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N° 3241 – Les juridictions internationales ad hoc

Date de fraîcheur : 4 Mars 2020

Claire PORTIER
Doctorant – Aix-Marseille Université
Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC)

1. Éléments-clés

L’expression « ad hoc » est locution adjective ou adverbiale perpétuant l’expression latine ad hoc signifiant « pour cela » ou « à cet effet ». Elle se dit donc d’un
organe créé pour exercer une fonction déterminée et en principe temporaire (J. Salmon, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001).

Par conséquent, les tribunaux internationaux ad hoc sont des tribunaux internationaux créés aux fins de la résolution d’un différend unique ou d’une série de
différends nés dans un contexte singulier. Ils se différencient ainsi des juridictions dites permanentes, telles que la CIJ, la CEDH ou la CPI.

Les juridictions ad hoc se retrouvent dans deux principaux domaines du droit international :

le règlement des différends via l’arbitrage international ;

la responsabilité pénale individuelle via les tribunaux pénaux internationaux ou les tribunaux dits « internationalisés ».

2. Bibliothèque LexisNexis

2.1. Synthèse JurisClasseur

JCl. Droit international, Synthèse 280 : Arbitrage international : notions

JCl. Droit international, Synthèse 290 : Arbitrage international : convention arbitrale

JCl. Droit international, Synthèse 300 : Arbitrage international : instance arbitrale

2.2. Fascicules JurisClasseur

JCl. Droit international, Fasc. 245

JCl. Droit international, Fasc. 246

JCl. Droit international, Fasc. 247

JCl. Droit international, Fasc. 248

JCl. Droit international, Fasc. 409-50

JCl. Droit international, Fasc. 410

JCl. Droit international, Fasc. 412

JCl. Droit international, Fasc. 450

JCl. Droit international, Fasc. 586

2.3. Revue JurisClasseur

Journal de droit international (Clunet)

Connaissances

1. L’arbitrage international

Le droit international proscrit le recours à la force entre États, et impose le règlement pacifique des différends susceptibles de naitre entre ces derniers (art.
2§ 3, 2§ 4 et 33 de la Charte des Nations Unies). Les États sont cependant libres d’en choisir les moyens, qu’ils soient non juridictionnels (négociations, bon
office etc.) ou juridictionnels.

L’arbitrage est un mode de règlement juridictionnel des différends caractérisé par le recours des parties, d’un commun accord, à un tiers choisi par elles,
avec l’engagement explicite ou implicite de se conformer à sa décision rendue sur les bases légales et procédurales qu’elles auront elles-mêmes
déterminées. L’organe arbitral est institué par les parties pour le différend ou l’ensemble des différends qu’il est chargé de trancher. Sa compétence est
subordonnée à la volonté des parties (JCl. Droit international, Fasc. 245).

Si le recours à l’arbitrage sert le plus souvent à régler les différends entre États, il peut servir à régler un différend existant entre un État et une personne privée
étrangère. On parlera alors d’arbitrage transnational.
Exemple : L’arbitrage transnational en matière d’investissement constitue un exemple d’arbitrage transnational. La Convention pour le règlement des
Différends relatifs aux Investissements entre États et Ressortissants d’autres États (Convention de Washington) du 18 mars 1965 permet la mise en place de
tribunaux arbitraux dans le cadre du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) ayant compétence pour
statuer sur les différends nés entre un investisseur étranger et l’État hôte de l’investissement.

On distingue généralement :

l’arbitrage ad hoc, stricto sensu, où le tribunal est saisi pour un seul différend et disparaît après sa résolution ;

et l’arbitrage semi-permanent , dans lequel le tribunal est saisi d’un ensemble de litiges individualisés qui continuent d’exister tant que subsistent les
contentieux pour lesquels il est créé.

Exemple : Le Tribunal irano-américain de réclamations constitue un exemple de tribunal arbitral semi-permanent. Institué en 1981, il a pour mission de statuer
sur les réclamations privées et gouvernementales causées par l’effondrement des relations commerciales entre l’Iran et les États-Unis au début des
années 80. À ce jour, près de 4000 affaires ont été traitées par le Tribunal.

1.1. La création du tribunal arbitral

Le tribunal arbitral est toujours institué par un ou plusieurs actes, mais selon différentes modalités.

