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Elle n’arrive pas a courir. Ses jambes sont de plomb. Comme si elle avait oublié ce geste réflexe. Elle n’a pas peur, mais est a la fois agacée et perplexe, de ne pouvoir s’élancer pour échapper 4 son poursuivant. Elle ne sait méme plus de qui il s’agit. Il a changé plusicurs fois de visage et d’identité. Elle voudrait crier, mais ne réussit pas mieux a donner de la voix qu’a déplier ses jambes. Bizarre ces applaudissements... Mais s’agit-il vraiment d’applau- dissements ? Tandis que son cerveau se reconnecte A la réalité, la pluie continue 4 mitrailler les volets de son appartement, s’assimilant étrangement a des acclama- tions dans les réves de Marie Curieuse. Sept heures. Son radio-réveil hurle une chanson des Cranberries. Elle régle toujours le son trop fort, par peur de ne pas lentendre. Le « zombie » qui sort du haut- parleur est tout approprié a son air d’outre-tombe. Tous les matins, la magie opére. Le zombie blafard et échevelé qui se léve a tatons va se transformer, en une petite heure, en une charmante jeune femme, séduisante et allégre. Par quelles étapes miraculeuses Marie va-t-elle passer pour que s’accomplisse ce prodige ? sho act ; CEP Cage, creme, savon eb CO" Marie Curieuse, portant trés bien son nom, ne peut s’empécher de se poser mille et une questions sur tout ce qui l’entoure. Ses souvenirs de classe en sciences sont un peu clairsemés mais elle se souvient avoir appris que tout notre corps est une fantastique usine chimique, en lien permanent avec I’extérieur, Des transformations complexes s’opérent dans un sens et dans l’autre, engen- drant notre perception du monde. Tous nos sens ne sont qu interactions entre molécules extérieures et intérieures. Aussi le matin est-il un moment privilégié pour s’inté- resser a ces liaisons particuliéres et parfois dangereuses. Qu’y a-t-il dans notre petit déjeuner et comment thé et café sont-ils arrivés dans nos tasses ? L’hygiéne a-t-elle toujours été au centre de nos préoccupations et pourquoi le savon décrasse-t-il ? Les cosmétiques nous embellissent depuis des siécles mais qu’y a-t-il dans une créme hydra- tante ou dans un fard a paupiéres ? Comment marche Pautobronzant ? Tant de questions qui affluent dans le cerveau embué de Marie, auxquelles il faudra apporter des réponses, pour satisfaire sa curiosité et lui permettre de commencer sereinement sa journée ! 6 | Que prendre our le petit déieuner ? 1)? ee. 5 ws This page intentionally left blank LE CAFE, QUEL SUCCES ! Le petit déjeuner est sacré ! Parmi les différents breuvages que la société moderne nous propose, Pun d’entre eux tient un rang tres particulier : le café. Mais depuis quand a-t-il pris cette place exceptionnelle dans nos vies ? 9 % nl 2 CEP Cage créme, savon c6 Blanchette excilée Ce breuvage, devenu indispensable a beaucoup d’entre nous, trouve son origine en Ethiopie. La légende dit qu’un berger s’interrogea sur l’état d’excitation dans lequel il trouva ses chévres, aprés qu’elles eurent mangé les baies dun arbuste. Des chévres qui refusent d’aller se coucher et qui veulent parcourir la campagne, cela nous rappelle quelque chose... La chévre de Monsieur Seguin aurait-elle mangé des grains de caféier ? ’ Find pices Le café était connu en Orient, depuis le xv° siécle, mais il ne fut introduit en France qu’au milieu du xvi’ siécle. Lapparition de ces nouveaux breuvages que sont le café, le thé et le chocolat, fut concomitante au recul des pices a la fin du xvr' siécle. Aprés une entrée fracassante dans tous les mets et les boissons du Moyen Age, elles allaient étre progressivement délaissées. Aprés avoir abusé de poivre, piment et autre gingembre, les palais en surchauffe ont cher- ché le repos pour leurs papilles gustatives. La violence des épices a été peu A peu abandonnée, au profit de plats plus raffinés et plus doux. Au-dela méme de l’aspect gustatif, consommer des €pices était devenu trop courant ; ce n’était plus une distinction, ni un signe extérieur de richesse. Ce récent manque de prestige poussa la haute soci se tour- ner vers des Genrées nouvelles. Parmi elles, le sucre tint une place particuliére, entrainant dans son sillage les boissons citées, qui n’auraient peut-étre pas rencontré un tel succes sans son accompagnement. La production américaine de canne a sucre, qui cessa de croitre a partir du xvii siécle, le rendit plus accessible, méme s’il allait rester, encore long- temps, un produit de luxe pour une majorité de gens. 10 ar LE CAFE, QUEL SUCCES, La fée café Le plaisir gustatif procuré par le café ne suffit pas a expliquer l’attrait naissant pour cette boisson. Leffet physique qu’il engendre, son aspect stimulant, présentaient un intérét intellectuel non négligeable. A l’époque, il semblait indiqué pour soigner les vageurs, il permettait d’évacuer les humeurs, il aidait le sang a circuler... I] entrainait surtout I’élimination de la fati- gue et stimulait l’éveil. Son influence s’étendit méme au-dela du caractére physique ou psychique, puisqu’il allait devenir un lien social. De nouvelles pratiques se mirent en place, une nouvelle organisation des repas s’installa dans la haute société du xvi siécle. Le café devint la boisson digestive de fin de repas ; elle donna méme son nom a ce moment particulier de la journée. Les cafetiéres, les services en porcelaine arrivérent sur les tables. Ala fin de ce siécle, sa consommation était tellement rentrée dans les meeurs, que se créérent des lieux qui lui étaient dédiés. La premiére « malsen du café » ouvrit a Paris en 1672. En 1710, on en comptait trois cents dans la capi- tale francaise, mais déja trois mille 4 Londres. Ces « cafés » étaient des lieux de rencontres et de discussions, toutefois réservés a l’élite. Selon les habitués qui les fréquentaient, ils prirent des orientations diverses. Ils devinrent tantét des lieux de réunions politiques, tantét des repéres révolution- naires ou encore des refuges d’artistes. La mondialisation dans une tasse Aujourd’hui le café est devenu un produit commercial phare. Il est P'un des plus exportés : il est produit par les pays du Sud mais consommé par ceux du Nord. Son grix I % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* est fixé par les cours de la bourse et s’échange sur les marchés internationaux, devenant objet de spéculation. Mais avant d’arriver dans votre tasse, ce petit noir aura subi bien des étapes et parcouru de trés longues distances. De la chaleur. oe Au commencement était le fruit. Larbuste Coffea produit des baies ressemblant a des cerises qui sont cueillies puis séchées ou lavées pour en éliminer la chair. Lobjet du désir est en effet la graine qui se trouve dans son noyau. Celui-ci doit donc étre décortiqué pour libérer la graine, qui est ensuite débarrassée de la petite peau qui Pentoure. A ce stade, il est qualifié de café vert. Il existe une cinquantaine d’espéces de Coffea. Les régions de prédilection pour la culture du café doivent étre chaudes et humides, situées entre les tropiques. Les régions chaudes de moyenne altitude lui conviennent aussi trés bien. Le principal producteur est le Brésil, suivi par un nouveau venu qui a grandi trés vite, le Vietnam. Arrivent ensuite la Colombie, I’Indonésie et "Ethiopie. La variété arabica, la plus anciennement connue, celle qui pousse naturellement dans les hautes vallées d’Ethiopie, est cultivée surtout en Amérique du Sud. Son nom a pour origine son introduction au Yémen, vers le xiv‘ siécle. Le robusta pousse plutét en Afrique et en Asie. Cette varlété fut développée grace aux anciennes colonies européennes et est mieux adaptée a la fabrication de café soluble. Beaucoup de chaleur ! Apres la récolte, on procéde A ce que les spécialistes appellent une torréfaction, qui consiste 4 chauffer les 12 ar LE CAFE, QUEL SUCCES, graines dans des fours 4 200 °C. Au cours de ce processus, diverses transformations chimiques se produisent, connues sous le nom de réactions de Maillar8, de la plus haute impor- tance, car ce sont elles qui vont donner au grain de café son odeur et sa couleur brune. Le café commence par jaunir en se déshydratant, puis il roussit et se pyrolyse 4 200 ° Le grain est alors plus friable et peut se broyer facilement. Les arémes les plus volatils se sont échappés mais d’autres sont restés prisonniers dans le grain tandis que de nouveaux se sont formés. Le robusta \ \ { ( } est plus fortement grillé que arabica, ce qui explique en partie la plus grande amertume du premier. Dréserver les volatils Les acides chlorogénique et caféique, la trigonelline (qui se transforme en acide nicotinique pendant la torréfaction), les sucres et les