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DOSSIER

L’insight
en psychiatrie

Faible insight de la maladie


dans la schizophrénie :
nouveaux concepts, corrélats,
traitements et controverses
Lack of awareness of illness in schizophrenia:
P.H. Lysaker emerging conceptualizations, correlates, treatments
and controversies
P.H. Lysaker*, G.H. Germaneau**, N. Jaafari***

L
a recherche clinique rapporte qu’environ 2/5 avec des problèmes physiques (4). De plus, ils sont
G.H. Germaneau
à 2/3 des patients souffrant de troubles du capables de décrire des symptômes psychiatriques
spectre de la schizophrénie n’ont pas conscience lorsqu’ils sont présentés par d’autres patients (5).
de leur trouble (1, 2). Ce phénomène, que nous Comment peut-on expliquer qu’un déficit d’insight
appellerons ici faible insight, pourrait refléter un puisse entraîner des dysfonctionnements dans les
manque de conscience de tout un ensemble d’élé- tâches quotidiennes ?
ments en rapport avec la maladie, suggérant de ne Cet article propose une analyse de la littérature dans
pas réduire celle-ci à une simple connaissance de l’idée d’apporter quelques éléments de réponse à ces
N. Jaafari la “vérité” holistique à son sujet. Ainsi, un faible questions, et de déterminer le rôle que joue un faible
insight pourrait se concevoir comme un ensemble de insight dans l’observance thérapeutique. Nous allons
connaissances des différents aspects de la maladie. d’abord explorer les corrélats d’un faible insight dans
Effectivement, un patient à faible insight peut ne pas la schizophrénie, en discutant à la fois les difficultés
reconnaître les symptômes (et continuer d’attri- inhérentes au fait de ne pas être conscient de sa
buer ses hallucinations à une cause surnaturelle), maladie et celles qui peuvent découler de l'insight,
le besoin d’un traitement (et refuser les soins en une fois celui-ci atteint. Puis nous nous pencherons
dépit d’une hospitalisation récente pour mauvaise sur les différentes conceptions émergentes au sujet
observance) ou les conséquences psychosociales de l’insight, et nous nous reporterons à la littérature
de sa maladie (et s’expliquer son isolement ou la pour voir comment ces concepts ont été utilisés en
perte de son emploi par un “manque de chance”). thérapeutique. Enfin, nous proposerons une discus-
* Roudebush VA Medical Center et Ce manque d’insight dans la schizophrénie repré- sion sur les pistes de recherche à explorer à l’avenir.
Indiana University School of Medicine, sente, pour les médecins, les patients, leurs familles Avant d’aller plus loin, il faut définir ce que l’on
Indianapolis, États-Unis.
** Unité de recherche clinique inter-
et communautés, un grand nombre de paradoxes. Si entend par “insight”. Ce dernier, comme toutes
sectorielle en psychiatrie à vocation le patient souffrant de schizophrénie ne reconnaît les références à des processus psychologiques
régionale Pierre-Deniker du centre pas sa maladie, il est alors difficile d’entrevoir la pos- complexes, n’est pas sans poser problème. Tout
hospitalier Henri-Laborit, Poitiers ;
centre hospitalo-universitaire de sibilité de lui apporter une aide, et surtout d’anticiper d’abord, il y a un risque de confusion avec le terme
Poitiers ; faculté de médecine de sa réponse à cette aide. S’il n’a pas de perception de de “conscience” tel que décrit dans la littérature
Poitiers ; groupe de recherche en
psychiatrie CNRS GDR 3557. sa maladie, cette aide sera perçue comme absurde, analytique. Nous utiliserons l'expression “faible
*** Unité de recherche clinique inter­ invasive, voire agressive. D’une manière générale insight” plutôt que le terme d’“inconscience”, qui a
sectorielle en psychiatrie à vocation
régionale Pierre-Deniker du centre
et paradoxale, les patients schizophrènes qui nient lui aussi plusieurs sens. Nous entendons par “insight”
hospitalier Henri-Laborit, Poitiers ; être malades semblent parfaitement conscients une conscience qui englobe la capacité à prendre
CIC INSERM U802, centre hospita-
lo-universitaire de Poitiers ; INSERM
de ce qui se passe dans le monde qui les entoure. du recul et à formuler un jugement concernant un
U1084, LNEC ; faculté de médecine Effectivement, ils peuvent donner des réponses large éventail d’expériences très personnelles, le
de Poitiers ; groupe de recherche
CNRS GDR3557.
parfaitement valables à des évaluations psycho- défaut d’insight pouvant être mis en rapport avec
logiques (3), ou décrire des symptômes en rapport une pathologie psychiatrique.

