Annales Médico-Psychologiques 177 (2019) 67–70

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Communication

Enjeux et perspectives de la psychiatrie libérale : le développement

de la télé-psychiatrie
Challenges and perspectives in the private practice of psychiatry: The development
of tele-psychiatry
Bernard Astruc a,*,b
a
Eutelmed SAS, 28, rue d’Aboukir, 75002 Paris, France
b
Cabinet médical, 1 rue du Louvre, 75001 Paris, France

I N F O A R T I C L E R É S U M É

Historique de l’article : En 2018 la France s’est dotée d’une législation propre à favoriser la pratique de la télémédecine, et donc
Disponible sur Internet le 6 janvier 2019 de la télé-psychiatrie, qui en est historiquement l’une des premières applications. Cet article, issu d’une
présentation à la Journée du Président de la Société Médico-Psychologique, vise à mettre en évidence les
Mots clés : enjeux réglementaires, éthiques, déontologiques et pratiques de la télé-psychiatrie, dans une
Exercice libéral perspective résolument évolutive, eu égard à l’accélération des processus propres à la digitalisation
Consultation à distance de nos sociétés.
Psychiatrie C 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Télémédecine

A B S T R A C T
Keywords:
Liberal exercice Fall 2018 a comprehensive legislation has been launched in France on the practice of telemedicine, hence
Psychiatry tele-psychiatry, historically one of its oldest application. This paper resulted from a presentation that has
Remote consultation
been made at the French Medico-Psychological Society President’s Day, and aims at pointing out certain
Telemedecine
regulatory, ethical, and practical challenges in the development of tele-psychiatry, in a truly progressive
manner, given its importance to the accelerating processes of digitalisation within our societies. French
users of telemedicine services are 4 % only, which has to be compared to 31 % of Saudis: usage has
evolved since 2010, year in which the first telemedicine legislation has been implemented in France. In
just a few years, mobile health (m-health) has become increasingly important, while the legislation, and
the funding models, were unchanged. Psychiatrists practicing telemedicine may simply use video
consultation, but those who wish to, can also digitalise their practice from case history to analysis and
prescription, with dedicated assistance software. In any case, practising telemedicine requires the use of
approved software, prior training, and professionalism. Key features of ‘‘Good Video Consultation
Practices’’ are described therein, along with broad recommendations on practicing trans-border video
consultation sessions.
C 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction territoire à compter du 15 septembre. » Cette phrase, inscrite sur

l’une des bannières du site du ministère des Solidarités et de la
« L’année 2018 marque une avancée majeure pour la Santé depuis le 19 septembre 20181, aurait pu l’être bien plus tôt, le
télémédecine avec la prise en charge par l’assurance maladie décret du 19 octobre 2010 posant les bases de l’exercice de la
des actes de téléconsultation pour tous les patients et sur tout le télémédecine en France. Elle montre surtout qu’il ne s’agit pas d’un

1
* Auteur correspondant. https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/
Adresse e-mail : bernard.astruc@eutelmed.com. prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/la-teleconsultation.

https://doi.org/10.1016/j.amp.2018.11.006
0003-4487/
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68 B. Astruc / Annales Médico-Psychologiques 177 (2019) 67–70
fait acquis, d’un usage ancré dans les pratiques des patients et des
médecins, mais d’une avancée sur un chemin, ayant débuté aux
États-Unis dans les années 1950. Une étude IPSOS2 réalisée en ligne
entre le 20 avril et le 4 mai 2018 sur un échantillon de 20
767 adultes dans 27 pays montrait que 4 % des Français interrogés
avaient déjà utilisé un service de télémédecine, et seulement 2 %
pensaient l’utiliser à nouveau, ce qui plaçait la France au 24e rang
sur 27. Ces chiffres sont à mettre en perspective avec ceux d’un
pays qui est à l’opposé dans ce classement, l’Arabie Saoudite, dans
lequel 31 % des habitants avaient déjà utilisé un service de
télémédecine, et parmi lesquels 21 % pensaient l’utiliser à nouveau.