lipides présents dans le grain participent au gofit et a l’odeur mais sont, pour certains, trés volatils, de méme que les substances aromatiques qui se forment lors du grillage. Cette connaissance est importante pour la préparation et la conservation. Ainsi, le café moulu ne doit-il pas étre laissé a lair libre, mais doit étre stocké au frais dans un récipient hermétique, l’idéal étant toutefois de préparer la mouture juste avant la dégustation. Diff dans une capsule Nespresso ™ e de lire l'avenir Vous pouvez ensuite choisir de laisser infuser cette poudre dans de l’eau chaude et filtrer la mouture (souvent 13 Cage, créme, sevon et C™ le meilleur café) ; attendre qu’elle se dépose au fond et boire délicatement le liquide (souvent nommé café ture ; profitez-en pour vous faire lire l'avenir dans le marc resté au fond de la tasse) ; faire couler de l’eau chaude sur le café moulu porté par un filtre (systéme des cafetiéres électriques traditionnelles) ; faire un « expresso » avec les machines a pression, comme dans les bars et les restau- rants, trés a la mode actuellement, et correspondant a des cafés serrés, plus forts. II sera plus difficile de lire Pavenir dans une Oesette... Dans tous les cas, la qualité de ’eau est essentielle pour réussir un bon café. Chere caféine Quw’est-ce que vous appréciez le plus dans cette boisson : son gofit ou sa capacité a vous tenir éveillé, alors que vous piquez du nez sur votre bureau aprés le déjeuner ? A qui revient le mérite de cet état Fexcitation dans lequel nous plonge sa consommation ? A la caféine, bien sir. Cette molécule fait partie d’une famille de composés nommés alcaloides. Elle regroupe des substances d’origine l4 ar LE CAFE, QUEL SUCCES, végétale, contenant au moins un atome d’azote *¢’, et présentant trés souvent un caractére toxique. Les cousines de la caféine se nomment théobromine, théophylline, nico- tine, strychnine... La teneur en caféine est variable selon lerigine du café. Le robusta en contient plus que arabica. La caféine est un stimulant des systémes nerveux, respiratoire et circulatoire. Elle est aussi diurétique, ce qui explique cette envie pressante de se diriger vers les toilettes peu de temps apres avoir vidé sa tasse. Le gros amateur de café qui s’inquiéte pour son cceur, ses artéres ou toute autre partie de son corps, doit savoir que la dose létale de caféine est de 10 grammes pour un adulte. Il s’agit bien de la quantité maximale admissible, avant de devoir faire son testament. Ce taux corres- pond a une centaine de tasses pour un dosage courant. Le Aregué au café peut donc se laisser aller 4 son vice sans risque d’en mourir, mais attention aux troubles du sommeil ! Du supercritique pour éviter l'état cri que Afin de pouvoir déguster votre boisson préférée a tout moment de la journée, différentes techniques ont été mises au point pour enlever la caféine ct obtenir un café déca- féiné, ou« déca ». Pendant longtemps, l’extraction par des solvants a été employée. Les grains verts étaient traités avant le grillage. On les laissait ramollir dans de l’eau avant de les faire séjourner dans un liquide particulier, pour lequel la caféine avait une grande affinité et dans lequel elle passait re anh : CEP Cafe creme, savon et OC en solution. Le processus est simple mais présente l’incon- vénient de laisser des traces de solvants organiques dans le café que vous consommez. Ces selvants étant souvent toxiques, la technique est aujourd’hui boudée au béné- fice de celle consistant a utiliser du dioxyde de carbone supercritique. Le dioxyde de carbone a la particularité de n’exister qu’a P’état gazeux ou solide. Point d’état liquide dans des conditions ordinaires. Pour le liquéfier, il faut lui appliquer une pression de 30 bars, qui correspond a la gressien critique de changement d’état. Au-dela, on parle de dioxyde de carbone supercritique. Dans cet état, le dioxyde de carbone est trés attirant pour la molécule de caféine, qui va se précipiter vers ses atomes et quitter ce grain de café, qui Phébergeait gentiment depuis si longtemps. Quelle ingrate ! Pour le consommateur, le gros avantage est que le dioxyde de carbone ne présente aucun probléme de toxicité. Vous pouvez vous gorger de décaféiné sans risque pour votre santé et sans probléme d’insomnie... Marie apprécie plus volontiers la saveur grillée du café que l’'amertume du thé pour se dynamiser le matin. Mais elle ne rechigne pas a varier un peu son plateau du petit- déjeuner et s’octroie de temps en temps une grande tasse de ce doux breuvage, si cher a nos voisins d’outre-Manche. ar LE CAFE, QUEL SUCCES, Tea lime Le thé, boisson tant appréciée par les sujets de Sa Gracieuse Majesté, provient de Chine. Il semblerait qu’il était déja cultivé 400 ans avant notre ére. Le plus gros exportateur est aujourd’hui l’Znde, ancienne colonie britannique, a Porigine de ce gotit immodéré des Anglais pour cette infusion. Le pays le plus gros consommateur est évidemment la Grande-Bretagne. Infusion de bourgeons Avant d’étre une boisson parfumée et légérement amére, le thé est un arbuste, le thea camellia, dont les bourgeons et les jeunes pousses constituent la partie intéressante. Si vous souhaitez obtenir du thé nelr, vous ramasserez des bourgeons fanés, que vous laisserez fermenter, puis sécher. Si vous préférez le thé vert, vous passerez l’étape fermen- tation pour que les feuilles restent vertes. La théine, Pusurpatrice Que trouverait un expert procédant a l’analyse d’un échantillon de thé ? Il identifierait des tannins, des sucres, des pigments, de la cellulose et... de la caféine. La fameuse théine n’est qu’un mot inventé pour créer une analogie avec le café. Si le café contient de la caféine, il parait naturel que le thé contienne de la théine. Sauf que théine et caféine sont les deux noms de la mémemelécule! La concentration en caféine est méme plus importante dans les pousses de thé que dans les baies du caféier. Cependant, une tasse de café en contient davantage, car celle du thé est moins facilement libérable et, dautre part, ’infusion de thé est plus diluée qu’un café serré. 17 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Le temps, cesl de lamer Lamertume du thé est due a la présence des tannins, qui sont des composés phénoliques et a la caféine. Ces tannins étant trés solubles dans l’eau chaude, une infu- sion courte limitera leur extraction. I] faut donc chro- nométrer pour que les arémes aient le temps de passer en solution, mais filtrer avant que les tannins ne fassent de méme. Question vitale Les Anglais boivent traditionnellement leur thé avec un nuage de lait. Mais dans quel ordre ? Doit-on ajou- ter le lait avant ou aprés avoir versé le thé ? That is the question! Certaines protéines du lait forment des liaisons avec les tannins du thé et les rendent indisponibles pour les récepteurs. L’ajout de lait améliore donc les qualités gustatives du thé en atténuant l’amertume, a condition de verser le thé chaud sur le lait froid et non le lait froid dans le thé chaud. Dans ce dernier cas, les protéines du lait seraient immédiatement dénaturées par la chaleur, ce qui aurait pour effet de modifier leur arrangement spatial en les déroulant et, par la méme, de les empécher de capturer les tannins. Le lait doit donc étre freid et servi le premier. Voila bien une question fondamentale dont Marie se ravit de connaitre la réponse. Elle pourra frimer lorsqu’elle ira prendre le thé chez son oncle Isaac, en demandant un nuage de lait dans son thé, a condition qu’il arrive le premier au fond de la tasse, et pas pour une question de gravité... Pour le café, les rumeurs les plus folles ont couru sur Passociation du café et du lait. Aprés que des généra- tions enfants aient assuré leur forme de la journée en Is. vr CP s’abreuvant de café au lait le matin, il apparut que cette cohabitation malheureuse risquait de causer la perte de tous ceux qui l’avaient consommée aveuglément et abon- damment. Au-dela des aversions les plus fantasques et les plus effrayantes, il semblerait simplement que certaines molécules présentes dans le café perturbent la dégrada- tion du lactose. Le désagrément engendré n’est qu’un petit probléme digestif pour les plus vulnérables. Marie étant, pour l’instant, a l’abri de ce genre de considérations, elle peut s’adonner sans risque a ce plaisir du matin. LE CAPE, QUEL SUCCES 19 This page intentionally left blank AVEC OU SANS SUCRE ? Comme tout le monde, Marie aime bien la saveur sucrée mais elle hésite a ajouter cette délicieuse poudre blanche a son café par peur d’arrondir ses hanches et alourdir ses fesses. Pourquoi faut-il toujours que ce soient les aliments les plus