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IL FAUT DEVELOPPER LES NICHES SENSORIELLES a e beplaele y e Emotions e Motricité LES e Langage PREMIERS JOURS De 0 47 ans, les étapes clés du développement SYNDROME 7 DE LA TOURETTE QUAND TIKTOK DONNE DES TICS NEUROSCIENCES LA NOUVELLE CARTE SEMANTIQUE DU CERVEAU PERES ET FILLES LA RELATION QUI FAIT DU BIEN | LES 3000 PREMIERS JOURS De 087 ans, les étapes clés du développement onférences en direct de l’auditorium — en replay sur cite-sciences.fr — accés libre En mai, ne manquez pas: mercredi 18 mai a 14h30 Décarboner l’aviation, de nouvelles avancées Laviation face au défi climatique La lutte contre le changement climatique conduit tous les secteurs économiques & opérer une transition énergétique qui s’avere difficile pour le secteur aérien, Avec Philippe Novelli, direc! pulsion & Environnement a !Onera, Mise en service d’une flotte d’avions électriques Comment initier la transition énergétique pour une aviation plus sobre, moins bruyante et, terme, totalement décarbonée? La FFA s'appuie sur des innovations concrétes développées grace au projet FabLab. Avec Jean-Luc Charron, président de la Fédération fr général du Conseil national des fé jeudi 19 mai 4 14h Microbiote: des microbes qui nous font du bien (Ma premiére conférence - Pour les jeunes publics de cycle 2 / 6-8 ans) Nous sommes microbiens... Notre organisme abrite des milliards de microbes. Ce sont des bactéries, des champignons, ou encore des virus nécessaires & notre santé. Observons, décrivons et apprenons & prendre soin de ce monde vivant avec lequel nous entretenons une relation de chaque instant. Avec Joél Doré, chercheur en microbiologie, Inrae. B Selenes et de Féducation, & Nantes Univers, elle realise des évaluations de la qualité de education de la petite ‘enfance dans differents pays et des enuétes sure bien-éte eta satisfaction de ve des jeunes ‘en contexte de pandémie, afin caméiorer leur bien-ate 8 Fécole, ~ peas Boris Cyrulnil Psychologue et neuropsychiatre, ila présidé la commission d'experts «1000 premiers jours, quia rendu ses conclusions en septembre 2020. Avec, 2 cg, des pistes pour air nos enfants ds'épanoui. Andreas Hartmann Neurologue spécialiste du syndrome de La Tourette {a Mhépital de la Pié-Salpetrire il deri es ties apparus ‘chez ses patents apres avo visionné des vidéos iluenceurs mettant en scene ce syndrome, EDITORIAL > SEBASTIEN BOHLER Rédacteur en chef Suivez le ruban de la vie! ‘est une vision fascinante que proposent les cher cheurs de luniversité de Berkeley dans article que nous publions en page 16 de ce numéro. On y voit la surface d'un cerveau humain. Cette surface est par- courue par un ruban bleu: ce sont les neurones qui fontnaitre en nous la vision des images qui nous entourent, comme celles d'un visage, d'une fleur ou d'un stylo. Et ce ruban entoure des ilots de lumiére jaune, consttués par les neurones qui repré sentent les concepts correspondants — le concept de visage, de fleur, de stylo.. Spectacle troublant, le ruban des images se colle & celui des concepts, dans une correspondance parfaite. C'est - peut- étre ~ ce qui fait naitre le sens des choses dans notre esprit. Ge cerveau met des années a se construire, et les correspon- dances entre les images du monde et les mots qui nous servent & Te décrire commencent a se former dés lenfance, durant ces sept années si cruciales qui conduisent a age de raison. Cest pour: quoi nous vous proposons un autre ruban (en page 40) : celui d'un parcours balisé qui visit les principaux stades du développement de enfant. Car méme si ce chemin est sinueux, il arrive généra- lement a bon port si on sait mettre en place les bonnes condi tions pour son épanouissement. Mais pour tous ces enfants, que diront les mots de demain sur un monde dont les images nous submergent, a la télévision et sur nos écrans de smartphones? Aujourd’hui, ils se focalisent sur Faffect et 'émotion, comme nous V'indique Nicolas Gauvrit en page 74, peut-étre parce que le monde des images charrie souvent une puissante charge émotionnelle. Alors, verra-t-on, un jour changer la danse des rubans bleus et jaunes dans notre cerveau, & mesure que notre monde acquerra de nouveaux concepts dominants, et se tournera vers de nouveaux formats d'images? C'est ce que nous apprendra peut-étre lavenir de la recherche sur le cerveau... @ ch SOMMAIRE ... N°HR MAI 2022 p-Gactuaurés ‘Les chefs, puissants mais fragiles! ‘© Amour: les coours se synchronisent ‘© Décés: notre vie défilerait bien sous nos yeux: ‘Pas juste! Souftrir fait grossir. ‘© Minorités: une illusion perceptive © En décolleté par - 5°C p.l2rocus La mobilité retrouvée grace a la stimulation électrique _Aprés un seul jour de traitement, des personnes enti¢rement paralysées seremettent a marches Brot Sitka p.l6 neurosciences Mémoire: jamais sans les mots Dans notre cerveau des millirs images sont stockées aveeTétiquettedu correspondant. Quand notre mémoine lesexhume, les mots refont surface Jordana Cepelewiez p.22 menapie Traum: premiers succés cliniques pour Pecstasy [Loin des «rave partis, ka MDM. pourrait iend rogue psyehed pour un usage médical, Jennifer M. Mitchell e@ Dossier pa LES 3000 PREMIERS JOURS 1p-32 NEURODEVELOPPEMENT GRANDIR | JOUR APRES JOUR Co re fructiierlestalentsinnes du bobs pour Tamenerjusqu’a Tage de raison?) Agnes Florin p-40 nrocrapHie LES ETAPES CLES DU DEVELOPPEMENT se reconnait-il Les principales étapesrésumées deo&7 ans, Agnés Florin pe44 sciences arrecrives IL FAUT ENRICHIR LES NICHES SENSORIELLES DU BEBE Entretien avec Boris Cyrulnik p.50.cocnmion LE SECRET DE LAPPRENTISSAGE DES ENFANTS Leur grande force: apprentissage implicite Danicla Schinberger p.5676 ECLAIRAGES 1.56 PSYCHOLOGIE SOCIALE Bullshit, la profondeur du vide Pourquoi nse laisse parfoisavoir pardes Le paradoxe du porno p.66neunoLocie Tourette: ¢a s’attrape sur Internet? Des influenceursatteints dusyndrome dela Tourette transmettent leurs ties ‘eur followers! ichaela Maya: Mosc p.74 palson er Dénalsons NICOLAS GAUVRIT Emotion: 1 Raison: 0 Comment le vocabulaire de Taff Jude la logigue. Sestimposé fas p.78:87 VIE QUOTIDIENNE p.78rsvenoLocie Pére et fille: duo gagnant! p jrunebonne relation ewssite dans avi, Nina Ayerle 82 LEécoLE Des CERVEAUX JEAN PHILIPPE, LACHAU Apprendre: les cing étapes du succés Lesbonsrefless des probleme les rigles du fo jar résoudre oe, anement cerebral P-86 LA question ou Mos Pourquoi secoue-t-on la téte pour dire . Résultat: les