mit à être effrayé et angoissé 34 et il leur dit : « Mon âme est triste à en
mourir ; restez ici et veillez. » 35 Et s’étant éloigné un peu, il tombait à terre et priait afin que, s’il était possible, passe loin de lui
l’heure. 36 Et il disait : « Abba, Père, tout est possible pour toi ; emporte cette COUPE loin de moi. Mais non ce que je veux,
mais ce que tu veux toi ! » 37 Et il vient et les trouve endormis, et il dit à Pierre : « Simon, tu dors ? Tu n’as pas pu veiller une
seule heure ? 38 Veillez et priez afin que vous ne veniez pas en tentation. L’esprit est prompt, mais la chair est faible. » 39 Et de
nouveau s’en étant allé, il priait, disant les mêmes paroles. 40 Et de nouveau étant venu, il les trouva endormis, car leurs yeux
étaient alourdis, et ils ne savaient quoi lui répondre. 41 Et il vient une troisième fois et il leur dit : « Vous dormez encore et vous
vous reposez ? C’en est fait, l’heure est venue. Voici qu’est -donné le Fils de l’homme dans les mains des pécheurs. 42 Levez-
vous, allons : voici que celui qui me -donne est proche. »

43
Et aussitôt, comme il parlait encore, arrive JUDAS, L’UN DES DOUZE, et avec lui une foule avec épées et bâtons de chez les
grands prêtres, les scribes et les anciens. 44 Celui qui le -donnait leur avait donné un signal disant : « Celui que
j’embrasserai, c’est lui ; emparez-vous de lui et emmenez-le sous bonne-garde. » 45 Et étant venu aussitôt, s’étant
avancé vers lui, il dit : « Rabbi. » Et il l’embrassa. 46 Or eux jetèrent les mains sur lui et s’emparèrent de lui.
47
Or l’un de ceux se tenant là, ayant tiré l’épée, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva son oreille.
48
Et répondant, Jésus leur dit : « Comme contre un bandit vous êtes sortis avec épées et bâtons pour me prendre.
49
Chaque jour j’étais parmi vous dans le temple enseignant, et vous ne vous êtes pas emparés de moi. Mais (c’est)
afin que soient accomplies les Écritures. » 50 Et l’abandonnant, ils s’enfuirent tous. 51 Et un jeune homme le suivait,
enveloppé d’un drap sur sa nudité, et ils s’emparent de lui. 52 Mais lui, lâchant le drap, nu il s’enfuit.
342 Roland MEYNET

1
Au maitre de chant. Sur « la biche de l’aurore ». Psaume, de David.
2
MON DIEU, MON DIEU, pourquoi m’as-tu abandonné ? LOIN de mon SALUT, les paroles que je rugis !
3
MON DIEU, j’appelle le jour et TU NE RÉPONDS PAS, et la nuit et point de repos pour moi.
4
Et toi, tu es le Saint, habitant les louanges d’Israël :
5
en toi se fiaient NOS PÈRES, ils se fiaient et tu les DÉLIVRAIS,
6
vers toi ils criaient et ils échappaient, en toi ils se fiaient et ils n’avaient-pas-honte.
7
Et moi, vermisseau et non homme, risée d’adam et mépris du PEUPLE :
8
tous ceux qui me voient me bafouent, ils ricanent de leur lèvre, ils hochent la tête :
9
« Il s’est remis à YHWH, qu’il le DÉLIVRE, qu’il le libère, puisqu’il s’est plu en lui ! »
10
Car toi, tu m’as tiré du ventre, mis-en-confiance sur les seins de MA MÈRE ;
11
sur toi je fus jeté dès les entrailles; dès le ventre de MA MÈRE, tu es MON DIEU, toi.

12
NE SOIS PAS LOIN de moi car l’angoisse est proche, car point de SECOURANT !

13
Me cernent des TAUREAUX nombreux, de fortes-bêtes de Bashân m’encerclent ;
14
bâille contre moi leur bouche, LION lacérant et rugissant.
15
Comme l’eau je m’écoule et se disloquent tous mes os ;
mon cœur est comme la cire, fondant au milieu de mes viscères ;
16
est sèche comme un tesson ma force, et ma langue est collée à ma mâchoire.