94 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 3-4 - mai-juin-juillet-août 2015

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Mots-clés
Résumé Insight
Nombreux sont les patients à voir vécu une expérience psychotique de type schizophrénique associée à Schizophrénie
un manque d’insight, ou de conscience, de leurs symptômes et des conséquences de leur maladie. Consti- Neurocognition
tuant une barrière à l’observance, un faible insight s’avère être un obstacle potentiel à la guérison. Pour
explorer ce phénomène, cet article met en évidence les conséquences surprenantes et paradoxales d’un Métacognitions
faible insight, que ce soit en termes de modèle étiologique ou d’approche thérapeutique. Les principaux Psychothérapie
modèles actuels conceptualisent un faible insight comme le résultat d’un large éventail de phénomènes
Fonction
en interaction, comprenant les déficits neurocognitifs, la réduction des capacités métacognitives et la
psychosociale
nécessité d’éviter la stigmatisation. Des approches intégratives mettent l’accent sur l’aide pouvant être
apportée aux patients, dans l’idée qu’ils puissent formuler une représentation consensuelle des difficultés Stigmatisation
inhérentes à la maladie. Ces approches nécessitent d’être validées par des études longitudinales. Guérison

Faible insight patients avec un bon insight qui s’étaient résignés Summary
dans la schizophrénie : à accepter la stigmatisation avaient de plus faibles Many patients with schizo-
niveaux d’espoir et d’estime de soi que les patients
conséquences paradoxales qui n’acceptaient pas leur maladie (17). Au-delà de
phrenia experience poor
insight or unawareness of the
la question de la dépression, un bon insight a aussi symptoms and consequences
On peut intuitivement penser qu’une personne été corrélé à une plus faible qualité de vie (18), et of their illness. As a barrier
souffrant d’un faible insight, quelle que soit la serait un facteur de risque d’idéations et de passage to treatment adherence, poor
pathologie psychiatrique, se révélera particulière- à l’acte suicidaire (19). insight stands as a possible
ment non observante. Effectivement, les données À la suite de ces résultats, des efforts ont été réa- roadblock to recovery. To
explore this phenomenon, this
actuelles vont dans ce sens, confirmant que les lisés pour déterminer un modèle sur les origines et
article reviews the surprisingly
patients schizo­phrènes avec un faible insight sont la nature de l’insight dans la schizophrénie. Dans paradoxical consequences of
plus souvent hospitalisés et connaissent des périodes un résumé récent, K. Osatuke et al. ont identifié poor insight, as well as models
plus fréquentes et plus longues de mauvaise obser- 7 grands modèles étiologiques pour expliquer le of its etiology and approaches
vance que les autres (6, 7). Cela s’avère particulière- manque d’insight (20). Les 2 premiers modèles consi- to treatment. Emerging models
ment vrai à des stades plus tardifs de la maladie, et dèrent l’insight comme un symptôme de la maladie. are stressed which conceptu-
à distance d’un premier épisode (8). Il est important En effet, ils suggèrent que le manque de conscience alize poor insight as the result
de souligner que l’insight semble être un bon facteur de la maladie pourrait parfois être lui-même consi- of a broad range of interacting
prédictif d’une bonne observance thérapeutique, déré comme un symptôme positif ou négatif de la phenomena, including deficits