patients souffrant de douleur chronique et ceux ayant mal audos tout au long de l'étude présen: taient un comportement alimentaire altéré, avec des signaux de satigté réduits, aprés avoir mangé des al ments gras et sucrés, en comparaison avec des sujets rvayant pas mal ou avec ceux atteints de douleurs lom- baires aigués mais qui ont disparu avant!a fin de étude. Ces personnes qui souffraient beaucoup conflaient notamment avoir de plus en plus de difficultés a résister aux aliments calo- Fiques...Etdans leur cerveau, lenoyau accumbens était plus petit que celui des sujets ne présentant pas, ou plus, de douleur. Or cette structure, au centre du circuit eérébral de la récom- pense, joue un role essentiel dans la prise de décision, notamment dans Talimentation ehédonique », le fait de manger par plaisir. Ainsi, selon les chercheurs, la douleur chronique per- turberait le noyau accumbens qui, & son tour, favoriseraita consommation hédonique c'aliments riches et gras. Diotiunrisque dobésité. @ BSW. & wo) DECOUVERTES Actualités PSYCHOLOGIE SOCIALE Minorités: une illusion perceptive of indivi and memory, P a beaucoup parlé, au cours de la campagne présidentielle de 2022, de la fameuse théorie du grand rem- placement, selon laquelle la population francaise «de souche» serait en passe d'étre remplacée par une population issue de immigration. Orles chiffres ne donnent pas raison cette théori. Pourquoi? Simple argument électoraliste ou biais de perception? Peuteétre un peu des deux. En effet, notre cerveau aurait tendance & surestimer enver- ‘gure des minorités ethniques dans une population, etce g’autant plus que cette minorté est faiblement représentée, Ce biaisa été ‘démontré dans une étude réalisée sur 942 participants a univer ‘sé de Jerusalem, Dans ces expériences, les chercheurs ont mon- 116 rapidement des participants des matrices de 100 visages biancs ou noirs, olla proportion de visages noirs était plus ou moins élevée selon les conditions. Puls is leur ont demandé d'est- mer cette proportion. Résultat: moins ily a de visages issus de la minofté, plus les participants surestiment leurnombre. Ete, que les participants soient noirs ou blancs. Selon les psychologues, notre cerveau serait naturellement attentifa ce qui estrouveau ou différent dans son environnement, Ce biais attentionnel se traduirait par une meilleure mémorisation Oo: ADA de ce qui est nouveau ou dférent. Dés lors, les situations oit'on rencontre peu de personnes d'une origine ethnique différente seraient mieux mémorisées. Par la suite, lorsque nous devons estimer la proportion d'étrangers dans une population, ces images seraient plus faclement accessibles & la conscience et alimente- raient un des bials les mieux repérés en psychologie, le biais de représentativité, qui conduit & évaluer la probabilté dun événe- ‘menten fonction du nombre dimages mentales quinous vienaent facilement 3 resprit (plus nous pouvons nous souvenir d’exemples d'une situation, plus nous jugeons cette situation probable). CCtte explication parait plausible pour deuxraisons au moins: d'une part, car des expériences complémentaires dans cette ‘méme étude ont montré que le systeme visuel détecte plus fac lement, de maniére subliminale, une personne appartenant & lune minorté — ce qui est le signe d'un seul ‘attention abaissé, Diautre part, parce que le biais de surestimation s‘exerce aussi ben pour des Blancs devant une minorité noire que Finverse. La théorie du grand remplacement a une origine historique til ne s'agit pas ici de la réduire entiérement & un biais cogni- tif; rempéche: notre cerveau ne nous aide pas & cor Oi est le sens de la vie? uest-ce qui donne un sens ‘a Pexistence? A ce jour, les recherches en psychologie ont fait ressortir trois facteurs: la cohérence (le sentiment que les différents aspects de notre vie n’entrent pas en contradiction les uns avec les autres et forment un ensemble hharmonieux); le but (le fait que nos actions sont tournées vers un objectif et appuient sur des valeurs auxquelles nous adhérons) et la signifiance (impression que notre vie compte dune fagon ou d'une autre, aun impact sur le monde et nos semblables). Or un quatriéme ingrédient vient . Et, enfin, 'équipe de chercheurs a pris des photos des Jeunes ferimes (avec leur accord) et mesuré la surface de leur peau nue exposée au froid, aide de logiciels, de traitement dimages. De cette facon, ilest apparu que chez les femmes ayant de faibles scores d'auto-objectification, la sur- face de peau exposée au froid est cortélée a la sensation de frold - ce ‘quiparait normal..En revanche, chez, celles quiont obtenu des taux élevés, ‘ces deux paramétres ne sont pas cor- rélés: le froid réel ne se tradult pas ‘en perception de frold subjective. Le phénomene dauto-objectiication porte bien son nom, car il se traduit par une occultation des sensations subjectives, Ce qui peut exposer & autres dangers, selon les auteurs. Par exemple, lors d'une soirée, une femme quise coupe de ses ressentis, pourrait ne pas détecter le moment ‘ov elle est vre, ni celui ou un individu malveillant glisse un composé sus: pect dans sa boisson@ = S.B. Co CerveRt cho Uscsonene i ps POUR LA SCIENCE Directrice des rédactions: Cécile \esten Cerveau & Psycho Redacteur en cnet; Sébasen Boner Rédacriceen che agjomnte: Bandit SatharLasso Rédacteur: Gllaune Jacquerion. Conception graphique: Willan Lancicne Directce artistique: Celine Lapert Maquette: Pauline Bibaut,Raphaél Quer, Réviseuses: Anne-Rozenn Jouble, Maud Bruguite Développement numérique: Philippe Ribeau-Gésipne Community manager et partenaiats:Aeia Kerynu Chet de produit: Etna Delanne Directice du personne: 0 Secretar genera Nicolas Bon Fabrication: Marianne Siacane, Z0é Farré Via Decteur de a publeston et grant: Frederic Meviot Cnt égalament partcps& ce numero: Bty Mam [Ancien drectours dea rédaction Frangose Petry t Philippe Boulanger Espace abonnements Coumel: serviceclientsiigrounepourlascience “eléphone: 01 86 70.0176 de 830 01230 et de 19308 630 ‘aresse postal Sensce aborneme Groupe Pours Seance 238 ovenue Le Jour se Live ne Balance Diffusion de Cervenu & Psycho Contact kiosques: juste tives: Aca Abode Tats04 881512 47 POUR LA SCIENCE ‘7bis boulevard du Montparnasse 75014 Paris T6l:0155 42 8400, ‘Abonnement France Métropottaine: an Tinumeros ~ 54 € (TV Europe: 6775 €; reste du monde: RI NEUROBIOLOGIE DECOUVERTES Focus BRET STETKA Meiecin,éerivainet directeur éditorial de Medscape Neurology, di New York La