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Ipmact Biodiversité
Ipmact Biodiversité
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environnement VertigO, 2010 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be
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Univ Lille Nord de France2 ULCO, LOG, F-62930 Wimereux, France3 CNRS, UMR 8187, F-62930 Wimereux, France Courriel :
rachid.amara@univ-littoral.fr
Résumé : La biodiversité marine est fragilisée par les activités humaines. L’Organisation des Nations Unies a proclamé 2010,
année internationale de la biodiversité pour alerter l’opinion publique sur l’état et les conséquences du déclin de la
biodiversité dans le monde. En Europe, comme partout dans le monde, les densités de populations humaines ne cessent
d’augmenter sur la frange littorale. Cela se traduit par une accélération continue et rapide de l’utilisation de l'espace littoral et
un accroissement des pressions sur les écosystèmes et les espèces qu’ils renferment. La pollution de la mer, dont 80 %
provient des activités humaines d'origine tellurique, la navigation, l’introduction d’espèces invasives, la surexploitation des
ressources halieutiques, la dégradation, la fragmentation et les pertes d’habitats sont autant de facteurs responsables de
l’érosion de la biodiversité marine. Exacerbée par le changement climatique, cette anthropisation menace de détruire
l'équilibre fragile des écosystèmes marins et de la biodiversité qu’ils renferment. La Manche et la mer du Nord sont un
carrefour biogéographique avec une grande diversité d’habitats et une biodiversité importante. D’un point de vue
halieutique, c’est l'une des zones les plus productives au monde avec 5 % des prises totales à l'échelle mondiale. Malgré cette
richesse, c’est un espace maritime où les conflits d’intérêts sont exacerbés et où les pressions anthropiques sont fortes
notamment du fait d’une activité industrielle littorale développée. À travers différents exemples de la littérature récente, nous
examinerons les principales causes ayant une incidence sur la biodiversité marine en prenant autant que possible des
exemples concernant la Manche et la mer du Nord. Nous discuterons du grave danger que représente la perte de
biodiversité pour l’équilibre écologique du milieu marin et le bien-être de l’humanité et sur la nécessité de prendre en
compte la biodiversité dans la conduite des activités humaines, quelles soient économiques ou autres.
Mots-Clés : biodiversité, écosystème marin, activités humaines, climat, pêche
Abstract: Marine biodiversity is affected by human activities. The United Nations have declared 2010 International Year of
Biodiversity to alert the public on the status and consequences of declining biodiversity in the world. In Europe, as
everywhere in the world, human population densities are increasing along the coastal areas. This result in a continuous and
rapid acceleration of the use of coastal areas and increased pressure on ecosystems and species they contain. The pollution
of the sea, of which 80 % comes from human activities from the land, navigation, introduction of invasive species, overfishing,
degradation, fragmentation and habitat loss are the factors responsible for the erosion of marine biodiversity. Exacerbated by
climate change, human impacts threaten to destroy the delicate balance of marine ecosystems and the biodiversity they
contain. The English Channel and the North Sea are a biogeographical crossroads with a great diversity of habitats and high
biodiversity. From a fisheries perspective, it is one of the most productive in the world with 5 % of the total catch in the world.
Despite this richness, it is a maritime area where conflicts of interests are exacerbated and where human pressures are high
mainly because of an industrial coastal developement. Through various examples of recent literature, we will examine the
main causes affecting marine biodiversity taking as many possible examples for the English Channel and the North Sea. We
will discuss the serious danger of the loss of biodiversity for the ecological balance of the marine environment and the well-
being of humanity as well as the necessity to take account of biodiversity in the conduct of human activities, be they
economic or other.
Keywords: biodiversity, marine ecosystem, humane activities, climate, fishing.