savoureux qui soient aussi les plus énergé- tiques ? Pourquoi cette substance divine est-elle si douce pour nos papilles ? Comment la nature nous met-elle a disposition de tels trésors ? a1 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* La douce saveur sucrée fut pendant des siécles réservée a la consommation de fruits et de miel, avant une plus grande Oispeni6ilité au xvi siécle, rendue possible par exploitation de la canne a sucre sur le continent américain. Les molécules sucrantes font partie d’un grand groupe nommé glucides (du grec glukos : doux). Celui-ci consti- tue, avec les lipides et les protides, une des trois familles de nutriments. Histoire d’oses Les éléments les plus simples sont les « oses ». Ce sont des molécules qui comprennent 3 a 7 atomes de carbone, avec une fonction carbonyle et des fonctions alcool. Elles se présentent généralement sous forme cyclique. Les principaux exemples sont le fructese et le glucose. Lorsque plusieurs oses sont accrochés, le résultat s’appelle « oside ». Si un petit nombre d’oses sont liés (2 a 6), la molécule obtenue sera un oligoholoside (saccharose, lactose...). Les sucres font partie de ces deux catégories. Legon de (ch)oses Lorsqu’un grand nombre d’oses intervient (plusieurs milliers), la chaine formée est un polyholoside, autre- ment appelé glycanne (cellulose, amidon...). Cela peut étre le méme ose qui se répéte ou des oses différents, mais avec un rythme réguller. I! n’existe pas d’osides intermé- diaires avec un nombre moyen. C’est soit moins de dix, soit des milliers. Chez les oses, on ne fait pas les choses a moitié ! On peut ensuite rencontrer toute une gamme de déri- vés d’oses donnant des molécules complexes et variées. 22, AL AVEC OU SANS SUCRE ? La différence entre les petits trains d’oses et les longues enfilades est que ces derniers n’ont pas de geuveir éulcerant. Les glucides ont pendant longtemps été baptisés « hydrates de carbone ». Cet ancien nom, qui ne corres- pond plus aux connaissances actuelles, doit étre aban- donné. On rencontre également le terme « polysaccha- ride », mais ce substantif devrait disparaitre 4 son tour, car le glucide concerné n’est pas forcément un dérivé du saccharose, celui-ci étant lui-méme un oside, constitué de Vassociation de deux oses. Une nature pas morose Les oses qui jouent un réle dans l’alimentation sont le glucose, le galactose, le mannose et le fructose. Le glucose est l’ose le plus répandu dans les mondes végétal et animal, qu’il soit isolé ou associé dans des osides, ou encore sous forme de dérivés. Le glucese utilisé dans lalimentation est obtenu industriellement a partir d@amidon. Le fructose est trés abondant dans les végétaux, notamment dans les fruits, comme son nom l’indique. Ila la particularité d’avoir un grand pouvoir sucrant et @étre trés soluble dans l’eau. II est actuellement produit a partir du sucre de betterave. Le sucre et la loi Loligoholoside le plus célébre est, sans conteste, le saccharose (du latin saccharum : sucre). Il est le seul a avoir droit appellation officielle de « sucre » (décret du 12 juillet 1977). Il est pur et cristallisé dans le sucre en poudre et en morceaux que nous consommons. 23 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Sa molécule est faite de l’assemblage de fructose et de glucose. Il est tres abondant dans la nature. En dehors des deux principales sources de sucre, la canne et la betterave, on peut en trouver dans la séve de l’érable, offrant le fameux sireg, si cher aux Canadiens, ainsi que dans le miel. Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas vraiment de saccharose mais du mélange des deux oses qui le constituent, mélange nommé sucre inverti. Les abeilles puisent le nectar des fleurs, liquide riche en saccharose, et le transforment, grace & des enzymes, en glucose et fructose. Un roseau tras osé La canne A sucre est une graminée, ressemblant 4 un roseau de 2 4 6 centimétres de diamétre, pouvant atteindre 5 métres de haut, poussant en climat tropical. Cette glante est connue depuis des millénaires en Inde et en Chine, mais était peu consommeée. Le mot sucre trouve d’ailleurs son origine dans le sarkara indien. II fait partie des nombreuses merveilles rapportées par les Groisés, au xit° siécle. Il ne prit son essor qu’au xvi‘ siécle, aprés son introduction en Amérique, juste aprés la découverte de ce nouveau conti- nent. Son importante production et son transport ont parti- cipé au développement des ports francais. La Révolution et la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte allaient toute- fois porter un coup de frein 4 ce commerce florissant. Les relations conflictuelles avec les Anglais rendirent difficiles les échanges avec les iles frangaises. Une bette égoiste Le procédé d’extraction du sucre de la betterave, mis au point en 1745 par l’Allemand A.S. Marggraf, allait 24 AL AVEC OU SANS SUCRE ? permettre le développement du sucre de betterave dans le nord de la France. Aujourd’hui, le sucre rangé sur les rayons des supermarchés provient des deux sources, de facon équivalente, La betterave est un tubercule, de la méme famille que l’épinard ou la bette, de la famille des chénopodiacées. C'est la variété tuberculeuse de la bette, comme son nom Vindique. L’Europe du Nord fut pendant trés longtemps son lieu de culture de prédilec- tion, mais elle se plait aujourd’hui 4 se développer en Amérique du Nord, dans certaines régions d’Amérique latine, et méme dans le nord-est de l’Asie. Cette vorace doit étre transformée rapidement car elle consomme égoistement son sucre aprés avoir été arrachée. Du tubercule a la mélasse Que ce soit dans la betterave ou la canne, le saccha- rose convoité ne s’y trouve évidemment pas tout seul. Pour Pextraire de la premiere, les tubercules sont lavés et coupés en lamelles, trempés dans de l’eau chaude, pour que le sucre migre, par diffusion, de la plante vers la solution. Une eau sucrée noiratre est alors récupérée, renfermant environ 15 % de sucre et des impuretés. Pour éliminer ces indési- rables, on rajoute de l'eau de chaux pour les faire précipiter sous forme de solides insolubles, qui seront ensuite filtrés. Le jus est encore trés dilué ; pour le concentrer, on élimine une partie de l’eau par ébullition, sous pression réduite pour 25 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* éviter la caramélisation. La concentration se poursuit dans des chaudiéres, jusqu’a ce que la saturation soit atteinte et que les cristaux précipitent. La suspension, constituée par le sucre cristallisé et le reste d’eau, est placée dans des centrifugeuses, pour éliminer le jus. Celui-ci constitue ce que l’on appelle la mélasse. Pour la canne & sucre, le procédé est a peu prés le méme, sauf que la canne est auparavant broyée et que l’extraction se fait par pression. Les étapes de purification sont légé- rement différentes. La betterave présente toutefois l’avan- tage d’étre proche du consommateur occidental, alors que la canne, n’appréciant que les pays chauds et humides, est nettement plus loin du gourmand européen. Le sucre exotique doit donc étre parfaitement sec, pour se conserver mieux, avant d’atteindre le palais qui le dégustera. Glace, poudre ou morceaux Il pourra se présenter broyé (sucre en poudre) ou tenir en petites briques (sucre en morceaux). Pour atteindre cette présentation, la poudre est humidifiée puis compac- tée dans des meules avant séchage. Pour saupoudrer les gaufres, le sucre glace est tout indiqué. II est trés finement broyé et associé a de l’amidon, pour éviter qu’il ne fasse des paquets. Le sucre roux doit sa couleur et son gotit aux impuretés qu’il contient. Caramel Le sucre est un aliment qui supporte mal le chauffage puisqu’il subit alors une pyrolyse : les molécules de saccha- rose sont cassées. II se dégage en particulier une petite molécule 4 odeur acre : l’acreléine. Le caramel obtenu 26 AL AVEC OU SANS SUCRE? ony peut étre utilisé pour sa saveur ou comme colorant. Il est notamment responsable de la couleur d’une célébre boisson au cola. La vie sauve grace du sucre Qui n’aime pas la saveur sucrée ? Voila bien un plai- sir universel ! D’ou nous vient cette sensation agréable commune a tous les individus ? II semblerait que ce soit un produit de I’Bvelution. Depuis que Il’Homme existe, il a appris a reconnaitre la maturité des fruits a la sensation gustative qu’ils générent dans sa bouche. Les fruits verts sont acides alors que les fruits mars ont un goiit sucré. Cette détection peut méme avoir un aspect salvateur lorsque l’on sait que la plupart des substances végétales toxiques sont améres. La différenciation des saveurs aide la survie. D’autre