mobilité retrouvée grace a la stimulation électrique Apres un seul jour de traitement, des personnes enti¢rement paral et méme a aller boire un verre au bar, Le seer ‘es ont recommencé A marcher, puis faire du canoé stimuler leur moelle épiniére de fagon personnalisée a l'aide d’électrodes. porte quelle personne paraplé- gique aprés une Iésion de la moe! épiniere avait peu de chances de marcher & nouveau, malgré les méthodes de rééducation et de réa- daptation physiques... Mais depuis quelques décennies, médecins et cchercheurs tentent d'utiliser Félectro- stimulation de la moelle épiniére oii des électrodes excitent directe- ment les nerfs rachidiens ~ pour aider les personnes paralysées & recouvrer leurs mouvements. De fait, depuis quelques années, cette tech: nique, nommée «stimulation élec- trique épidurale» (SEE), associée & tune rééducation physique intensive, ‘permis & certains patients comple tement paralysés de se remettre sur pied et de refaire quelques mouve- ments ou déplacements. Cependant, la SEE ne fonctionne ppas chez tout le monde et les cher- cheurs ont encore des difficultés & ‘améliorer les mouvements complexes des patients, de sorte que la plupart dentre eux arrivent seulement 4 faire ‘quelques pas. Lobjectif, aujourd'hui, cst de rendre cette technique efficace et facilement accessible aux millions de personnes qui souffrent de para- lysie dans le monde, Voila pourquoi des chercheurs viennent de concevoir un nouveau type de systéme d'électrodes, plus cfficace que les précédents: la sti- ‘mulation de la moelle épiniére avec ce dispositif a permis a trois patients souffrant d'une paralysie complete des muscles des jambes et du trone de se tenir debout, de marcher, de faire du vélo, de nager, et de bien contréler les mouvements de leur tronc... Qui plus est, les bénéfices font été constatés aprés une seule journée de traitement ~ c'est-i-dire bien plus vite qu’avec les techniques isées précédemment - et se sont maintenus sur des jours et des mois aprés intervention, Des résultats importants publiés le 7 février 2022 dans la revue Nature Medicine. CIBLER TOUS LES NERFS DE LA MOELLE EPINIERE Au fil des ans, les chercheurs ont développé de multiples techniques délectrostimulation de la moelle épiniére pour traiter et atténuer la Rt douleur. Ensuite, ces techniques ont été graduellement réemployées pour tenter de restaurer les mouve- ‘ments. En général, il s'agit de bot- tiers contenant quelques électrodes fet que Yon glisse dans espace épi- dural, cest-i-dire ente les vertebres Iombaire et sacrée, de sorte quils ne ciblent que quelques racines dor- sales de la moelle épiniére. Les élec- trodes sont placées sous la région sée et religes & une batterie greffée sous la peau de Tabdomen. Le prin- cipe est alors de stimuler électrique- ‘ment les corps cellulaires des neu: ones de ces racines afin quiils transmettent leurs données au cer- vveau (pour pallier le fait qu’ils ne sont plus excités car ils ne recoivent plus influx nerveux en provenance des membres). Lamélioration appor tée dans cette nouvelle étude tient au nombre plus important délec- trodes disposées sur une zone plus large, afin de stimuler ensemble des racines dorsales impliquées dans les mouvements des jambes et du trone, pour obtenir un effet plus important et rétablir des activités motrices plus variées. En outre, la nouvelle approche, qui s‘accompagne d'un programme informatique complexe pour contré- ler chaque ¢lectrode et exciter indi- viduellement chaque nerf des racines dorsales, permet de person- naliser le traitement pour chaque patient. «Il siagit de la stimulation <épidurale la plus précise congue ace jour, associée & une récupération ‘des mouvements chez. les personnes souffrant de lésions completes de la moelle épinitre», déclare Grégoire Courtine, coauteur principal de cette nouvelle étude et neuro- scientifique a Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse. DES EFFETS BENEFIQUES IMMEDIATS En effet, le nouveau dispositi cible toutes les racines dorsales, le faisceau de fibres nerveuses qui transmettent des informations sen- sorielles & la colonne vertébrale. Mais ces données sensorielles sti- mulent aussi d'autres nerfs respon- sables du mouvement du tronc et des membres. Comme le précise Jocelyne Bloch, autre autrice Lobjectif, aujourd’hui, est de rendre I’électrostimulation de la moelle épiniére efficace et facilement accessible aux millions de personnes qui souffrent de paralysie dans le monde... AV instar de cet homme qui a pu refaire du canoé! principale de cette étude, neurochi- rurgienne a hopital universitaire de Lausanne, «les réseaux d'électrodes 4quon utilise pour traiter la douleur sont plus petits et plus étroits; ils sont pas été concus pour cibler spé- cifiquement chaque racine nerveuse individuelle et activer précisément les muscles du troncet des jambes». Grégoire Courtine explique égale- ‘ment que, si les conséquences de leur nouveau dispositif sont immeédiates, au début, les patients ont eu besoin lune aide supplémentaire pour sup- porter le poids de leur corps, par DECOUVER' $ Focus A MOBILITE RETROUVEE GRACE A LA STIMULATION ELECTRIGUE exemple en s'appuyant sur des barres paralléles. Gependant, apres un a trois jours de thérapie, asso- ciant la stimulation de la moelle et tune rééducation physique intensive, les trois sujets étaient capables de marcher correctement. Et aprés {quelques mois, ils ont bien progressé dans diverses activités motrices: le cyclisme, le canoé et méme pour aller prendre un verre dans un bar. Comment le dispositif fone tionne-til? Les chercheurs pensent que seul un petit nombre de fibres nerveuses survivent & un accident ‘médullaire mais quelles finissent par devenir «dormantes» si elles ne recoivent plus aucune stimulation des nerfs au-dela du site de la blessure. 