par extraction de granulats (Garonne, Dordogne), les sur le milieu marin comme la pêche, les pollutions, les
entraves aux migrations (Rhin, Rhône…) et une pêche espèces invasives, l'acidification, le changement
intensive incontrôlée qui a capturé aussi bien les juvéniles climatique... ont été croisées sur des mailles de 1 km² qui
que les géniteurs ont conduit à la quasi-extinction de couvrent toute la surface des océans. L’étude a permis de
l’espèce. Elle ne compte plus désormais qu’une seule dresser une carte mondiale de l’impact des activités
population de quelques milliers d’individus, dont les humaines sur les écosystèmes marins qui a été publiée
derniers sites de reproduction sont limités au bassin- dans le magazine Science en février 2008. Cette carte
versant Gironde-Garonne-Dordogne. C'est l'espèce de montre que 41 % de la surface mondiale des océans est
poisson européen la plus menacée. L’espèce est classée “En très fortement affectée par les activités humaines. La
danger critique d’extinction” en France tout comme au majorité des côtes européennes et notamment de la mer
niveau mondial. du Nord sont extrêmement impactées par les activités
humaines. Cette carte est un outil de gestion et de
Récemment, une équipe de chercheurs du National Center conservation qui peut facilement être appliquée au niveau
for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS) de l’Université local et à l'échelle régionale et être étendue par
de Californie à Santa Barbara ont développé une méthode l'intégration d'autres types d'informations, comme la
normalisée et quantitative, sur la base de jugements distribution des espèces ou la biodiversité pour identifier
d'experts, pour estimer la vulnérabilité des écosystèmes les zones d’intérêts écologique fortement anthropisées qui
marins à l'impact des activités humaines (Halpern et al., nécessitent des mesures de protection et de conservation.
2008). Ainsi, 17 activités anthropiques ayant une incidence
Figure 1. Principales causes ayant une incidence sur la biodiversité marine (modifié d’après Groom et al., 2006)
environnementales. En outre, la pêche d’espèces de niveau des conditions océanographique qui ont affectées les
trophique de plus en plus bas a des conséquences variées zooplanctons qui constituent les proies de cette espèce
sur la biodiversité des océans. On estime que la croissance (Beaugrand et al., 2004).
rapide des essaims de méduses dans le monde au cours
des dix dernières années résulte en partie de cette Le gaspillage de la pêche
situation. Les méduses ont remplacé les poissons en tant
que planctivores dominants dans plusieurs régions, et des Malgré les 25 000 espèces de poissons connues, l’homme
inquiétudes ont été exprimées sur le fait que ces n’en consomme qu’un nombre très limité. Ce phénomène
changements communautaires ne seront peut-être pas accentue le problème des prises accessoires. En effet, dans
facilement réversibles, dans la mesure où les méduses de nombreux lieux de pêche, les poissons capturés ne sont
mangent aussi les oeufs des poissons qui leur font pas ceux qui sont ciblés (espèces sans intérêt commercial,
concurrence (Duffy, 2007). ou non commercialisables pour des raisons de taille
(immatures, juvéniles) ou d'interdiction de pêche) et, dans
La Pêche modifie aussi les flux d'énergie et les interactions de nombreux cas, ils sont simplement rejetés à la mer,
entre espèces dans les réseaux trophiques marins tout morts ou en train de mourir. Les estimations concernant la
simplement parce que toutes les espèces pêchées sont des gravité du problème des prises accessoires varient. Les
composants de la chaîne alimentaire. Ainsi toute dernières études suggèrent qu'environ 8 % de la prise
modification de la biomasse d’un stock peut affecter totale au niveau mondial est remis à la mer mais des
l’équilibre du réseau trophique, l’abondance des autres estimations antérieures indiquaient qu'environ un quart de
espèces présentes dans le milieu et modifier le celle-ci pouvait être repassée par-dessus bord (Cury et
fonctionnement de l’écosystème. Par exemple, la Misery, 2008). Dans certaines pêcheries de chalutage de
surexploitation et la diminution de la biomasse de morue crevette, le rejet peut représenter 90 % de la prise. Selon
ont affecté directement et positivement sa principale proie, une étude anglaise, pour 3 poissons pêchés par les
le sprat (Sprattus sprattus), espèce zooplanctivore, et chalutiers en mer du Nord, deux sont rejetés sans vie en
indirectement et négativement les biomasses de mer (Enever et al., 2007).
zooplancton et de phytoplancton (Casini et al., 2008). Cette
régulation des niveaux trophiques par les prédateurs (top- D’après Cury et Misery (2008), en mer du Nord 576 000
down control pour les Anglo-Saxons) bien que longtemps tonnes de poissons seraient ainsi annuellement rejetées par
sous-estimée par les spécialistes est aujourd’hui de plus en les pêcheurs (3 % de la biomasse totale de l’ichtyofaune et
plus souvent mise en évidence (ex. Scheffer et al., 2005 ; 22 % des quantités de poissons débarquées). À tous ces
Frank et al., 2005). Dans certains cas la modification de poissons rejetés, il faut encore ajouter 150 000 tonnes
l’écosystème est telle que des mesures de réduction, voire d’invertébrés benthiques. Un seul passage de chalut récolte
de cessation totale de l’exploitation de certains stocks jusqu'à 20 % de la faune et de la flore du plancher
comme c’est le cas pour la morue du Golfe du Saint- océanique. Les filets danois captureraient entre 5000 et
Laurent ne se traduisent pas par une restauration des 7000 marsouins par an en mer du Nord, ce qui représente
populations (Swain et Chouinard, 2008). 5 % de la population totale de ce mammifère marin. De
nombreux autres organismes marins comme les requins,
La Manche et la mer du Nord offrent des conditions tortues et oiseaux marins sont victimes de cette pêche non
propices à une productivité élevée des stocks halieutiques. sélective. Dans le monde, 300 000 cétacés, 100 000 albatros
La pêche est la principale utilisation des ressources de cette et environ 40 000 tortues marines en danger ou menacées
région. La plupart des stocks sont en déclin en raison de la d’extinction meurent chaque année du fait des activités de
surpêche. 30-40 % de la biomasse des espèces exploitées pêche, ce qui fait que de nombreuses espèces sont
est capturée chaque année ! Les contraintes dues à d'autres désormais en voie de disparition.