in neurocognition, reductions
tant en ce qui concerne l’épisode aigu que l’obser- schizophrénie. Ainsi, un faible insight pourrait être
in the metacognitive capacity
vance au long cours (9). conceptualisé comme un délire ou comme une forme and the need to avoid the
De plus, un faible insight a été rapporté comme de retrait vis-à-vis de la réalité commune. effects of stigma. Integrative
facteur prédictif de moindres habilités psycho­ Les 4 modèles suivants proposés par K. Osatuke et approaches which focus on
sociales. Par exemple, chez les patients schizo- ses collègues considèrent le manque d’insight comme assisting persons to create a
phrènes avec un faible insight, il a été démontré le résultat direct d’un dysfonctionnement cognitif : consensually valid account of
que les relations sociales étaient de moins bonne désorganisation cognitive, troubles neuro­cognitifs, their illness are discussed along
qualité et que les performances dans les centres de troubles de la capacité métacognitive ou déficit with the needs for future longi-
réhabilitation par le travail étaient moindres (9-11). neuro­anatomique (20). Cet ensemble de théories tudinal research.
Un faible insight est également corrélé à la sévérité peut être perçu comme une forme de diminution
de la maladie (aussi bien dans les symptômes posi- des capacités cognitives antérieurement disponibles. Keywords
tifs que négatifs), que ce soit au long court (12) ou Autrement dit, tout se passe comme s’il y avait chez le Insight
lors d’un premier épisode (13). sujet un obscurcissement de sa faculté de reconnaître
Schizophrenia
Paradoxalement, d’autres travaux ont suggéré ou d’identifier une série d’expériences chaotiques
qu’un bon insight pouvait conduire à toutes sortes et gênantes telles qu’on en connaît dans la schizo- Neurocognition
de conséquences néfastes. Ainsi, R.J. Drake et al. phrénie. Ainsi, du fait de leurs difficultés d’abstraction Metacognition
rapportent qu’un niveau de conscience élevé des importantes, il se pourrait que les patients schizo- Psychotherapy
troubles, et ce dès le début de la maladie, est un phrènes ne puissent formuler de description complexe Psychosocial function
facteur de risque important de dépression (14). et plausible de la maladie, en raison de la double Stigma
De la même façon, S. Mohamed et al. ont trouvé contrainte que celle-ci leur impose : se protéger, d’une Recovery
qu’une aggravation de la dépression coïncidait avec part, de la réalité de leur maladie et, d’autre part, du
des modifications de l’insight (15). Il s’agit probable- regard des autres.
ment ici du fait que les personnes qui commencent Le septième et dernier modèle suggère qu’un faible
à percevoir qu’elles sont malades se trouvent alors insight pourrait refléter une tentative d’adaptation
confrontées à la stigmatisation, c’est-à-dire aux face à l’image négative que renvoie la maladie (20).
croyances sociales stéréotypées et inexactes au Selon cette vision, il pourrait s’agir d’un acte
sujet de la maladie mentale, comme la notion que autoprotecteur ou d’un moyen d’éviter certaines
cette dernière serait synonyme d’incompétence, par difficultés inhérentes à la maladie, comme la stig-
exemple (16). De plus, une étude a montré que les matisation ou la perte d’estime de soi.

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L’insight
en psychiatrie Faible insight de la maladie dans la schizophrénie : nouveaux concepts, corrélats,
traitements et controverses