1 suffit done que I'lectrostimulation épidurale atteigne ces quelques fibres nerveuses pour les ramener lav Ly a toutefois un inconvénient: les améliorations & long terme des ‘mouvements des patients ne per- sistent que tant que Vappareil de stimulation est allumé. Les per- sonnes complétement paralysées auront done besoin d'un implant spinal permanent pour que le traite- ment fonctionne a long terme. Pour Grégoire Courtine, cest le (petit) prix & payer pour retrouver un cer- tain degré de mouvement. IMPLANT «ALLUME» EN PERMANENCE «Ges {nouvelles} observations sont compatibles avec le fait que des ajustements précis de lemplace- ment des électrodes, par rapport aux positions des racines dorsales, seraient des facteurs de récupéra- tion des fonctions motrices relative ment efficaces», déclare V. Reggie Edgerton, professeur de physiologie 2 Tuniversité de Californie & Los Angeles, qui méne des recherches similaires avec des techniques de ulation non invasives, ne néces- sitant pas de chirurgie. Pour Edgerton, il s'agit la dune avancée importante dans le domaine de la récupération motrice. Mais il ‘pidurale et plusieurs heures de ‘reéducation physique, ele s'est remise ‘3 marcher et n'aura plus besoin d ‘déambulateur dans quelques jours. Bibliographic A Rowald eta, Activit spinal newromodulation rapidly restores trunk. after complete paralysis, Nature Medicine, e7 fevrier 2022. Coc se demande tout de méme dans quelle mesure la «précision» souli- gnée par les chercheurs de cette nouvelle étude est responsable des résultats obtenus sur les comporte- ‘ments moteurs, étant donné que les patients devaient encore suivre une rééducation et une réadaptation physiques intensives. Prochaine étape? Bloch et Courtine souhaitent élargir Taccés & la stimulation électrique épidurale pour la récupération des mouve- ‘ments a un plus grand nombre de paralysés. Leur groupe de recherche collabore avec Onward, un collectif de scientifiques, 'ingénieurs et de médecins qui cherche & développer des thérapies contre les Iésions dela moelle épini’re (Courtine en est diailleurs le responsable scienti fique). Leur objectif consiste ‘mettre au point une version com- merciale de leur technique et de la valider grace a un essai clinique en 2023. Ils ignorent encore com: bien tout cela coftera, mais ils afir- ‘ment que le prix sera semblable A celui dautres dispositifs de stimula- tion du systéme nerveux, par exemple la stimulation cérébrale profonde contre la maladie de Parkinson. Selon Grégoire Courtine, « Tidée] est de rendre cette techno- logie accessible & tous». @ TTT Tee Ney tel Clef 14h-15h De l’anecdote au savoir, le nouveau magazine joyeux de culture générale 6 Mémoire Jamais sans les mots Par Jordana Cepelewicz, journaliste scientifique a New York: Nos souvenirs sont-ils une simple répétition neuronale des expériences vécues? Probablement pas si l'on en croit des chercheurs qui viennent dassocier, dans le cerveau, des centaines de concepts sémantiques aux minuscules régions du cortex qui les représentent dans notre mémoire et nos perceptions. Or des « décalages » existent... distinctions subtiles, mais significatives, entre représentations visuelles et les représentations mnésiques correspondantes, ces derniéres appa raissant ~ se matérialisant sous forme dlactivités neuronales ~ toujours & des endroits Iégerement différents du cerveau. Or les scientifiques ne savaient trop que penser de cette translation, de ce décalage: quelle est sa fonction? Quiest-c Urest-ce que la mémoire? Une _ cela signifie pour la nature méme de la mémoire? répétition du passé, une reproduction mentale Aujourd’hui, ils ont peut-étre trouvé une QUIN | ses feécemant ot des sensations que nous réponse, grce Ades travaux reposant sue lan. avons vécus? Cest en général ce que nous pen- gage, et non surla mémoire. En effet, une équipe Dansle cerveau, cela reviendrait ace queles de neuroscientifiques a créé une carte dite _mémes schémas activité neuronale se réactivent: «sémantique» du cerveau qui révéle, de fagon Getanicleadabord parexemple, sesouvenir du visaged'une personne remarquablement détaillée, quelles sont les activerait les mémes réseaux de neurones que ceux régions du cortex qui réagissent aux informa: permettant effectivement de voir son visage. Et, tions linguistiques concernant un large panel de par Quanta Magazine, SousTe tre « New Ma ofMeaning inthe Brain en effet, pour certains processus mnésiques, concepts, allant des visages aux lieux en passant changes ideas About’ quelque chose comme ca se produit par les relations sociales, les phénomenes ‘quantamagazine.org! météorologiques... Et lorsqu'ils ont comparé Newmepotmeaning. QU'EST-CE QUE LA MEMOIRE? cette carte edrébrale a une autre mettant en évi in-the-brain-changes- Mais ces derniéres années, les chercheurs ont dence oli le cerveau se représente les catégories t-brain-chan Mi de les cherch td I p I memory:20220208/ mis Ie doigt, & plusieurs reprises, sur quelques _d'informations visuelles, ils ont observé des dif- sl phénomenes atypiques: ils ont identifié des férences surprenantes... Qui ressemblaient DECOUVERTES Neurosciences fortement & tations visuelles et mnésiqui Cette découverte, publige en octobre 2021 dans la revue Nature Neun dans de nombreux ca fac-similé de perceptior science, suggére que, t pas un 2s pas eau. I ‘qui sont rejouées & Tidentique dans le ce agit plucdt d'une reconstruction de V¢ nal, reposant sur son contenu sémantiqu Gette idée, nouvelle, répondrait & bien des inter- rogations que se posent les chercheurs depuis de nombreuses années, notamment pourai mémoire est si souvent un enregistrement imparfait du passé... Ce qui expliquerait, entre ‘autres, les faux souvenirs et ce que signifi ment le fat de se rappeler quelque i la réell (CE N'EST PAS UN FAC-SIMILE DES EXPERIENCES VECUES étaient complétement indé menés sur la mémoire, des équipes de cher- ccheurs travaillant a leurs cartes cérébrales res pectives & peu prés au méme moment, mais & la sémantique ndants de ceux des extrémités diamétralement opposées des Unis. Reprenons leur histoire, En 201: Jack Gallant, neuroscientifique cognitiviste & ‘université de Californie & Berkeley, avait pa: la majeure partie de la derniére décennie a llopper des outils et des modéles dIRME gerie par résonance magnétique fonction nelle) pour étudier le systéme visuel humain. En effet, IIRMF permet de mesurer d ité électrique dans ntifiqu pour déterminer les régions ssant A différents stimuli étudiants de Gallant & T'époque, Alex Huth, a bénéficié des techniques de pointe de leur laboratoire pour analyser ot encod différents types d'informations visuelles, en demandant & des volontaires de regarder des dos (sans aucun son) a ariations heures! sur de scanners d'IRME. Puis, en segmentant les don: nées en enregistrements pour des volumes de bral minuscules, de la taille d'un pois et voxel étant 'équivalent d'un ), les chercheur En 2016, des neuroscientiiques ont Cartographie comment Ses regions du cortex 4e la tale d'un pols ‘voxels ~ reagissent aides centaines: concepts semantiques. iis s'appuient desormais sur ces travaux pour comprense