facteurs comme le changement climatique, la perte
d'habitat, les espèces envahissantes, l'eutrophisation et la La perte et la dégradation physique des habitats
pollution peuvent accentuer la baisse de la pêche et inhiber
le recouvrement des stocks (Garcia et al., 2006). Par Les zones côtières à travers le monde ont subi
exemple, le déclin de la morue en mer du Nord est due aux d’importantes altérations physiques au cours des dernières
fortes pressions de pêche combinées avec une modification décennies. Les surfaces d’habitats perdus en mer sont
grande diversité d'habitats côtiers (baies, estuaires, larges mâles. Les perturbations résultant de la féminisation
zones intertidales) présentant différents niveaux de semblent pouvoir conduire à la réduction ou la disparition
contamination chimique en relation avec le degré de population de poissons (Kidd et al., 2007). Aujourd’hui,
d'anthropisation. Un état des lieux récemment réalisé a environ 550 molécules sont suspectées d’agir comme
montré des différences d’imprégnation par les métaux chez perturbateurs endocriniens (CCE, 2001).
les poissons le long de ce littoral (Henry et al., 2004),
combinées à l’apparition de pathologies (Amara, 2002) et à La pollution par les macrodéchets est un problème de
des performances biologiques moindres (moindre pollution généralisé qui affecte tous les océans du monde.
croissance et indices de condition, faible accumulation de Sa menace pour le milieu marin a été ignorée pendant
réserves énergétiques chez les juvéniles) pour les sites les longtemps et, ce n’est que récemment que sa gravité a été
plus anthropisés, i.e. l’estuaire de la Seine et les secteurs reconnue (Derraik, 2002). Les macrodéchets sont la cause
des ports de Calais et Dunkerque (Amara et al., 2007 ; de lésions et de décès de nombreuses espèces marines
Amara et al., 2009). (tortues, albatros, phoques, baleines ou poissons), soit
parce que ceux-ci y restent emprisonnés soit parce qu’ils
Au-delà des substances surveillées classiquement (métaux, les prennent pour des proies et les avalent. Ils constituent
organochlorés, pesticides, hydrocarbures), une des pièges physiques et des leurres pour la biodiversité
préoccupation majeure se fait sur les éventuels effets de marine. Dans le monde, 10 % des 260 millions de tonnes de
nombreuses autres substances chimiques que l’on retrouve matières plastiques produites annuellement se retrouvent
pour les usages domestiques ou comme produits en mer. Selon les estimations de l’Ifremer (Institut français
cosmétiques ou pharmaceutiques (antibiotiques, de recherche pour l’exploitation de la mer), en mer du
hormones, stéroïdes). Ces substances sont qualifiées de Nord, il y aurait 150 millions de débris entre la surface et
contaminants émergents. En 2002, la consommation 200 m de profondeur.
