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Risques biologiques
par Isabelle BALTY
Expertise et conseil technique (ECT)
Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
Christine DAVID
Expertise et conseil technique (ECT) (INRS)
Philippe DUQUENNE
Métrologie des polluants (MP) (INRS)
et Colette LE BÂCLE
Études et assistance médicales (INRS)
Intérêt des micro-organismes ■ Certains micro-organismes produisent des molécules qui peuvent avoir des
et utilisation applications dans le domaine de la santé (antibiotiques, vitamines…) ou de
l’industrie (tensioactifs…).
1. Risques biologiques Il ne s’agit pas d’un classement strictement scientifique mais d’un
outil au service de la prévention puisque, de ce classement officiel
vont découler des obligations ou des recommandations à mettre en
œuvre pour l’utilisation ou le travail en présence de ces agents
En santé au travail, la notion d’« agents biologiques » est définie biologiques.
réglementairement au niveau européen [4] comme étant les micro- Le groupe 1 comprend les agents biologiques qui ne sont pas
organismes (bactéries, virus, champignons, protozoaires et prions), pathogènes pour l’homme, au sens où ils n’entraînent pas de maladie
y compris les micro-organismes génétiquement modifiés, les cultu- infectieuse. Ces agents sont innombrables et il n’existe pas de liste
des agents du groupe 1. Un agent biologique qui ne figure pas dans
res cellulaires et les endoparasites humains, susceptibles de provo-
l’un des groupes 2, 3 ou 4 ne relève pas systématiquement du groupe
quer une infection, une allergie ou une intoxication. 1. Seule l’évaluation des risques, faite à travers les connaissances de
Nota : les cultures cellulaires issues de cellules isolées d’origine humaine ou animale
l’historique de cet agent ou un dossier d’évaluation des risques, peut
sont incluses dans la définition des agents biologiques, d’une part parce qu’elles sont sus- autoriser à dire qu’un agent biologique donné relève d’un classement
ceptibles d’être contaminées par des agents biologiques pathogènes et d’autre part parce dans le groupe 1.
que des cellules issues de certaines lignées continues pourraient s’implanter accidentelle- Les risques immuno-allergiques et la production de toxines ne
ment chez un travailleur et entraîner le développement de tumeurs.
sont pas pris en compte par ce classement. Néanmoins, pour les
pathogènes classés, certains font l’objet d’un signalement par une
note A (effets allergisants possibles) ou T (toxines possibles) en
marge du classement dans le groupe de risque. Pour le groupe de
1.1 Risques infectieux risque 3, un astérisque signale les agents classés 3 pour lesquels le
risque d’infection est limité car ils ne sont normalement pas trans-
mis par voie aérienne, ce qui autorise, après évaluation des risques,
une possibilité d’assouplissement des règles de prévention.
Les pathologies infectieuses sont les mieux connues. En santé au
travail, des classements des agents biologiques ont été établis, per- La majorité des processus industriels fait appel à des micro-
mettant d’évaluer les risques et de définir les mesures de prévention organismes du groupe 1 ; les micro-organismes pathogènes ne doi-
vent être utilisés de façon « délibérée » que lorsqu’il est impossible
à mettre en œuvre [5]. Ce classement est basé sur les critères d’utiliser des micro-organismes du groupe 1 (essentiellement pour
suivants : gravité de la maladie, risque de contagion ou d’épidémie, la production de vaccins).
existence d’une prophylaxie et/ou d’un traitement efficace. Une liste
Pour les micro-organismes à ADN recombiné, le critère recom-
européenne des agents biologiques pathogènes a été établie, qui biné n’est pas en lui-même un critère de pathogénicité ; selon l’éva-
est devenue la liste officielle française par arrêté du 18 juillet 1994 luation des risques, ils peuvent être classés dans un des groupes de
modifié [6]. Les agents biologiques sont classés de 1 à 4, par ordre pathogénicité. Des critères de classement des micro-organismes à
croissant d’infectiosité (tableau 1). ADN recombiné ont été proposés par différentes instances. En
France, la Commission de génie génétique, mise en place en 1990, a
(0) établi des règles de nature impérative permettant de déterminer les
niveaux de risques potentiels des expérimentations de construction
Tableau 1 – Résumé du classement des agents biologiques et d’utilisation des organismes génétiquement modifiés en milieu
en fonction des dangers d’infection confiné [7].