Mais ils sont également à mettre en perspective avec un autre
chiffre concernant l’Arabie Saoudite, outre ses particularités
démographiques : sur une population d’environ 34 millions, plus
de 30 millions sont des usagers d’Internet, et 23 millions sont des
utilisateurs réguliers de YouTube3.
L’objectif de cette communication est d’apporter des éléments
de compréhension et d’analyse sur le développement de la télé-
psychiatrie en France, et plus précisément sur les pratiques et les
usages actuels. Les lecteurs qui souhaitent approfondir leur
connaissance de la télé-psychiatrie — définitions, cadre, limites,
revue de la littérature — pourront également se référer à un
précédent article sur le sujet [2].
2. Périmètre de la télé-psychiatrie
2.1. Positionnement du problème
La loi HPST définissait en 2010 précisément les cinq actes
constitutifs de la télémédecine. Huit ans plus tard, force est de
constater que non seulement en France, mais à l’international, les
définitions ne sont plus en adéquation avec les usages, qui sont
avant tout ceux des patients, majoritaires dans la relation
médecin-malade. Le Conseil national de l’Ordre des médecins en
faisait le constat dans son Livre Blanc paru en janvier 2015 : « Les
frontières sont de plus en plus brouillées dans le monde de la santé
connectée et il devient difficile, voire aléatoire, de faire une
distinction absolue entre les dispositifs, applis et objets connectés
utilisés dans le domaine du bien-être, dans celui de la santé et dans
celui de l’exercice de la médecine » [4]. Le terme de e-santé désigne
aujourd’hui la digitalisation du monde de la santé, au sens donné à
ce terme par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette
même OMS a défini en 2009 la santé mobile ou m-santé comme
recouvrant « les pratiques médicales et de santé publique reposant
sur des dispositifs mobiles tels que téléphones portables, système
de surveillance des patients, assistants numériques personnels et
autres appareils sans fil ». Pour l’OMS, la télémédecine mobile, et
donc la télé-psychiatrie mobile, fait partie des programmes les plus
souvent mis en œuvre.
Les dispositifs de m-santé peuvent être utilisés à distance, mais
ils peuvent également faire partie intégrante de la consultation en
présence : l’enregistrement des fluctuations de l’humeur, de la
durée et de la qualité du sommeil d’un patient souffrant de
troubles bipolaires dans une application téléchargée dans le
« store » d’un « smartphone » peut en effet être transmis au
médecin en cabinet ou via Internet, en simultané ou en
préparation de la consultation. Ce simple exemple permet de
comprendre la complexité opérationnelle et réglementaire mise
en jeu : le patient a-t-il été informé de la façon dont ses données de
2
https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2018-07/
global_views_on_healthcare_2018_-_graphic_report_0.pdf.
3
Les chiffres concernant l’usage d’Internet et de certains sites, publiés sur de
nombreux blogs et articles se citant les uns les autres, ne sont pas vérifiables, car
provenant pour la plupart des promoteurs de ces mêmes sites. Ils donnent toutefois
une idée de ces usages.
santé sont collectées et traitées ? Le médecin a-t-il proposé à son
patient un moyen sécurisé de lui transmettre ses données ? La
consultation va-t-elle se faire à distance (téléconsultation), en
présence, en partie en présence et en partie à distance ? Les
données seront-elles transmises à un confrère pour avis (télé-
expertise) et, dans ce cas, qui va être rémunéré, par qui et
comment. . .
L’impact des diverses applications de la m-santé sur la santé des
utilisateurs reste à démontrer dans de nombreux domaines. Il n’en
demeure pas moins que certaines applications sont d’un réel
bénéfice pour le patient et son médecin, même si elles soulèvent de
nombreuses questions éthiques [3]. Les 101 bonnes pratiques sur
les applications et les objets connectés en santé, contenues dans le
référentiel publié en 2016 par la Haute Autorité de Santé, sont une
étape vers la création d’un label de qualité en m-santé.