À ce jour, la plupart des recherches ont examiné la certain nombre de faits au sujet de la maladie, mais
possibilité que l’insight soit lié à un large ensemble bien comme un déficit de la capacité à raisonner par
de troubles cognitifs. De nombreuses études ont rapport à son propre état mental.
permis de mettre en évidence, chez les patients À titre d’illustration, une relative incapacité à for-
schizophrènes avec un faible insight, des troubles muler une pensée sur la façon dont une tierce per-
neurocognitifs, et tout particulièrement en rapport sonne pourrait percevoir sa maladie entraînerait
avec le fonctionnement du cortex préfrontal (21-23). potentiellement chez le patient des difficultés à se
D’autres études ont essayé de faire des corrélats représenter la maladie en général. En parallèle, un
entre manque d’insight et modifications morpho- manque de conscience de ses propres pensées et
logiques du cerveau, en particulier les diminutions sentiments peut parasiter le traitement correct et
de volume de la matière grise dans les régions tem- objectif d’une pensée ou croyance aberrante. Au-delà
porales et pariétales (24). Ainsi, en se basant sur les des déficits en neurocognition, les carences diverses
résultats de tests neuropsychologiques montrant de la métacognition peuvent interagir pour former
une diminution de la flexibilité mentale, une pensée la base d’un insight faible chez certains patients. Ces
abstraite limitée et un niveau de fonctionnement hypothèses sont étayées par les études qui ont mis
cérébral diminué, il a pu être suggéré que les patients en rapport théorie de l’esprit et faible insight (26,
schizophrènes avec un faible insight auraient des 27).
difficultés particulières à percevoir et construire une Cette idée est elle-même renforcée par une étude
représentation significative des symptômes de la récente qui a montré que l’incapacité de penser à
maladie, et des conséquences de celle-ci (2). soi-même comme quelqu’un de potentiellement
Les modèles théoriques précédents apportent certes capable de résoudre des problèmes ainsi qu’un
des explications, mais leur application génère des défaut de théorie de l’esprit étaient liés de façon
résultats contradictoires. Dans l’idée de trouver un exclusive et indépendante à un faible insight pour
compromis, 2 autres modèles ont été proposés. Le l’analyse des conséquences de la maladie (28) ;
premier, imaginé par P.H. Lysaker et K. Buck (2), tandis que la conscience de ses propres pensées et
est un modèle intégratif dans lequel les troubles sentiments était liée à la conscience des symptômes
cognitifs pourraient interférer avec l’insight, en indépendamment des neurocognitions.
rendant plus difficile l’élaboration par les patients
d’une vision propre de leur condition, comprenant
aussi bien certaines des idées socialement répandues Insight : approches
au sujet de la maladie que les schémas les proté- thérapeutiques
geant de ces représentations négatives. En d’autres
termes, il est possible d’avancer que l’atteinte cogni- Un insight faible pose aux cliniciens un vrai problème
tive entraîne le sujet à se maintenir dans l’absence de prise en charge des patients. Comment une per-
de reconnaissance de son trouble, celui-ci n’ayant sonne pourrait-elle prendre une décision éclairée sur
ainsi pas à “faire le tri” des cognitions complexes, l’opportunité de recourir à un antipsychotique alors
et parfois contradictoires, qu’induit le fait de se même qu’elle conteste la possibilité d’être malade ?
supposer malade. Comment aider un patient à percevoir ses difficultés
Le second est un modèle évolutif de l’insight qui comme une conséquence possible de sa maladie ?
permettrait de penser qu’un défaut d’insight est Un faible insight représente un véritable obstacle
probablement le résultat d’altérations des capa- à la mise en place d’une alliance thérapeutique et
cités métacognitives. Le terme de “métacognition” à l’initiation d’un traitement. Cependant, aucune
renvoie à un ensemble de fonctions qui permettent méthode de psychothérapie ne semble avoir clai-
aux êtres humains de réfléchir à leurs propres rement remédié à ce problème. Premièrement,
pensées et sentiments, et à ceux d’autrui (25). les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)
D’une manière conceptuelle, la métacognition est sont une forme de psychothérapie qui permet aux
un phénomène apparenté, mais pas synonyme de personnes d’identifier et de corriger les croyances
neurocognition, par exemple ; avoir une mauvaise et les comportements inadaptés. Par conséquent,
mémoire n’est pas la même chose qu’être conscient elles semblent naturellement désignées pour traiter
de ses déficits mnésiques, ou que savoir dans quelles une croyance inadaptée (par exemple “Je ne suis
circonstances on peut toujours mémoriser efficace- pas malade”, “Je vais mieux et ne rechuterai pas
ment. Dans cette perspective, le manque d’insight cette fois, alors pourquoi poursuivre un traite-
n’est pas considéré comme un refus d’admettre un ment ?”, etc.). Même si les séances de TCC sont