Le tribunal peut être institué par un traité international (contenu ou non dans un document unique), souvent appelé « le compromis d’arbitrage »,
auquel s’appliquent les principes de droit des traités. Par ce compromis, les États décident de la définition de l’objet du différend, des règles de la
procédure arbitrale, de la composition du tribunal, des pouvoirs des arbitres et éventuellement du droit applicable. Dans ce cas le différend est déjà né (
JCl. Droit international Fasc. 246 §§ 6-19).

Exemple : La Convention de Washington du 8 mai 1871 qui a institué le tribunal arbitral chargé de régler les différends existants entre les États-Unis et le
Royaume-Uni, principalement ceux ayant donné lieu à l’Affaire de l’Alabama (États-Unis/Royaume-Uni, 15 septembre 1872, RAI, Vol.II).

Le compromis entre la France et la Nouvelle-Zélande du 14 février 1989 dans l’Affaire du Rainbow Warrior (Nouvelle-Zélande/France, RSA, vol. XX [1990]).

Les échanges de notes des 22 et 23 juillet 2003 ayant constitué le compromis d’arbitrage en l’Affaire du Rhin de fer (Aff. relative au chemin de fer dit Iron
Rhine [« Ijzeren Rijn »] entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas, compromis sous forme d’échange de notes des 22 et 23 juill. 2003 : RSA,
vol. XXVII, p. 35).

Le recours à l’arbitrage peut également être prévu par une clause compromissoire, c’est-à-dire une clause que les États conviennent d’insérer dans un
traité ; cela afin de prévoir les modalités de règlement des différends éventuels relatifs à l’interprétation ou à l’application dudit traité. Dans cette
hypothèse, ce sont ainsi les futurs litiges qui sont visés. Partant, et lorsque la clause prévoit un recours à l’arbitrage, la procédure n’est pas
toujours prévue dans son entièreté : il faut alors un second acte pour l’organiser (JCl. Droit international Fasc. 246 §§ 20-25).

Exemple : L’article 30.1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984 et
entrée en vigueur le 26 juin 1987 dispose ainsi que : « [t]out différend entre deux ou plus des États parties concernant l’interprétation ou l’application de la
présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui
suivent la date de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre elles
peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête conformément au Statut de la Cour ».

La Partie XV de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, adoptée le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994 constitue
également un exemple intéressant du recours à l’arbitrage par la voie de clauses compromissoires.

Conseil : Dans le cas où, le recours à l’arbitrage est prévu par une clause compromissoire sans que celle-ci prévoie la procédure, il est possible d’insérer
dans l’instrument conventionnel un renvoi à une procédure préexistante. C’est l’exemple des « clauses CIRDI » par lesquelles bon nombre de Traités
bilatéraux d’investissement renvoient à la compétence des tribunaux CIRDI (JCl. Droit international, Fasc. 572-70).

Pour aller plus loin : Voir aussi concernant l’institutionnalisation de l’arbitrage, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (JCl. Droit international, Fasc. 247).

Les parties peuvent enfin recourir à un traité d’arbitrage obligatoire. La pratique contemporaine est néanmoins rare à cet endroit (JCl. Droit
international Fasc. 246 §§ 26-28).

1.2. La composition du tribunal arbitral

La composition du tribunal est à la discrétion des parties, sauf si l’arbitrage est institutionnalisé.

Le recours à un arbitre unique est le modèle le plus ancien, consacré par la Convention de 1907 (art. 56). La tendance, avant, était de choisir un Chef
d’État (ainsi la Reine d’Angleterre Elisabeth II a rendu plusieurs arbitrages en Amérique latine). Désormais, il est davantage fait appel à des magistrats,
diplomates etc.

Le recours à une commission mixte est le modèle créé par le Traité de Jay de 1794 (États-Unis/Grande-Bretagne), lequel est connu comme le
premier traité d’arbitrage. Chaque partie désigne un nombre égal de commissaires chargés de rendre la sentence. En cas de désaccord, l’affaire est
soumise à un surarbitre qui rend la décision.
Le recours à une commission composée de 3 ou 5 membres est le modèle le plus répandu aujourd’hui.

Pour aller plus loin : JCl. Droit international, Fasc. 247

1.3. Les pouvoirs du tribunal arbitral et la sentence arbitrale

Les pouvoirs du tribunal arbitral proviennent du compromis d’arbitrage. Le tribunal a cependant le pouvoir d’interpréter ce compromis ainsi que les
instruments sur lesquels sa compétence est fondée. Il a la « compétence de sa compétence » (CDI, Modèle de règle sur la procédure arbitrale, Ann. C.D.I,
1958-II, p.1-16, A/CN.4/113, JCl. Droit international Fasc. 248 §§ 43-45).