Dans cet univers complexe et sans cesse en mouvement, la
téléconsultation, et plus particulièrement sa forme donnant droit à
une prise en charge par la Sécurité sociale en France depuis le
15 septembre 2018 — la vidéo-consultation — reste in fine, pour le
médecin libéral, la pratique digitalisée la plus proche de la pratique
habituelle en cabinet. Elle n’oblige en rien d’avoir recours à une
digitalisation de l’évaluation clinique, de la décision thérapeutique
ou de l’anamnèse, mais elle ne l’empêche pas non plus.
2.2. Principaux usages actuels
À son origine, dans les années 1950 aux États-Unis — en France
dans les années 2000 — la télé-psychiatrie a tout d’abord été un
palliatif à la résolution d’une inadéquation géographique : mettre
en relation un patient situé à plusieurs heures de route,
d’hélicoptère ou d’avion, avec un psychiatre.
De l’outil palliatif initial, l’évolution s’est naturellement faite
vers une diversification, adaptant le dispositif aux âges extrêmes
de la vie. La « simple » téléconsultation reproduisant le colloque
singulier s’est transformée en une téléconsultation impliquant un
aidant ou un assistant médical, spécifiquement formé, et présent
aux côtés du patient lors de la consultation. Les publications
scientifiques sur la télé-psychiatrie infanto-juvénile et gériatrique
représentent désormais une grande partie des références biblio-
graphiques, toutes langues confondues. Tous ceux qui en ont fait
l’expérience savent que cette technologie va progressivement
devenir un outil clinique supplémentaire que le psychiatre va
s’approprier, non seulement en raison de la configuration
particulière que la téléconsultation requiert — la distance, la
« visite à domicile » par caméra interposée — mais également en
raison de la transformation de la relation thérapeutique qui s’opère
dans ce dispositif. Et cet outil clinique peut également devenir un
outil de régulation — des urgences, de l’adéquation entre les
symptômes présentés par le patient et le lieu de soin requis — et de
suivi post-hospitalisation.
Un pas supplémentaire peut être franchi par le psychiatre qui le
souhaite pour aller progressivement vers une digitalisation de sa
pratique et vers un usage médical raisonné des algorithmes
d’anamnèse et de solutions thérapeutiques. Certains médecins
américains utilisent d’ores et déjà les vidéo-consultations d’entre-
tiens semi-structurés effectués par des psychologues cliniciens,
enregistrées, pour valider un diagnostic incertain et ainsi leur
permettre de donner un avis diagnostique au plus grand nombre de
patients, dans des États faiblement pourvus en médecins, et qui
plus est, à la démographie médicale déclinante. Confier une partie
de l’anamnèse à un logiciel contenant des algorithmes, si tant est
que le médecin ait connaissance de la structuration de ces
algorithmes et de leur logique interne pour rester dans un rôle
d’apprenant et de maı̂trise de l’évaluation, peut s’avérer bénéfique
pour la prise en charge, tout comme les logiciels d’aide à la
prescription qui sont désormais entrés dans la pratique courante
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de nombreux psychiatres, encouragés par les incitations financiè-
res de l’Assurance Maladie. Si généralisation de ces dispositifs il
doit y avoir dans le futur, cela ne pourra se faire qu’en poursuivant
l’évaluation scientifique de ces dispositifs et en veillant à conserver
un usage éthique de ces technologies, dans un cadre régulé qui se
doit d’être européen.
