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Les Zelliges du palais Al-Mansour (XVIIe siècle, Meknès, Maroc) : Données


technologiques

Article · January 2010

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4 authors, including:

Ayed Ben Amara Max Schvoerer


Université Bordeaux Montaigne UNIVERSITE DE BORDEAUX
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Max Haddad
University of Zabol
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January 2010

Phys. Chem. News 51 (2010) 24-28 PCN

ZELLIGES OF AL-MANSOUR PALACE


(XVIIe CENTURY, MEKNES, MOROCCO): TECHNOLOGICAL DATA

LES ZELLIGES DU PALAIS AL-MANSOUR


e
(XVII SIECLE, MEKNES, MAROC): DONNEES TECHNOLOGIQUES
A. Ben Amara1, A. Azzou2, M. Haddad2*, M. Schvoerer1
1
Institut de Recherche sur les ArchéoMATériaux (IRAMAT) – CRP2A, UMR5060,
CNRS /Université de Bordeaux 3, Maison de l’Archéologie, 33607 - Pessac Cedex, France.
2
Laboratoire de Spectrométrie, des Matériaux et Archéomatériaux (LASMAR), (URAC 11)
Faculté des Sciences de Meknès, BP 11201 Zitoune, 50000 Meknès, Maroc
* Corresponding author. E-mail: Ayed.Ben-Amara@u-bordeaux3.fr or mhaddad@fs-umi.ac.ma
Received: 04 August 2006; revised version accepted: 01 February 2009

Abstract
One of the restoration processes of the buildings covered with glazed ceramics consists in replacing the
missing elements. This way of making runs up against the problem of lack of data concerning the
materials and, more generally, their old techniques of manufacture. For this aim, we undertook the study
of a four differently coloured zelliges (green, honey, black and white) and a bleu glazed tile, sampled
from Al-Mansour palace (17th century, Meknes, Morocco). We made some physico-chemical analysis
concerning the colours, the texture and the composition of the different phases. All the glazes are lead
containing. The agents, responsible for the colour, are traditional. Moreover, the examination of the
texture interface between glaze and body, in natural light and cathodoluminescence, showed that the blue
tile is different from the zelliges by its dimensions, the colour of its ceramic support and the importance of
the luminescent edging at the glaze-body interface. Two different techniques seem to have been used for
the manufacture of these glazed ceramics. They are characterized by their number of firings (simple or
double) and by the fact that they are or not cut once finished.
Keywords: Zellige; Ceramic glaze; Glaze-body interface; Al-Mansour palace.

Résumé
L'un des procédés de restauration des édifices recouverts de céramiques glaçurées consiste à remplacer
les éléments manquants. Cette façon de faire se heurte au problème du manque de données sur les
matériaux mis en œuvre et d'une manière générale, sur les techniques anciennes de fabrication de ces
céramiques. Dans cet objectif, nous avons entrepris l’étude d'une série de quatre zelliges de couleurs
différentes (vert, miel, noir et blanc) et d’un carreau bleu, provenant du Palais Al-Mansour (XVIIe siècle,
Meknès, Maroc. Les analyses ont porté sur les couleurs, sur la texture et sur la composition des
différentes phases constitutives. Toutes les glaçures sont plombifères. Les ions chromogènes,
responsables de leur coloration, sont classiques. Par ailleurs, l'examen de la texture de l'ensemble
glaçure/terre cuite, en lumière naturelle et en cathodoluminescence, montre que le carreau bleu est
différent des autres zelliges par ses dimensions, la couleur de son support céramique et l'importance du
liseré luminescent à l'interface glaçure/terre cuite. Deux techniques semblent avoir été utilisées pour la
fabrication de ces céramiques glaçurées, qui se distinguent par le nombre de cuissons (mono ou
bicuisson) et par le fait qu'elles sont "taillées" ou utilisées sans découpage.
Mots clés : Zellige ; Céramique glaçurée ; Interface glaçure-terre cuite ; Caractéristiques physico-chimiques ; Palais Al-Mansour.

