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Master

Les gestes professionnels enseignants autour de la question de


l'engagement et des obstacles des élèves. Étude de cas entre une
classe ordinaire et une classe spécialisée

BATARDON, Hélène

Abstract

Au travers d’une étude de cas autour de deux contextes institutionnels distincts, une classe
ordinaire primaire (4PH) et une classe intégrée de l’enseignement spécialisé (CLI), ce travail
de mémoire cherche à comprendre dans quelles mesures les gestes professionnels des
enseignantes filmées autour d’une même séquence d’enseignement, permettent ou non
l’engagement des élèves. Une recherche avant tout qualitative et didactique, qui analyse le
découpage des objets enseignés (avec un accent porté sur l’enseignement de l’oral) afin de
saisir les logiques des deux professionnelles, les typologies d’obstacles rencontrées en
classe, de même que les gestes d’intervention investis par les enseignantes pour engager
leurs élèves.

Reference
BATARDON, Hélène. Les gestes professionnels enseignants autour de la question de
l’engagement et des obstacles des élèves. Étude de cas entre une classe ordinaire
et une classe spécialisée. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:155691

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Les gestes professionnels enseignants autour de la question de
l’engagement et des obstacles des élèves. Étude de cas entre une
classe ordinaire et une classe spécialisée

MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPECIALISE


REALISE PAR

Hélène Batardon

SOUS LA DIRECTION DE

Prof. Joaquim Dolz

MEMBRES DU JURY

Carla Silva-Hardmeyer
Diane Boër

SOUTENU LE
Genève, le 10 septembre 2021
RESUME

Au travers d’une étude de cas autour de deux contextes institutionnels distincts, une classe
ordinaire primaire (4PH) et une classe intégrée de l’enseignement spécialisé (CLI), ce
travail de mémoire cherche à comprendre dans quelles mesures les gestes
professionnels des enseignantes filmées autour d’une même séquence
d’enseignement, permettent ou non l’engagement des élèves. Une recherche avant
tout qualitative et didactique, qui analyse le découpage des objets enseignés (avec un
accent porté sur l’enseignement de l’oral) afin de saisir les logiques des deux
professionnelles, les typologies d’obstacles rencontrées en classe, de même que
les gestes d’intervention investis par les enseignantes pour engager leurs élèves.
DECLARATION SUR L’HONNEUR

Genève, le 10 septembre 2021

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte


d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteure de ce texte et atteste
que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est
attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Hélène Batardon
Remerciements

Avant de débuter ce travail de mémoire, je souhaite procéder à quelques remerciements


envers toutes les personnes qui m’ont aidée et soutenue au fil de mon parcours.

A mon directeur de mémoire, Monsieur Joaquim Dolz, un grand Merci pour son précieux
soutien, ses encouragements ainsi que sa disponibilité au fil de la rédaction de ce travail de
recherche. Je le remercie également pour les nombreux échanges enrichissants opérés, de
même que pour son dynamisme quant à son accompagnement.

À Monsieur Marc Surian, de chaleureux remerciements pour son soutien au cours de la


construction de ce mémoire; Merci pour ses précieux conseils bienveillants.

À Mesdames Carla Silva-Hardmeyer et Diane Boër, merci d’avoir accepté de faire partie
du jury de ma recherche; merci pour l’aide et l’intérêt que vous lui portez.

Aux deux enseignantes interviewées et filmées au cours l’étude, un immense Merci pour
leur disponibilité, ainsi que pour les échanges fructueux réalisés, sans lesquels il n’aurait
pas été possible d’aboutir à cette étude.

À Marie-Ange Barthassat, un Merci particulier pour ses lectures attentives, ainsi que pour
la richesse de ses remarques qui ont permis l’amélioration considérable de mon mémoire.

A ma chère meilleure amie, Isabel, Merci pour son soutien et sa fidèle présence depuis
toutes ces années.

A ma famille, mes sœurs et plus particulièrement mes parents sans qui, il n’aurait pas été
possible d’effectuer ce travail de mémoire. MERCI pour leur soutien de chaque instant.
Table des matières
1 Introduction ............................................................................................ 8

2 Cadrage théorique ............................................................................... 12

2.1 L’attention et l’engagement ......................................................... 13

2.2 Obstacles ........................................................................................ 14


2.2.1 Obstacles épistémologiques et didactiques ............................................... 16
2.2.2 Les obstacles au cœur du contexte spécialisé et ordinaire ........................ 18
2.2.3 La motivation ............................................................................................ 18
2.2.4 Le coping .................................................................................................. 19

2.3 L’objet à enseigner ........................................................................ 22


2.3.1 La transposition didactique ....................................................................... 22
2.3.2 Une séquence didactique autour de plusieurs objets................................. 23
2.3.3 L’enseignement de l’oral .......................................................................... 24

2.4 Les gestes professionnels des enseignants ................................... 25


2.4.1 Le geste professionnel............................................................................... 25
2.4.2 Le geste de régulation ............................................................................... 26
2.4.3 Le geste didactique ................................................................................... 32
2.4.4 Le geste non-linguistique associé à l’oral ................................................. 34
2.4.5 Les postures professionnelles ................................................................... 35

2.5 Schémas théoriques ....................................................................... 38

3 Problématique et questions de recherche .......................................... 40

4 Démarche méthodologique .................................................................. 42

4.1 Contexte de la recherche .............................................................. 42


4.1.1 Contextes scolaires des deux classes ........................................................ 43
4.1.2 L’échantillon d’étude ................................................................................ 45
4.1.3 Le choix de la séquence d’enseignement .................................................. 49
4.2 Dispositif de recueil des données.................................................. 50

4.3 Dispositifs d’analyse des données ................................................ 52


4.3.1 Les indicateurs .......................................................................................... 53
4.3.2 Les outils d’analyse................................................................................... 54

5 Présentation et analyses croisées des activités ................................... 55

5.1 L’objet d’enseignement et la planification.................................. 55

5.2 Analyse du découpage des objets d’enseignement ..................... 64


5.2.1 Analyse du découpage des activités scolaires ........................................... 67

5.3 Analyse des obstacles identifiés chez les enseignantes ............... 73


5.3.1 Obstacles chez les élèves de Monia en P 1 .............................................. 761
5.3.2 Obstacles chez les élèves de Olivia en P 1 .............................................. 792
5.3.3 Obstacles chez les élèves de Monia en P 2 ............................................... 82
5.3.4 Obstacles chez les élèves de Olivia en P 2 ............................................... 85

5.4 Gestes d’intervention des enseignantes ....................................... 86


5.4.1 Indicateurs d’analyse ................................................................................ 87
5.4.2 Analyse des gestes des enseignantes en P 1.............................................. 92
5.4.3 Analyse des gestes professionnels en P 2 (et P 3) .................................. 108

6 Discussion des résultats ..................................................................... 119

6.1 Structuration des séquences d’enseignement ........................... 120


6.1.1 La place de l’oral .................................................................................... 120

6.2 La problématique des obstacles ................................................. 122


6.2.1 Les stratégies de coping .......................................................................... 122
6.2.2 Des obstacles aux empêchements didactiques et épistémologiques ....... 124

1
Monia, enseignante d’une classe ordinaire
2
Olivia, enseignante d’une classe spécialisée (CLI)
6.3 Les gestes professionnels et les obstacles................................... 125
6.3.1 Les régulations locales et internes .......................................................... 125
6.3.2 Les régulations pour les obstacles épistémologiques.............................. 126
6.3.3 Postures des enseignantes et des élèves .................................................. 128
6.3.4 Les gestes non - linguistiques ................................................................. 129

6.4 En guise de synthèse … ............................................................... 130


6.4.1 Le découpage des objets d’enseignement ............................................... 130
6.4.2 Les obstacles ........................................................................................... 131
6.4.3 Les gestes d’intervention ........................................................................ 132

6.5 Les limites de la recherche ......................................................... 133

7 Conclusion .......................................................................................... 136

8 Références bibliographiques ............................................................. 138

9 Annexes ............................................................................................... 143


1 Introduction

Un intérêt académique, professionnel et personnel


En tant que future enseignante spécialisée, s’intéresser à la question de l’engagement,
comme moyen permettant de favoriser et de maintenir l’attention des élèves ayant des
besoins particuliers, est un beau défi à relever. L’attention et l’engagement dans une tâche
ne sont-ils pas fondamentaux lors de toute situation d’apprentissage ? Captiver l’élève en
lui donnant l’envie de s’engager n’est-il pas un challenge passionnant pour les enseignants
du spécialisé ? Mais est-il suffisant ?
A quels types d’obstacles les élèves font-ils face au cours de leur scolarité ? Quelles
stratégies enseignantes sont-elles mises en œuvre afin de surmonter les obstacles identifiés?
Autrement dit, comment permettre l’engagement des élèves à partir d’obstacles; comment
attirer leur attention de manière générale et plus spécifiquement autour de l’objet
d’enseignement ?
Les différents stages et remplacements effectués durant la formation ont soulevé de
multiples questions, notamment quant aux moyens pédagogiques et didactiques qui
permettent aux élèves de s’engager plus facilement dans leurs apprentissages. Qu’en est-il
des interventions des enseignants du spécialisé et de l’ordinaire ? Procèdent-ils à des
interventions communes ? Ont-ils des pratiques bien distinctes afin de capter et d’impliquer
leurs élèves ? En d’autres mots, de quelle manière les pratiques enseignantes se déploient-
elles afin d’engager nos élèves ?
Au fil des observations effectuées au sein des établissements genevois, qu’ils soient de
l’ordre de l’ordinaire ou du spécialisé, force est de constater que ces enseignants possèdent
des outils et des techniques pour mobiliser et maintenir l’attention de leurs élèves. Mais de
quelle façon les enseignants relèvent-ils ce challenge ? Quelles interventions ces derniers
mettent-ils en place pour que leurs élèves adoptent des stratégies autorégulatrices et
engageantes ? Possèdent-ils des pratiques pédagogiques et didactiques spécifiques pour
retenir l’attention des élèves sur l’objet du savoir et dans les activités ?
Toutes ces questions ont été le point de départ de notre réflexion, notamment lorsque nous
nous sommes penchés sur l’ouvrage de Dominique Bucheton (2019), dans lequel cette
dernière évoque les différents gestes et postures professionnels que les enseignants

8
mobilisent au cours d’une leçon. La posture du magicien notamment, qui consiste à
démontrer une attitude de comédien, a retenu notre attention étant donné que nous avions
fait l’hypothèse, au regard des différentes expériences, qu’elle faisait partie des
interventions enseignantes les plus pertinentes. Bucheton (2009) se souvient de deux
enseignants et écrivains inspirants, Frank Mc Court et Daniel Pennac, qui ont travaillé dans
des milieux scolaires défavorisés et qui « (…) mettent tous les deux en scène cette
atmosphère décisive pour capter l’attention des élèves, les faire entrer dans l’indicatif
présent de la classe, susciter et maintenir leur engagement affectif, relationnel, et
intellectuel » (p.34). Bucheton (2019) décrit également, à travers eux, le bel équilibre
relationnel enseignant/élève qu’un enseignant doit être capable de maintenir : « (…) cet art
difficile de la gestion des "faces", de la négociation des rôles, des rituels pour
contractualiser les places, les statuts de chacun » (p.86). La classe réunit ainsi un équilibre
entre les pratiques enseignantes, les élèves apprenants et l’objet du savoir à enseigner, qui
bien que ce dernier n’ait pas encore été cité ici, participe pleinement au contexte scolaire.
Le rapport entre les trois pôles : enseignant, élève et savoir, à la fois l’enseignant et la
richesse de ses pratiques professionnelles; l’élève et son attention ainsi que son engagement
au sein de ses apprentissages; et le savoir qui constitue le cœur de la séquence didactique,
nous intéressent tout particulièrement et nous encouragent à creuser davantage autour de
la question des gestes professionnels et de leur impact sur l’engagement des élèves.
Cette recherche autour des gestes enseignants, corrélée à la notion d’engagement et
d’obstacles des élèves suscite plusieurs intérêts.
Tout d’abord, en ce qui concerne le domaine académique, pouvoir être en mesure de relier
les interventions enseignantes au concept d’attention, d’engagement et d’obstacle est une
occasion de pointer différentes interventions et régulations qui permettent l’attention et
l’engagement des élèves. De plus, une forme d’opacité s’est révélée au sein des pratiques
enseignantes du contexte du spécialisé. En effet, si les gestes d’enseignement ont largement
été étudiés dans le milieu ordinaire, par des auteurs tels que Dolz et Schneuwly (2009,
2016), et Bucheton (2019), cela n’a pas été le cas dans l’enseignement spécialisé. Il nous
est apparu alors pertinent d’identifier également les gestes professionnels dans le milieu du
spécialisé, à la lumière des ouvrages des auteurs mentionnés ci-avant mais également à
partir des propositions de Pelgrims (2009). Nous espérons sincèrement que les résultats de

9
cette recherche ne pourront qu’enrichir la dimension académique de la formation des
enseignants.
En ce qui concerne les motivations professionnelles, la volonté de comprendre en quoi les
gestes d’un enseignant permettent de soutenir l’attention de ses élèves où l’engagement est
une plus-value professionnelle non-négligeable. En effet, la mise en évidence d’outils
concrets et pratiques, au travers de cette étude peut contribuer à améliorer la qualité de
notre enseignement.
Capter l’attention des élèves est depuis toujours un vif intérêt personnel. Ayant effectué un
certain nombre de stages et de remplacements au sein d’établissements genevois du
spécialisé comme de l’ordinaire, il a été possible d’identifier différentes modalités de gestes
professionnels; l’idée de consacrer cette recherche à cette thématique est alors apparue
comme une évidence. Pour l’anecdote, la posture du « comédien » ayant été observée chez
l’une des formatrices de terrain, a renforcé notre questionnement à propos des gestes
professionnels et leur impact sur l’engagement des élèves.

Cette recherche poursuit ainsi plusieurs objectifs à partir d’une séquence d’enseignement.
- Un premier objectif du côté de l’objet du savoir, tente de comprendre les logiques
des pratiques enseignantes au travers du découpage des objets enseignés.
- Un deuxième objectif du côté des élèves, cherche à saisir la façon dont ces derniers
s’engagent dans les activités scolaires, dès lors qu’ils sont confrontés à des
obstacles.
- Un troisième objectif a pour but de saisir comment les gestes des enseignants
permettent-ils de surmonter les obstacles rencontrés par les élèves et permettre un
engagement ou non de leur part.
L’étude est structurée en quatre chapitres. Le premier chapitre présente le cadrage
théorique du travail, en distinguant plusieurs analyseurs selon divers points de vue : l’élève,
l’objet du savoir et l’enseignant. Ainsi, des concepts théoriques sont définis, telles les
situations d’apprentissages contenant l’objet du savoir; les obstacles et l’engagement des
élèves; enfin, les pratiques enseignantes et les différents gestes professionnels mobilisés.
Le second chapitre résume la problématique principale, avec les différentes questions de
recherche. Le troisième chapitre se consacre à l’approche méthodologique, intégrant

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l’explicitation des recueils des données, ainsi que le cadre d’analyse et les indicateurs nous
permettant de répondre à nos questions de recherche. Enfin, le quatrième et dernier chapitre
livre l’analyse des données recueillies et tente de répondre aux objectifs de la recherche,
en incluant une conclusion du travail de mémoire. Celle-ci met en évidence les réflexions
effectuées au cours de l’analyse; les limites rencontrées au travers de cette recherche; ainsi
que les perspectives suggérées par l’étude. En outre, des apports corrélés aux dimensions
académiques, professionnelles et personnelles sont abordés.

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2 Cadrage théorique

Quels sont les gestes professionnels qui permettent d’engager l’attention des élèves au
cours des apprentissages ? Pour étudier cette problématique, nous allons sélectionner une
séquence d’enseignement autour de la thématique de la santé mais également en lien avec
l’enseignement de l’oral; puis nous focaliser sur l’observation et l’analyse de deux leçons.
La perspective de cette recherche est de type situationnel étant donné qu’il s’agit d’observer
une situation d’apprentissage, menée par deux enseignantes de contextes institutionnels
distincts, ordinaire et spécialisé, et d’en tirer des informations.

Notre recherche s’appuie sur des concepts de l’ordre de l’attention et de l’engagement des
élèves; aussi plusieurs références théoriques seront évoquées. En particulier, ceux
développés par Pelgrims (2009), en lien avec la motivation et l’engagement des élèves lors
de leur investissement au cœur des activités scolaires, à l’instar par exemple de situations
d’évitement de tâches, telles que les stratégies de coping. La question des obstacles et des
empêchements seront également abordés, étant donné qu’ils mettent en lumière les
difficultés des élèves, rendant par conséquent une meilleure compréhension des
interventions enseignantes. En outre, nous développerons également plus spécifiquement
l’enseignement de l’oral, à partir des approches de Dolz et Schneuwly (2016), en lien avec
les gestes professionnels autour de la question de l’engagement des élèves. Dans cette
recherche, l’enseignement de l’oral va constituer l’un des objets principaux des séquences
d’enseignement observées; par conséquent nous étudions comment il sera décomposé afin
de favoriser l’engagement des élèves. Enfin, la question des interventions enseignantes et
des micro-gestes professionnels seront identifiés, dans le but d’aider à comprendre
comment ceux-ci s’articulent et de quelle façon il est possible de dépasser les obstacles
rencontrés, afin de permettre l’engagement et l’attention des élèves dans les apprentissages.

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2.1 L’attention et l’engagement

Nombreux auteurs relèvent que l’attention et l’engagement sont au cœur des apprentissages
des élèves. Wehrle (2010) aborde le concept d’attention dans une perspective
phénoménologique et cognitive, en lien avec la notion d’intentionnalité. Autrement dit «
nous ne pouvons en effet être attentif à quelque chose que si ce quelque chose nous est de
quelque façon déjà donné, autrement dit, si ce quelque chose est objectif » (p.148). Pour
qu’il y ait intentionnalité, l’intérêt prend toute son importance en amont. Husserl (2009),
quant à lui, évoque deux degrés d’attention, le « quid » qui fait référence à l’objet sur lequel
on porte notre attention et s’il s’agit d’un processus d’intentionnalité; et le « quod » qui
perçoit l’intensité de cette attention, à savoir une perception subjective propre à l’intérêt
porté sur l’objet. Dans tous les cas, la visée de l’attention est ici portée dans une perspective
plus ou moins de détermination, grâce à laquelle l’individu s’intéresse davantage à quelque
chose. A partir de la Seconde Guerre mondiale, Wehrle (2010) évoque les recherches
effectuées en psychologie empirique autour de la question de l’attention. Dorénavant, il
n’est plus question de porter ce concept vers dans une perspective déterministe, mais
davantage dans un rapport multidimensionnel, en prenant en compte plusieurs facteurs et
notamment la compréhension des situations. En effet « l’attention ne se limite plus à l’objet
isolé, mais s’étend à la compréhension d’une scène » (p.155). Wehrle (op-cit.) détermine
trois facteurs fondamentaux concernant l’attention : d’abord la sélection et l’intégration qui
concerne la visée husserlienne dans laquelle l’individu sélectionne les informations qu’il
juge être intéressantes à ses yeux; puis le contexte qui permet de focaliser son attention sur
l’objet; enfin l’attention vers l’action qui signifie la mobilisation de son corps.
Dans notre recherche, nous portons notre regard sur une dimension orientée davantage vers
la pédagogie que la psychologie cognitive. En effet, notre perspective cherche plus à
identifier la capacité des élèves à engager leur attention en direction de leur enseignante,
ou sur l’objet de l’activité scolaire, qu’à étudier les facultés intrinsèques des élèves à se
concentrer. Notre perspective de recherche est donc située à partir de gestes mobilisés par
les professionnels, afin de comprendre les facteurs contextuels favorisant l’attention et
l’engagement des élèves de l’ordinaire et du spécialisé.
Pelgrims (2020) affirme que capter l’attention et susciter la curiosité des élèves du
spécialisé n’est pas suffisant. Selon cette dernière, il est primordial de mettre en œuvre des

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pratiques pédagogiques et didactiques afin de permettre aux élèves une cristallisation
pertinente des savoirs enseignés. Selon Pelgrims (2009), adopter une approche située
permet l’engagement et la persévérance des élèves quant à leur rôle d’apprenant « les
composantes motivationnelles ne sont pas considérées comme des “ prédispositions” qu’il
serait possible d’infléchir indépendamment de l’apprentissage; elles sont des processus
dynamiques constitutifs de l’activité́ d’apprentissage qui se déploie dans un contexte dont
les caractéristiques infléchissent leur orientation » (p.154). Par conséquent, la motivation
et l’engagement des élèves du spécialisé dans les activités scolaires ne dépend pas de leurs
capacités à trouver motivation et intérêt, mais attribue l’attention et l’engagement aux
enseignants qui, par la mise en œuvre de leurs interventions didactiques et pédagogiques,
permettent l’engagement de leurs élèves.
En conséquence, lors de cette recherche, nous partons de l’hypothèse selon laquelle les
pratiques enseignantes du spécialisé et de l’ordinaire aident les élèves à s’engager et
enclencher des processus d’autorégulation affectifs, cognitifs et motivationnels. En
d’autres termes, l’attention et l’engagement sont pensés ici dans une perspective empirique
étant donné que nous considérons que les stratégies enseignantes offrent une meilleure
compréhension de l’engagement et de l’attention des élèves.

2.2 Obstacles

Notre recherche étudie la notion d’obstacle et d’empêchement pour mieux comprendre


l’activité des élèves et l’origine des difficultés de ceux qui ont des besoins particuliers ou
non, à l’image des stratégies d’évitement de la tâche. L’obstacle concerne à la fois l’élève,
mais également l’enseignant. En effet, l’identification d’obstacle chez l’élève pointe la
difficulté quant à son non-engagement au cours d’une tâche, et suscite la réflexion quant à
une absence motivationnelle. Du côté de l’enseignant, cette entrave permet d’évaluer ses
pratiques professionnelles et de mettre en place des moyens davantage adaptés à leurs
élèves.
Pour mieux comprendre cette notion d’obstacle, Dolz (à paraître) la définit comme « une
entrave sur notre chemin » (p.1). Il ne perçoit pas l’obstacle de façon négative, au contraire,
ce dernier participe positivement à la construction du savoir chez les élèves. Mais alors, en
quoi les difficultés renseignent-elles positivement au sujet de l’activité des élèves ? Comme

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le mentionnent Dolz, Silva-Hardmeyer, Pelgrims (2020), toute activité d’enseignement est
une rencontre avec un nouveau savoir, au cours de laquelle l’élève effectue des
tâtonnements ou des essais, en commettant aussi des erreurs. La confrontation avec ces
ajustements d’essais-erreurs peut produire chez les élèves des obstacles de différents
ordres. Selon Tobola Couchepin (2017) « les erreurs (ou les dysfonctionnements) sont pour
l’enseignant des manifestations tangibles et observables d’obstacles se situant au cœur du
processus de l’apprentissage » (p. 91). Astolfi (1997) précise également que les erreurs
mettent en évidence les difficultés. C’est pourquoi, il est constructif de penser à ces
dernières de manière positive « (…), les obstacles ont une connotation positive puisque,
comme nous l’entendons, une grande variété d'apprentissages sont rendus possibles par la
confrontation à un obstacle épistémologique et par le dépassement de ce dernier »
(Gabathuler et Vuillet, à paraître, p.7). Autrement dit, les obstacles soutiennent les
apprentissages en renseignant les enseignants sur les différentes difficultés et obstacles
rencontrés par les élèves.
L’on peut se demander toutefois comment l’activité enseignante peut être véritablement
influencée par les difficultés rencontrées par les élèves ? Étant donné que les enseignants
élaborent leurs séquences d’enseignement en fonction des besoins des élèves, leurs
interventions dépendent naturellement des obstacles rencontrés par les élèves. Vygotski
(1997) évoque d’ailleurs l’importance de configurer les nouvelles notions à partir des
objets enseignés précédemment. Ainsi, étant donné notre intérêt pour la notion d’obstacle,
il paraît pertinent de la définir de façon plus pointue. D’après Brousseau (1998), il existe
trois catégories d’obstacle qu’il classe de la manière suivante. Tout d’abord, il évoque les
obstacles ontogénétiques caractérisant intrinsèquement l’élève (P.ex. une déficience
visuelle); les obstacles épistémologiques, qui sont en lien avec le sens apporté aux
apprentissages des élèves; les obstacles didactiques se référant aux gestes de l’enseignant
au cours de sa séquence didactique (P.ex. support peu adapté).
Qu’en est-il des pratiques enseignantes qui ne permettent pas un engagement des élèves
dans la tâche? Tobola Couchepin et Vuillet (2017) invoquent la notion d’empêchement.
Alors que le concept d’obstacle, du point de vue didactique, est un perturbateur de l’action
de l’élève « naturel » (P.ex. lors de l’introduction d’un nouveau savoir), les auteurs font
référence à des stratégies enseignantes inappropriées, les empêchements, qui impactent

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l’activité des élèves de manière négative. Par conséquent, le concept d’empêchement est
également intéressant à évoquer, étant donné qu’il se lie aux pratiques et interventions des
enseignants et permet de comprendre davantage les difficultés rencontrées par les élèves,
qui ne sont pas considérées comme « constructives ». Aussi, dans notre travail, les
empêchements didactiques sont corrélés aux difficultés des élèves, pour mieux comprendre
l’impact des pratiques des enseignantes sur l’engagement des élèves. Par ailleurs, nous
nous focalisons davantage sur les deux catégories d’obstacle, celle de l’ordre de
l’épistémologique et de la didactique, afin de permettre une identification qualitative des
pratiques enseignantes sur l’activité d’apprentissage des élèves.

2.2.1 Obstacles épistémologiques et didactiques


L’obstacle épistémologique, situé au cœur du savoir, relève d’un problème en lien avec
l’objet d’enseignement; car l’élève, pour apprendre, se réfère à ses conceptions initiales
sans lesquelles l’activité ne fait aucun sens à ses yeux. Le sens est une notion à prendre en
considération dans notre perspective interactionnelle, car il participe à la définition des
concepts initiaux de l’attention et de l’engagement. Perrenoud (1995) définit cette notion
ainsi « le sens n’advient pas mécaniquement. Il se construit, il n’est pas donné d’avance. Il
se construit à partir d’une culture, d’un ensemble de valeurs et de représentations. Il se
construit en situation, dans une interaction et une relation » (p.162). La notion de
construction est importante et démontre une visée multidimensionnelle par laquelle la mise
en place de conditions pédagogiques et didactiques mènent les élèves vers une intégration
et une appropriation du savoir constructive, puisque les élèves mettent du sens à leurs
apprentissages. A propos de la question du sens à l’école, Maulini (2009) affirme toutefois
que « les élèves ont un rapport subjectif au travail qu’ils doivent faire » (p.2), et que par
conséquent, tous n’apportent pas le même sens lors des diverses tâches proposées, «
lorsqu’ils travaillent à l’école, quels sont les élèves qui ont le sentiment d’être au bagne, et
ceux qui s’émerveillent au contraire de ce qu’ils produisent, eux seuls ou collectivement ?
» (op-cit.). Le rapport au savoir est subjectif et peut finalement se décliner sous différentes
formes, il peut être appréhendé différemment d’un élève à l’autre. Bucheton (2019) évoque
également la perspective épistémologique, qu’elle définit sous un autre terme, celui de
tissage. Ce concept est perçu comme une préoccupation permettant de « mettre en relation

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l’extérieur et l’intérieur de la classe, la tâche en cours avec celle qui précède ou qui suit, la
fin de la leçon avec le début, telle discipline avec telle autre : la trame et la chaîne ! » (p.88).
L’auteure (op-cit.) insiste sur l’importance du tissage, étant donné qu’il permet aux élèves
de « faire le lien entre leur vie, les problèmes concrets de la société, leurs curiosités (…) et
les objets d’enseignement au programme et les tâches qu’ils nécessitent » (pp. 88-89).
Dans une perspective didactique qui est majoritairement la nôtre durant ce travail,
l’obstacle épistémologique se définit à partir de plusieurs catégories d’obstacles que nous
allons mentionner ci-dessous. Tout d’abord, l’obstacle épistémologique cognitif renseigne
les stratégies en lien avec le contenu enseigné, les connaissances, les procédures ou encore
les stratégies. Ensuite, les obstacles épistémologiques didactiques correspondent à des
difficultés rencontrées suite à l’intervention de stratégies enseignantes peu pertinentes, par
exemple une consigne mal formulée ou des tâches peu claires. En outre, les obstacles
épistémologiques linguistiques font référence à une problématique corrélée aux
dimensions grammaticales de la langue (P.ex. au niveau du vocabulaire, ou encore de la
conjugaison). Enfin, les obstacles associés à l’oralité se traduisent pour les élèves par une
difficulté à prendre la parole, une mauvaise prononciation ou encore une intonation trop
faible; nous étudierons plus précisément les gestes liés à l’oralité à partir du schéma
multimodal de Dolz et Schneuwly (2016) étant donné que les objets enseignés au cours de
notre séquence reposent principalement sur l’enseignement de l’oral.
Cette recherche aborde également la notion d’obstacle et d’empêchement didactique
puisque c’est à l’enseignant qu’il appartient de transmettre le savoir, au détour de ses
stratégies enseignantes. Gabathuler et Vuillet (à paraître) définissent cette notion, du côté
du pôle enseignant, comme un processus d’apprentissage pour lequel le dispositif
didactique engagé ne serait pas adapté aux besoins des élèves (P.ex. consigne peu claire,
support matériel peu adapté aux apprentissages ou encore une disposition sociale peu
efficace). En effet l’enseignant, au détour de ses pratiques, permet aux élèves de
s’approprier le savoir. De facto, il est possible de corréler l’obstacle didactique à celui de
l’empêchement, étant donné que nous supposons que les élèves n’ont pas de responsabilités
véritables quant à leurs difficultés; au contraire des enseignants qui, de par leurs pratiques,
impactent plus largement sur les stratégies enseignantes. Par conséquent, lors de l’analyse
nous prenons à la fois appui sur les termes d’obstacles et d’empêchements.

17
2.2.2 Les obstacles au cœur du contexte spécialisé et ordinaire
Selon Pelgrims (2009), les élèves en contexte spécialisé s’engagent moins facilement que
ceux du milieu ordinaire. Ceux-ci semblent avoir plus de difficultés à trouver la motivation
dans leurs apprentissages. Pelgrims (2020) précise que la motivation se caractérise par
différents éléments : la tâche et ses caractéristiques; les compétences cognitives des élèves;
la dimension socio-affective. Le modèle évoqué par cette dernière démontre bien la
dynamique qu’entretiennent ces composantes, ainsi que leur impact sur les processus
d’engagement dans les tâches. Par conséquent, les interventions des enseignants spécialisés
sont fondamentales pour les élèves à besoins particuliers; il s’agit de « pratiques
particulières, non comme l’actualisation d’intentions délibérées des enseignant-e-s, mais
comme des stratégies d’adaptation mises en œuvre et cristallisées en routines au fil des
situations d’actions sous l’effet de contingences institutionnelles très particulières, avec
lesquelles ils doivent composer enseignement et discipline : hétérogénéité scolaire de la
classe, absence de mémoire et de culture commune, prédominance d’une culture d’échec
et d’un contrat social d’aides » (Pelgrims, 2009, p.153). En somme, certains élèves
contournent la tâche en employant des stratégies d’évitement de plusieurs ordres, afin de
maintenir un équilibre émotionnel et affectif : « en réaction, l’élève peut s’adapter par des
stratégies d’évitement des tâches scolaires perçues comme menaçantes pour son statut et
son bien-être (Pelgrims, 2006) et par l’adoption de comportements dits agressifs,
perturbateurs, passifs (Morgan, Farkas, Tufis & Sperling, 2008) » (p.139). Nous constatons
que dans le contexte du spécialisé, les stratégies enseignantes sont bien plus spécifiques
que dans l’ordinaire, pour que les élèves puissent s’engager dans les apprentissages.
Abordons maintenant de manière plus spécifique les obstacles qui surgissent «
habituellement » dans le milieu de l’enseignement spécialisé.

2.2.3 La motivation
Si la motivation participe à l’engagement des élèves pour une activité scolaire, comment
pouvons-nous la définir ? Weiner (1992) explicite la motivation comme un moyen «
d’examiner le choix ou la direction du comportement qu’un individu entreprend, le temps
pris pour l’initier, l’intensité et la persévérance de son comportement, ainsi que les
émotions suscitées avant, pendant et après un épisode comportemental » (p.217). Qui

18
cependant détermine cette motivation ? Est-elle propre aux élèves ou aux enseignants ? En
quoi peut-elle être un empêchement didactique pour les élèves ? Le concept de motivation
est un vaste champ multidimensionnel, que Pelgrims (2020) distingue à partir de différentes
notions : l’intérêt, l’utilité, les buts ciblés, ou encore des variables émotionnelles. Au cœur
de la motivation réside alors un certain nombre d’éléments qui participent à l’engagement
ou à la non-persévérance dans les activités d’apprentissage. Pour les élèves évoluant dans
un contexte spécialisé, Pelgrims (2009) précise que la motivation n’est pas inhérente aux
seuls élèves et que l’on entend souvent parler, à tort, que la faible estime de soi fait obstacle
à l’engagement des élèves. Elle relève aussi que ce faible taux d’engagement est trop
souvent associé à « des symptômes de déficits motivationnels et affectifs qui seraient
inhérents aux élèves »; mais que « ces affirmations n’ont que peu de fondement théorique
et empirique en dehors des contextes d’actions dans lesquels elles sont énoncées » (p.154).
Pelgrims confirme que la motivation n’est pas une prédisposition qu’il faille posséder pour
pouvoir être à même d’être engagé dans une tâche, mais qu’elle dépend de l’activité
d’apprentissage proposée et du contexte, « c’est bien sur les objectifs d’enseignement et
les conditions pédagogiques et didactiques qu’il convient de recentrer l’attention à la fois
des enseignant-e-s et des élèves » (op-cit.). La dynamique motivationnelle se définit par
conséquent en fonction des apprentissages des élèves, à partir des interventions
enseignantes (P.ex. fixer des objectifs scolaires, mobiliser des stratégies de gestion de
classe, rédiger des planifications, des régulations, des étayages, respecter le contrat éducatif
de confiance). Il est à noter que le concept de motivation et ses différentes dimensions n’est
pas pris en considération dans cette recherche étant donné que notre point de vue se penche
prioritairement sur les gestes enseignants; il ne nous a par conséquent pas été possible
d’engager une réflexion complète autour de cette problématique.

2.2.4 Le coping
L’entrée dans les apprentissages peut se faire de manière plus ou moins fluide par les
élèves. Pelgrims (2020) explique qu’il existe deux degrés de mobilisation attentionnelle :
d’une part des actions favorisant un engagement; d’autre part un état de préoccupation
conduisant l’élève à un désengagement. Comme l’expliquent Berger et Büchel (2013),
l’intention d’apprendre va de pair avec une démarche d’autorégulation qui « permet à court

19
terme de favoriser l’acquisition de compétences et de connaissances spécifiques puisque
les élèves présentent de meilleures dispositions pour cela s’ils sont aptes à gérer eux-mêmes
leurs apprentissages » (p.17). Kuhl (2000) explique également que l’autorégulation
notamment émotionnelle, permet d’engager les élèves dans les activités scolaires. Pourtant
pour d’autres il n’en va pas de même, car ils perçoivent la difficulté comme un échec. En
d’autres termes, les élèves peuvent mobiliser leurs différentes ressources de manière
positive au cours de la séquence d’enseignement, afin de désactiver les pensées intrusives;
tout comme ils peuvent engager des stratégies perturbatrices, de plusieurs ordres, ne leur
permettant pas une pleine mobilisation de leurs capacités cognitives. Par conséquent, c’est
la raison pour laquelle certains élèves adoptent des stratégies de coping (Boekaerts, 2002).
Le processus de coping représente « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux,
constamment changeant, mis en œuvre pour gérer des exigences externes et/ou internes
spécifiques qui sont évaluées comme menaçantes ou excédant les ressources de la personne
» (Hazanov, Kaiser & With, 2009, p. 298). D’ailleurs en anglais, le verbe to cope signifie
« faire face, affronter » (op-cit.), il illustre ainsi une notion reliant les élèves à leur entrée
dans des situations d’apprentissage. Autrement dit, l’élève est préoccupé s’il fait recours à
des stratégies de coping dans le but de maintenir un équilibre physique et psychique
(Debbané, 2013). La question du coping est intéressante étant donné qu’elle permet de
comprendre les facteurs explicatifs autorisant ou non l’engagement des élèves. A cet effet,
l’identification de ce type d’obstacle, que représente le coping et ses stratégies d’évitement,
facilite très certainement la compréhension de l’activité d’apprentissage des élèves.
Concrètement, pour gérer ces difficultés, les élèves doivent s’ajuster; cette notion est
d’ailleurs développée par Pelgrims (2009), qui aborde la question de stratégies
d’ajustement afin de comprendre comment les élèves gèrent les difficultés rencontrées,
grâce auxquelles ils mobilisent (pas systématiquement) des comportements plus ou moins
adaptés et répondant aux demandes de leur enseignant.
Ainsi, il existe plusieurs types de stratégies permettant d’observer plus concrètement
l’engagement ou le désengagement des élèves dans leurs activités scolaires. Tout d’abord,
les élèves peuvent faire preuve d’ « ajustement actif en engageant un surplus d’effort et de
vérification » (Pelgrims, 2009, p.142). Cette stratégie demande beaucoup d’énergie aux
élèves, mais certifie à ces derniers de ne pas engager un échec. Ensuite, les élèves peuvent

20
agir par « ajustement interne » (op-cit.), ce qui consiste à traiter l’activité souhaitée de
manière excessive, en l’analysant de façon exagérée, ne permettant plus à l’élève de se
focaliser sur les objectifs de la séquence d’enseignement. Enfin, l’« ajustement par
évitement » (op-cit.) traduit un mal-être chez l’élève, ce qui l’incite à contourner voire
éviter la tâche demandée. Pour mieux comprendre les stratégies d’évitement en lien avec
la notion de coping, celles-ci peuvent se traduire par différents indicateurs observables, qui
illustrent des états de préoccupation. Des signaux existent afin de saisir plus finement ce
mal-être, tels que des ressassements ou encore des pensées négatives et intrusives. Pelgrims
(2020) définit plusieurs indicateurs démontrant chez les élèves une voie de coping de
l’ordre du cognitif :

- L’activité affective négative peut se traduire avec des expressions linguistiques ou


pas, elle illustre un désintérêt pour la tâche, une inquiétude, un ennui, un mal-être,
une colère, ou encore une frustration. Il s’agit par conséquent de pensées
perturbatrices qui empêchent les élèves à l’autorégulation et favorisent par
conséquent un évitement de la tâche.
- L’activité cognitive traduit en partie les composantes des stratégies d’ajustement, à
savoir des stratégies actives qui poussent les élèves à fournir un travail
supplémentaire, afin de répondre aux objectifs des leçons. Les hésitations ou encore
les ressassements participent à l’activité cognitive.
- L’activité sociale caractérise une transformation de la tâche quant à ses principaux
objectifs, au niveau du but, de l’intérêt ou encore de l’utilité de la tâche. Ainsi
détournés par les élèves, les objectifs ne répondent plus aux buts visés par la
séquence d’enseignement. L’activité sociale se compose également de
comportements de copie, de négociation, de demande d’aide ou encore de
procrastination.
- L’activité comportementale illustre des stratégies d’évitement, telles que des
perturbations, des comportements peu adaptés, des remises à l’ordre, de l’attente,
ou encore des activités de substitution.
- La demande d’aide soutenue se traduit pour Pelgrims (2009) comme un mécanisme
observable d’évitement de la tâche et pour lequel, les élèves des classes spécialisées

21
en font largement appel. Pelgrims (2006, 2013) cible toutefois un type d’élève
faisant davantage recours à cette demande d’aide. Il faut savoir que les élèves qui
s’investissent positivement dans les tâches ne demandent que très peu d’aide; à
l’inverse des élèves qui n’auraient pas forcément envie de s’engager dans les
apprentissages, font alors davantage appel à leur enseignant.

