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i Biographie Quand Manon Lescaut par fougueux a la vie avent fen 1731, son auteur fomanesque & souhal Une jeunesse mouvementée in 1742 malsen 1713 la guerre de Succession ine, et le jeune homme poursuit ses études a Paris, wut, de bonne réputation, puis en 1727 a La Fleche. igieuse, lors de ta guerre de 1718-1719 contre Espagne, puis ‘un duel, ou une désertion ? Quoi qi soit, en 1720, on retrouve sa trace chez les Bénédictins des abbayes de Jumiéges On pourrait appliquer 4 Prévost la formule de Voltaire dans La Henriade : “Tl prit, quitta, reprit la cuirasse et Phaire’.” Prétre et écrivain ‘entre 1721 et 1728, Prévost séjourne dans diverses abbayes bén étudie la theo participe aux travaux dérudition des sgalement & la redaction d'un éei 1 be vetement ds ctgieux Prévost passe dela carriére religieuse ala ‘vocation d’écrivain. mes du roman Mémoires et avec un succes certain. Nobtenant 5 severe de 1 Hollande puis en Angl '2 recu pour les deux volumes suivants des té, qui viennent de paraltre. Ilse présente récepteur du fils de secteur de la nn novembre 1730, it dai lepays ale demande de John Eyles, dant ila séduit la fille... Prevost passe alors en Hollande, et publie en 1732 les premiers volumes de Cleveland, ample roman sur une ame sensible. Naissance de Manon Lescaut La meme année, Vcrivain prend le nom de Prévost dExites, sinstalle Drobablement & La Haye aux Pays-Bas et fait paratre es tomes V, Vi et jes Mémoires dun homme de qualité. Le septiéme et dernier volume (en mai 1731) est en fait tout enti 16 de UHistoire du cheval ddes Grieux et de Manon Lescaut. Trés peu de temps aprés, le roman« ‘Commence une liaison avec une aventuriére, Lenki Eckhardt, Les quit contracte alors pour elle contraignent le couple a s* 1733 pour échapper aux créan succes, une que peu ala peine de mort, grace au retrait deta plainte, pardon du pape Clément dans blement objet de scandale et subit de violents attaques pour son cBté | licencieuc et davantage encore pour les traces de la pensee janseniste qvion y décéle.Prévostrédige et publie la premigre partie du roman Le Doyen de ki ddevient Caumonier du p rede revenus que de ses ceuvres, tésfinanciées demeurent, autant quil continue sans $n avec Lenki. Prévost écrit abondamment: it achéve ire dune Grecque moderne, ire de Ia jeunesse du commandeur de ouvrages d Prévost écrit une ceuvre —_(e Conquérant,1742) abondante : romans, ouvrages dde Chantilly, suite 8 une atteinte d apoplexie (une hémorragie cérébrale). {eerivis son ‘ussit6t aprés Vavoir entendue fet qu'on peut sassurer, par ‘conséquent, ue rien nest plus ‘exact et plus fidéle ue cette Cote LCL sd Mest heh 1. Unrécit a la premiére personne « Prevost rédige UHistoire du che Comme un roman-mémoires”, une harrateur fait de sa propre vie Le récitest ‘au protagoniste. Des la seconde maitié du x tiie personne devient une mode ltteraie en France. On voit paraltre des yes épiatolares ole «je se justifie par Uécritue de lettres (Guile ‘gues, Lettres portugases, 1669) et des pseudo-mémoies, dans lesquals F feint de donner a lire les mémoires d'un personnage histo Wile (Courtlz de Sandras, Mémoires de M. d&rtagnan, 1700) te roman Ntimoires devient au Xvilitsiécle une forme privilégiée du roman, avec 741) d& Marivaux ou Les Malheurs de Camour ier des Grieux et de Manon Lescaut ement,inséré dans le dernier volume du roman at aventures dun homme de qualité (1728 1731). ths ‘enchassé dans un récit-cadre, tous ‘deux rédiges & la premiére personne. Un tel dispositf vise a créer un effet d'au- hemicite des fails racontés: le narrateut tes Mémoires un fiomme de qualité, te marquis de Renancour, est censé étre le temoin et le garant de existence du che- des Grieux et de Manon Lescaut a avant de fetrowver Des Grieux 2 Calais. Renoncour 1 aprior digne de contiance, parce quiestun « homme de qual pectable, et parce que son age (53 ans) en tin homme daté