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L’insight
en psychiatrie

bien acceptées par les patients schizophrènes, les mentale, et les aidant à comprendre les consé-
résultats des études semblent inconstants. Ainsi, quences positives et négatives de leurs actions (35).
une étude a montré que la participation des patients Cette approche pourrait être utile, car elle ne repré-
schizophrènes aux séances de TCC permettait des sente pas une position rigide, et se concentre sur
améliorations de l’insight (29), mais les résultats de le renforcement de la confiance et de l’estime de
cette étude n’ont pas été retrouvés lorsque celle- soi, autorisant le patient à prendre conscience de sa
ci a été répliquée par une autre équipe (30), et ce maladie sans se confronter à quelque forme de stig-
probablement du fait d’un grand nombre de perdus matisation que ce soit. En d’autres termes, comme
de vue. Une technique prometteuse pour traiter la dans les approches intégratives (17), cela permet-
question de l’insight est celle de P. Chadwick (31). trait de créer un espace privilégié de réflexion de la
Cette approche intègre une gamme de principes, pensée sur la maladie.
dont beaucoup sont axés sur la cognition, et cherche Enfin, concernant la psychoéducation, cette
à promouvoir l’acceptation de soi et l’auto-réflexion. technique continue d’être peu ou pas indiquée, alors
P.H. Lysaker et al. (32, 33) ont publié des rapports qu’elle est d’un grand recours pour favoriser l’in-
de cas suggérant que les psychothérapies intégra- sight (36). En effet, elle semble aider les patients à
tives pourraient aider les patients à se construire prendre conscience d’événements en rapport avec la
simultanément une vision plus cohérente de leurs maladie mentale, mais pas nécessairement à évaluer
difficultés ainsi que de leurs ressources, lacunes et s’ils sont pertinents, et ce, alors que de nouvelles
perspectives, améliorant ainsi l’insight. Conformé- approches semblent plus prometteuses (37). Concer-
ment à l’approche de P. Chadwick (31), cet abord nant les médicaments, il reste l’espoir que de nou-
intégratif met l’accent sur la nécessité de redonner velles molécules facilitant les cognitions émergent
du sens commun. Dans ce modèle en particulier, il afin que le patient puisse accéder à un certain degré
est suggéré que la psychothérapie pourrait aider de réflexion sur lui-même, et donc, de fait, aux thé-
les personnes à devenir plus aptes à réfléchir sur rapies sus-citées.
la pensée, c’est-à-dire à développer les capacités
métacognitives nécessaires pour mieux comprendre,
comme un préalable à l’insight. Par exemple, au lieu Discussion
d’explorer la plausibilité de la croyance, les patients
sont amenés à développer la capacité à reconnaître Comme nous venons de le voir, la question de l’in-
et à distinguer les pensées et sentiments, puis à les sight dans la schizophrénie représente une énigme
traiter (formation de métacognitions), conduisant pour la santé mentale contemporaine. Un faible
à une interprétation plus cohérente et consensuelle insight semble être en lien avec une mauvaise
des symptômes de la maladie. observance thérapeutique, des dysfonctionnements
Ces approches semblent être cohérentes avec les cérébraux, et, paradoxalement, son amélioration
observations sur la nécessité d’un environnement peut mener à la dépression, à une faible estime de
favorable au développement de l’insight. L. Lewis et soi, et éventuellement au suicide. Il existe plusieurs
al. ont par exemple souligné que l’insight impliquait modèles d’appréhension du phénomène, mais aucun
souvent des activités métacognitives complexes ne semble exhaustif. Par conséquent, il n’y a, pour
visant à la fois à se sortir des schémas de pensée l’heure, aucun schéma thérapeutique clair. De plus,
passés et à apprendre une nouvelle façon de donner le rôle que joue l’insight dans la guérison reste flou :
du sens (34). Par exemple, pour un patient avec s’agit-il d’une condition préalable ? ou d’un effet
un délire de grandeur, sortir du délire peut s’avérer secondaire ? Un prérequis serait de comprendre ce
douloureux, d’autant que ce dernier protégeait en que signifie “avoir un faible insight” dans la schi-
quelque sorte l’estime de soi. zophrénie. D’abord, il faudrait explorer en quoi la
Fait important, ces études de cas individuels n’ont conscience d’une maladie physique comme l’arthrite
pas encore été reproduites dans des essais contrôlés ou l’hypertension artérielle est phénoménologi-
randomisés. quement différente de l’insight dans le cadre de la
Une autre possibilité pour l’amélioration de l’insight schizophrénie. Dans le cas de l’arthrite, le patient
est l’entretien motivationnel. Il a été suggéré que est pleinement conscient de la douleur qui pour-
ce dernier pourrait être utilisé pour offrir aux per- rait marquer l’évolution de la maladie. En revanche,
sonnes atteintes de maladie mentale grave un envi- dans la schizophrénie, une croyance qui semble cor-
ronnement sécurisant leur permettant d'explorer recte au sujet peut être source de confusion pour
leurs points de vue sur ce que signifie la maladie les autres, et inversement. Dans la schizophrénie,