1. Introduction Mansour (XVIIe siècle, Meknès, Maroc). Ceci


La présence de zelliges sur un mur ou sur le sol devrait permettre d'accéder à des données sur les
d’un monument historique pose toujours un matériaux et les procédures de fabrication.
problème aux restaurateurs ; en effet, la procédure A notre connaissance, aucune étude physique
de restauration qui consiste à remplacer les n’a été réalisée auparavant sur ces zelliges. Par
zelliges manquants se heurte à l'absence de ailleurs d’autres recherches ont été effectuées sur
données sur les techniques anciennes de des zelliges datant des XIVe et XVIIIe siècles
fabrication nécessaires pour une re-création provenant des Madrasas Bu-inaniya et Filalia à
"fidèle". C'est pour cette raison que nous allons Meknès, de la Madrasa Bu-inaniya à Fès, du site
déterminer les caractéristiques physico-chimiques de Chellah à Rabat, du Palais Dar-Al Beïda à
d’une série de zelliges, prélevée au Palais Al- Meknès et du Palais Al Badie à Marrakech [1-6].

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A. Ben Amara et al, Phys. Chem. News 51 (2010) 24-28

2. Présentation du site et du matériel étudié l’usage, les teneurs sont exprimées en


Le Palais Al-Mansour appelé également Heri pourcentages pondéraux d’oxydes.
el-Mensour, porte le nom de son bâtisseur, un Les phases cristallines présentes dans la terre
chrétien converti à l'islam. Il est situé hors de la cuite ont été identifiées par diffraction des RX.
Médina à Meknès. C’est une bâtisse de forme Nous avons utilisé un diffractomètre de poudre
parallélépipédique (92 m x 79 m). La hauteur du (Siemens, Krystalloflex D500 à anticathode de
Palais varie entre 12 et 14 m [7]. Ce bâtiment cuivre, λ kα = 1,541 Å).
comporte un rez-de-chaussée et un étage.
Les quatre zelliges étudiés proviennent du sol 4. Résultats expérimentaux et discussion
d'une salle située à l'étage du Palais Al-Mansour, 4.1. Étude de la texture
au sud de la grande cour centrale. Ce sont des L'étude de la texture de l'ensemble glaçure/terre
pièces de céramique recouverte par une glaçure cuite en lumière naturelle et cathodoluminescence,
monochrome de différentes couleurs : sur des sections perpendiculaires à la surface des
- zellige vert. Ses dimensions (L x l x e), en mm, échantillons, confirme la différence entre le
sont : 33x33x18, carreau glaçuré bleu et les quatre zelliges. En
- zellige noir (30x30x21 mm3), effet, le support céramique du carreau bleu
- zellige miel (50x50x25 mm3), contient de grosses inclusions blanches et rouges,
- zellige blanc (55x50x20 mm3). observables à l'œil nu, ainsi que quelques porosités
Un carreau glaçuré bleu (75x59x39 mm3) a été de grandes dimensions, réparties aléatoirement sur
également prélevé dans un but de comparaison. Il la surface. À la loupe binoculaire, la terre cuite
se différencie par ses dimensions et son épaisseur paraît très fine. En revanche, les terres cuites des
plus importantes que les autres. Son substrat quatre autres zelliges ne contiennent pas
céramique est également beaucoup plus rouge que d'inclusions visibles à l'œil nu et sont assez peu
celui des autres zelliges, que l'on qualifierait plutôt poreuses. C'est l'observation à la loupe binoculaire
d'ocre rose. Sur les bords des zelliges vert, miel, qui révèle la présence de nombreuses inclusions de
noir et blanc, les glaçures présentent des cassures couleurs variées (rouge, blanche et noire), de
franches et bien nettes. En revanche, on peut granulométrie fine, réparties de manière
remarquer des coulures de glaçure sur le support homogène. La frontière entre la glaçure et la terre
céramique du carreau bleu. Ceci nous laisse penser cuite n’est pas nette dans le cas du zellige bleu
que ce carreau bleu n'a pas subi de découpe après alors qu'elle est bien définie dans le cas des autres
cuisson [8]. zelliges. Toutes les glaçures ont été appliquées
directement sur le support céramique sans couche
3. Méthodologie et caractéristiques physiques intermédiaire (engobe ou autre).
recherchées En cathodoluminescence, aucune des glaçures
La description de la texture a été effectuée par ne présente de luminescence. Les luminescences
cathodoluminescence (chambre Nuclide) et par mauves observées dans le cas des glaçures blanche
microscopie électronique à balayage (JEOL JSM et bleue sont dues aux cristaux de quartz [9]. La
820) sur une lame épaisse prélevée, par sciage, terre cuite du carreau bleu présente une
perpendiculairement à la surface de l’échantillon. luminescence à dominante mauve. Les zelliges
L’identification des agents chromogènes des présentent également une luminescence à
glaçures a été réalisée par spectrométrie dominante mauve mais avec de nombreuses
d’absorption optique UV-Visible en mode luminescences ponctuelles rouges et bleues. De
réflexion diffuse directement sur les zelliges à plus, dans le cas du carreau bleu, il faut noter, à
l’aide d’un spectrophotomètre UV-Visible (Cary1 l'interface glaçure/terre cuite, un liseré large qui
- Varian). La gamme spectrale balayée est luminesce en jaune. Pour les zelliges, on ne
comprise entre 300 et 900 nm. détecte pas ou peu d'émission de luminescences
Les compositions élémentaires de la glaçure et dans la zone d'interface.
de la terre cuite ont été déterminées par L'observation au MEB montre que l'épaisseur
spectrométrie de rayons X en dispersion d’énergie des glaçures varie entre 200 et 350 µm. Elle a
sur le système Link AN 10000, couplée au permis de préciser que les luminescences
microscope électronique à balayage (MEB, JEOL, observées aux interfaces ont pour origine des
JSM 820). L’analyse porte sur cinq zones cristaux de néoformation (figure 1), de forme
distinctes d’environ 2,16 mm x 1,75 mm pour la aciculaire [10]. Ils ont été identifiés comme des
terre cuite et 108 µm x 88 µm pour les glaçures. silicates mixtes d'aluminium, de potassium, de
L’analyse chimique quantitative a été réalisée à calcium et de plomb. Le développement de la zone
partir des standards de la société Oxford d'interface glaçure/terre cuite du carreau bleu
Instruments (Fremont, USA). Conformément à correspond à des interactions fortes entre ces deux