d'une certaine sagesse ‘es vayages et son expérience, It se re, de transcrire le cit oral de Des Grioux om etatfirme Le contrat de tecture ob la version donnée par le Tnarquis, supposée reprendre exactement le récit de Des Grieve Mats ce rartunméme est di Cun des personnages ayant vécu tes événements, lecteur & ida je » aux situations racontées pare chevalier, ce qui init faveur de Un effet d’authenticit ‘e Cest (8 un des avantages du récit& ta premiére personne: il sapproche Gu temoignage, semble garantrla véracité du récit. Le roman a en effet tnauvaise reputation 8 'epaque : on Yaccuse, en se fondant sur les romans precieux’ du siecle précédent, Cinvraisemblance, imagination débridée Pret de romanesaue...On exige donc un certain réalisme, ce que nombre ge romanciars accordent en effacant, en surface, leur rdle auteur: les emans se présentent comme des correspondances ou des manuscrits Tetrouvés, Le lecteur sait alors bien quil sagit de fictions, mais se donne {e plaisir de tillusion, Prevost, ailleurs ire » ce genre, développé & partir des années 1670, correspond & ds récits bref a un personnage raconte ses amours contrariées par le d de celui des lecteurs. Manon Lescaut correspond pleinement a ces principes ‘eUabsence de conclusion 8 la A fin du roman, par Renoncour, fait Yon Gubler te recivcadre” et favorise Sy Se pas impression dun récit autonome ft directement rac tagoniste. 6 par le pro Des Grieux narrateur «#5 e roman favorise donc impression dauther tant, la question de la sincénité du narrateur Des Gr foealisation’ interne 2u chevalier, le récit peut en effet susciter ‘ne peut confronter la vision ds fits mnons le cas de Manon : que savons-nous ce quien dit son amant? Les paroles de sont rares le plus souvent, est sous vise que naus apprenons ce quelle dit. On peu rieux manifeste aussi son incom- prohentien face auxréactions de Manon, de iberge ou de son pére. On ne scours ou leurs attitudes qu’a travers le fit de la parole du feut suspecter de les déformer parce qui est sous Vem prise de sa passion pour Manon (jusque dans la jalous Jeune homme, parfois nat voire puer renner etic + Mais un doute peut complexifier encore la tache du lecteur peut atre Certain que cette naiveté et cette pueriité de Des Grieux ne sont pas elles memes une mise en scene du chevalier? Car, bien qu’accabié par le mal- heur que « toute [sla vie est destinge a pleurer » (194), celu-ci semble tirer plaisir & raconter et stexprime «de la meilleure grace du monde » (p.23) devant ses auciteurs. Rompu aux exercices publics ies ases études, i tevisage méme un avenir, quoi quien dise celui’ écrivain sachant plaire {Je fis un commentaire amoureux sur le quatrieme livre de lEneide:; je le desiine & voir jour, et je me flatte que Le public en sera satisfa 2. Vorientation réaliste du roman pas de constater que Manon Lescaut répond a Uexigence d'un cert lisme, qui devient plus pressante au XVII sidcle. Le genre méme di toire» oblige & situer action dans le monde contemporain de auteur, & représenter la société de 6poque—sans toutefois en proposer une analyse cexplicative, comme le feront les omanciers réalistes du siécle suivant, Bal- 2ac, par exemple Un cadre spatio-temporel identifiable ‘La rencontre de Des Grieux et de Manon remonte, selon la chronologie des Mémoires dun homme de qualité, julllet 1712; cest en octobre 1716 aque le chevalier raconte son passé au marquis. Les aventures du couple prennent done place & la fin du régne du Roi-Solel et au tout début dela Regence, Mais Histoire ne joue presque aucun role dans le roman, alors {que dans ses Mémoires, Renoncour, li, croise des personnages historiques, majeurs. La fin du regne de Louis XIV, austére et autoritaire, consttue un artiare-plan teinté de tragique. tine Des Grieux & Vordce fen effet de jeunes nobles (p. 28).Les tudes & Amiens, puis 8 Saint Sul ssement quia fréquenté avec Tiberge (p. 51), sont tout fait plausibles. Curieusement. le