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VJ serminien Par perte de sa substance sémantique et grammaticalisation, d'entrer dans 'a constitution, avec le verbe & l'infinitif qui te suit, d'une périphrase verbale. Elle est ainsi nommée car les deux verbes associés ne désignent cependan: qu'un seul proces. Les périphrases verbales servent & marquer des nuances que Ia conjugaison est incapable de formuler ; aussi les trouve-t-on dans tous les compartiments du fonctionnement verbal, ob ailleurs nous les retrouverons, ° Sur le plan de Ia diathése verbale, les périphrases de base sont consti- tuges au moyen des semi-auxiliares “faire” et “laisser” : ee sont eux gui ont donné leur nom aux périphrases qui sont dites, en conséquence factitives, permissives, tolératives, etc. II paratt plus simple de ne pas marqer infin des nuances sémantgues possible par autant de tens Ahan on pourait ou simpement les egroupe sous le nom de pti __Le fonctionnement d'une périphrase facttive va consister a dédoubler agent du proces, donc & ajouter un actant& la construction verbale: voix active forme facti L’éleve (ait ses devoirs, L’éléve donne un livre & son voisin, Le maitre fait faire ses devoirs @ Véleve, Le maitre fait donner un livre & son voisin par Véleve, Dans le premier cas, on passe de deux actant patient = ses devoirs) & trois (I'agent causatif = le maitre ; Vagent effectif Méteve ; le patient = ses devoirs). Dans le second, on passe de trois actants Cagent, le patient, le tiers actant = /’éléve, un livre, son voisin) & quatre (agent causaif, Pagent effectf, le patient, le tiers actant = le me Uéleve, un iivre, son voisin). Cette présentation fait apparattre deux traits essentiels ~ la forrae factitive présente une option spéciale située entre la voix active et la voix passive, puisque T'agent effectif est & la fois actif, dans la mesure od c'est lui qui agit, et passif, dans la mesure od il subit la contrainte de I'agent causatif ; (agent = P'éleve ; le = le maitre, 24 = es compléments introduits par les prépositions par et @ sont diffé- rents & la fois des compléments dobjet — parce qu’ils servent désigner un agent et non plus le patient — et des compléments circonstanciels. La difficulté est de les nommer : on a vu que par introduisait le complément agent, et on peut done continuer & nommer ainsi par I'éléve dans notre texte précédent ; en ce qui concerme @, Ia €énomination usuelle est celle de complément d’attribution, et on ne voit pas pourquoi le terme ne sera pas conservé, a condition qu’on y lise bien 'expression d'un actant, parti- cipant de premier plan au proces. A cété des deux verbes types, “faire” et “laisser”, il existe une liste ouverte de verbes qui operent 1a méme transformation factitive : 1! fait faire ses devoirs &l’élbve entratine : I! loblige di les faire. Il le contraint & les faire. Il le pousse a les faire. Il Vencourege & les faire, etc. Obliger & contraindre a ; pousser d ; encourager @... sont done utilisables comme auxiliaires factitifs. On pourrait répéter l'opération avec “laisser” : I laisse jouer les enfants = Il leur permet de jouer. Illes autorise & jouer. It les invite a jouer etc. (ob Von rejoint notre liste précédente, ce qui révéle la cohésion de l'ensemble). Mais le fonctionnement factitif n’est pas assuré seulement sous forme de périphrases verbales ; il existe également un moyen simple, qui concerne les verbes subjectifs. Puisque le rendement global de la forme factitive est d’augmenter d'une unité le nombre des actants, il suffit @ajouter un actant & un verbe subjectif, en Je dotant d’un complément objet qu'il ne comporte normalement pas, pour laffecter de la méme valeur. Ainsi dans I! monte la valise au premier étage, le verbe “monter”, qui est un verbe subjectif, intransitif, regoit cependant un complément dobjet direct : “la valise”. Cette opération dissimule une transformation factitive, que l'on pourrait gloser par If fait en sorte que la valise monte au grenier. Cette opération ne se voit plus perce qu'elle est entigrement et depuis longtemps lexicalisée, mais on peut encore la percevoir dans des constructions comme Le soleil brunit ta peat, & cause de V’équivalence avee Le soleil fait brunir ta peau ou La peau brunit au soleil. La peau est brunie par le soleit. On y lit donc, quelles que soient les fonctions appa- 25 rentes des termes désignant les actants : un agent causatif : le soleil ; un agent effectif : fa peau. Brunt est bien un verbe subjectif, exceptionnelle- ‘ment utilisable transitivement, ce qui le transforme en factitif. 