La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 3-4 - mai-juin-juillet-août 2015 | 97

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en psychiatrie Faible insight de la maladie dans la schizophrénie : nouveaux concepts, corrélats,
traitements et controverses

la dimension interpersonnelle – qui implique le fait doit être compréhensible par tous. Ainsi, l’insight
que l’entourage ne partage pas les croyances du peut être mis en défaut de 2 manières, comme nous
patient, et que les pensées et sentiments sont dif- venons de le voir. Un patient sans conscience de
ficiles à appréhender – est capitale dans l’optique sa maladie ne peut formuler une représentation
d’une réadaptation. Prenons par exemple le cas d’un cohérente de ses difficultés : il ne peut donc pas
délire. Dans ce cas, avoir de l’insight signifie savoir mettre en place des relations sociales, familiales ou
que l’idée qui s’impose a possiblement un sens (reli- affectives de bonne qualité, ou s’astreindre durable-
gieux ou autre), mais qu’elle n’est pas adaptée. En ment à un traitement, et, par conséquent, se replie
d’autres termes, cela revient à se poser la question sur lui-même et se met en danger. De même, un
suivante : dans quelle mesure se fier à ma capacité patient ne devrait pas s’en tenir à sa propre concep-
propre à donner du sens à mes pensées et percep- tion de la maladie, et accepter le point de vue social
tions ? Une des entraves majeures à cela est l’utilisa- et médical à ce sujet. Dans ce cas, cette conscience
tion de vieux modèles de traitement de l’information de la maladie risque de l'amener à supporter le poids
par la conscience, qui assimile l’individu à un récep- de la stigmatisation, et de donner une note négative
teur d’informations, capable de les assembler en au ressenti du malade, qui, par lui-même, ne peut
images qui reflètent plus ou moins la réalité. Ces élaborer de telles représentations (2, 16).
modèles plus anciens de la conscience, lorsqu’ils Au vu des surprenantes observations réalisées sur les
sont appliqués à des schizophrènes, semblent assi- possibles étiologies de l’insight, une compréhension
miler le défaut d’insight à un manque d’information narrative de ce dernier est tout à fait compatible avec
ou de connaissance. Or, ce manque se produit dès les modèles intégratifs et métacognitifs actuels. Pour
lors que l’information n’est pas correctement com- donner du sens à la maladie, il semble nécessaire de
pilée en une image exacte de la réalité. faire appel à la capacité du sujet à croiser et retraiter
En marge de ces modèles cognitifs, les plus contem- les cognitions d’autrui. De même, pour que le patient
porains soulignent que les personnes interprètent s’approprie sa maladie, il est préalablement indis-
activement non seulement les informations qu’elles pensable qu’il puisse reconnaître ses propres pensées
reçoivent, mais également les pensées qu’induisent et croyances, et les envisage comme faillibles. En
le traitement de cette information et la façon dont outre, un troisième type de capacité métacognitive
elles se perçoivent (38). Selon ces modèles, l’analyse est également pertinent pour le développement de
des pensées propres et attribuées à autrui suit l’évo- l’insight, à savoir la maîtrise ou la capacité de se
lution d’états internes tels que le désir, les peurs, les penser en mesure de résoudre des problèmes (40).
rêves, l’amour, la haine, etc., mais aussi de phéno- À l’égard du traitement, si nous entendons par
mènes externes tels que la richesse du réseau social, insight un ensemble de facteurs pouvant conduire
les convictions politiques, etc. (25). à des échecs de toute sorte, il n’est pas surprenant
Dans cette optique, considérant l’individu comme qu’une modalité thérapeutique unique soit générale-
être donnant du sens, une nouvelle approche de l’in- ment mise en défaut. Il serait préférable de recourir
sight dans la schizophrénie consiste à appréhender à des programmes thérapeutiques intégratifs se
la maladie de façon narrative (39). Ainsi, l’insight référant à différents champs phénoménologiques,
reflète un récit construit personnellement, et non tels que l’espoir, les neurocognitions, les métaco-
une tentative infructueuse de se saisir en partie de gnitions, la lutte contre la stigmatisation. De telles
l’information (le manque d’insight ne se produisant approches sont susceptibles d’inclure en leur sein
pas lorsque le patient n’a pas à accepter passivement les approches pharmacologiques, psychosociales et
la vérité que lui délivre un médecin ou un membre psychothérapeutiques.
de sa famille, par exemple). Ce manque d’insight
serait plutôt la conséquence d’un manque de dis-
cours co-construit avec le patient, qui permettrait à Implications pour les études
ce dernier de donner un sens commun aux éléments à venir
en rapport avec son vécu.
L’ensemble des argumentations précédentes nous Cette revue de la littérature ainsi que d’autres
amène à considérer que, pour avoir une conscience démontrent qu’il y a clairement un besoin de
adaptée de la maladie, le patient doit posséder recherches plus vastes sur l’insight (2, 9, 20, 36). Des
2 qualités. La première est une forme de conscience études longitudinales tout d’abord, afin d’explorer les
pratique et personnalisée de la maladie. La seconde corrélations entre insight et métacognitions (théorie
tient en ce que tout discours autour de la maladie de l’esprit, réflexion sur soi), entre insight et neuroco-

