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@DAVID OISTRAKH @CONCERTO @ WAGNER aa LE FEU SOUS POUR PIANO DECOUVERTE #ACEaN eal sy J a. LAGRACE 10 ALBUMSCULTES CAPITALE @XUi\Neioiss7\) Pee ney a: asec: cn gin osc -TOW 2-55 TT CUE Make Waves i Cer) Bes ey Laiead SIEM musiccasr +YPAO)) (OX ME wd Ce ae ee an ete ene ee eee eee) ee ee ee ets Associée la nouvelle gamme des amplis-tuners R-N, cette combinalson offre une expérlence musicale inégalée,allant le meilleur des deux ee ee ee cee eee ee ee eer eos analogiques traditionnelles, d'une entrée phono et de multiples entrées numériques telles qu'un DAC USB et une prise HDMI ARC’. Autre Coon eee eee cece ee eee eee eee eee ee eos Seed eee ae een ee Sec eee) plusieurs pldces et également profiter des meilleurs sorvices de streaming en haute résolution, USSU SR sommaire os i ditorial d'Emmanuel Dupuy Coulisses Découverte, TRIPLE PORTRAIT DE WAGNER Anniversaire LQRCHESTRE NATIONAL D'ILE-DE-FRANCE Rencontre RICCARDO MUTI Histoire ANTON BRUCKNER Bonnes feullles BERNARD HERRMANN Loeuyre du mois AINSI LA NUIT DE DUTILLEUX Mythologies DAVID OISTRAKH Lair du catalogue LE CONCERTO POUR PIANO ROMANTIQUE La chronique 'ivan A. Alexandre ‘SPECTACLES Avoir et a entendre Vuet entendu LE DISQUE LESON Echos Ecoute critique CASQUE & ACCESSOIRE Banc c'essai 14 ENCEINTES DE 799 € A16000€ LE GUIDE Radio Livres Laplaylist de ma vie LAURENCE EQUILBEY ce numéro comport surtout ou parti esa tun {in O Rewer'd Bopasn dort 2CO iprsates Ue Dapason ter sur couvertre @©0ee@ ©0600 0 ©eee 8 @ e608 ILS FONT , L'ACTUALITE En interview RICCARDO MUTI est un des deriers chefs dont la voix porte hors des salles de concert 3 Prilage de "age, a ‘mais surtout d'un art sans g compromis, qu frarayonner 3 dune tournée européenne avec son cher Orchestre de Chicago. 7 En disque La soprano MARINA REBEKA ‘ propose un bouquet dairs elebres, 5 puisés dans les opéras de afin ‘ ‘Sux sicle ot du début du xe. q Partoutfascine une voix vibrante, 3 dont la musicienne sat adoucir et colorer le timbre cristal En disques Retenoz leur nom : ls musicions clu DOVER QUARTET vent tine Intégrale Beethoven dunbout a autre captivante, § au sein de laquelle 8 les Quatuors « Razoumovsky » installont cette jeune formation ‘américaine au promiar rang. RECEVEZ DIAPASON CHEZ VOUS! Votre bulletin d'abonnement se trouve page 71. ee eee eet ee eee Fae ee care eter eene70 woww.kiosquemag.com Diapason |s L’éditorial D'EMMANUEL DUPUY Basses fréquences espolémiques, de nos jours, feurissent souvent ‘it on ne les attend pas. Dernier exemple en date: in novembre, sir lemédiaen ligne AOC, Yanthropologue Jean-Loup Amselle publiait tun britlot accusant Radio Classique de wehiculer « une idgologie profondément conservatrice » Quelques jours plus tard, une chronique diffusée par France Culture ‘eprenait ces propos touten les amplifiant. Que reproche-on la chaine dont Bernard Arnault est proprigtaire ? Justement : que Bernard Arnault en soit propriétaire. Un magnat du luxe, une des plus grosses Tortunes du monde, bref, un capitaliste: foreément, cest ‘mal. Dautant que le patron de LVMH nest guére connu, pour ses sympathies mélenchonistes, pas plus que les journalists et chroniqueurs embauchés par la station {qui interviennent dans les tranches d information, Celles- i restent certes trbs minoritaires, lessentiel du temps. dantenne étant consacré ala retransmission deavres ‘musicales. Maisla encore, selon M. Amselle, lebatblesse «le socle de la programmation de Radio Classique est [...]constitué par un bloc musical “blanc” et dalfirmer Nousyvoill. Has! Bach, Mozart, Beethoven sont des males blancs (quoique dans le eas de Beethoven, question couleur, es doutes soient permis) ayant vécu il va plusieurs sides Et pour M. Amscle c'est une tare, dautant plus inexcu: sable que Radio Classique fait bien pea de place aux _musiquesextra-européennes oucontemporaines. Suivant Jaméme logique, on admettra done que le Musée d'Orsay « véhicule une idéologie profondément conservatrice», puisquil n'intégre pas a ses collections celles du Quai Branly ou du Centre Pompidou ; que ! Opéra de Paris «vGhicule une idéologie