6.4 Les transformations multiples I est également possible de combiner entre elles plusieurs des options que nous venons de décrire, ce qui permet de disposer les actants de mani®re renouvelée. Dans Eile s’évanouit, il n'y a qu’un seul actant que l'on nomme alors le sidge du proces ; mais dans 1! [a fait s’évanouir, il y en a deux, agent causatif ilet le sibge fa. Dans Une idée me revient, comme dans I! me revient une idée, il n'y a qu'un seul actant, mais qui occupe deux positions différentes, tant6t sujet, lant6t terme complétif. De Des projets sont congus & Ces projets se congoivent et a Il se congoit beaucoup de projets, le méme actant est tantét sujet de la voix Passive, tant6t sujet de la forme pronominale lexicalisée, tantét terme compleétit. Le verte Retirer, objectif, a deux actants dans II retire de argent dla banque ; ‘1 en perd un si l'on passe & la forme pronominale récessive : Liargent se retire au guichet ou Il se retire beaucoup d'argent & ce guichet ; mais le verbe acquiert un actant supplémentaire si on le met 3 la forme factitive : I fait retirer son argent par quelqu'un. On notera donc I'infinie richesse des combinaisons possibles autour du verbe dans l'agencement des compléments essenticls, du sujet et des complémeats d'agent et d’ attribution. C’est dans cette organisation de la diathése verbale que se forme la structure de la proposition. 26 LE VERBE Nous venons de voir quel rdle essentiel le verbe était amené a jouer dans la logique de la proposition of il sert de copule et de prédicat, ainsi que dans la structure syntaxique elle-méme puisque c'est Iui qui commande le nombre et Ia disposition des actants. Reste & examiner le verbe en Iui- méme, avec ses formes et la somme des fonctions qu’il assume ; sa grande caractéristique exclusive est, en effet, de porter les marques du temps. est sans doute la raison pour laquelle Iz mot “temps” est utilisé pour nommer et classer les formes du verbe, que l'on a parfois proposé de nommer plutst des “tiroirs verbaux”, tant les dénominations usuelles des “temps” sont source de méprise et de confusion. Il conviendra done de ne regarder les dénominations apprises que comme autant de termes simple- ment conventionnels, mais sans valeur signifiante, 1, Les FORMES On se reportera aux tableaux de conjugaison du volume d’ Exercices et complémenis. Le classement, tel qu’il est congu, groupe sous le nom de mode des réalités hétéroclites ; il faut en réalité opposer les formes que sont le parti- cipe et I'infinitif (et on entend par 1a que ces formes se situent aux fron- tigres de la catégorie du verbe, au moment oii elle est mitoyenne, de la catégorie de I’adjectif, pour le participe, et de la catégorie du nom, pour Pinfinitif : le participe est donc la forme adjective du verbe, comme l'infi- nitif en est la forme nominale) aux modes véritables ; encore faut-il bien comprendre que les modes sont disposés en opposition binaire entre le 21 2 | serere degré 260 du mode qu'est lindicatif et les modes proprement dits que sont done Ie subjonctif, le conditionnel et l'impératit. FORMES adjective nominale verbales Participe Infinitit autres formes MODES non modal ‘modal “| Indicatit Subjonetit| Conditionne! Impératit | Remarque : Aux formes banales de la conjugaison viennent s'ajouter, dans tous les champs que nous venons de délimiter, des périphrases verbales, zoncues selon le modéle défini précédemment (semi-auxiliaire + inti et qui forment des variantes lexicales de toutes les fonetions du ver ; Le premier enseignement de cette répartition est qu'une forme du verbe ne peut avoir de fonction que dans I’aire qui lui est propre. Le second est que les formes sont spécialisées respectivement dans un ty] de fonction dont il nous faut préalablement comprendse le mécanisme ot la nécessité “° 2. LES FONCTIONS La spécifcité du verbe, par rapport & toutes les autes classes d’unité inguistiques, est son aptitude & marquer le temps ; mais il faut bien voir } {que nous rous faisons du temps une double représentation : it que nous ’appréhendions comme un point situé sur une échelle et par rapport & un repére c’est le temps mesuré, celui du mot “temps” dans la locution En ce temps-Id ; = soit que nous le saisissions dans son déroulement, en flux, comme dans expression 1! lui a fallu du temps, beaucoup de temps. 