part, les sucres, par leur métabolisme rapide, permettent un apport énergétique trés prompt. Le corps sait donc instinctivement, par la saveur que lui procure l’aliment, que c’est une substance calorique. Cet instinct se retrouve Wailleurs chez les enfants en pleine croissance, qui sont plus attirés par les Bonens que les adultes. A ne pas négli- ger non plus, la sécrétion d’endorphines qui fait suite a Pabsorption de produits sucrés et la sensation de plaisir qui l’accompagne. % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Liaisons savoureuses Cette sensation dans la bouche a-t-elle une explica- tion ? Il semblerait que les molécules sucrantes ont en commun un groupe d’atomes, dont la disgesitien dans Pespace leur permet de créer des liens avec les protéines des papilles de la langue. Celles-ci vont alors envoyer au cerveau le message correspondant 4 la sensation du sucré. Un ose pas comme les autres Des trois molécules précédemment citées, le fructose est celui qui procure la sensation de sucré la plus forte, ensuite vient le saccharose puis le glucose. Cette différence vient probablement de la possibilité pour le fructose de s’attacher a plusieurs protéines en méme temps. Remarquons toutefois qu’il ne suffit pas que la molé- cule posséde les groupements d’atomes adéquats ; il faut aussi que 'approche ne soit pas rendue impossible par un trop grand encembrement du reste de la molécule. Vamidon enest un exemple. II comporte de nombreux sites clés mais la taille de la molécule ne permet pas l’approche. Poisons sucrés D’autres substances sont ainsi surprenantes par leur saveur sucrée inattendue car ne faisant pas partie de la famille des sucres. Ainsi ’éthyléne glycol n'est pas un ose, ni un oside, mais a bien un goit sucré car il comporte les fonctions correspondantes. & qui le rend particulié- rement dangereux pour des enfants puisqu’il s’agit d’un liquide toxique par ingestion. C’est également le cas de certains acides aminés et des sels de plomb. Ces derniers 28 AL AVEC OU SANS SUCRE ? sont présents dans les vieilles peintures que les enfants se plaisent a grignoter mais qui provoquent une maladie trés grave, le saturnisme, qui atteint le systéme nerveux et peut engendrer des déficiences mentales. Une dent contre le sucre ? Si le sucre n’était que plaisir, nous pourrions en user et en abuser a volonté. Sa consommation présente malheu- reusement quelques inconvénients. Chacun fera son clas- sement en fonction de son age. Pour les plus jeunes, le premier ennui est la carfe dentaire. Les bactéries présentes dans la bouche transforment le sucre soit en glycannes (« polysaccharides »), ce qui donne la plaque dentaire, soit en acides, entrainant la formation de caries. Lémail est un rempart a l’agression mais il présente une faiblesse : il laisse une porte d’entrée pour l’attaque. Le fluer permet de renforcer l’émail dentaire. Pour comprendre l’autre gros probléme engendré par la consommation de sucre, il faut aller voir ce qu'il se passe dans Perganisme aprés son ingestion. Du sucre la graisse et vice versa Le saccharose est tout d’abord fragmenté en glucose et fructose dans l’intestin. Ces deux oses passent ensuite dans le sang. Le glucose peut étre directement utilisé par les cellules ou stocké dans le foie et les muscles, sous forme de luce ene, qui est un polymére de glucose, comme un long collier dont les perles sont des molécules de glucose. Sil n’est pas utilisé, il est A son tour transformé en gralsse. Lorsque lorganisme a besoin d’énergie, il utilise en priorité le glucose présent dans le sang car il est disponible 29 x 2 : Cg. Cage, creme, savon eb CO" tout de suite. Il va ensuite solliciter le glycogéne puisqu’il est facilement coupé en unités glucose. La graisse est mobilisée en dernier car elle doit étre transfermée pour étre rendue soluble. Ce n’est que quand les premiers stocks sont épuisés que l’on puise dans les réserves de graisse. Ce qui explique la difficulté a réduire les bourrelets disgracieux. Cram pe élernelle Si effort physique ne bénéficie par d'un apport d’oxy- gene suffisant, la transformation du glycogéne produit de Pacide lactique. Cet accroissement de l’acidité engendre des crampes. Le cas le plus extréme est la privation complete, lorsque l’on n’a plus daxygene du tout car on est mort. Lapport trés important d’acide entraine alors la crampe généralisée, joliment appelée rigidité cadavérique. Insuline au boulet La quantité de glucose disponible dans le sang est Wenviron 1 gramme par litre. C’est ce que l’on appelle la glycémie et que les médecins font contrdler de temps en temps, lors d’une prise de sang. Ce taux est régulé par l’insuline, une protéine fabriquée dans le gancréas. Linsuline, en contrélant sa concentration, permet l’utili- sation du glucose par les cellules. Insuline en gréve Un manque d’insuline entraine un taux de glucose dans le sang trop élevé. Il est provoqué par une maladie : 30 AL AVEC OU SANS SUCRE ? fr le diaBate. Il peut étre de type I (insulino-dépendant) et causé par un déficit de cellules productrices d’insuline, logées dans le pancréas. Pour pallier ce probléme, il faut procéder a des injections d’insuline. Elle ne peut pas étre prise oralement car elle est détrulte dans l"estomac. Le diabéte de type II (insulino-indépendant) rencontré chez Vadulte n’est pas di 4 un déficit d’insuline mais 4 une baisse de sensibilité de récepteurs. assimilation du fructose n’est pas sous le contréle de Vinsuline. Il est entiérement métabolisé par le fole. C’est donc le seul sucre autorisé aux diabétiques. Quelle torture pour Marie, que d’évoquer cet aliment, divin pour son palais mais source de péché pour sa balance ! Rien que la pensée de se goinfrer de bonbons et de s’empiffrer de glaces lui fait prendre une taille de plus ! 3l This page intentionally left blank UN CHOCOLAT CHAUD FT MOUSSEUX Il arrive que Marie fasse des infidélités a son « petit noir ». Elle craque parfois pour un choco- lat au lait onctueux et mousseux a soubait. Le chocolat aussi a une longue histoire. Déja Porigine du mot reste incertaine. Entre les termes mayas, aztéques puis espagnols, son évolution n’est whypothéses. A Porigine, il était consommé comme doisson sacrée par les Mayas puis les Aztéques, associé aux divinités de la fertilité. Produit de luxe, les feves de cacao servaient méme de monnaie d’échange. 33 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Il provient d’un arbre qui pousse naturellement dans la forét amazonienne : le cacaoyer. Lorsque les Espagnols s’installérent sur le continent sud-américain et rencon- trérent les indigénes, ils découvrirent cette boisson, alors additionnée de piment, et la remportérent en Europe. Son succés auprés de la haute société permit d’étendre sa culture aux autres colonies espagnoles. Lorsqu’elle fut introduite en France, ce fut dans un but thérapeutique et elle était alors vendue par les apothicaires. Ce n’est toutefois que lorsqu’un génie eut Vidée d’y rajouter du sucre et du lait, et de remplacer le piment par de la vanille, que son succés fut total et que sa consommation se transforma en un moment de plaisir. Les populations sud-américaines rapidement décimées par les maladies apportées par leurs envahisseurs ne furent plus capables d’assurer la récelte de chocolat, dont la demande était gran- dissante. La continuité de la production fut assurée par une main d’ceuvre africaine, réduite en esclavage. Dégeaisser : la clé du succes Le chocolat va se populariser grace au célébre Hollandais Coenraad Johannes Van Heuten, qui, en 1828, met au point un procédé pour séparer la matiére grasse et isoler la poudre de cacao dégraissée, ce qui allait permettre de doser précisément la proportion de chacun. Lannée 1847 voit l'avénement du chocolat en ta6lettes et le début de lindustrialisation de sa fabrication. Un arbre exigeant. oe Avant de devenir ce petit carreau mangé gouliiment par un enfant gourmand ou cette truffe qui fond dans votre 34 bouche en libérant toute sa saveur et son moelleux, le cacao sommeille au sein de la graine @’un arbre : le Theobroma cacao. Aussi nommé cacaoyer, il atteint une hauteur de 2 4 6 métres. Inutile d’essayer d’en faire pousser dans votre jardin, ou alors il faudra envisager de déménager. Pour se développer, cet arbre a besoin de douceut, ne supportant que des températures comprises entre 25 et 30°C, un air trés humide et une pluie abondante et réguliére. Ses exigences ne s’arrétent pas la. II se trouve qu’il n’apprécie pas le soleil direct mais nécessite de l’ombre apportée par de grands arbres plantés dans son voisinage. Ainsi les planta- tions de cacao ressemblent-elles 4 de véritables foréts. Cet arbre exigeant trouve son équilibre entre les deux tropiques. Le Brésil fut le premier producteur mondial pendant long- temps mais il est aujourd’hui dépassé par Afrique, grace notamment a la Céte d’Ivoire. Toutefois, la production asia- tique est en train de se développer. .. et pas trés doué pour la reproduction ! Les fruits qui vont livrer ce trésor sont étonnants de par leur taille et leur aspect. Ils sont de forme ovale, denviron 20 centimétres de long, évoquant l’allure d’un ballon de rugby, et pésent chacun 1 kilogramme. Ils sont nommés cabesses et sont directement accrochés au tronc. A Pintérieur se trouvent une vingtaine de graines, noyées dans une chair blanche. En plus de ses exigences climatiques, le cacagyer ne se facilite pas la tache de la reproduction. Il éprouve de grandes difficultés a faire ca tout seul. Les graines sont tellement bien emprisonnées dans leur carapace qu’elles ont du mal a se libérer. Méme si elle tombe de haut, la cabosse s’ouvre rarement toute seule. II lui faudra l’inter- vention de la main de Homme. 