les liens tent les representations Visuelles, linguistiques, fet mnésiques dans le cerveau, DECOUVER' Neurosciences MEMOIRE: JAMAIS SANS LES MOTS soe ont analysé les scans @activité cérébrale pour , Lorsquill a zoomé sur une région corticale sémantique spécifique des lieux, il s'est rendu compte que seuls les voxels du bord antérieur de Ia zone, les plus proches de avant du cerveau, représentaient des mots de lieu: appartement, maison, voiture, ferme, Californie... La partie postérieure de l'aire ne correspondait pas du tout & des informations linguistiques. «Ce qui nous @ conduits & penser qu'il y a peut-étre quelque chose de plus intéressant qui se passe ici», a déclaré Huth. LUNE FRONTIERE FLOUE? Huth a done consulté plus précisément les données de ses expériences de 2012 sur la carte visuelle et a constaté que, dans cette région sémantique du cortex dédiée aux lieux, la partie postérieure répondait exclusivement & des images liées aux lieux. Et A mesure qu'il obser vait les zones situées plus a Tavant, les images et les mots relatifs aux lieux étaient représentés, jusqu’a ce que, a la frontiére de la région, seuls les mots provoquent une activité corticale. 11 semblait done y avoir un passage progressif et continu des représentations visuelles des lieux 4 leurs représentations linguistiques, et ce sur seulement quelques centimetres de cortex. «C¥était impressionnant, a déclaré Huth, comme une révélation, de voir ces schémas d'activité apparaitre. Quelle excitation !» Pour vérifier ce résultat, Sara Popham, alors étudiante dans le laboratoire de Gallant, a mis au point une analyse statistique afin de rechercher ces «gradients» de schémas activité (un gradient est une répartition progressive d'un parametre le Tong dun axe, par exemple la température qui varie avec Faltitud) tout le long du bord du cortex visuel: elle en a trouvé partout (voir lencadré page ci-contre). Pour chacun des centaines de concepts étudiés dans ces expériences, les représentations Salignaient dans des zones de transition qui for: maient un ruban presque parfait autour de Dans tout cerveau, il existe une frontiére mélant les représentations visuelles et sémantiques de chaque objet, lieu, concept... ch Tensemble du cortex visuel. «Il existe une corres- pondance entre ce qui se passe derriére la fron- tigre et ce qui se passe devant, a déclaré Gallant. Un alignement qui, & lui seul, était déja remarquable, «II est en fait rare que nous voyions des frontiéres et des régions délimitées dans le cerveau, a déclaré Wilma Bainbridge, psychologue & l'université de Chicago, qui n'a pas participé & Pérude. Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable!» LE CHAT, DANS TOUS LES «SENS» Par ailleurs, ce schéma d'activité était présent chez tous les individus. «Cette frontiére dans le cerveau semble constituer un principe dorgani: sation général», a déclaré Adam Steel, neuros- cientifique étudiant la perception et la mémoire au Dartmouth College, a Hanover, aux Etats- Unis. montre ainsi comment le cortex visuel se cconnecte au reste du cortex via ces gradients: de nombreux canaux paralléles semblent chacun préserver le sens (d'un concept) & travers diffé: rents types de représentations (sémantiques, visuelles...). Dans les modéles hiérarchiques du traitement visuel, le cerveau extrait @abord des ccaractéristiques spécifiques d'une image, comme les bords et les contours, puis les combine pour construire des représentations plus complexes. ‘Mais comment ces dernigres deviennentelles de plus en plus abstraites? Rien n'est clair. Bien sir, des détails visuels peuvent étre assemblés pour ceréer Fimage d'un chat, par exemple. Mais com- ment cette image estelle finalement associée au ‘concept de chat? Ces nouveaux résultats laissent done entre- voir comment cette progression des spécificités visuelles vers des caractéristiques plus abstraites pourrait se produire & un niveau plus fin, de la taille d'un voxel. «Nous collons une partie du cer- ‘veau que nous comprenons trés bien & une autre {que nous connaissons & peine, a déclaré Gallant. Et ce que nous constatons, cest que les principes de conception ne changent pas tant que ca.» En ait, une théorie traditionnelle de Forgani- sation du cerveau postule que les représentations des connaissances sémantiques se produisent dans une région dédiée ~ un centre de commande semblable & une plaque tournante qui recoit des informations de divers systémes, notamment per- ceptifs. Mais les résultats de Téquipe de Gallant suggerent que ces différents réseaux seraient trop intimement liés pour étre séparables. «Notre compréhension, notre connaissance des choses, est en fait quelque peu ancrée dans les systmes perceptifs», a déclaré Chris Baker, du National Institute of Mental Health. UN RUBAN AUTOUR DU CORTEX VISUEL... Gites eet ctr, es ucla ont mons [que les représentations visuelles et linguistiques de centaines de catégories sémantiques salignent presque parfaitement sur une zone de recouvrement, formant un anneau tout autour du cortex visuel. Gradients d’abstraction Dans la région corticale d'une categorie sémantique, la réactivite aux mots et aux images suit un gradient. Ceara des concepts Ramis renin Cache DE :COUVER' Neurosciences MEMOIRE: JAMAIS SANS LES MOTS Cette découverte aurait des implications sur la fagon dont nous développons nos connaissances abstraites sur le monde. Selon Huth, il est pro- bable que les représentations sémantiques soient ‘en partie calquées sur leurs homologues percep- tives, et que le chevauchement des schémas ac vité mis en évidence représente un mécanisme permettant de comprendre comment cela se pro- duit dans le cerveau... En effet, les aptitudes per- ceptives des différentes régions cérébrales adictent peut-étre la structure émergente d'un espace conceptuel plus large», a déclaré Ev Fedorenko, neuroscientifique & l'institut de tech- nologie du Massachusetts. Voire... cela nous ren- seignerait sur la nature méme du «sens». « Jai bien expliqué & Berra Yazar-Klosinski que si je disposais d'une certaine expérience des cessais de phase 2, je navais jamais mené dessai de phase 3, et qu'il me semblait naivement opti- miste de penser que la seule détermination me permettrait de faire face aux complications qui surviendraient inévitablement. Elle est restée imperturbable. Et jétais terifige. Pour commencer, le statut de Tannexe 1 est un cauchemar pour les développeurs de médica- ments. Selon la loi américaine sur les substances