2.3 L’objet à enseigner

2.3.1 La transposition didactique


Le cœur d’une séquence d’enseignement est constitué de l’objet du savoir. Comment les
enseignants organisent-ils ce savoir ? La transposition didactique est un élément de réponse
intéressant, étant donné qu’elle mêle le savoir à l’état « brut » à un système complexe de
pratiques pédagogiques et didactiques. Chevallard (1985) modélise le processus de
transposition didactique de la manière suivante :

à objet du savoir à objet à enseigner à objet d’enseignement

L’objet du savoir est le premier maillon du schéma et devient objet d’enseignement au


cours du processus, par le biais des pratiques enseignantes. Pour qu’une activité didactique
puisse être engagée, Schneuwly et Dolz (2009) préconisent la formulation écrite de l’objet
du savoir; ils soulignent en outre qu’il est important pour la mise en œuvre didactique d’une
séquence d’enseignement, que « l’objet du savoir puisse être “élémenté ”3, c’est-à-dire
découpé en éléments plus petits pouvant devenir objets d’étude » (p.21). Ainsi, la
transposition didactique intègre la famille de l’objet de savoir « modifié », qui peut être
découpée, selon Schneuwly et Dolz (op-cit.), de deux manières : les savoirs « savants et
d’expertise » en lien avec le contenu de l’objet enseigné; et les savoirs dépendant du
contexte social dans lequel ils sont intégrés. La mise en œuvre concrète de la modélisation
didactique s’effectue également par les enseignants, en réfléchissant à leur planification en
fonction de deux types de transpositions didactiques : la transposition externe et interne

3
Schneuwly et Dolz (2009) reprennent un terme qu’utilise Lakanal dans son projet de Loi (28 octobre 1975)

22
(Chevallard, 1985). La première concerne le travail autour du discours, du plan d’étude
romand, ou encore des moyens d’enseignement; cette transposition réfléchit ainsi à la
question du rapport au prescrit, ainsi qu’aux attentes institutionnelles. La seconde, la
transposition interne, représente la réflexion entre le chemin de l’objet, qui est prévu d’être
enseigné, à celui qui est mis en œuvre. Autrement dit, cette typologie de transposition
engage une configuration d’interventions et de stratégies enseignantes importantes.
D’ailleurs, comme le formulent Schneuwly et Dolz (op-cit.), un objet d’enseignement doit
être pensé et planifié à partir d’objectifs d’apprentissage, mais également autour de «
contraintes d’avancement dans le temps et de redéfinition continuelle des places » (p.23).
Pour ce faire, l’enseignant doit pouvoir être capable de réfléchir à cet objet d’enseignement
sous deux aspects, tout d’abord dans une logique d’un savoir nouveau; mais également en
fonction des précédents apprentissages, dans le but de faire corréler ces deux temps. Ainsi,
nous sommes convaincus que l’étude plus approfondie du découpage de l’objet
d’enseignement met en évidence les logiques enseignantes quant à leur volonté d’engager
les élèves dans les activités scolaires. Pour ce faire, les synopsis nous aident à comprendre
de quelle façon la transposition didactique de l’objet de savoir en objet d’enseignement est
effectuée.

2.3.2 Une séquence didactique autour de plusieurs objets


Dans le cadre de notre recherche, il est question d’une étude de cas à partir d’une séquence
d’enseignement autour de deux objets de savoir; d’une part des objectifs disciplinaires en
lien avec la thématique de la santé; d’autre part des objectifs en lien avec des contenus
corrélés à l’enseignement de l’oral, comme moyens. En effet, il s’agit d’une séquence
dédiée à l’enseignement de contenus relatifs à la santé; mais l’enseignement de l’oral n’est
pas négligeable étant donné qu’il permet la réalisation de manière verbale ou non-verbale,
des objectifs « prioritaires ».
Avant d’imaginer la séquence d’enseignement, Dolz et Silva-Hardmeyer (2020)
définissent ce que représente une séquence didactique, notamment autour de
l’apprentissage de l’oral, « comme une suite d’activités scolaires organisées de manière
systématique d’une activité langagière dans le cadre d’un projet de classe » (p.3).
Toutefois, les auteurs précisent qu’une séquence didactique peut se décliner de différentes

23
manières, selon les objectifs poursuivis par les enseignants. Ainsi, Dolz et al. (op-cit.)
exposent plusieurs formes de déclinaisons du dispositif de l’enseignement de l’oral. Selon
eux, une séquence d’enseignement de l’oral se décline à partir de l’enseignement d’un
genre oral, mais également en fonction d’autres activités transversales; les séquences
didactiques peuvent porter par exemple sur des discussions collectives à l’oral, ou sur
diverses activités orales, tels qu’ateliers, jeux de rôles, échanges en collectif, mais encore
sur des exercices d’écoute et de compréhension. En outre l’articulation entre l’oral et l’écrit
compose également une séquence sur l’enseignement de l’oral, dans la mesure où le travail
scolaire autour de cette discipline permet ensuite d’assurer le passage à l’écrit. La séquence
d’enseignement élaborée grâce à la transposition didactique des professionnelles de notre
recherche est donc analysée sous le prisme transversal de l’enseignement de l’oral.

2.3.3 L’enseignement de l’oral


Étant donné l’étendue du champ de l’enseignement de l’oral, il est important de revenir
plus spécifiquement sur les différents courants quant à l’enseignement de cette discipline.
Selon Dolz et Schneuwly (2016), l’enseignement de l’oral « ne signifie nullement
apprendre à communiquer avec d’autres, mais apprendre les formes correctes de la langue
qui expriment une pensée claire. C’est la pensée qui est visée à travers la langue » (p.12).
Autrement dit, la communication orale, ainsi que ses codes linguistiques, est au service de
l’art de la pensée et du contenu des idées véhiculées. Le contexte dans lequel une séquence
d’enseignement autour de l’oral s’effectue, est par conséquent crucial, étant donné qu’il
permet d’amener les élèves à développer leurs compétences expressives par le biais de la
langue. Nonnon (2011 et 2016) distingue une autre direction complémentaire dans le
champ de l’enseignement de l’oral : un point de vue transversal qui défend l’idée que l’oral
participe aux différentes activités menées dans la classe. Alors que Dolz et Schneuwly
(2016) prônent un enseignement de l’oral comme un objet d’enseignement
d’apprentissage; pour Dupont (2020), l’enseignement de l’oral est associé à un moyen,
dans la mesure où il est au service d’autres disciplines; c’est pourquoi celui-ci associe
l’enseignement de l’oral au terme « medium ».
Dans la perspective de notre recherche, nous nous appuyons sur l’enseignement de l’oral,
considéré comme un médium, car il est au service des disciplines enseignées, telles que les

24
arts visuels ou encore les sciences sociales et environnementales. Ainsi, nous cherchons à
comprendre en quoi l’enseignement de l’oral, au travers la formulation de consignes
permet, comme Dupont (2020) l’affirme, de « (…) faciliter la communication entre
l’enseignant et les élèves » (p.43). Autrement dit, nous nous concentrons avant tout dans
notre recherche, sur l’étude d’obstacles rencontrés par les élèves, ainsi que sur les gestes
professionnels mobilisés par les deux enseignantes au cours des échanges verbaux.

2.4 Les gestes professionnels des enseignants

2.4.1 Le geste professionnel


Étant donné que nous souhaitons faire le lien entre l’engagement et les mécanismes
d’attention des élèves, l’usage d’autres gestes professionnels spécifiques, tels que les gestes
didactiques ou encore et les postures enseignantes sont pertinents à aborder. Nous
aimerions saisir au travers de ces gestes professionnels, en quoi ceux-ci permettent de
capter et mobiliser l’attention et l’engagement des élèves. Pour cela il est nécessaire de
clarifier le concept de geste professionnel. Schneuwly et Dolz (2009) définissent le geste
professionnel en reprenant le terme de gestus que Brecht (1940-2000) a défini comme « un
ensemble de gestes, de jeux de physionomie et de déclarations faite par une ou plusieurs
personnes à l’adresse d’une ou plusieurs autres » (p.892s.). Selon ces auteurs (2009) le
geste appartient à un « (…) système social complexe de l’activité enseignante qui est régie
par des règles et des codes conventionnels, stabilisés par des pratiques séculaires
constitutives de la culture scolaire » (p.36). Gagnon et Dolz (2018) expliquent que le geste
professionnel a pour fonction « d’informer, animer et évaluer » (p.202) et qu’il met un
accent fort sur la voix et le corps : deux outils impliquant un mouvement et des échanges.
Pour Bucheton (2008) la définition du geste professionnel dans une perspective
épistémologique et heuristique constitue un lien avec le pragmatique, étant donné qu’il
s’adresse à un « autre », « l’apprenant » (p.20 in p.2020). Bucheton (op-cit.) précise que le
geste professionnel « donne à voir, à comprendre, à percevoir, à ressentir, à travailler
quelque chose de l’activité de l’enseignant » (p.202). Schneuwly et Dolz (op-cit.)
perçoivent les gestes professionnels dans une visée didactique, comme « des manières de
dire, de faire et d’être pour assurer la communication d’un savoir au sein d’un dispositif
didactique » (p.202). Sensevy (2001) va même plus loin dans cette perspective didactique,

25
car selon lui, le geste d’enseignement doit être relié à une « stratégie didactique spécifique,
qui actualise le savoir dans la transaction didactique, à travers un jeu du savoir » (p.36).
Plus loin, nous abordons quelques gestes professionnels pour lesquels, lors du traitement
de nos données, nous tentons de les identifier et de les analyser au regard de la
problématique de l’engagement.

2.4.2 Le geste de régulation


Nous cherchons à corréler en quoi l’engagement des élèves est-il influencé par le biais de
divers gestes professionnels, et en quoi sont-ils des stratégies de régulation qui permettent
de dépasser les obstacles rencontrés par les élèves et favoriser leur plein engagement.
Pelgrims (2013) évoque l’importance de réguler les obstacles socio-affectifs, afin de
permettre aux élèves un plus libre engagement dans les tâches. Du point de vue de
Schneuwly et Dolz (2009), réguler est une pratique didactique essentielle dès le moment
où une activité d’enseignement est mise en œuvre. Dans une perspective centrée sur
l’enseignement de l’oral, le langage est un acte de régulation non négligeable. Comme dit
Vygotski (1997) « la pensée et le langage sont la clef pour comprendre la nature de la
conscience humaine » (p.499).
Les régulations observées durant notre recherche seront ainsi d’ordre verbal, mais
également liées à d’autres stratégies d’interventions, tels que : « ressources à disposition,
supports matériels, formes sociales de l’activité » (Dolz, Silva-Hardmeyer, Pelgrims, 2020
p.107). Selon Piaget (1975) la régulation est un acte fondamental pour l’enfant, étant donné
qu’elle contribue « aux(ré)équilibrations des structures cognitives du sujet en cas de
déséquilibre produits par des “perturbations” rencontrées (Mottier Lopez, 2012, p. 10). Dès
qu’il y a déséquilibre ou obstacle dans le contexte scolaire, le sujet doit trouver une
conduite lui permettant de s’acclimater au nouvel environnement. Piaget parle de processus
interne d’autorégulation (op-cit.) qui permettrait, en tant qu’individu, de retrouver soi-
même un équilibre plus stable. La perspective piagétienne est d’ordre cognitive et concerne
l’individu en tant que « processeur d’information » (p.12); l’activité cognitive de l’individu
est par conséquent perçue dans une logique dépendante de processus mentaux.
Au niveau pédagogique, à savoir la perspective sur laquelle nous nous centrons lors de
l’analyse de données, Mottier Lopez (2012) avance l’idée que les régulations permettent

26
l’activité d’apprentissage par le biais de procédures métacognitives. En effet, l’activité
scolaire est influencée par différents mécanismes, catégorisée en 4 composantes selon Allal
(2007): les composantes cognitives, métacognitives, affectives et motivationnelles. Ces
différentes procédures participent au bon fonctionnement des apprentissages des élèves et
sont rendues possible par « les mécanismes de régulations [qui] assurent l’articulation entre
les activités cognitives, affectives et sociales, tout en intervenant au sein de chacune d’entre
elles » (Mottier Lopez, 2012, p.13). A cet effet, Mottier Lopez (2012) relève le geste de
réguler comme un acte de médiation permettant à l’enseignant d’assurer les processus
d’apprentissage des élèves. Allal et Mottier Lopez (2007) définissent la régulation de
l’apprentissage comme « une succession d’opérations visant à fixer un but et orienter
l’action vers celui-ci; contrôler la progression de l’action vers le but; assurer un retour sur
l’action (un feedback, une rétroaction); confirmer ou réorienter la trajectoire de l’action,
et/ou redéfinir le but » (p.8). Pour Allal (1991), les régulations peuvent se traduire de
différentes manières : de façon rétroactive, correspondant « à un retour d’information
(rétroaction) » (Mottier Lopez, 2012, p.26); et des régulations proactives permettant un
contrôle en amont afin d’engager un processus constructif. Mottier Lopez (op-cit.) définit
également les régulations interactives qui ont lieu « à chaud » (p.27) au cours des activités
scolaires des élèves. Tobola Couchepin (2021) distingue deux catégories de geste de
régulation au cours d’une situation d’apprentissage : les régulations externes du dispositif
et les régulations externes interactives. La première catégorie, les régulations externes du
dispositif, ou encore nommée régulations internes par Schneuwly et Dolz (2009), couvrent
l’ensemble des pratiques enseignantes et permettent de soutenir les élèves quant à leurs
mécanismes d’autorégulation de par l’emploi de divers outils tels que « aide-mémoires,
formes sociales de travail et déroulement des activités » (Tobola Couchepin, 2021, p.4).
Les régulations externes interactives, autrement définies comme le geste de l’étayage, ou
par des régulations locales (Schneuwly et Dolz, 2009), sont mobilisées uniquement au
cours d’une leçon par des « explicitations, des sollicitations, des questions ouvertes, des
demandes d’explicitation, des réactions, des feedbacks, des exploitations, des sollicitations
de débats » (op-cit.) elles offrent aux élèves un soutien autorégulatif.

27
Ci-dessous, la figure construite par Tobola Couchepin (2021) résume bien l’ensemble des
régulations présentent au cœur des situations d’enseignement et d’apprentissage :

Fig 1. Tobola Couchepin (2017)

Les deux typologies de régulation (les régulations externes du dispositif et les régulations
externes interactives) mentionnées plus haut ont été décortiquées par Tobola Couchepin et
l’équipe DORE (2017) en trois catégories : les interactions peu élevées; les interactions
pilotées par l’enseignant; les interactions partagées. Le premier type de régulation, à
savoir les interactions peu élevées, représentent le niveau 0,1,2 du schéma (Fig.2) et se
traduisent pas un étayage peu dévolutif, dans la mesure où l’enseignant met en œuvre des
séquences d’enseignement d’entraînement à partir d’activités scolaires peu complexes. Ce
type d’interactions, comme le précise Ouzoulinas (1998), est reconnu pour une productivité
cognitive moindre. Ensuite, les interactions pilotées par l’enseignant, illustrant le niveau 3
et 4, démontre un cours dans lequel l’enseignant parle pendant que ses élèves l’écoutent.
Lors de ce type d’interaction, l’enseignant accompagne peu à peu ses élèves sans leur
laisser une grande marge de manœuvre, ce qui empêche certains d’engager des processus
d’autorégulation. Enfin les interactions partagées, représentant les niveaux 4b et 5, sont
des régulations ouvertes qui invitent les élèves à faire preuve d’autorégulation et à
s’investir, comme lors de séquences didactiques autour du débat. Il existe plusieurs
indicateurs permettant d’observer les régulations interactives de haut niveau. Tobola
Couchepin (2021, p.15) parle de la visibilité du raisonnement de l’élève; de la

28
problématisation des obstacles par les enseignants à partir de discussions et de
questionnements; de l’engagement réflexif des élèves par le biais d’une participation de
tous, permettant ainsi une plus-value collective; de l’autonomie des élèves incitant tout un
chacun à prendre position; de la recherche de dialogue entre pairs, comme Dolz, Rey et
Surian (2004) l’ont décrit à partir d’une démarche argumentative.

Fig 2 : Equipe constituée de plusieurs chercheurs de Suisse romande : J. Dolz,


C. Tobola Couchepin, J.-P. Mabillard, C. Silva Hardmeyer et Y. Vuillet.

Comme nous pouvons l’observer sur le schéma de l’équipe constituée de plusieurs


chercheurs de Suisse romande (2017, Fig 2), les niveaux de régulation sont intéressants à
évoquer, étant donné qu’ils nous renseignent quant à la façon dont les enseignants
mobilisent les régulations, ceci dans une logique impliquant un engagement de la part des
élèves. Dolz et al. (2004) ont d’ailleurs étudié la corrélation entre les régulations et
l’engagement des élèves, et assurent que les élèves stimulés dans leurs réflexions « par la
verbalisation des procédures effectuées s’engagent positivement dans le processus
d’apprentissage » (Tobola Couchepin, 2021, p.13) Dolz et al. (2004) encouragent ainsi les
enseignants à mettre en œuvre des stratégies pour faire réfléchir activement leurs élèves,
en les aidant ainsi à surmonter les obstacles. Tobola Couchepin (op-cit.) évoque encore des
modalités d’interventions se basant sur des outils didactiques tels qu’une liste de

29
vérification, un aide-mémoire ou encore des stratégies pédagogiques visant à évaluer les
productions des élèves. Cette dernière explique que les régulations de haut niveau sont
moins significatives pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage, ce qui par
conséquent soulève un certain nombre de questions au sujet des pratiques mobilisées à
l’égard des élèves ayant des besoins particuliers. Mottier Lopez (2012) se demande si
l’élève est réellement acteur de ses régulations; Couchepin Tobola (op.cit) se questionne
quant à l’étayage effectué. En résumé, plus l’enseignant engage des stratégies régulatrices
avec un guidage, de même que des explications serrées et contrôlées, plus les élèves sont
passifs et ont des difficultés à mobiliser des processus autorégulatifs. Dans l’autre sens, les
élèves s’engagent de plus belle, si les enseignants sollicitent davantage des interactions
pilotées, traduisant une explicitation des consignes qui permettent la réalisation de
l’activité; ou encore mieux, des interactions partagées à partir de régulations ouvertes et
interactives, au moyen d’outils réflexifs agissant sur leur autorégulation. Lors de l’analyse,
nous prenons en considération les différents types d’interactions qui vont permettre de bien
saisir les stratégies enseignantes favorisant l’engagement des élèves, ainsi que les réponses
que les élèves trouvent face aux obstacles.
Afin de mieux saisir le mécanisme de régulation, nous relevons ci-dessous cinq catégories
de régulations enseignantes développées par Tobola Couchepin (2017), qui nous aident à
mieux comprendre les gestes professionnels et le lien entretenu avec les mécanismes
d’obstacle. La validation (ou l’invalidation) est un premier type de régulation,
elle concerne des commentaires positifs ou négatif envers les élèves, en faisant référence à
des renforcements positifs ou négatifs. Ensuite, la reformulation de réponses peut par
exemple se traduire pour l’enseignant par la ré explicitation d’une consigne en s’appuyant
sur les propos de ses élèves. Être capable d’expliciter l’origine du problème est un
troisième type de régulation, permettant de saisir plus précisément l’origine de l’obstacle
rencontré par l’élève. En outre, le questionnement et la dévolution du problème aux élèves
est un acte régulateur qui peut dépasser les difficultés rencontrées par les élèves. Enfin,
permettre la confrontation de points de vue par la mise en œuvre d’un travail collaboratif
(P.ex. un travail de groupe) est une ultime régulation. L’explicitation de ces différentes
pratiques régulatrices permet d’enrichir notre analyse en comprenant plus précisément en
quoi le geste professionnel de réguler facilite l’engagement et l’attention des élèves, et / ou

30
aide ceux-ci à surmonter un obstacle. L’utilisation de vidéos nous offre des situations
concrètes des formes de régulations engagées par les deux enseignantes, et découvrir si les
élèves retrouvent ou non un nouvel équilibre.
En résumé, nous allons observer ce type de régulation :
1) Valider et /ou invalider (reformuler) les propositions et les avis des élèves.
a. Évaluation positive expliquée ou non
b. Évaluation négative expliquée ou non
c. Demander une amélioration de la réponse
d. Correction d’une réponse
e. Développement : création d’une condition stimulante (orientation, réflexion
plus poussée).
2) Expliciter des contenus thématiques et la procédure pour les développer.
3) Fournir des outils.
4) Problématiser et questionner en laissant du temps à l’élève pour qu’il trouve la
solution – Questionner individuellement pour développer la réflexion.
5) Questionner le groupe ou des pairs afin qu’ils puissent développer les contenus en
confrontant les idées – Inciter à des échanges et des reprises de contenus abordés
par les camarades.

Dans la mesure du possible, nous abordons également la question des feedbacks, en


reprenant le modèle de Bayer (1972) d’après Allal et Mottier Lopez (2007. P.50). Selon
Bayer (1972), il existe des réactions de l’ordre de feedbacks et de l’ordre de développement.
Alors que les feedbacks permettent à l’enseignant de réagir face à une réponse, la notion
de développement permet à l’enseignante de mobiliser les élèves dans un contexte de
recherche, au cours duquel il ne s’agit pas de donner directement la bonne réponse mais de
permettre à l’élève de réfléchir en l’orientant de différentes manières. Dans la catégorie des
feedbacks, il en existe plusieurs. De manière plus précise, les feedbacks d’évaluation
correspondent à une évaluation positive ou négative de l’enseignante. Les feedbacks de
structure représentent, quant à eux, des régulations permettant une amélioration de la
réponse par une relance. Les feedbacks de contrôle consistent à vérifier ou à corriger une
réponse, ils sont de l’ordre de la vérification. Enfin, le concept de développement représente

31
un geste de régulation que l’on pourrait mettre en lien avec une transformation des
informations transmises de l’élève à l’enseignant, au moyen par exemple d’une
clarification ou encore d’une orientation.
Après avoir défini l’enseignement de l’oral et ses gestes professionnels de communication
verbale et non verbale, de même que les stratégies autorégulatrices, nous voyons que les
enseignantes mobilisent plusieurs autres gestes d’enseignement, également susceptibles de
répondre à nos questions de recherche.

2.4.3 Le geste didactique


Dans une perspective didactique, le geste prend forme autour du savoir (Schneuwly et
Dolz, 2009), il est perçu non comme un acte répétitif, à savoir le « geste-moteur » (P.ex.
utiliser le tableau noir), mais comme un acte verbal ou non-verbal, porteur de sens, à
condition qu’il soit mis en œuvre dans une situation spécifique. Pensé à partir d’une
approche située, le geste est un moyen permettant la transmission du savoir. Il est par
conséquent centré sur l’objet d’enseignement et porté par l’agir de l’enseignant qui vise à
transmettre un savoir significatif. Autrement dit, comme le soulignent Schneuwly et Dolz
(op-cit.), « Ces gestes, eux-mêmes porteurs de significations, ont comme but de
transformer les significations attribuées par les élèves aux objets et de construire
progressivement de nouvelles significations partagées par la classe, au plus près des
significations sociales de référence » (p.36). Les interventions enseignantes, par le biais
des gestes didactiques autour de la notion d’objet à enseigner, impactent donc l’activité des
élèves; c’est pourquoi il est possible de corréler les gestes didactiques propres aux
enseignants, aux processus attentionnels et motivationnels des élèves, quant à leur
engagement au cœur des situations d’apprentissage. C’est alors au travers de
l’identification et de l’analyse des gestes professionnels mobilisés par les enseignants, au
moyen d’indicateurs observables de l’engagement des élèves au cours d’une séquence
d’enseignement, qu’il est possible de saisir les enjeux en lien avec l’engagement et
l’attention des élèves. Cela reste un défi intéressant à relever.
Pour affiner davantage la question des pratiques didactiques, Schneuwly et Dolz (op-cit.)
mettent en évidence un modèle constitué de quatre gestes didactiques professionnels
fondamentaux. Les pratiques enseignantes mobilisée sont ainsi mises en lumière au cours

32
d’une séquence d’enseignement. Réfléchir à ces différents gestes professionnels permet de
saisir d’une part de quelle manière le découpage de l’objet d’enseignement est effectué; et
d’autre part, en quoi il permet de facto une corrélation entre les stratégies enseignantes et
les mécanismes d’engagement des élèves face aux situations d’apprentissage. Afin de
mieux comprendre les enjeux de ces quatre gestes professionnels didactiques
fondamentaux, nous allons les développer ci-après.
Tout d’abord, la mise en place de dispositif didactique révèle de quelle manière l’objet
d’enseignement est mis en œuvre au cours d’une séquence d’enseignement. De plus, il
incite les enseignants à réfléchir de façon plus opérationnelle aux outils permettant
l’activité scolaire, tels que le matériel, les consignes ou encore les formes sociales de
travail. Ensuite, l’appel à la mémoire didactique permet la liaison temporelle des contenus
d’enseignement au moyen de processus de réactivation du savoir. Ce rappel est
généralement effectué au début des activités scolaires. La régulation considère les
informations permettant de connaître les compétences des élèves, mais également les
ajustements nécessaires à l’opérationnalisation de l’activité scolaire. Il existe d’ailleurs
deux types de régulation : la régulation interne qui permet « d’adapter la séquence aux
capacités d’une classe donnée » (Schneuwly & Bain, 1993, p.220), qui se situe en amont
de la séquence didactique; la régulation locale qui est un échange entre l’enseignant et ses
élèves, et rend possible l’appropriation de l’objet enseigné « notamment en créant un objet
de discours et des manières d’en parler commune à la classe » (op-cit., p.38). Enfin,
institutionnaliser constitue le dernier geste didactique professionnel. Il a pour fonction de
fixer les connaissances enseignées de manière explicite pour qu’elles puissent être source
d’apprentissage et permettre également la création d’une culture commune, à partir
d’échanges effectués de l’extérieur jusqu’à l’intérieur de la classe. Ce geste est pertinent
dès le moment ou l’appel à la mémoire didactique est effectué car, comme le mentionne
Brousseau (1984) « on ne pourrait pas entrer dans de nouvelles situations si on ne
s’accordait pas sur ce qui s’était passé dans les séquences précédentes (p.40).

33
2.4.4 Le geste non-linguistique associé à l’oral
Comme précisé précédemment, l’enseignement de l’oral est pensé ici dans une visée
transversale, à partir de différentes tâches pour lesquelles la communication orale est
fondamentale. Les questions que l’on va se poser sont les suivantes : de quelles façons les
enseignantes communiquent-elles lors d’une séquence d’enseignement ? Mobilisent-elles
uniquement le langage, ou emploient-elles une palette de gestes non verbaux ? Il est
important de préciser que la communication orale n’est pas seulement l’œuvre du parler;
elle est également mobilisée par un ensemble de moyens non-linguistiques. Selon Dolz et
Schneuwly (2016), les enseignants n’emploient pas uniquement des moyens linguistiques,
mais également « des signes de systèmes sémiotiques non langagiers » (p.57). Cette
perspective épistémologique permet de comprendre comment ces gestes professionnels
non-verbaux aident aux interactions avec les élèves. Dolz al. (2020) parlent de mobilisation
de la multimodalité dans une communication mutlicodique incorporée » (p.6). Au sein de
ce système multimodal, il existe d’ailleurs plusieurs moyens non-linguistiques qui nous
informent de gestes professionnels que les enseignants utilisent lorsqu’ils produisent un
enseignement de l’oral. Dolz et al. (2016) les abordent par le biais de différentes catégories.
A cet effet, nous trouvons pertinent de les citer en vue de l’analyse future des gestes
professionnels investis par les enseignants; de manière à corréler les interventions
enseignantes aux phénomènes d’engagement des élèves.

- Les moyens paralinguistiques étudient la voix, la mélodie, les débits et pauses, la


respiration, les rires, les soupirs;
- Les moyens kinésiques regroupent la dimension corporelle : mouvements,
mimiques, échanges de regards;
- La position du locuteur permet de saisir les enjeux liés à l’occupation de l’espace
et les contacts physiques;
- L’aspect extérieur concerne les objets annexes pouvant être intégrés à une
séquence didactique, tels que des habits, des déguisements, une coiffure;
- L’aménagement des lieux traite la question de la disposition spatiale de la classe,
de la décoration, ou encore de l’éclairage (Dolz et al., 2016, p.57).

34
2.4.5 Les postures professionnelles
Pour Bucheton (2019), la notion de gestes professionnels poursuit une perspective
pragmatique. C’est au travers d’un modèle heuristique que le multi agenda, pour lequel le
geste professionnel représente « l’action du maître (…) adressée et inscrite dans des codes
(…) de même que dans une culture un minimum partagée » (p.79), prend en compte la
perspective pédagogique et didactique de façon simultanée. Ainsi, Bucheton (op-cit.), au
travers de son modèle, identifie cinq grandes préoccupations qui permettent l’activité
d’enseignement et d’apprentissage : le pilotage d’une leçon; l’atmosphère; le tissage;
l’étayage; les savoirs visés. Dans notre cadrage théorique, nous faisons le choix de ne pas
nous concentrer spécifiquement sur cette notion de préoccupation, mais davantage sur
l’analyse de gestes « visibles » chez les professionnelles observées, à l’image des postures
enseignantes.
Le concept de posture complète le modèle développé par Bucheton (2019) et illustre
l’activité enseignante en réponse aux besoins de ses élèves. Bucheton (op-cit.) définit la
notion de posture comme un « schème préconstruit du « penser-dire-faire » que le sujet
convoque en réponse à une situation ou à une tâche donnée » (p.98). Ainsi, la posture varie
en fonction de la macro-préoccupation désignée et s’active ensuite de manière singulière,
en s’entremêlant aux autres postures présentes également au cours d’une activité scolaire.
Comme précédemment, nous supposons le concept de posture enseignante comme outil
permettant l’engagement des élèves et /ou le dépassement d’obstacles. Lors de l’analyse
nous prenons appui sur cet outil, afin de comprendre comment ces différents gestes
professionnels sont investis par les enseignantes de notre recherche.
Autrement dit, les phénomènes d’engagement et d’obstacles sont analysés à partir du
découpage des activités scolaires et des obstacles; il s’agit d’étudier plus précisément les
gestes d’enseignement permettant de favoriser l’attention des élèves, à l’image des postures
d’enseignement qui sont étudiées, puisqu’elles interviennent dans le processus
d’enseignement et d’apprentissage. Tentons d’expliciter et catégoriser quelques-unes des
postures existantes (contrôle; contre-étayage; lâcher-prise; sous-étayage;
accompagnement; magicien), afin de mieux les appréhender.

35
- La posture de contrôle, telle une « tour de contrôle » (op-cit., p.100), permet à
l’enseignant d’assurer le pilotage des activités scolaires en garantissant l’engagement
du groupe-classe; par exemple en effectuant des feedbacks collectifs.
- La posture de contre-étayage (ou sur-étayage) consiste quant à elle à faire avancer le
temps didactique de façon plus rapide, en faisant par exemple à la place des élèves. Il
se peut que l’enseignant fasse recours à ce genre posture, de peur de ne pas pouvoir
être capable de répondre à la question posée, ou alors parce qu’il appréhenderait un
temps de silence.
- Alors que la posture précédente divulgue « trop » d’informations, la posture de sous-
étayage laisse plus d’autonomie aux élèves, sans toutefois s’assurer d’avoir adapté
l’activité scolaire aux compétences des élèves.
- Celle du lâcher-prise, veille à ce que les élèves puissent réaliser seuls les activités
scolaires, tout en s’assurant de leur faisabilité; et comme son nom l’indique, celle-ci
marque une absence de contrôle afin de responsabiliser davantage les élèves.
- La posture d’accompagnement, tout comme la précédente, s’assure que l’élève soit en
mesure d’effectuer l’activité. Toutefois, l’enseignant vient ponctuellement apporter une
aide aux élèves sans donner la réponse, mais en les questionnant et en leur proposant
parfois des régulations évaluatives formatives.
- La posture du magicien, autrement appelée celle du « comédien », consiste à introduire
des jeux de rôles ou encore de l’humour lors des séquences d’enseignement pour capter
l’attention des élèves.

Les postures des élèves


Bucheton (2009) définit également six postures d’apprentissage des élèves qui « traduisent
les grandes caractéristiques de l’engagement des élèves dans les tâches » (p.12) : la posture
scolaire; la posture première; la posture ludique et créative; la posture réflexive; la posture
de refus de la tâche; la posture dogmatique. Elles se caractérisent comme des « manières
variées de « penser, agir, dire » devant une tâche scolaire : en interpréter les enjeux, s’y
engager pour la résoudre, y persévérer ou non, en changer ou non » (Bucheton, 2019,
p.107). Dans notre étude, il est important de prendre en compte la perspective élève, étant

36
donné qu’elle nous renseigne sur les différentes variations d’engagement des élèves dans
leurs activités d’apprentissage.
Les postures scolaires, premières et réflexives, désignent une volonté des élèves de
s’engager dans les activités scolaires. Néanmoins, dans la posture scolaire, l’élève cherche
à répondre aux exigences de l’enseignant par n’importe quel moyen; cette posture est vue
d’une part comme positive, étant donné qu’elle traduit un caractère consciencieux et
stratégique. D’autre part, un versant négatif est présent puisque cette posture est perçue
comme « aveugle et conformiste » (op-cit., p.108). La posture première représente certes
une volonté de participer à l’activité, mais de façon très spontanée. L’élève ne va par
conséquent, pas réfléchir trop longtemps avant de se lancer dans l’activité, au risque de
bafouer cette dernière. La posture réflexive cherche quant à elle à répondre aux exigences
de l’enseignant afin de comprendre « les finalités didactiques de la tâche » (p.110) et aboutit
à la création de liens en référence au tissage; elle est considérée comme la posture « centrale
» (op-cit.). Les postures ludiques et créatives ainsi que celles reliées au refus de la tâche
traduisent un non-engagement de la part des élèves; alors que la posture ludique et créative
concerne les élèves qui désirent détourner les consignes mises en place par leur enseignant
(P.ex. le besoin de modifier une partie de la consigne, afin de pouvoir s’engager pleinement
dans la tâche), la posture de refus de la tâche consiste à tenir tête à l’adulte en refusant de
s’engager dans la leçon. Finalement, la posture dogmatique informe l’enseignant que
l’élève en question a déjà reçu toutes les connaissances nécessaires à l’accomplissement
de la tâche et qu’il n’a par conséquent pas besoin de l’aide de l’enseignant.

37
2.5 Schémas théoriques

Nous clôturons ce cadrage théorique en livrant un schéma conceptuel (Fig.4) qui illustre
l’ensemble des analyseurs théoriques participant à notre recherche, en prenant appui sur le
schéma traditionnel du triangle didactique (Fig.3), « constitué par l’enseignant, les élèves
et les objets d’enseignement » (Schneuwly, Dolz, Ronveaux, 2006, p.176).

Fig. 3 Triangle didactique (Dolz, Gagnon, 2018, p.54)

Dans le but de pouvoir répondre à notre question de recherche principale, à savoir : «


Comment dépasser les obstacles rencontrés par les élèves du spécialisé et de l’ordinaire au
moyen de gestes professionnels et ainsi favoriser leur attention », nous retenons trois
catégories d’éléments théoriques principaux, à savoir : l’engagement et l’attention, ainsi
que les obstacles; l’objet d’enseignement; les gestes professionnels.
Nous croisons ensuite nos concepts théoriques aux contextes institutionnels distincts, celui
de l’ordinaire (ou régulier) et celui du spécialisé, de manière à pouvoir comprendre,
comment les enseignantes, respectivement observées, au cours d’une leçon spécifique en
lien avec l’enseignement de l’oral, mobilisent-elles des gestes professionnels particuliers,
permettant l’engagement et l’attention de leurs élèves.