profondément conservatrice», puisquil ne donne guere de spectacle de Kabuki ou de breakdance :et cara ‘Mais M. Amselleneven tient pas qua la nature des cures programmes. Selon Ii, «Je ton idéologique dea station » sentend également dans «ladiction des intervenants qui dénote, sinon eurappartenance’ un groupesocial donne, dur moins leur position de classe.» Aprés le dit de sale ueule, ona inventé le délit de sale voix. Vice impardon: rable: « Radio Classique est le domaine par excellence du frangaischatiget bien prononcé,»Tlestvrai qu’anotre ‘Spoque, pour faire carribre dans les médiasaudiovisucs, 4lovaPason —« Un bloc musical pas “blanc” et conservateur ». ‘mieux vaut parler comme uncharveter et fare trois Fates desyntaxe par phrase. "Ne reculant devant aucun poneil, M. Amselleprétend aussi que «la forme “concert” de musique classique [..] est ‘mode de consommation bourgeois par excellence », avant de conchire « que les idées dextréme droite ne sont pas seulement propesées par ls partiesdextréme droite mais aquielles péngirent aussi sous couvert de la diffusion deuvres musicales en apparence neutres », Carnément Er tout cela, sans avancet la moindre statistique sociolo- gique sur Taudience de Radio Classique, sans jamais, donner a parole aux artisans dela chaine, wee pour seul argument a force des préjugés. Comme approche scien figue,on ava mie Le pluscocasse et le plustriste-,cest que M. Amsele, en croyantsattaguer aux puissants, sen prend en vérité un pan de notre civilisation qui est aujourd ui ultra ‘minoritaire, aminé parle rouleaus compresseur des m- siques dites «actuelles », Selon les derniers chiffres de Médiamétre, portant surles mois de septembre et octobre 2023, Radio Classique réalisait un score 41.8% en parts d'audience. Loin derrigre NRJ (7.9%) ou Skyrock (6.2%), deux autres chaines musi cles que lanthropologue et ceux. aqui adhérent & ses thises nlaccuseraient certainement pas de déviance idéologique. Pou importe qulles ne dif. fusent que des couvres ressortissant de Tentertainement, «quiellessoient e haut-parleur d'un show-business soumis, aux diktats de la mode, les officines dune économie brassant des milliards. ui, peu importe. Car Ia bataille qui est menée relove bien davantage de la démagogie que de la conscience politique dont seréclament ss zélateurs. Ce quiestvisé, ce nest pas un art soi-disant bourgeois et « de droite » /M. Amselle faisat son boulot, il serait sans doute sur- pris dapprendze que beaucoup d’interprétesclassiques, et de mélomanes otent gauche, Ce quiestvisé,cest un langage et un répertoire musicau recelant une incontes- table complexté et qui, de ce fait, sont jugés discrim nants par une écrasante majorité de nos contemporain. Phutot que chercher, parla pédagogie,& partagerce timable patrimoine au plus grand nombre, on préferesien ddabarrasser en le taxant de tows les matty, pour mieux se vautrer dans les faclités d'une culture mainstream et commerciale. Siga cost pas du populisme. ami lINoMsIeanep Olu lm port Ce chaul chotal ‘ _ " 4 i. a candidatures jusqu’au 2 avril\2024 teas tea UCU Tere Rs ee ce eee ac ete We a ely Fondation Bettencourt Schueller rf 87 wW C. BECHSTEIN Concert LA PERFECTION DANS LART DE LA FACTURE DE PIANOS: C. BECHSTEIN CONCERT C6 Toujours plus proche d'un piano a queue : le piano de concert qui répond aux plus hautes exigences. EUROCLAVIERS 03 89 20 33 20 www. bechstein.fr www.euroclaviers.fr ACTUALITES coulisses PAR BENOIT FAUCHET Leur parole est d'or Les nouveaux disques du guitariste Thibaut Garcia et de |'Utopia Ensemble ont été couronnés d'un Diapason d’or |e mois dernier. Vous voulez savoir comment furent concus ces joyaux ? Les heureux élus lévent un coin du voile. Thibaut Garcia GUITARE. ‘EI Bohemio : auvres d'Aqustin Barrios. Thibaut Garcia (guitare. Erato. « Etre happé par un universet se retrowveren immersion totale, est ce qui mest arrive avec Agus album miest appara comme une iprés avoir passé toute tune journge lire sa musique de fagon spontanée, la redgeouvrie sans pouvoir mfarréter, avec une grande appétence. Barrios incarne un paradoxe interessant: ncontournable pout les guitarists, il reste encore mystérieux pour la plupart des muisiciens et mGlomanes. Je savais, 6 combien | sa musique sensible, mais derrire cela jai découvert le personnage, pirations, ses histoirest ses multiples talents, dont celui depotte. Compositeurfascinant, i est Ia eroisée de la musique populaire sud-américaine et des romantiques européens Une fois embarqué dans cette venture, on découvre un musicien itingrant,dstillant dans ses pidces 'ame des pays quil visite, le Brési,!Argentine, Uruguay... Tout ceci de fagon postique, el mime onirique. Barrios est un ésotGrigue. 