35 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Fée cabosse : peine de la leve Lorsque toutes les conditions sont réunies, le roi de la féve peut enfin livrer ses richesses. Les grains rassem- blés sont laissés a l’air pendant quelques jours, dans des caisses. La pulpe entame alors sa décomposition et libére les graines. La fermentation peut commencer. Les sucres vont dans un premier temps se transformer en alcool, puis, grace a l’action de l’oxygéne de l’air, ’étha- nol va s’oxyder : il se transforme en acide acétique (le méme que dans le vinaigre). Ce phénoméne entraine une modification de la membrane des cellules, libérant des enzymes qui vont catalyser un certain nombre de réactions chimiques faisant intervenir des polyphénols et des protéines. Au cours de cette étape, les arémes du cacao commen- cent a se développer. Lamertume s’affaiblit, la coloration typique brune commence a apparaitre, des acides aminés sont libérés. Ce dernier point est trés important pour la suite. A ce stade du processus, les graines sont rebapti- sées et ont droit a appellation « féves », ce qui stimule tout de suite la gourmandise. Un séchage au soleil ou dans un four pour les plus pressées stoppe le processus de fermentation, permet d’éliminer des substances volatiles qui nuiraient au goat et évite la formation de moisissure. La premiére partie est terminée : les féves sont prétes a étre commercialisées et exportées. La suite est entre les mains du maitre chocolatier. De la féve au bol Lexpert peut choisir de faire des mélanges de cacaos de différentes provenances ou préférer une source unique pour un chocolat typé de sa région d'origine. Les feves 36 sont nettoyées puis concassées et décortiquées pour enle- ver la coque. Elles sont ensuite torréfiées, a savoir chauf- fées 4 100-140 °C, pendant 20 4 30 minutes. Lors de cette étape se produit la fameuse réaction de Maillard, déja évoquée lors de la préparation du café. Elle engendre la formation de composés responsables de l’'aréme et de la couleur du cacao. Ce processus fait intervenir les sucres et les protéines présents dans le grain. La libération d’acides aminés au cours de la fermentation assure le succes de ce processus et le goat final du chocolat. Les féves subissent ensuite un broyage aboutissant a ce que l’on appelle la masse Ge cacae. A ce stade, le cacao contient majoritairement de la graisse (plus de 50 %), des protéines (12 %), de la cellulose (10 %), des polyphénols (6 %), de 'amidon (6 %), ainsi que de faibles quantités de théobromine, de glucides et autres composés. La suite dépend de l’objectif. Si ’on exerce un pres- sage & chaud, on récupére d’un cété le beurre Ge cacae et de autre des espéces de tourteaux. Le beurre de cacao était autrefois ’ingrédient principal des tubes pour les lévres gercées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, méme si le terme est resté, car il rancit trop rapidement. Les galettes ainsi obtenues sont alcalinisées, en les plongeant dans une solu- tion carbonatée, ceci dans le but d’en améliorer la couleur et le goat. Le produit final constitue la peudre de cacas qui finira son long parcours dans votre bol ous voila arrivés a votre petit déjeuner... Les carrés du plaisir J'imagine que vous ne croquez pas dans une tablette de chocolat au saut du lit, mais il est difficile d’en rester la. La frustration engendrée inciterait Marie a en déguster 37 Cage, créme, sevon et C™ quelques carrés. Continuons donc a évoquer le chemin qui nous méne jusqu’au plaisir intense d’un chocolat fondant dans la bouche. Reprenons la fameuse masse de cacao et ajoutons du sucre. Lensemble est pétri a chaud puis la pate obtenue est écrasée entre deux rouleaux : elle est laminée pour diminuer la taille des particules du mélange afin d’éviter limpression désagréable de manger du sable. Le conchage, inventé par Rodolphe Hindt, est la derni&re opération. Il s’agit d’un brassage A chaud, de plusieurs heures, pour éliminer les derniers résidus deau, améliorer ’onctuosité et mieux homogénéiser. II est possible d’ajouter de la lécithine, molécule conci- liante qui vient se placer entre le sucre et la graisse du chocolat, pour assurer la cohabitation. Si vous préférez le checelat au lait, il suffit d’ajouter de la poudre de lait la masse de cacao. Quant au checelat blanc, il ne contient pas un gramme de cacao, il n’est constitué que de beurre de cacao, de sucre et de poudre de lait, et germa dans le cerveau d’un employé de Nestlé, pour utiliser, justement, Pexcédent de graisse de cacao. Toul est question de fusion Le plaisir engendré par la dégustation de chocolat n’est pas seulement di a la présence de sucre et de compo- sés sapides, mais aussi 4 la sensation physique éprouvée par sa fusion. En effet, le chocolat fond dans la bouche (mais aussi dans la main !). Cela parait une évidence mais ce phénoméne participe au ravissement. Sa température de passage de l’état solide a l’état liquide est proche de 37 °C. Probablement, les serpents n’apprécient-ils pas le chocolat autant que nous. De plus, de nombreux mélanges fondent sur des gammes larges de températures, a la différence des corps purs pour lesquels cette température est précise. Cet étalement dépend de la composition et des tempéra- tures de fusion de ses différents constituants. Le beurre de cacao contient peu de glycérides différents, beaucoup moins que le beurre par exemple. Sa fusion se produit donc plus nettement que ce dernier, qui va ramellir sur une large four- chette de températures, avant de fondre véritablement. Dans le cas du chocolat, le passage a l’état liquide est plus net. Un autre phénoméne physique important est le carac- tére endothermique de la fusion. Ce changement d’état nécessite un apport d’énergie. Pour faire fondre le chocolat en vue de préparer un délicieux gateau, vous devez apporter de Pénergie thermique, autrement dit de la chaleur. Dans votre bouche, c’est vous qui étes la source de chaleur : le chocolat prend un peu de votre chaleur pour fondre. Ainsi, ce phénoméne s’accompagne d’une sensation de fraicheur buccale qui vient s’ajouter au plaisir gustatif. la brillance engendre le désir Déja dans la vitrine du chocolatier, en cocotte ou en lapin, il brille sous son petit nceud rose. Méme en simple 39 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* tablette, tout juste dévétu, libéré de son papier alumi- nium, il nous dévoile sa nudité brillante. Terne et mat, il nous séduirait moins et la tentation de lui sauter dessus deviendrait moins virulente. Voila bien encore un des secrets d’envotitement du chocolat. A V’état solide, il est courant que les molécules s’organisent avec régularité, construisant des figures géométriques. Différents agencements sont possibles. Dans le cas du chocolat, six formes de cristallisatien différentes existent. Chacune joue différemment avec la lumiére révélant un aspect variable. Vune d’entre elles est préférable car ses cristaux réfléchissent la lumiére et laissent apparaitre 4 nos yeux gourmands un chocolat brillant. Lors du refroidissement de la pate devant conduire au chocolat solide, si la température diminue trop rapi- dement, des cristaux d’organisations différentes vont se former. La surface du chocolat ne sera pas lisse. II ne brillera pas et sera moins attirant. Pour éviter ce désa- grément, il faut maintenir la température a environ 34 °C pour que les cristaux soient identiques et correspondent a l’arrangement donnant la meilleure brillance. C'est bon pour le mor | cest bon bon ! Le chocolat est-il bon pour le moral ? Il ne semble pas contenir de substances