38
Contexte spécialisé Contexte ordinaire

Pratiques enseignantes
(Gestes professionnels)

Enseignante Enseignante
spécialisée ordinaire

Élèves Objet du savoir

Objets enseignés
Engagement / (Enseignement de
Attention des l’oral comme un
élèves moyen - au
(Obstacles, service d’objectifs
attitudes en lien avec la
persévérantes) santé)

Fig. 4. Triangle didactique revisité (2021)

Au cours de l’analyse, nous utilisons différents indicateurs pour nous permettre de répondre
concrètement à notre question de recherche. Les indicateurs du point de vue des élèves sont
notamment les suivants : les élèves, regardent-ils leur enseignante (attention)?
Comprennent-ils ce qui leur est demandé (engagement)? Rencontrent-ils des obstacles
(Obstacles épistémologiques/didactiques)? Procèdent-ils à des stratégies d’évitement
(coping)? Du côté de l’objet d’enseignement de l’oral, les synopsis sont mobilisés de
manière à identifier et analyser la structure des séquences d’enseignement des
enseignantes, nous facilitant ainsi la mise en évidence des différentes interventions. Enfin,
du point de vue de l’enseignant, nous identifions les différents gestes professionnels
(régulations, moyens non-linguistiques, postures professionnelles) ce qui représente un
défi en fonction des éléments relevés autour de l’attention, de l’engagement et des obstacles
rencontrés par les élèves.

39
3 Problématique et questions de recherche

Cette étude vise à comprendre en quoi les gestes professionnels des enseignants de
l’ordinaire et du spécialisé permettent-ils l’engagement et l’attention des élèves lors d’une
séquence d’enseignement. Autrement dit, notre question principale est la suivante :

Comment dépasser les obstacles rencontrés par les élèves du spécialisé et de l’ordinaire
au moyen de gestes professionnels et favoriser ainsi leur engagement ?

Aux regards des différents analyseurs théoriques retenus, nous pouvons découper notre
question de recherche selon trois dimensions.
- La première pointe l’objet d’enseignement et cherche à corréler l’attention et
l’engagement avec le contenu des activités scolaires.
- La seconde fait référence à l’élève; elle étudie plus spécifiquement les formes
d’attention et d’engagement ou de désengagement, ainsi que les obstacles
rencontrés par les élèves des deux classes observées.
- Enfin, la dernière se concentre sur le point de vue enseignant, dans une perspective
axée sur les pratiques d’intervention permettant le dépassement des obstacles
rencontrés par les élèves et favorisant ainsi leur engagement.
Dès lors, nous pouvons dégager ci-après 3 sous-catégories de questions de recherche :
l’objet d’enseignement; les obstacles, et les interventions enseignantes au moyen de gestes
professionnels) pour lesquelles nous tenterons de répondre :

1. Objet d’enseignement

Comment l’objet d’enseignement est-il approprié par les professionnelles ?


Comment l’objet d’enseignement est-il découpé ?
• Quelle est la logique enseignante quant au découpage des activités scolaires de
chacune des professionnelles ?

40
2. Obstacles

Comment les élèves s’engagent-ils dans les activités scolaires ?


• L’objet d’enseignement permet-il l’engagement ou non des élèves ?
• Quels sont les obstacles les plus fréquents chez les élèves des classes
observées?
• Quelles typologies d’obstacles empêchent les élèves de s’engager dans les
activités scolaires ?
• En quoi les obstacles épistémologiques empêchent-ils les élèves de s’engager
dans les apprentissages ?
• En quoi les obstacles didactiques empêchent-ils les élèves de s’engager dans
les apprentissages ?
• En quoi les stratégies d’évitement des activités scolaires empêchent-elles les
élèves de s’engager dans les apprentissages ?
• Quelles postures les élève mobilisent-ils ?

3. Interventions enseignantes

Comment les enseignantes dépassent-elles les obstacles rencontrés par les élèves ?
Comment les gestes professionnels facilitent ou empêchent-ils l’attention et
l’engagement des élèves ?

• De quelle façon le geste de régulation est-il mobilisé par les enseignantes?


• La communication orale est-elle employée par les enseignantes; quels outils
sont-ils investis ?
• Les postures professionnelles sont-elles réinvesties par les enseignantes?

L’angle d’attaque de notre étude se situe dans le registre didactique, puisque c’est autour
d’un objet enseigné, une séquence d’enseignement de l’oral, que les gestes professionnels
seront étudiés, à la fois chez une enseignante spécialisée et chez une enseignante exerçant
dans un contexte ordinaire.

41
4 Démarche méthodologique

4.1 Contexte de la recherche

Il s’agit d’une étude de cas, dont la problématique vise à comprendre dans quelles mesures
les enseignants de l’ordinaire et du spécialisé, autour d’une séquence d’enseignement
commune, emploient-ils certains gestes professionnels afin de susciter l’attention et
l’engagement de leurs élèves.
Notre recherche s’effectue dans un établissement scolaire primaire, dans lequel nous
connaissons déjà certains enseignants pour les avoir remplacés, et dans lequel le contexte
du spécialisé est présent. Pouvoir mettre en parallèle le milieu de l’ordinaire et celui du
spécialisé est l’un de nos objectifs de recherche.
Pour ce faire, nous optons pour des entretiens individuels, de même que pour des
observations directes (films). Aussi, pour le contexte du spécialisé, nous choisissons la
structure de « CLI », à savoir des classes spécialisées intégrées, ces dernières étant «
similaires » aux classes régulières.
Au cours des récréations, nous allons à la rencontre des enseignants, en leur exposant le
projet. Deux enseignantes manifestent alors de l’intérêt à participer à cette étude. C’est la
raison pour laquelle nous fixons rapidement une première rencontre, pour leur expliquer
plus précisément notre recherche, la démarche méthodologique, ainsi que les séquences
d’enseignement présélectionnées. Nous négocions également le planning des prochaines
rencontres, afin d’assurer la mise en œuvre de nos démarches méthodologiques. À la fin
de l’entrevue, les enseignantes s’entendent quant au choix de séquences didactiques
communes, à savoir celle intitulée « En Santé tous ensemble », calquée sur les droits des
enfants à la santé.
A noter que pour le premier entretien (Annexe 1), il se réalise de manière individuelle, au
cours duquel nous questionnons chacune des enseignantes autour de la thématique de la
planification. En effet, nous souhaitons connaître les raisons qui poussent ces dernières à
réaliser cette séquence didactique, tout comme les modifications apportées à la mise en
œuvre concrète de la séquence. Ainsi, nous pouvons observer comment les enseignantes,

42
en fonction de diverses contraintes (P.ex. contraintes institutionnelles, sanitaires, besoins
particuliers des élèves, etc.) modifient leurs activités.
Cette étude se situe dans une visée épistémologique interactionniste socio-discursive, étant
donné qu’elle cherche à mettre en évidence les pratiques enseignantes issues de contextes
institutionnels différents, à partir de la mise en œuvre d’une séquence d’enseignement
commune. Les données recueillies vont dépendre de plusieurs facteurs (P.ex. le moment
de la journée choisi, l’état mental des enseignantes, la dynamique de la classe, les élèves
etc.) et permettre d’expliquer l’engagement et l’attention des élèves lors d’un moment
précis. Comme le définit Bronckart (2006), le mouvement de l’interactionnisme socio-
discursif « préconisait au contraire une réunification des sciences de l’humain, en
considérant que la compréhension du fonctionnement de cet humain impliquait la prise en
compte simultanée de ses dimensions biologique, sociale, culturelle, cognitive, langagière,
affective. etc., (…) » (pp.149-150). Notre étude de cas prend en effet appui sur plusieurs
points de vue, celui de l’élève, de l’enseignant et de l’objet de savoir. En outre, nous la
considérons comme situationnelle étant donné qu’elle observe, à un moment donné, les
pratiques enseignantes, ainsi que leurs impacts sur l’attention et l’engagement des élèves.

4.1.1 Contextes scolaires des deux classes


Étant donné que notre travail porte à la fois sur le milieu du spécialisé et de l’ordinaire,
nous nous devons de présenter brièvement ces deux contextes institutionnels et leurs
structures, de manière à éclairer davantage leurs principaux enjeux.

L’enseignement spécialisé à Genève


L’office médico-pédagogique (OMP) est une structure en charge de l’enseignement
spécialisé à Genève pour des élèves de 4 à 20 ans. Elle fait partie d’une des cinq entités du
Département de l’Instruction Public (DIP).4 Sa principale mission est la suivante :
- L'OMP accomplit ses missions en faveur des enfants et des jeunes présentant
des troubles d'apprentissage, des troubles psychologiques, des défauts de
langage, des affections nerveuses, sensorielles ou motrices. L'Office offre

4
Information tirée de l’organigramme du DIP

43
également une aide dans les cas de polyhandicap, de troubles sensoriels comme
la cécité, ou des troubles complexes comme l'autisme.5

De plus, différentes structures dessinent l’enseignement spécialisé. Il peut s’agir de classes


intégrées (CLI); d’écoles de pédagogie spécialisée (ECPS) et les institutions assimilées;
d’écoles de formation préprofessionnelles (ECFP); d’écoles d'orientation et de formation
pratique (ECOFP); ou encore des enseignants spécialisés ou des éducateurs détachés.6

La structure spécialisée de notre recherche correspond à une classe intégrée (CLI),


répondant aux besoins particuliers des élèves ayant été déclarés « élève à besoins
particuliers »; ces classes font partie des établissements primaires de l’enseignement
ordinaire. Toutefois, chaque élève possède un projet éducatif particulier, pour lequel des
objectifs sont fixés. Dans la mesure du possible, des intégrations peuvent se faire dans le
contexte ordinaire étant donné la politique actuelle qui se veut de plus en plus inclusive.
En outre, notre choix s’effectue envers une CLI étant donné que cette étude vise à mettre
en parallèle les enseignantes et leurs différents gestes professionnels dans des contextes
différents; il nous semble par conséquent pertinent de mettre en parallèle deux contextes
« homologues».

L’enseignement ordinaire à Genève


Le Département de l’Instruction publique permet l’accès gratuit aux écoles à tous les élèves
du canton de Genève. La principale fonction du Département est « de donner aux élèves le
moyen d'acquérir les meilleures connaissances et compétences en vue de leur vie future ».7
Selon la Loi sur l’Instruction publique (LIP, art 4), tous les élèves jusqu’à l’âge de leur
majorité bénéficient d’une scolarité.8 Au niveau de l’enseignement régulier au primaire,
les degrés d’enseignement du DIP comportent un cycle élémentaire et un cycle moyen de
quatre ans chacun.9 Pour notre recherche, nous sélectionnons une classe de 4 PH, située
dans le même établissement que la classe intégrée du spécialisé.

5
Information tirée du site de l’OMP
6
Information tirée du site de l’OMP
7
Information tirée du site du DIP
8
Information tirée de la Loi sur l’Instruction Publique
9
Op-cit 5

44
4.1.2 L’échantillon d’étude
Le choix de l’établissement scolaire de notre recherche fait référence à une école familière,
dans laquelle différents remplacements ont déjà été réalisés. Aucun critère n’a été déposé
à l’égard des enseignants, hormis celui d’être en possession d’un titre d’enseignant
ordinaire, ainsi qu’un diplôme d’enseignant spécialisé. Ainsi, les deux contextes
d’enseignement, comportant à la fois des similitudes et des différences, nous permettent
d’observer et d’analyser des gestes professionnels intéressants.
Nous présentons à présent les deux enseignantes, Monia10 (enseignante ordinaire) et
Olivia11 (enseignante spécialisée) qui ont participé à cette recherche.

L’enseignante ordinaire, Monia


Monia, est une enseignante expérimentée qui travaille depuis vingt ans dans le cycle
élémentaire ordinaire. Actuellement, elle est à la tête d’une classe de 21 élèves de 4PH. Au
niveau de la collaboration, elle travaille étroitement avec une collègue qui a également le
même degré qu’elle. Si elles ne font pas tout ensemble, elles échangent régulièrement, de
façon formelle ou informelle autour d’un café. Elles définissent ainsi les objectifs qu’elles
souhaitent travailler avec leurs élèves, préparent les devoirs et se partagent parfois le
travail. Par exemple quand l’une travaille la géographie, l’autre s’occupe de l’histoire. De
plus, une fois par semaine il y a les Temps de Travail en Commun (TTC), soit le mardi
midi, soit le jeudi soir. Par ailleurs, Monia fait parfois des décloisonnements avec d’autres
classes, mais cette année, à cause de la pandémie, elle n’en a pas eu le droit. Elle précise
aussi qu’en temps normal, elle procède à des décloisonnements uniquement si sa classe est
stable, car elle considère que durant ces dispositifs, elle peut facilement perdre l’attention
et l’engagement de ses élèves.

Les élèves de la classe ordinaire


Les élèves sont pour la plupart âgés de 8 ans. De façon générale, Monia explique que les
élèves de sa classe sont plutôt preneurs, réceptifs et qu’ils sont à l’écoute. Elle décrit
également sa classe comme étant hétérogène, avec plusieurs profils d’élèves ayant pour
certains des difficultés scolaires récurrentes. Au niveau de la spécificité de leurs difficultés,

10
Prénom d’emprunt
11
Prénom d’emprunt

45
plusieurs ont de la peine à entrer dans l’oral, comme dans l’écrit. Par exemple, elle accueille
une élève dysphasique avec des difficultés à s’exprimer à l’oral et à l’écrit, mais qui a
toutefois de grandes compétences et volonté. Pour deux de ses élèves, Monia imagine un
futur en classe spécialisée, car ils ne passent pas leur année scolaire. Pour une autre de ses
élèves, qui n’est ni lectrice, ni dyslexique, le passage en spécialisé est déjà avéré. A noter
que la situation en lien avec la pandémie a poussé Monia à ne pas faire redoubler
systématiquement ces élèves, étant donné qu’ils ne sont pas allés à l’école durant deux
mois. Au sein de sa classe, elle mentionne également des élèves qui ont un lourd passé, à
l’image d’un élève qui a traversé un drame familial, ce qui implique de fréquentes
modifications quant à ses séquences d’enseignement.

Ce que pense Monia


de l’engagement et des gestes professionnels
Pour Monia, un élève attentif la regarde et participe; ou encore pour les élèves plus timides,
elle sait qu’ils sont présents « parce qu’ils sourient quand il faut sourire ». Ils réagissent de
façon cohérente.
Quant aux gestes professionnels, Monia explique que pour stimuler l’engagement et
l’attention de ses élèves, elle doit être présente corporellement parlant. Aussi, dès qu’elle
sent perdre ses élèves, elle utilise des rituels corporels, durant lesquels les élèves peuvent
bouger ou se relaxer. Monia explique en outre avoir mis en place un outil autour de sa voix,
à savoir que dès qu’elle parle un peu plus fort, les élèves doivent être attentifs. Par ailleurs,
Monia explique avoir organisé les bureaux de sa classe en arc de cercle, de façon à englober
l’entièreté de ses élèves et favoriser ainsi leur engagement; de petits bancs sont aussi
installés au cœur de la classe lors des moments de discussions, ou pour la lecture d’une
histoire. Cette enseignante insiste également au niveau de la construction des tâches et sur
la variété des formes de travail social. Par exemple lors des moments magistraux, comme
l’explicitation des consignes, elle se place devant ses élèves, ceux-ci alors l’écoutent. Puis
parfois, elle les fait travailler en petits groupes ou individuellement, pour revenir ensuite
en collectif en fin de leçon. Cette variété organisationnelle de travail permet de mieux
accrocher, selon elle, ses élèves.

46
Pour celles et ceux qui sont le plus en difficultés, Monia s’approche davantage d’eux, de
même qu’elle va aussi ralentir le tempo de sa voix si elle voit un élève froncer les sourcils.
Cela lui arrive aussi de faire reformuler la consigne par d’autres élèves, pour s’assurer
d’une bonne compréhension de son discours. Cette stratégie peut d’ailleurs stimuler
l’ensemble des élèves qui seraient en train de rêvasser; ces derniers peuvent aussi être
sollicités à devoir reformuler pour les autres.

L’enseignante spécialisée, Olivia


Olivia a moins d’années d’expérience professionnelle de terrain dans le milieu de
l’enseignement, ayant obtenu un titre en psychologie avant de devenir enseignante. Elle
enseigne actuellement à 5-7 élèves âgés de 7 à 10 ans, qui ont principalement un retard
scolaire, elle vise avec eux des objectifs de 4PH. Au niveau des options institutionnelles,
l’enseignante de la classe intégrée suit chaque mardi midi les synthèses, durant lesquelles
l’équipe du spécialisé évoque les projets des élèves, ainsi que les situations extraordinaires
vécues. Le responsable thérapeutique est présent durant ce temps d’échange. Le même jour,
l’équipe du spécialisé effectue un Temps de Travail en Commun (TTC) « administratif »,
pour évoquer les sujets autour d’équipe, les projets ou par exemple de futures sorties
scolaires. Le jeudi, des « TTC d’école » rassemblent les enseignants ordinaire et spécialisé
pour parler de la vie de l’école de façon plus générale.

Les élèves de la classe spécialisée


La classe intégrée (CLI) se situe dans un établissement scolaire genevois et réunit 5 à 7
enfants âgés de 7 à 10 ans. Au cours de la semaine, plusieurs intégrations dans le milieu
ordinaire sont effectuées, aussi le nombre d’élèves fluctue au sein de la CLI. Cela arrive
qu’une élève soit intégrée quasi à 100% dans une classe ordinaire, et ne soit alors presque
plus présente au sein de la CLI. En ce qui concerne les difficultés scolaires, et les retards
sur le programme, Olivia désigne des élèves ayant des difficultés en français, en
productions orales et écrites, ainsi qu’en lecture. Par exemple le plus âgé des élèves fut
mutique pendant longtemps, et cela l’a conduit à avoir du retard en français. Il commence
seulement à décrocher en lecture. Pour un autre élève, la discipline du français a provoqué
chez lui un blocage pendant longtemps, contrairement aux mathématiques, pour lesquelles
il ne rencontre aucun problème. Alors que pour cette discipline, la plupart des élèves ont

47
de la peine avec les concepts abstraits. Olivia évoque également des problématiques de
type relationnel, notamment lorsqu’il s’agit de conflits, pour lesquels certains élèves ne
savent pas bien comment gérer la situation, émotionnellement parlant. Ce genre de
difficultés est toutefois généralement ponctuelle. De manière générale, Olivia explique que
ses élèves sont plutôt attentifs, même si parfois certains décrochent ou rêvassent, et qu’il
faut aller les chercher.
Ce que pense Olivia
de l’engagement et des gestes professionnels
Pour Olivia, un élève attentif est un élève qui écoute, qui fait attention à ce que
l’enseignante est en train de dire ou faire. Pour elle, un élève n’a pas besoin de la regarder
pour être concentré. Elle a en effet des élèves qui sont assis n’importe comment et qui, a
priori, n’ont pas l’air attentifs mais qui, au final, sont souvent capables de reformuler les
attentes. Pour elle, un élève concentré est capable d’entendre et de comprendre ce qu’on
est en train de faire.
Afin de capter l’attention de ses élèves, Olivia avoue utiliser davantage de gestes plutôt
que la voix. Lorsqu’elle voit un élève en train de décrocher, elle va l’appeler et lui dire
qu’il doit se réveiller. Si cela ne marche pas, elle fait recours à des outils, tel que ses clés,
ou encore le sifflet de la gym qui, selon elle, est un outil magique. Elle utilise ce dernier,
sous différentes formes d’intensité lorsque ses élèves discutent au retour d’une récréation
par exemple (P.ex. plus elle le fait sonner fort, plus les élèves doivent porter leur attention
sur l’enseignante). Pour Olivia, moduler sa voix est également important; produire
notamment de petits bruits oralement donnant l’indication aux élèves qu’ils doivent se
taire. Pour Olivia, hausser la voix n’est pas un geste permettant de mobiliser l’attention de
ses élèves, car il s’agit davantage d’un moyen pour exprimer parfois sa colère.
Pour les élèves qui sont le plus en difficultés, Olivia peut faire recours à divers gestes. Soit
elle les appelle, s’approche d’eux; pour certains, elle ira les encourager en leur mettant la
main sur l’épaule. Ce dernier geste est interprété par l’enseignante d’une double manière;
d’une part il permet de réconforter l’élève, et d’autre part de ramener son attention vers les
apprentissages. En fonction des modalités spatiales de travail, Olivia différencie aussi ses
gestes. En situation magistrale, elle travaille davantage avec le sifflet ou le son de sa voix;

48
quand il s’agit de petits groupes, elle mobilise davantage des gestes un peu plus subtils,
tels que des claquements de doigts ou une main sur l’épaule.

4.1.3 Le choix de la séquence d’enseignement


Le choix de la séquence d’enseignement en question s’est effectué de manière aléatoire,
pour autant que les deux enseignantes engagées dans le projet s’approprient le même objet.
Par ailleurs, la thématique des droits de l’enfant semble être un objet d’enseignement
suscitant l’intérêt des deux enseignantes. C’est pourquoi, plusieurs planifications autour de
cet objet à enseigner sont proposées aux enseignante ordinaire et spécialisée. A noter que
pour l’ensemble des planifications, la durée des séquences d’enseignement ne dépasse pas
deux périodes, de façon à pouvoir être en mesure d’analyser l’ensemble de la séquence
effectuée.
C’est lors de la première rencontre que les enseignantes se sont concertées afin de
sélectionner la séquence qu’elles envisagent de proposer à leurs élèves. Le choix s’est porté
sur la thématique du droit à la Santé, étant donné que celle-ci s’articule bien avec
l’actualité, en rapport avec la pandémie. L’évocation des jeux vidéo a été de surcroît une
accroche pour les enseignantes interviewées.
Si l’on se penche à présent au cœur des objectifs de la séquence choisie, à savoir « En Santé
tous ensemble », ceux-ci répondent relativement bien aux besoins des élèves du cycle
élémentaire; ils appartiennent à la formation générale, dans l’espace « Santé et Bien-être »
du plan d’études romand, et à la discipline des Arts Visuels, de même qu’à des objectifs
transversaux :
- FG 22 : Agir par rapport à ses besoins fondamentaux en mobilisant les ressources
utiles;
- FG 25 : Reconnaître l’altérité et développer le respect mutuel dans la communauté
scolaire;
- A 21 AV : Représenter une idée, un imaginaire, une émotion en s’appuyant sur les
particularités des différents langages artistiques;
- CT : Collaboration, communication, pensée créatrice, démarche réflexive

49
De manière plus spécifique, les objectifs de cette séquence d’enseignement sont les
suivants :
- Prendre conscience de ses besoins (physiques, psychiques) et de ses propres
possibilités d’action pour favoriser une bonne santé;
- Souligner l’importance des relations (entre pairs, en famille, à l’école) pour le bien-
être de notre santé;
- Développer au sein de la classe des attitudes empathiques et respectueuses des
différences de chacun.

Il est important de préciser qu’au fil de la recherche, les enseignantes vont s’écarter de la
planification initiale en s’adaptant à leur contexte de classe, ainsi qu’aux besoins et aux
difficultés repérées. C’est pourquoi, il a été décidé de laisser le champ libre aux
enseignantes quant à leur volonté de modifier la planification initiale. Par exemple, ces
dernières ont décidé de modifier la séquence prévue en réfléchissant à des aménagements
visant l’entre-deux cycles, celui de l’élémentaire et du cycle moyen.

4.2 Dispositif de recueil des données

Évoquons à présent le dispositif de recueil de données avec deux outils méthodologiques


qui nous permettent de mener à bien cette étude. La démarche méthodologique utilisée
devrait nous amener à répondre concrètement à nos objets de recherche.
Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs, de même que des captations vidéo. A deux
reprises, nous menons des entretiens individuels (un pré-entretien et un post-entretien –
Annexes 1 à 3) en compagnie de chacune des enseignantes engagées dans la recherche.
Chacune d’elle peut échanger en fonction de son contexte, autour des thématiques de
planification, d’attention et des gestes professionnels. Lors de la première rencontre, durant
laquelle les deux enseignantes sont présentes, le projet de l’étude est explicité. Les deux
professionnelles sont informées de la thématique du mémoire, tout comme elles
sélectionnent à deux la séquence qui capte leur intérêt. Nous leur avons en effet proposé
un panel de séquences didactiques autour du thème de l’oral, de manière à les aider à choisir
celle qui leur paraisse être la plus adaptée à leurs élèves, au contexte de la classe, ainsi qu’à
leurs divers intérêts. Le premier entretien individuel, autrement défini comme le pré-

50
entretien (Annexe 1), permet de prendre connaissance des modifications apportées à la
séquence didactique par les enseignantes, en fonction de leur contexte de classe et des
besoins de leurs élèves. Nous échangeons également autour des gestes professionnels que
les enseignantes mobilisent au fil d’une leçon : les gestes didactiques et pédagogiques, ou
encore l’attention des élèves de même que leur engagement. Lors de cet interview effectué
individuellement, les deux professionnelles émettent l’idée, chacune à leur tour, de monter
le projet à deux quant à la mise en œuvre concrète de la séquence d’enseignement. Cette
idée n’est pas refusée, il est toutefois précisé l’importance de noter les modifications en
fonction de leur contexte scolaire, de manière à pouvoir dégager les gestes professionnels
propre à chacune, en référence notamment à leur contexte institutionnel. C’est également
à ce moment-là que Monia évoque l’idée de mêler deux séquences, car elle considère que
la planification initiale du cycle élémentaire ne correspond qu’à moitié au niveau général
de ses élèves. Olivia accepte également d’ajuster sa planification en fonction d’un
chevauchement entre-deux cycles.
Le deuxième entretien individuel, le post-entretien (Annexes 2 et 3) défini par Vermersch
(1994) comme un entretien d’explicitation, concerne l’ultime étape méthodologique. En
effet, comme l’écrit cet auteur, la cognition n’est pas un objet observable. Étant donné que
l’ensemble des gestes prosodiques ainsi que les moyens linguistiques ne nous renseignent
pas complètement au sujet des pratiques professionnelles des enseignantes, nous trouvons
pertinent de mener des entretiens d’explicitation sur le terrain, après avoir filmé dans les
classes, ce qui ajoute une plus-value à l’activité réalisée. Il s’agit donc d’un procédé
métacognitif lors duquel les praticiens et chercheurs réfléchissent à l’activité réalisée
postérieurement. Comme le souligne Balas-Chanel (2002) « (…) quel que soit le but visé,
il s'agit toujours de donner de l'intelligibilité au résultat atteint (la "périphérie" chez Piaget)
en passant par la description de l'action qui l'a provoqué » (p.2).
Nous utilisons ensuite un deuxième outil de recueil des données, à savoir la captation par
vidéo. Plusieurs vidéos sont filmées, après le recueil des données issues du pré-entretien.
Les vidéos sont effectuées sur un laps de temps de deux semaines, une durée définie par
chacune des enseignantes. Nous laissons la caméra au fond de la classe, de manière à éviter
tout biais méthodologique.

51
4.3 Dispositifs d’analyse des données

L’analyse de nos données est réalisée en plusieurs étapes. Tout d’abord, nous découpons
les deux séquences d’enseignement observées, en activités scolaires, afin de saisir la
logique des enseignantes quant à leur façon d’appréhender l’engagement de leurs élèves
dans les apprentissages. Étant donné le découpage différent chez chacune d’elles, nous
décidons d’expliciter la différence dans cette première partie d’analyse. Autrement dit, cela
va nous permettre de répondre à nos premières questions de recherche, à savoir : comment
l’objet d’enseignement est-il découpé? ; et quelle est la logique enseignante derrière le
découpage effectué ?
Puis, en fonction du découpage des activités, nous menons une analyse qualitative autour
des deux séquences d’enseignement, en tentant d’identifier les différents obstacles
rencontrés par les élèves au moment de s’engager dans une tâche ou au cours de celle-ci.
C’est ainsi que nous allons répondre aux autres sous-questions de recherche, à savoir : quel
est le rapport entre l’attention et l’engagement et les activités d’apprentissage? ; et quels
sont les types d’obstacles les plus souvent identifiés ne permettant pas une attention ni un
engagement ?
Enfin, après avoir analysé qualitativement les obstacles des élèves en fonction de l’objet
d’enseignement, il s’agit d’aller pointer les différents gestes professionnels permettant de
surpasser les obstacles rencontrés par les élèves, étant donné que nous souhaitons
comprendre : quels sont les gestes mobilisés au cours des situations d’apprentissage des
élèves ? C’est pourquoi, nous nous attardons sur les interventions des enseignantes visant
à impliquer leurs élèves, en nous focalisant notamment sur les gestes de régulations orales,
étant donné que notre séquence traite de l’enseignement de l’oral, de même que sur les
postures professionnelles. En d’autres termes, répondre à la question quels gestes
enseignants (régulations, postures professionnelles, gestes prosodiques) permettent de
dépasser les obstacles rencontrés par les élèves ? facilite la compréhension des
interventions enseignantes quant à l’engagement des élèves dans les activités scolaires.

52
4.3.1 Les indicateurs
Les indicateurs grâce auxquels nous pouvons répondre à nos questions de recherche sont
principalement les différents obstacles rencontrés par les élèves, ceux étudiés par Dolz,
Silva-Hardmeyer et Pelgrims (2020). L’identification des obstacles nous permet en effet
de comprendre davantage les difficultés rencontrées par les élèves au cours de leurs
apprentissage, afin d’envisager les stratégies enseignantes. Pour ce faire, nous invoquons
trois catégories d’obstacles qui s’entremêlent, par le biais d’une analyse plus approfondie
des données.
Dans un premier temps, nous étudions les obstacles épistémologiques en lien avec la
construction et la compréhension du sens poursuivis par l’objet d’enseignement et tentons
de parvenir, au travers du découpage des activités, à comprendre dans quelle mesure les
difficultés liées au sens concernent la production de l’oral et empêchent les élèves à
s’engager dans les tâches. Nous affinons l’analyse de nos obstacles épistémologiques en
fonction de la nature des difficultés repérées; un obstacle cognitif va concerner la question
d’un contenu en lien avec une thématique, un obstacle linguistique va traiter de la question
de la langue et de ses contenus grammaticaux; un obstacle associé à l’oral va étudier les
composantes de l’oralité.
Dans un deuxième temps, nous nous concentrons sur les obstacles didactiques en lien avec
les empêchements didactiques (P.ex. une consigne pas comprise). Puis nous étudions les
obstacles d’évitement de la tâche, le coping, que les élèves peuvent rencontrer en réponse
à une difficulté autorégulatrice. Les indicateurs qui nous permettent de mesurer les
stratégies d’évitement sont les suivants : comportements perturbateurs; demandes d’aide
conséquentes; désengagement au niveau de l’attention; obstacles socio- affectifs.
L’identification et l’analyse de ces indicateurs mettent en lumière notre cadrage d’analyse
et nous aident à répondre à la question des obstacles des élèves quant à leur engagement.
Enfin, nous développons une dernière partie autour de la question des stratégies
d’enseignement mises en œuvre par les enseignantes afin de dépasser ces difficultés. Nous
imaginons en effet dans quelles mesures les gestes et pratiques enseignantes permettent ou
non l’engagement de leurs élèves dans les situations d’apprentissage. Pour cela, nous
reprenons les différentes catégories d’obstacles nuisant à l’engagement des élèves et nous
les corrélons en fonction des différentes interventions des enseignantes. A cet effet, nous

53
nous basons sur les moments observés lors des vidéos (par le biais d’une sélection
d’extraits de verbatim). Ainsi, nous décrivons et analysons plus en profondeur les différents
gestes professionnels de l’ordre des empêchements; des gestes didactiques; des stratégies
de régulation, des gestes prosodiques ou encore des postures professionnelles à partir
d’événements remarquables. En mettant de ce fait l’accent sur certains épisodes que nous
jugeons intéressants à évoquer, nous pouvons par conséquent mieux comprendre les
logiques des deux enseignantes de la recherche, quant à leurs gestes professionnels, comme
nous l’avons fait pour la description et l’analyse des objets enseignés.

4.3.2 Les outils d’analyse


Une fois les dernières données recueillies, nous sommes en mesure de les traiter et les
analyser. Grâce à des outils pratiques d’analyse, notre recueil d’étude peut prendre forme.
La transcription de deux types d’entretiens audio est un premier outil d’analyse qui permet
d’enrichir les captations vidéo. Le premier type d’entretien révèle des informations plus
pointues quant à la façon dont les enseignantes pensent mettre en œuvre les tâches au sein
des séquences didactiques; il met également en lumière les notions d’attention et
d’engagement, de même que les différents gestes et postures professionnelles que les
enseignantes pensent utiliser lors de leur enseignement. Le second entretien, cette fois-ci
de type explicitation, transmet des informations a posteriori sur la séquence effectuée et
nous renseigne quant aux pratiques pédagogiques et didactiques entreprises par les
enseignantes.
Le second outil d’analyse concerne la transcription des vidéos effectuée grâce au logiciel
Transana. Il permet de saisir la structure d’une leçon en transcrivant à la fois les discours,
tout comme les éléments d’ordre non-linguistique. Les films sont également découpés de
façon systématique, par le biais de synopsis, afin de produire un résumé des tâches
constituant les séquences d’enseignement. Comme le résument Schneuwly et Dolz (2009),
le synopsis « est avant tout un outil méthodologique qui sert à condenser une grande masse
de données en une unité saisissable, de taille appropriée, pour rendre comparable et
analysables des séquences d’enseignement sur un objet délimité » (p.90). Par conséquent
il résume synthétiquement les activités menées dans le but de comprendre comment l’objet
d’enseignement est découpé et réinvesti par les enseignantes afin de mobiliser leurs élèves.

54
5 Présentation et analyses croisées des activités

Ce chapitre présente les données recueillies à partir des observations ainsi que des
entretiens effectués sur le terrain, puis amorce une analyse des informations récoltées. Plus
généralement, il s’agit d’identifier et d’analyser les obstacles ainsi qu’une mise en évidence
des différentes pratiques enseignantes permettant de répondre à nos questions de recherche.
Dans une première partie, nous décrivons les séquences d’enseignement menées par les
deux enseignantes, composées de tâches et d’activités, à partir des vidéos prises sur le
terrain, afin de comprendre la logique d’enseignement de chacune des enseignantes quant
à l’engagement de leurs élèves. Tout comme Dolz et al. (2001) le distinguent, nous
différencions la tâche de l’activité, dans la mesure où nous partons du principe que la tâche
précède l’activité, alors que cette dernière traduit la mise en pratique de cette tâche.
Autrement dit : « Une tâche didactique est constituée d'un ensemble de consignes qui
définissent un but susceptible d'être atteint dans l'activité en classe, ainsi que les conditions
concrètes d'atteinte de ce but et les actions à exécuter » (p.11). La transcription des données
audios des entretiens permet d’enrichir cette première partie, afin de comprendre les enjeux
liés à l’appropriation et au découpage de l’objet à enseigner et l’engagement ou non des
élèves. Une deuxième partie identifie et analyse les différents obstacles empêchant les
élèves de s’engager dans leurs apprentissages. Enfin, une dernière partie tente de lier les
obstacles identifiés et analysés aux interventions enseignantes, de manière à saisir dans
quelles mesures les professionnelles de l’enseignement régulent les apprentissages de leurs
élèves.

5.1 L’objet d’enseignement et la planification

L’objet général d’enseignement des séquences d’enseignement observées repose sur


l’enseignement de l’oral, mais également sur des activités scolaires liées à des contenus
spécifiques autour de la thématique de la santé. A travers ce sujet d’autres compétences
sont visées, notamment pour le regroupement spécialisé : des objectifs en lien avec les
mathématiques et la notion d’espace par la construction de figures géométriques lors de
l’activité créatrice; l’enseignement de l’écrit est investi quant lui par l’enseignante

55
ordinaire. Identifions plus en détails chacune des deux séquences d’enseignement, en
étayant le découpage des activités scolaires de manière plus pointue. A cet effet, nous
tentons de répondre aux questions de recherche suivantes : comment l’objet
d’enseignement est-il approprié et découpé par les enseignantes ? ; et quelle est la logique
enseignante de chacune des professionnelles ?
Les enseignantes choisissent de traiter d’un objet d’enseignement social, autour de la
thématique de la santé, qui répond à plusieurs objectifs spécifiques, dont les principaux
tournent autour de la capacité à reconnaître divers besoins pour être en bonne santé (la
santé physique, psychique, les relations avec les autres). S’ajoute à cela la faculté à
représenter une œuvre artistique autour des éléments identifiés pour être en bonne santé.
Par la même occasion, les objectifs transversaux tels que la collaboration, la
communication, la pensée créatrice, la reconnaissance et le respect de l’autre, ainsi le
développement d’une attitude empathique sont des buts visés par les enseignantes, pour
mettre en œuvre la séquence didactique. En outre, comme chacune des enseignantes
s’approprie cette séquence d’enseignement, il existe quelques différences selon certains
contenus disciplinaires. En effet, alors que l’enseignante ordinaire fait le choix d’enseigner
la production écrite; l’enseignante spécialisée préfère, quant à elle, viser des objectifs
complémentaires à l’activité créatrice, par le biais de contenus mathématiques (géométrie).