contrélées, celles de l'annexe 1 font par défini- tion aucun usage médical, aucune donnée de sécurité acceptée et un risque élevé de mésusage ‘ou d'abus, ce qui signifi qui n'y a généralement pas de financement fédéral pour étudier ces com- posés en tant que thérapeutiques potentielles. ‘Au regard des obstacles réglementaires, la création d'un programme de recherche sur une substance de annexe 1 est un parcours du com- battant. Ces composés sont soumis & de fortes restrictions et il faut obtenir Tautorisation de la Drug Enforcement Administration (DEA), Vagence américaine de lutte contre le trafic de stupéfiants, pour pouvoir les stocker dans une installation de recherche et les distribuer aux sujets. Pour aggraver les choses, le Controlled substance analogue enforcement act de 1986 sti- ule que tous les composés qui sont «substantic lement similaires» aux composés de Tannexe 1 sont également illégaux, de sorte qu'il n'y a aucun moyen de chercher a obtenir des effets, méme approchés, d'une drogue comme la MDMA en laboratoire sans risquer des poursuites pénales. Pour travailler sur une substance de annexe 1, il faut d'abord demander une licence & la DEA, qui doit énumérer chaque composé concerné, la 13s quantité qui sera utilisée pour chaque expé- rience, oi et comment ces composés seront stoc- kés, qui aura acces & lespace d’expérimentation, quelles mesures de sécurité les protégeront, et quelle procédure d'enregistrement et de vérifica- tion sera mise en application pour les suivre a la trace. Ajoutez les frais annuels & payer et les ‘modifications & déposer & chaque changement de plan, et le fait qu'il nexiste pas de marche & suivre clairement définie pour réaffecter A autres catégories les drogues qui sont réperto- riges dans cette annexe. En d'autres termes, ‘méme sil y avait suffisamment de données pour démontrer qu'un composé comme la MDMA aun véritable effet pharmaceutique et un risque usage limité, il n'y a pas de voie évidente pour lui attribuer une nouvelle classification en tant que substance de Vannexe 2, 3 ou 4 [qui sont AU COMMENCEMENT DE LA THERAPIE ASSIS PAR PSYCHEDELIQUES (LSet ne one eas fe en ee en eee fea a ee ee programme de recherche sur les agents de coagulation du sang. Reléguée nee tee er Tie retreat le chimiste américain Alexander Shulgin. Celu-ci'a élaborée & aide 4’un nouveau processus de synthése dont il rend publique et immortalise la recette dans son livre PIHKAL, A Chemical Love Story. Peu de temps ee er Teer cara een et ne en Californie, qui emploie des substances psychédéliques en accompagnement de ses thérapies. Zff le diffuse & son tour & des centaines ene tet en een ned eee eee ee cme ed Pee re eer en reer Cee een ea ees ces demiers parviennent & surmonter leurs peurs et affronter leurs pee ue ee Pent ee ee ee oy californiens pour se répandre dans le grand public. ecstasy devient ainsi ot eee a Se ee ae agence fédérale américaine de contrée et de lutte contre le trafic de Eee ee eur ey possession un crime passible de quinze ans de prison. Les Nationa Institutes Ce eee eo) ont ensuite passé deux décennies a financer des recherches qui suggéraient ue la MDMA était neurotoxique et souvent mortelle. ch DECOUVERTES Therapie ‘TRAUMA: PREMIERS SUCCES CLINIQUES POUR LECSTASY see considérées comme moins dangereuses, ndlr]. En bref, le processus semble fait pour décourager les chercheurs, y compris les plus motivés LE PARCOURS SINUEUX VERS. APPROBATION DES AUTORITES Une fois que la DEA a donné son accord pour Vaceés & l'annexe 1, un autre long parcours pro- ccédurier s'annonce pour obtenir lautorisation de la Food and Drug Administration (FDA) de déli vrer aux humains une substance ainsi réperto- riée. La premiere étape consiste & soumettre une demande dautorisation de mise sur le marché (investigational new drug - IND) & la division appropriée du Centre d'évaluation des médica. ments et de recherche de la FDA. Cette demande Il est essentiel que les volontaires soient guidés tout au long de I’expérience par des médecins ou psychologues ayant suivi une formation spéciale pour les aider a traiter les nombreuses facettes du traumatisme qui se manifesteront. doit contenir pratiquement tout ce que on sait sur le médicament & ce jour. A savoir, les études pharmacologiques et toxicologiques sur les ani ‘maux, les résultats des expériences sur "homme (hors essais cliniques), un plan de fabrication pour garantir la pureté du produit et son appro: visionnement, et autres informations étayées sur le protocole d'essai clinique et méme sur les chercheurs impliqués. La FDA a pour politique de répondre aux demandes 'IND dans un délai de trente jours, mais si, pour une raison quelconque, agence hésite & accorder son approbation, un projet d'étude clinique risque d'étre mis en attente pour un temps indéfini. Autant dire le baiser de la mort pour les chercheurs. ch Pour limiter ce risque, notre équipe de recherche a saisi foccasion de passer par une «éva: luation spéciale du protocole» (SPA), une toute nouvelle procédure permettant diaccélérer et de rendre plus transparent le processus approbation de la FDA. Le SPA permet & un sponsor ~ dans ce ‘eas, fAssociation multidisciplinaire pour Pétude des psychédéliques ~ de conclure un accord avec Ja FDA sur la conception de l'étude, avec un nombre précis de sujts, un dosage défini, le plan d'analyse et les mesures des résultats. Lobtention de cette ‘SPA en 2017, et dans le méme temps du statut de Percée thérapeutique par la FDA (Breakthrough ‘Therapy Status), a été une vraie chance. Cette di sgnation, qui permet un accés élargi au soutien et aux conseils de Vagence, est un levier daccéléra tion du processus dapprobation. Une fois toutes les questions réglementaires et de conformité résolues, il reste a fabriquer le composé. Pour les essais cliniques, la produc tion doit étre réalisée dans un laboratoite cer tifié «bonnes pratiques de fabrication» (Good ‘Manufacturing Practices, GMP), répondant aux normes de qualité prescrites par la FDA. La démarche semble évidente, mais la MDMA est une molécule particuliérement difficile & encap- suler, ce qui a entrainé une autre difficulté, celle de trouver un laboratoire disposant des aménagements adéquats pour le faire. LE . Trois séances d'intégration ont ensuite eu lieu, au cours desquelles les animateurs ont travallé avec les participants pour déméler eo ee ch souffrant de traumatismes infantiles, de dépres- sion et d'un sous-type de TSPT résistant au tral