antidépressives. C’est probable- ment la sensation engendrée par sa Oégustation qui libére en nous une vague de plaisir hormonale. II contient cepen- dant une substance stimulante, la théobromine, voisine de la caféine et présentant les mémes effets physiologiques. Attention aux excés ! Quel terrible dilemme pour Marie | Ce chocolat sensuel, mélange d’amertume et de douceur, fondant dans AO la chaleur de sa bouche, source de jubilation gustative et de délectation gourmande, serait, sacrebleu, une tentation délicieuse, cachant des effets inattendus sur la quiétude de ses réveries et ’harmonie de sa silhouette ! Monde cruel qui l’oblige 4 la modération et la retenue ! Trop dur... Mais au fait, pour le chocolat du matin, il faut bien diluer la poudre de cacao dans un liquide ? ? Pas dans de l’eau, sacrilége ! Le résultat ressemblerait 4 une infusion et serait bien insipide. Pour mettre en valeur ce trésor exotique, il faut une substance a la hauteur de !’enjeu. Un aliment archaique. Le premier des aliments. Arreuh... Noye dans du lait de... ? Le lait est un liquide sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammiféres. Il peut étre d’anesse, de chévre, de jument, de chienne, de femme... Lorsque l’on emploie le terme lait sans plus de précision, il s’agit du lait Ge vache. Quelle que soit sa source, il renferme de l’eau, des matiéres grasses (lipides), des protéines, des sucres (glucides), des sels minéraux, des vitamines, des cellules, des micro-organismes... Composition sup mesure Sa composition précise dépend de l’animal qui le produit : elle est adaptée & son petit mammifére. II doit atre riche en protéines pour les bébés qui grandissent vite (lapin, renne), privilégier les matiéres grasses pour les animaux marins et ceux qui vivent dans des contrées froides (marsouin), préférer le lactose pour les cérébraux tels que les bébés humains. Le lait qui se rapproche le plus du lait de femme est celui d’anesse ! Comme quoi, se 4l % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* faire traiter d’ane ne devrait pas étre une insulte, surtout si l'on considére que son refus d’obéir a tout bout de champ, cette absence de soumission, est plutét une preuve dintelligence. Le lait de vache est beaucoup plus riche en sels miné- raux et en protéines que le lait humain. Pour pouvoir étre consommé par un bébé, il doit donc étre « maternisé », c’est-a-dire transformé pour se rapprocher le plus possible (sans jamais l’atteindre) du lait de maman. Glebules. ++ gras Si on examine de plus prés, on constate que le lait est une émulsion dans laquelle des microgouttelettes de matiéres grasses (deux a cing microns de diamétre), appe- lées globules, sont dispersées dans de l’eau, constituant majoritaire (93 %). Blanc grace aux globules Cet ensemble, a priori incompatible, tient grace a des émulsionnants naturels : les phospholipides. La partie « lipide » de ces derniers a des affinités pour les matiéres grasses, tandis que la partie « phospho » aime l’eau et s’oriente de l'autre cété. Ils constituent une envelegge dont la pellicule extérieure est électriquement chargée. Les globules se repoussent donc, évitant leur regroupement. De plus, ils diffusent la lumiére dans toutes les directions, ce qui explique la couleur blanche du lait. Sa matiére grasse est constituée trés majoritairement de triglycérides, de caroténes et de stérols (vitamines A et D). Les triglycérides sont des molécules constituées par Passociation entre un alcool, le glycérol (parfois appelé a UN CHOCOLAT CHAUD ET MOUSSEUX, glycérine) et des acides carboxyliques, les acides gras. Le glycérol comprend trois fonctions alcool auxquelles s’accrochent trois acides, d’oi le terme « triglycéride ». La différence entre matiéres grasses tient a la nature des acides, donc a la longueur de la chaine et au nombre d’insaturations. Ces derniéres sont des liaisons doubles entre atomes de carbone »+. Au lieu de s’accrocher a quatre atomes voisins, il ne se fixe qu’a trois mais renforce son lien avec lun deux. II consacre la possibilité qu’il avait de créer une quatriéme liaison 4 doubler une des trois. Un peu comme si, au lieu de donner la main a deux personnes, vous ne vous accrochiez qu’a une seule par les deux mains. C’est ce que l’on appelle une insatura- tion : ’atome de carbone n’a pas utilisé tout son potentiel @associations. Parmi les acides gras qui constituent les triglycérides du lait, les plus abondants sont les acides palmitique (chaine a 16 atomes de carbone, saturée) et oléique (18 atomes de carbone et une double liaison). Les acides butyrique et caproique sont responsables de son odeur caractéristique. Dans la phase aqueuse se trouvent le lactose, les sels minéraux, les caséines sous forme de micelles et les protéines hydrosolubles. Cette fraction du lait est aussi appelée lactosérum ou getit lait. 43 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Diges i Le lactose est, comme son nom l’indique, un ose. Son pouvoir sucrant est faible ; il ne procure donc pas de sensation sucrée. Certaines personnes ne le digérent pas car il leur manque Penzyme (la lactase) dont le réle est de couper la molécule de lactose. Dans les sociétés occi- dentales, cela semble étre une particularité, mais si l’on considére l’ensemble de l’humanité, c’est d’avoir encore cette enzyme a l’ge adulte qui est étonnant. En effet, seuls les peuples des pays développés de I’hémisphére nord digérent encore le lactose a l’age adulte. Les Africains ou les Asiatiques qui s’aventureraient a boire du lait souffriraient d’indigestion ; le lactose passe- rait directement dans le gros intestin sans étre transfermé puis serait coupé dans le colon par les bactéries présentes, provoquant la formation de substances gazeuses, entrai- nant une surpression douloureuse. Ce processus est comparable a celui qui s’opére dans l’organisme d’un Francais qui mange des haricots en grains. Les glucides passent l’étape estomac sans encombre mais les bactéries intestinales sautent dessus et s’en donnent a coeur joie pour les couper en petits bouts, tels que des molécules de dihydrogéne, dioxyde de carbone et méthane, lesquelles insistent pour sortir, pas forcément au bon moment... n improbable Proléines Les protéines apportées par le lait sont la caséine et les protéines du lactosérum. La caséine est majoritaire, elle constitue la principale protéine du lait. Elle n’est pas directement soluble dans Peau mais se présente sous forme de micelles. Ce sont des petits amas de molécules qui s’associent entre elles selon leur polarité : elles orientent +4 leur partie lipophile vers l’intérieur et celle hydrophile vers l’extérieur, formant des gouttelettes microscopiques. Elles sont associées a des ions calcium. Parmi les protéines du lactosérum, les globulines et les albumines ont une grande importance biologique. Le lait humain contient moins de protéines que le lait de vache, ce qui le rend plus digeste. Il est pauvre en caséine et riche en immunoglobulines et en glucides. Seuls les riches en caséine pourront donner du fromage (vache, brebis, chévre). Inutile de tenter le camembert de Normandes ou le saint-nectaire d’Auvergnates, il ne caillera pas... Le temps de la séparation Cet ensemble, résultant d’une cohabitation impro- bable entre substances antagonistes, n’est pas parfai- tement stable. Deux illustrations de la séparation des incompatibles sont la formation de la créme et le caillage. Les gras flottent mieux Lorsqu’on laisse reposer le lait juste aprés la traite, une décantation se produit: les globules de graisse s’agglomé- rent en remontant a la surface, a cause de leur plus faible densité, tandis que la phase aqueuse reste en bas, d’autant que la température est basse. Ainsi surnage la créme du lait. Elle contient toujours un peu d’eau mais beaucoup moins que le lait (60 4 70 %). En revanche, elle contient tous les lipides et les vitamines liposolubles. 