jeune homme yy lit saint Augustin (p. 52), texte lié & la doctrine janseniste" qui & cette Epoque est condamnée par le Pape. Tiberge, c! de jansénisme’ au cours d'un entretien. ‘* Vautorite politique se manifeste négativerent. La lourdeur fiscale est ‘roquee par la ferme générale, qui consiste & déléguer & des financiers le Groit de prelever certains impéts. Ce systéme est déreglé a laf ‘quand la dette du Trésor Par ailleurs, la saciété est répressive les en Grieux (chez son pore, &Saint-Lazare, au Cha triére) en sont les signes, tout comme la déportation des filles en Le (organisée des laude du siect). On a pu dire que le goat des plasirs (théatre, opéra, maisons de jeu) ft des promenedes peut évoquer atmosphere de la Régence mais cest ‘ublier que les aspirations sociales, d@s les années 1710 cherchent @ plus de libertd. Seule Fallusion la Nouvelle-Orléans, fondée en 1717, peut constituer un anachronisme. «La géographie du roman est de méme assez exacte :e nord de la France, Parsel ses environs immédiats (Chaillat) et la Louisiane sont évaqués avec précision, comme le temps de transport entre les divers lieux Une societé diverse «Le roman inverse le réct o'ascension sociale si frequent dans (a titéra ture de Fépoque. Des Grieux est inverse d'un picara: d'extractian nobl il est amené par ses aventures & suivre une trajectoire de déchéance. Diabord chevalier et futur ecclésiastique, il endosse successivement les riles de fils rebelle, de greluchon’ (on dirait aujourethui « gigolo), cheur, diescroc, 'assassin, de prisonnier et de complice «évasion Sins! amené & eGtoyer le personnel des bas-fonds romanesques, grace 8 Lescaut, infréquentable soldat lié au monde des escrocs et des tricheurs. '*Certes, tout au long du romah, Des Grieux proclame sa fidélité aux valeurs thevaleresques de Uhonneur et de amour courtois.iLne cesse dinvectiver, Ge défier et de menacer ceux qui attentent & son honneur ou font obstacle s'emporte notamment contre le vieux G..M..quand celui-ci ppendaison, chatiment infamant pour un noble mais son énée, iLne cesse, par ailleurs, de savilir ‘se montre inéressé par largen it dans le péché avec Manon... on déclassem 1 Manon dans la voiture de déportation :« Je ‘quittai man cheval pour m/asseoir aupres celle» (9.178). Descendre de cheval, est renoncer ala chevalerie {ner ia honte, Des Grieux vit a meme hui modele qui, dans Lancelot ou le Chevalier de de Chrétien de Troyes, accepte de monter ppar amour pour Gueniévre. Paredoxalement, probrele plus complet, que Des Grieux agit enfin en vrai chevalie eres [ea fen duel contre Synnetet, Encore ce duel esl raté: le chevalier, inexpér mente, rot tort que son adversaire est mort. Une société avili '* Noble dégradé, Des Grieux devient en fait chevalier dindustrie, escroc. la société dans laquelle il vit est un monde ot (argent repne : les valeurs Dourgeoises prennent le pas sur les valeurs aristocratiques. Tout. dans le oman, maniteste (argent: le goot de Manon pour les plaisrs dispendioux, la nécessité de payer des lovers, les vols, les tripots, Le roman est un des premiers, en France, a détaller avec autant de minutie les comptes des personages. Cette précision comptable este signe dune perversion sociale et morale: Des Grieux parle argent et or. quand Tiberge i parle rachat de ‘ame, 3 Roman ou tragédie* ? * Frésentant Des Grieux au lecteur, «'suteur des Mémoires d'un homme de qualité » écrit: «si a peindre un jeune aveugle, qui refuse d'etre heu eux, pour se pécipiter votont erniéres infortunes » déclaration peur se lire, «Citetion. ine mesure, comme une $ ‘mise en tension d'éléments contradic ~— implicitement 8 la «Jal peindre un jeune aveug héros tragique est celui quine ‘qui refuse détre heuretsx, our: ppréciplter volontairement dans les derniéres infortunes comme c'est souvent le cas dans le roman (le héros de roman doit opérer des choix dans son parcours existential), Un schéma tragique le roman se