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matériaux et serait probablement le résultat de % en SiO2), calcium (21.3 % en CaO), manganèse


l'application du mélange glaçurant sur une terre (12.5 % en MnO) et plomb (8.0 % en PbO). La
crue [1,11]. présence de ces cristaux peut être le résultat de
D'autres types de cristaux de néoformation ont l'utilisation de matières premières particulières
été détectés dans la masse des glaçures verte et suivie d'un mode de cuisson favorable à leur
noire. Dans la première, ils sont riches en silicium croissance et constitue ainsi un indicateur
(50.9 % en SiO2), magnésium (21.2 % en MgO) et technologique voire de provenance. L'étude
calcium (17.5 % en CaO) alors que dans le cas de d'autres zelliges de même couleur est nécessaire
la seconde, ils sont plutôt riches en silicium (51.6 pour vérifier que leur présence est systématique.

(a) (b)
Figure 1 : Observation au MEB, en mode électrons rétrodiffusés, de l’ensemble glaçure (gris clair)/terre cuite du
carreau glaçuré bleu (a). On constate la présence de cristaux de néoformation à l’interface (b).

4.2. Étude des glaçures MnO) n'est pas suffisante pour obtenir une
À partir du tableau 1, on peut constater que coloration noire [15],
toutes les glaçures sont plombifères ; la teneur en - le fer sous forme Fe3+ (3.95 % en Fe2O3) est
plomb, exprimée en PbO, dans la glaçure noire associé à la coloration miel du zellige,
(32.31 %) est relativement faible par rapport aux - l'étain, opacifiant blanc, présent sous forme de
autres échantillons dont la concentration varie cassitérite (SnO2), est responsable de la coloration
entre 47.88 % (glaçure blanche) et 57.91 % du zellige blanc. La teneur en fer est faible
(glaçure bleue). La teneur en alcalins (sodium et (0.90 % en Fe2O3), elle n’est pas suffisante pour
potassium) ne dépasse pas 3.5 % en pourcentages conférer une coloration à la glaçure,
pondéraux d'oxydes. - le cobalt, sous la forme Co2+, colore la glaçure
La concentration relativement élevée en bleue, comme le montre la spectrométrie
aluminium dans la glaçure noire (3.57 % en d'absorption optique, qui révèle la présence de
Al2O3) supposerait l'ajout d'une argile au mélange trois bandes d’absorption à 525, 600 et 650 nm
glaçurant [12]. Celle-ci pourrait être introduite [14]. Sa concentration étant faible, ainsi il n'a pas
avec la matière colorante. Pour les autres coloris, été détecté par spectrométrie de rayons X couplée
la teneur en aluminium n'est pas très importante et au microscope électronique à balayage. Il est
proviendrait en partie de la diffusion des éléments associé à l’oxyde d'étain pour adoucir la couleur et
entre la glaçure et le support céramique [1,11]. Le masquer partiellement la couleur rouge de la terre
mélange glaçurant est globalement à base de silice cuite.