tement, nous avons obtenu des résultats incroya: blement positifs Les participants & l'étude bénéficiant d'une thérapie assistée par la MDMA ont vu baisser leurs symptomes de TSPT et de déficience fone- tionnelle, bien plus que ceux ayant recu un pla- cebo en plus de leur psychothérapie usuelle. En bonus, leurs symptomes dépressifs ont également régressé, Au terme de Tessai, plus de 67% des sujets du groupe MDMA ne répondaient plus aux critéres du SSPT, En outre, 21 % présentaient une réponse cliniquement significative, c'est-d-dire une diminution de Vanxiété, de la dépression, de Yhypervigilance et de lapathie émotionnelle. Et malgré les craintes que ladministration un nouveau médicament & des personnes ayant des idées suicidaires n'aggrave leurs problémes, Ja thérapie assistée par la MDMA n'a pas aug. menté ces pensées ni les passages & lacte. La ‘MDMA nla pas non plus démontré de potentiel dabus mesurable (loin de ce qui était affirmé dans les années 1990). Nous recueillons actuellement les données de suivi a long terme de l'étude de phase 3. Une question importante était de savoir combien de temps les effets thérapeutiques de la MDMA et d'autres substances psychédéliques peuvent urer. Il est clair que ces composés différent des ‘médicaments tels que les ISRS (inhibiteurs sélec- tifs de la recapture de la sérotonine), qui doivent €tre administrés quotidiennement, généralement pendant des années et parfois indéfiniment. Nous he savons pas encore si nos participants devront revenir tous les deux ans pour une nouvelle thé: rapie assistée par la MDMA. Si les premiéres études cliniques suggérent que les effets théra- peutiques des psychédéliques sont assez persis tants, nous ignorons également ce jour s'il existe des sous-ensembles de notre population clinique pour lesquels ces effets sont particuli rement durables et d'autres pour lesquels des séances de dosage ou un travail d’intégration supplémentaires seront nécessaires. La MDMAest un traitement expérimental, ses effets thérapeutiques sont influencés par le cadre dans lequel elle est administrée. Il s'agit dune distinction essentielle par rapport aux autres meédicaments, Les effets des substances psychédé- liques sont indéniablement dépendants de Tétat esprit et de Tenvironnement dans lesquels on se trouve. Cest pourquoi il est essentiel d'éduquer les patients sur les effets potentiels du composé avant quils ne le prennent. Le cadre du traitement doit étre construit de maniére réfléchie afin de Lorsqu’on leur donne de ecstasy, les pieuvres développent un comportement ‘peu craintif et cherchent les contacts rassurants, voire des calins fournir la bonne quantité de soutien et de protec- tion, ILest plus essentiel encore que les volontaires soient guidés tout au long de Pexpérience par des animateurs qualifiés - médecins ou psychologues ayant suivi une formation spéciale ~ 4 méme adapter et de modifier en douceur lexpérience et deles aider 4 raiter les nombreuses facertes du traumatisme qui se manifesteront. De plus, si, ‘comme le suggerent les données animales, la réouverture d'une période critique induite par la MDMA peut durer plusieurs semaines, tout doit @tre mis en ceuvre pour utiliser ce temps pour guérir, apprendre et progresser. ‘Autant de raisons de rappeler qu'en dépit de ces conclusions encourageantes il serait irres- ponsable de vouloir transposer ces résultats pour ‘un usage plus large de la MDMA dans des situa- tions moins contrélées. Nos travaux vont done pour cela aucune portée sur ’évaluation de Pusage récréatif de la MDMA, qui se déroule _généralement dans des contextes trés différents de ceux des expériences cliniques minutieuse- ment encadrées, planifiées, et se rapporte des, drogues de rue souvent coupées avec toutes sortes d’adultérants. Pour V'heure, il reste encore beaucoup & apprendre sur les mécanismes d'action neuro- iologiques de la thérapie par MDMA, mais il est désormais avéré que celle-ci permet aux sujets de s'engager dans des discussions actives et ouvertes sur leur traumatisme sans se laisser submerger par 'émotion — un défi majeur pour Bibliographic J.M. Mitchell et of MDMA-assisted therapy for severe PTSD: Arandomized, double-blind, placeho-controlled phase 3 study, Nature ‘Medicine, 2021 E.Edsinger eG, Dalen, \ conserved role for serotonergic neurotransmission in mediating social Dehavior in octopus, Current Biology. 2018 Coch les personnes souffrant de TSPT. ls parlent alors de leurs expériences traumatiques avec une grande compassion envers eux-mémes, ce qui, selon nos thérapeutes, est une clé de la possible libération de leur fardeau. A la fin de étude, les participants ont méme sensiblement changé d'apparence physique. Ils se tiennent plus droits, vous regardent dans les yeux et sourient méme parfois. EXPERIENCE PSYCHEDELIQUE, UN COMPOSANT DE LA GUERISON Lune des plus grandes questions sans réponse dans le développement des médicaments psyché déliques est de savoir si Texpérience subjective «psychédélique» est nécessaire pour les actions thérapeutiques ou si elle est un effet secondaire ‘qui devrait étre éliminé pour rendre le processus de traitement plus rapide et plus facilement com: ‘mercialisable. Des entreprises pharmaceutiques désizeuses de développer des composés «non psy chédéliques» (dénués deffets psychoactifs ou hallucinogenes) se sont alors mises sur les rangs. Peut-étre & tort... car une masse considérable de données pointent bien vers un lien entre inten: sité de Vexpérience mystique et lamélioration thérapeutique; et on ne compte plus les témoi gnages personnels d'un impact bénéfique de «lépiphanie psychédélique» sur des années de pensées sombres et négatives. Il semble que Témergence, durant un courtlaps de temps, d' ‘ments du psychisme qui restaient jusqu'a présent inaccessibles au patient est en mesure de relancer le processus thérapeutique. De ce fait, il parait plus judicieux de continuer & prendre en compte les ecomposants psychédeliques>. Outre le TSPT, des données expérimentales plaident pour l'utilisation de la MDMA pour la dépression, Tanxiété, les troubles alimentaires et les troubles lis & la consommation d'alcool et de drogues. Le reclassement par la DEA pourrait lever la barriére de évaluation clinique de cette molécule pour ces indications et pour d'autres. ependant, méme aprés Yobtention de Fappro- bation des autorités, une série de mesures se devra d'étre instaurée pour accompagner sa mise sur le marché pharmaceutique. A commen. cer par