L’organe arbitral, organe juridictionnel, doit statuer conformément au droit applicable tel que déterminé par le compromis. Ce dernier peut renvoyer aux sources
classiques du droit international mais également à des règles particulières autorisant le tribunal à statuer ex æquo et bono (V. Fiche pédagogique n° 3240 : Les
sources du droit international public) (JCl. Droit international Fasc. 248 §§ 46-56).

La procédure arbitrale se clôt par le prononcé d’une sentence adoptée par la majorité des juges en cas de formation collégiale. La sentence doit être motivée et
elle est obligatoire pour les parties (JCl. Droit international Fasc. 246 et 248).

Il n’existe pas, en droit international public, de force exécutoire des décisions de justice : il faut compter sur la bonne foi des États (JCl. Droit international
Fasc. 248).

2. La responsabilité pénale individuelle : les tribunaux pénaux internationaux et les tribunaux « internationalisés »

L’idée d’une justice pénale internationale chargée de juger et de sanctionner les responsables des conflits armés, bien qu’envisagée de longue date (au moins
depuis 1972, puis dans le cadre de la Société des Nations), est restée vœux pieux jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’atrocité des crimes nazis
commis avant et durant cette guerre a constitué l’élément déterminant dans la matérialisation de cette justice pénale internationale.

La gravité des exactions commises durant ce conflit fit en effet prendre conscience aux États vainqueurs que les crimes qui touchaient l’humanité dans son
ensemble devaient répondre à une justice rendue au nom et pour le compte de cette humanité. Ainsi furent créés deux tribunaux pénaux internationaux militaires
dont le plus emblématique reste le Tribunal de Nuremberg institué par l’Accord de Londres du 8 août 1945, et chargé de juger « les grands criminels de guerre
des pays européens de l’Axe ».

2.1. Les tribunaux pénaux internationaux des Nations Unies

Les tribunaux pénaux internationaux sont des juridictions ad hoc créés à titre d’organe subsidiaire par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et chargées d’
identifier et de punir des responsables de crimes relevant du droit international commis dans le cadre d’un conflit donné. Par conséquent, leurs compétences sont
circonscrites dans le temps et dans l’espace.

Il existait, jusqu’à il y a peu, deux tribunaux pénaux internationaux :

le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) crée le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de sécurité (S/RES/827) dans le but de
poursuivre et de juger les personnes présumées responsables des crimes commis dans les Balkans au cours des conflits survenus dans les années 1990 ;

le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) créé le 8 novembre 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité (S/RES/955) dans le but de
poursuivre et de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et autres violations du droit international humanitaire, commises sur le
territoire du Rwanda et les territoires voisins durant l’année 1994.

Arrivés au terme de leur mandat, ils ont été relayés par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (Résolution
du Conseil de Sécurité, rés. 22 déc. 2010, S/RES/1966). Ils sont néanmoins restés un symbole fort de la justice pénale internationale, ne serait-ce qu’en raison
du contexte juridique et factuel entourant leur création.

Conseil : Pour créer le TPIY (et par la suite le TPIR), le Conseil de Sécurité s’était fondé sur le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, lequel autorise le
Conseil de sécurité à prendre des mesures en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression (art. 39, 40, 41 et 42 de la Charte des
Nations Unies). Il s’était également fondé sur les articles 7 et 29 de la Charte des Nations Unies en vertu desquels le Conseil de Sécurité, en tant qu’organe
principal des Nations Unies, peut créer des organes « subsidiaires » pour l’aider dans l’accomplissement de sa mission.

Or, à l’occasion de l’Affaire Tadic, première affaire jugée par le Tribunal, la défense avait soulevé des exceptions préliminaires concernant la compétence du
tribunal et notamment concernant la légalité de la procédure de sa création. Selon elle, la Charte ne conférait pas au Conseil de sécurité le pouvoir de créer un
organe de nature juridictionnel. La Chambre d’appel avait alors considéré que le Tribunal avait été dûment établi par le Conseil de sécurité. Le TPIY était, en
effet, une mesure légitime visant au rétablissement de la paix et de la sécurité, autorisée par la Charte des Nations Unies qui fournit une liste non exhaustive
des mesures que peut prendre ledit Conseil.