et d'un minerai de plomb qui pourrait être la L’état sous lequel les ions chromogènes sont
galène (PbS), étant donnée son abondance dans la présents suppose que la cuisson a été menée en
nature [13]. atmosphère oxydante. Seules les glaçures blanche
La spectrométrie d’absorption optique et et bleue, opaques, contiennent de l'étain à des
l’analyse élémentaire des glaçures (tableau 1) ont teneurs décelables avec la technique d'analyse
permis d’identifier la nature des éléments mise en œuvre. Les autres glaçures sont
chromogènes. Ce sont : transparentes.
- le cuivre, sous la forme Cu2+, pour la glaçure
verte dont le spectre d'absorption optique est 4.3. Étude des supports céramiques
caractérisé par une bande large entre 550 et La composition élémentaire des terres cuites est
850 nm [14], très proche (tableau 2). Les supports sont de type
- le manganèse (Mn3+) associé au fer (Fe3+) est calcique. La teneur en calcium, exprimée en CaO,
responsable de la coloration noire de la glaçure ; la varie entre 17.68 et 20.30 %. L'homogénéité de la
concentration en manganèse seule (4.43 % en composition des terres cuites peut apparaître
contradictoire avec les différences de texture entre

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le zellige bleu et les autres zelliges observées en l'argile aurait subi une préparation assez
lumière naturelle et en cathodoluminescence. On sommaire. En revanche, l'argile utilisée pour
peut émettre l'hypothèse que tous les échantillons fabriquer les zelliges aurait pu subir une
ont été préparés à partir de la même matière décantation pour éliminer les inclusions les plus
première qui aurait subi une préparation différente grosses (qui fragiliseraient le matériau lors de sa
selon l'emploi qui a été fait. Pour le carreau bleu, découpe).
Zelliges carreau
Oxydes Glaçure verte Glaçure blanche Glaçure noire Glaçure miel Glaçure bleue
SiO2 36.55 ± 3.79 38.59 ± 1.43 46.69 ± 0,59 39.00 ± 1.27 34.70 ± 1.23
Al2O3 2.37 ± 0.18 1.65 ± 0.15 3.57 ± 0.53 1.04 ± 0.11 nd
CaO 2.43 ± 0.23 3.77 ± 0.06 6.05 ± 0.28 2.67 ± 0.20 1.94 ± 0.27
MgO 0.67 ± 0.08 0.60 ± 0.04 1.05 ± 0.10 0.39 ± 0.11 0.37 ± 0.05
Na2O 0.34 ± 0.02 0.28 ± 0.04 0.39 ± 0.08 0.75 ± 0.08 0.47 ± 0.06
K2O 0.91 ± 0.10 0.94 ± 0.06 2.88 ± 0.17 1.45 ± 0.08 1.55 ± 0.12
PbO 54.49 ± 4.05 47.88 ± 1.43 32.31 ± 0.74 50.34 ± 0.98 57.91 ± 1.58
SnO2 nd 5.19 ± 0.43 nd nd 2.56 ± 0.17
Fe2O3 1.13 ± 0.09 0.90 ± 0.13 2.10 ± 0.10 3.95 ± 0.43 0.49 ± 0.06
CuO 0.72 ± 0.09 Nd nd nd nd
MnO nd Nd 4.43 ± 0.22 nd nd
CoO nd Nd nd nd nd
TiO2 0.15 ± 0.06 Nd 0.24 ± 0.05 0.19 ± 0.02 nd
Cl 0.25 ± 0.05 0.22 ± 0.08 0.16 ± 0.04 0.20 ± 0.09 nd
S nd Nd 0.47 ± 0.14 nd nd
Total 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00
Tableau 1 : Composition élémentaire des glaçures des différentes céramiques glaçurées,
exprimée en pourcentages pondéraux d’oxydes (nd : non détecté).