L’appropriation de la planification
Il est question maintenant d’évoquer la façon dont les enseignantes s’approprient une
même séquence d’enseignement nommée « En Santé tous ensemble ! La santé, une plante
multicolore dont je prends soin »12 (Annexes 4), autour des droits de l’enfant à la santé.
Les deux enseignantes observées au cours de la recherche mènent une même séquence.
Ensemble, elles décident de collaborer, en dehors des moments d’interviews, afin de
proposer une séquence d’enseignement « identique » à leurs élèves. En effet, pour le bon
déroulement de la recherche, il est important que ces deux enseignantes planifient une
séquence commune de manière à pouvoir mieux comprendre la façon dont ces dernières
s’approprient l’objet d’enseignement. Concernant la structure de la séquence didactique,
ces professionnelles s’inspirent de plusieurs séquences d’enseignement proposées dans le

12
Dossier enseignant, Droits de l’enfant 2020, cycles 1 et 2

56
dossier enseignant, ainsi que de diverses activités autour du thème des droits de l’enfant à
la santé. Ainsi, elles prennent la liberté de mélanger plusieurs séquences, chevauchant
parfois le cycle élémentaire et moyen. L’objectif principal de la séquence est de répondre
à la question : que dois-je faire pour être en bonne santé ? Par conséquent, elles
développent trois groupements d’activités scolaires en lien avec la thématique de la santé.
De manière générale lors du premier entretien, chacune des enseignantes prévoit d’articuler
sa séquence d’enseignement entre 2 à 3 périodes de 45 minutes (P1 - P2 - P3), autour de 3
activités scolaires principales :
- La première activité prévue au cycle 2, est une discussion autour de la thématique
de la santé, qui a pour objectif de répondre aux questions suivantes : « Être en bonne
santé, qu’est-ce que cela veut dire ? De quoi cela dépend-il ? Est-il possible d’être
porteur d’un handicap et de se sentir bien dans sa peau ? Quels sont les éléments à
prendre en compte ? »13(p.4); enfin c’est quoi être en bonne santé ?
- La deuxième activité comporte la lecture orale d’un texte sur la santé : « Ma santé :
une plante multicolore dont je prends soin »14, afin d’évoquer les éléments
principaux pour être en forme physique, psychique et avec les autres. Toutes deux
optent pour une activité créatrice au cycle 1, autour des éléments fondamentaux
permettant une bonne santé.
- La troisième activité fait référence à une activité créatrice autour de la santé et
répond à l’objectif spécifique en Arts visuels : être capable de représenter une idée
en s’appuyant sur le langage artistique. Il est important de relever que cette activité
n’existe pas telle quelle dans la séquence d’enseignement, car ce sont effectivement
les enseignantes qui ont pris la liberté, à partir de la thématique du texte mentionné
ci-dessous, de proposer un bricolage de l’image d’une plante représentant notre
santé.

A partir de la séquence d’enseignement de référence, chacune des enseignantes


s’approprient l’objet à enseigner à sa manière, en fonction des difficultés de ses élèves, du
contexte institutionnel et de ses intérêts. Alors que Meirieu (1996) évoque le concept de
diagnostic a priori, permettant à l’enseignant de baliser à l’avance les tâches

13
Dossier enseignant, Droits de l’enfant 2020, cycle 2
14
Dossier enseignant, Droits de l’enfant 2020, cycle 2

57
d’enseignement, en fonction d’un modèle heuristique; Schneuwly et Dolz (2009)
invoquent quant à eux la notion de mise en place d’un dispositif didactique comme « un
révélateur particulièrement important de l’objet enseigné » (p.37), se traduisant « par le
déploiement d’outils d’enseignement (P.ex. supports matériel, consignes, et modes de
travail » (op-cit.). Dans notre recherche, la notion de planification a priori englobe
davantage la dimension didactique et les efforts portés autour de l’objet d’enseignement
(P.ex. les données temporelles, la formulation de consignes, les formes sociales de travail.),
que les stratégies enseignantes transversales (P.ex. dimension socio-affective).
Dans un premier temps, les modifications apportées par les enseignantes sont décrites de
même que discutées au travers de la transcription de leurs entretiens; dans un second temps,
nous livrons le découpage ainsi qu’une analyse des séquences d’enseignement du point de
vue de l’objet

La planification modifiée par les enseignantes


Lors du premier entretien, les enseignantes planifient dans les grandes lignes leur séquence
d’enseignement ensemble, puis de façon individuelle. Étant donné que nous avons comme
objectif de comprendre la logique de chacune d’elles, quant aux modifications apportées à
la séquence d’enseignement initiale (P.ex. en fonction de leur contexte institutionnel, des
difficultés de leurs élèves ainsi que de leurs besoins); la manière dont ces professionnelles
procèdent pour mettre en œuvre leur planification nous intéresse particulièrement. Ainsi,
lors du premier entretien, ces dernières nous soumettent diverses modifications
d’aménagements, à partir des activités scolaires prévues par la séquence d’enseignement
initiale. Par conséquent, nous décidons de regrouper l’ensemble des décisions prises par
chacune des enseignantes quant au découpage de l’objet à enseigner. Monia et Olivia
prévoient de présenter leur séquence d’enseignement sur trois périodes de 45 minutes.

58
Pour Monia, nous pouvons résumer sa séquence d’enseignement, effectuée sur trois
jours, autour de ces trois parties d’activités scolaires :

Partie 1 (P1)
Partie 2 Partie 3
(P2) (P3)

M-A1 M-A2 M-A3 M-A4 M-A5 M-A6


Introduction du projet; Production orale : Lecture du Production Activité Création livre
// avec les plantes à De quoi les êtres humains texte sur la écrite créatrice
De quoi les plantes ont-elles ont-ils besoin pour être de la santé
besoin pour être en bonne santé ? en bonne santé ?
santé

Planification de la séquence d’enseignement a priori pour Monia


(M-A(x) : représente une activité scolaire)

Pour Olivia, nous pouvons résumer sa séquence d’enseignement, effectuée sur deux jours,
à partir de trois parties d’activités (encadrés) de la manière suivante :

Partie 1 (P1)
Partie 2 Partie 3 (P3)
(P2)

O-A1 O-A2 O-A3 O-A4 O-A5


Introduction du projet Lecture du texte; // Production orale : Activité Production écrite
Discussion autour de avec les plantes Discussion sur la dimension créatrice intégrée à
la santé De quoi les plantes ont-elles plurifactorielle
besoin pour être en bonne santé ?
l’activité créatrice

Planification de la séquence d’enseignement a priori pour Olivia


(O-A(x) : représente une activité scolaire)

Modifications pour Monia


L’enseignante ordinaire Monia souhaite commencer sa séquence d’enseignement autour
d’une première activité, M-A1, à savoir une production orale (brainstorming), afin
d’identifier les conceptions initiales de ses élèves autour de la problématique d’une bonne
santé. Elle explique vouloir leur proposer ensuite une compréhension écrite, puis orale

59
autour du texte sur la santé: « Une plante multicolore dont je prends soin » (M-A3). Elle
préfère enseigner ce texte plutôt que celui provenant de la séquence du cycle élémentaire,
qu’elle trouve un peu trop infantilisant. En effet, Monia explique que ses élèves sont en fin
de 4PH, et que le texte du cycle élémentaire, en fonction de leur niveau, n’est pas assez
pertinent quant aux contenus véhiculés. Autrement dit, il est important pour elle de
proposer des tâches d’enseignement proches de la zone proximale de développement afin
de susciter un engagement de la part de ses élèves. En outre, Monia prévoit de modifier
son texte en l’allégeant à partir d’un document Word, étant donné qu’elle souhaite le faire
lire tout d’abord de façon individuelle; c’est la raison pour laquelle elle décide de supprimer
certains passages du texte. Enfin, Monia trouve intéressant de pouvoir proposer une
production écrite (M-A4) puis une activité créatrice autour de la thématique des
végétaux(M-A5), car elle apprécie la comparaison entre les plantes et les êtres humains,
étant donné qu’en sciences de la nature, elle a déjà proposé une séquence sur ce sujet. Par
ailleurs, au moment du premier entretien, l’enseignante ordinaire Monia ne sait pas encore
comment articuler le bricolage en fin de séquence d’enseignement mais elle est déjà
convaincue que cette activité créatrice mobilise bien les objectifs poursuivis au cours de la
séquence.

Modifications pour Olivia


Lors de la première activité (O-A1) de la séquence d’enseignement, l’enseignante
spécialisée Olivia pense introduire directement le projet par la lecture du texte (O-A2).
Ainsi, à partir de celui-ci, elle va discuter avec ses élèves autour de la santé, en
questionnant : quels besoins ont les plantes pour être en bonne santé ? Par ailleurs, pour la
compréhension orale, Olivia explique vouloir lire oralement à ses élèves le texte, mais ne
désire pas utiliser d’autres documents (hormis le texte), afin de « ne pas les perdre »
(Olivia). Puis, à partir des végétaux, elle envisage d’entreprendre une production orale (O-
A3) autour cette fois-ci des facteurs permettant une bonne santé. A partir de là, elle souhaite
regrouper les éléments suivants : « alimentation, sommeil, écran, différence/handicap, «
moral (santé psy), discrimination ». Elle va noter au tableau noir au fur et à mesure des
éléments de la discussion et ceux soulevés par les élèves. Enfin, lors de O-A4, l’enseignante
spécialisée prévoit de faire un retour sur la précédente activité, puis introduire la dernière

60
activité scolaire de la séquence d’enseignement, à savoir la production créatrice autour de
la fleur de la santé. Elle va demander ensuite à ses élèves de recopier les éléments (O-A5
production écrite) pour être en bonne santé, qui seront inscrits au tableau, au sein de chacun
des pétales de la fleur de la santé.

Analyse des planifications des enseignantes


Nous constatons que la logique des deux enseignantes concernant leur planification est a
priori différente. Au niveau de l’introduction du projet, l’enseignante ordinaire débute en
questionnant ses élèves quant aux besoins des végétaux pour être en bonne santé. Pour
l’enseignante spécialisée, celle-ci va d’abord introduire le projet par une lecture de texte
sur la santé, pour ensuite poser la même demande que Monia au sujet des plantes. Nous
constatons par conséquent, que toutes deux entament leur leçon en abordant la thématique
des plantes. Toutefois, pour Olivia, le texte ne représente pas le même objectif
d’enseignement que pour l’enseignante ordinaire. En effet, pour l’enseignante spécialisée,
il s’agit d’une amorce pour annoncer plus généralement le thème de la nouvelle séquence
didactique. Alors que pour Monia, la lecture du texte, à l’écrit comme à l’oral, permet de
compléter la discussion du début de séquence d’enseignement. Par conséquent, nous nous
questionnons quant à ces deux logiques, par le fait que nous pensons intéressant de pouvoir
accrocher les élèves en début de leçon, par ce lien avec les végétaux, comme nous trouvons
pertinent de prendre appui sur la compréhension du texte, afin d’identifier et de comprendre
d’autres éléments favorisant la bonne santé.
Concernant les activités scolaires de la première partie de la séquence d’enseignement,
celles-ci se traduisent chez Olivia par une production orale, à savoir une discussion de type
questions / réponses entre l’enseignante et ses élèves, autour des éléments favorisant la
bonne santé chez les êtres humains. L’enseignante ordinaire quant à elle fait le choix de
proposer à ses élèves une lecture individuelle, puis collective; elle termine ensuite cette
première partie de séquence d’enseignement par une production écrite des élèves, pour
pouvoir saisir les éléments qu’ils affectionnent particulièrement pour être en bonne santé.
Ainsi, dans la logique de comprendre les intentions des enseignantes quant à
l’appropriation de la planification de la séquence d’enseignement pour engager les élèves,
nous pouvons déjà distinguer deux approches d’enseignement. Monia a l’intention de

61
laisser la production écrite libre, avec la volonté d’engager les élèves dans une activité peu
cadrée et spontanée. Alors qu’Olivia cherche plus à diriger les échanges afin
d’accompagner ses élèves sur la voie des réponses attendues. La marge de liberté des élèves
quant à leur engagement dans cette activité scolaire semble moins grande que pour la classe
ordinaire.
La deuxième catégorie d’activités scolaires, tant pour l’enseignante ordinaire que
spécialisée, fait référence à la production d’une œuvre créatrice. Monia souhaite que ses
élèves effectuent le dessin d’une plante, tout en y plaçant trois fleurs. Concernant le dessin
concret de la plante, l’enseignante laisse le champ libre à ses élèves. Néanmoins elle prévoit
de leur donner des exemples de plantes. L’enseignante spécialisée Olivia prévoit la
production d’une fleur identique pour tous les élèves, que ces derniers feront à l’aide
d’instruments de géométrie. En conséquence, nous pouvons dire que les logiques
d’investissement des activités scolaires diffèrent. D’une part Monia souhaite que les élèves
créent leur plante, tout en imposant l’intégration de trois pétales de fleurs. D’autre part
Olivia propose une activité créatrice identique pour tous les élèves.
La fin de la séquence d’enseignement sur la santé se clôture au cours du deuxième jour de
film pour Olivia. Cette dernière prévoit de lier l’activité créatrice à la production de l’écrit,
celle-ci étant liée à la production de l’oral. Par conséquent nous constatons que chercher à
créer des ponts entres les disciplines permet d’augmenter les chances des élèves quant à la
compréhension des objets enseignés. Pour Monia, la séquence d’enseignement se termine
au troisième jour car l’enseignante ordinaire prévoit un peu plus de temps, étant donné
qu’elle souhaite lier les productions écrites aux bricolages réalisés lors des activités
précédentes. Nous trouvons ainsi intéressant de penser à varier les modalités
d’enseignement afin de capter l’attention des élèves. En effet, vouloir proposer dans un
premier temps une activité en lien avec l’enseignement de l’oral (discussion autour des
éléments de la santé), puis une autre modalité d’enseignement, à savoir l’écrit, favorise
probablement l’engagement des élèves dans les activités scolaires.

62
La planification effectuée par les enseignantes
Après avoir filmé les deux enseignantes dans leur classe, il est possible de décrire plus
précisément la façon dont ces dernières s’approprient l’objet d’enseignement, et comment
finalement elles le mettent en œuvre. La séquence d’enseignement autour du thème de la
santé débute, tant pour l’enseignante ordinaire que pour celle du spécialisé, par
l’introduction du projet. Toutefois, l’accroche se traduit différemment d’une enseignante à
l’autre. Alors que Monia effectue un brainstorming à partir de la question qu’est-ce qu’il
faut pour être en bonne santé; Olivia quant à elle explique à ses élèves qu’ils vont faire
aujourd’hui une discussion qui va porter en partie sur les plantes et sur la santé. Cette
dernière leur lit oralement le texte sur la santé, sans leur demander au préalable leurs
représentations, ce qu’ils pensent être bon de faire pour garder la forme. A l’inverse Monia
regroupe d’abord les idées de ses élèves pour ensuite leur proposer la lecture du même
texte sur la santé, qu’elle leur fait lire d’abord individuellement, puis dans un second temps
de façon collective.
Au niveau de la compréhension orale du texte, Olivia explique à ses élève le contenu du
texte et effectue elle-même le lien entre la santé et celle des végétaux. Monia fait également
ce lien en début de leçon, puis lors de la lecture collective.
En ce qui concerne la dernière activité scolaire de la première partie de la séquence, Monia
propose une production écrite personnelle sur la santé de chacun des élèves; alors qu’Olivia
poursuit la discussion au cours de laquelle elle fait émerger au fur et à mesure les différents
éléments pour être en bonne santé. Cette première partie se termine pour Monia lorsque les
élèves ont fini de faire corriger individuellement leur texte auprès d’elle; alors que pour
Olivia la leçon se clôture à la fin de la discussion, lorsque tous les éléments prévus par
l’enseignante ont été relevés par les élèves
Pour la deuxième et troisième partie de séquence d’enseignement (P2 et P3), Monia
propose une activité créatrice autour de la fabrication d’une plante de la santé alors que les
élèves d’Olivia créent une fleur de la santé. La production écrite en lien avec l’activité des
arts visuels clôture finalement les séquences d’enseignement; avec une production
personnelle élaborée en P1 par les élèves de Monia alors que pour ceux d’Olivia, il s’agit
du recopiage des éléments soulevés lors de la discussion (aussi en P1).

63
5.2 Analyse du découpage des objets d’enseignement

Après avoir décrit séparément les différentes activités scolaires menées pour chacune des
enseignantes, au cours de leur séquence d’enseignement, nous allons à présent les recenser
conjointement dans trois tableaux. Ceux-ci décrivent parallèlement les trois parties
d’activités scolaires des deux enseignantes, afin de mener à bien le projet de la séquence
d’enseignement dans sa globalité. Ainsi, l’assemblage du découpage des activités scolaires
des deux enseignantes permet de saisir comment ces dernières s’approprient le même objet
d’enseignement et par quel moyen elles le découpe pour l’enseigner à leurs élèves.
Nous élaborons ces tableaux à partir du mécanisme du synopsis qui offre « une description
aussi lisible que possible du produit de cette co-construction sans perdre trop de contenus
qui ne permettraient plus du tout d’en saisir le sens, nous avons développé une technique
de réduction (…) » (Schneuwly et Dolz, 2009, p.89). Dans chaque tableau, l’on relève
plusieurs catégories : les niveaux représentent une « organisation hiérarchique » (op-cit.,
p.98) et permettent de repérer temporellement les activités, et d’assembler plus facilement
celles de chacune des enseignantes; les repères constituent « une balise pour la lecture du
synopsis » (op-cit.), ils informent la place de la leçon dans la succession d’activités
scolaires; les formes sociales de travail (F S T) traduisent les « grandes formes de travail
scolaires » (op.-cit); le/les matériel.s facilite.nt le découpage des unités; la description des
éléments représente « le cœur du synopsis » (op-cit.) et ce, grâce à une réduction des
informations, tout en renseignant le lecteur sur « a) l’étiquetage des unités englobantes et
b) de l’activité scolaire et le résumé narrativisé des unités du niveau de l’activité scolaire
et de leurs composantes » (op-cit.).
- Le Tableau 1 représente la première partie de la séquence d’enseignement des deux
enseignantes (P1).
- Dans le Tableau 2, l’assemblage des activités de la deuxième partie de la séquence
d’enseignement sera effectué (P2 pour les deux enseignantes; P3 pour l’enseignante
spécialisée).
- Enfin, le Tableau 3 (P3) est constitué uniquement des activités scolaires menées par
l’enseignante ordinaire lors de la troisième partie de séquence d’enseignement.

64
En outre, afin de faciliter la mise en évidence de l’assemblage des différentes activités,
nous trouvons pertinent de les illustrer par deux couleurs distinctes. En violet, il s’agit des
activités scolaires de Monia et le vert fait référence à celles d’Olivia.
De façon générale, lorsque nous prenons les élèves des deux classes observées comme un
« collectif », nous les remarquons attentifs, participatifs et engagés dans les tâches; hormis
quelques exceptions d’événements remarquables, analysés plus tard dans la classe
ordinaire. En partant du principe que ce sont les stratégies enseignantes qui impactent
l’engagement des élèves, nous ne corrélons par conséquent pas explicitement le découpage
des objets enseignés aux mécanismes d’engagement des élèves, lors de l’analyse des
activités scolaires. Pour autant, il s’agit quand même de comprendre la logique de chacune
des enseignantes quant à leurs pratiques d’intervention professionnelle, et comment
l’articulation autour des activités scolaires s’effectue d’une enseignante à l’autre.
Toutefois, nous remarquons que le lien à l’engagement est plus explicite lors de
l’identification et l’analyse des obstacles. En observant l’attention et l’engagement de
certains élèves, nous nous rendons compte que ceux-ci rencontrent des obstacles de
plusieurs ordres. C’est pourquoi, le chapitre sur les obstacles et celui sur les gestes
professionnels vont développer plus spécifiquement l’engagement au travers des difficultés
rencontrées par certains élèves ou encore le groupe-classe; ainsi que par les interventions
effectuées par les enseignantes.

65
Tableau 1 : Partie (P1) de la séquence d’enseignement

Niveaux Repères FS T Matériel.s Descriptions


0 00 :00 - 01 :29 Q Plante Activité 0 : Introduction du projet. L’E introduit la séquence d’enseignement
Bouquet de avec une petite plante et un bouquet de muguet et demande aux élèves ce
muguet dont les végétaux ont besoin pour pousser.
0 00 :00 - 00 :44 M Activité 0 : Introduction du projet. L’E introduit la séquence d’enseignement
en disant qu’une discussion suivra.
Les deux enseignantes introduisent le projet sur la santé. Alors que Monia apporte une plante et du muguet pour établir un lien avec les végétaux
et leurs besoins; Olivia explique oralement à ses élèves qu’ils vont faire aujourd’hui une discussion.
1 1 :29 - 7 :30 Q Tableau noir Activité 1 : Brainstorming. L’E pose la question au sujet des êtres humains :
et nous, qu’est-ce qu’il faut pour être en bonne santé ?
L’E note au tableau les idées des élèves en divisant la santé en deux
0 catégories : le corps et la tête.
Transition 7 :30 - 9 :00 Q L’E écoute les dernières idées des éls; elle souhaite éviter les digressions.
1 00 :44 - 1 :57 M Texte sur la Activité 1 : Lecture du texte. L’E lit le texte sur la santé et le leur explique
santé sans poser de questions à son sujet.
Monia questionne ses élèves sur les éléments nécessaires selon eux pour être en bonne santé et les note au tableau noir. Olivia lit à ses élèves le
texte sur la santé.
1-1 1 :57 - 3 : 20 M Activité 1a: Parallèle plantes – individus. L’E leur explique le parallèle et
leur pose une question sur les plantes: de quoi a besoin une plante pour être
en bonne santé ? ».
1-1 9 :00 - 11 :40 M/I Texte sur la Activité 2 : Lecture individuelle du texte sur la santé. L’E prévient ses éls.
santé d’un nouvel élément dans le texte qui permet aussi la bonne santé.
1- 1- 1 11:40 - 17 :00 M/Q Texte sur la Activité 2a : Lecture et discussion collective du texte sur la santé.
santé L’E demande à plusieurs éls. de lire le texte à haute voix et pose des
questions à l’ensemble de la classe. Un nouvel élément est identifié par le
groupe : les relations avec les autres.
Compréhension orale d’un texte : Pour Monia, la compréhension orale du texte passe tout d’abord par une lecture individuelle et ensuite
collective. À partir de la relecture, l’E pose des questions sur la compréhension de celui-ci. Pour Olivia, la compréhension orale passe par une
lecture magistrale puis une explication globale sur une comparaison possible à faire entre les plantes et les individus.
Contenu compréhension orale : Alors que pour Monia, la lecture du texte permet de soulever un élément favorisant la bonne santé, à savoir
les relations avec les autres; Olivia lit e texte afin de lier les plantes aux individus.
0 17 :10 Q Transition : L’E rebondit sur une remarque d’une él. qui explique que pour
Transition elle, venir en classe participe à sa bonne santé.
Transition : Lorsqu’il s’agit de passer de la lecture du texte à la prochaine activité, Monia rebondit sur la remarque d’une élève, afin de bifurquer
sur la prochaine activité qui sera la production écrite.
2 3 :20 - 25 :00 Q Tableau noir Activité 2 : Discussion. De quoi a besoin un être humain pour être en bonne
santé ? L’E pose des questions aux élèves en les aiguillant pour qu’ils
trouvent les 5 éléments de bonne santé, qu’elle note au tableau noir. Durant
la discussion l’E poursuit 7 objectifs : boire et manger équilibré; dormir;
manger; bouger; se laver; garder le moral, utiliser modérément les écrans.
2-1 25 :00 -31 :57 M Activité 2a : Clôture. L’E clôture sa leçon en expliquant aux éls. que cette
discussion ne doit pas être prise à la légère et qu’il est de leur responsabilité
d’assumer leur bonne santé. L’E annonce le programme pour vendredi.
2 18:00 - 20 :00 M Production Activité 3 : Production écrite. L’E demande à ses éls. de produire un texte
écrite personnel sur les éléments qui selon eux participent à leur bonne santé. L’E
Tableau noir rappelle qu’ils peuvent s’aider des mots du tableau ainsi que de leur guide de
Guide de production.
production
Les objectifs, concernant les contenus d’enseignement de la séquence sur la santé, ne sont pas identiques aux deux enseignantes.
Olivia semble préférer enseigner à ses élèves les éléments favorisant une bonne santé « générale ». En effet, Olivia entame une discussion en
posant les questions permettant aux élèves de trouver par eux-mêmes les éléments pertinents qu’elle note au tableau après les avoir validés.
Monia, choisit quant à elle d’aborder les éléments participant à la fois à la santé générale ainsi qu’à la santé personnelle des élèves. Elle propose
à cet effet une production écrite à partir des éléments identifiés collectivement au tableau, afin d’écrire ensuite une production personnelle.
2-2 20 :00 - 30 :00 I/C Production Activité 3a. Production écrite individuelle. Les éls. écrivent individuellement
écrite leur texte. L’E passe dans les rangs pour les aider et/ ou les corriger.
2-2-2 30 :00 - 57 :00 C Bureau de l’E Activité 3b. Correction de L’E. L’E corrige les éls. qui viennent la trouver à
58 :40 - 60 :00 Bureaux des son bureau. Certains élèves ont terminé et font des jeux ou des ateliers avant
élèves la récréation.

66
5.2.1 Analyse du découpage des activités scolaires
Pour les activités de P1, Monia effectue un brainstorming en demandant directement à ses
élèves d’exprimer leur avis sur les éléments qui favorisent la bonne santé; elle leur distribue
ensuite le texte à lire tout d’abord individuellement, puis collectivement. Chez Olivia, la
leçon est introduite en s’appuyant sur la lecture orale du texte sur la santé. En effet, comme
celle-ci l’a expliqué lors de l’entretien post, elle trouve pertinent de débuter une séquence
d’enseignement à partir d’une accroche, car cela permet de capter l’attention des élèves.
Monia quant à elle, effectue la lecture du texte après avoir questionné les élèves, et note au
tableau les éléments soulevés. En nous référant à la séquence initiale sur les droits de
l’enfant à la santé, Monia ne donne pas d’informations quant à la compréhension orale
(lecture du texte) au cours de la séquence; elle préconise toutefois la mise en œuvre d’un
brainstorming d’idées en début de séquence, dans le but de partir de la réalité des élèves.
Ainsi, nous observons que les deux stratégies entreprises pas les enseignantes permettent
d’introduire la séquence didactique et d’engager les élèves pour la suite des activités.

Analyse de l’enseignement de l’oral


La fin de la première partie de la séquence d’enseignement se traduit pour Monia par la
production écrite de ses élèves (à 60:00) alors que chez Olivia, celle-ci se clôture à la fin
de la discussion orale (à 31:57). Nous constatons donc que les deux enseignantes ont un
temps d’enseignement dédié à l’oral différent quant à leur première partie de séquence
d’enseignement au travers l’objet de la santé. En effet, la durée de temps consacrée à
l’enseignement de l’oral est plus importante d’environ 30 minutes pour Olivia, alors que
Monia consacre environ 20 minutes à l’oral. Nous pensons que cette différence peut
provenir de l’intention de chacune des enseignantes, quant à la nature des objectifs
poursuivis au cours de la première partie de la séquence d’enseignement. En effet, comme
Olivia a l’intention d’identifier avec ses élèves les facteurs généraux propices à une bonne
santé, elle pense probablement qu’il est suffisant de proposer une seule et même activité
autour de l’oral. D’ailleurs, lors du deuxième entretien, Olivia explique qu’elle répèterait
la même activité, étant donné avoir trouvé ses élèves bien preneurs. Monia préfère quant à
elle opter pour un temps de discussion faisant office de production orale « initiale », afin
de situer les connaissances de ses élèves; pour ensuite poursuivre avec une autre modalité

67
d’enseignement (production de l’écrit), consacrant de facto moins de temps à l’oral.
L’intention de cette dernière est donc, pour l’activité 3 de la P1, que ses élèves
s’approprient le thème de la santé de façon personnelle et intime. C’est pourquoi, la
production d’un texte écrit individuellement corrèle pertinemment avec l’objectif mené par
l’enseignante ordinaire. En ce qui concerne l’enseignement de l’écrit, qu’en est-il de sa
relation avec l’oral ? Dolz et Schneuwly (2016) soutiennent en effet que l’enseignement de
l’oral ne peut être dissocié de celui de l’écrit : « L’essentiel, pour une didactique qui se
pose la question du développement de l’expression orale, n’est pas tant de caractériser
l’oral en général et le travail exclusif sur les aspects de la parole, mais plutôt de connaître
diverses pratiques langagières orales et les rapports très variables qu’elles entretiennent
avec l’écrit » (p.62). Les auteurs insistent également sur l’importance de la situation de
communication, qui en fonction de cette dernière, influence un jeu d’équilibre en l’oral et
l’écrit. Ainsi, les choix d’activités dépendent en partie des contenus des objectifs
d’enseignement, à l’image de Monia qui propose une production écrite par rapport aux
objectifs de la séquence d’enseignement sur la santé. C’est pourquoi, nous trouvons
intéressant d’articuler au travers des activités scolaires, l’oral et l’écrit, en fonction des
objectifs visés. Cependant, quelle autre modalité d’enseignement peut-on viser au-delà de
celui qui répond déjà aux objectifs de la séquence ? Cela suffit-il à garantir elle une bonne
acquisition des apprentissages des élèves ? Si l’on reprend l’enseignement d’Olivia, cette
dernière répond aux objectifs de sa séquence, en engageant ses élèves à partir d’un certain
type de modalité de travail : une discussion de types questions - réponses - réflexions. Pour
l’objectif poursuivi, nous questionnons la pertinence de proposer une seule modalité
d’enseignement. En effet, ne serait-il pas plus intéressant de varier plusieurs modalités
d’activités d’apprentissage, toujours en fonction des buts poursuivis par la séquence ?
D’autant plus que pour le contexte de l’enseignement spécialisé, Pelgrims (2009) affirme
que pour entamer un processus motivationnel pour les élèves, il est important de mettre ses
forces sur l’activité d’apprentissage en renforçant les objectifs d’enseignement et les
conditions pédagogiques et didactiques » (p.154).

68
Compréhension de l’oral
Évoquons à présent la lecture du texte et le sens apporté à celui-ci. Nous pouvons dire que
chacune des enseignantes s’est assurée de la compréhension d’une manière différente.
Alors que Monia, après avoir fait lire ses élèves, préfère poser des questions au sujet du
contenu du texte, Olivia quant à elle explicite de son propre cheffe le sens du texte. Par
exemple, après le leur avoir lu, cette dernière leur explique la comparaison entre les
végétaux et les individus car, selon elle, il est important pour les enfants en difficultés, de
ne pas trop s’éloigner de leurs représentations, au risque qu’ils ne comprennent plus le sens
de l’activité : « Si tu pars trop loin dans leurs connaissances et de leurs représentations du
monde, ils sont perdus » (Olivia). Pour Monia aussi, le sens est primordial à prendre en
compte lors de l’enseignement d’un objet : « c'est intéressant de faire sens, il y avait cette
espèce de lien qui était fait de façon un peu imagée entre une fleur et la santé. Mais si tu ne
l'explicitais pas clairement, je trouvais que ça ne faisait pas forcément sens les enfants. J'ai
eu l'impression qu'à ça, ils investissaient quand même l'idée de la fleur comme étant eux »
(Monia). Autrement dit, pour ces deux enseignantes le sens peut être un obstacle à
l’engagement dans les situations d’apprentissage, c’est la raison pour laquelle elles
insistent sur l’explicitation et la reformulation des concepts les plus abstraits.
La dernière activité de P1, pour la classe ordinaire de Monia, se termine par une production
écrite, car elle souhaite que ses élèves investissent personnellement l’activité et puissent
exprimer plus intimement les éléments qui leur tiennent à cœur pour être en bonne santé.
Cette dernière précise que la récolte des conceptions, effectuée en début de leçon, participe
à une forme de différenciation étant donné qu’elle permet aux élèves de suggérer des idées.
Pour l’enseignante spécialisée Olivia, celle-ci ne souhaite pas que ses élèves produisent un
texte à l’oral étant donné que la plupart ont des difficultés à entrer dans l’écrit, elle ne veut
pas ajouter une difficulté supplémentaire; c’est pourquoi son intention est de se focaliser
sur l’appropriation par les élèves de ce qui favorise une bonne santé : (…) maintenant
certains arrivent à écrire une phrase d'eux-mêmes, mais dans les six y en a trois qui arrivent.
Ou alors j'aurais dû faire avec eux, faire un texte. Les autres, ça aurait été de toute façon
dictée à l'adulte. Donc je préférerais qu'on reste focus oralement sur les éléments en lien
avec la santé » (Olivia).

69
Tableau 2 : Partie 2 (P 2) et (Partie 3 pour l’ES15) de la séquence d’enseignement

P2 Niveaux Repères FS T Matériel.s Descriptions


1 00 :00 - 2 :00 M/Q Tableau noir Activité 0 : Introduction. L’E rappelle à ses éls. ce qui a été fait durant la
première partie (P1) (production écrite) L’E réécrit au tableau les catégories
trouvées.
1 00 :00 - 00 :24 M Activité 0 : Introduction. L’E introduit le bricolage qu’ils vont effectuer, la
fleur de la santé et remémore temporellement la discussion effectuée en P1.
Monia note au tableau les éléments issus de la discussion de P1; alors que Olivia explique déjà la suite, avec l’activité créatrice.
1-1 2’00 - 4 :10 M A3 Activité 1 : Production créatrice. L’E demande aux éls. de dessiner leur
cartonnée propre plante. Elle expose une condition : la plante doit être composées de
Exemples trois fleurs (3 fleurs représentent : la tête, le corps et les relations avec les
de dessin de autres). L’E montre aux élèves des exemples de plantes.
4 :10 - 6 :30 Q plantes (A4) L’E répond aux questions des éls. et anticipe le travail pour les élèves qui
ont terminé.
1 00 :24 - 4 :24 M/I Tableau noir Activité 1 : Production créatrice : consignes données pour la construction
Compas d’une fleur de la santé. L’E fait sortir le matériel aux éls. (Compas, crayon,
Règle gomme, règle) et montre un exemple d’un cercle de 14.5 cm de diamètre au
tableau.
Lors des consignes pour la production créatrice, Monia et Olivia expliquent aux élèves qu’ils vont devoir effectuer une fleur pour Olivia et une plante
pour Monia, représentant la (pour Olivia) leur (Monia) santé. A l’intérieur de chaque végétal, les élève doivent inscrire les conditions permettant une/sa
bonne santé. Monia propose la création d’une plante « libre » avec 3 fleurs intégrées à celle-ci. Olivia quant à elle expose à ses élèves la création d’une
fleur, avec des instruments de géométrie, qui sera identique pour chaque élève.
1-1 4 :24 - 6 :40 M/I/C Tableau noir Activité 1a : Consigne pour la construction des pétales de la fleur. L’E
Compas explique à un él. (Bastien16) comment construire la fleur, les deux autres éls.
Carton ont l’habitude donc ils l’effectuent en autonomie. L’E passe dans les rangs
blanc A4 pour aider et corriger les élèves.
0 6 :30 - 9 :00 M A3cartonnée Activité 1 : Distribution du matériel. L’E demande à deux élèves de
Transition Exemples distribuer les feuilles A3 cartonnées ainsi que des exemples de plantes. L’E
de dessin de rappelle certaines consignes.
plantes (A4)
1 6’40 - 8 :35 M/I/C Activité 1b : Consignes pour la construction du cœur de la fleur (3 cm de
diamètre, à côté des pétales).
0 7 :35 - 8 :00 I Activité 1 : Aides ponctuelles aux éls. en difficultés. Pendant la distribution,
Transition l’E passe voir les éls. qui sont plus en difficulté (langue maternelle non-
francophone, difficultés scolaires)
1 8 :35 - 10 :48 I/C Activité 1c : Consignes pour le découpage de la fleur.
0 9’00 - 36 :54 M/Q/I /C Activité 1 : Réponses aux questions des éls : régulations de l’E dans les rangs
Transition (conseils, corrections, aides, encouragements). L’E ajoute au fur et à mesure
des consignes en fonction des questions posées par les éls.
Événement Appui sur l’
de non- 10 :35 M exemple Les élèves ne comprennent pas la différence entre une plante et une fleur.
attention d’un él. L’E demande alors l’attention de tout le monde.
collectif
1 10 :48 - 12 :50 M/I/C Peinture Activité 1d : Peinture du cœur en jaune. L’E donne les consignes pour les
Eau couleurs. (Le cœur de la fleur doit être en jaune; les pétales doivent avoir
Pinceaux chacune une couleur différente) L’E annonce ensuite que les éls. devront
écrire sur les pétales les éléments de la bonne santé.
1-1 12 :50 - 21:10 Activité 1e : Découpage des pétales et terminer de peindre le coeur.
1-1-1 21 :10 - 37 :00 I/C Activité 1f : Consignes pour coller le cœur en jaune sur la fleur.
Les élèves de la classe de Monia effectuent une plante de leur santé, leur enseignante leur laisse le champ libre hormis le respect de placer trois fleurs sur
la plante. Les élèves d’Olivia suivent au fur et à mesure les consignes pour la construction de la fleur.
0 Récréation
P3 2 37 :00 - 49 :32 M/I/C Tableau noir Activité 2 : Production écrite à l’intérieur du bricolage. L’E tourne dans les
rangs, répond aux questions des élèves et les corrige.
Olivia propose en P3 de noter dans les pétales de la fleur, les éléments identifiés au tableau en P2 afin d’être en bonne santé. Pour Monia, nous n’avons
plus le temps de rester filmer en P3, nous revenons un autre jour.