Et dans LA POUSSIÈRE de LA MORT tu me couches.


17
Car me cernent des CHIENS, une bande de vauriens m’entourent;
18
Ils ont troué mes MAINS et mes pieds, je compte tous mes os.
Eux observent, me regardent,
19
ils partagent mes habits entre eux et sur mon vêtement ils jettent le sort.

20
Et toi, YHWH, NE SOIS PAS LOIN, ô ma vigueur, à mon SECOURS hâte-toi.
21
DÉLIVRE de l’épée mon ÂME, de la MAIN du CHIEN, mon unique.
22
SAUVE-moi de la bouche du LION, et des cornes des BUFFLES. TU M’AS RÉPONDU.

23
Je raconterai ton nom à MES FRÈRES, au milieu de l’assemblée je te louerai :
24
« Les craignant YHWH, louez-le, toute LA DESCENDANCE de Jacob, glorifiez-le,
Redoutez-le, toute LA DESCENDANCE d’Israël ! »
25
Car il ne méprisa ni ne dédaigna la misère du miséreux,
il n’a pas caché sa face de lui, mais, invoqué par lui, il écouta.
26
De toi ma louange dans l’assemblée nombreuse, mes vœux j’accomplirai devant ses craignant.
27
Ils mangeront les humiliés et seront rassasiés, ils loueront YHWH ses cherchant :
« QUE VIVE votre cœur à jamais ! »
28
Se souviendront et reviendront vers YHWH tous les lointains de la terre
et se prosterneront devant toi toutes LES FAMILLES des nations.
29
Car à YHWH la royauté, et il est maître dans les nations.
30
Ils ont mangé et se prosterneront tous les gras de la terre,
devant lui se courberont tous les descendant à LA POUSSIÈRE
et qui son ÂME NE FAIT PAS VIVRE.
31
UNE DESCENDANCE le servira, il sera raconté sur LE SEIGNEUR à la GÉNÉRATION ;
32
ils viendront et annonceront sa justice à un PEUPLE À NAITRE, CAR IL A FAIT.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 343

Le psaume 22 est lui aussi de composition elliptique : ses trois grandes parties
— toutes trois comprenant deux ou trois sous-parties — sont reliées par deux
courtes parties (12 et 20-22) qui représentent les foyers de la construction21.
Adressée à « mon Dieu » (2-3.11), la première partie (2-11) est la plainte que
fait monter le psalmiste vers le Seigneur. Il reproche d’abord à Dieu de l’avoir
abandonné, ce qu’il ne faisait pas avec ses pères ; il expose ensuite le mépris
dans lequel il est tenu actuellement alors que dès avant sa naissance la confiance
divine lui était acquise.
La partie centrale (13-19) revient sur la situation terrible du psalmiste, agressé
par des « vauriens » assimilés à des animaux féroces ; au centre (16b) seulement,
le psalmiste s’adresse à Dieu, comme pour lui reprocher de le faire mourir.
Dans la dernière partie (23-32) le psalmiste, désormais sauvé, raconte à ses
« frères » comment sa plainte a été « écoutée » par le Seigneur (23-27) ; la lou-
ange s’étend à « toutes les familles des nations » (28-30), jusqu’aux générations
futures rassemblées dans « un peuple à naitre » (31-32).
Les parties de reliure se distinguent des trois autres, car ce sont les seules
supplications du psaume. Si la seconde (20-22) est notablement plus développée
que la première (12), c’est qu’elle suit la partie centrale où l’angoisse est portée à
son paroxysme avec la perspective de la mort. Les deux parties commencent par le
même impératif négatif. Alors que la première fois les paroles du psalmiste
s’achevaient par la constatation qu’il n’y avait pour lui « point de secourant », la
deuxième fois, le premier segment s’achève par un appel au « secours ».
Ces parties ont nombre de points de contact formels avec les autres parties.
– Avec la première partie : les deux occurrences de « ne sois pas loin » (12.20)
rappellent « loin de mon salut » (2) ; de même « sauve-moi » (22) rappelle
« mon salut » (2) et « délivre » (21) les deux occurrences de « délivrer » (5.9).
« Tu m’as répondu » (22) s’oppose à « tu ne réponds pas » (3). « Et toi » de 20
se trouvait déjà au début de 4. « Lion » (22) renvoie à « rugit » de 2.
– Avec la partie centrale : y sont repris « bouche » (14.22) et « main(s) » (17. 21),
« lion » (14.22) et « chien(s) » (17.21 ; « buffles » à la fin de la deuxième partie de
reliure (22) correspond à « taureaux » au début de la partie précédente (13).
– Avec la dernière partie. « Âme » est le seul terme commun aux deux dernières
parties (21.30c). À la fin de la dernière partie « car il a fait » (32) semble corres-
pondre à « tu m’as répondu » à la fin de la deuxième partie de reliure (22) : non
seulement ce sont des propositions en elles-mêmes, qui se détachent ainsi de ce
qui précède, mais elles se correspondent aussi du point de vue du sens : ce que le
Seigneur « a fait » fut de « répondre » à la supplication du psalmiste.
Si tout le psaume est focalisé sur le segment central, « Et dans la poussière de
la mort tu me couches », les supplications des deux parties de reliure peuvent
être considérées comme les deux foyers d’une construction elliptique : c’est
l’angoisse de la mort qui pousse le psalmiste à supplier avec foi son Seigneur.