1 invogue les dies uaranis - Tupa le dieu supréme, Yacila lune -, parle la nature, Avec ce disque, je peins le tableau de une de mes idoes, “le Chopin de la guitare” comme faime lappeer, plus volontiers| suurnommé a son épaque "le sorcier de la guitare” ow encore “le Paganini des Jungle da Pa Utopia Ensemble QUINTETTE VOCAL «Salve Susato» euvrs de Susato, Lassus, Lecoca, Manchicourt, Josquit Utopia Ensemble, Ramée. « Nous avons chois daborder le monde musical de Tielman ‘Susato, dé bien connu parmi les spécialistes comme imprimear ‘de musique, apres avoir interprété Les mens aussi, chanson en forme de réponse au fameux Mile egrets attribué &Josquin Desprez. Découvrant un grand raffinement dans sa palyphonie, ‘nous avons décidé de tier ke fil dela pelote de ses composition dlisséminges un peu partout dans ses éditions, au milieu de grands ‘noms du xv siéle comme Gombert, Clemens non Papa et Lassus. ‘Aucun doute il mérte amplement cette place quil sestlui:mame donnée. Aprés le Diapason découverte regu pour notre Pevernage, ‘ce Diapason dor est un encouragement poursuivre le travail Jejoins mon chéque libellé & Vordre de La Boutique Diapason. pice, simple ot 100% sécurst pa cari bar ‘vew-klosquemag.com/boutiaue Kiosque Mag nde commande La Boutique Diapason 01 46 48 48 03 du lundi au samedi de 8h & 20h. a ° > JINDIQUE MES COORDONNEES :¢:onstpsrras center a ste mes Sur la piste d’un triple portrait de Wagner Dans un nouvel ouvrage collectif dé escendant dluneillustredynastie nett chateloise de manufacturiers dn. diennes, Alfred Bot (1841-1900), est devenu, apres son mariage avec Berthe Peugeot, un des acteurs principaux clu développement industriel dela Franche- ‘Comié, Associé-gérant des « Etablissements Peugeot Freres » puis des « Fils de Peugeot Frares », au pays de Montbetiard, i est, ds 1869, un collectionneur insatiable d’auto- graphes rares, ouvrages préciews, de des- ns et de peintures. Musicien passionné, il nitdanssa riche demeure de Valentigney (Doubs) plasieurs millers de manuscrits des plas grands compositeurs el interprotes des ‘quatre siteles 6coules. Admirateur dela pre- mitre heure de Richard Wagner, il devient ‘unintime desa familleet un mécéne influent clu wagnérisme, & Bayreuth comme en France. Grace exceptionnelie En 1880, ilcommande son cousingermain, Edmond de Pury (I845-1912), un portrait apres nature de son idole. Forme 3 Vatlier parisien de Charles Gleyre, Pury est un peintre suisse encore peu conn, Dui janvier 407 aodit 1880, Richard Wagner est en vill giature ala Villa Angri, dans la baie de Naples. Acette époque, le peintre résde sur Vile voisine de Capri. Par Vintereession de Cosima Wagner, Bove obtientIa grace excep tionnelle de bréves séanees de pose, qui (comme le rapporte Glasenapp, premier biogvaphe de Wagner) «I fatiguaient, voire irritant plusinatilement encore» Lescor- respondancesiinédites de Bovet avec Cosima, lebanquiergenevois Agénor Boissiret lem sicographe Houston Stewart Chamberlain {futur gendre de Cosima), offrent de longs \émoignages richesen anecdotes piquantes, surlaeréation d'un portrait que ke peintre va 18 |DVAPASON au peintre neuchatelois Edmond de Pury, notre collaborateur Denis Morrier retrace Ihistoire rocambolesque de la commande singuliére passée par un des plus fervents wagnériens du xix siécle. 7 een Villa Angr, Napoli, Lugo 1880, Edmond de Pury fect Haile sur bois (18 x 1,5 cm). 