45 re anh : CEP Cafe creme, savon et OC Ca caille | Le caillage est un phénoméne au cours duquel le lacto- sérum se sépare des caséines et des matiéres grasses. Ces derniéres constituent le « caillé ». Cette action est due a des bactéries qui transforment le lactose en acide lactique. Lorsque le processus est involontaire, on dit que le lait « tourne ». S'il est délibéré, c’est que l’on souhaite faire du fromage. Laugmentation de l’acidité a pour conséquence de séparer le calcium de la caséine. La modification des charges électriques fait que les micelles de caséine ne se repoussent plus et se désagrégent. Les caséines coagulent et précipitent : le lait caille. La formation de caillé selon cette méthode présente Vinconvénient @obtenir un produit friable et pauvre en sels minéraux. II existe une autre possibilité qui est la coagulation enzymatique. La caséine caille en présence des sels de calcium, ce qui donne un mélange riche en miné- raux, Les enzymes utilisées proviennent de la présure qui est le suc gastrique présent dans l’estomac d’un veau non sevré. Hum... Ca déborde ! La peau trés fine qui se forme dans votre bol ou dans la casserole n’a rien a voir avec les phénoménes précé- dents. Il s’agit d’une déser- anisation des protéines du Pretosérum sous l’effet de la chaleur. Les liens existants entre molécules se rompent et de nouveaux se forment, aboutissant a la création d’un gel imperméable a la vapeur d’eau. A6 fs UN CROCOLAT CHAUD ET MOUSSEUX 1 A 100 °C, l'eau du lait bout mais ne peut plus s’éva- cuer car ce film forme un couvercle étanche. Résultat : le lait déborde quand la pression devient suffisante pour le soulever. Avec ou sans bactéries ? Il est encore possible de choisir entre du lait frais, pasteurisé ou stérilisé, méme si le choix se réduit forte- ment en faveur de ce dernier. Le lait frais contenant des bactéries, le risque de réac- tion avec le lactose conduisant a l’acide lactique n’est pas négligeable. C’est donc un lait susceptible de cailler faci- lement. De plus, il est difficile 4 conserver 4 cause de la présence de ces micro-organismes qui ne demandent qu’a proliférer. Avec Pasteur, ca chauffe ! A la fin du x1x® siécle, Louis Pasteur a montré qu’un simple chauffage pouvait détruire ces bactéries. Ce fut le début de la gasteurisation. L’inconvénient d’un traitement thermique est qu’il détruit aussi les vitamines et qu’il dénature les protéines du lactosérum. Au cours de la pasteurisation, le lait est chauffé 4 75 °C pendant 15 a 20 secondes, a l’abri de l’air. Il est ensuite refroidi immé- diatement. Ce procédé détruit la majorité des bactéries pathogénes. Le lait est partiellement « désinfecté ». Le produit est peu modifié et garde ses propriétés. Sa conservation est toutefois de faible durée (7 jours maxi- mum) et nécessite une réfrigération car il reste quelques germes. Les produits laitiers sont fabriqués a partir de lait pasteurisé. AT % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Plus chaud mais plus court La stérilisation va permettre d’améliorer considéra- blement les conditions de conservation. Le lait est tout dabord homogénéisé. Pour éviter la formation de la créme, on fait passer le lait sous forte pression dans de petits trous pour réduire la taille des gouttes de graisse, conduisant a une émulsion plus stable. Les globules gras sont tellement petits qu’ils peinent a se rassembler. Le lait est ensuite chauffé 4 140-150 °C pendant 1 a S secondes, puis immédiatement refroidi. Il est alors placé dans des récipients stériles et opaques, tels que les bouteilles en plastique ou les briques en Tétra Pak™. La stérilisation détruit toutes les bactéries mais dégrade aussi partielle- ment les substances fragiles telles que les vitamines. Elle ne modifie pratiquement pas les qualités gustatives du lait. Le liquide est stérile et peut étre conservé pour une longue durée, ce qui explique son succes. Le tube du lifier Pour les amoureux du lait concentré sucré, il faut savoir que c’est une facon trés ancienne de consommer du lait. Latechnique date du milieu du x1x* siécle, et nous vient des Stats-TUnis. Le lait est avant tout pasteurisé, puis Peau est éliminée en chauffant jusqu’a l’ébullition, sous pression réduite pour limiter la température. addition de sirop de sucre n’a pas seulement vocation 4 réjouir les gourmands mais permet de stopper la prolifération des micro-organismes. Le liquide visqueux et jaunatre est alors versé dans des boites ou dans les fameux tubes, dont on peut verser le contenu directement dans la bouche... Dela poudre pour voyager leger Pour le camping, le lait en poudre déshydraté est le plus approprié puisqu’il bénéficie d’une longue conservation du fait de absence d’eau. Sans eau, pas de vie donc pas de micro-organismes. II présente aussi ’'avantage d’occuper un faible volume et d’étre léger (sauf évidemment s’il faut apporter les bouteilles d’eau pour le reconstituer...). Il est obtenu par gulvérisation :on crée un brouillard de lait sous pression, sur lequel on envoie de Pair tres chaud (150 °C). Les gouttelettes de lait sont immédiatement déshydratées et retombent en poudre. Il ne reste plus qu’a les mettre en boite ! Petit déjeuner du futur Satisfaite, Marie trempe ses lévres dans son chocolat chaud et mousseux, en songeant a ces trésors cachés de la Nature. Combien de fruits et de graines, dont nous ignorons encore la saveur et les bienfaits ? 49 This page intentionally left blank LA TARTINE DE PAIN BEURRE AN chacun sa madeleine de Proust. os Pour Marie, ce serait plutét le pain. Tout commence avec l’odeur qui vient lui chatouiller les naseaux. Malheureusement, elle doit se contenter du pain de la veille, mais un petit passage dans le grille-pain devrait lui restituer partiellement ses qualités organoleptiques. re anh : CEP Cafe creme, savon et OC Sur le principe, la fabrication du pain est simplissime. Bien plus facile, sur le papier, qu’un éclair au chocolat ou une charlotte aux fraises ! II faut de la farine, de la levure, de l'eau et du sel. On mélange le tout, on malaxe un peu, on laisse regeser et on met au four. Il est fort 4 parier que le résultat ne sera pas au niveau de vos espérances et que vous vous précipiterez chez votre boulanger pour acheter votre baguette quotidienne en le félicitant pour son talent. Faire du bon pain est tout un art ! Mais la dextérité du créateur serait vaine sans des produits de qualité. Au commencement était la graine... Les graines de céréales doivent tout d’abord étre déshabillées, abandonnant leur écorce externe, conte- nant cellulose et lignine, bien trop Indigestes. Nos esto- macs les en remercient méme si le résultat est appauvri en vitamines. Aprés avoir été écrasée, la petite graine n’est plus qu’une poudre blanche, promettant pains et merveilles 4 ceux qui la consommeront. Cette farine contient essentiellement de Pamidon et des protéines insolubles dans l’eau, rassemblées sous le vocable « gluten ». Selon cette description, toutes les céréales devraient étre bonnes pour le service, mais en fait une seule lemporte trés largement : le 61é. Pourquoi cette suprématie mondiale des épis blonds ? Le blé tendre est pratiquement la seule céréale A pouvoir étre panifiée, grace A ses protéines, gliadines et gluténines, présentes en bonnes proportions. Grace aux premieres, la pate est visqueuse et extensible, tandis que les secondes apportent élasticité et tenue. II existe plus de 70 variétés de blé tendre cultivées en France. Le seigle, mais dans une moindre mesure, est 52 LA TAPTINE DE PAIN BI URE également utilisé. D’autres céréales, parfois indiquées dans la liste des ingrédients, ne sont présentes qu’en complément du blé, pour la fabrication de pains spéciaux (mais, avoine, orge, épeautre...). Les grands glycannes Ces protéines, indispensables a la panification, ne représentent qu’une proportion faible des constituants de la farine. Le majoritaire est 'amiden, mélange de deux glycannes, polyméres naturels constitués d’une longue chaine sur laquelle se répéte un méme motif, le glucose. Ces glucides se nomment amylose et amylopectine. Lamylose est un enchainement linéaire, les chainons sont liés les uns a la suite des autres, tandis que l’'amylopectine est ramifiée, le réseau est tridimensionnel. Animaux, végétaux, méme combat ! Lamidon est présent dans la graine du végétal car il constitue une réserve d’énergie pour la plante en devenir. Chez d’autres espéces, il se trouve dans les racines ou les tubercules. Les végétaux stockent sous forme d’amidon ce que les animaux conservent en glycogéne. Les deux sont des polyméres du glucose mais de structures diffé- rentes. Pour tous, l’objectif est d’utiliser du glucese, sauf que cette petite molécule est difficile 4 préserver du fait de sa grande solubilité dans ’eau. Si elle n’était emprisonnée sous forme de polymére, elle se faufilerait et s’échappe- rait facilement. Accrocher toutes les molécules ensemble permet de les garder plus facilement, Ainsi, pour retrou- ver des trombones, mieux vaut les accrocher entre eux, ils seront d’autant plus faciles a récupérer. Le glucose est ainsi 53 re anh : CEP Cafe creme, savon et OC fixé : libérable mais pas totalement libre ! La plante ira puiser dans son garde-manger lorsqu’elle en aura besoin. Aprés avoir volé a la céréale sa réserve et consommé son amidon, notre organisme va procéder a sa digestion, en coupant la chaine en ses maillons