15
ES : Enseignante spécialisée
16
Prénom d’emprunt

70
Tableau 3 : Partie 3 (P3) de la séquence d’enseignement de l’EO17

Niveaux Repères FS T Matériel.s Descriptions


0 00 :00 - 00 :49 Q Activité 0 : Introduction. L’E introduit en rappelant le travail effectué la dernière
fois P 2.
1 00 :49 - 4 :50 M Feuille A4 avec les Activité 1 : Production d’un livre personnel sur sa santé. L’E donne les consignes
catégories en couleur éls. Les éls. doivent recopier au propre leur production de texte qui a été corrigée
Production écrites entre P 2 et P 3. en fonction de trois catégories de couleurs (faisant référence au
finales physique, psychique, relationnel).
Livre cartonné A3
4 :00 - 4 :50 Q Feuille titre A4 L’E annonce les consignes pour les éls. qui auraient terminé : ils doivent
découper (ou non) la plante et la coller sur du carton; puis dessiner le titre et le
coller sur la 1ère de couverture du livre cartonné en A3.
P 3 est destiné à la production du livre « personnel » sur sa santé. Chaque élève construit son propre livre, qu’il pourra rapporter à la maison. A l’intérieur, il
y a un dessin de plante avec des fleurs incrustées; sur un autre verso, il y a également trois blocs couleurs dans lesquels les élèves ont pu recopier leur
production écrite finale. Enfin, chaque livre est composé d’une première de couverture, doté d’un titre nommé « ma Santé ».
1-1 4 :50 - 7 :00 I Productions écrites Activité 1a : Recopier les productions écrites finales dans le livre de la santé à
finales partir des catégories en couleurs. Distribution du matériel.
Feuilles avec les
catégories en couleurs
A4
0 7 :00 - 16 :20 I/C Livre cartonné A3 Réponse aux questions des éls. individuellement en déplaçant dans les rangs et
Transition Plante demande d’attention au collectif de la part de l’E.
1-1-1 18 :10 -19 :15 M Feuille titre A4 Activité 1b : Consignes pour la confection du livre sur la santé. (page de titre,
Livre cartonné A3 collage du dessin et de la production écrite)

0 19 :15 -19 47 I/C L’E passe dans les rangs pour répondre aux questions des éls.
Transition
2 22 :00 - 30 :00 C/I Activité 1c : Entre-temps : distribution de la suite du matériel pour les élèves
qui terminent. L’E se place au centre de classe, devant le tableau.
2-2 30 :00 - 42 :59 C/I Activité 1 d: Corrections de l’E qui passe dans les rangs auprès des éls.

17
EO : Enseignante ordinaire

71
Analyse en lien avec l’enseignement des arts visuels et de l’écrit
L’ultime partie de la séquence d’enseignement des deux enseignantes repose sur une tâche
créatrice autour du thème de la santé, en intégrant une production écrite à partir des facteurs
(discutés au préalable lors de P1) participant à la bonne santé. L’introduction de P 2 porte
sur un rappel de la première partie de la séquence d’enseignement effectuée au cours de la
même semaine (P 1). Monia note alors au tableau les éléments issus de la discussion alors
que Olivia les répète, étant donné qu’elle les a laissés tels quels au tableau. Les deux
enseignantes expliquent ensuite la première activité du jour, à savoir la production créatrice
d’un bricolage en lien avec les végétaux, qu’il s’agisse d’une plante ou d’une fleur afin de
rappeler le fil rouge de la séquence didactique. Toutes deux déclinent leur œuvre artistique
de manière différente, engageant les élèves dans deux types d’activités distinctes.
Pour Monia, l’activité créatrice repose sur la production d’un livre personnel autour du
thème de la santé, une fleur multicolore dont je prends soin, incluant des éléments
provenant des trois catégories principales selon chaque élève, pour être en bonne santé.
Autrement dit, l’enseignante ordinaire a la volonté de laisser une marge de manœuvre et
de liberté relativement importante à ses élèves, comme elle l’a souvent formulé lors de P2 :
« vous êtes des artistes » (Monia). Ainsi, en laissant plus de liberté, c’est comme si Monia
mettait en avant l’importance de donner du sens à ce bricolage en laissant ses élèves choisir
les éléments qui leur parlent davantage. Pour Olivia, l’activité créatrice se traduit
différemment, mais également sur la thématique de la santé, une fleur multicolore dont je
prends soin. Cette dernière propose cependant à ses élèves de produire une fleur, à l’aide
d’instrument de géométrie car ses élèves sont habitués à les employer. La production
créatrice chez Olivia repose donc sur la construction d’une fleur de santé « identique » pour
chacun des élèves, dans laquelle ceux-ci inscrivent les 6 catégories soulevées lors de la
discussion en P 1. Si Olivia opte pour un bricolage avec moins de liberté, c’est que, selon
elle, certains de ses élèves lorsque les consignes ne sont pas données au fur et à mesure et
de façon claire : « il (en parlant d’un élève en particulier) partirait dans tous les sens (…)
» (Olivia). L’enseignante spécialisée avoue avoir voulu garder un certain contrôle lors de
P 3, à l’instar de la dernière activité sur la production écrite intégrée au bricolage, pour
laquelle les élèves devaient recopier les éléments dans leur fleur. Elle-même voit les
inscriptions dans chacun des pétales, comme un moyen de fixer les savoirs enseignés, c’est-

72
à-dire rendre visible les six catégories pour que les élèves s’en souviennent : « Je me suis
dit que ce qui allait leur rester, après tout ça, si je voulais que ça serve à quelque chose et
pas juste pour l'activité et bien il fallait cibler les grandes catégories » (Olivia). C’est
pourquoi, elle leur propose une activité claire et précise, sans la volonté explicite d’intégrer
d’autres idées plus personnelles et spontanées de la part des élèves.
Quant aux dernières activités scolaires en P3 de l’enseignante ordinaire Monia, elles
reposent sur la confection d’un livre personnel de la santé pour chacun des élèves. Le livre
est alors constitué du dessin de la plante, de la production écrite finale, ainsi qu’un titre
placé en première de couverture. Monia poursuit sa logique en souhaitant terminer sa
séquence d’enseignement autour de la thématique de la santé, par la sélection d’activités
principales dans un livre. Elle mêle par conséquent les éléments discutés lors de P1
(enseignement oral) à l’activité créatrice de P2 (enseignement des arts visuels), mais
également à la production écrite (enseignement de l’écrit). En d’autres mots, l’enseignante
ordinaire combine trois modalités d’enseignement différentes afin de répondre aux
objectifs de sa séquence.

5.3 Analyse des obstacles identifiés chez les enseignantes

Après nous être penchés sur la description des activités scolaires et l’analyse du découpage
des objets d’enseignement, nous poursuivons en identifiant les obstacles rencontrés par les
élèves. Nous souhaitons répondre aux questions de recherche suivantes : quelles typologies
d’obstacles pouvons-nous identifier au cours des séquences d’enseignement menées par
les deux enseignantes ? ; et qu’en est-il de l’attention et de l’engagement des élèves quant
aux phénomènes d’obstacles rencontrés ? Par conséquent nous identifions et analysons
dans un premier temps les obstacles rencontrés par les élèves afin de saisir la typologie
d’obstacle la plus fréquente. Dans un second temps, nous analysons les différentes
catégories d’obstacles repérées afin de les corréler aux phénomènes d’attention et
d’engagement. L’analyse est ainsi effectuée de manière qualitative puisque nous détaillons
de manière plus fine, à partir d’événements remarquables, les facteurs explicatifs des
obstacles rencontrés par les élèves au cours de leurs activités d’apprentissage. En d’autres
termes, étant donné que nous partons du principe que les obstacles impliquent une

73
meilleure compréhension de l’activité d’apprentissage des élèves; ils nous permettent de
facto une meilleure compréhension de leurs mécanismes d’engagement.
Dans cette analyse, nous établissons également des liens plus explicites entre les objets
d’enseignement, les phénomènes d’engagement et d’obstacles, afin de saisir en quoi les
contenus enseignés permettent ou pas l’engagement des élèves au cours de l’activité
d’apprentissage.
Pour réaliser cette deuxième partie d’analyse, nous recensons les obstacles dans un tableau
propre à chacune des enseignantes, au sein duquel nous associons l’objet enseigné et
l’obstacle identifié. L’analyse plus détaillée de l’origine des obstacles s’effectue quant à
elle après chaque tableau, chacun représentant une partie de la séquence d’enseignement.
Ainsi, en sélectionnant les obstacles pour chacune des activités de la séquence
d’enseignement, nous souhaitons regrouper les principales difficultés au cours des leçons,
pour pouvoir corréler ces obstacles au découpage de la leçon; et analyser de façon plus
pointue la nature des obstacles, afin de faciliter la compréhension des interventions
enseignantes développées dans la dernière partie d’analyse. A noter que nous mettons en
parallèle dans l’analyse les deux parties de séquence P 1 et P 2 (P 1 représentant
l’équivalent de la première période d’enseignement et P 2 la deuxième période
d’enseignement) de chacune des professionnelles; mais que nous mettons « de côté » P 3
de l’enseignante ordinaire (mais pas pour l’enseignante spécialisée) pour le restant de
l’analyse, étant donné la répétition des éléments identifiés à la fin de sa séquence
d’enseignement.
Nous commençons l’identification et l’analyse des obstacles des élèves de la classe de
Monia, puis celle d’Olivia. De manière globale, après avoir décrit les deux séquences
d’enseignement, nous relevons que pour les deux classes, l’attention et l’engagement du
groupe est relativement bonne; en revanche certains élèves rencontrent néanmoins des
obstacles. C’est la raison pour laquelle des éléments d’analyse sont sélectionnés en fonction
d’élèves jugés pertinents de citer, en ce qui concerne les phénomènes d’attention et
d’engagement.
Pour des raisons pratiques, nous surlignons avec plusieurs couleurs les trois catégories
d’obstacles. En vert, il s’agit des obstacles en lien avec le coping; en bleu clair ce sont les
obstacles didactiques; et le rose fait référence à des obstacles d’ordre épistémologique.

74
Tableau 1 : Partie 1 (P1) de la séquence d’enseignement de Monia

Repères FS T Matériel.s Descriptions Obstacles Types d’obstacles / Manque


d’attention
1 :29 - 7 :30 Q Tableau Activités 0 + 1 : Introduction et 5 :45 Les éls. parlent en même 5 :45Coping : comportement
noir Brainstorming. L’E pose la question au temps. perturbation
sujet des êtres humains : Et nous, qu’est-
ce qu’il faut pour être en bonne santé ?
L’E note au tableau les idées des élèves en
les divisant en deux catégories la santé : le
corps et la tête.
7 :30 – 9 :00 Q Activité 1 : Écoute des idées des éls. L’E 7 :52 Un él. ne lève pas la main. 7 :52Coping : comportement
demande aux éls. s’ils ont d’autres idées perturbation
que celles notées au tableau. 8 :25 Les éls. commettent des 8 :25Obstacle didactique +
digressions Coping : activité sociale
(transformation tâche)
9 :00 - 11 :40 M/I Texte sur Activité 2 : Lecture individuelle du texte 10 :18 Un él. regarde ailleurs, il 10 :18Coping : attente, activité de
la santé sur la santé. L’E prévient ses éls. d’un a la tête posé dans sa main. substitution
nouvel élément dans le texte qui permet
aussi la bonne santé, mais qui n’a pas été
encore abordé jusqu’ici.
11:40 - M/Q Texte sur Activité 2a : Lecture et discussions en 12 :08 Un él. écrit et ne regarde 12 :18Coping : activité de
17 :00 la santé collectif du texte sur la santé. L’E pas l’E. substitution
demande à plusieurs éls. de lire le texte à
haute voix, puis pose des questions sur le 14 :30 Un élève discute pendant 14 :30Coping : comportement
texte à l’ensemble de la classe. Un nouvel la lecture. perturbation, substitution
élément est identifié par le groupe : les
relations avec les autres.
18:00 - M Production Activité 3 : Production écrite. L’E 19 :26 Un él. regarde la caméra. 19 :26Coping : activité de
20 :00 écrite demande à ses éls. de produire un texte substitution
Guide de personnel sur les éléments qui selon eux
production participent à leur bonne santé. L’E
rappelle qu’ils peuvent s’aider des mots
du tableau ainsi que de leur guide de
production.
20 :00 - I/C Production Activité 3a : Production écrite 22 :18 Un él discute avec un 22 :18 Coping : comportement
30 :00 écrite individuelle. Les éls. écrivent copain. perturbation, substitution
Guide de individuellement leur texte. L’E passe 26 :00 Un él. discute 26 :00Coping : activité de
production dans les rangs pour les aider et/ou les substitution
corriger.
30 :00 - C - Activité 3b : Corrections des éls. par l’E à 32 :00 Deux élèves discutent 32 :00Coping : comportement
57 :00 son bureau ensemble, dont R18. perturbation, substitution
33 :00 Une él. discute. 33 :00Coping : comportement
35 :00 R. discute toujours. perturbation, substitution
37 :48 W.19 attend, il regarde en 35 :00Coping : attente, substitution,
l’air depuis plusieurs minutes. perturbation
40 :32 V20. a la main dans la 37 :48Coping : attente, substitution
tête. 40 :32Coping: attente, substitution
43 :21 W. rêvasse. 43 :21Coping: attente, substitution
54 : 00 W. discute (il a terminé 54 : 00Coping : comportement
son travail) perturbation

18
Prénom d’emprunt, Ricardo, ou R.
19
Prénom d’emprunt, William, ou W.
20
Prénom d’emprunt, Valentin, V.

75
5.3.1 Obstacles chez les élèves de Monia en P 1
Lors de la première partie de la séquence d’enseignement de Monia, nous identifions
principalement des indices d’obstacles de l’ordre du coping. Tout d’abord, lorsque
l’enseignante parle, quelques élèves discutent avec leurs camarades, ou ne lèvent pas la
main s’ils souhaitent parler à leur tour. Il s’agit par conséquent principalement d’activités
de substitution en lien avec des stratégies d’ajustement par évitement, qu’il est possible de
traduire concrètement du point de vue de l’activité de l’élève, par des comportements
inadaptés, ou par d’autres occupations. En outre, nous remarquons que ce type d’obstacle
intervient au cours de la partie 1 (P1) de la séquence d’enseignement de façon ponctuelle.
Illustrons quelques moments significatifs durant lesquels cette typologie d’obstacles est
présente. Par exemple, au début de l’introduction de la séquence d’enseignement,
l’enseignante réclame l’attention de ses élèves pour lancer la leçon; or ceux-ci ne sont pas
attentifs et parlent en même temps qu’elle, ils ne lèvent pas forcément la main. Aussi, au
fur et à mesure de P 1, notamment lors de la lecture individuelle et collective du texte sur
la santé, ainsi que durant la production écrite, quelques élèves font preuve d’un manque
d’attention et d’engagement dans les activités scolaires; ils mobilisent par exemple des
stratégies d’évitement ou de contournement (coping) en prenant souvent la liberté de
substituer l’activité scolaire par d’autres occupations. Il peut s’agir de comportements
inadaptés (P.ex. discuter avec son copain, ne pas lever la main) ou alors marquer des temps
d’arrêt (P.ex. regarder en l’air, regarder la caméra, rêvasser, mettre sa tête dans ses bras).
A la fin de P 1, nous constatons qu’il y a davantage d’épisodes durant lesquels les élèves
se permettent de pas effectuer la tâche demandée; ils l’évitent en patientant par exemple à
leur place ou en discutant avec un copain.
Ces stratégies d’évitement ou de contournement de l’activité sont-elles en lien avec le fait
que les élèves préfèrent effectuer autre chose que l’activité souhaitée par l’enseignante ?
Étant donné que nous partons de l’idée que l’engagement dans les activités d’apprentissage
s’effectue à partir du découpage des objets d’enseignement, nous voyons ici en quoi celui-
ci ne permet pas l’engagement des élèves. Après réflexion, nous nous demandons si les
difficultés rencontrées par les élèves en fin de leçon, ne sont pas dues au découpage de
l’objet enseigné, à savoir la production écrite ? En effet, lors de P 1, Monia propose une
seule activité d’enseignement pour la rédaction de la production personnelle. Est-ce que

76
pour certains élèves, n’aurait-il pas fallu offrir plusieurs activités, à l’instar des modules,
en lien avec l’objet afin de permettre aux élèves une meilleure appropriation et pouvoir
ainsi s’engager pleinement dans leurs apprentissages ? Autrement dit, si l’enseignante avait
découpé autrement l’activité de la production écrite, nous nous demandons si ses élèves
n’auraient finalement pas substitué l’activité principale par ces moments d’attente ?
Concernant l’introduction du projet de séquence d’enseignement, son contenu n’est-il pas
la raison de certains comportements perturbateurs ? En effet, lorsque l’enseignante
demande à ses élèves de donner des idées pour être en bonne santé, ces derniers sentent
qu’ils peuvent laisser libre court à leur imagination, en parlant par exemple sans lever la
main. En d’autres termes, est-ce que l’aspect « non-dirigé » de la discussion peut-il
expliquer en partie le manque d’attention et d’engagement des élèves ?

77
Tableau 2 : Partie 1 (P1) de la séquence d’enseignement de Olivia

Repères FST Matériel.s Descriptions Obstacles Types d’obstacles


1 :57 - 3 :20 M/Q Texte sur Activités 1/1a : Lecture et 2 :23 Bastien21 est couché sur son bureau 2 :23Coping : activité de substitution
la santé explications du texte par 3 :08 B. est couché sur son bureau 3 :08Coping : activité de substitution
l’E; questions posées aux
éls. (Parallèle plantes –
individus). L’E pose la
question aux éls. : de quoi
a besoin une plante pour
être en bonne santé ? ».
L’E pose des questions en
rapport à l’être humain.
3 :20 - 25 :00 Q Tableau Activités 2/2a : L’E pose 7 :07 Marc22a le regard et les bras croisés 7 :07Coping : activité de substitution
noir des questions aux élèves en sur son pupitre, le regard baissé 8 :20Coping : activité de substitution
rapport aux besoins des 8 :20 M. se frotte les yeux, il ne regarde
humains pour être en bonne pas le tableau, comme s’il était « absent » 8 :40Obstacle épistémologique cognitif
santé. 8 :40 Les élèves n’arrivent pas à (difficultés à donner des raisons quant
5 objectifs : boire et répondre aux questions aux questions aux effets des facteurs soulevés)
25 :00 - M manger équilibré; dormir; pourquoi il faut manger équilibré? 9 :40 Obstacle épistémologique cognitif +
31 :57 bouger; se laver; garder le 9 :40 B. ne comprend pas ce qu’est une linguistique + associé à l’oralité (absence
moral, utiliser modérément vitamine, il parle de microbe de compréhension du terme de vitamine, il
les écrans 12 :00 M. regarde ses doigts prononce se trompe de vocabulaire, il
12 :10 B. parle en même temps qu’un emploie le mot microbe de façon peu
autre élève articulée)
13 :10 B. propose l’idée de se couper les 12 :00Coping : activité de substitution
cheveux pour être en bonne santé car « 12 :10Coping : activité de substitution
c’est plus joli » 13 :10Obstacle épistémologique cognitif
13 :56 Un él. insiste qu’il faut se couper (difficultés à trier les éléments essentiels
les cheveux pour être en bonne santé pour être en bonne santé)
17 :43 Les élèves ne trouvent pas 13 :56Obstacle épistémologique cognitif
l’élément attendu par l’E. (idem que 13 :10)
17 :45 Les éls. ne trouvent pas l’élément 17 :43Obstacle épistémologique cognitif
pour être en bonne santé, à savoir : « (idem 13 :10 - 13 :56)
avoir le moral » B. demande si L’E a mal 17 :45Obstacle épistémologique cognitif
au ventre; Kilian23 : « t’es ennuyé »; un (difficultés comprendre le concept «
autre propose de prendre des d’avoir le moral » pour être en bonne
médicaments santé)
18 :45 B. insiste : « t’as pas bien mangé 18 :45Obstacle épistémologique (idem
»; « t’as mal au ventre » 17 :45)

21
Prénom d’emprunt, Bastien ou B.
22
Prénom d’emprunt, Marc ou M.
23
Prénom d’emprunt, Killian ou K.

78
5.3.2 Obstacles chez les élèves de Olivia en P 1
Dans la classe de l’enseignante spécialisée, nous identifions de manière générale plusieurs
obstacles au cours de la partie 1 (P 1) de la séquence d’enseignement. Si globalement, les
élèves sont attentifs et démontrent une volonté de s’engager dans les activités scolaires,
néanmoins, le sens et les contenus des objets enseignés ne sont pas toujours évidents pour
les élèves, à savoir les notions transmises oralement autour de la thématique de la santé.
En effet, au début de la séquence d’enseignement, l’enseignante spécialisée présente ses
activités 2 (activité 2 et activité 2a) à partir d’une discussion. Comme nous l’avons relevé
précédemment, cette dernière souhaite que ses élèves proposent plusieurs éléments
favorisant la bonne santé. Au travers d’interactions orales, les élèves peuvent construire
une réflexion autour des facteurs permettant une bonne santé; n’empêchant toutefois pas
les élèves de rencontrer certaines difficultés liées au contenu du développement des
interactions orales. Autrement dit, nous relevons davantage d’obstacles épistémologiques
d’ordre cognitif. L’exemple d’un épisode saillant illustre bien cette typologie d’obstacle,
celui situé à 8:40, lorsque Olivia tente de faire comprendre à ses élèves qu’il est encore
plus judicieux de manger « de manière équilibrée », ceci après avoir désigné l’élément «
manger, boire » comme étant primordial pour être en bonne santé. En outre, à 17:45, les
élèves butent sur un autre obstacle épistémologique cognitif, en lien avec l’identification
de l’élément psychique « avoir le moral ». En effet, il s’agit de l’avant-dernier élément que
l’enseignante souhaite faire découvrir par ses élèves, mais ceux-ci abordent uniquement la
matière en lien avec des concepts « physiques » (P.ex. avoir mal au ventre). Au moment
où l’élément est identifié comme étant « quand on est un peu triste, voire raplapla »
(Olivia), l’enseignante a de la difficulté à englober les informations soulevées avec la
thématique de la santé mentale. Par ailleurs, à 9 :40, nous repérons également un obstacle
épistémologique, mais cette fois-ci associé à l’oralité, au plan cognitif et linguistique. Il
s’agit d’un épisode au cours duquel Bastien, un élève très investi dans les échanges, ne
comprend pas ce que signifie une vitamine (obstacle épistémologique d’ordre cognitif), il
pense que cette dernière est l’équivalent d’un microbe. En ne mobilisant pas le bon
vocabulaire, à savoir la substitution du terme vitamine par celui de microbe, Bastien
rencontre alors un obstacle épistémologique d’ordre linguistique. Cet élève, demande plus
de précision à l’enseignante quant au mot recherché, et nous observons que celle-ci le fait

79
répéter, car elle ne comprend elle-même pas le mot auquel Bastien associe celui de
vitamine. C’est un camarade qui va répéter le mot « microbe », pour que l’enseignante
puisse saisir la question de Bastien. Par conséquent, la mauvaise prononciation de cet élève
peut être définie comme un obstacle épistémologique associé à l’oralité.
Dès lors, nous constatons que les élèves de la classe d’Olivia rencontrent davantage
d’obstacles d’ordre épistémologique de nature cognitive lors de P1 au cours de la séquence
d’enseignement; même si nous ne pouvons pas exclure les obstacles d’ordre linguistique
et ceux associés à l’oralité. Aussi, les activités de substitution en lien avec un manque
d’attention sont également à prendre en compte; même si, à l’inverse de l’enseignante
ordinaire, les difficultés repérées sont davantage corrélées aux contenus des objets
enseignés. En soulevant une majorité d’obstacles épistémologiques, est-il possible de faire
un lien entre ceux-ci et la manière dont la discussion a été menée par l’enseignante ? Au
vu du découpage des activités 1 (activité 1 et activité 1a) et 2 (activité 2 et activité 2a), nous
pouvons en effet remarquer que l’enseignante spécialisée préfère opter pour une discussion
permettant l’identification des éléments pour être en bonne santé. Étant donné la nature des
obstacles, n’aurait-il pas été plus pertinent de modifier à quelques reprises certaines
modalités d’enseignement ? Par exemple, n’aurait-il pas été possible de proposer une
lecture plus détaillée du texte, en sollicitant davantage la participation des élèves ? Ceci de
manière à faire « accoucher » les idées lors d’un échange plus saillant. Pour aider les élèves
quant au vocabulaire et à l’oralité, aurions-nous pu imaginer introduire des supports
favorisant par la même occasion la compréhension des interactions ? Par ailleurs, permettre
aux élèves d’interagir entre eux aurait-il pu être imaginé par l’enseignante spécialisée au
cours de la discussion ? Cette dernière aurait-elle pu favoriser des formes sociales de travail
différentes du « magistral » ?

80
Tableau 3 : Partie 2 (P 2) de la séquence d’enseignement de Monia

Repères FS T Matériel.s Descriptions Obstacles Types d’obstacles / Manque d’attention


00 :00 - 2 :00 M/Q Tableau Activité 0 : 00 :26 Les éls. ne sont pas attentifs en 00 :26Coping « collectif » : activité de
noir Rappel du début de leçon; ils discutent, ouvrent leur substitution
contenu enseigné bureau etc.
Feuille en P1.
cartonnée Activité 1 : de
A3 2:15 à 6 :37 :
Exemples Consignes
de plantes données pas l’E
pour réaliser le
bricolage
9’00-36 :54 I/M/ Feuille Dès 8 :20 8 :20 C.24demande à quoi sert la feuille 8 :20Obstacle épistémologique cognitif +
C cartonnée Réponses aux d’exemples de plantes. obstacle didactique
A3 questions des éls. 9 :24 R. ne lève pas la main alors qu’il a 9 :24Coping : comportement inadapté
Exemples à partir des une question. 10 :35Obstacle didactique
de plantes consignes de 9 :55 C. veut découper les exemples de 9 :55Obstacle épistémologique cognitif +
l’activité créatrice plantes. obstacle didactique
10 :26 V. dessine en premier une plante 10 :26Obstacle épistémologique cognitif +
10 :35: Plusieurs éls. questionnent l’E, obstacle didactique
lui montrent si c’est juste ce qu’ils ont
fait.
10 : 45 D’autres éls ne comprennent 10 :45Obstacle épistémologique cognitif +
toujours pas. obstacles didactiques
33 :10 Les élèves ne sont pas à leur place 33 :10Coping : activité de substitution

24
Prénom d’emprunt, Cindy, ou C.

81
5.3.3 Obstacles chez les élèves de Monia en P 2
Dans la partie 2 (P 2) de la séquence d’enseignement proposée par l’enseignante ordinaire
Monia, nous identifions quelques obstacles sélectionnés et regroupés dans le tableau 3. En
analysant la typologie des obstacles remarqués, nous constatons en avoir peu recensés en
lien avec des stratégies de coping. Même si comme pour P 1, nous observons à nouveau
que l’ensemble du collectif de Monia n’est pas attentif en début de période (00 :26), nous
choisissons ici de pas nous attarder sur ce type de difficulté. En revanche, nous identifions
un autre type d’obstacle, cette fois-ci d’ordre épistémologique et didactique, que nous
jugeons intéressant à développer étant donné qu’il empêche la plupart des élèves de cette
classe à comprendre l’activité scolaire en jeu, à savoir une production créatrice (activité 1).
En effet, dès les consignes du bricolage données par Monia à partir de 2 :15, jusqu’au
moment où les élèves comprennent et exécutent réellement leur travail, environ 10 minutes
se passent. Pendant ce temps d’incompréhension, les élèves sont confus; beaucoup de
questions sont posées, certains découpent les exemples de plantes dont ils sont censés
s’inspirer, ou encore d’autres lèvent constamment la main pour demander validation à leur
enseignante.
Essayons d’identifier quel type de difficultés rencontrent-ils lors du début de P2 ? Nous
constatons d’abord que les élèves de Monia butent sur les consignes et ne comprennent pas
ce qu’ils doivent exécuter. Le contenu transmis par Monia est perçu comme une nouveauté
et accueilli comme un nouvel objet d’apprentissage à comprendre; il s’agit alors
d’obstacles d’ordre didactique. En observant les difficultés rencontrées par les élèves lors
de l’explicitation des consignes, nous remarquons l’origine de la confusion des élèves. En
effet, l’activité créatrice pensée par Monia repose sur le dessin d’une plante, accompagné
de trois fleurs. Étant donné que pour cette dernière, comme elle l’a soulevé lors de son
premier entretien, corréler P 1 et P 2 est un objectif important pour elle afin d’engager les
élèves dans cette séquence d’enseignement. C’est la raison pour laquelle, cette enseignante
souhaite mettre en lien la production écrite effectuée en P 1, à savoir la sélection
personnelle des éléments cruciaux pour être en bonne santé, avec les trois fleurs incrustées
au bricolage de la plante de la santé. Or, nous constatons que l’enseignante, lors de
l’explicitation des consignes, en mêlant les termes « plante » et « fleur », rend ce
vocabulaire végétal scientifique peu clair pour les élèves. Le sens donné aux mots, lors de

82
l’explicitation des consignes, n’empêche-t-il pas les élèves de comprendre l’activité à
fournir ? Les empêchements didactiques ne proviennent-ils pas d’un manque de précisions
quant aux consignes données par l’enseignante ordinaire ? Pourrions-nous aller jusqu’à
dire qu’au-delà d’empêchements didactiques, il est possible de parler d’empêchements
épistémologiques, étant donné que le contenu des consignes semble être la cause de l’échec
d’un engagement ? Nous poursuivons ces pistes d’analyse lors de l’étude plus approfondie
des gestes professionnels des enseignantes.

83
Tableau 4 : Partie 2 (P 2) de la séquence d’enseignement de Olivia

Repères FS T Matériel.s Descriptions Obstacles Type d’obstacle


00 :00 - 00 :24 M Activité 0 : 1 :14 Bastien ne regarde pas l’E, il est en train de gommer. 1 :14Coping : activité de
Introduction du substitution
bricolage.
00 :24 – 4 :24 M/I Tableau Activité 1 : 4 :24 B. regarde la caméra. 4 :24Coping :
noir Construction du 4:42 B. commence à faire le travail pendant les consignes. comportement inadapté
Compas cercle de la fleur. 4 :42Coping : activité de
Règle substitution
7 :33 Marc fait le cœur à l’intérieur de son cercle, il ne 7 :33Obstacle didactique
comprend pas ce que lui dit l’E. (difficultés à comprendre
7 :45 B. dit à l’E qu’il a fini (pétales) et demande de l’aide pourquoi le cercle doit être
pour le cœur. effectué à côté de la fleur)
7 :45Coping : demande
d’aide soutenue
8 :35 – 10 :48 I/C Activité 1c : 8 :52 B. appelle l’E (occupée) et regarde sur la feuille d’un 8 :52Coping : activité
Consignes pour le de ses camarades pour voir comment il a fait. sociale modifiée (demande
découpage de la d’aide, copie)
fleur.
10 :48 - 12 :35 M/I/C Peinture Activité 12 :01 B. apporte la fleur en entier; il dit ensuite que son 12 :01Coping : obstacle
Eau 1d : Peinture du cœur est « moche » et demande s’il peut refaire. socio-affectif
Pinceaux cœur en jaune
12 :35 - 12 :50 Activité 1e : 13 :37 B. n’arrive pas à découper droit. 13 :37Obstacle didactique
Découpage pétales 14 :35 M. pose une question à l’E sur le découpage. (difficultés à découper)
16 :42 B. demande à l’E la suite pour lui il est en décalage 14 :35Obstacle didactique
avec les autres (idem 13 :37)
16 :42Coping : activité
sociale modifiée (demande
d’aide)
18 :30 B. va vers l’E pour s’assurer que son découpage est 18 :30Coping : activité
bon sociale modifiée (idem
16 :42)
18 :47 B. joue avec la caméra 18 :47Coping : activité de
substitution
37 :00 - 49 :32 M/I/C Tableau Activité 2 : 37 :39 M. montre son bricolage terminé à la caméra en 37 :39Coping:
noir Production écrite (à rigolant. comportement
l’intérieur du 44 :41 B. dit oralement qu’il a tout fini en appelant l’E; perturbation,
bricolage) 44 :41Coping : activité
sociale modifiée (demande
d’aide, copie)

84
5.3.4 Obstacles chez les élèves de Olivia en P 2
Au cours de P 2, nous remarquons que parmi les trois élèves filmés, deux rencontrent plus
d’obstacles de l’ordre du coping. En effet, au sein du petit groupe, les deux élèves en
question, Bastien et Marc semblent moins attentifs qu’en première partie, plus dissipés, et
ils engagent parfois des comportements inadaptés ou des activités de substitution. En
particulier Bastien, qui sollicite plus souvent l’enseignante en lui demandant de l’aide, ce
qui constitue également une stratégie de coping. La demande d’aide est par conséquent
l’indicateur que nous avons le plus observé au cours de cette partie d’enseignement.
Nous questionnons alors cette demande d’aide très soutenue de la part de Bastien. Pourquoi
cet élève mobilise-t-il autant Olivia ? Voici quelques premières pistes d’analyse que nous
poursuivrons avec la partie des interventions enseignantes.
En partant du principe que ce sont les pratiques enseignantes qui permettent l’engagement
des élèves, nous réfléchissons quant aux stratégies mises en place par celle-ci afin de
mobiliser leur attention, notamment en ce qui concerne le découpage de l’objet
d’enseignement, à savoir les contenus artistiques mais également mathématiques
(construction de la fleur avec des instruments géométriques). En effet, Olivia introduit P 2
en exposant le projet de la construction de la fleur, puis procède aux consignes en deux
temps. D’une part, elle donne des informations de manière ponctuelle au « collectif » qui
connaît déjà la procédure; d’autre part, elle aide de façon plus soutenue et plus régulière
Bastien qui a plus de difficultés25. Ainsi, nous émettons l’hypothèse que les difficultés
rencontrées par ce dernier peuvent provenir d’obstacles didactiques en lien avec
l’explicitation des consignes de l’enseignante spécialisée. Pour les élèves qui sont à l’aise,
celle-ci propose de donner des consignes globales et passe entre-temps dans les rangs afin
de s’assurer de leurs bonnes exécutions. Mais pour Bastien qui n’a pas le même rythme
que ses camarades, Olivia lui donne les consignes au fur et à mesure de la création de la
fleur de la santé. Pourquoi Olivia transmet-elle ses consignes de la sorte, du fait que les
élèves la sollicitent davantage en lui demandant plus souvent de l’aide ? Idéalement, ne
serait-il par plus pertinent de tendre à autonomiser un maximum les élèves?

25
A noter que ces deux élèves ont déjà réalisé ce type de bricolage; ce qui n’est pas le cas pour Bastien qui rencontre plus difficultés
au cours de la production créatrice, tout comme lors de la production écrite.

85
En réfléchissant à l’explicitation des consignes de l’enseignante spécialisée, nous
comprenons mieux les obstacles rencontrés par Bastien.
De notre point de vue, les faits observés en début d’analyse (activité de substitution,
comportement inadapté) tirent hypothétiquement leurs origines à partir d’empêchements
didactiques. Selon nous, si l’enseignante du spécialisé avait exposé différemment ses
consignes (P.ex. en donnant en début de leçon des informations globales et en les notant
au tableau), les élèves, en particulier Bastien, n’auraient pas forcément eu besoin de faire
appel à cette dernière de manière aussi soutenue.

5.4 Gestes d’intervention des enseignantes

Cette partie d’analyse cherche à corréler les processus d’attention et d’engagement avec
les stratégies enseignantes pour répondre à notre question de recherche principale, à savoir
comment l’enseignante ordinaire et l’enseignante spécialisée mobilisent-elles les gestes
professionnels, afin d’attirer l’attention des élèves et de les engager dans les activités
scolaires ? Pour ce faire, nous cherchons à comprendre la manière dont les gestes
professionnels sont investis par les deux enseignantes afin de dépasser les obstacles
rencontrés par les élèves. Comme nous l’avons mentionné au fil de notre travail,
comprendre les mécanismes de résistance que peuvent rencontrer les élèves, informe les
enseignantes quant à la pertinence de leurs pratiques, et les conduisent vers des agirs
particuliers pour que leurs élèves soient à nouveau réinvestis et engagés dans les activités
scolaires.
Pour ce faire, nous faisons principalement appel aux gestes de régulations (individuels ou
collectifs) qui ont été développés par le modèle de Tobola Couchepin (2017), de manière
à saisir dans quelles mesures ce geste professionnel mobilisé par les enseignantes permet
de dépasser les obstacles rencontrés par les élèves. De plus, parallèlement à l’étude du geste
de réguler, notre cadre d’analyse repose sur le modèle des postures de Bucheton (2019);
pouvoir identifier l’investissement des postures enseignantes est une visée, tout comme la
façon dont ces celles-ci permettent l’engagement des élèves. En outre, étant donné que
l’enseignement de l’oral est un objet d’enseignement sur lequel nous basons en partie notre
analyse, il est intéressant de comprendre les outils associés à l’oral en termes de moyens
non-linguistiques, que les enseignantes mobilisent.

86
5.4.1 Indicateurs d’analyse
En bref, nous reprenons les tableaux mobilisés précédemment pour l’identification et
l’analyse des obstacles et nous les modifions en fonction des gestes professionnels
mobilisés par les enseignantes au cours des séquences. Nous reprenons ainsi leur squelette,
mais en y ajoutant deux grandes catégories temporelles : avant l’obstacle et pendant (et /
ou la fin de) l’obstacle, que nous divisons en plusieurs colonnes. Celles-ci recensent les
postures enseignantes ainsi que celles des élèves, au moyen du cadrage théorique formulé
par Bucheton (2019), à la fois la notion d’engagement, qui se traduit par la compréhension
du sens de l’activité en question; celle d’attention des élèves expliquée par des indicateurs
tel que « inattentif » et qui met en exergue une attention « physique » non centrée sur
l’activité ou l’enseignante; celle d’intervention enseignante afin de dépasser les obstacles
rencontrés par les élèves, associées à des régulations individuelles ou collectives, de l’ordre
du verbal ou du non-verbal; enfin de l’engagement et de l’attention des élèves après les
interventions enseignantes. Il est aussi important de relever que pour les postures des
élèves, comme pour celles des enseignantes, nous introduisons d’autres indicateurs que
nous jugeons plus révélateurs de l’activité observée. Par exemple, lorsque certains élèves
ne sont pas attentifs et qu’ils discutent avec leurs camarades, nous relevons que du côté de
l’élève, la posture est de type « perturbatrice », et que pour l’enseignant elle correspond à
une posture de « gestion des comportements ».
Par ailleurs, concernant les types de régulations verbales, nous trouvons intéressant de les
analyser en les associant aux différentes catégories de régulation développées par Tobola
Couchepin (2017) et Allal (2007). Ces auteures ont en effet étudié la notion de régulation;
c’est la raison pour laquelle nous les reprenons à partir des indicateurs mobilisés par Dolz,
Silva-Hardmeyer, Pelgrims (2020) et Allal (op-cit.) :
1) Valider et/ou invalider les propositions et les avis des élèves.
2) Reformuler.
3) Expliciter l’origine du problème, les contenus thématiques et la procédure pour les
développer.
4) Fournir des outils.
5) Problématiser et questionner en laissant du temps à l’élève pour qu’il trouve la
solution – Questionner individuellement pour développer la réflexion.