5 Le 10 novembre 1900, Alfred Bovot dé 5 subitement des suites d'une attaque d'apo 3 plexie. Son épouse et ses cing enfants se par © agent son héitage. Sa somptucusecollection a s Edmond de Pury (1845-1911): Richard Wagner, = 1880, huile sur bois (60,4 x 39,5 cm) : décliner, d'abord en deux, puis en trois tableaux distnets «Tut que je vous fasse la gendse de mes ~ ccar jen ai deux - portraits de Wagner », dit Bovet & Chamberlain en 1894, « Favais de. mandé a mon cousin, un portrait, ola tte serait grandeur nature, Mais le maitre ne hi ayantaccordé que deux séances~ce qui tat sdureste deja extrémement aimablede sapart =, mon cousin vit que jamais il ne pourrait termineren sipeu de temps un portrait avec te grandeur nature. I fitdone sur un pan- neat en bois, une petite tte de quart gran- dour nature, environ, Puis rentré & Capri i copia immédiatement cette petite tée, en for- mat grandeur nature [..] Cest presque un original,en somme, puisquiilaét fait immé- diatement apres que mon cousin avait por- traituré le premier » Le« petit portrait» revGtira toujours, asx yeux de son commanditaire, une plus grande valeur que le grand, puisquillaété réalisé en face méme de son modéle. Cest dallears le seul dont autoriseune uniquereproduction, fen 1895, dans la somptuetse monographic illstrée de son ami Chamberlain consacrée e gravure en noit et blane permettra a Touvrage de Pury de ne jamais, tomber totalement dans foubli,tandisque le ‘grand tableau ne sora connu que par quolques familiers, grace auxanciensclichés des inté- rieurs de la maison Bovet, conserves par sa familleusqu/ nos jours. Invraisemblable chance Lhuile sur bois faite & Capri va encore en- ‘gendverun roisiéme tableau !En 1880, Pury navait pala fibre wagnérienne, marqu par les « mauwvaises plasanteries», de son entou- rage parisien, raillant Tauteur honni d’Une capitulation et du Tannhauser sifflé en 1861 Vingt ans plus tard, tout a changé : Veouvre de Wagner définitivement conquis Opéra de Paris et méme le monde entier. Alors, ‘comme le rappelle son ami William Ritter cen 1913, « apres la grande palinodie, Ed- ‘mond de Pury, stant enfin rendu compte de Vinvraisemblable chance gui lui était échue, neut de cesse que de s'étre fat lui meme un fac-similé de sa petite planchette, ‘que sa femme et lui désormaistrimbalerent dans tous ses déplacements, comme sils ceussent été les plus fanatiques wagnériens du monde, » bows cle manuserits musicaux est progressiverment disséminde, en particulier lors de retentis: santes ventes aux enchéres berlinoises. Les its wagnériens de Pury tombent dans Toubli. En 1970, le musicologue allemand Martin Geck, dans son ouvragede' dedi auxportraits de Richard Wagner, men: tion que la peinture princeps est restée la propriété dun descendant Allred Bove, ta dis que toute trace a 66 perdue de sa version, ‘grande, Celle-ciréapparaiten 1983, lors de Texposition parisienne « Wagner etka France» (BNFOpéra de Paris) sans quelenom de son véritable propritaire soit dévoil, II nousest aujourd hui offert de vous révsler en couleur, grice & Textréme obligeance de leurs actuels, propriaires, le patitet le grand tablea qui ‘ornaient autrefois la demeured/lfred Bovet. Lepremierestrestéla propriété de a famille, tandis quelesecond, aprésdiverses péripsties, Art, la Culture et Histoire de Winterthur (Suisse). ce jour, le troisigme « fac simi ‘alse par Pury pour son usage personnel, a puetrelocalisé Denis Morrier Edmond de Pury, Un regard tal de Capri a Venis par Patrice Allanfranchini, Christophe Flubacher, Xavier Galmiche, Laurent Langer ‘t Denis Morrer. Editions du Griffon, 306 p. avec plus de 609 illustrations an couleur. www.editionsduariffon.com DVAPASON| 19 ANNIVERSAIRE Un jubilé pour !'Ondif LOrchestre national d’lle-de-France féte ses cinquante ans & la Philharmonic... et dans sept autres salles de la région. Preuve qu'l s'est imposé comme une formation parisienne pas comme les autres, flexible, mobile, tres consciente aussi de son réle social. AR BENOIT FAUCHET « antastique !» Le titre div concert deTOrchestrena- tional d'Tle France (Ondif) en cette soirée dau tomne clague sur le programme de alle distribu au Theatre de Saint Quentin-en-Yvelines, & Montigny: Brotonneux, Nous sommes uneving- taine de kilometres au sud-ouest de Paris,adistance des