( TPIY, Le Procureur c/Dusko Tadic alias « Dule » [Chambre d’appel] IT-94-1, 2 octobre 1995)

Parce que les deux tribunaux ont été créés pour rendre justice aux victimes de crimes internationaux commis dans le cadre de conflits déterminés (d’où leur
caractère ad hoc), la compétence de ces derniers était strictement encadrée.

La compétence ratione temporis du TPIY s’étendait à la période commençant le 1er janvier 1991 (Statut TPIY, art. 8). Celle du TPIR s’étendait aux
crimes commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (Statut TPIR, art. 7).
La compétence ratione loci du TPIY s’étendait au territoire de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie, y compris son espace
terrestre, son espace aérien et ses eaux territoriales (Statut TPIY, art. 8). Celle du TPIR s’étendait aux crimes commis sur le territoire du Rwanda et sur
le territoire d’États voisins en cas de violations graves du droit international humanitaire commises par des citoyens rwandais (Statut TPIR, art. 7).

Le TPIY comme le TPIR étaient compétents pour juger des personnes physiques auteurs, coauteurs, complices et instigateurs des crimes en vertu de
sa compétence ratione personnae, et ce sans considération à l’égard de leur qualité et des immunités pouvant y être attachées (Statut TPIY, art. 6 et
7 ; Statut TPIR, art. 5 et 6 ; JCL Droit international Fasc. 409-50).

La compétence ratione materiae du TPIY s’étendait aux crimes suivants : Celle du TPIR s’étendait aux crimes suivants :

infractions graves aux conventions de Genève de 1949 (Statut TPIY, art. 2) et violations des lois ou coutumes de la guerre (Statut TPIY, art. 3) ;

crime de génocide (Statut TPIY, art. 4) ;

crimes contre l’humanité (Statut TPIY, art. 5).

crime de génocide (Statut TPIR, art. 2) ;

crimes contre l’humanité (Statut TPIR, art. 3) ;

violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et du Protocole additionnel II de 1977 (Statut TPIR, art. 4).

Le TPIY comme le TPIR étaient composés de trois organes (Statut TPIY, art. 11 ; Statut du TPIR, art. 10) : le bureau du procureur, les chambres (trois chambres
de premières instances pour chacun des tribunaux et une chambre d’appel commune) et d’un greffe.

Les deux tribunaux travaillaient avec les juridictions nationales et avaient primauté sur ces dernières (Statut TPIY, art. 9 ; Statut TPIR, art. 8).

2.2. Les tribunaux internationaux « internationalisés »

Les tribunaux « internationalisés » sont des tribunaux d’exception. Institués par ou en collaboration étroite avec les Nations Unies, ces tribunaux ont la
particularité de comporter des éléments de droit national et international, d’où leur qualification éventuelle de tribunaux « mixtes » ou « hybrides ».

Il n’existe pas de modèle type de tribunaux internationalisés. Ils sont issus, pour chacun, d’un contexte particulier.

2.2.1. La création des tribunaux pénaux internationalisés

Il existe plusieurs modes de création des tribunaux pénaux internationalisés.

Certains ont été créés par la conclusion d’un accord bilatéral entre l’Organisation des Nations Unies et le gouvernement de l’État sur lequel se
sont déroulés les faits ayant guidé la création du tribunal. Tel était le cas du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) chargé de juger les
responsables les plus importants des crimes commis durant la guerre civile de Sierra Leone. Il a fermé depuis le 31 décembre 2013. Tel est encore le
cas des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC).

D’autres sont créées par acte unilatéral. Tel est le cas du Tribunal Spécial des Nations Unies pour le Liban (TSL), mis en place afin de réprimer les
auteurs des actes criminels liés à l’assassinat de Rafiq Hariri en 2005. Les Chambres spéciales pour les crimes graves commis au Timor, fermées
depuis 2005, avaient également été créées par un règlement de l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental. Le même procédé avait
été utilisé au Kosovo.

Conseil : À l’origine, c’est un accord bilatéral entre l’Organisation des Nations Unies et le gouvernement du Liban qui prévoyait la création du TSL. Le
parlement libanais ayant cependant tardé à ratifier ledit accord, le Conseil de sécurité a donc pris la résolution 1757 du 30 mai 2007 portant création du
tribunal (Résolution du Conseil de Sécurité, rés. 30 mai 2007, S/RES/1757).