3. Le cadre légal en France et son évolution
Pour mémoire, la loi HPST et le décret no 2010-1229 du
19 octobre 2010 encadraient jusqu’à très récemment l’exercice de
la télémédecine. La publication du décret no 2018-788 du
13 septembre 2018 relatif à la télémédecine et en particulier
l’article R. 6316-10, modifié par décret no 2018-137 du 26 février
2018, relatif aux modalités d’hébergement des données de santé à
caractère personnel ainsi qu’au regard de la loi Informatique et
Libertés de 1978 modifiée, encadrent désormais cette pratique.
L’obligation pour le médecin de respecter ces dispositions rend
illusoire la pratique « artisanale » de la télémédecine. Pratiquer une
vidéo-consultation en utilisant l’une des fonctions de son
smartphone, sans aucune autre précaution, revient métaphori-
quement à conduire légèrement ivre, sans port de ceinture. Mettre
en clair le nom et le prénom de son patient sur un agenda en ligne
non sécurisé revient à prendre un sens interdit. Pour le psychiatre
libéral, la solution est de passer par des plate-formes fournissant
toutes les garanties de sécurité et de conformité requises, et la
signature d’un contrat d’exercice transmis au Conseil départe-
mental de l’Ordre des médecins et à son assureur en Responsabilité
Civile Professionnelle. Après tout, on peut aussi conduire après
avoir passé son permis, bouclé sa ceinture, refusé le dernier verre et
assuré son véhicule.
4. Modèles économiques des plate-formes de télémédecine
La digitalisation de l’industrie n’a pas laissé de côté la
digitalisation de la santé et de la médecine, bien au contraire.
L’objet de cet article n’est pas de développer ces différents modèles,
mais simplement d’essayer de donner une vue d’ensemble de cet
aspect.
Lors de la mise en place des premières expériences de
télémédecine en France, le financement du tiers technologique,
d’une part, c’est-à-dire, l’exploitant du logiciel permettant la
téléconsultation, la télésurveillance ou la télé-expertise, mais aussi
le financement des équipes impliquées dans le projet, a été
principalement pris en charge par les Agences Régionales de Santé.
Afin de faciliter son déploiement au bénéfice de patients pris en
charge en ville (domicile, cabinet médical ou structure d’exercice
coordonnée), d’une part, et en structures médico-sociales, d’autre
part, l’article 36 de la loi no 2013-1203 de financement de la
sécurité sociale pour 2014 a permis la réalisation d’expérimenta-
tions pour une durée de quatre ans. Neuf régions ont été
sélectionnées par arrêté en date du 10 juin 2014 : Alsace, Basse-
Normandie, Bourgogne, Centre, Haute Normandie, Languedoc-
Roussillon, Martinique, Pays de la Loire et Picardie. L’objectif
principal des expérimentations était de fixer une tarification
préfiguratrice des actes de télémédecine permettant aux pro-
fessionnels de santé de développer des projets cohérents et
pertinents, en réponse aux besoins de santé et à l’offre de soins
régionale. Le champ de l’expérimentation concernait la prise en
charge par télé-expertise, téléconsultation ou télésurveillance au
bénéfice des patients présentant une ou plusieurs affections de
longue durée (définies comme par le décret no 2011-77 du
19 janvier 2011 et par le décret no 2011-726 du 24 juin 2011) ou
résidant en structure médico-sociale.
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L’expérimentation étant terminée, et la télémédecine entrée
dans le droit commun, le financement de cette activité en pratique
libérale s’est inspirée du modèle précédemment mis en place pour
l’informatisation des cabinets : l’incitation financière de l’Assu-
rance Maladie devrait être établie avec un forfait « structure » qui
devrait être relevé à 525 euros (contre 350 euros actuellement),
avec deux nouveaux indicateurs. Le premier, « Aide à l’équipement
pour vidéotransmission sécurisée », sera affecté de 50 points, soit
350 euros à compter de 2019. Le second, « Aide à l’équipement en
équipements médicaux connectés » sera doté de 25 points, soit
175 euros. La liste des équipements devrait être communiquée fin
2018. Quant à la télé-expertise médicale, sa rémunération est
prévue avant la fin de l’année 2020.