87
6) Questionner le groupe ou des pairs afin qu’ils puissent développer les contenus en
confrontant les idées – inciter à des échanges et des reprises de contenus abordés
par les camarades.

Nous faisons également appel dans l’analyse à la notion d’empêchement didactique qui
définit, selon Vuillet et Gabathuler (à paraître), les causes d’un obstacle rencontré par un
élève par : « un effet du ou des dispositifs didactiques déployés par l’enseignant (une
consigne prêtant à confusion; un support d’activité mal conçu; un problème d’organisation;
la sélection d’une forme sociale de travail inappropriée pour un apprentissage; etc) (p.7).
Nous invoquons également les gestes professionnels associés à l’enseignement de l’oral et
développés par Dolz et Silva-Hardmeyer (2016, p.57) de l’ordre du non-linguistique. En
développant ci-dessous les critères participant à enseigner l’oral, nous comprenons mieux
comment les deux enseignantes permettent ou non l’engagement des élèves :
1) Moyens linguistiques : qualité de la voix; mélodie; débits et pauses, respiration,
rires, soupirs.
2) Moyens kinésiques : attitudes corporelles; mouvements; gestes; échanges de
regards; mimiques faciales.
3) Position des locuteurs : occupation des lieux; espace personnel; distances; contact
physique.
4) Aspect extérieur : habits; déguisements; coiffure; lunettes; propreté.
5) Aménagement des lieux : salle; illumination; disposition des chaises; ordre;
ventilation; décoration.

88
Tableau 1 : Partie 1 (P 1) de la séquence d’enseignement de Monia

P1 Monia Avant l’obstacle Pendant (et / ou à la fin) de l’obstacle


Activités scolaires Obstacles Postures E 1. Attention / Interventions E : 1. Postures E 1. Attention /
Engagement Régulations verbales 2. Non-linguistique Engagement
et / ou (individuelle ou collective) et / ou
2. Postures él. 2. Postures éls.
Q : Activités 0/1 : 5 :45 Contrôle 1. Inattention Individuelle puis collective 1. Contrôle + 1. Attention
Introduction et Coping : Rappel à l’ordre : Gestion des
brainstorming comportement (L’E s’adresse à un él. « A.26 comportements
autour de la groupe classe Si tu parles en même temps 2. Kinésique : doigt
question : qu’est- (Les éls. parlent (houhou) que les copains on devant la bouche
ce qu’il faut pour en même temps s’en sort pas ».)
être en bonne que l’E.) Redirection de l’attention :
santé ? (L’E dit à l’ensemble de la
classe : « Les loulous on se
Tableau noir reconcentre maintenant ».)
Q : Activité 1 : 7 :50 Contrôle 2. Ludique et Collective 1. Contrôle 1. Engagés
Écoute des idées Obstacles créative Redirection vers l’objet 2. Kinésique : geste 2. Scolaires
des éls par l’E; didactiques (Les d’enseignement : du doigt
l’E note au tableau éls. commettent (L’E dit : « Peut-être qu’on en
les idées. des digressions et parle à un autre moment, ce
n’arrêtent pas de qu’on garde en tête c’est que
parler du vélo c’est bien de faire du sport »)
d’appartement
pour faire du
Tableau noir sport)
I : Activité 2 : 10 :18 Lâcher-prise 1. Inattention Individuelle 1. Lâcher-prise 1. Attention
Lecture Coping : attente, Redirection de l’attention : 2. Paralinguistique :
individuelle du activité de (« S.27 il ne va pas se lire tout tonalité de la voix
texte sur la santé : substitution (S. él. seul ton texte ». L’E appelle montante
nouvel élément à regarde ailleurs l’élève par son prénom.)
identifier. et la tête posée
Texte sur la santé dans sa main)
M : Activité 2a : 14 :30 Enseignement + 1. Inattention Individuelle 1. Gestion des 1. Attention
Lecture et Coping : Contrôle Rappel à l’ordre: en comportements
discussions en comportement chuchotant et en utilisant le 2. Paralinguistique :
collectif du texte perturbation (Un mouvement de son doigt « R. qualité de la voix :
sur la santé. élève s’agite en se tu te retournes ». (L’E chuchote en
Nouvel élément balançant sur sa appelant l’él.)
identifié : relations chaise pendant la Kinésique : gestes
avec les autres. lecture collective) du doigt
Texte sur la santé
M : Activité 3 : 19 :26 Contrôle 1. Inattention Individuelle 1. Gestion des 1. Attention
Consignes Coping : activité Rappel à l’ordre : comportements
Production écrite : de substitution (Après les consignes, en 2. Paralinguistique :
texte personnel sur (Un él. regarde la voyant que V regarde la voix (voix douce)
les éléments caméra.) caméra, l’E lui dit « V. tu
participant à la regardes bien, n’oublies pas de
bonne santé. t’appuyer sur le guide ».)
Guide de
production
C / I : Activité 3a : 22 :18 Lâcher-prise + 1. Inattention Individuelle 1. Gestion des 1. Attention
Production écrite Accompagnement Rappel à l’ordre: comportements

26
Prénom d’emprunt, Alexandre ou A.
27
Prénom d’emprunt, Samuel ou S.

89
individuelle. Coping : (En voyant que M. discute 2. Paralinguistique :
Corrections de l’E comportement avec un copain « M.28 tu voix (tonalité
dans les rangs. perturbation, discuteras après avec R., là tu sèche)
substitution te concentres ».)
(M.discute avec
R.)
C / I : Activité 3b 32 :00 Accompagnement 1. Inattention Individuelle 1. Gestion des 1. Inattention
: Corrections des Coping : Rappel à l’ordre: comportements
éls. par l’E à son comportement (L’E dit « J’aimerais bien ne 2. Kinésique :
bureau. perturbation, pas lever la tête à chaque fois mouvement (doigt
substitution pour vous voir faire autre et hochement de la
(Deux élèves chose R. d’accord ? Sinon je tête)
discutent vais te demander de venir
ensemble, dont travailler ici tout seul un petit
R29) moment » L’E montre du doigt
une place devant son bureau.)
C / I: Activité 3b : 35 :00 Accompagnement 1. Inattention Individuelle 1. Gestion des 1. Inattention
Corrections des Coping : attente, Rappel à l’ordre : comportements
éls. par l’E à son substitution, (L’E regarde vers R et dit : « 2. Paralinguistique :
bureau. perturbation (R. Euh R. cette fois je t’ai voix (tonalité
discute toujours. prévenu donc tu prends tes sèche, montante)
affaires et tu viens te mettre à
la table juste devant moi stp
».)
C/ I: Activité 3b : 37 :48 Accompagnement 1. Inattention Individuelle 1.Accompagnement 1. Inattention :
Corrections des Coping : attente, Demande d’attention de l’E : 2.Paralinguistique : W. répond « oui »
éls. par l’E à son substitution (W.30 (L’E dit à W. « W ça va toi, tu voix (tonalité mais il ne bouge
bureau attend, il regarde as besoin d’aide ? ») douce et montante) pas de sa place
en l’air depuis
plusieurs
minutes.)
C/I : Activité 3b : 43 :21 Accompagnement 1.Inattention Individuelle 1.Accompagnement 1. ~ Engagé,
Corrections des Coping : attente, Proposition d’aide à W. 2.Kinésique : gestes inattention
éls. par l’E à son substitution (W. (L’E s’adresse à W : (signe de la main W. vient après
bureau. rêvasse.) E : « Tu veux que je t’aide ? » en direction de l’E) ~10’
W. montre sa feuille
L’E lui fait un signe de la main
de venir à son bureau.)

28
Prénom d’emprunt, Marie ou M
29
Prénom d’emprunt, Ricardo, ou R.
30
Prénom d’emprunt, William, ou W.

90
Tableau 2 : Partie 1 (P 1) de la séquence d’enseignement d’Olivia

P1 Olivia Avant l’obstacle Pendant (et / ou à la fin) de l’obstacle


Activités Obstacles Postures 1. Attention et/ou Interventions E : régulations 1. Postures E 1. Attention et/ou
scolaires E engagement verbales 2. Non-linguistique engagement et/ou
et/ou (Individuelle ou collective) 2. Postures éls.
2. Postures éls.
M / Q : Activité 1 1 :43 et 3 :08 Contrôle 1. Inattention Individuelle 1. Contrôle 1. Attentif
a : Question: de Coping : Activité de Redirection de l’attention: 2.Paralinguistique :
quoi a besoin une substitution (B.31 est (L’E appelle B. « T’as une idée ou voix (tonalité
plante pour être couché sur son pas trop? ») montante)
en bonne santé bureau)
?».
Q : Activités 7 :00 Contrôle 1.Non-engagés Collective 1.Contrôle 1. Engagés
2/2a : Discussions Obstacle 2.Scolaires Extrait P1O1 Contre-étayage (fin 2. Scolaires
sur les éléments épistémologique Régulations : extrait)
pour être en cognitif (difficultés à Validations 2.Kinésique :
bonne santé. donner des raisons Reformulations (demander gestes (doigts)
Objectif : manger quant à la question amélioration de la réponse)
équilibré pourquoi il faut Explicitations des contenus et
Panneaux manger équilibré) procédures
alimentaires Questionner les élèves
Q : Activités 9 :40 Contrôle 1. Non-engagé Collective 1. Contrôle 1. Engagés
2/2a : Question Obstacle 2. Postures Extrait : P1O2 2. Kinésique : 2. Scolaires et
pour être en épistémologique scolaires Régulations : attitudes premières
bonne santé. cognitif + linguistique Reformulation (évaluation corporelles (l’E se
Objectif : + associé à l’oralité négative expliquée) penche en avant);
Qu’est-ce qu’une (obstacles : sens du Explicitations des contenus et mimiques faciales
vitamine mot « vitamine », procédures (fronce les
prononciation) sourcils)
Q : Activité 12 :10 Contrôle 1. Engagé Individuelle 1. Gestion des 1. Attentif et
2/2a : idem ci- Coping : activité de 2. Perturbation Rappel à l’ordre: comportements engagé
dessus substitution (B. parle B. parle en même temps qu’un 2.Paralinguistique :
en même temps qu’un camarade : L’E dit à B : « attends voix (tonalité de la
autre élève) j’entends pas ». voix sèche)
Q : Activité 13 :10 Contrôle 1. Non-engagés Collective 1. Contrôle + 1. Engagés
2/2a : Questions Obstacles 2.Scolaires, Extrait : P1O3 Contre-étayage (fin 2. Scolaires,
posées en rapport épistémologiques premières Régulations : extrait) premières
aux besoins des cognitifs (propositions Validations / Invalidations 2. Kinésique :
humains pour être spontanées : se laver Reformulations (évaluations gestes (p.ex. : pour
en bonne santé. les cheveux car c’est positives et négatives expliquées) évoquer le grand
Objectif : pour plus joli) Problématisation et critère recherché,
être en bonne questionnements l’E fait un grand
santé il faut se Contre-exemples cercle avec ses
laver Tentative d’une confrontation mains)
Q : Activités 17 :45 Obstacles Contrôle 1. Non-engagés Collective 1. Contrôle + 1. Engagés
2/2a : L’E pose épistémologiques 2. Scolaires, Extrait : P1O4 Magicien + 2. Scolaires,
des questions aux cognitifs (Les éls. ne premières Régulations : Sous-étayage premières
élèves en rapport trouvent pas l’élément Validations / Invalidations 2. Kinésiques :
aux besoins des pour être en bonne Reformulations (évaluations mouvements,
humains pour être santé, à savoir : « positives et négatives) gestes (l’E se
en bonne santé. avoir le moral » Explicitations des contenus et recroqueville pour
Objectif : pour 18 :45 B. insiste : procédures illustrer « ne pas
être en bonne « t’as pas bien mangé Problématisation et avoir le moral »)
santé mentale, il »; «t’as mal au questionnements
faut garder le ventre»)
moral

31
Prénom d’emprunt, Bastien ou B.

91
5.4.2 Analyse des gestes des enseignantes en P 1
Après avoir identifié les obstacles, nous poursuivons notre analyse en nous intéressant à la
question des gestes d’intervention mobilisés par les deux enseignantes. En effet, après avoir
recensé et identifié les obstacles rencontrés par les élèves dans le chapitre précédent, nous
nous intéressons maintenant à la question des gestes professionnels que les enseignantes
emploient afin de dépasser les obstacles et engager les élèves dans leurs activités
d’apprentissage. Autrement dit, nous nous concentrons sur les régulations verbales, les
postures enseignantes, les moyens non-linguistiques pour traiter des pratiques
professionnelles en lien avec les obstacles et l’engagement des élèves. Alors que les
régulations mises en évidence (en vert) correspondent à des stratégies enseignantes, pour
surmonter des obstacles liés au coping, les régulations soulignées (en rose) sont corrélées
à des obstacles didactiques. Enfin, les interventions enseignantes (en bleu) font référence
aux obstacles épistémologiques.
Plus concrètement, nous préférons analyser les gestes professionnels des enseignantes de
manière conjointe, pour mettre en lumière les logiques de chaque intervention enseignante
et par conséquent de chaque pratique observée. Nous tentons une explicitation des postures
des enseignantes les plus courantes au regard de leur logique. Puis nous corrélons les
obstacles identifiés aux régulations mobilisées par les enseignantes, afin de retenir plus
précisément ce qui permet l’engagement ou non des élèves. Enfin, nous concentrons notre
analyse sur quelques extraits intéressants sélectionnés à retenir plus spécifiquement. A
noter que ceux-ci sont en lien avec des obstacles épistémologiques et didactiques, étant
donné que notre point de vue est non seulement davantage axé sur cette perspective, mais
également parce que nous y trouvons davantage d’obstacle de ce type. Dans l’analyse de
la partie 1 (P 1) de la séquence d’enseignement de la classe spécialisée, nous évoquons plus
particulièrement cette typologie d’obstacles; tout comme nous le faisons pour l’analyse de
la partie 2 (P 2) de la classe ordinaire.

Postures des enseignantes


Tout d’abord, en ce qui concerne les postures enseignantes, nous relevons de manière
générale que les enseignantes emploient les postures de contrôle et d’accompagnement.
Toutefois, pour l’enseignante ordinaire Monia, cette dernière utilise également la posture

92
du lâcher-prise, notamment lors de l’activité de la production écrite, dans laquelle les élèves
se plongent de façon relativement autonome et avec compétences. D’ailleurs, le guide de
production que l’enseignante leur suggère de consulter, démontre bien cette logique
d’autonomie. En plus du lâcher-prise, Monia intervient fréquemment en mobilisant une
posture d’accompagnement; elle offre en effet une aide ponctuelle, en passant dans les
rangs afin de répondre aux questions des élèves, souvent d’ordre grammatical. Il est
important de préciser que Bucheton (2019) définit cette posture d’accompagnement en
référence à une volonté enseignante d’observer davantage plutôt que de parler. Or ici nous
constatons que Monia est certes dans l’observation pour aider, mais intervient aussi par des
gestes verbaux ou non-verbaux. C’est pourquoi il est difficile d’affirmer que l’enseignante
utilise pleinement cette posture, comme définie par Bucheton. En outre, nous trouvons
qu’elle varie les postures professionnelles, de par la pluralité des activités qu’elle propose.
Monia suit une logique d’enseignement dont les modalités de travail et les formes sociales
changent. Par conséquent, nous pensons que cette logique enseignante favorise
l’engagement de ses élèves de par ce jeu de différentes postures professionnelles.
Pour Olivia, l’enseignante spécialisée, nous n’observons pas, lors de P 1, de postures de
l’ordre du lâcher-prise. Au contraire, Olivia fait recours davantage à la posture
d’enseignement et de contrôle. Elle se place devant ses élèves durant toute la leçon et fait
progresser les interactions au fur et à mesure, par des régulations en lien avec la validation,
la reformulation ou encore la problématisation. Nous pourrions comparer l’enseignante à
une « tour de contrôle » (Bucheton, 2019, p.100), étant donné que les échanges développés
au cours de P 1 sont automatiquement traités par l’enseignante et redistribués par cette
dernière, qui se charge d’effectuer des feedbacks, tout comme elle distribue les tours de
parole. Cette approche de contrôle questionne. Que traduit-elle ? Lors du post-entretien,
Olivia explique, en référence à son choix de bricolage plutôt structuré, préférer maintenir
ses élèves dans une « sécurité d’enseignement » afin de ne pas les laisser s’éparpiller. Est-
ce la raison pour laquelle celle-ci emploie des stratégies de contrôle, dans l’idée de ne pas
perdre ses élèves ? Autrement dit, le contrôle favoriserait-t-il une bonne stratégie
d’enseignement pour capter l’attention des élèves lors des séquences d’enseignement,
notamment avec des élèves en contexte spécialisé ? Pelgrims (2009) regrette d’ailleurs que
les élèves du spécialisé soient « (…) de moins en moins sollicités à s’autoréguler et de plus

93
en plus renforcés dans des stratégies consistant à négocier et à obtenir des aides, des
réponses, dépendant de plus en plus du contrôle et des aides directes de l’enseignant »
(p.154). Toutefois dans notre situation, cette posture de contrôle ne traduirait-elle pas
également la volonté de l’enseignante de répondre aux objectifs de la première partie de la
séquence d’enseignement, à savoir conduire à l’identification et au pointage des cinq
éléments retenus par Olivia, qui favorisent une bonne santé ? A nouveau, nous revenons
au même constat effectué précédemment, à savoir que l’enseignante préfère proposer à ses
élèves des activités scolaires cadrées et structurées, de manière à ce que ces derniers
puissent apprendre et intégrer de la façon la plus compréhensive et explicite possible.

Postures des élèves


Concernant l’ensemble des élèves de Monia et d’Olivia, nous remarquons que la plupart
d’entre eux investissent les postures scolaires. Ils cherchent à répondre aux exigences de
leurs enseignantes et sont plutôt consciencieux. Rarement nous observons un refus de la
part des élèves. Les « non-engagés » que nous avons identifiés et recensés dans les
tableaux, correspondent à des situations d’apprentissage au cours desquelles les élèves ne
comprennent pas l’objet enseigné. Lors de P 1, il y a davantage d’élève « non-engagés »,
dans la classe spécialisée, car ils rencontrent plus obstacles en lien avec le sens des contenus
échangés dans la discussion; par contre ils sont attentifs « physiquement parlant ». En outre,
ils adoptent une posture scolaire, voulue par leur enseignante, au moment de réfléchir sur
les questions posées par Olivia. A la fin des régulations de l’enseignante, suite au recours
à une posture de contre-étayage de celle-ci, il arrive que les élèves « reçoivent » la bonne
réponse.
Dans la classe ordinaire, les élèves rencontrent a priori plus de comportements
perturbateurs (ou d’inattention) que d’obstacles épistémologiques. Nous remarquons
effectivement des manques d’attention, qui se traduisent plus fréquemment et de manière
collective en début et / ou en fin de P 1. Nous faisons l’hypothèse qu’il est plus difficile
d’obtenir l’attention d’un collectif de 23 élèves, en début ou en fin de séquence
d’enseignement.

94
Obstacles et régulations chez Monia en P 1
Dès à présent analysons plus finement la première partie de la séquence d’enseignement,
et notamment le lien entre l’identification et l’analyse des obstacles, à partir des différents
gestes professionnels mobilisés par les enseignantes pour les surmonter. Lors de P 1, les
obstacles identifiés chez les élèves de l’enseignante ordinaire sont davantage en lien avec
des stratégies de coping et notamment avec des obstacles de l’ordre du comportement,
entrainant des activités de substitution (P.ex. aller discuter avec son copain au lieu de faire
l’exercice); mais également des obstacles que nous avons définis dans les postures des
élèves comme de l’inattention. Ainsi, nous remarquons que l’enseignante ordinaire
mobilise fréquemment des interventions de « rappel à l’ordre » des élèves, afin de gérer
leurs comportements et mobiliser ces derniers dans les activités scolaires. Il s’agit souvent
d’injonctions verbales pour tenter de les recentrer sur leur travail. Ce « recentrage » se
traduit également lorsque les élèves commettent des digressions lors de la discussion orale
notamment, au moment où l’enseignante dit à ses élèves qu’il sera possible de parler plus
tard de l’objet auquel ils s’intéressent, mais pas pour le moment. De surcroit, Monia
mobilise parfois des moyens non-linguistiques : des temps kinésiques (utilisation de
gestes : mains, doigts; regards, sourire) et paralinguistiques (diversité de la tonalité de sa
voix) pour attirer l’attention du groupe-classe. Pour réguler de manière individuelle, elle
vise les comportements perturbateurs et investit plus fréquemment des gestes verbaux en
appelant les élèves par leur prénom, tout en modulant la voix. Ces formes de
chuchotements mènent à l’hypothèse que l’enseignante cherche à attirer l’attention de
l’élève en question, sans vouloir déranger le reste du collectif. Nous constatons alors que
Monia, au cours de P 1, effectue des régulations pour relancer ses élèves, étant donné que
ceux-ci manifestent principalement des difficultés d’attention.

95
Obstacles et régulations chez Olivia en P 1
analyse des extraits significatifs
Concernant l’enseignante spécialisée, nous remarquons que les obstacles rencontrés par ses
élèves sont davantage en lien avec le sens des échanges effectués. En effet, l’ensemble des
obstacles identifiés peuvent être reliés à des difficultés épistémologiques d’ordre cognitif.
Par conséquent, ses interventions sont différentes de celles de l’enseignante l’ordinaire et
ciblent des stratégies de l’ordre des régulations que nous pouvons associer au modèle
développé par Tobola Couchepin (2017). Nous pouvons affiner les interventions d’Olivia
en les associant à une typologie de régulation spécifique. Pour ce faire, nous sélectionnons
quatre extraits intéressants relevés dans le tableau qui sont de l’ordre d’obstacle
épistémologiques; ils nous permettent ainsi de mieux comprendre les régulations d’ordre
linguistique employées par Olivia afin d’aider ses élèves à dépasser ou non les obstacles
rencontrés.

Extrait P1O1
L’E et les éls. ont compris l’importance de manger mais l’E souhaite à présent qu’ils identifient
l’expression « manger équilibré ». Reformulations
E : Qu’est-ce qu’on pourrait dire d’autres justement sur cette alimentation ? Questionnement
él. 1 : Manger des légumes, de la viande, du poisson.
E : Pourquoi on doit manger toutes ces choses? Questionnement
él. 2 : Pour être mieux en forme, bien grandir.
E : Si on mangeait par exemple que des fruits est-ce que ça suffit ? Questionnement
él 3. : Non, parce qu’il faut manger aussi d’autres choses pas que ça. Il faut aussi manger des fruits.
E : Oui des fruits, des légumes, de la viande mais pourquoi il faut manger toutes ces choses ?
Validation / Répétition / Questionnement
él. 1 : Pour être en bonne santé.
E : Oui pour bien grandir c’est juste mais pourquoi c’est important ? Vous en aviez déjà parlé L’E
montre les panneaux sur tableau sur les pyramides alimentaires Validation / Questionnement /
Outil
Les éls. ne savent plus quoi répondre.
On dit que c’est important de manger équilibré pour être en bonne santé hein il faut manger un peu
de tout comme l’a dit l’E nomme l’él.3. Explicitations des contenus

L’extrait P1O1 traite de l’importance de manger équilibré pour être en bonne santé. C’est
là que l’obstacle réside pour les élèves. Lorsqu’après avoir compris que manger est un
élément fondamental, ils n’arrivent pas à pointer l’élément « manger équilibré ». Ainsi,
l’enseignante emploie différentes régulations de l’ordre du questionnement en espérant que

96
ces derniers trouvent par eux-mêmes l’élément attendu. Les élèves, avec leurs mots, à
l’image de l’élève 3 comprennent que pour être en bonne santé, il est important de manger
de tout. « Non, parce qu’il faut manger aussi d’autres choses pas que ça. Il faut aussi manger
des fruits ». Ainsi, l’élève 3 explique en quoi il est important de manger équilibré.
Toutefois, les élèves ne réussissent pas à employer le terme précis « équilibré » comme a
l’air de le vouloir leur enseignante. A notre sens, il s’agit par conséquent d’un obstacle
épistémologique car les élèves ne comprennent pas l’élément qu’ils doivent identifier.
Nous remarquons que l’enseignante spécialisée souhaite mener ses élèves à l’utilisation
d’un vocabulaire bien précis; or sur le plan du sens, les élèves ont compris l’idée générale.
C’est pourquoi, la volonté de l’enseignante de vouloir pointer absolument un élément
particulier nous interpelle. Selon nous, il s’agit plus spécifiquement d’un empêchement
épistémologique cognitif, étant donné que l’enseignante cherche à faire pointer un élément
précis (cognitif) mais sans réussir a priori à faire le bon lien. En effet, en quoi demander
aux élèves pourquoi il est important de manger d’une manière diversifiée permet-il de faire
réaliser à ces derniers l’expression « manger équilibré » ? À trop vouloir leur faire dire le
terme spécifique, certains élèves ne risquent-ils pas de douter de l’importance de manger,
voire de manger équilibré ? Autrement dit, en mélangeant plusieurs intentions au cours de
l’échange, l’enseignante n’a-t-elle pas suscité la confusion chez certains de ses élèves ?
Pour surmonter cette difficulté, l’enseignante spécialisée mobilise, entre autres, des outils
à l’image des panneaux de la pyramide alimentaire pour soutenir l’explicitation du concept;
elle les questionne également sur le sens de l’importance de manger une nourriture variée.
A la fin du dialogue, Olivia donne elle-même la réponse, elle emploie alors une posture de
contre-étayage. Toutefois, la posture de contrôle, ses feedbacks et retours constants au
collectif, s’ils permettent une progression des échanges pour surmonter un obstacle
linguistique, ne sont pas suffisants.

97
Extrait : P1O2

L’E dit aux éls. que s’ils décident de ne pas manger des fruits ou des légumes, ils leur manqueront des
vitamines.
él.B. : C’est quoi ? en parlant de vitamine
E : Justement ce qui te donne de l’énergie. Explicitation des contenus
él.B. Comme les « micros » ?
E : Les micros ?
Un élève « traduit » : Nan des microbes.
E : Non justement les microbes c’est tout ce qui va t’embêter. Quand t’es malade tu as des microbes mais
justement si tu manges bien et bien ton corps aura plein de vitamines pour combattre ces microbes il sera
assez fort pour « ah ces microbes on en veut pas ». Invalidation / Explicitation des contenus

L’extrait P1O2 est intéressant puisqu’il met en évidence comment Olivia régule des
obstacles épistémologiques, associés à la fois au domaine cognitif et linguistique. En effet,
pour parler de vitamines, Bastien, l’élève au cœur de cet échange, se trompe de terme et
emploie le mot microbe; il n’associe par conséquent pas la bonne représentation du mot
vitamine. Aussi, il ne parvient pas à prononcer le terme microbe. C’est alors un camarade
qui va clarifier ses propos. Pour répondre à la question de Bastien, l’enseignante spécialisée
va tout d’abord demander de répéter le terme prononcé par l’élève, puis va l’invalider en
définissant ce qu’est un microbe, tout en l’associant au terme de vitamine. En procédant de
la sorte, l’enseignante effectue une comparaison au sein même de son explication pour
finalement aboutir à la définition d’une vitamine. Autrement dit, l’enseignante s’appuie sur
les propos de Bastien, les réfute, explique ensuite le « bon » contenu via une comparaison,
afin de faire émerger la réponse souhaitée.

98
Extrait P1O3

Après avoir identifié : respirer, manger équilibré, faire du sport, dormir; L’E demande à ses élèves
d’identifier un autre élément, à savoir « se laver permet d’être en bonne santé ».
él. 1 : Aussi se couper les cheveux pour être en bonne santé.
E : Oui (Validation) Alors ça ça rentre dans une nouvelle catégorie où tu peux te couper les cheveux
pourquoi ? Questionnement
él. 1. : Parce que c’est moche.
E : Peut-être que tu trouves ça moche mais en soit ça va pas t’empêcher d’être en bonne santé (Contre-
exemple)
él. 2 : Y a des poux.
E : Ouais effectivement dans tes cheveux tu peux avoir des poux (Validation) donc à quelle catégorie
on arrive là-dedans ? (Questionnement)Tu parlais de te couper les cheveux mais moi j’ai les cheveux
longs mais je suis quand même en bonne santé. Contre-exemple
él. 3 : Les cheveux ça nous protège la tête
E : Ça nous protège le crâne oui. Validation
él. 4 : Aussi pour pas transpirer beaucoup
E : Alors c’est pas tes cheveux qui vont t’empêcher de transpirer (Contre-exemple) mais on peut
s’approcher d’un grand critère c’est-à-dire que pour être en forme et en bonne santé vous faites quoi aussi
? (Questionnement – demande amélioration réponse) Et ça vous le faites tous les jours je pense enfin
j’espère. L’E sourit.
él 1 : Parler.
E : Non. Invalidation
él. 2 : Se couper les cheveux ?
E : Tu te coupes les cheveux tous les jours ? Questionnement
él. 2 : Non.
E : À part se couper les cheveux, vous pourriez faire quoi ? Questionnement
él. 3 : Oh je sais, on se lave les cheveux!
E : Ah on se lave les cheveux, tu te laves que les cheveux toi? Je crois que vous avez dégagé une bonne
idée. Validation
E : On se lave ! L’E note au tableau « se laver » Validation

Dans l’extrait P1O3, l’enseignante spécialisée cherche à faire comprendre à ses élèves
l’élément « se laver permet d’être en bonne santé ». Or, les élèves rencontrent ici de la
difficulté à trouver l’élément. L’enseignante, après avoir reformulé ce qui a déjà été
identifié, leur demande de trouver une nouvelle idée. C’est alors que l’élève 1, parle de se
couper les cheveux. L’enseignante spécialisée lui répond alors que cette réponse
correspond à une plus grande catégorie; elle cherche à ce que cet élève aille plus loin, mais
sans lui donner d’autres précisions. Puis, les élèves évoquent également la présence de
poux dans les cheveux, tout comme l’importance des cheveux pour protéger le crâne. Mais
toutes ces réponses ne sont pas suffisantes pour l’enseignante, étant donné qu’elle souhaite
qu’ils identifient le terme « se laver ». Ce contenu épistémologique questionne.

99
A notre sens, l’enseignante n’aurait-elle pas dû accepter que prendre soin de ses cheveux,
autrement dit prendre soin de soi, puisse également être un critère de bonne santé ? En quoi
« se laver » favorise-t-il une bonne santé ? A aucun moment, elle ne le spécifie. Nous avons
l’impression qu’Olivia cherche, à partir de l’exemple cité par l’élève 1, à ce que ses élèves
définissent le grand critère de « se laver pour être en bonne santé ». Par conséquent, tous
les éléments qui pourraient être acceptés en lien avec la thématique des cheveux afin d’être
en bonne santé, ne sont pas pris en compte puisqu’ils ne sont pas formulés, et n’entrent pas
dans le « grand » critère attendu. Comme pour P1O1, Olivia démontre à nouveau une
volonté de faire émerger les éléments qu’elle a prévus elle-même, et prend peu en compte
la spontanéité des réponses de ses élèves.
Par ailleurs, nous remarquons qu’Olivia mobilise plusieurs types de régulations, à l’image
des validations et invalidations qui structurent son discours, mais sans pouvoir orienter ses
élèves, étant donné qu’elle ne leur donne pas plus d’indications quant à l’élément
recherché. Néanmoins Olivia questionne ses élèves afin de faire avancer les échanges, tout
comme elle procède également à des contre-exemples : « (…) Tu parlais de te couper les
cheveux mais moi j’ai les cheveux longs mais je suis quand même en bonne santé ». Ainsi,
cette réplique illustre bien un contre-exemple, étant donné qu’elle insinue que les personnes
aux cheveux longs sont quand même en bonne santé et que par conséquent, ce n’est pas un
besoin prioritaire de les faire couper. Nous avons ici l’impression que l’enseignante justifie
ce choix en fonction de sa vision personnelle de la bonne santé, mais que chez un autre
individu, se couper les cheveux pourrait être fondamental pour d’autres raisons. Autrement
dit, l’enseignante cherche encore une fois à pointer des éléments qu’elle a elle-même
sélectionnés lors de sa planification. Or, être en bonne santé ne passe-t-il pas également
par le plaisir de se « faire beau » ? ; se couper les cheveux ne renforce-t-il pas également
notre cuir chevelu ? Autrement dit, ne serait-il pas plus pertinent de laisser les élèves
exposer plus librement leurs idées, d’autant plus sur une thématique personnelle comme
celle-ci, teintée d’une grande subjectivité ? Dès lors, nous nous demandons si les obstacles
rencontrés par les élèves ne seraient pas au final, la conséquence d’empêchements
épistémologiques, du fait cette enseignante mène la discussion en fonction de son point de
vue personnel sur la santé.

100
Extrait P1O4
L’E reformule les éléments trouvés en les énumérant (Reformulation) ; elle souhaite ensuite identifier un
élément en lien au psychique, à savoir « garder le moral permet d’être en bonne santé ».
E : Je suis bonne santé, je suis en forme mais des fois quand même ça va pas. (Reformulation) J’me sens pas
en forme malgré que je fais tout ça mais je me sens pas encore super super. L’E montre au tableau les éléments
identifiés. (Outils) Qu’est-ce qui pourrait bien m’arriver ? Questionnement
él 1: Peut-être t’as un peu trop mangé.
E : Oui (Validation) peut-être mais c’est pas ça (Invalidation), autre chose qu’on a pas encore dit. On a pris
soin de nous et pourtant je suis toujours un petit peu raplapla L’E montre des signes de faiblesse corporelles
(se recroqueville sur elle) je suis pas terrible. Demande une amélioration de la réponse
él 2: Tu dois prendre des médicaments.
E : Dans mon cas je suis pas malade. Invalidation
él 3: Tu pourrais aller voir le docteur.
E : Je pourrais mais le docteur me dit : « Olivia, dans mes contrôles ça va; la santé ça va » et pourtant je suis
quand même un petit peu pas bien. Demande une amélioration de la réponse
él 1: T’as un peu trop mal à la tête.
E : Nan j’ai pas mal à la tête. Je me sens pas bien mais j’ai pas mal à la tête. Invalidation (non expliquée)
L’E montre alors par des gestes un état de fatigue mentale, se recroqueville sur elle à nouveau.
él 3: T’es fatiguée ?
E : Non je suis pas fatiguée. Invalidation (non expliquée)
él 4: T’as pas mangé tous les jours.
E : J’ai mangé tous les jours mais je suis un peu L’E Fait une moue avec sa bouche. Demande une
amélioration de la réponse
él 2: Tu boudes ?
E : Ouais je pourrais bouder.
él 2: Ah ça m’est déjà arrivé. J’ai rien fait je suis resté tranquille et c’est passé.
E : Mais pourquoi on est comme ça? Questionnement
él 1 : Parce que t’as mal.
E : Nan j’ai pas mal au corps. (Invalidation) L’E montre son corps par des gestes. Je suis un peu raplapla,
peut-être un peu triste qu’est-ce qui m’arrive ? Questionnement
él 2 : Faut voir les amis.
E : Ah (Validation) L’E insiste avec sa voix sur le ah peut-être, c’est important ça pourquoi? Questionnement
él 2: Comme ça on s’ennuie pas on est pas tout seuls.
E : Exact, est-ce qu’on pourrait dire que pour être en bonne santé et aller bien c’est important de voir des gens
de voir ses copains, voir du monde c’est important. Validation
éls ensemble : Oui.
E : Parce qu’effectivement si on voit personne après on s’embête, on dit qu’on a pas le moral on est un peu
triste, on est ennuyé et qu’est-ce qui se passe quand on voit du monde ? Reformulation / Explicitation des
contenus
él.3 : On est joyeux.
E : Voilà ils vont nous aider à aller bien Validation
Un él. réagit en voyant garder le moral écrit au tableau et l’E redéfinit plus précisément comme étant bien
dans sa tête.