La diffraction de rayons X montre que les terres Les luminescences rouge et bleue observées en
cuites des cinq zelliges contiennent cathodoluminescence dans les terres cuites
majoritairement du quartz (SiO2), ainsi que de la correspondraient respectivement à des cristaux de
calcite (CaCO3) et diverses phases dites de "haute calcite et de gehlénite [9]. La calcite serait le
température" : la gehlénite (Ca2Al2SiO7), le résultat d'une recarbonatation du CaO en excès,
diopside (CaMgSi2O6) et l'anorthite (CaSi2Al2O8). qui n'a pas réagi pendant la cuisson [17] ou d'une
On note également, pour les zelliges noir et miel, recristallisation dans le temps suite aux
ainsi que pour le carreau bleu, la présence d'albite. infiltrations d'eau à travers le mortier de joint des
Cette dernière disparaît vers 850°C [16]. Son zelliges et des carreaux, fabriqué en partie à base
association avec des phases de haute température de chaux.
laisse penser que ces échantillons ont été cuits à
une température maximale de l'ordre de 850 à 4.4. Implications technologiques
900°C. Les zelliges vert et blanc auraient été cuits L'ensemble de ces données nous a permis de
à une température légèrement plus élevée, de proposer des hypothèses sur les techniques de
l'ordre de 900 à 950°C. La différence de fabrication des céramiques glaçurées. Il y aurait en
température de cuisson maximale n'est pas fait deux techniques différentes selon l'utilisation
importante et pourrait résulter du gradient de de l'échantillon.
température dans le four selon l'emplacement des Dans le cas du carreau glaçuré bleu, pièce de
échantillons. grandes dimensions utilisée pour cerner le décor,
La coloration rouge à ocre-rose des supports le potier procèderait au moulage d'un "pavé"
implique que l'atmosphère de cuisson fut parallélépipédique (de l'ordre de 4 cm d'épaisseur)
oxydante. Elle est due à la présence du fer en à partir d'une argile préparée de manière assez
excès, non piégé par les phases dites de "haute sommaire. Il appliquerait ensuite sur ce support le
température" dont le développement est favorisé mélange glaçurant et le soumis enfin à une cuisson
par la présence de calcium [17]. La différence de en atmosphère oxydante à une température de
couleur entre le carreau bleu et les zelliges est liée l'ordre de 900 à 950°C. La même pâte argileuse
vraisemblablement à la teneur en fer ; le carreau subirait une préparation plus élaborée pour la mise
bleu, au support rouge, renferme la teneur la plus en œuvre des autres zelliges, vraisemblablement
élevée en fer (9,06 % en Fe2O3). une décantation. De grands carreaux sont ensuite
moulés et subissent probablement une première

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cuisson oxydante de 850 à 900°C. Le mélange assemblage. Les mélanges glaçurants sont formés
glaçurant est ensuite appliqué sur ces carreaux et essentiellement de silice et d'un minerai de plomb,
une deuxième cuisson oxydante est par la suite additionnés, selon la couleur souhaitée, d’agents
réalisée. Le maître-artisan peut ensuite procéder à préalablement identifiés.
la découpe des formes voulues et à leur
Oxydes Zellige vert Zellige blanc Zellige noir Zellige miel Carreau bleu
SiO2 53.71 ± 2.42 51.96 ± 1.62 53.57 ± 1.17 60.58 ± 4.99 49.38 ± 0.61
Al2O3 12.58 ± 0.68 14.03 ± 0.61 14.01 ± 0.40 10.93 ± 1.68 14.97 ± 0.33
CaO 20.30 ± 1.22 19.46 ± 0.96 17.88 ± 0.58 17.68 ± 1.82 18.70 ± 0.88
MgO 3.10 ± 0.24 3.47 ± 0.27 3.25 ± 0.05 2.33 ± 0.17 2.50 ± 0.35
Na2O 0.63 ± 0.05 0.53 ± 0.05 0.58 ± 0.03 0.45 ± 0.09 0.62 ± 0.07
K2O 1.53 ± 0.07 1.43 ± 0.16 1.91 ± 0.20 1.46 ± 0.25 2.26 ± 0.21
Fe2O3 7.18 ± 0.65 7.52 ± 0.36 7.20 ± 0.50 5.65 ± 1.00 9.06 ± 0.18
TiO2 0.68 ± 0.04 0.81 ± 0.10 0.83 ± 0.08 0.60 ± 0.09 0.85 ± 0.03
P2O5 nd 0.57 ± 0.23 0.45 ± 0.05 nd 1.59 ± 0.15
Cl 0.09 ± 0.02 0.06 ± 0.02 0.05 ± 0.01 nd 0.07 ± 0.01
S 0.19 ± 0.03 0.15 ± 0.03 0.27 ± 0.03 0.33 ± 0.03 nd
Total 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00
Tableau 2 : Composition élémentaire des terres cuites des différents zelliges (nd : non détecté).