Du côté des industriels, il existe en effet deux modèles
distincts : celui de l’abonnement mensuel, qui correspond aux
besoins des médecins libéraux souhaitant pratiquer régulièrement
une activité de téléconsultation, et celui du pourcentage reversé
pour chaque téléconsultation par le praticien à l’exploitant du
logiciel. L’univers du digital évoluant rapidement, et ce qui était
hier payant, car d’usage limité, devenant « gratuit » de par sa
généralisation, il y a fort à parier que ce qui a été observé dans
d’autres domaines puisse dans l’avenir arriver dans la
télémédecine : qui aujourd’hui souhaite payer pour son usage
privé des logiciels tels que Skype, FaceTime ou WhatsApp ? Les
industriels devront alors adapter leur modèle pour offrir autre
chose que des outils basiques à leurs utilisateurs, et comme nous
avons tenté de le décrire plus haut, ce ne sont pas les outils ou les
innovations qui font défaut dans ce domaine.
5. Vidéo-consultation : Peut-on définir des « Bonnes
Pratiques » ?
Parmi les 36 propositions présentes dans le rapport établi par
l’association Renaissance Numérique sur la e-santé, l’une des cinq
propositions de première importance concerne la sensibilisation
des médecins aux dispositifs de santé connectée, en agissant dès la
formation [6]. Il existe actuellement un DIU national de
télémédecine, qui est essentiellement destiné à former les porteurs
de projets de télémédecine. Il existe également de nombreux
ouvrages, la plupart en langue anglaise [5].
Pour le psychiatre libéral, se former à la pratique de la
téléconsultation, et donc de la vidéo-consultation, impose de
choisir parmi les différentes solutions présentes celles qui lui
paraı̂tront les plus à même de lui convenir dans sa pratique
naissance de la consultation à distance. La présence de médecins
chez l’exploitant du logiciel de vidéo-consultation peut être
considérée comme un critère nécessaire, mais peut-être pas
suffisant. En attendant que ces formations se structurent au niveau
national et soient aisément accessibles, nous souhaitons préciser
ici les grands principes qui devraient guider le psychiatre dans sa
pratique de la vidéo-consultation :
 s’assurer d’une bonne connexion Internet, d’au moins 500 kbps
ascendant et descendant ;
 limiter pendant la vidéo-consultation les téléchargements de
logiciels, les mises à jour, les sauvegardes automatiques ;
 se connecter quelques minutes avant la consultation, sinon
avertir son patient par un court message d’un retard éventuel, et
tester la caméra, le son, l’image et l’éclairage ;
 se positionner pour être vu à mi-corps afin de limiter les effets
liés au défaut de parallaxe caméra-écran, et demander au patient
de faire de même ;
 disposer de toutes les informations nécessaires pour contacter
son patient, y compris en cas de coupure ou d’impossibilité
d’établir une connexion de qualité ;
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 veiller à la confidentialité, des deux côtés de la caméra ;
 utiliser le langage corporel lorsque l’on est silencieux afin d’ôter
le doute sur une image figée ;
 se mettre d’accord avec son patient sur les honoraires avant
toute vidéo-consultation, et sur l’application totale ou partielle
de ces honoraires en cas de problème technique ;
 établir un protocole de fonctionnement avec les parents pour
tout patient mineur, incluant la nécessité pour l’un des parents
d’être à proximité du mineur et joignable par téléphone mobile.
La vidéo-consultation transforme la relation thérapeutique, il
est indispensable de se former pour la pratiquer.