d’antibiotiques était de 8 500 T par l’homme et de 4 700 T
par les animaux dans l’UE (800 T par l’homme, 1 300 T par L’eutrophisation des océans
les animaux en France). Ces substances se retrouvent en
grande partie dans le milieu marin car les stations L'eutrophisation est un phénomène courant dans les eaux
d'épuration, bien qu'elles se soient énormément améliorées marines côtières. Il s’agit d’une fertilisation excessive des
sur le plan technique, n'ont pas été conçues pour éliminer eaux due à un apport massif de composés azotés et
ces molécules. phosphorés provenant de l'activité agricole et des rejets
domestiques et industriels. Ces composés favorisent le
La question des perturbations endocriniennes en milieu développement des micro-algues (phytoplanctons) et des
aquatique a émergé à partir des effets d’un composé, le macroalgues qui constituent le premier maillon de la quasi-
tributylétain (TBT), un agent biocide antifouling utilisé sur totalité des chaînes alimentaires maritimes. Ce phénomène
les bateaux (Amiard-Triquet et Amiard, 2008). Chez une est à l’origine de l’augmentation du nombre de marées
espèce marine commune sur nos côtes, la pourpe Nucella vertes, rouges ou brunes et des poussées planctoniques sur
lapillus, on a observé de nombreux cas d’imposex, c’est-à- les côtes européennes. L’exemple le plus préoccupant en
dire l’apparition d’un pénis chez les femelles. Obstruant les matière d’atteinte au patrimoine naturel côtier, est fourni
voies génitales, le spermiducte correspondant à ce pénis par les « marées vertes » à ulves affectant depuis les années
empêchait la libération des ovocytes, rendant l’individu 70 de nombreux sites de la cote de Bretagne.
impropre à la reproduction. Cette stérilisation des femelles L’eutrophisation peut avoir pour conséquence un éventail
peut conduire à la disparition de la population. En France, de perturbations indésirables pour l'écosystème marin, y
depuis septembre 2003 le TBT est strictement interdit à la compris une variation de la composition de la flore et de la
seule exception de son usage par la marine nationale. Des faune qui affecte les habitats et la biodiversité, et
perturbations endocriniennes ont également été mises en l'épuisement de la quantité d'oxygène entraînant la mort
évidence chez des poissons telles que la maturité précoce des poissons et d'autres espèces. En baie de Somme, des
des femelles, l’intersexualité et l’induction de la mortalités massives de toute la faune benthique et
vitellogénine. Dans l’estuaire de la Seine, diverses espèces notamment de Cerastoderma edule (la coque, espèce
de poissons présentent des signes de féminisation et exploitée) ont été observée suite à une eutrophisation du
montrent un déséquilibre net du sex-ratio en défaveur des milieu (Rybarczyk et al., 1996).
Les habitats marins sont peuplés de différentes espèces Les impacts des espèces introduites sur la biodiversité
d’animaux, de plantes et de microorganismes qui ont peuvent être nombreux.
évolué séparément, isolés par des frontières naturelles.
Mais les hommes ont franchi ces barrières, que ce soit en x Prédation sur les espèces natives
bateau, en avion ou avec d’autres moyens de transport. Par x Diminution de la disponibilité de l’habitat pour
conséquent, les espèces se déplacent aujourd’hui vers de les espèces natives
nouvelles zones situées bien au-delà de leur aire de x Compétition supplémentaire
répartition naturelle. Les espèces qui, suite à des activités x Parasites et maladies
humaines, qu’elles soient intentionnelles ou pas, ont été x Etouffement et envahissement
déplacées vers des régions où elles ne vivent pas x Hybridations causant une dilution génétique
naturellement, sont dites « espèces introduites » ou
« espèces exotiques ». L'impact d'une espèce introduite peut ne pas seulement
réduire la diversité des espèces, mais aussi la diversité des
Les introductions d’espèces animales et végétales dans le écosystèmes (écodiversité). En Méditerranée nord-
milieu marin sont en constante augmentation. Même si cela occidentale, les peuplements à Caulerpa taxifolia
peut paraître à priori paradoxal, elles sont considérées remplacent plus d'une dizaine d'écosystèmes, entre le
comme la deuxième cause d’appauvrissement de la voisinage de la surface de la mer et 20-30 m de profondeur
biodiversité marine, juste après la destruction et la (Boudouresque et al., 1995). On aboutit ainsi à une
fragmentation des habitats. Contrairement à une pollution uniformisation du paysage sous-marin.
accidentelle (ex. marée noire) dont les effets diminuent non
seulement avec le temps mais aussi avec la distance du Une des pires invasions marines a eu lieu au début des
point d’impact, les espèces introduites se propagent de années 1980 lorsque le cténophore nord-américain
proche en proche, jusqu'à occuper la totalité des habitats Mnémiopsis (Mnemiopsis leidyi) fut introduit en mer Noire
et la totalité de l'aire géographique qui leur sont et en mer d’Azov. L’espèce est arrivée dans les eaux de
accessibles. ballast et s’est rapidement établie dans les eaux riches de la
mer Noire où elle n’avait aucun prédateur au point que, en ballast tout en protégeant la sécurité des bateaux et elle va
1989, on estimait qu’il s’y trouvait un million de tonnes fournir un régime uniforme et standardisé pour la gestion
d’individus de cette espèce exotique. La situation a empiré des eaux de ballast.