Existence
d’une
Danger Propagation 1.2 Risques non infectieux
Pathogénicité prophylaxie
Groupe pour les dans la
chez l’homme et/ou d’un
travailleurs collectivité
traitement
efficace L’exposition à des agents biologiques peut également induire des
pathologies non infectieuses pour lesquelles il persiste beaucoup
1 Non – – – d’incertitudes physio-pathologiques, qui ne sont pas prises en
2 Oui Oui Peu probable Oui compte par ce classement des micro-organismes :
3 Oui Oui Possible Oui — les risques immuno-allergiques : rhinites, asthmes, alvéolites
allergiques extrinsèques (maladie du poumon du fermier, par
4 Oui Oui Risque élevé Non exemple) ;
— les risques toxiniques : on distingue deux types de toxines : ques de l’activité : chaleur, humidité et présence de nutriments favo-
• les exotoxines sont des molécules protéiques sécrétées par les risant l’installation et le développement d’agents biologiques
micro-organismes (toxines du tétanos, de la diphtérie, mycotoxi- (papeteries, industrie du coton…).
nes de certaines moisissures…),
• les endotoxines sont des composants de la paroi, libérées lors
de la destruction ou de la multiplication des bactéries Gram-
3.1.1 Identification et description du danger
négatif (bactéries dont la paroi contient des lipopolysaccharides).
Les endotoxines sont à l’origine de pathologies, le plus souvent L’identification du danger lié à l’activité relève :
de type pseudogrippal, telles que la byssinose (industrie du — de la conscience collective du risque (travail en équarrissage,
coton) ou le syndrome des égoutiers ; dans les égouts…) ;
— les risques cancérogènes : des maladies comme l’infection — du repérage des activités désignées dans les tableaux de mala-
chronique par le virus de l’hépatite B, l’infection chronique par le dies professionnelles liées à des agents biologiques ;
virus de l’hépatite C ; des mycotoxines ; des virus (certains papillo- — des données de la littérature rapportant les agents biologiques
mavirus…) sont classés cancérogènes pour l’homme [groupe 1 du les plus probables ou les maladies les plus fréquemment rencontrées
Centre international de recherche contre le cancer (CIRC)] mais ce dans un type d’activité donné. Ce repérage des dangers peut être
classement ne fait pas particulièrement référence aux expositions affiné par des connaissances ayant trait à des données épidémiolo-
professionnelles. Les papillomavirus humains type 31 et 33 sont giques spécifiques, des particularités régionales…
dans le groupe 2A (l’agent est probablement cancérogène). Les afla-
toxines M1 sont dans le groupe 2B (l’agent pourrait être
cancérogène). 3.1.2 Description des risques
Une enquête [8] réalisée en 1994 par des médecins du travail fai-
sait apparaître qu’1,2 million de salariés se déclaraient exposés dans Tableau 2 – Activités exposant potentiellement des salariés
leur travail à des agents biologiques. Une minorité d’entre eux à des agents biologiques (1)
(55 000 personnes) se trouvait exposée à l’occasion d’une utilisation
délibérée dans les activités des biotechnologies ou de la recherche. Secteur Nombre de salariés
Les expositions aux agents biologiques étaient essentiellement
« potentielles » (tableau 2). Secteur de la santé
dont 55 000 en laboratoires d’analyses 560 000
médicales
Services funéraires 22 000
3. Évaluation et prévention Travaux en contact avec des animaux
des risques biologiques vivants (animaux d’élevage, domestiques,
sauvages)
236 000
Industrie agroalimentaire
dont 24 000 en laboratoire 161 000
■ L’hôte potentiel
Transmission : par l´air (poussières contaminées par des fientes)
Dans le cas des risques biologiques en milieu professionnel, il
s’agit du travailleur qui se trouve en bout de chaîne de transmission.
Il va être contaminé et pourra développer la maladie si l’exposition
est suffisamment importante et s’il n’est pas protégé par une immu- Porte d´entrée : voies respiratoires
nisation antérieure. Cette immunisation a pu être acquise au contact
de l’agent pathogène lorsque celui-ci est immunisant (par exemple,
le virus de l’hépatite A), ou en étant vacciné avec succès contre cet Hôte : travailleur (couvreur, employé d´abattoir, d´animalerie…)
agent pathogène.