de glucose. On détache les trombones. II sera ensuite lui-méme trans- formé dans les cellules en dioxyde de carbone, avec libé- ration d’énergie. On est dans le pétrin | Mais avant cela, le maitre du pain entre en scéne, avec ses petits bras musclés (rare- ment ; ce n’est pas que les boulangers ne soient pas musclés, mais cette étape est aujourd’hui généralement mécanisée), ou avec sa belle machine électrique, pour procéder au gétrissage. Cette premiére étape est fonda- mentale. Malaxer longue- ment la pate, aprés avoir mélangé les ingrédients, permet de ’homogénéiser, de bien ’hydrater et d’introduire de Pair. Ce dernier point est important car il induit des réac- tions d’oxydation, jouant un réle primordial pour le futur goat. Les protéines vont également dérouler leurs pelotes, assurant leur réle dans l’obtention d’une pate lisse et élastique. Au cours de cette phase, trés physique pour le boulanger d’autrefois, des transformations chimiques se produisent, au cours desquelles 'amidon commence a étre fragmenté par des enzymes présentes dans la farine, les amylases, libérant des oses. 54 LA TARTINE DE PAIN BEURRE a ilantes Des travailleuses di créles ef mé Aprés avoir été malmenée dans tous les sens, la pate mérite un bon repos. Mais sous cette apparente passivité se cache en réalité une activité intense de petits orga- nismes vivants unicellulaires: les levures. Ces minuscules travailleuses de l'ombre (14 10 microns) se nourrissent des oses libérés par l’amidon pour produire de l’alcool, des acides organiques et du dioxyde de carbone. La consommation de ces levures ayant connu un essor au cours du x1x® siécle, elles sont élevées de facon intense depuis 1850. Elles se développent sur une mélasse, un sirop épais composé majoritairement de saccharose. Elles ne doivent pas étre confondues avec la levure chimique, qui n’est pas vivante, mais résulte d’un mélange de bicarbonate de sodium et d’acide tartrique. A l’état de poudre, ces deux substances cohabitent sans trans- formation. En présence d’eau, elles vont s’approcher de facon plus intime et réagir, entrainant la formation de dioxyde de carbone. Celui-ci forme des petites bulles qui font gonfler la pate. Idéale pour les gateaux, elle est a éviter pour la fabrication du pain ou des brioches. Fi fo e d'eau Il est temps de mettre cette pate, bien reposée et bien gonflée, au four. Sous l’effet de la chaleur, les gaz présents (air et dioxyde de carbone) se dilatent et font gonfler le pain en devenir. L’eau se vaporise et cherche a % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* occuper tout l’espace, mais elle est retenue par la crofite en formation. Les protéines du gluten changent d’orga- nisation et se mettent a bouder l’eau. Celle-ci, vexée, se tourne alors vers ’amidon. Maillard, encore el foujours... Cette croaite dorée et croustillante ainsi que cette odeur si plaisante doivent leur existence 4 la fameuse réaction de Maillard. Il s’agit en fait d’un ensemble de réactions complexes se produisant entre des sucres et des acides aminés, aboutissant 4 la formation de produits bruns et de composés volatils 4 deur agréable. Ces processus se produisent par chauffage, en l’absence d’eau. Ils sont donc localisés sur la face extérieure des aliments (croate du pain, extérieur d’une viande, bords d'une tarte...). Lamidon fainéant Leau prisonniére se répartit dans la mie, formée par la transformation de l’amidon et des protéines sous Peffet de la chaleur. Avant la cuisson, l’amidon est a |’état semi-cristallin : une partie de l’amylose est amorphe, une autre partie est cristallisée. L’état amorphe ne signifie pas qu’un amylose fainéant regarderait travailler un amylose vaillant, mais que les molécules ne sont pas organisées, elles n’adoptent pas d’arrangement particu- lier. Au contraire, lorsqu’il est cristallisé, les molécules se disposent de facon trés réguliére. Lors de la cuisson, Vaugmentation du caractére hydrophile casse la struc- ture spatiale et tend vers un amidon totalement amorphe. Le pain est alors souple et élastique car les molécules 56 LA TAPTINE DE PAIN BEURRE pa peuvent se déformer, s’étirer, uniquement reliées a des petites molécules d’eau dispersées. Cette merveilleuse censistance est malheureusement éphémére. Lors du refroidissement, une partie de eau est libérée tandis que l’amidon se recristallise partiel- lement : le pain est toujours souple, mais moins que lorsqu’il était encore chaud. Un pain rassis 4 cause de molécules égoistes Une miche rassie n’est pas un pain desséché, car il rassit méme si l’air est humide. Le rassissement est dia la recristallisation de l’amidon, en particu- lier de ’amylopectine trés ramifiée. Les molécules se replient, s’associent entre elles et rejettent une partie de l’eau qu’elles avaient tant aimée... Celle-ci, ayant retrouvé sa liberté, cherche la sortie, rejoint la crofte et par la méme occa- sion, la ramollit. Bilan : la mie du pain est plus rigide et la croate a perdu son croustillant ! La baguette pourra retrouver un peu de son allure de « pain frais » en la réchauffant, ce qui provoquera la rupture des liaisons responsables, mais l’effet ne durera que quelques minutes. Ensuite, vous pourrez toujours essayer de faire du pain perdu... 57 % nl 2 CEP Cage, créme, savon 6 C* Lor du lait Aprés un petit passage dans le grille-pain, les tranches de pain de Marie ont repris meilleure allure et dégagent des effluves doux a ses narines, mais le plaisir ne serait pas total sans la petite touche finale qui donne enctuesité, saveur et bonne mine : la fine couche de beurre. Cette fameuse créme du lait, que l’on se plait a éliminer pour des raisons de gofit, de ligne ou de cholestérol, est conservée en tant que telle pour la cuisine ou pour fabri- quer le pavé d’or, si onctueux et moelleux sous notre palais. La créme est une émulsion « huile dans eau », ce qui signifie que des gouttelettes de matiéres grasses sont dispersées dans une phase aqueuse. eau y est donc majo- ritaire. Pour faire du beure, il faut inverser l’émulsion afin que la graisse devienne |’élément prépondérant. SOS crame battue ! Au départ, la créme destinée a la fabrication du beurre contient 35 % de matiéres grasses. Elle est tout d’abord pasteurisée par chauffage a 90 °C pendant 30 secondes. On lui incorpore des ferments lactiques pour parfumer le futur beurre. Cette malheureuse créme va ensuite étre remuée fortement, battue avec acharnement, le terme adéquat étant 6arattée. Au cours de ce processus, de l’air va étre incorporé, formant de minuscules bulles entourées par une pellicule de protéines, autour desquelles s’agglomérent les globules gras. Toute cette agitation malméne ces derniers et une partie d’entre eux finit par se libérer, formant des grains de beurre, dans lesquels l’émulsion est maintenant de type cau dans huile, La phase aqueuse résiduelle, appelée babeurre, est éliminée par lavage. La vigueur de l’agitation et la température influent sur la texture du beurre car elles LA TAPTINE DE PAIN BI URE conditionnent la quantité d’eau et d’air incorporée a la phase graisseuse. Vincompatibilité attendue entre graisse et eau est rendue possible grace aux phospholipides, émul- sifiants naturellement présents dans le lait. Dans le beurre ainsi obtenu se trouvent encore des globules gras et de l'eau au milieu d’une phase de graisse continue. La cempesitien finale est 82 % de graisse, 16 % eau, 2 % d’autres substances (lactose, protéines, minéraux). De Peau dans la graisse ?! Le nom scientifique des corps gras est « lipides ». Ils font partie des trois nutriments, avec les protides et les glucides. Ils peuvent étre d’origine animale ou végétale. Is se présentent sous forme d’huile ou de graisse, selon leur état physique (liquide ou solide) 4 20 °C. Il est toutefois courant de parler de graisses en général. Une autre diffé- rence réside dans la quantité d’eau présente. Les huiles n’en contiennent pas du tout, tandis que les graisses animales peuvent en compter jusqu’a 8 %, le beurre et la margarine 16 %. Le terme « beurre » est d’ailleurs exclusivement réservé a la matiére grasse du lait ayant subi le traitement de butyrification. O il est question de liaisons... La plupart des graisses et huiles sont des mélanges de triglycérides, molécules composées par association entre le glycérol et trois acides gras. La présence d’Insaturations (liaisons doubles) rigidifie la molécule, qui ne peut pas se mettre en boule, ni s’enchevétrer, ce qui a des conséquences sur l'état physique du corps gras. Ceux qui contiennent beaucoup d’acides gras insaturés sont des huiles (liquides), 59

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