à cause d’une eutrophisation et d’autres pollutions. Les
Cténaires ont mangé de grandes quantités d’oeufs de Conclusion
poissons et de larves ainsi que du zooplancton dont les
poissons commercialement importants se nourrissent, ce La population humaine devrait augmenter à environ 7,5
qui a entraîné l’effondrement des stocks de poisson en mer milliards en 2020, avec pour conséquence un accroissement
Noire. En 1992, les pertes annuelles causées par la chute des pressions sur le littoral et sur les écosystèmes marins.
des captures de poissons commercialisables étaient Quel sera l’impact sur la biodiversité ? La biodiversité
estimées à 240 millions de dollars US. En 1994, la pêche à pourra-t-elle s’adapter à cette nouvelle configuration ?
l’anchois avait pratiquement disparu. La méduse exotique a Conservation de la biodiversité et développement
complètement modifié le réseau alimentaire de la mer économique peuvent-ils coexister ? Face à des
Noire. C'est un exemple qui nous fait comprendre l'ampleur perturbations anthropiques croissantes exacerbées par le
de l'impact qu'une petite espèce apparemment inoffensive changement climatique force est de constater les
peut exercer sur le milieu. nombreuses lacunes de notre compréhension des capacités
de réponses et d’adaptation de la biodiversité. Jackson et
En Manche et en mer du Nord, il y aurait un peu plus de 80 al. (2001) note qu’aujourd’hui seules quelques espèces de
espèces introduites (Reise et al., 1998). Ce nombre est la mégafaune marine sont complètement éteintes.
cependant certainement inférieur à la réalité du fait du Seulement 12 extinctions globales d'espèces marines ont
manque d’inventaires et d’observations dans le milieu été documentées : 3 mammifères, 5 oiseaux et 4
marin. Certaines espèces connaissent un développement invertébrés (Carlton et al. 1999).Même si nos connaissances
important au point qu'elles forment une partie dominante sur les extinctions d’espèces marines demeurent lacunaires,
de notre faune et flore marines. C'est notamment le cas du il existe un consensus global quant à la nécessité de
couteau de l'atlantique (Ensis directus), qui a été observé préserver la biodiversité marine. La perte de biodiversité
pour la première fois dans la région en 1978. Ces fait peser un grave danger pour l’équilibre écologique du
coquillages se comptent aujourd'hui par millions sur nos milieu marin et le bien-être de l’humanité. Il est
plages. En Manche et en mer du Nord, on ne connaît indispensable aujourd’hui de prendre en compte la
cependant pas encore d'exemples d'espèces ayant disparu biodiversité dans la conduite des activités humaines,
en conséquence de l'introduction d'une espèce exotique. qu’elles soient économiques ou autres. La conservation de
la biodiversité ne s’oppose pas au développement
Le problème des espèces introduites devrait s'aggraver au économique à long terme.
cours du prochain siècle à cause du changement climatique
et de l'intensification du commerce et du tourisme. La Accord-cadre signé le 5 juin 1992 par 186 Etats, la
nécessité d’une action coordonnée pour faire face au Convention sur la Diversité Biologique (CDB) constitue la
problème des espèces introduites a été exprimée aux première manifestation en droit international de la volonté
échelons politiques les plus élevés. Le Conseil des Etats de considérer la biodiversité de manière globale.
« Environnement », le Parlement européen, le Comité des En Europe, cet intérêt se traduit par exemple par la mise en
régions et le Comité économique et social européen ont place du réseau d’excellence MarBEF (Marine Biodiversity
tous souligné la nécessité d’adopter une stratégie and Ecosystem Functioning EU Network of Excellence,
communautaire relative aux espèces introduites et de www. Marbef.org) et l’organisation récemment de la
mettre en place un véritable système d'alerte rapide et des première conférence sur la biodiversité marine (Espagne,
mécanismes d’intervention efficaces au niveau de l’UE (CE, 2008). En France, la préservation de la biodiversité est l’un
2008b).Les instruments internationaux comprennent la des thèmes phares du Grenelle Environnement. De
convention internationale pour le contrôle et la gestion des nombreux engagements ont été pris afin d’informer
eaux et des sédiments de ballast, développée par l’opinion et d’agir pour stopper l’érosion de la biodiversité.
l’Organisation maritime internationale (OMI). Celle-ci Le livre bleu insiste sur la protection des écosystèmes et de
présente des procédures pour minimiser les introductions la biodiversité comme étant une priorité de la politique
d’espèces exotiques lors du déversement des eaux de nationale. Le Grenelle de la mer est censé aboutir à la mise
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