grands vaisseaux deartsymphonigue. Dansce mon ment de béton un pet froid cétoyant ‘un habitat popalsire sest rassemblé un public de cheveur gris, d'actifs de laclasse moyenne et dadolescentssu- bburbains — doux jeunes filles wil presseront le pas pourattraper un bus aTissue de la prestation, ly a fort & parier que nombre deces spectateurs navaient jamaisentend en intégralité Jeclou du concert, la Symphonie fa tastique de Berlioz. Encore moins le Concerto pourviolor de Sibelius, sans parler des rarissimes Offrandes ow. Dliges de Messiaen, Sila production 2 été étrennée i la Philhiarmonie de Paris, elle aura 616 donnée trois fois ailleurs, poursuivant sa route an Perreux-sur-Marne et jusqu'a Mennecy, dans Essonne. Rayonner Cefaisant, Ondif continue d’honorer Jesintutions de son fondateus;lecom- positeur Marcel Landowski, directeur de la musique au ministére de la Culture dont le fameux plan (1966- 1974)visaita doterchaquerégion dun orchestre Pour lacapitale, Landovski neva pas se contenter de er 20 |D1APASON ‘un Orchestre de Paris sur les fonda: tions venérables de la Socigté des ‘concerts duu Conservatoire jen 1974, il va confier at chef Jean Fournet un «Orchestre de! Tle-de-France » chargé de rayonner dans toute la région, ‘Intra muros, sion sentient aux forma: tions permanentes, jouent actuelle- ment FOrchestre de Paris et fOncif, done, mais aussi les deux phalanges de Ia Radio (National et Philharmo- nique, les forces de YOpéra, TOr- chestre de chambre de Paris, Hnter- ‘contemporain, Partout et pour tous (Co qui fait dire a Case Scaglione, directeur musical et chef principal ‘del Ondif depuis 2019, que « Paris a pas besoin diun autre orchestre Nous sommes tn orchestre parisien, et cet ‘orchestre offre quelque chose de tres important dans la constellation de la vie musicale parisienne. Mais notre mission est dapporter la musique dansunele-de-France qui, sanscela, ne serait pas beaucoup touchée ps rand art. J vois Br note objectif principal» Lamusiquesymphonique «partoutet pour tous »: Ta devise de Vorchestre stestalfirmée mesure que sa pale se diversfiat, Durant Ix octennat » (1974-1982) de Jean Fournet puis ‘surtout la doubledécennie (1982-2002) de Jacques Mercier: VOdif en Ondif en Iélevant aus rang «national »et fit oublierlesquolibets des premitres années (« un orphéon de banlieue », rapporte la gence formations'illustredans lerépertoire son Patric EN SCENE smondos » Camilo Pépin: Ouverture (création) Brahme: Concerto pour volon Dvorak Symphonio n° 9 “Du nouveau monde » Ann Estelle édouee Wolon, Orchestre national quele composite revendiqueetsas- signe comme objectf prioritaire. favre de Forchestre, Dutilleux se fait icilfartisan souverain dune écriture cchambristea la polyphonieserrée, att redoutable écheveau de timbres, de rythmes et de dynamiques nuancés, et dont lun des enjeux principauxest ‘de combiner une postique de la pe- tite forme et une architecture plus srande échelle. Ainsi la nuit Sinserit dans une tra dition de musiques nocturnes pour ‘quatuor cordes qui commence avec Adagio cht Quattor? Sen mi mineur «Razoumovsky »(1806) de Beethoven et se poursuit jusgufaux Quatuors 4 (1928) et 5 (1934) de Bartok et aux « Metamorphoses nocturaes » (0953-1954) de Ligeti. Mais Teeuvre sen démarque aussi parune concep. tion toute personnelle dela nut. Une nuit qui semble dénuge de connota: tion affective ou psychologique, Récusant toute idée de programme, lestitresdonnésa posteriori par Dut Jeu atx sept mouvements renvoient ses propres obsessions: fascination pour Vespace nocturne (Nociure, ‘Miroir despace, Constellations, Noc ‘ure 2), pour une dimension beau ‘coup plus abstraiteet spirituelle Lia nies, Litanies 2), valeur privilégige ‘con{érée la perception du temps mut sical (Temps suspend) Dans un lang: uti qui os cille entre Fatonalits libre eta moda. lit, Dutilleux édifie une trajectoire subtle par sa forme. Ni totalement linéaire (Cest-dire tendant vers une fin), ni réellement cyclique, car les rappels, souvent sur de longues rues d'accords, subissent de telles transformations quiils ne sont plus {que réminiscences flottant dans Vimaginaire Tellesa