2.2.2. La structure et le fonctionnement des tribunaux pénaux internationalisés

La particularité des tribunaux pénaux internationalisés est leur mixité. Siégeant le plus souvent sur le territoire de l’État sur lequel les crimes ont été commis
(exception faite du TSL qui siège à La Haye), ils sont composés à la fois de juges nationaux et internationaux.

Ils sont souvent financés par l’État sur le territoire duquel ils siègent avec l’aide d’autres États et/ou des Nations Unies.

Ils ont compétence pour juger des crimes internationaux en application du droit international pénal (génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre) qui se
sont déroulés dans le contexte qui les a fait naître (guerre civile, massacre, attentats.), en application du droit international. Mais ils peuvent également avoir
compétence pour juger de la commission d’autres crimes définis par la loi nationale de l’État sur le territoire duquel les faits se sont déroulés (comme cela est le
cas pour les CETC par exemple).

Conseil : Le TSL a été le premier tribunal créé aux fins de juger des responsables d’actes de terrorisme. Il présente dès lors la particularité d’appliquer
essentiellement les dispositions du droit libanais relatives à la poursuite et à la répression des actes de terrorisme (et autres crimes). Il est néanmoins tenu d’
appliquer le droit international et notamment concernant les normes garantissant la sauvegarde des droits fondamentaux. Il présente aussi la particularité de
juger par contumace, les présumés responsables de l’assassinat de Rafiq Hariri n’ayant jamais été appréhendés.

Conseil : Le cas du tribunal spécial irakien (TSI), mis en place le 12 décembre 2003 par l’Autorité provisoire de Coalition (constituée par l’administration
américaine et ses alliés) après le renversement du régime baasiste de Saddam Hussein, est encore à relever. La création du Tribunal, lequel est chargé de
juger les crimes commis par les dirigeants politiques irakiens de juillet 1968 à mars 2003, a suscité un énorme débat au regard du droit international (puisque
mis en place par une puissance occupante). Le statut du tribunal ayant cependant été confirmé en 2005 par le gouvernement transitoire iraquien, il a été
intégré au sein du système judiciaire national. Initialement, le TSI devait juger les responsables de crimes internationaux (crime de guerre, génocide et crime
contre l’humanité) en application du droit américain (puisqu’il était administré principalement par cet État) et du droit égyptien. En cas d’insuffisance, son statut
prévoyait la possibilité de recourir au code de procédure pénale irakien de 1971. Depuis 2005 et la révision de son statut, la composition des principaux
organes du tribunal est cependant devenue entièrement irakienne. Il est ainsi devenu une juridiction nationale.

Pour aller plus loin :

P. Daillet, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public, 8ème édition, Paris, L.G.D.J., 2009 ;

P-M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, 14ème édition, Paris, Dalloz, 2018 ;

J. Combacau, S. Sur, Droit international public, 13ème ed., Paris, L.G.D.J., à paraitre ;

H. Ascensio, E. Decaux, A. Pellet, Droit international pénal, Pedone, Paris, 2ème édition, 2012 ;

C. Santulli, Droit du contentieux international, 2ème ed., Paris, L.G.D.J., 2015.

Exercices

1. Cas pratique

1.1. Énoncé

La Lannisterie, la Tyrellie, le Royaume de Stark et la Targarye, quatre États agricoles de la région de Westeros, ont signé un traité sur la coopération économique
et sociale (ci-après le Traité) couvrant un large spectre de domaines. Entré en vigueur depuis mai 2010, le Traité lie aujourd’hui l’ensemble des États membres de
l’OCE à l’exception du Royaume de Stark qui l’a signé mais ne l’a toujours pas ratifié. Depuis mai 2014, une crise économique liée à la diminution du prix du sac
de blé touche durement l’économie de la région. Cette situation crée un climat de tension entre les différents États. Tandis qu’un sérieux différend oppose le
Royaume de Stark à la Lannisterie quant à l’exportation de céréales, un autre différend oppose la Tyrellie et la Targarye concernant les obligations sociales
contenues dans le Traité. Ce dernier dispose en effet dans son article 5 que tout citoyen d’un membre de l’OCE bénéficiera d’une liberté de circulation sur le
territoire des autres États membres. Or, depuis l’entrée en vigueur du Traité, la Tyrellie interdit aux citoyens Targaryens de pénétrer sur son territoire.