21
Cf. F. GRAZIANO, « Il Salmo 22. La preghiera del Servo di Yhwh », in R. MEYNET –
J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical & Semitic Rhetoric,
ReBibSem 2, Roma 2013, 65-85 ; R. MEYNET, Le Psautier. Premier livre (cf. nt. 7), 271-288.
344 Roland MEYNET

1
Du maitre-de-chant, psaume de David.

+ 2 HEUREUX qui pense au faible


+ au jour de MALHEUR le délivrera YHWH.
························································································································
= 3 YHWH le gardera ET LE FERA-VIVRE
= et le FERA-HEUREUX sur la terre
.. et tu ne le donneras pas à LA GORGE de SES ENNEMIS ;
4
= YHWH le soutiendra sur (son) lit de souffrance
.. toute sa couche tu retourneras dans sa maladie.

5
MOI, j’avais dit : YHWH aie-pitié de moi,
guéris MON ÂME car j’ai péché contre toi.

– 6 MES ENNEMIS disent LE MALHEUR pour moi :


– quand MOURRA-T-IL ET PÉRIRA son nom ?
. 7 Et si un vient pour (me) voir,
. une fausseté parle son cœur ;
. il rassemble l’iniquité pour lui
. il sort, dehors il parle.
·················································································································
8
Ensemble contre moi chuchotent tous MES HAÏSSANT
contre moi ils méditent LE MALHEUR pour moi.
·················································································································
– 9 Une chose de Bélial a fondu sur lui
– et maintenant qu’il est couché IL NE POURRA PLUS SE RELEVER.
. 10 Même l’homme de ma paix
. lequel je me fiais de lui
. en mangeant mon pain
. lève contre moi le talon.