5. Conclusion L. Bejjit, S. Ait Lyazidi, Spectroscopy Letters, 40


L'étude de la texture en section, en lumière (2007) 777–783.
naturelle et en cathodoluminescence, a permis de [6] A. Zucchiatti, A. Azzou, M. El Amraoui, M.
mettre en évidence deux groupes d'échantillons se Haddad, L. Bejjit and S. Ait Lyazidi, International
distinguant par la couleur de leur support Journal of PIXE, 3-4 (2009) 175-187.
céramique, la granulométrie des inclusions et [7] M. Barrucand, "L’architecture de la qasba de
l'importance du liseré luminescent à l'interface Moulay Ismail à Meknès", ETAM VI, Rabat
glaçure/terre cuite : d'une part les zelliges et (1976).
d'autre part, le carreau glaçuré bleu. [8] J. Hedgecoe, S.S.N Damluji, "Zillig : l'art de la
Ainsi, les caractéristiques physiques de zelliges céramique marocaine", Garnet, Paris (1993).
du Palais Al-Mansour (couleur, texture et [9] F. Bechtel, N. Gourdon-Platel,
composition) sont différentes des carreaux M.-P. Etcheverry, J.-P. Gess., M. Schvoerer,
glaçurés bleus qui les cernent. Ces derniers se Revue d'Archéométrie, 20 (1996) 125-131.
distinguent essentiellement par le nombre de
[10] C. Raffaillac-Desfosse, Thèse Université
cuissons (mono-cuisson pour le carreau bleu et bi-
Bordeaux 3 (1994).
cuisson pour les autres) et la présence ou l'absence
[11] J. Molera, T. Pradell, N. Salvadó,
de la phase de découpage. Il serait donc
intéressant, pour valider ou infirmer cette M. Vendrell-Saz, J. Am. Ceram. Soc., 84 (2001)
hypothèse, de procéder à des essais de re-création 1120-1128.
dans des conditions semblables à celles du XVIIe [12] M.S. Tite, I. Freestone, R. Mason, J. Molera,
siècle. M. Vendrell-Saz, N. Wood, Archaeometry, 40
(1998) 241-260.
Références [13] R. Ďud's, L. Rejl, "La grande encyclopédie
[1] A. Ben Amara, Thèse Université Bordeaux 3 des minéraux", Gründ, Paris (1989).
(2002). [14] S. Lajarte, L'actualité chimique, (1979) 30-
[2] A. Ben Amara, A. Azzou, M. Haddad, 36.
M. Schvoerer, C. Ney, S. Ait Lyazidi, P. Molinie, [15] D. Rhodes, "Terres et glaçures - Les
J. Phys. IV France, 123 (2005) 207-211. techniques de l’émaillage", Dessin & Tolra, Paris
[3] A. Azzou, Thèse Université Moulay Ismail, (1999).
Meknès (2005). [16] T. Peters, R. Iberg, Am. Ceram. Soc. Bull., 57
[4] A. Ben Amara, M. Schvoerer, M. Haddad, A. (1978) 503-509.
Akerraz, Revue d’Archéométrie, 27 (2003) 103- [17] Y. Maniatis, A. Simopoulos, A. Kostikas,
113. V. Perdikatsis, J. Am. Ceram. Soc., 66 (1983) 773-
[5] M. El Amraoui, A. Azzou, M. Haddad, 781.

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