Au regard des documents vous répondrez aux questions suivantes :

Question 1 : À quel type de clause correspond l’article 35 ? Cet article est-il applicable au différend opposant le Royaume de Stark à la Lannisterie ?
Expliquez votre réponse.

Question 2 : Après de nombreux échecs de négociation avec la Tyrellie, la Targarye dépose début 2015 une requête auprès du greffe de la Cour
internationale de justice. La Tyrellie n’ayant pas accepté la compétence de la Cour en l’espèce, quelles solutions s’offrent aux 2 États ? Expliquez votre
réponse.

Question 3 : Sans préjudice de la réponse à la question précédente, un tribunal arbitral est constitué pour statuer sur le différend opposant la Targarye
et la Tyrellie, conformément à l’article 35 du Traité. Malgré cela la Tyrellie allègue qu’il n’existe pas de réel différend entre elle et la Targarye, du moins
pas au sens du Traité. Qu’en pensez-vous ?

Article 35 du Traité

1. Lorsqu’il signe ou ratifie le Traité ou y adhère, ou à n’importe quel moment par la suite, un État est libre de choisir, par voie de déclaration écrite, un ou
plusieurs des moyens suivants pour le règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application du Traité,

a) la Cour internationale de Justice ;

b) un tribunal arbitral constitué conformément aux articles 37 et 38 du Traité

2. Un État Partie qui est partie à un différend non couvert par une déclaration en vigueur est réputé avoir accepté la procédure d’arbitrage prévue aux articles 37
et 38 du Traité.

3. Si les parties en litige ont accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut-être soumis qu’à cette procédure, à moins que les parties
n’en conviennent autrement.

4. Si les parties en litige n’ont pas accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut-être soumis qu’à la procédure d’arbitrage prévue
aux articles 37 et 38 du Traité, à moins que les parties n’en conviennent autrement.

Article 36 du Traité

1. Une cour ou un tribunal visé à l’article 35 a compétence pour connaître de tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application du Traité qui lui est soumis
conformément à la présente partie.

2. En cas de contestation sur le point de savoir si une cour ou un tribunal est compétent, la cour ou le tribunal décide.

1.2. Corrigé
Question 1 : L’article 35 est une clause compromissoire en ce qu’elle a prévoit le recours au règlement arbitral ou judiciaire pour les litiges concernant l’
interprétation ou l’application du Traité. Cependant, cet article n’est pas applicable au différend opposant le Royaume de Stark à la Lannisterie. Le Royaume de
Stark n’est en effet pas partie au traité puisqu’il ne l’a pas ratifié. Cette clause ne lui est donc pas opposable. Pour rappel, en ayant seulement signé le traité, le
Royaume de Stark doit seulement s’abstenir de prendre tout acte qui priverait le Traité de son objet et de son but (Article 18 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités entre États, 23 mai 1969) ce qui ne paraît pas être le cas en l’espèce.

Question 2 : Au regard de l’article 35§ 4 du Traité, il n’y a qu’une solution possible pour les 2 États : la constitution d’un tribunal arbitral dont la procédure est
prévue aux articles 37 et 38 du Traité.

Question 3 : Au regard de l’article 35§ 1 du Traité, un tribunal arbitral peut être institué pour le règlement des différends relatifs à l’application et l’interprétation du
Traité. Or, le différend qui oppose la Targarye et la Tyrellie concerne la non-application par la Tyrellie de ses obligations « sociales » au titre du Traité. On est
donc bien face à un différend concernant l’application du Traité. Qui plus est, en vertu de l’article 36, le tribunal décide seul de sa compétence, autrement dit il a
« la compétence de sa compétence ». Ainsi en cas de contestation de la compétence du Tribunal par la Tyrellie, ce sera au tribunal d’établir les limites de sa
compétence et ce dès lors qu’il a été institué par les parties (V. Fiche pédagogique n° 3187 : Résoudre un cas pratique).

2. Dissertation

2.1. Énoncé

« La diversité des juridictions internationales pénales crée-t-elle un risque “forum shopping” ? »

2.2. Corrigé

Introduction

Le terme « forum shopping » (« course aux tribunaux ») vient du droit international privé et désigne la possibilité pour une personne qui intente une action en
justice de choisir le tribunal en fonction de la loi qu’il devra appliquer afin que cela mène à l’application de la loi la plus favorable à ses intérêts. En droit
international pénal, comme en droit international général d’ailleurs, la multiplication des juridictions suscite la question du risque étant que les États viennent à
choisir la juridiction qui les arrange et que cela menace le droit international.