rapprache par sa construction, aisément le oux cing actes d'une tragédie. exposition est la double ren: Contre de Des Grieux avec Renoncour, que le cheve ‘aissance et de sentiments, transforme en confident d'une passion amour Feuse confrontée a la question de Uhonneur (incamee par le pve, M.des correspond chaque fois une sanction (enfermement chez M, des Grieux. puis 8 Saint-Lazare, puis au Chatelet, cette dernigre sanction étant assortie de la déportation de Manon), dans un crescendo qui met au jour une aggra~ ion irrémédiable, une mécanique qui méne aux pires malheurs. Enfin, ‘acteV correspond & l'épisode améticain, dénouement fatal od Manon trouve la mort, Dés la rencontre avec Manon, laveuglement du chevalier sur elle qui reconnait pourtant « bien plus expérimentée que [lu », p30) {eplace sous le signe du destin: « (ascendant de ma destinée qui ment fait 3 ma perte»,dit-il(p, 32). ‘Le dénouement, comme dans une tragédie classique, est connu par avance, ds le début: la déportation de Manon est annoncée dés les pre mieres pages. Des Grieux ménage cependant une surprise: la mort de Manon, que certains signes peuve prévoir, nest jamais clairement annoncée, elle est réservée dla ‘Tragédie ou comédie ? ix des personnages: ni Manon ni Lescaut ro dlignité des heros tragiques. Mais surtout, le théme du libertinage int de nombreuses scenes de comédie, qui orisent le sérioux de la tragédie, Dans une société théatratisée, of! 'on joue du paraltre pour déguiser etre, les Uibertins s'amusent & tromper Les autres, & leur jouer de mauvais tours. Alnsi fait Manon dans le cruel épisode du prinee italien, ajouté en 1753: la mise en scéne soignée qu'elle prépare pour opposer le visage séduisent du chevalier au reflet, dans un miroir, dea laideur du prince étranger souligne suffisamment le goOt d'une théstralisation ludique des relations sociales. De meme, a farce que Lescaut et sa sceur veulent jouer au vieux G...M., et (0 Des Grieux jaue son role de petit frere d'abord a contrecceur, relive diverissementlibertin ‘¢ Mais Des Grieux est parfois bien malgré lui Cobjet dun certain ri dont te lecteur doit se divertr. Quand i laisse tomber son chapeau en plein lune scene de colére face ala jeune femme avenante que Manon 8 envoyée pour une nuit, le sérieux de la scéne est clairement dese morce. et l'emportement meme du chevalier est Un narrateur tragique semble que te tragique soit surtout le refit d'une tendance (concer. ‘€e ou non) de Des Grieux a présenter son récit dans une perspective tra ique. Quill veuil ie qui (a mené @ la déchéance, ou que son caractére amine malgré (vi a tout considérer sous un angle rer Lest ‘agique, Des Grieux adopte un langage tragique, aux accents ra les « Hélas!», les accusations de perfidie, de trahison, de cruaut notions de fata impression d'une parole ragique. Est-ce un effet recherché par le chevalier ? Qn peutle pen- st fompu aux exercices de rhétorique’ habile dans Uargumentat Les dialogues avec Tiberge a recourir au pathetique” et & loquent quil emploie n'est guere adapté aux situations qui et que sa passion pour Manon déforme sans cesse a réalité, dans un effort de disculpation inconscient mais permanent. C'est peut étre cette obstina- tion & élever, 8 annoblir son amour pour Maron grice au langage noble et tragique, qui révele la force de cet amour, de maniére touchante pour lelecteur Sqltelem tem rlee-Trolal Personnages en marge, plaisirs du romanesque 1. Les plaisirs d'une histoire captivante Roman et romanesque ‘Le genre du roman, si divers, si protéiforme qu'il en devient presque impossible & définit, eepose d'abord sur le plaisir du récit: raconter des his toires,inventer des fictions est une activité fondamentale de 'étre humain. Les premiers « romans », au Moyen Age, sont des récits écrits en langue romane, par opposition au latin. Mais ils racontent surtout des aventurest de personnages remarquables, idéalisés: ce sont des romans de