28 savene | 2 A la premitre définition du temps correspond le concept linguistique du temps proprement dit ; 2 la seconde, aspect. Or, le systeme Finguis- tique frangais a tendance a dissimuler I'aspect sous Ie temps, ou plus. exactement, les descriptions que l'on donne ordinairement du verbe obli- tarent aspect par le temps et Ie reléguent, lorsqu’elles veulent bien en tenir compte, dans des catégories purement sémantiques. Nous tenterons au contraire de voir la parité et les échanges qui se sont établis entre les deux fonctions, temporelle et aspectuelle, Reste le mode, dont nous avons déja parlé ; il est peut-étre temps de le détinir. Selon une vielle conception scolastique, dans tout énoneé, se combinent le dictum (ce que Von dit, l'information que l'on donne) et le modus (les intentions dans lesquelles on dit cela, Faction que I'on veut exercer sure destinataire, ce que l'on veut obtenir). Ladifficulté de définition du modus tient 2 ce qu'il est double, soit qu'il traduise iruption de la subjectivité sujet parlant, soit qu'il marque phutdt fa rationalité de la démarche et recouvre une opération logique ; comme on le voit, le modus releve aussi bien de l'afectivité que de ls logique. De 1, par exemple, l'ambivalence du subjonctif qui apparait aussi bien dans Je désire ardemment qu'il vienne {alfectif) que dans Je Iai fit afin qu’llvienne (logique). Or le modus transparait dans le dictum, sous la forme de modalités qui affectent spécialement la phrase d’une pari, et le verbe de autre. Leur marquage dans le verbe se fait par le mode. Remarque : Ces fonctions peuvent également étre exercées par des péri- phrases verbales ; aussi existe-t-il des périphrases temporelles (Hl va venir), aspectuelles (II se mit & chanter) et modales (I! peut venir. Il doit venir). Ces demniéres, étant évidemment les plus nombreuses et les plus fréquentes, ont valu aux semi-auxiliaires modaux le nom concurrent d'auxiliaires de mode, Le point important dans Ia définition du fonctionnement verbal est que les trois fonctions du verbe que nous venons de définir sont réparties dans 29 ‘ans chevauchement ni redondance, comme le veut une jon en sysitme : ~ pour I’exercice de la fonction temporelle, il faut nécessairement que le proces soit immobilisé, afin que son repérage sur un axe de la chrono- logie soit possible : il ne peut done étre saisi dans son déroulement ; expression du temps exclut alors celle de la durée. Cette indifférence la durée signifie que le proces est désigné comme circonscrit par un commencement et une fin, et qu'il est pergu globalement. Son immobili sation, qui est indifférence A sa durée interne et qui note done le degré zéro de aspect, s’appelle l'aspeet perfectif. Cet aspect est porté par les formes de lindicatif nommées passé simple et futur simple : ~ pour activer le fonetionnement aspectuel, il faut en revanche que soit pris =n compte le déroulement interne du proces : cette activation est le fait de l'aspect imperfectif, qui est le propre de l'imparfait et du conditionnel présent, Mais on aura bien compris que du coup ces formes verbales sont dans I’ineapacité de marquer autre chose que "aspect : elles he peuvent marquer que tres difficilement le temps au sens n°1, le temps comme chronologie, qui n’appartient qu’au seul aspect perfectif ; L’epposition fondamentale est done celle de I'aspect perfectif par lequel le proves est pergu comme un tout circonscrit quelle que soit sa durée interne et de Faspect imperfectif par lequel Ie proces est saisi dans son déroule- ment et sa durée, ~ comme nous l'avons déjt vu, la fonction modale est exereée en propre par le subjonctif, le conditionnel et Pimpératif. Ce qui signifie que es formes sont également incapables d’assurer les fonctions temporelles et aspectuelles, Or, on peut remarquer que Je conditionnel figure aussi bien dans les formes de I’aspect imperfectif que dans les formes modales ; c'est 1d une de ces ramifications complexes du systme qui en ternissent a limpidité et dont nous aurons a rendre compte. On pevt également remarquer que l"impératif, défectif dans sa conjue gaison, est réservé Ala communication orale et au discours direct ; il n'a done pas la méme extension ni la méme importance que le reste du systéme décrit ici. 30 3, LES FORMES COMPOSEES Nous n'avons nommé jusqu’ici que les temps simples du verbe. On sait que chacun deux est doublé par un temps composé de la forme : auxi liaire (@tre ou avoir) + participe passé. La désignation de ces temps ccomposés n’étant pas absolument paralléle dans les divers “modes” de la conjugaison, on se reportera, pour leur nomenclature, au volume d’Exer- cices et compléments. pee On peut également signaler existence de formes surcomposées, qu'il nest pas nécessaire inclure formellement dans le tableau de a conjugai- son puisque leur création reste libre ; telles sont par exemple, celles des temps composés de la voix passive : Ila été appelé a d’autres fonctions. Les formes composées, quelles qu’elles soient, sont porteuses d'une valeur aspectuelle particuligre : l'aspect aecompli, et s’opposent done & toutes les formes simples, qui marquent l’aspect non accompli. Contraire- ment aux lois d’incompatibilité fonctionnelle que nous avons posées, aspect accompli est compatible avec les fonctions temporelles et avec les fonctions modales ; sculement il va se combiner et &tre