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L’insight
en psychiatrie

gnitions (fonctions exécutives, mémoire), entre insight au sujet de leur maladie. Ainsi, certains travaux ont
et échelles psychologiques (estime de soi, traits de été entrepris pour dégager les éléments cohérents
personnalité, image de soi) et, enfin, entre insight et d’un discours sur la maladie (16, 39), mais ils n’en
fonctionnement cérébral. Quels sont les liens entre sont qu’à leurs débuts.
ces dimensions ? Une amélioration de l’insight est- Pour conclure, il y a de la place pour une approche
elle durable ? Y a-t-il d’autres facteurs qui entraînent thérapeutique intégrative du manque de conscience.
des pertes d’insight ? Quel niveau de fonctionnement Celle-ci pourrait comprendre des études pilotes
neuro­cognitif, métacognitif et d’estime de soi faut-il contrôlées évaluant les champs psychosociaux, édu-
pour être capable de se représenter sa maladie de catifs et psychothérapeutiques. Ces interventions
manière adaptée ? D’autres études longitudinales pourraient porter sur des processus permettant aux
pourraient également disséquer les interrelations entre personnes atteintes de schizophrénie de donner un
différents types d’insight : à quel point sont-ils diffé- sens à la maladie mentale et de vivre avec, de façon
rents ? Y a-t-il un quelconque rapport entre eux (28), à leur permettre d’envisager un avenir qui implique
comme on pourrait le penser ? Une modification de qu’elles aient une qualité de vie acceptable, et de
l’insight est-elle un préalable à d’autres changements se montrer observantes à un traitement approprié.
dans la maladie ? Est-elle une conséquence de la Une telle stratégie de recherche appelle à la syn-
maladie qui débuterait bien en amont du défaut de thèse de travaux issus d’un éventail de procédures
conscience de la nécessité d’une prise de traitement ? suivies par des études pilotes, puis par des études de
Si oui, est-elle perceptible plus précocement ? faisabilité destinées à déterminer si ces traitements
D’un point de vue plus général, il paraît impératif pourraient être acceptés par les patients souffrant
de développer des approches multidimensionnelles de schizophrénie. En attendant le succès de ces
pour évaluer correctement l’insight. Une métho- premiers travaux, des essais contrôlés randomisés P.H. Lysaker et G.H. Germaneau
n’ont pas précisé leurs éventuels
dologie s’impose pour amener les patients à la pourraient être conçus dans le but d’évaluer l’impact liens d’intérêts.
conscience de leurs difficultés propres, de façon à ce de ces interventions sur la qualité de vie et le fonc- N. Jaafari déclare ne pas avoir
qu’ils ne se conforment pas à ce qu’on leur rapporte tionnement psychosocial. ■ de liens d’intérêts.

Références bibliographiques
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La Lettre du Psychiatre • Vol. XI - n° 3-4 - mai-juin-juillet-août 2015 | 99

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DOSSIER
L’insight
en psychiatrie Faible insight de la maladie dans la schizophrénie : nouveaux concepts, corrélats,
traitements et controverses

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