che- valerie, De roman en roman, ces aventures entrent dans une logique de Surenchérissement: exploits guertiers exceptionnels, errances, rencontres surnaturelles, enlavernents, etc. De ce ype de personnages et cfaventures provient la notion de romanesque, qui ne se confond pas avec te roman en tant que gente, Thais quien est une caractéristique frequente. Le roman modeme nett, 2 cet égard, une mise en question des invraisemblances du roma- ‘esque, avec Don Quichotte (1605: 11615) de Cervantes quiinterroge tes ‘exces des romans chevaleresques. dns dinnombrablesaventures invraemblobas: Gomber se ana, L6H de Seudery, amen ou te Grand Cys, 1689-653 Une exigence de vraisemblance '# és ia seconde maitié du XVII siécle et au XVII siete, te romanesque ‘moins acceptable quand ilcontredit la vralsemblance, valeur qui lassique, En outre, le lectorat stélargit avec la montée en puissance de la bourgeoisie: le got des lecteurs penche vers es personnages plus communs,issus de milieux moins élevés et en prise avec les conditions matérielles de Vexistence (le besoin ‘argent, le souc senossi Explorer epics iene 215 plutat que sur laurs seuls actes Présence du romanesque dans Manon Lescaut ‘e Prévost témoigne par son ceuvre de Lexigence dun certain réatisme et Gu relus des extravagances du roman précieux. Par $2 1 ievoté ‘Comme par son appartenance aux conventions de («histoire » (plutdt que du cromen »), Manon Lescaut s‘inscrit dans le souci du réalisme, entencl comme représentation plausible du réel (voir « Lorientation réaliste du roman » p.212) ‘e Pour aultant, le romanesque est loin d’tre absent dans cette ceuvre. En {emoigne ¢'abord la relative saturation événementielle: pour un récit de Tongueur limites, la densité des fats qui bousculent et marquent La vie des personages est impressionnante. Le couple des protagonisies vit, en un eu plus de quatre années, un nombre c'expériences important: coup de vers Cinconnu, infidéites, reconciliations, incendie de maison vols, escroqueries lies au jew ou au libertinage, entevements, enferme ments (toujours plus séveres, jusqu’a Cemprisonnement), évesions (fan tasque, dans le cas de Manon dézuisée en homme), déportation duel, ite dans le désert américain, mort de (hércine... Sans compter les meurtees ‘Des Grieux et Manon assistent a la mort de Lescaut, et le chevalier tue tun domestique de Saint-Lazare. On rettouve tous les ingrédients de ven ture. passion amoureuse, épreuves cruelles, actions périlleuses i et avanies, exotisme, ‘e Limpression de densité des événements n'est pas qu'une qu trigua: est aussi une question de narration, de fagon de raconter. En effet te narrateur quiest Des Grieux concentre son attention sur les fats mar~ ‘quants de son existence, et passe rapidement sur les périodes de calme te rythme des 6vénements est accéléré par le récit: de la rencontre & ‘Amiens aux retrouvailles de Saint-Sulpice, un an et demi s’écoule; puis ‘quelques mois avant C€vasion de Saint Lazare; puis une semaine avant Temprisonnement au Chatelet. Le narrateur settarde sur certaines scenes frappantes, at résume brievement les semaines damour heureux eu passe avec Manon affect comme moteur de action « Une autre caractérstique du romanesque se trouve dans Venchainement Jes tats racontés la priorité est donnée & une causalité affective ou pas Se ralle. Ce sont en effet les réactions psychalogiques de Des Grieux et parfos des autres personnages) qui ménent dun événement a (autre: ie vou de foudre entraine ainsi la fuite a Paris: {a suspicion et ta jalousie coe gM. de B.. pravoquent la reprise des études; la legereré de Manon Conduit 8 se moquer imprudemment do jeune G.~ M.- edu vieux G.. M. conduit Manon & la déportation, etc npulcivite des personages les ménent a leur perte. seule Fperge et, dans une cartaine mesure, celle de M. das Grieux parenter une p rnable et prudente. 