11
Et TOI, YHWH, aie-pitié de moi
et RELÈVE-MOI et je repaierai eux.

= 12 À cela j’ai su que tu t’es plu en moi


= quand ne-cria-pas-victoire MON ENNEMI contre moi ;
= 13 et moi pour mon intégrité tu as supporté moi
= et tu me feras tenir devant toi pour toujours.
·······················································································································
14
+ BÉNI YHWH,
+ Dieu d’Israël,
+ de toujours et jusqu’à toujours.
+ Amen et amen !
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 345

Le Ps 41 est le dernier psaume du premier livre du Psautier. Au début de la


première partie celui qui prend soin du « faible » est déclaré « heureux » (2a),
car le jour où il tomberait dans le « malheur », le Seigneur l’en délivrerait (2b).
Le second morceau développe le dernier membre du premier morceau : Yhwh le
protégera contre ses ennemis (3) et même le soignera durant sa maladie comme
le ferait une mère (4).
Dans la longue partie centrale le psalmiste décrit la situation de « malheur »
où il est tombé. Le premier morceau (6-7) est consacré à l’attitude de ses « enne-
mis » qui n’attendent qu’une chose : qu’il meure ! (6) ; l’un d’eux lui rend visite,
mais ce n’est que pour l’accabler (7). Le morceau symétrique (9-10) est parallèle
au premier : maintenant ce sont ses amis qui eux aussi prévoient sa mort (9) ;
celui en qui il avait confiance se retourne contre lui tout en profitant de lui (10).
Le court morceau central (8) joint les deux morceaux qui l’encadrent, en réunis-
sant ennemis et amis qui « ensemble » le « haïssent » et « méditent » également
son « malheur ».
Dans la dernière partie (12-14) le psalmiste « bénit » Yhwh parce que, à cause
de son « intégrité », son « ennemi » ne l’a pas emporté sur lui. Ainsi, la béné-
diction finale (14) correspond au macarisme initial (« Heureux » en 2a et « le
fera-heureux » en 3b).
Quant aux deux courtes parties de reliure (5 et 11), elles sont les foyers de la
construction elliptique. Alors que la première commence par « moi », la seconde
commence par « Et toi », ce qui fait penser qu’un décentrement s’est opéré de
l’une à l’autre. Dans le deuxième foyer le psalmiste demande à « Yhwh »
d’« avoir pitié » de lui au présent, tandis que dans le premier il rappelle qu’il
l’avait supplié dans le passé. La différence majeure entre ces deux parties se voit
dans leurs seconds membres : au début le psalmiste attribue la maladie dont il
souffre à son « péché », à la fin au contraire à ses ennemis qu’il promet de « re-
payer » ce qu’ils lui ont fait.
C’est qu’il a fini par prendre conscience que sa maladie était causée par
l’acharnement de ceux qui en voulaient à sa vie, qui avaient même réussi par
leurs calomnies à éloigner de lui ses amis et à leur faire partager leur méchan-
ceté, qui surtout avaient fini par l’amener à se persuader de sa culpabilité. Tel est
le comportement habituel du pervers22. C’est en constatant la collusion entre
ennemis et amis qu’il découvre que le péché n’est pas en lui, mais qu’il habite
ses bourreaux ; et c’est pourquoi il ne demande plus au Seigneur de le « guérir »
(5b), mais de le « relever » pour qu’il puisse affronter le mal qu’on lui fait (11b).
C’est en ce retournement que consiste sa guérison.
Cet exemple illustre bien comment les deux foyers de la composition rem-
plissent la fonction de clé de lecture de l’ensemble du psaume.

22
Voir, par exemple, M.-F. IRIGOYEN, Le harcèlement moral. La violence perverse au quoti-
dien, Paris 1998.
346 Roland MEYNET

1
Du maitre-de-chant, sur instruments à corde, psaume, chant.

+ 2 Que DIEU NOUS ait-en-pitié et NOUS BÉNISSE,


+ qu’il fasse-briller son visage sur NOUS,
– 3 pour que soit connu sur LA TERRE ton chemin,
– chez TOUS LES PAÏENS ton salut.

: 4 Qu’ils te rendent-grâces LES PEUPLES, DIEU,


: qu’ils te rendent-grâces LES PEUPLES, TOUS !

5
Que jubilent et chantent LES NATIONS
car tu juges LES PEUPLES avec droiture
et LES NATIONS sur LA TERRE tu conduis.

: 6 Qu’ils te rendent-grâces LES PEUPLES, DIEU,


: qu’ils te rendent-grâces LES PEUPLES, TOUS !