Symphonie n? 1 (1951, lecom. positeur conguAinst/a nut « comme Ja naissanece et le déroulement dian rive », Dans Pune et Fautre ceuvre, i cconfere un role primordial au temps ‘et la mémoire, Et ce jeu parfos ver- tigineux entre prémonitionset souve- nirs demeure, dans son propre unt vers poétique, toujours étroitement associ aux musiques dela nai, Enjeux de Auconstant travail surlefiligrane, Tararéfaction des rapports de masse, {a fonction stratégique des poles «fattraction harmoniques, sajoutent des nuages de pizzicatos,normaux out percutés alla Bartok, et une ava- lanche edeffets spéciaux »:sons har monigues, eux darchetsurlecheva- Jet (sul ponticello), sur la touche ot avecle bois de larchet eollegyo), jet au talon, martellaio, ete Cet extraordinaire raffinement de Fécriture exige un équilibre parti- culier entre rigueur analytique et an visionnaire. Méme si elles de- meurent chez Dutillews toujours in- tégrées.t au service de Fexpression, ces galaxies de sons insolites, joudes de fagon trop ommementale ou d6c0- ‘ative, peuvent compromette la fie ditt la continuité du discours, qui sappuie surde multiples connexions thématiques et se trouve doté d'une forte ligne intérieure. Si ce défaut Napparait dans aucune des versions ici confrontées, le danger existe bel etbien Comme Fattests cette Nut stoiéo tur le Rho (1385), fa un besoin terble de religion, alors jesorsianuit our peindre ls Seales», drive Yan Gogh = un artiste gu inspica Pariculrement Fen Dutilewe Leneh: nement et ~ sur le plan dt matériau — Tenchevétrement des douze courtes séquences (une intro duction, quatre parenthéses, sept mouvements) ne doivent jamais rompre la lingarité mélodique de la partition, alors méme que les anti 5 jusqutan para doxe. Un peuicomme si euvre etson interprétation rexistaient que parla ‘compensation de leurs extrEmes. Un surcroit de précision dans les a tagues, Fobservancela plus strcte des nuances dynamiques et rythmiques (New World String Quartet) peuvent ainsi générer une fort intensité dra rmatigue maisaussi un sentiment del berté.ATopposé, unjeu plusdurvoire agressif (Juilliard, Arditi) rottrira ‘contre toute attente gulune moindre puissance impact. Un Iyrisme trop uniment « impres: sionniste » ow a fleur de peau, siraf fing (Sine Nomine) et introspectif cea) soitil, risque d’éeréter les ions les phis vives, sinon d’édul- ccorer Ie propos ou méme de le trans thoses sy accumu former en une série destampes a Vélggance fine et glacée. A'inverse, Vaération maximale de la trame, fen une sorte d's analyse spectrale » (Arcanto, Hanson), provoque unc ent ‘yrante sensation dspace et de mys rousant la dimension interro. gative de Vauvre Une approche virtuose et extraver tie (Ebene) enflammera le discours jusquiau quasi-expressionnisme, tan dis qulun timbre cultivéa lexteme tune magnificence des plus sensuelles pourront étre porteursd abstraction cetde spiritualité (Takacs Cette partition assez dense et com. plexe, crite a Vonée du dernier quart du xx sibel, compte une discogra phie nullement pléthorique mais deja substantielle Surla vingtaine denre gistrements que nous avons dénom. bs, nous en avons retenu douize qui ent accessibles t presque tous de ier ordre Pe Dianason| 4s @ lceuvre du mois Minutages de référence : Quatuor Ebéne, |, Introduction (0'32"). Nocturne (2°56 En sept mesures dintroduction est énoncée une structure accords qui sera citée dans Parenthése 1, trowvera son aboutissement dans itanies, avant d'étre reppelée dans Parenthése 4 puis au debut de Temps suspendu. Longue plage statique (avec prémonition cu motif cde Miroir d’espace), Nocturne («assez lent») est bass sur la complémentarté de deux gammes par tons 1 Parenthase 1(0'22"). Miro espace (2°04"), ‘Aprés le w glssement » de la structure d'accords intiale, le mouvement (« violent») déploie une éeriture ‘canonique en renversement entre premier violon ¢t violoncele sur un motif de quatre sons (mi, so, r6 diese, do dis), toute la peemiare partie étantelle-méme retrograde depuis son miliou, dans une harmonio plus dissonante et une palette de timbres dversitise, IU Parenthése 2 (0' 30"), Litanies 1 (2"17") « Préparé » & son début par les harmoniques dato {2t de violoncelle de Parenthése 2, ce trosieme mouvement, animé et tourmente, se présente comme une grande ‘variation de a premiare section de introduction, puis comme une sorte de réexpostion dramatique ft insstante, raltée en forme de rondo, IV, Parenthése 3 (0°48"),Litanies 2 (3'22") Rigoureusement et subtilement anticipé dans Parenthése 3, Ltanios 2travalle sur une variation développanta du début de Parenthose 2. Le quatuor so civiso d abord ten deux groupes autonomes (volons I + I, ato + violonealle), avant qu'un chant modal (essentilloment la, sol diese, si bémol, sol diése et parfos sol bécare et fa diése) ne s‘exacerbe progressivement, Parenthése 4 (0'24"). Constellations (1'33"). Reintroduction dela structure d'accords intial, avant que les événements sonores ne s‘animent,s'accumulent tt se nouent dans une éeriture virtuose, aux frémizsements serrés alla Bartok et aux nombrauses échappes solistes VI. Nocturne 2 (0'56"). Malgré son tempo rapide, ce bref sixiéme mouvement diffare totalement, par son climat, du précédent, Son unit, préfigurée dans une cadence du premier vilon, est assurée par de longuos arabesques circulant & tous los registre. VIL. Temps suspendu (2'39"). Apras une réepparition fugitive de quelques arabesques, ce mouvement, dont la structure harmonique est simiaire & colle ddu premier Nocturne, dénoue peu 3 peu les imbrications ‘un tissage subti, avant de s’évanouir en plages de silences, laissant libre cours & Fimagination de ude Rigueur et lyrisme World String Quartet (1990, Masters) mesur. demeure exemplaire par sa clarté le architecture, son respect du texte, etx qui soul de texture tine pravité du climat dans certaines phases de tension Miroir despace, Litanies 2, Constel- ditt (1993, Montaigne) r mais souffre de la disp {44 |DIAPASON sonorité un rien trop anguleuse et ve desviolonset cele plus ara reference, fort apprécige du compo- _ tifiante de laltoet du violoncelle. siteur Iui-méme, la version du New La lecture davantage introspective et du Quatuor fut longtemps une référence. Elle (1991, Erato) défend un Iyrisme cha: ine Nomine ne presquealexcts ne filiation debussysteet ravéienne. sa rectitude styistique et sa remare A T'inverse, lapproche tout aussi ly quable maitrise instrumentale. La rique mais plussobreet puissante du précision dynamique et l’équilibre Quatuor Petersen (1989, Capriccio) edisputent ici une cer- — écaivela modernitédeliaureet sug. bre d'intéressants rapprochements Moins parfaits surle plan de inten- aveclaseconde école de Vienne, Jana sité dramatique, mais partageantla__ ceket bien stir Bartok cut; Jes Juilliard (1992, Au début de sa carridve, le Quatwor SonyiNewton) impressionnent par Belcea (2000, Warner) se singularise dascdse, Pourtant desti- par le raffinement des couleurs et natairesde Iceuvre,ilsdéconcertent _ desarriere-plans. Heréeainsi un chi aussi par une distanciation un pe mat dextréme intimisme sans trop sche, voireun engagement moindre compromettrela fermeté des lignes. Espace et temps lations). Réunion de quatre magnifiques Fougueux, incisif, le Quatuor Ar- solistes (Antje Weithaas et Daniel ise de Sepec aux violons, Tabea Zimmer sion, de justesse des tempos mann aalto, Jean-Guihen Queyras Poe avec les New World et les Juilliard, au violoncell), le Quatuc entre la (2008, Harmonia Mundi ouvre de Arcanto nouveaux horizons. Sa tension fré- missante et angoissée, ses timbres urs, son jeu décanté aux nuances infinitésimales nous invitent dans lun autre monde :8 Ia sensation d'un ind espace sajoute une perception aiguisée du temps musical maisaussi des phénoménes de mémoire et de prémonitions, Moins creusée et austere, Ia version des Psophos (2016, Klarthe) bénefi- ciede réelsatouts (noblesse dexpres sion, équilibre, homogénéitéet relief de la sonorité densemble), mais elle manque un rien de feu et se révtle parfois trop cursive dans les pics intensité et trop statigue dans les phases de transition Nuits étoilées Etonnant de fratcheur, d'élan, de spontangité mais aussi de matu- rité pour un quatuor qui n'a alors ‘que dix ans dexistence, les Hern 2016, La