6. Une particularité : les vidéo-consultations transfrontalières
La pratique de la vidéo-consultation ou plus généralement de la
télémédecine transfrontalière nécessite de s’inscrire dans un cadre
réglementaire solide, compte tenu des aléas que l’on peut
rencontrer dans cette pratique particulière. En effet, il faut non
seulement tenir compte du cadre légal de la télémédecine auxquels
sont soumis les médecins en France et dans de nombreux pays
dans le monde, mais également au cadre légal du pays dans lequel
se trouve le patient. Il est indispensable de se renseigner auprès de
son assureur en Responsabilité Civile Professionnelle avant toute
vidéo-consultation à l’étranger, en dehors du cadre de l’urgence
dans lequel va primer l’obligation du médecin. Déterminer le lieu
de dispensation de l’acte médical n’est pas anodin, et échappe au
psychiatre, car il dépend des réglementations des pays. À titre
d’exemple, les Québécois considèrent que dans la téléconsultation,
c’est le patient qui virtuellement se déplace vers le lieu d’exercice,
et de ce fait le lieu de la consultation, au sens juridique du terme,
est celui où se trouve le médecin, alors que la majorité des
provinces canadiennes ont adopté une position contraire à celle du
Québec [1]. En cas de litige, déterminer la juridiction compétente
ne sera pas simple, et ce d’autant que la plupart des assureurs en
Responsabilité Civile Professionnelle considèrent qu’ils ne cou-
vrent que les litiges pour lesquels la plainte a été instruite par un
tribunal français. Dans tous les cas, il sera préférable de travailler
en relation avec un médecin de proximité, connaissant le patient,
et habilité à pratiquer dans le pays où se trouve ce dernier.
7. Conclusion et perspectives
Dix-huit ans après les premières expérimentations de télé-
psychiatrie en France est publiée, sur le site du ministère des
Solidarités et de la Santé, la stratégie de transformation du système
de santé français : Ma Santé 2022, dont l’un des rapports finaux4
s’intitule « accélérer le virage numérique ». Ce virage a déjà été pris
par de nombreux patients, mais il reste difficile pour d’autres, et ce
qui est vrai pour les patients l’est également pour les médecins. Ces
derniers se doivent de ne pas rester spectateurs de cette
transformation, qu’il faut accompagner afin de faire respecter
les enjeux éthiques et déontologiques propres à leur exercice.
Comme le soulignait le Conseil national de l’Ordre des médecins en
janvier 2015 : « Le principe de solidarité sur lequel le système de
santé français s’est construit pourrait être remis en cause par
certaines pratiques favorisées par l’apparition de la santé
connectée ». Soyons vigilants.
Déclaration de liens d’intérêts
Bernard Astruc est co-fondateur et directeur e-santé de la
société Eutelmed.
Références
[1] Alami H, Gagnon MP, Fortin JP, Kouri RP. La télémédecine au Québec : état de la
situation des considérations légales, juridiques et déontologiques. Eur Res
Telemed 2015;4:33–43.
[2] Astruc B, Henry C, Masson M. Intérêt de la télé-psychiatrie pour la prise en
charge des patients : enjeux et questions d’une pratique nouvelle. Ann Med
Psychol 2013;171:61–4.
[3] Istepanian RSH, Woodward B. m-health, fundamentals and applications. IEEE
Press, John Wiley & Sons, Inc; 2017.
[4] Conseil national de l’Ordre des médecins. Santé connectée : de la e-santé à la
santé connectée. Le livre blanc du Conseil national de l’Ordre des médecins;
2015 [Disponible sur : https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/
files/medecins-sante-connectee.pdf].
[5] Yellowlees P, Shore JH. Telepsychiatry and health technologies. A guide for
mental health professionals, 1 edition, Amer Psychiatric Pub Inc; 2018 [Re-
naissance Numérique (association loi 1901)].
[6] 17 Experts/36 propositions pour une ambition politique en matière de e-santé;
2017 [Rapport publié le 21 mars par Renaissance Numérique. Disponible sur :
http://www.renaissancenumerique.org/publications/17-experts-36-
propositions-pour-une-ambition-politique-en-matiere-de-e-sante].
4
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/
masante2022_rapport_virage_numerique.pdf.