Le sujet de la dissertation est ici limité aux juridictions internationales pénales et oblige ainsi à étudier leurs différentes compétences et voir si d’une manière ou d’
une autre elles peuvent se regrouper. La réponse à laquelle on parvient est alors négative. En principe, le caractère ad hoc des juridictions étudiées n’encourage
pas un « forum shopping » quelconque ; créées pour des circonstances particulières avec des compétences particulières, elles ne peuvent en principe se faire
concurrence. Ce propos pourrait éventuellement être nuancé depuis la mise en place de la Cour pénale internationale (CPI).

I. Une différenciation des juridictions pénales internationales de par leur nature

A. Des actes créateurs différenciés

L’étude des juridictions pénales internationales montre différents modes de création possibles : création d’un organe subsidiaire des Nations Unies (ex : TPIY,
TPIR), création par accord entre les Nations Unies et un État (ex : TSL) ou encore création par Convention internationale (ex : CPI).

B. Des modes de fonctionnements diversifiés

Des différenciations ici de par leurs modes de fonctionnement institutionnel : organisation interne, financement etc.

II. Une différenciation des juridictions pénales internationales de par leurs compétences

L’importance du cadre spatio-temporel entourant la création des juridictions pénales internationales

C’est un point clef de la réflexion. Les juridictions internationales pénales ont toutes une compétence spatiale et temporelle encadrée par les circonstances par et
pour lesquelles elles ont été créées. Ainsi la compétence du TPIY étant limitée aux crimes commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à partir de 1991 (autrement
dit dans le contexte de la guerre des Balkans), elle se différencie bien de celle du TSL par exemple.

B. L’application d’un droit déterminé à des infractions identifiées

Ici, c’est plus compliqué. On voit bien que certains crimes apparaissent plusieurs fois dans les différents statuts des différentes juridictions internationales : c’est
alors la compétence spatiale et temporelle qui peut éviter un chevauchement de compétence. Pour certains, il faut remarquer aussi les disparités : par exemple,
pour les tribunaux mixtes ou internationalisés, la compétence rationne materiae peut comprendre des crimes de droit interne obligeant les juges à appliquer
également le droit national. Enfin, il est nécessaire de prendre en considération le caractère subsidiaire ou prioritaire de ces juridictions sur les juridictions
nationales (différence entre les TPIY et TPIR, et la CPI alors que la compétence matérielle est quasi identique). Pour « ouvrir » le débat, on peut éventuellement
évoquer la CPI en tant que juridiction permanente à compétence plus « générale » (V. Fiche pédagogique n° 3335 : Rédiger une dissertation).

Outils

1. Glossaire

Salmon (J.)(dir), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001.

Accord bilatéral : Traité conclu entre deux sujets du droit international


Ad litem : expression latine signifiant « en vue du procès ». Les juges ad litem sont des juges désignés pour siéger dans le cadre d’une ou plusieurs
affaires, par distinction avec les juges permanents

Clause CIRDI : Clause insérée dans des accords bilatéraux sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements ou dans des contrats
de développement et prévoyant la compétence du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un
mécanisme établi par la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Convention de Washington, 18 mars 1965, R.T.N.U.,
vol. 575, p.161).

Clause compromissoire : Disposition insérée dans un traité bilatéral ou multilatéral par laquelle les parties s’engagent à soumettre à l’arbitrage ou au
règlement judiciaire tous les différends qui pourraient surgir entre elles, avec ou sans réserve, ou les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application
de ce traité

Différend : un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêt entre deux personnes (CPJI,
30 août 1924, Concessions Mavrommatis en Palestine, Grèce c/Grande-Bretagne, série A, n° 2, p.11)

Tribunal : Organe juridictionnel institué pour statuer sur des litiges qui lui sont soumis par décision obligatoire en appliquant les règles du droit

2. Conseils/Pièges à éviter

Ne pas confondre la responsabilité internationale de l’État et la responsabilité pénale des individus. Toujours rechercher de quelle responsabilité il est
question afin de déterminer le droit applicable.

Toujours s’intéresser à la compétence du tribunal en premier lieu : est-il compétent ratione personae, temporis, loci et enfin materiae ?

Ne jamais oublier le consentement à la juridiction, et le fait que le droit international est originellement, un droit consensualiste.

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