– 7 LA TERRE a donné sa récolte


+ il NOUS BÉNIT DIEU
NOTRE DIEU
+ 8 il NOUS BÉNIT DIEU
– et craignent lui TOUS les confins de LA TERRE.

Les parties extrêmes du Ps 67 sont les seules où apparaisse le pronom de


première personne du pluriel. La première partie est une demande (2) motivée
par une finalité (3) : que le « salut » de Dieu en faveur d’Israël (2) soit connu
chez « les païens » (3). Dans la dernière partie, ce que le Seigneur « a donné » à
Israël (7), sa bénédiction (7b-8a) provoque la crainte chez les païens jusqu’aux
« confins de la terre » (8b).
Au centre, il n’est plus question d’une quelconque distinction entre le peuple
d’Israël et les autres peuples : le Seigneur y est présenté comme celui qui
« juge » et « conduit » tous les peuples de « la terre » (5).
Les parties de reliure confirment cette lecture (4.6) : ce sont « tous » les
peuples qui sont invités à rendre grâce à Dieu. Le fait que ces parties sont
identiques a pour effet de renforcer l’affirmation. En outre il faut remarquer que
« Yhwh », le nom propre du Dieu d’Israël, n’apparait pas une seule fois, comme
pour marquer que le « Dieu » invoqué tout au long du psaume est le Dieu de tous
et pas seulement celui du peuple élu (7c).
Préoccupée de trouver le Sitz im leben, la situation sociale qui aurait donné
naissance au psaume, la critique historique y a reconnu, en s’appuyant sur le verset
7, un chant pour les récoltes. Le sens métaphorique de « récolte » est plus
probable : le fruit que porte Israël est de transmettre à tous les peuples la lumière
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 347

de la révélation. La composition concentrique du psaume qui rappelle celle du


chandelier à sept branches, l’a fait appeler, au moins depuis le 14e siècle, le
psaume-menora ; son sens aussi lui fait mériter ce beau nom23.

Le parcours s’achèvera avec un texte non biblique, mais dû à la plume d’un


homme tellement habité par la bible qu’il en partage la rhétorique24.

– Vers BETHLÉEM l’esprit tournons, 1


– à la grotte et à la mangeoire pour nous agenouiller, 2
:: là où repose l’incontenable DANS LES CIEUX, 3
:: LE VERBE co-éternel 4
:: au Père et à l’Esprit. 5

= Volontairement dans notre nature DIEU s’est incarné. 6

-- Les chœurs des non-corporels avec les bergers, sans aucun doute, 7
-- de CHRIST la descente à tous les terrestres 8
-- annoncent : 9
+ « Gloire – criant – DANS LES HAUTEURS 10
= et SUR TERRE paix ! » 11

+ LE CRÉATEUR du monde l’Éden ouvre. 12

– Isaïe joyeusement danse, 13


– l’incarnation du CHRIST prêchant 14
– à BETHLÉEM et À LA TERRE de Judée, 15
:: que la Vierge a conçu sans semence, 16
:: en deux natures : Dieu et homme. 17

Écrit en paléoslave au 9e siècle par saint Clément d’Ocrid — disciple et suc-


cesseur des saints Cyrille et Méthode —, le premier chant du « Canon des trois
chants de la pré-fête de la Nativité (ton 1) » présente un autre exemple de com-
position elliptique.
Dans la première partie (1-5) ce sont les hommes du temps présent qui sont
invités à se rendre à la « grotte » de « Bethléem » pour vénérer celui que « les
cieux » ne peuvent contenir, « le Verbe » éternel. La partie centrale (7-11)
rapporte ce que les anges ont « annoncé » lors de la naissance du « Christ ».
Quant à la dernière partie (13-17), elle rappelle ce que, bien longtemps avant, le
prophète Isaïe avait « prêché » à Israël : la naissance virginale du « Christ ».
L’organisation de ce chant suit donc l’ordre chronologique inversé.