2. Des personnages romanesques ? heen" ? ristiques du romanesque réside traditionneltement a gne répartition tranchée des personnages en fonction dune axial d'un syeteme de valeurs morales: les personnages se divisent le plus méchants », personages positfs et person n des personnages peut en outre re rages négat Cae aetersation physique (Wes personnages postifs ayant un physique avenant, les personages nézé tante ou repoussante), voire soci ini affectés d'une apparence inqu «* Dans une certaine mesure, te récit que Cipe le chevalier distingue explictem bles (M. de B., G.. M.. pere et fils) des personnages a grandeur morale (son pare, son ami Tiberge, Manon, te supérieur suirtctavare). Mais 8 y regerder de prés il n'y a aucun manichélsme” ee crable dans ce roman, Dune part, certains pessonnages passent d'une ‘Gtogore a (autre, Des Grieux révise son jugement intial sur certains per rages quit eencontre: Lescaut qui lui apperalt¢!abord comme antina. ‘que et infréquentable, devient un secours voire un complica; Synnelet evele tardivement sa grandeur d’&me en obtenant la grace du chevalier. Drautre part. pls significativement encore, la valeur morale d'un person. age est souvent dseaciée do sa dimension actatill: Des Grieux seltds Tinguer chez certains de ses opposants, qui font obstace 2 sa passion poor Mavon, des qualités morales. Cest le cas de Tiberge, ami dont te chevaller Explorer erratic) nD? cde Vame, bien quil le fatigue de ses ies en garde cor ts de Yamour; clest aussi le cas du peu menacant que le chevalier prend en pitié au terme ‘ation du rang ar tique rest par ai ‘Des Grieux, personnage passionné Enflarnmé par le hasard d'une ren« présente comme un jeune homme a et meme du tinigue, devorante et immartelle. OF Des Grieux ve fen accord avec son reng social. Une sorte de sensibiité pa Cratique, lui permat de connaitre et de sentir tes mille que passion, ce quile istingue des autres hommes, pe mun des hommes nest sensible qu’a cing ousix passions. dans tuolts leur we se pase, et ol toutes leurs agitations se édulsent [-] Mais es personnes d'un caractere plus noble «KC peuvent etre remuées de facons biffe-entes; il semble quielles aient pt de cing sens, at qu'elles puissent rece ties idées et des sensations qui passent Les bornes ordinaires dela nature » (p. 89) # La passion amoureuse suffit, aux yeux Ge Prevost comme & ceux de Des Grieux, 3 @ tout un roman. Pour une ame élevée, hors du commun, instable; cest une , donc dfavemtures. re le me per: moi, qui niavais jamais pensé la difference des sexes, niregardé laretenue. jem tdun ‘coup jusqu'au transport métent& des moments d exaltation, de joie et de jou tr tous points a la vie calme et pasible que te cheval ane vie champetre, faite de travail intellectuel) ‘efiete-telle pas esprit trop romanesque ‘pas un narrateur peu transparent & (ui re parce quil ne concoit Lamour que sur un modéle as 8 quel point il sest avili par pas ‘étorique” par laquelte it souraite Manon, personnage insituable ‘© Quant 8 Manon, fixe par les conventions des gr Diorigine modeste elle reftete pi dda début du XVI ‘communs, miroir cu monde bourgeois. es le début du romar rérise par un sreanchant au Pasi (p30), formule des plus ambigues: les diction) se repaque ne estingvent gue le plaisir et tes plasrs auss} peut 98 Y tee este de Manon pour les plaisis (theatre, sorties oper, ic) Sal ont cour de son jeune age et qui manifestent une cer ie, soe toute innacente, autant qu'un indice dune vie de cissolue, Sau nu plaisir charnel. Mas le mystére qui émane celle en fait on por ree ee dos plus inrigams,et ce mystave est Cun das charmes majeure serra te tomon sure lecteus et su Cimaginaie collect via ge ‘Ce personnage en veritable mythe. as au type dhe! siecle, au cor récent des romancie’s 3. Des personnages en marge Espaces marginaux ‘an picaresque, qui méne le lecteur dans tes mileux eux du vol, du crime, de la (vraie ou fausse) er Manon Lescaut évoaue, dans une pers es, qui esquissent appara d'abord, au moment. de départées ‘= Cotoyant le Jour son évasion, Sa mort, sordide, rv armpres magouilles auxqueltes it est mele. Manon se détache ainsi s fond de société mattamee. w ejetée par es parents, meis ayant échappé au couvent, elle ApPAr~ ee tg respace é{roit des milieux interiopes: elle flotte ent ta + Pivenrdée aux acttices et la prostitution veritable (aul impliaue te lett te) Lbertinage’? Sans doute: sila mat lbertin” est employs & Enic Perea propos du vieux G.. M..it Lest aussi a propos du couple qu'elle forme avec te chevali '* Demi-mond: ie entretenue, elte s'inserit dans une marge sociale {que Con peine a situer et ot elle se meut,héroine insaisissable qui essaie ide concilier, dans la mesure du possible, une légereté de manurs qui lui permet de vivre et une fidélité aroureuse envers le chevalier, fidlité qui parait étre ou devenir progressivement sincere, & en juger par U'épisode {Gu prince italien et surtout par son acceptation résignée de sa vie en Loui siane La passion comme marginalisation ? ‘e Manon semble étre la cause du parcours qui exclut Des Grieux de la Jocisté. est lorsquilla rencontre ql dévie loin des études religieuses et dels sphere patemelle; Cast lorsgu'elle meurt qui rentre dans la norme sociale et morale attendue de lui ‘© Cest que tout désigne La passion comme la source d'une inadaptation “Sociale. La passion de Des Grieux pour Manon est un amaur inacceptable duxyeux dela société et dela morale dominante. Les appréhensions expr noes ot les repraches adressés par Tiberge @ son ami, comme le refus de PM. des Grieux de donner son consentement a un mariage qui de surcroit Constituerait une mésalliance, désignent Cunion du jeune couple comme Un scandale. La passion soppase ala norme morale de a société, quil faut accepter de suivre, ne fat-ce qu’en apparence. «La passion, en effet, n'a pas dautre norme queelle-méme: elle menace Tequilibre de la société, Ele est une force de désordre, non une norme ide statilite elle est un excés, pas un rempart. Lhyperbole" et obsession ‘amoureuse sont ses seules lois: « Elle me tient lieu de gloire, de bonheur ‘te fortune » dit Des Grieux de Manon (p.117) Le couple se repli sur frome, et prétend ne suivre que son caprice. Celui-ci se veut au-dessus de Talorcommune, ce qui explique que Des Grieux n’exorime aucun sentiment de culpabilité méme vis-a-vis du domestique quil a tué @ Saint-Lazare. Le couple ne respecte nia narme so En wompantles- Maree fis, is Soppesent ‘Jebalene,Echonge darken conte des fveuts enuelles «te coupe se retrouve marginals de 2 bonne scite, une eutebon deta societe des beri qui pats dul 52 onsets borne sect. quelle que sot paralleurssa peverste es Grieux, auteur de son propre roman ‘Mais la passion estelle la seule cause-de la marginalisation du couple Jusqu’ Vex américain ? Nest-ce pas le caract&re méme de Des Grieux ul seein sens, est par nature trop romanesque pout ne passe réver héros d'un oman passionnel ? Tout entiché et enorgueill de son rang (de sen sang Sristocratique) qui le place au-dessus des autres, d'ou son mépris pour les foturlers que sont les amants de Manon, le chevalier est aussi un habile harrateur qui justfie et réinvente toute son existence en fonction d'une Gouble visée (consciente ou inconsciante): idéaliser Manon (jusqu’a en {aire une igure mythique :la pécheresse rachetée par sa mort) et donner & leur vie une grandeur tragique, héroigque. « Le roman souligne parfois ironiquement Cemphase de Des Grieux se pro: pension & enjoliver eta ennoblirsesactes et ceux de son aimée, Le lecteur pet amené & soupconner en Oes Grieux un caractere fonciérement roma- esque, qu prend plaisir réécrie la éalité 8 la lumi@re d'une idéalisation {de Camour Des Grieux rinearne-til pas, au fond, la joulssance du roma esque, laquelle tout romancier risque de céder : a passion de raconter {a passion amoureuse, donc le passion d'une passion ? Explorer ferret)

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