Cette démarche peut être appliquée à toutes sortes d’activités dans le milieu de travail puis sa transmission aux travailleurs et,
mais également dans les laboratoires d’analyses médicales [12] ou enfin, d’en limiter la propagation accidentelle dans l’environnement
pour les installations à risque de légionelles [13]. [14] [15].
Il existe un pictogramme (sur fond jaune) de signalisation des ris-
ques liés à la présence d’agents biologiques de niveau 2 et plus, à
apposer à l’entrée des locaux et sur les postes de travail concernés.
3.2 Cas d’une utilisation délibérée
d’agents biologiques
• bilan initial permettant d’évaluer les résultats de futurs travaux, 4.3.2 Méthodes biologiques
• enquête sur les relations possibles entre une maladie et l’expo-
sition professionnelle… ;
— de documenter les trois éléments qui interagissent : Ces méthodes de prélèvement permettent le dénombrement des
• les sources de prolifération ou d’émission de micro-organismes, microorganismes et le dosage de leurs constituants :
• les mécanismes de dispersion,
• les personnes exposées. — sédimentation : les particules en suspension dans l’air sont
recueillies sur des milieux nutritifs solides ; cette méthode n’est pas
Les éléments qui serviront à interpréter les résultats doivent être
quantitative ;
donnés au préalable, afin de ne pas être suspecté de partialité dans
l’interprétation des résultats obtenus. On peut s’appuyer sur les — centrifugation : variante du procédé précédent, consistant à
valeurs-guides [17] publiées par l’IRSST (Institut de recherche en accélérer la sédimentation par l’action d’une force centrifuge ;
santé et sécurité du travail) au Québec. Elles correspondent à des
concentrations et des observations qui justifient d’explorer davan- — filtration : un certain volume d’air est filtré à travers un support
tage la situation et de prendre les actions requises. poreux (laine de verre, gélatine, membrane de cellulose, d’alginate
de sodium) qui retient les micro-organismes ; le filtre peut subir une
étape d’extraction des particules dans un liquide stérile ou être
4.3 Échantillonnage placé sur un milieu nutritif ;
— barbotage : un volume connu d’air est recueilli dans un flacon
Plusieurs normes existent pour le mesurage des micro- contenant un milieu liquide stérile, nutritif ou non ; des billes de
organismes dans l’atmosphère des lieux de travail. Parmi celles-ci, verre et un tube d’aspiration percé de trous favorisent la dissocia-
on peut citer la norme NF EN 13098 qui donne les recommandations tion des particules ;
pour le mesurage des micro-organismes dans l’air [18] et la norme
EN 14031 sur le mesurage des endotoxines [19]. — prélèvement par inertie : l’air contenant des particules est pro-
En pratique, une multitude de méthodes et d’appareils sont utili- jeté à grande vitesse sur un obstacle solide ou liquide.
sables pour l’étude des bioaérosols mais la majorité d’entre eux
n’est pas standardisée et leur caractérisation est souvent incomplète
[20]. 4.3.3 Critères de choix du système de mesure
Milieu industriel ou agricole 1 000 UFC/m3 sur 8 heures Les études d’aérobiocontamination doivent être réalisées périodi-
Milieu non industriel présence quement avec un appareil capable de donner des résultats repro-
ductibles.
Endotoxines
En l’absence de plaintes, concentration > 30 fois la concentration
de base dans l’air du site de référence
4.4 Identification
En cas de symptômes respiratoires, concentration > 10 fois
la concentration de base dans l’air du site de référence
Moisissures L’analyse des échantillons est effectuée par le biais des méthodes
Croissance visible sur une surface utilisées classiquement en microbiologie. La culture sur milieu
gélosé permet l’identification des micro-organismes par l’étude des
Détection d’une odeur caractéristique caractères macroscopiques, microscopiques et de l’activité biochi-
Concentration > concentration de base dans l’air du site mique des colonies en culture.
de référence
Des techniques de PCR (Polymerase Chain Reaction) basées sur la
Espèces différentes du site de référence
reconnaissance de séquences génomiques permettent également
(1) UFC (unité formant colonie) d’identifier certains micro-organismes.
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[6] Arrêté du 18 juillet 1994 fixant la liste des Légionelles et milieu de travail. Documents
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