23
Voir R. MEYNET, « Le psaume 67. “Je ferai de toi la lumière des nations” », NRTh 120
(1998) 3-17.
24
Voir G. GJORGJEVSKI – R. MEYNET, « San Clemente di Ocrida e la retorica biblica »,
Gregorianum 98 (2017) 687-403 (692-695).
348 Roland MEYNET

Les segments de reliure offrent l’interprétation théologique des faits rapportés


dans les trois parties les plus développées : d’abord l’incarnation de Dieu dans
notre nature humaine (6), puis la réouverture de « l’Éden » que « le Créateur »
avait fermé après la faute du couple originel. Là aussi, l’ordre chronologique est
inversé.

Au vu des douze exemples de composition à double foyer présentés — sans


compter ceux qui n’ont pas pu trouver place ici25 —, il semble que l’on puisse
conclure qu’il existe bien une figure de composition qui n’avait pas encore été
mise en évidence de façon claire et documentée. Les exemples ne sont pas très
nombreux, il est vrai, mais le corpus dans lequel ils ont été trouvés n’est pas très
étendu. Il faut ajouter que, aux niveaux supérieurs — « passage », « séquence »,
« section » et « livre » —, si les compositions parallèles ne sont pas rares et si les
concentriques sont fort nombreuses, le nombre des compositions spéculaires est
au contraire très restreint. Le présent inventaire n’est le fruit que d’une première
enquête. Connaissant désormais cette figure, ses caractéristiques et ses fonctions,
les chercheurs ne manqueront pas à l’avenir d’en repérer d’autres et de pour-
suivre la réflexion méthodologique qui les concerne.

25
Am 3,1-8 : voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, RhBib 2, Paris 1994,
103-112.
Ps 51 : voir R. MEYNET, « Analyse rhétorique du Psaume 51. Hommage critique à Marc
Girard », RivBib 45 (1997) 187-226.
Ps 89 : inédit.
Ps 145 : voir R. MEYNET, « Le psaume 145 », Annales du Département des lettres arabes
(Institut de lettres orientales), Fs. Maurice Fyet, 6B (1991-92) 213-225 ; mis à jour dans StRBS 1
(01.02.2002 ; 31.03.2004) ; intégré dans Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), RBSem 12,
Leuven 2017, 603-619.
Mt 4,12-25: voir F. GRAZIANO, La composizione letteraria del vangelo di Matteo (cf. nt. 2),
385-389.
Jn 2,13-25: voir J.M. CABRERA, « The Third Day. From the beginning of Jesus’ signs in
Galilee to the announcement of his definitive sign in Jerusalem (John 2,1-25) », R. MEYNET –
J. ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic
Rhetoric, ReBibSem 2, Roma 2013, 152-155.
Une nouvelle figure : la composition à double foyer 349

Pontificia Università Gregoriana Roland MEYNET


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E-mail: r.meynet@unigre.it

RÉSUMÉ

Selon le Traité de rhétorique biblique les textes s’organisent selon trois figures de
composition : la composition parallèle (ABC/A’B’C’), la spéculaire (ABC/C’B’A’) et la
concentrique (ABC/x/A’B’C’ ou ABC/x/C’B’A’). Une quatrième figure doit s’ajouter
aux trois premières, qu’on appellera la « composition à double foyer », ou « composition
elliptique ». Comme son nom l’indique, le texte ne s’organise pas autour d’un centre
unique mais d’un centre double.

Mots-clés: rhétorique biblique, figures, composition elliptique, composition à double


foyer

ABSTRACT

According to the Treaty of Biblical Rhetoric the texts are organized according to three
compositional figures: parallel composition (ABC / A’B’C’), specular (ABC / C’B’A’)
and concentric composition (ABC / x / A’B’C’ or ABC / x / C’B’A’). A fourth figure
must be added to the first three, which will be called the «bifocal composition», or
«elliptical composition». As its name indicates, the text is not organized around a single
center but around a double center.

Keywords: biblical rhetoric, figures, elliptical composition, bifocal composition

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