capté par le fonetionnement tempore et par le fonctionrement modal. C'est ainsi que le passé composé qui est la forme d'accompli du présent de Vindicatif va se trouver absorbé par Ia fonction temporelle de son non accompli et servir, dans notre usage actuel, & exprimer 'antérieur du présent, c’est-i- dire le passé. (Ainsi dans I! est venu la semaine demnidre et m'a parlé de cela, équivalent de I! vint la semaine demniére et me parla de cela.) Ou encore, le subjonctif plus-que-parfait, accompli du subjonctif impar- fait, pris dans le fonctionnement modal de ce demier, deviendra porteur des fonctions modales dirréel du passé : Sil arrivait qu’il fit beau et qu’on Vette prévu, nous partions a la campagne. Nous pouvons maintenant tenter de décrire chacune des fonctions exer- cées par le verbe. 2 Le verbe 4, LA FONCTION TEMPORELLE Rappel : cette fonction est spécifique de l'indicatif, non aspectuel et non modal ; elle est portée par le passé simple et le futur simple, ainsi que les formes composées qui leur correspondent : le passé antérieur et le futur antérieur. Pour exprimer le temps au sens oi! nous l’entendons, c'est-d-dire la chronologic, le systéme linguistique prockde de maniére rudimentaire par rapport & un repere donné, il est capable de situer un proc’s dans Pavan; Ie concomitant ou apres : I'antériorité sera donnée par le passé simple, V'ultériorité par le futur simple, Crest 18 un fonctionnement sans équivoque possible, mais aussi sans raffinement. On peut le schématiser par un axe, sur lequel 0 (zéro) marque le point de repére : ——_n. Passé simple Toute Ia difficulté, on le voit, est dans le choix du point de repre 0 : celui-ci ne peut pas étre défini linguistiquement, puisqu’il doit étre absolu, On va done se servir de I'acte méme de communication et le point de repére 0, ou présent, sera défini comme I’actualité du locuteur : le présent est le moment oi je parle. On voit combien les fondements du systéme linguistique s"appuient sur Ja pratique orale, seule vraie base de la langue. La langue écrite n'est jamais qu'un moyen conservatoire second, II n’en reste pas moins que la définition du présent écrit devient relativement compliquée ; c'est jouer sur les mots que de dire que le présent serait alors “I'actualité de I’écri- ture”, On peut surtout constater que le présent est toujours la marque évidente et obligatoire dun discours direct plus ou moins dissimulé, done tune évocation de l'oralité du fonctionnement. Il dé&oule de cette situation les contraintes suivantes 32 + Pour le présent : — Tout présent postule une énonciation et Ia présence occulte ou expli- cite d’un locuteur, ~ Le présent correspondant au moment de cette énonciation a vocation particuligre & exprimer le performatif. On nomme ainsi la coincidence entre le dire et le dit, les cas oit Paction exprimée par le verbe consiste précisément a dire ce verbe, Ainsi en disant Je le jure, j'effectue juste- ‘ment un serment ; le présent ne fait que doubler cette valeur performative = Mais on sait aussi que, loin de ne pouvoir marquer que cette coinci- dence entre action et la parole, le présent s’accommode fort bien d'une certaine indétermination temporelle qui accepte autour du moment de la parole un certain halo d’approximation ; aussi le présent peut-il exprimer Te passé récent (Il arrive a U'instant) ou le futur proche (If arrive dans wn instant) — Le présent n’ayant Ini-méme aucun repere linguistique se trouve ¢tre hors du temps mesuré : il est proprement atemporel, c’est-2-dire, en bonne linguistique, omnitemporel, capable de s'appliquer n’importe quelle époque. Les interminables considérations des grammaires qui essaient de rendre compte des diverses temporalités du présent, ne font que gloser le contenu des contextes des exemples proposés ; ainsi on dit que L’homme est un foup pour Vhomme est un présent gnomique ou de vérité générale ; que Pierre est grand est un présent de caractérisation ; gue La terre rourne est un présent de vérité éternelle, Mais le présent lui-méme ne dit rien de cela et, en fait, c’est notre expérience que nous transposons. Tous ces présents se prétent & toutes les manipulations temporelles, parce qu’ils sont atemporels. — Le fait que la m&me forme de présent de Pindicatif puisse alternati- vement étre regardée comme un présent actuel ou comme un présent ‘atemporel est tout & fait significatif de l'ambition d’une bonne partie de la liuérature a valoir circonstanciellement dans un temps donné et éternelle- ment, hors des contingences temporelles. En disant, sans autre marquage temporel, Il fait beaw dans ce pays, je dis aussi bien Mactuel (II fait beau en ce moment) que l’omnitemporel (II y fait toujours beau). 33

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