la création d'une filiére de formation et d'aceréditation des facilitateurs psychédéliques et dun systéme de cliniques oit ils pourront exercer. Les développeurs de médicaments devront de leur cété élaborer une stratégie dévaluation et datténuation des risques a sou. ‘mettre & la FDA pour approbation, et un cotit de traitement & méme d'inciter les mutuelles et assurances & le rembourser. @ Livi est a vos c6tés pendant les mille premiers jours de bébé et bien plus encore! Au cours des trois premiéres années, le cerveau de bébé se développe pour acquérir la vision, Uouie, la marche, le langage, V'empathie... Afin de vivre ces changements importants dans les meilleures conditions, les médecins sur Livi vous prennent en charge en vidéo vous et votre enfant 7j/7 de 7h a minuit. Généralistes et spécialistes peuvent vous apporter un diagnostic médical, mais aussi répondre a toutes vos questions et vous conseiller. Allaitement, diversification alimentaire, développement, vie de couple... tre bien accompagné et rassuré est primordial pour faciliter ce changement de vie important: les généralistes, gynécologues et pédiatres sont a votre écoute sur Livi. 2. Bye) dN — 46 le ra 0) ug Ao ry er Cs i lp iegoe ew eL Ue TSU 1 --i- ge ene eet ROC ene iu es ere cee Cen eee ia et eas Lea aT UC oe ee ees eect is Cee eee ee os eee oe aa at joe ues poping irs eee Ba Tree eon] Prabal cers ee emer DS Fee eR oll Cle eee uu are eos les Seu oe COR) Re ke ak Se aa Sa ee cae Nee See eS CS fied ttc Pe os nce Pee ee ee Cuan Beainenrnine aan ibe Ce Bénédicte Salthun-Lassalle o»- my al lll Dossier GRANDIR JOUR APRES JOU @ Des Ia naissance, un enfant est doté de nombreuses capacités. © celles-ci ne demandent qu’a évoluer pour atteindre I’age de raison, environ trois mille jours apres la conception. Connaitre les grandes étapes de son développement permet d’éviter que des déficits s’installent... Par Agnes Florin, professeuse émérite de psychologie deLenfant et de Véducation, a Nantes Universite. EN BREF in grees varient a'unenfantaTautre, tes etapes du développement moteur etsensoriel socal tt affect, langagier et cognitf un pelt vont de pair avec celles de son cerveau et sont cruciales our son bien ate Bhysique et mental. Mais tous les enfants, r’évoluent pas dela méme facon! Par exemple, certains ‘marchent plus tat que d'autres qui, quant ‘eux, développeront plus rapidement leur Fangage. I faut laisser le temps aux petits de granir,& leur rythme. Toutefos, le fa de connaitre ces étapes permet de repérer des dificultés, qu'elles soient biologiques, Psychologiques ou lies environnement familial, social ouscolaire. fuel bonheur! Vous venez d'avoir un bébé et vous vous posez certainement des questions quant a son développement aver quand se tiendra-til assis tout seul? Quand dita til pour la premiére fois «maman» ou «papa»? Quand sourira-til ou proférera-til son premier «non» de contestation? Hest bien difficile de décou- per précisément lvolution de enfant —_ en périodes distinctes, car les ges " correspondant & chaque acquisi- tion - de la marche, du langage, = du raisonnement...— varient quelque peu d'un petit & Tautre, en HI fonction de ses expériences de vie, de son tempé- ‘rament, mais aussi de ce que les adultes lui recon- naissent comme compétences... Toutefois, on sait aujourd'hui que les grands processus du dévelop- pement sont globalement similaires pour tous les enfants. Cest dailleurs Pune des raisons pour lesquelles Ja notion des «mille premiers jours» ~ de la concep- tion aux 2 ans de Venfant ~a 6té mise en avant par VUnicef il y a une dizaine années, et est reprise DOSSIER Les 3000 PREMIERS JOURS. GRANDIR JOUR APRE: SJOUR depuis lors dans de nombreux pays, dont la France: lobjectif est de populariser lidée qu'il existe une période déterminante pour le bon déve- loppement physique et psychologique de Venfant, ui unit les temps d'avant et d'aprés la naissance. ‘ON COMMENCE PAR LES MILLE PREMIERS JOURS. Ainsi, il sagit de définir les leviers d'action les plus pertinents pour mettre en place les DE LA SYNAPSE AU DEVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DE LENFANT ‘e développement de enfant va forcément de pair avec celui de son cerveau. La formation des neurones = la neurogenése ~ et de leurs connexion ou synapses ~ la synaptogenése ~ commence lors de a vie embryonnaire, entre la 6 et la 8 semaine de gestation, et est la plus importante au cours ddu développement précoce du cerveau entre la 20° semaine de gestation et'age de 5a7 ans méme sielle se poursuit tout au long de la vie. Or pour apprendre, quoi {que ce soit, il faut que le cerveau crée les ‘neurones ou les connexions correspondant ‘aux nouvelles fonctions - on dit qu'il est «plastiques -, d'or des apprentissages silintenses etrapides chez les enfants pendant cette période. Par exemple, acquisition des langues est en général facile les premiéres années de fa vie et devient de plus en plus difficile apres adolescence, avec avancée en age tla diminution de la neurogenése et dela synaptogendse, Le cerveau se restructure donc en continu, sous effet des stimulations internes et de celles de environnement. se crée ainsi de nouvelles connexions, de plus en plus nombreuses, & mesure des stimulations et des repetitions. En ef, arépéition, les exercices de mémoristion, ugmentent le nombre de neurones et de synapses. Mais e cerveau est aus! pragrammé pour ‘ubiier et pour détruire les neurones et es connexion qui ne sont pas ou pus ties, vi un phénoméne que Fon nomme «lagage>. ‘es lors, on comprend pourquoi les ‘stimulations sensoreles sont indispensables ‘au développement moteur, cogniti,affectit cet langagier un bébé, pendant cette période critique, par des actions simples ‘et quotdiennes, comme déposer pres de lui des objets attrayants et colorés qu'il est ‘en mesure o'atrapet, lui parler de ce qu'on {ait pres de lu, de ce qui 'entoue,favorser {es contacts avec différentes personnes, et En absence de ces stimulations ise peut ‘que cetaines aptitudes ne se développent ‘pas correctement, oie pas du tout, et ‘aboutissent des défcts ou & des handicaps; ‘par exemple, un enfant né sourd qui ne serait as apparailé avec un implant cochléaire avant Age de 3 ans n'arivera ensuite jamais, ’entendre les sons de sa langue (son cortex _uctif ayant alors fn a maturation sans avoir ‘166 les connexions neuronales nécessaires ‘cette aptitude). De méme, des études sur des programmes

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