Dolce Volta) séduisent par leur aisance et leur sfireté 'archet Néanmoins, Ieffervescence du dis. cours, la mobilité et la fréquence de avorisent pas tou ses contrastes ne jours une intériorisation du jeu et de Texpression: Au contraire, la brillante virtuosité du Quatuor Ebene 2020, Erato) nfempéchent en rien uun approfondissement rythmique et le style acén Duneextraordinaire transparence et dun raffinementaruchnen, le jeune Quatuor Hanson (2021, Aparté) pri vilkgie une tension intériorisée tout Benjamins ene enrestituant a Fceuvresa dimension Senote écoute _interrogative, mystérieuse et méme comparie, fantastique tee Hanson, Respirant large, aérantau maximum (icone signamt Ia trame, le Quatuor Takacs (2022 Hyperion) a également pour hii une incandescente palette de couleurset tune splendide souplesse des p Teonjugueainsiune lumiérecrueet sensuelle a lascdse d'un puissant rive intérieur, En préambule & notre conclusion, saluons la hauteur de vue du New World String Quartet, qui demeure ‘un modéle méme sicertains le juge ront un peu daté, Etdonnonsla prio. rité, au moment de choisi, & Yam. pleur visionnaire des Arcanto, at et une acuité sonore qui puissent ddynamisme moteur et passionné des rendre justice ala plas grande pas- Ebane, & laérienne et sibylline li sion, ei revivifier Ie réle organique pidité des Hanson, enfin a la volup. straction des des transitions et des points d’a teuse et puissante crage harmoniques, Takacs Espace Mouvement Mystére Timbres QuatuorArcanto —Quatuor Ebéne——Quatuor Hanson Quatuor Takacs (e009, HM) (2020, trsto) (2021,Aparé) (2022, Hyperion) mythologies HOMMAGE AUX INTERPRETES, PAR SYLVAIN FORT LEGENDAIRES David Oistrakh Le feu sous la grace Un des rares artistes fétés des deux cotés du Rideau de fer. Partout il imposa l'évidence d'un jeu rayonnant, dont la plénitude s'accompagne pourtant d'une violente incandescence. © 24 octobre 1974, apres ' e uméede rp — tition au Concerigebouv David Oisteakh stccomba ambre dh tit survenue en 1968, stivied autres. Tel ute prix diane vie qui, 18s 10t, ne fut pas celle dun ar le haut vol, mais tne existence musique hez Oistrakh, cest que mbustion intin du triomphe aisé, En des temps si féconds en esde génie, sa supériorié fut fondait sur aucune des mythologies dela musique. Enfant précoce, ile fut pas surdou remportantvingt-neut ans deja bien tassés le «du Concours Eugene Yoav. Sur la corde raide ‘Sa renommée mondiale dutattendte {que la guerre sachéve et que Staline fit mort pour se propager comme ‘unincendie, Letemps de cette montée cen puissance, Oistrakh lavait employe 2 sétablit. Il avait prs le risque de e Odessa oti était né Hyavaitfaitsa place, fondantune fa- mille Gon fils [gor nait en 1931), se faisant professeur au conservatoire se produisantpartouten URSS. Tout quion dit plein, rayonnant, généreu, «etces Brahms outre-monde),ou nous cela TTaccuelitaveccettemine bon- _estlemasquemalajustéduneviknle Plongent carrément dans une autre hhommeeteetehumanitésincgredont incandescence Alimension le Concerto de Prokofiev jamaisilnesedépartit, Homo soviet- Si rayonnement iy a i est compa ‘wut cla, bien sir, mais ce Poeme de ‘us, prixSialineen 182(@tLénineen rable A une flamme dévorante phi (Chiasson, han comme personne? 1960).lsepritaitdebonne gricesux qu’ une éclarce prinanibre. Rien exigences durégime,ctpitassezvite certs jamais qui deal ni déraille, Jusqu’a exténuation sa placedanstouslesdispositfsoffi- mais dans le moindre de ses trails < Bvidence »Scoutait tout enregis ciel. Lorsque la carrie mondiale sentendunefievre, un jesurla corde tit annotat, apprenait de ses eves souvritilnedédaigna pas tre utilisé aide, Comme Serkin, Comme Calas ‘comme il avait appis de ses maitre, parlePartipourattestrlagrandeur Crest dans la musique de chambre ttoutcela, le renait non commeon de la culture svitigue. Ine cédaquion Te pergoit le mieux. Le Trio dligtroune mate, maiscomme ad jamais aux appels de TOuest, quand Otstrakh formé en 1941 avec Lev bHement augmentédeson immense et fant de ses confréres issus du méme —Oborine et Sviatoslav Knouchevitski

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