101
Dans le dernier extrait sélectionné, P1O4, l’enseignante spécialisée Olivia souhaite que ses
élèves identifient l’élément « pour être en bonne santé il faut avoir le moral ». A plusieurs
reprises, celle-ci mobilise certains gestes professionnels pour leur faire comprendre
l’élément en jeu. Olivia s’appuie notamment sur la posture du magicien, en prenant
l’exemple du médecin. Elle met ainsi en situation ses élèves, dans un contexte de
communication connu par ceux-ci.
En outre, Olivia effectue des régulations de plusieurs ordres; elle valide et invalide à
plusieurs reprises les dires des élèves sans les orienter, mais leur donne une information
supplémentaire. Par contre, elle mobilise des gestes non-verbaux traduisant une volonté
d’expliquer le sentiment d’être « raplapla ». (P.ex. la bouche et les yeux qui tombent, un
corps ramolli). Or, ces gestes sont-ils suffisants pour viser la finalité souhaitée, à savoir le
pointage de la santé mentale ? Au niveau des élèves, ils ne semblent pas mieux porter leur
fruit, car ils ne parviennent pas à se défaire de l’idée que la santé est liée au physique (P.ex.
mal de ventre, mal dormi etc.).
Par ailleurs, l’enseignante spécialisée n’interpelle pas souvent ses élèves, pour faire
avancer les échanges. Les régulations effectuées par cette elle, n’ajoutent-elles pas un
nouvel obstacle ? Olivia est-elle elle-même au clair avec la représentation de la santé
mentale ? En effet, la réplique suivante démontre d’une éventuelle confusion lorsque celle-
ci invoque les dires de son médecin: « « Olivia, dans mes contrôles ça va; la santé ça va »
et pourtant je suis quand même un petit peu pas bien. » En prenant l’exemple du médecin,
qui lui dit que sa santé est en ordre, Olivia ne semble pas choisir le bon exemple, étant
donné qu’elle-même, associe sa santé à la santé en général. Comment faire comprendre
aux élèves le concept de santé du mentale si cette dimension reste confuse ?
De plus, Olivia n’ose pas davantage effectuer de lien avec le psychisme, étant donné qu’elle
estime que la santé mentale reste trop abstraite pour ses élèves. Selon cette dernière, cette
notion est trop éloignée d’eux; elle explique lors de l’entretien post, que les soucis «
mentaux » ne sont pas reliés à la santé. Néanmoins un élève explique avoir déjà ressenti
cet état de lassitude, aussi nous pouvons faire l’hypothèse que ce concept n’est pas si
éloigné d’eux. Pourquoi ne pas avoir cherché à évoquer cette notion ? Un autre élève
affirme qu’il est important d’aller voir ses copains pour se sentir bien. L’enseignante
rebondit alors : « Exact, est-ce qu’on pourrait dire que pour être en bonne santé et aller bien

102
c’est important de voir des gens de voir ses copains, voir du monde c’est important »? Elle
corrèle cette fois-ci elle-même santé mentale et relations avec les autres : « Parce
qu’effectivement si on ne voit personne après on s’embête, on dit qu’on n’a pas le moral
on est un peu triste, on est ennuyé et qu’est-ce qui se passe quand on voit du monde ? ». A
nouveau, la notion subjective de « garder le moral » revient; pour être en forme psychique
avons-nous forcément besoin des autres ? Ne pouvons-nous pas être seuls ? En d’autres
termes, nous pensons que l’enseignante emprunte ici un raccourci en associant les éléments
de relations aux autres avec la santé physique. En définitive, la mise en place du dispositif
didactique selon Olivia n’a-t-elle finalement pas empêché les élèves de comprendre le
concept de santé mentale ? Réfléchir différemment à la catégorisation des éléments d’une
bonne santé, aurait certainement facilité une meilleure appropriation et compréhension des
phénomènes en jeu. Autrement dit, les obstacles rencontrés par les élèves ne proviennent-
ils pas d’empêchements épistémologiques, dans la mesure où le contenu des échanges
menés par l’enseignante spécialisée favorise peu l’engagement des élèves ?

103
Tableau 3 : Parties 2 (P 2) de la séquence d’enseignement de Monia

P 2 Monia Avant l’obstacle Pendant (et / ou à la fin) de l’obstacle


Activités scolaires Obstacles Postures E 1. Attention / Interventions E : régulations 1. Postures E 1.Attention/
engagement verbales 2. Non- linguistique engagement
et /ou (Individuelle ou collective) et/ou
2. Postures 2. Postures
éls. éls.
M / Q : Activités 00 :26 Contrôle 1. Inattention Collective 1.Contrôle 1. Attentifs
0/1 : Rappel à la Coping : activité Rappel à l’ordre : 2.Kinésique : gestes 2. Scolaires
mémoire de substitution (L’E souhaite débuter sa (mouvements de la
didactique de P 1. (Les éls. ne sont leçon mais plusieurs élèves ne main de l’E); sourires
Consignes pour pas attentifs en sont pas attentifs
réaliser le début de leçon; À un él : « On discute après »;
bricolage un élève veut «on commence à travailler sur
Tableau noir parler de quelque chose si tu es d’accord
Feuille cartonnée quelque chose, on en parlera après » À un él : «
Exemples de un autre ouvre t’es dans ton bureau ça nous
plantes son bureau) dérange, c’est pas le moment »)
I / Q : Activité 1 : 8 :20 Accompagnement 2. Scolaire Individuelle 1.Accompagnement 1. Non-
Production Obstacle Régulations: 2. Kinésique : engagée
créatrice (aides + épistémologique Expliciter le contenu thématique attitudes corporelles 2. Scolaire
réponses aux cognitif + (L’E en parlant des exemples de (l’E bouge, distribue
questions des éls.) obstacle plantes : « Ça c’est pour te les feuilles
Tableau noir didactique donner des exemples de plantes d’exemples en même
Feuille cartonnée (C.32demande à pour dessiner ») temps qu’elle régule)
Exemples de quoi sert la
plantes et de feuille
fleurs d’exemples)
I : Activité 1 : 9 :55 Accompagnement 1. Non- Individuelle 1. Contre-étayage 1. Non-
Production Obstacles engagée Régulations: 2. Paralinguistique : engagée
créatrice (réponses épistémologiques 2. Scolaire Répétitions voix (tonalité 2. Scolaire
aux questions des cognitifs + Invalidation (évaluation montante.)
éls.) obstacles négative expliquée) Kinésique :
Tableau noir didactiques (C. (L’E en parlant des consignes mouvement (l’E
Feuille cartonnée veut découper et pour la création de la plante de s’approche de C. et
Exemples de coller les la santé : « Nan mais tu dessines pointe avec son doigt
plantes et de exemples de d’abord. Tu dois pas la coller. la feuille d’exemple)
fleurs plantes) Tu dois la dessiner »)
I : Activité 1 : 10 :26 Accompagnement 1. Engagé Individuelle 1.Contre-étayage 1. Non-
Production Obstacles 2. Première Régulations: 2.Position locuteur engagés
créatrice (réponses épistémologiques Invalidation (l’E est assise au 2. Scolaire
aux) cognitifs + Répétitions centre de la classe, à
Tableau noir obstacles (L’E a propos d’un él. qui lui un bureau non-
Feuille cartonnée didactiques (V. montre son dessin de fleur : occupé)
Exemples de dessine en « Nan pas une fleur, une plante
plantes et de premier une ».)
fleurs fleur)
M : Activité 1 : 10 :35 Accompagnement 1. Engagés Collective 1.Accompagnement 1.
production Obstacles + contrôle 2. Scolaire Régulation: + contrôle Engagés/non
créatrice (réponses didactiques + Répétitions 2.Paralinguistique : -engagés
aux questions des socio- affectifs (L’E en parlant des consignes voix (ralentissement (Certains
éls.) (Plusieurs éls. pour la création de la plante de de la voix, tonalité ont compris
Tableau noir questionnent l’E, la santé : « Tu dessines une traduisant un léger d’autres
Feuille cartonnée lui montrent si plante et sur la plante on met les agacement) toujours
Exemples de c’est juste ce fleurs, là t’as fait une fleur ») pas)
plantes et de qu’ils ont fait.) 2. Scolaires
fleurs

32
Prénom d’emprunt, Cindy, ou C.

104
I : Activité 1 : 10 : 45 Accompagnement 1. Engagée Individuelle 1.Accompagnement 1. Engagée
production Obstacles 2. Scolaire Régulations: 2. Kinésique : 2. Scolaire
créatrice (réponses épistémologiques Répétitions gestes (L’E utilise
aux questions des cognitifs + (L’E en parlant des consignes des gestes pour
éls.) obstacles pour la création de la plante de montrer à C. les trois
Tableau noir didactiques la santé : « Tu dois dessiner une fleurs à intégrer à la
Feuille cartonnée (C. ne comprend plante et sur la plante tu dessines plante)
Exemples de toujours pas). trois fleurs ») Position locuteur (l’E
plantes et de se place au centre de
fleurs la classe)
M : Activité 1 : 11 :00 Contrôle 1. Engagés Collective 1. Enseignement + 1. Engagés
production Obstacles 2. Scolaires P2M1 Contrôle 2. Scolaires
créatrice épistémologiques Régulations: 2. Kinésique : gestes
cognitifs + Répétitions (doigt devant la
obstacles Reformulations à partir d’une bouche; gestes avec
didactiques production d’un élève (et des les mains quand l’E
(les élèves ne moyens non-linguistiques) parle des fleurs, un
comprennent pas grand geste pour la
les consignes) plante)
I : Fin activité 1 : 33 :10 Collectif Contrôle 2. Collective 1. Contrôle 1. Attentifs
production Coping : activité Perturbation Rappel à l’ordre: (L’E rappelle 2. Kinésique : gestes 2. Scolaires
créatrice de substitution aux élèves qu’ils doivent avoir (l’E utilise ses doigts
/perturbation terminé avant de pouvoir se pour énumérer les
(Les élèves ne balader dans la classe: « Les choses à faire)
sont pas à leur enfants là maintenant je ne suis Position locuteur (au
place) plus d’accord, vous êtes à votre centre de la classe)
place, c’est sympa de vouloir Paralinguistique :
montrer aux copains, si vous voix (hausse la voix)
êtes sans arrêt en train de vous
balader et discuter on n’aura pas
fini et vous pourrez pas passer
un moment à jouer ensemble
donc c’est dommage.

105
Tableau 4: Partie 2 (P 2) de la séquence d’enseignement de Olivia

P 2 Olivia Avant l’obstacle Pendant (et / ou à la fin) de l’obstacle


Activités Obstacles Postures E 1. Attention / Interventions E : 1. Postures E 1. Attention /
scolaires Engagement régulations verbales 2. Non- Engagement
et /ou (Individuelle ou collective) linguistique 2. Postures éls.
2. Postures éls.
M : Activité 1 : 1 :14 Enseignement 1. Inattentif Individuelle 1. Enseignement 1. Attentif
Construction de Coping : activité 2. Scolaire Attirer l’attention sur 2. Kinésique : 2. Scolaire
la fleur de substitution (B. l’objet enseigné: regard (l’E regarde
ne regarde pas (L’E montre quel écart il B.)
l’E, il est en train faut pour le diamètre de la
de gommer.) fleur : «. Bastien, nan mais
écoute sinon tu sauras pas
comment faire ».)
M : Activité 1 : 4:42 Enseignement 1. Inattentif Individuelle 1. Enseignement 1. Attentif
Construction du Coping : activité 2. Scolaire Attirer l’attention sur 2. Paralinguistique : 2. Scolaire
cercle de la substitution (B. l’objet enseigné: voix (hausse la
fleur. commence à faire (L’E demande à Bastien de voix; répétition du
Tableau noir le travail pendant la regarder au lieu de faire mot d’abord)
Compas de l’E les consignes) tout seul : « On pique bien
Règle Bastien. Regarde d’abord,
regarde comment je fais ».)
I : Activité 1 : 7 :33 Accompagnement 1. Engagé Individuelle 1.Contre-étayage 1. Engagé à1/2
Construction du Obstacle 2. Scolaire Régulations : 2.Paralinguistique : 2. Scolaire
cercle de la didactique Invalidation : évaluation voix (voix sèche;
fleur. (difficultés à négative expliquée répétition du mot
Tableau noir comprendre (M. fait le cœur à non)
Compas de l’E pourquoi le cercle l’intérieur de son cercle, il Kinésique : geste
Règle doit être effectué à ne comprend pas ce que lui (plusieurs petits
côté de la fleur) dit l’E : « Nan nan nan à gestes sur le travail
côté parce que tu vas le de M. indiquant le
couper » en voyant M. bon endroit à
froncer les sourcils l’E : dessiner le cœur)
après tu vas découper ça, si
tu le fais là en montrant le
centre de la fleur après tu
pourras pas le découper)
M / I : Activité 7 :45 Enseignement + 1. Engagé/engagés Individuelle et collective 1.Accompagnement/ 1. Engagé/engagés
1 : Construction Coping : demande Accompagnement 2.Scolaire/scolaires Régulation à la demande Enseignement 2.Scolaire/scolaires
du cercle de la d’aide soutenue d’aide de B. : 2.Position locutrice :
fleur. (B. dit à l’E qu’il a Alors que les autres mouvements (l’E
Tableau noir fini (pétales) et avancent et que l’E leur s’approche près de
Compas de l’E demande de l’aide donne les consignes; B. lui B. sans s’abaisser à
Règle pour le cœur) dit « c’est bon Olivia j’ai sa hauteur)
pendant que le terminé », l’E lui montre Paralinguistique :
reste de la classe comment faire le cœur : « voix (La voix de l’E
poursuit parfait magnifique cette monte pour donner
fleur, maintenant tu prends au reste du groupe
trois cm sur ta règle » les consignes)
I : Activité 1c : 8 :52 Sous-étayage 1. Non-engagé Aucune régulation 1.Sous-étayage 1. 1/2 engagé
Consignes pour Coping : activité 2. Scolaire (B. copie sur son voisin 2./ 2. Scolaire
le découpage de sociale pour voir la suite du
la fleur. modifiée (copie – bricolage)
B. appelle l’E
(occupée) et
regarde sur la
feuille d’un de ses
camarades)

106
I/C: 12 :01 Accompagnement 2.Scolaire Individuelle 1.Enseignement + 2. Scolaire
Activité 1d : Coping : obstacle Encouragements de l’E : Contre-étayage
Peinture du socio-affectif (B demande s’il peut refaire 2.Paralinguistique :
cœur en jaune (B. apporte la son cœur car il ne le trouve voix (pauses)
Eau fleur en entier; il pas beau; l’E accepte en lui Position
Peinture dit ensuite que son disant : « tu vas y arriver » locutrice (l’E
Pinceaux cœur est « moche et en lui redisant la s’approche près de
» et demande s’il procédure : « un cercle de 3 B. sans se mettre à
peut refaire.) (…) maintenant tu le sa hauteur)
découpes correctement puis
tu vas le coller »)
I : Activité 1e : 13 :37 Accompagnement 2. Scolaire Individuelle 1.Contre-étayage 1. Engagé
Découpage Obstacle Régulations : 2.Kinésique : gestes 2. Scolaire
pétales didactique Invalidation (des ciseaux)
Ciseaux (difficultés à Explicitation des contenus Position locutrice :
découper, B. Régulations didactiques+ (l’E s’approche près
n’arrive pas à Réponse à la demande de B. en se mettant
découper droit) d’aide soutenus de B. : à sa hauteur)
Coping : demande (L’E : « qu’est-ce que tu
d’aide de B. fais mais arrête de couper
là, maintenant tu coupes sur
la ligne pas à côté »
L’E lui montre en prenant
ses ciseaux)
I : Activité 1e : 18 :47 Accompagnement 2. Perturbation Individuelle 1. Gestion des 1. Engagé
Découpage Coping : activité Rappel à l’ordre de l’E : comportements 2. Scolaire
pétales de substitution (B. (Alors que B. joue avec la 2. Paralinguistique :
joue avec la caméra, l’E est en colère : voix (l’E hausse la
caméra) « B. arrête maintenant, ca voix)
ça m’agace ») Position locutrice :
(l’E s’approche près
de B. en se mettant
à sa hauteur)
P 3 Olivia 1. Attention / Interventions E : 1. Postures E 1. Attention /
Activités Obstacles Postures E Engagement régulations verbales 2. Non- Engagement
scolaires et /ou (Individuelle ou collective) linguistique 2. Postures éls.
2. Postures éls.
M/I: 37 :39 Coping: Enseignement + 2. Perturbation Individuelle 1. Magicien 1. Engagé
Activité 2 : comportement contrôle Rappel à l’ordre de l’E : 2. Kinésique : 2. Scolaire
Production perturbation (M. (Alors que M. montre son regard (L’E regarde
écrite (à montre son bricolage à la caméra, L’E M de manière
l’intérieur du bricolage terminé dit « ce n’est pas un clown interloquée)
bricolage) à la caméra en »)
Tableau noir rigolant)
Stylos
I Activité 2 : 44 :41 Accompagnement 1. Engagé Individuelle 1.Sous-étayage 1.Engagé
Production Coping : activité Réponse à la demande 2. / 2.Scolaire
écrite (à sociale modifiée d’aide soutenus de B. :
l’intérieur du (demande d’aide, (Alors que B. dit à l’E qu’il
bricolage) copie, B. dit a tout fini, l’E lui dit qu’elle
Tableau noir oralement qu’il a arrive. Entre-temps un
Stylos tout fini en autre él. lui dit qu’il n’a
appelant l’E mais pas fini)
elle est occupée)

107
5.4.3 Analyse des gestes professionnels en P 2 (et P 3)
Étudions à présent les gestes professionnels des enseignantes au cours de la deuxième et
troisième partie de la séquence d’enseignement P2 (et P 3). Quels gestes spécifiques sont-
ils mobilisés par nos deux professionnelles afin de permettre l’engagement de leurs élèves
? Existent-ils des stratégies enseignantes spécifiques en fonction de chaque typologie
d’obstacles ? Dans cette seconde partie d’analyse, nous rappelons dans un premier temps
le type d’obstacles rencontrés par les élèves; puis nous corrélons les obstacles identifiés
aux gestes d’intervention professionnels effectués. Enfin, nous analysons plusieurs extraits
que nous trouvons intéressants que nous souhaitons creuser, pour enrichir la
compréhension des pratiques enseignantes. En portant notre regard sur des épisodes
marquants, nous pouvons mieux comprendre et étudier les gestes de régulation en fonction
de la typologie d’obstacles. A noter que l’ensemble des typologies de gestes de régulation
auxquelles nous nous référons sont inclues dans chacune des deux parties qui suivent.

Obstacles et régulations chez Monia en P 2


analyse des extraits significatifs
A l’inverse de la séquence P 1, nous relevons davantage d’obstacles épistémologiques dans
la classe de l’enseignante ordinaire. Alors que dans la classe spécialisée, nous identifions
plus d’obstacles en lien avec des stratégies de coping. En effet, nous constatons que les
élèves de Monia rencontrent des difficultés au moment de produire leur bricolage; ils ne
semblent pas avoir bien compris les consignes, d’autant qu’à plusieurs moments certains
disent explicitement ne pas savoir ce qu’ils doivent faire. D’autres montrent à leur
l’enseignante de façon spontanée ce qu’ils ont déjà produit, mais ne répondent pas aux
exigences de celle-ci. Ils sont à notre sens dans une posture première. C’est pourquoi,
l’enseignante, à la suite des consignes, effectue plusieurs régulations individuelles, puis
une grande collective. Reprenons l’épisode P2M1, en décortiquant les différentes
régulations externes interactives (régulations à chaud), individuelles ou collectives, à l’aide
du verbatim ci-dessous, de manière à enrichir l’analyse et mieux comprendre les gestes
mobilisés par l’enseignante pour engager ou non ses élèves.

108
Extrait P2M1
7 :40 Alors que deux élèves distribuent le matériel, (deux feuilles d’exemples; une pour les fleurs, une
P2M1
pour les plantes) l’E s’approche à la hauteur d’une élève allophone et lui réexplique en anglais les
consignes du bricolage.
8 :20 él. 1 : L’él. appelle l’enseignante et lui dit « Monia ça sert à quoi ça ? » en parlant de la feuille
d’exemples de fleurs et de plantes.
E : C’est pour te donner des exemples de plantes. Explicitation des contenus (consignes)
él. 1 : Je peux choisir celles que je veux ?
E : Oui. Validation
8 :40 Les élèves se mettent au travail, ils chuchotent.
9 :55 él.2 : Il faut coller ?
Régulations E : Tu dois pas la coller (Invalidation), tu dois la dessiner. Essaye de faire celle-là Monia pointe une
individuelles = plante et après tu rajouteras les fleurs Monia se met à la hauteur de l’él. Répétitions (consignes)
validations,
invalidations, 10 :25 L’él3. Montre son dessin à Monia, c’est une fleur qui est dessiné.
répétitions E : Non pas une fleur, sur la plante tu mettras les fleurs. Invalidation / Répétitions (consignes)
10 :34 él 4 : Monia j’ai pas compris.
E : Tu dessines une plante, Monia accentue la tonalité de sa voix sur le mot « dessine », et sur la plante
on met les fleurs. Répétitions (consignes)
10 :48 él. 2 : Monia j’ai pas compris
E : Tu dois dessiner une plante et sur la plante tu dessines les trois fleurs. Monia se met à la hauteur de
l’élève et utilise ses gestes pour parler des trois fleurs. Répétitions (consignes)
Monia s’adresse à une autre él. qui a compris les consignes Oh c’est bien bravo !

Régulation 11 :00 E : Monia s’adresse à l’él : Je peux montrer ce que tu as fait ? Regardez les enfants, regarder une
collective seconde par ici pour ceux qui n’auraient pas tout à fait compris il a fait une plante, sa plante elle a la forme
=
répétitions, d’un cactus et sur sa plante il a mis trois fleurs. C’est une grande plante de la santé et sur la grande plante
reformulations il a mis les trois fleurs. Monia fait des grands gestes de la main pour parler de la grande plante et trois
petits gestes pour les trois fleurs. C’est pas trois fleurs les unes à côté des autres. Répétitions
Reformulations
L’él. 4 montre son dessin, il a dessiné une fleur.
E : Ça c’est une fleur, tu dois dessines une plante, tu vois une grosse plante avec trois fleurs dessus.
Invalidation / Reformulations
él.5 : On peut faire un arbre ?
E : Oui. Validations

109
Nous constatons qu’à plusieurs moments (9 :55, 10 :25, 10 :34, 10 :48, 11 :00) de la leçon,
les élèves montrent des signes d’incompréhension envers la consigne donnée par
l’enseignante ordinaire Monia; plusieurs avouent en effet ne pas comprendre comment
produire l’activité créatrice et effectuent en premier une fleur au lieu d’une plante. Nous
trouvons intéressant d’indiquer plus particulièrement ces repères temporels, et montrer la
structure temporelle des régulations enseignantes, suite aux obstacles rencontrés par les
élèves.
Le premier indice de l’extrait sélectionné, qui indique un manque de compréhension de la
consigne, se traduit pour l’él.2 (à 9 :55) par le fait qu’elle pense devoir découper les
exemples de plantes; l’enseignante régule alors de manière individuelle en s’approchant
d’elle et en répétant la consigne, en rappelant qu’elle ne doit pas coller mais qu’elle doit
dessiner d’abord une plante. L’él.3 (à 10 :25), à son tour, ne comprend pas ce qu’il doit
faire; il montre son dessin à l’enseignante, mais celui-ci ne correspond pas aux consignes,
étant donné que Monia lui dit qu’il vient de dessiner une fleur au lieu d’une plante. À
10 :48, l’él.2 affirme toujours ne pas avoir compris les consignes; l’enseignante s’approche
alors d’elle, se met à sa hauteur, utilise entre autres des gestes afin de parler des trois fleurs
et de la plante. Elle répète les mêmes propos : « Tu dois dessiner une plante et sur la plante
tu dessines les trois fleurs ». La régulation effectuée sous cette forme, ne permet toujours
pas l’exécution de la tâche.
D’où provient l’obstacle ? La différence entre une plante et une fleur n’est pas claire pour
l’él.2. Au vu de la confusion observée chez plusieurs élèves, au travers les diverses
questions, l’enseignante décide de répéter collectivement les consignes en les reformulant
à 11 :00. A ce moment-là, nous observons qu’il réside une confusion quant aux consignes
données par l’enseignante en début de P 2; les obstacles rencontrés par les élèves semblent
provenir d’un manque de clarté et d’explicitation. Les multiples tentatives de répétitions
de Monia sont-elles à l’origine des difficultés de compréhension des élèves ? A notre sens,
nous pensons que les répétitions investies par l’enseignante ne permettent pas un meilleur
engagement des élèves, étant donné qu’elles ne reformulent pas les propos des élèves, mais
répète ce qu’ils sont censés faire. De plus, ces répétitions n’apportent pas de contenus
d’enseignement supplémentaire. Aussi, nous supposons que la difficulté provient du
manque d’explicitation spécifiquement en rapport au vocabulaire employé pour les

110
végétaux. En effet, la plupart des élèves dessinent des fleurs avant la plante, alors que
l’enseignante avait expliqué qu’ils devaient dans un premier temps produire une plante,
puis placer des fleurs. Probablement que les élèves ne comprennent pas la différence entre
ces deux types de végétaux. Nous pensons qu’il s’agit d’un obstacle épistémologique
d’ordre cognitif, lié en partie au contenu scientifique des végétaux. Quelle différence y a-
t-il entre une plante et une fleur chez les élèves ? A quel moment l’enseignante l’explicite-
t-elle ? Au vu des obstacles épistémologiques rencontrés, nous constatons que les élèves
de la classe ordinaire butent sur la question du sens.
En résumé, notre hypothèse sur le manque de clarté quant à la formulation des consignes
semble se vérifier en début de P 2, malgré l’ensemble des répétitions effectuées par Monia;
les obstacles sont par conséquent de l’ordre de l’empêchement didactique. Par ailleurs, les
obstacles corrélés aux contenus épistémologiques (distinction entre les deux types de
végétaux) sont également à prendre en considération et contribuent à notre sens au non-
engagement des élèves. Au final, les obstacles liés aux contenus des consignes représentent
à nos yeux des empêchements épistémologiques.
C’est la raison pour laquelle nous trouvons pertinent d’étudier plus finement, dans la suite
de cette analyse, les consignes initiales formulées en P 2 (P2M2), afin saisir dans le
discours (verbal) de l’enseignante, les empêchements didactiques et épistémologiques qui
ont contraint les élèves à ne pas pouvoir s’engager dans l’activité créatrice. En outre, nous
revenons également sur les moyens non-verbaux qui ont permis l’engagement des élèves.

111
Extrait P2M2

E : Du coup ce que je vais vous demander aujourd’hui. à un él.R. : R. il faut que tu poses ça sinon on peut pas
travailler. Je vais vous demander maintenant de fabriquer une plante votre plante à vous qui représentera votre
santé. Vous allez la dessiner comme si c’était la plante de votre santé que vous allez devoir prendre soin. Et du
coup on va mettre trois fleurs sur cette plante. L’E montre au tableau au fur et à mesure les trois éléments qui
constitueront les trois fleurs. Une fleur pour qu’est-ce que je peux faire pour être bien dans ma tête, une fleur sur
qu’est-ce que je peux faire pour être bien dans mon corps, et une fleur pour qu’est-ce que je peux faire qu’est-ce
que j’ai besoin pour me sentir bien dans mes relations avec les autres. Alors qu’un él. veut prendre la parole en
levant la main, L’E lui dit : attends je finis d’expliquer et si tu as toujours besoin je t’explique volontiers. On va
prendre la feuille dans ce sens L’E montre le sens vertical. Pourquoi ? Parce qu’après on va les utiliser vos fleurs
de la santé pour décorer la classe on les mettra aux fenêtres. Donc vous allez dessiner une plante en grand L’E fait
un grand geste sur la feuille avec sa main, elle doit prendre toute la feuille et vous allez ajouter sur la plante 3
fleurs. L’E montre 3 doigts. Une fleur pour ce qui est important pour être bien dans sa tête, une fleur pour le corps,
une fleur pour les relations avec les autres. Soit vous prenez ce que vous avez dans votre tête vous imaginez votre
plante vraiment comme vous avez envie une plante avec trois fleurs. Soit je vais vous donner à chacun par groupe
de deux des exemples de plantes. L’E montre aux éls. la feuille des exemples (outils) de plante. À une él. qui ne
regarde pas : tu poses ça tu écoutes. Vous choisissez pour vous donner des idées. À une él. qui la coupe : attends
je finis. Et des exemples de fleurs. Vous allez faire dans un premier temps le dessinner au crayon et quand vous
serez sûrs de vous et contents de ce que vous avez fait, vous viendrez vers moi pour prendre un stylo noir et
ensuite on coloriera avec les crayons de couleurs. Est-ce que vous avez des questions sur ce que je viens de dire.
Des questions sur ce que je vous demande pas sur autre chose. sourires
él 1 : Est-ce que y a plein de type de fleurs et on fait ce qu’on veut ?
E : Oui tu choisis ce que tu veux. Validation Tu peux faire trois fois la même fleur. Tu peux inventer ta propre
fleur, ça c’est juste une aide. Des fois ça aide d’avoir un petit dessin pour avoir un petit support des fois on a du
mal à trouver tout seul. Reformulation
él 2 : Quand on aura fini de faire aux crayons de couleurs on pourrait faire le fond avec un petit peu d’eau?
E : Oui c’est prévu. Validation Alors effectivement pour que ce soit plus joli merci de m’avoir posé la question
c’est vrai que j’ai oublié de le dire en s’adressant à l’él2 vous pouvez utiliser les crayons comme de l’aquarelle,
donc venir prendre un petit peu d’eau mais vous vous rappeler il faut en mettre très très peu parce que sinon ça fait
des trous dans le papier et après il est tout gondolé. Vu qu’on a pas énormément de temps j’écoute encore juste les
dernière questions si c’est vraiment des questions importantes de choses que vous n’avez pas comprises et sinon
on s’y met. Reformulation / Explicitations de contenus L’E donne la parole à l’él3.
él 3 : Est-ce qu’on a le droit d’inventer notre fleur ?
E : Oui je l’ai dit tu peux inventer ce que tu veux, ça en parlant des exemples de végétaux c’est juste un exemple.
C’est vous les artistes, c’est vous qui décidez. Validation
él 4 : Est-ce qu’on peut faire à deux ?
E : C’est plus facile pour ça de rester à votre bureau mais une fois qu’on aura terminé vous pourrez changer.
Quand vous avez fini L’E fait signe avec sa main à un él. de se taire en mettant la main comme un « stop » votre
fleur complètement terminée, on pourra la découper avant de la mettre sur la fenêtre.

6 :32 L’E a terminé de donner ses consignes et demande à deux éls. de distribuer.

112
Au cours de l’explicitation des consignes (P2M2), nous constatons que les empêchements
épistémologiques (liés au sens des contenus des deux types de végétaux) semblent être la
cause de l’incompréhension des élèves. Tout d’abord, lors des consignes, nous observons
que l’enseignante ne définit à aucun moment les termes. De plus, à la fin de l’extrait
sélectionné, nous relevons que Monia mélange les termes de fleur et de plante : « Quand
vous avez fini votre fleur complètement terminée, on pourra la découper avant de la mettre
sur la fenêtre. » (Monia). En substituant elle-même le terme de plante par celui de fleur,
cela semble susciter chez les élèves une confusion. Or, pouvons-nous réellement parler de
confusion étant donné que Monia n’explicite pas la différence entre ces termes de végétaux,
hormis au moment d’évoquer les références sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer afin
de produire leur dessin (deux feuilles d’exemples différenciées). Cela pose la question des
objectifs visés. Monia a-t-elle l’intention d’enseigner à ses élèves des notions en lien avec
les contenus disciplinaires des sciences de la nature ?
A noter quand même que lors dans l’entretien-post, Monia se rend compte du manque de
limpidité quant à la formulation de ses consignes, et notamment de la nécessité d’une
distinction entre les deux termes de végétaux : « Oui, c'est vrai qu'avec les enfants pour
eux une fleur c'est une plante ». Par conséquent, nous sommes convaincus que la difficulté
de compréhension de la consigne provient majoritairement d’un manque de précision du
vocabulaire; nous pouvons dire qu’il s’agit d’empêchement épistémologiques d’ordre
cognitif et linguistique, étant donné qu’ils concernent une confusion propre au contenu
d’un lexique spécifique. Impliquer les élèves lors des consignes aurait-il contribué à
anticiper potentiellement la problématique en question ? Nous pensons qu’une régulation
proactive (Allal, 2017) aurait certainement évité de l’incompréhension et de multiples
régulations rétroactives. Dans ce contexte, l’enseignante aurait pu montrer à ses élèves un
exemple de bricolage, ou demander de reformuler ses propos. Celle-ci se serait peut-être
rendu compte du risque de confusion dans les consignes.
Par ailleurs, nous remarquons dans la temporalité et la formulation des consignes, que
Monia les donne au fur et à mesure. Elle questionne peu ses élèves, ni ne laisse de traces-
repères au tableau. Par contre, elle les rassure en leur disant qu’elle leur réexpliquera
progressivement selon leurs questions. Ne manque-t-il pas un support visuel pour
accompagner les consignes avant de commencer l’activité ? Cela aurait probablement aidé

113
aux élèves à s’engager plus facilement. En outre, Monia semble chercher à ce que les élèves
investissent rapidement l’activité, en répétant à plusieurs reprises qu’ils n’ont pas beaucoup
de temps : « Vu qu’on n’a pas énormément de temps j’écoute encore juste les dernières
questions si c’est vraiment des questions importantes de choses que vous n’avez pas
comprises et sinon on s’y met ». La pression du temps serait-il également un facteur
explicatif de cette volonté d’engager les élèves rapidement dans leur travail, au détriment
d’une vérification de la compréhension ? Lors des entretiens, Monia avoue à plusieurs
reprises, qu’elle aurait souhaité effectuer cette séquence d’enseignement sur une durée plus
longue. Mais étant donné les contraintes de notre recherche, elle a préféré condenser
l’enseignement des différents objets.
Après avoir explicité les différents empêchements qui impactent l’activité d’apprentissage
des élèves, nous reprenons les facilitateurs de l’engagement des élèves, en identifiant les
gestes professionnels qui favorisent cet investissement. Au vu de la confusion visible au
travers des différentes questions, l’enseignante ordinaire propose à 11 :00 une régulation
collective, ce qui semble porter ses fruits puisque les élèves vont s’investir dans l’activité.
Ils ont compris ce qu’ils doivent faire. Analysons les gestes professionnels et les facteurs
explicatifs d’ordre linguistique et / ou gestuel qui favorisent l’engagement des élèves.

Extrait P2M3

Monia s’adresse à un él. qui a compris les consignes: Je peux montrer ce que tu as fait
? L’E dit à ses élèves : Regardez les enfants, regardez une seconde par ici pour ceux qui
n’auraient pas tout à fait compris, il en nommant le prénom de l’él. a fait une plante, sa
plante elle a la forme d’un cactus. Sur sa plante il a mis trois fleurs. C’est une grande
plante de la santé et sur la grande plante il a mis les trois fleurs. Monia fait des grands
gestes de la main pour parler de la grande plante et trois petits gestes pour les trois
fleurs. C’est pas trois fleurs les unes à côté des autres.

Nous constatons que l’enseignante effectue une régulation collective, en englobant toute la
classe : « Regardez les enfants ». Elle régule de la sorte en voyant que plusieurs élèves ne
comprennent pas ce qu’ils doivent faire. En optant ainsi, l’enseignante attire l’attention du
groupe-classe, car elle se rend bien compte que plusieurs élèves sont perdus.

114
Par conséquent, après avoir répété à maintes reprises individuellement les consignes, elle
préfère les reformuler en prenant appui sur la production réussie d’un élève. Prendre appui
sur l’activité des élèves « chronogènes » devient un geste professionnel employé par
l’enseignante ordinaire. Si Monia s’appuie cette fois-ci des élèves qui ont compris les
consignes, nous nous demandons pourquoi elle n’y a pas pensé avant ? Comme de produire
un modèle de bricolage permettant aux élèves de se représenter le travail de la plante et des
fleurs à réaliser ? En outre, Monia reformule ses propos d’une autre manière en explicitant
la procédure par le biais de gestes non-verbaux, ceux-ci accompagnant ses dires. En effet,
avec ses mains, pour symboliser les végétaux, elle effectue des mouvements : un grand
geste pour représenter la plante et des plus petits pour les fleurs. Toutefois, selon nous, s’il
fallait ajouter une régulation essentielle, nous sommes convaincus de l’importance de
l’explicitation des contenus, au travers la définition du lexique des végétaux.

Obstacles et régulations chez Olivia en P 2 et P 3


Concernant l’analyse des obstacles et des régulations pour l’enseignante spécialisée, nous
nous rendons compte que les difficultés surgissent principalement en lien avec des
stratégies de coping. En effet, nous observons que pour un élève en particulier, Bastien,
celui-ci réclame fréquemment de l’aide à son enseignante; à plusieurs reprises, il sollicite
Olivia afin de lui demander la suite des consignes, ou encore lui pose des questions quant
au contenu des gestes à effectuer. Quelles sont les raisons qui poussent Bastien à beaucoup
solliciter son enseignante ? Quelles sont les différentes stratégies utilisées par Olivia, en
réponse au besoin d’aide de Bastien ?
Dans la suite du travail, nous analysons plus en détail, dans de courts extraits, les gestes
professionnels mis en place par l’enseignante spécialisée, pour gérer l’activité
d’apprentissage de Bastien. Avant de commencer l’analyse, il est important de préciser le
profil d’élève de Bastien. Il s’agit d’un élève ayant des troubles d’apprentissage, et qui se
« disperse vite » (Olivia), c’est pourquoi il est placé à l’avant de la classe. Lors de
l’entretien post, Olivia explique que Bastien est « un peu partout et nulle part à la fois ».
Est-ce pour cette raison que l’enseignante met en œuvre des dispositifs didactiques et des
types d’activités scolaires bien structurées ? En effet, l’enseignante explique qu’il est
important de bien « cadrer » Bastien étant donné que « si tu lui donnes les mêmes consignes

115
que les autres, il va partir dans tous les sens » (Olivia). Nous nous rendons compte ainsi de
l’influence des besoins des élèves sur la conception des activités d’enseignement pour une
enseignante spécialisée. Olivia cherche effectivement à structurer les activités scolaires
qu’elle propose, de manière à engager ses élèves, en particulier Bastien. Toutefois, le choix
du bricolage, en lien avec des contenus mathématiques de géométrie, s’est effectué en
fonction de l’appréciation qu’ont les élèves d’Olivia pour cette discipline. Nous
remarquons que la volonté de structurer l’activité provient d’une part d’un souci de ne pas
contribuer à disperser les élèves, en particulier Bastien, et d’autre part, pour le plaisir que
les élèves ont d’effectuer ce genre de tâche.
En analysant un peu plus finement les gestes professionnels mobilisés par l’enseignante
spécialisée, nous remarquons que cette dernière répond souvent favorablement aux
demandes de Bastien. Néanmoins, tout au long de P 2, nous constatons qu’Olivia est
constamment à l’affût du moindre obstacle rencontré par ses élèves, même si elle semble
avoir un regard plus attentif sur Bastien. Ci-dessous, nous décrivons succinctement
quelques épisodes qui démontrent les demandes de la part de Bastien envers son
enseignante pour effectuer l’activité scolaire, et en retour l’aide bien marquée de cette
dernière envers cet élève. Nous analysons ensuite plus finement les gestes de régulation
dont l’enseignante fait preuve au cours de P 2.
Lorsque Olivia se trouve dans la posture d’enseignement, Bastien est affairé dans son
activité et manipule ses instruments de géométrie (à 1 :14, tout comme à 4 :42). Au début
de la deuxième partie d’enseignement, lors de l’explicitation des consignes pour la création
de la fleur de la santé, l’enseignante lui donne les informations pour réaliser la construction
des pétales de la fleur, il ne la regarde pas. Après avoir jeté un coup d’œil à cet élève, nous
constatons qu’Olivia le stimule verbalement; elle le voit engagé dans une activité mais
s’aperçoit qu’il n’exécute pas correctement le dessin de fleur avec ses instruments.
Autrement dit, Bastien se lance dans l’activité de façon spontanée, occupant en quelque
sorte une posture première dans la mesure où il effectue la tâche, mais de façon instinctive
sans se préoccuper de répondre aux exigences de l’enseignante. L’enseignante attire alors
l’attention de Bastien sur l’objet enseigné en l’interpellant : « Bastien, nan mais écoute
sinon tu ne sauras pas comment faire ».

116
Puis, au moment où Olivia passe dans les rangs, afin d’apporter une aide ponctuelle dans
une posture de « semi » accompagnement, elle guide ses élèves verbalement au lieu de les
observer, cela pour répondre aux demandes d’aide de Bastien. On voit qu’il la sollicite à
7 :45 : « C’est bon Olivia j’ai terminé ». L’enseignante lui montre alors la suite du
bricolage; nous constatons que pour Bastien, Olivia explicite au fur et à mesure les
consignes : « Parfait maintenant tu prends trois cm sur ta règle », elle valide le travail de
l’élève et continue à lui donner les indications nécessaires à la création de la fleur de la
santé. Nous remarquons que le guidage de l’enseignante spécialisée est serré, dans la
mesure où Bastien réfléchit peu à ce qu’il doit faire, et demande directement de l’aide à
son enseignante. Comme l’a souligné Tobola (2017) dans sa recherche, les régulations de
type validation permettent un engagement de l’élève et des interactions peu élevées, étant
donné qu’il ne s’agit pas de mettre en situation l’élève et de le faire réfléchir. Nous avons
en effet l’impression que l’enseignante agit envers Bastien comme une « aide permanente
» dont l’élève aurait du mal à se passer. D’ailleurs, Pelgrims (2006) évoque la notion de «
contrat social d’aides » (p.139) traduisant une idée d’aide promise aux élèves de
l’enseignement spécialisé. Olivia propose-t-elle des régulations soutenues à Bastien, dans
le but de répondre au contrat mentionné par Pelgrims ? L’épisode situé à 8 :52, dans lequel
Bastien se retourne, car il vient de terminer le découpage de la fleur et ne sait plus ce qu’il
doit faire, démontre à nouveau une absence d’autonomie chez cet élève. En effet, il se
retourne, regarde l’enseignante, mais constate que celle-ci est occupée avec d’autres élèves.
Il jette alors un coup d’œil sur le travail de son voisin et finit par le recopier. A ce moment-
là, l’on remarque que Bastien ne peut pas investir la suite des activités sans l’aide de
l’enseignante ni de son camarade. Nous nous questionnons quant aux régulations externes
interactives (régulations à chaud), en référence au modèle de Tobola (2017), à savoir si les
stratégies enseignantes contribuent à réguler les apprentissages des élèves qui ont besoin
d’aide ? En quoi les explications fournies par l’enseignante permettent-elles l’engagement
constructif de Bastien, dans la mesure où, dès le moment ou cette dernière n’est pas
disponible, l’élève semble perdu ? La posture ici de sous-étayage de l’enseignante, à savoir
le manque d’indications est-elle la cause de la confusion chez Bastien ?
Par ailleurs, nous observons d’autres régulations individuelles à l’égard de Bastien, qui se
font au cours de P 2. Cette fois-ci, Bastien demande de l’aide non plus pour savoir ce qu’il

117
doit faire mais parce qu’il souhaite (12 :01) refaire le cœur de sa fleur qu’il ne trouve pas
à son goût. Ici, l’élève rencontre un obstacle socio-affectif, semblant être frustré par ce
qu’il vient de produire. L’enseignante l’autorise dans un premier temps à refaire; puis dans
un second temps, lui réexplique les consignes d’exécution du cœur de la fleur, de même
que l’assemblage avec les pétales : « un cercle de 3 (…) maintenant tu le découpes
correctement puis tu vas le coller ». A nouveau, nous constatons un fort étayage de
l’enseignante sur l’élève, pour tenter de dépasser l’obstacle socio-affectif rencontré par
l’élève. Nous avons l’impression que Bastien est constamment guidé, qu’il ressent le
besoin d’une validation externe, tout comme l’enseignante semble également le penser,
afin de le faire persévérer dans ses apprentissages. Par ailleurs, quand Bastien n’arrive pas
à découper sa fleur et ses pétales sur la ligne de manière précise (13 :37), il sollicite alors
l’enseignante qui le régule en lui montrant comment faire; et à quel endroit il doit
positionner ses ciseaux pour couper sur la ligne. Étant donné qu’il s’agit d’un geste
technique, Bastien n’aurait-t-il pas besoin, à ce moment-là, d’un feed-back par rapport aux
stratégies de découpage ? Procéder par imitation est-il suffisant pour l’élève ? Ne s’agit-il
pas d’une posture de contre-étayage que de ne pas expliquer la procédure du mécanisme
de découpage ? D’autant plus, qu’après la régulation, Bastien est revenu une seconde fois
auprès de l’enseignante, afin de lui réclamer à nouveau de l’aide.
En observant cet épisode nous avons l’impression qu’à plusieurs reprises, l’enseignante
spécialisée vient en aide à l’instar d’une « prothèse externe » aux élèves et permet de les
« soigner » temporairement, sans toutefois les conduire en toute autonomie à la
compréhension des procédures » (Pelgrims et Cèbe, 2015, p.158). Autrement dit, Olivia
participe-t-elle suffisamment au développement des compétences des élèves en matière d’«
anticipation, planification, vérification, ajustement » (op-cit.)?

118
6 Discussion des résultats

En préambule, rappelons les questions de recherche qui construisent le squelette de l’étude.


La première motivation à la mise en œuvre de ce projet de recherche recouvre notre
curiosité et intérêt quant à la façon dont les enseignants mobilisent l’attention de leurs
élèves. Au fil des observations et réflexions, nous avons tenté d’identifier comment les
enseignantes de l’ordinaire et du spécialisé permettent l’engagement de leurs élèves. Nous
avons nourri notre réflexion à partir de références théoriques, puis tissé notre
questionnement autour de trois axes, à savoir : l’objet d’enseignement, les obstacles et
enfin les gestes professionnels. Notre approche méthodologique s’est dotée d’un dispositif
de recueil de données basé à la fois sur des entretiens qualitatifs avec deux enseignantes,
respectivement du spécialisé (Olivia) et de l’ordinaire (Monia); des observations sur le
terrain, ainsi que des séquences vidéo tournées en classe. Cette approche nous a permis
d’observer et mieux comprendre le lien entre l’engagement et l’attention des élèves avec
les stratégies enseignantes effectives.
Dans notre travail, le cadrage d’analyse est divisé en trois parties : l’une axée sur un
découpage des séquences d’enseignement de l’oral, la seconde sur l’identification des
obstacles, et enfin sur les gestes d’intervention des enseignantes. Cela nous permet de
soulever quelques éléments de réponses que nous présentons dans la suite de cette
discussion.
Notre premier objet d’analyse se penche sur le découpage des objets enseignés et leur
impact sur l’engagement des élèves. Comme Pelgrims (2009) le formule, « la dynamique
motivationnelle est constitutive même de l’activité d’apprentissage et du contexte dans
lequel elle se déploie (…) » (p.154); par conséquent, les stratégies pédagogiques et
didactiques des enseignants permettent l’engagement des élèves; c’est en cherchant à
analyser la structure de chacune des séquences que nous pouvons mieux saisir les
mécanismes d’engagement. Autrement dit, en quoi le découpage des objets
d’enseignement de l’oral autour de la thématique de la santé, permet-il l’engagement et
l’attention des élèves ? Pour répondre à cette question, nous proposons de discuter de
quelques éléments de réponse en lien avec le découpage des objets de séquence
d’enseignement proposé par les enseignantes.

119
6.1 Structuration des séquences d’enseignement

Pour répondre à ce premier questionnement, nous remarquons que chacune des


enseignantes a une pratique distincte quant au découpage de l’objet d’enseignement.
L’enseignante ordinaire, Monia met en place un dispositif didactique en trois parties (P 1;
P 2; P 3 sur trois jours) : une discussion orale sur le thème de la santé: une production écrite
permettant d’exprimer les idées des élèves pour être en forme, enfin un bricolage d’une
plante intégrant les éléments personnels d’une bonne santé. Nous constatons que Monia
varie ses modalités d’enseignement, de même que les formes sociales de travail, avec des
temps collectifs et individuels. Pour Olivia, le découpage de son approche didactique
s’effectue aussi en trois parties mais sur deux jours et les modalités d’enseignement sont
moins diversifiées. Elle propose d’abord une discussion orale autour des éléments généraux
qui permettent d’être en bonne santé, puis introduit la production créatrice et écrite autour
d’une fleur de la santé.
De notre point de vue, le découpage proposé par l’enseignante ordinaire Monia fait
davantage sens, étant donné la diversification des modalités d’enseignement autour de la
thématique de la santé. En outre, nous validons les choix opérés concernant les contenus
d’enseignement proposés dans les activités scolaires, laissant apparaître une plus grande
marge de manœuvre dévolue aux élèves, pour que ces derniers puissent eux-mêmes
s’approprier et s’engager de la meilleure des manières dans leurs apprentissages. Pour
l’enseignante spécialisée Olivia, les activités menées nous semblent pertinentes étant
donné sa volonté de structuration en fonction des besoins particuliers de ses élèves; nous
regrettons toutefois son manque de lâcher-prise quant aux contenus des objets proposés.

6.1.1 La place de l’oral


Revenons sur l’enseignement de l’oral puisqu’il constitue l’un des objets principaux
étudiés dans notre étude. Rappelons que la perspective développée au cours de cette
recherche consiste à lier l’enseignement de l’oral comme un moyen, afin d’introduire
d’autres contenus disciplinaires. Toutefois, les enseignantes ont-elles réellement enseigné
l’oral comme un moyen ? Lors des séquences observées, l’oral n’est-il finalement pas placé
au second plan, par rapport aux objectifs en lien avec l’objet de la santé ? Comme le

120
souligne Dupont (2020), « il a été observé que l’oral était utilisé par les enseignants comme
médium d’enseignement, surtout pour donner des consignes et pour répondre aux questions
des élèves (…) » (p.44). Étant donné que les obstacles rencontrés par les élèves sont
majoritairement corrélés aux empêchements didactiques et épistémologiques, donc propres
aux interventions enseignantes, nous pensons qu’il aurait été possible d’aller plus « loin »
quant à un enseignement de l’oral comme « médium ». Dupont (op-cit.) propose un travail
en parallèle entre l’atteinte des objectifs visés de la séquence d’enseignement, tout en se
concentrant de manière plus spécifique sur des ateliers en lien avec des visées linguistiques.
Cet auteur aborde la notion de « centres de littératie » (Dupont, 2020, p.45), qui permettrait
l’enseignement et l’apprentissage de l’oral à titre significatif tout en répondant aux
objectifs disciplinaires de la séquence. Au sein des deux classes observées, l’on pourrait
imaginer mettre en place différents postes de travail, à l’instar d’un lieu dédié à un « centre
de théâtre », au sein desquels les élèves pourraient mettre en scène le texte venant d’être
lu. Ceci permettant d’assurer d’une part sa compréhension, et d’autre part un travail plus
pointu sur les aspects liés à l’oralité.

Gestion du temps
Nous remarquons que la durée de chacune des activités scolaires proposées diffère chez les
deux enseignantes. Alors que Monia consacre moins de temps à la discussion, Olivia
occupe quasi une période aux échanges. Cette différence temporelle provient en partie des
modalités d’enseignement choisies par chacune des professionnelles. Les contenus des
objets autour de la thématique de la santé sont pensés différemment; l’enseignante
ordinaire propose à ses élèves des activités plus ouvertes, offrant une marge de liberté plus
importante et par conséquent nécessite une temporalité d’activités scolaires plus longue ;
tandis que l’enseignante spécialisée opte pour plus de structures et un rendu précis, tant au
niveau du cadre de la discussion que pour le bricolage ou encore la production écrite, ce
qui implique ainsi des temps d’apprentissage plus courts. Selon notre sensibilité, nous
sommes plus à même d’envisager la mise en œuvre d’une séquence d’enseignement à
l’image de l’enseignante ordinaire, qui offre un temps plus long afin de mener à bien le
projet. Étant donné qu’il tourne autour de plusieurs objets, elle préfère répondre aux
exigences demandées d’une manière « détournée », et bien utiliser le temps imparti. La

121
prise de risque de cette professionnelle, quant à la mise en œuvre de ses activités scolaires,
nous convient davantage. En revanche, même si nous sommes conscients que l’enseignante
spécialisée adapte ses séquences d’enseignement en fonction des besoins des élèves, nous
restons dubitatifs quant à quelques-uns de ses aménagements. En effet, étant donné son
contexte institutionnel, ses pratiques enseignantes ne pourraient-elles pas être plus «
inventives », en misant sur des dispositifs didactiques dont les dimensions varient, à l’instar
d’une diversification des formes sociales de travail, ou encore des supports
d’enseignement, de manière à permettre un meilleur engagement de ses élèves ?

6.2 La problématique des obstacles

Le second objet qui nous intéresse est la problématique des obstacles. Nous cherchons à
les identifier de façon plus pointue, au travers les contenus de chacune des séquences
d’enseignement. Comme l’affirment Dolz et al. (à paraître), l’analyse d’obstacles permet
de comprendre l’engagement des élèves dans leurs apprentissages, à la fois dans une
perspective « positive » d’un nouveau savoir, tout comme lorsqu’il s’agit d’un
empêchement didactique. Nous considérons comme fort pertinent d’identifier les
difficultés que peuvent rencontrer les élèves, de manière à pouvoir les associer aux
stratégies enseignantes et saisir les enjeux des gestes professionnels pour engager les
élèves. Ainsi, quelles sortes d’obstacles ont-ils pu être identifiées lors des séquences
d’enseignement ?
De manière générale, nous retrouvons plusieurs mêmes obstacles chez les deux
enseignantes, à savoir des obstacles d’ordre épistémologiques et / ou didactiques; de même
que des stratégies d’évitement de l’ordre du coping. Lorsque nous relevons dans chacune
des classes des obstacles épistémologiques d’ordre cognitif, ils concernent souvent la
dimension linguistique, avec un manque d’explicitation, liée à l’enseignement de l’oral;
toutefois lors de moments distincts dans chacune des classes.

6.2.1 Les stratégies de coping


De manière globale, les obstacles de l’ordre du coping sont observés pour les élèves des
deux classes, sous la forme d’inattention et de perturbations comportementales (activités
de substitution); les stratégies de coping se révèlent également sous une forme marquée de

122
demande d’aide, notamment dans le contexte spécialisé. Pour y faire face, chacune des
professionnelles effectue verbalement des régulations auprès des élèves, pour tenter de
recentrer leur attention. Lorsqu’il s’agit d’une perturbation individuelle ou d’inattention,
elles mobilisent toutes deux un appel au prénom de l’élève, tout comme elles emploient
des gestes non-verbaux, majoritairement de l’ordre kinésique, à l’instar d’une main sur la
bouche ou encore de déplacements dans l’espace classe.
Quant aux stratégies de coping relevées dans chacun des contextes, nous remarquons que
l’enseignante ordinaire effectue des régulations qui sont le plus souvent collectives,
contrairement à l’enseignante spécialisée, afin de capter l’attention sur l’objet enseigné,
toujours en verbalisant pour expliquer les contenus à travailler.
Concernant la réponse aux besoins des élèves « en demande d’aide », nous remarquons que
chacune des enseignantes apporte une aide spécifique à ceux-ci. En spécialisé, on relève
une aide de l’enseignante plus soutenue individuellement consacrée à ses élèves. Pour celle
de l’ordinaire, s’il est également important de pouvoir répondre aux questions des élèves
et s’assurer de la compréhension des activités, notamment auprès des élèves les plus en
difficulté, l’enseignante privilégie des régulations collectives plutôt qu’individuelles. Elle
effectue moins d’aides « personnalisées », tout en offrant parfois un soutien à des moments
plus spécifiques, comme au début du lancement d’une activité.
En revanche, dans le contexte du spécialisé, nous constatons que les stratégies de
l’enseignante se traduisent par une multiplication des régulations, quand il s’agit de
répondre aux besoins d’un élève en demande, de même que par un soutien soutenu et un
contrôle plus serré. Probablement que Olivia s’engage à soutenir ses élèves de façon plus
importante étant donné son contexte institutionnel, « (…) d’autant plus si l’espace
d’actions dans ces mesures est libéré d’un certain nombre d’élèves et de contraintes de
programmes, de certification, de promotion. » ? (p.153). Au final, les enseignants ne
devraient-ils pas « (…) fonctionner et tenter d’accomplir leurs tâches avec un groupe
d’élèves dont la composition présente des particularités sur le plan scolaire largement
occultées dans les directives institutionnelles » ? (Pelgrims, 2009, p.137). La prise en
compte du collectif ne devrait-il pas plus primer sur la logique d’individualisation ?
Revenons aux origines des stratégies de coping des élèves. Est-ce que ces derniers agissent
en réaction aux activités proposées par leurs enseignantes ? Les quelques comportements

123
d’évitement observés sont-ils dus, comme le mentionnent Pelgrims (2006, 2009) et
Morgan, Farkas, Tufis & Sperling (2008) à « une réaction d’adaptation en raison « (…) des
tâches scolaires perçues comme menaçantes pour son statut et son bien-être et par
l’adoption de comportements dits agressifs, perturbateurs, passifs » (Pelgrims, 2009,
p.139). Autrement dit, les comportements de l’ordre du coping pourraient-ils être la
conséquence d’empêchements didactiques, étant donné un contexte peu favorable à
l’engagement et l’autorégulation de l’élève ? En fonction de ces postulats, nous osons
penser que l’origine des stratégies d’évitement seraient en lien avec les interventions des
enseignantes.

6.2.2 Des obstacles aux empêchements didactiques et épistémologiques


Concernant les obstacles épistémologiques, nous remarquons qu’ils sont prédominants lors
des activités scolaires des deux classes et plus particulièrement au moment des échanges
oraux (P1 pour l’enseignante spécialisée), et lors de la formulation des consignes (P2 pour
l’enseignante ordinaire). Au niveau des objets enseignés, il s’agit de deux activités
scolaires en lien avec l’enseignement de l’oral, comme un moyen. Celui-ci ne se distribue
pas de la même manière lorsqu’il est question de consignes orales, ou d’échanges effectués
à partir d’une discussion. Les régulations au service des obstacles épistémologiques jouent
à la fois sur les contenus relatifs à la santé, tout comme sur les dimensions de l’oralité. Par
conséquent, nous trouvons intéressant de cerner que l’objet des régulations peut être double
étant donné qu’il porte ici, simultanément sur plusieurs contenus d’enseignement, et qu’il
ne se déploie pas de la même manière en fonction du découpage de la séquence
d’enseignement.
Autrement dit, les obstacles rencontrés par les élèves nous semblent dépendre du contenu
de l’objet enseigné. Cela reviendrait à dire que les obstacles prennent leur source au détour
des pratiques enseignantes étant donné que les enseignants sont les « détenteurs » du savoir.
Pelgrims (2009) appuie cet adage lorsqu’elle affirme que les stratégies enseignantes
infléchissent l’engagement des élèves, ainsi que leur intention d’apprendre. C’est la raison
pour laquelle nous pouvons dire que les obstacles épistémologiques identifiés lors de
l’analyse proviennent d’une part de la grande famille des empêchements didactiques (P.ex.
une consigne mal formulée pour l’enseignante ordinaire); d’autre part, les obstacles en

124
question peuvent également être générés par des empêchements épistémologiques (P.ex.
un raccourci trop vite effectué, entre deux éléments discutés chez l’enseignante
spécialisée). En d’autres mots, « l’apparition d’un empêchement épistémologique pourra
généralement aussi être considérée comme un empêchement didactique » (Gabathuler et
Vuillet, à paraître, p.8). En outre, nous remarquons qu’il existe également des
empêchements épistémologiques d’ordre cognitif et linguistique qui impactent l’activité de
l’élève, à l’instar de la confusion de termes (fleur et plante) commise par l’enseignante
ordinaire, lors de l’explicitations des consignes de la production créatrice.

6.3 Les gestes professionnels et les obstacles

L’ultime question à laquelle nous tentons de répondre est la suivante : comment les
enseignantes dépassent-elles les obstacles au moyen de gestes professionnels afin de
favoriser l’engagement de leurs élèves ? Nous remarquons que les gestes de régulation en
fonction des obstacles épistémologiques et didactiques, dépendent majoritairement de la
conception et logique de chaque enseignante. Pour cela nous avons souhaité corréler les
obstacles identifiés aux gestes d’intervention.
En partant du modèle de Tobola Couchepin (2017), rappelons les types de régulations
mobilisées par Monia et Olivia afin de surmonter les obstacles et permettre ou non
l’engagement de leurs élèves. Lesquelles sont-elles finalement prédominantes ? Grâce aux
séquences vidéo et aux entretiens, il est possible de revenir sur l’ensemble des gestes
étudiés à l’instar des moyens non-linguistiques, tout comme sur les postures enseignantes.

6.3.1 Les régulations locales et internes


Chez chacune des enseignantes nous remarquons un nombre important de régulations
locales (« à chaud »); toutefois un peu moins de régulations internes (« en amont »).
Comment expliquer cette différence ? Même si les deux enseignantes, lors de leurs
planifications, ont entrepris certaines régulations, elles les ont conçues davantage dans une
perspective de globalité, sans penser à toutes les dimensions que composent un dispositif
didactique : à savoir les formes sociales de travail ou encore la durée des activités; et quand
est-il des régulations proactives permettant l’anticipation des difficultés de certains de leurs
élèves ? Nous nous demandons si ce manque de précisions quant aux éléments propres à

125
la planification, ne serait pas l’une des raisons pour laquelle le nombre de régulations
locales est relativement plus important ? En effet, il se peut que les régulations à chaud
aient « comblé » une insuffisance de régulations internes. Il est en outre possible que le
manque d’anticipation quant à ces régulations « en amont » ait empêché par moment
l’engagement de certains élèves. Par conséquent, nous sommes d’avis à dire que les
régulations dépendent des pratiques enseignantes et que la typologie de certaines permet
ou non l’investissement des élèves.

6.3.2 Les régulations pour les obstacles épistémologiques


Comme mentionné précédemment, nous relevons davantage de types de régulations
locales. Celles-ci portent à la fois sur l’objet d’enseignement de l’oral mais également sur
des contenus en lien avec la santé; elles sont mises en évidence la plupart du temps par les
enseignantes, par des validations et ou des invalidations. De manière générale, les
enseignantes sollicitent cette typologie de régulations à chaque fois que les élèves prennent
la parole ou posent une question. Les enseignantes font souvent recours aux gestes d’/de
(in)validation, d’explicitation de contenus et de reformulation, du fait qu’ils n’ont pas saisi
les enjeux de l’activité. Le questionnement est un geste fréquemment sollicité par les
enseignantes, il permet l’avancement des échanges pour tenter d’engager les élèves dans
les activités; à l’instar de l’enseignante spécialisée qui, lors de P 1, construit les interactions
avec les élèves en leur posant des questions et en les poussant à aller plus loin dans
l’analyse, en mobilisant notamment des contre-exemples. Au moment d’une confusion et /
ou lors d’une incompréhension, les enseignantes n’hésitent pas à donner les réponses dans
le but de faire avancer le temps didactique. Nous constatons que les régulations dépendent
également des obstacles rencontrés par rapport aux objets enseignés. Pour l’enseignante
ordinaire, il s’agit de valider et / ou d’invalider les réponses des élèves, pour ensuite répéter
plusieurs fois ses consignes individuellement, en fonction de la confusion des élèves; puis
d’attirer l’attention de l’ensemble de la classe, par une régulation collective, en ré-
explicitant la consigne, tout en sollicitant des moyens non-verbaux. L’enseignante
spécialisée, lors de la discussion, valide ou invalide quant à elle les dires de ses élèves, leur
donne parfois une information supplémentaire de l’ordre de moyens linguistiques ou non,
permettant de rediriger l’attention des élèves sur l’élément recherché. De plus, cette

126
dernière n’hésite pas à faire recours à des contre-exemples. En revanche, nous remarquons
que certaines régulations ne permettent pas l’engagement des élèves, et qu’elles prennent
leur source, comme nous en avons fait l’hypothèse plus haut, à partir d’empêchements
didactiques ou épistémologiques. C’est la raison pour laquelle il est important selon nous,
d’étayer davantage la question des types de régulations, à partir du modèle de Tobola
Couchepin (2017), afin de mieux saisir l’entrave à l’activité d’apprentissage des élèves.

Analyse des interactions


Nous pouvons dire que le pilotage investi par les deux professionnelles, à savoir des
interactions pilotées (P.ex. guider pas à pas les élèves) nous questionne.
Le type de guidage, plutôt contrôlé et serré, avec un fort étayage et une volonté précise
d’identification des éléments pour être en bonne santé, concerne davantage l’enseignante
spécialisée Olivia. En outre, en P 2, quand celle-ci formule ses consignes de manière
progressive (consignes non formulées globalement), sans permettre une autorégulation de
ses élèves, nous nous demandons alors si les obstacles didactiques et épistémologiques (ou
de l’ordre du coping) rencontrés par ses élèves ne sont finalement pas corrélés à la
mobilisation d’interactions de haut niveau. Étant donné ses sollicitations bien marquées,
ses validations et / ou invalidations effectuées, qui n’orientent pas davantage la réflexion
de ses élèves (P.ex. en leur donnant d’autres types d’indices favorisant un développement).
Nous nous questionnons quant à l’emploi des contre-exemples, qui selon nous sont
intéressants lors d’un débat, mais qui ici dans le cas de la discussion, oriente fortement les
échanges dans une direction attendue de l’enseignante. Autrement dit, nous regrettons par
moment un manque de mixité quant aux régulations employées par l’enseignante
spécialisée. Pour nuancer notre propos, nous relevons l’effort entrepris par cette
professionnelle qui, lors de P 1, questionne ses élèves en problématisant progressivement
certains contenus autour de la thématique de la santé. Cela laisse à penser qu’elle mobilise
également des interactions de plus bas niveau, à savoir des interactions partagées.
L’enseignante ordinaire mobilise également ses élèves au moyen d’interactions pilotées,
étant donné qu’elle répète reformule et explicite ses propos lors des consignes, en
démontrant ce qu’il faut faire afin de répondre à ses exigences; ainsi Monia fait alors preuve
d’un guidage plutôt serré. En revanche, lorsqu’il est question de placer ses élèves dans des

127
situations d’apprentissage dans lesquelles ces derniers ont toutes les informations
nécessaires à leur accomplissement, l’enseignante interagit davantage avec eux en
mobilisant des interactions de bas niveau, en accompagnant et guidant les élèves de
manière moins intensive.
Nous nous demandons enfin si le découpage de l’objet à enseigner a-t-il un impact sur la
typologie des interactions sollicitées par les enseignantes ? Pour l’enseignante ordinaire,
en constatant l’accent porté sur une plus riche variété de modalités d’enseignement, nous
sommes persuadés d’une corrélation avec les interactions de bas niveau, qui permettent un
accompagnement plus significatif que celui de l’enseignante spécialisée. Pour
l’enseignante spécialisé, le manque de diversité quant à ses activités scolaires peut en effet
expliquer le type d’interaction remarqué.

6.3.3 Postures des enseignantes et des élèves


A partir du cadrage théorique de Bucheton (2019) concernant l’analyse des postures des
enseignantes, nous remarquons que l’enseignante ordinaire en mobilise plusieurs : celle de
l’enseignement, du contrôle, de l’accompagnement, du magicien et enfin du lâcher-prise.
Quant à l’enseignante spécialisée, les postures sont majoritairement axées sur
l’enseignement, le contrôle, l’accompagnement, mais également un peu sur celle du
magicien. A partir de l’observation de leurs séquences d’enseignement, l’on distingue que
l’enseignante ordinaire, lâche davantage prise que l’enseignante du spécialisé, à l’image de
la production écrite en (P1), durant laquelle les élèves s’aident de leur guide de production,
ils avancent en quasi pleine autonomie. A l’inverse, Olivia laisse moins fréquemment
travailler seuls ses élèves, les contrôlant davantage, notamment en (P 2) lors de l’exécution
de la production créatrice; en (P 1) par contre, l’enseignante spécialisée offre un contrôle
moins soutenu lors de la discussion autour des éléments favorisant la santé, étant donné
qu’elle permet à ses élèves d’engager une posture réflexive. D’ailleurs en ce qui concerne
les postures des élèves des deux classes, celles-ci sont relativement scolaires, dans la
mesure où ils répondent aux exigences de leur enseignante.
A notre sens, il est difficile d’affirmer que les postures enseignantes favorisent ou non la
venue d’obstacles, épistémologiques et / ou didactiques, mais à l’instar des gestes

128
professionnels associés à l’oral, ces postures permettent un accompagnement33 facilitateur
pour l’engagement des élèves dans les apprentissages.

6.3.4 Les gestes non - linguistiques


En plus des gestes de régulation mentionnés ci-avant, nous remarquons que les
enseignantes investissent d’autres gestes professionnels permettant de faire face à des
obstacles, que nous pouvons associer à l’oral. Pour l’enseignante ordinaire Monia, nous
constatons effectivement plusieurs types d’intervention non-linguistiques significatives,
pour capter l’attention de ses élèves, pour réguler des stratégies de coping, ou engager des
remédiations en lien avec des obstacles épistémologiques et / ou didactiques.
Dans le premier cas (P 1), nous remarquons que cette enseignante emploie des moyens
kinésiques (gestes de la main, du corps, regard) lorsqu’il s’agit de demander le silence; des
moyens paralinguistiques (diversification de la tonalité de la voix, soupirs), au moment
d’attirer l’attention de ses élèves.
Pour le deuxième cas (P 2), quand il est question d’attirer l’attention sur les objets à
enseigner, Monia sollicite également les moyens kinésiques et paralinguistiques, mais joue
davantage sur sa position dans l’espace, au d’englober l’attention de tout le monde. Par
exemple, au moment des régulations individuelles, l’enseignante se positionne parfois à
des bureaux inoccupés par les élèves; ou encore, lors d’une régulation de consignes
incomprises, l’enseignante ordinaire se place à un endroit ou l’ensemble de la classe la
remarque.
L’enseignante spécialisée Olivia mobilise quant à elle une posture non-verbale de manière
similaire à l’enseignante ordinaire Monia; bien qu’Olivia varie moins ses positions dans
l’espace; lorsqu’il s’agit d’expliciter les consignes, elle reste le plus souvent au-devant de
la classe. En revanche, lorsqu’il est question de faire progresser les échanges oraux, Olivia
sollicite souvent des gestes non-verbaux, et particulièrement des moyens kinésiques
comme lorsqu’elle utilise les différentes parties de son corps.
C’est pourquoi, nous avons l’impression que les deux enseignantes accompagnent les
différentes régulations linguistiques au moyen de gestes associés à l’oral. Autrement dit,
les moyens dits « non verbaux » semblent donner l’impulsion aux élèves pour pouvoir

33
Il ne s’agit pas ici d’une posture d’accompagnement

129
surpasser tous les types d’obstacles rencontrés, sans toutefois se substituer aux régulations
verbales.

6.4 En guise de synthèse …

Tentons une synthèse succincte pour mettre en lumière les résultats de notre recherche ainsi
que les réflexions opérées au cours du travail de mémoire.

6.4.1 Le découpage des objets d’enseignement


Dans un premier temps, nous sommes partis du postulat selon lequel les pratiques
respectives de l’enseignante ordinaire (Monia) et spécialisée (Olivia) permettent
l’engagement des élèves. L’analyse du découpage effectué autour des deux objets
d’enseignement (objectifs disciplinaires en lien avec la thématique de la santé;
enseignement de l’oral) permet de se rendre compte de la singularité de chacune d’elles,
étant donné que toutes deux contribuent à leur façon, à engager les élèves dans les
apprentissages.

La démarche de l’enseignante ordinaire


L’analyse du découpage des objets d’enseignement chez Monia, révèle une logique
enseignante intéressante. Lors de la première activité, une discussion orale autour des
éléments de la santé initie la séquence d’enseignement, elle permet aux élèves de soulever
des éléments à la fois généraux et personnels quant à la thématique discutée autour de la
santé. La production écrite qui suit propose une modalité de travail diversifiée, une
« introspection », ainsi qu’un engagement davantage personnalisé des élèves. En fin de
séquence, une activité créatrice intègre les écrits produits par chaque élève au sein d’une
plante de la santé.

La démarche de l’enseignante spécialisée


Le découpage de l’enseignante spécialisée, Olivia s’appuie sur une logique d’enseignement
différente. Les échanges oraux autour des dimensions favorisant une bonne santé et
l’identification de termes précis permet certes l’engagement des élèves, mais de façon
contrôlée. Les productions créatrices et écrites qui suivent, proposent la construction d’une

130
fleur de la santé, déjà bien organisée, et qui participe à la logique plus structurée de
l’enseignante spécialisée.

Les démarches des enseignantes


Au travers une mise en évidence des deux logiques enseignantes, nous remarquons que les
pratiques en ordinaire chez Monia sont plus souples et ouvertes, que celles d’Olivia en
spécialisé. Cette dernière, quant à elle, cherche à engager ses élèves à partir d’un cadre
épistémologique plus rigoureux et soutenu, du fait de son contexte de classe.

6.4.2 Les obstacles


Dans un second temps, au regard des observations et des analyses effectuées suite aux
visionnages des films, nous confirmons la corrélation entre les obstacles épistémologiques,
didactiques et linguistiques, ainsi que ceux liés aux stratégies de coping, avec la notion
d’empêchement. Étant donné l’impact des pratiques enseignantes sur l’activité
d’apprentissage des élèves, nous pensons qu’il existe une corrélation entre les
empêchements didactiques, épistémologiques et linguistiques avec la notion d’obstacle, et
par conséquent celle d’engagement. Nous constatons également que les obstacles
dépendent de la conception du découpage effectué par les enseignantes, et plus
spécifiquement sur le contenu des activités scolaires enseignées.

Chez l’enseignante ordinaire


Les obstacles identifiés au cours de la séquence d’enseignement de l’enseignante ordinaire
concernent majoritairement des stratégies de coping (P 1) ainsi que des difficultés
épistémologiques et didactiques en lien avec l’enseignement de l’oral centrées sur la
thématique de la santé (P 2).

Chez l’enseignante spécialisée


Les obstacles rencontrés par les élèves de la classe intégrée sont dans l’ensemble du même
ordre que ceux de l’enseignante ordinaire. Toutefois, c’est en (P 1) que nous retrouvons
davantage de difficultés épistémologiques, didactiques et linguistiques; alors qu’en (P 2),
il s’agit de stratégies de coping.

131
Les démarches des enseignantes
De manière générale, les mêmes obstacles rencontrés par les élèves observés, difficultés
de l’ordre épistémologique, didactique, linguistique se retrouvent dans chacune des deux
classes; toutefois à des moments différents lors de la séquence d’enseignement.

6.4.3 Les gestes d’intervention


Les gestes d’intervention des enseignantes démontrent en quoi ils favorisent ou non
l’engagement des élèves dans les activités scolaires. Les régulations linguistiques tels que
validation / invalidation, reformulation, questionnement ou encore demande
d’informations supplémentaires permettent de dépasser les obstacles, tout comme elles
peuvent participer à un processus de désengagement. Les gestes non-verbaux, de même
que les postures enseignantes, accompagnent et facilitent l’activité d’apprentissage et
soutiennent l’engagement des élèves, sans toutefois se substituer aux régulations
linguistiques.

Pour l’enseignante ordinaire


L’enseignante ordinaire mobilise une palette de gestes d’enseignement afin d’aider ses
élèves à dépasser les obstacles rencontrés. Cette dernière mobilise souvent des régulations
verbales de l’ordre de la validation, de la reformulation, de l’explicitation de contenus ou
encore du questionnement. L’acte de répéter sans ajouter d’informations supplémentaires
semble ne pas vraiment faciliter l’engagement des élèves et produire quelques fois des
effets contraires. Par ailleurs, les gestes associés à l’oral de types kinésiques,
paralinguistiques sont essentiellement investis par cette professionnelle, qui les mobilise
pour renforcer la compréhension des consignes. La variation des postures de cette
enseignante accompagne également l’engagement de ses élèves.

Pour l’enseignante spécialisée


Les gestes d’intervention de l’enseignante spécialisée contribuent également à
l’engagement de ses élèves. Elle utilise les mêmes régulations verbales mentionnées
précédemment, mais moins de répétitions. Cette dernière mobilise quant à elle des contre-
exemples qui contribuent à structurer les échanges oraux, notamment lors de la discussion.

132
En outre, Olivia a recours aux gestes non-linguistiques de l’ordre kinésique et
paralinguistique, qui paraissent fonctionner au moment où les régulations verbales ne sont
plus efficaces. L’investissement de ces postures enseignantes sont sollicitées, alors même
qu’elle utilise prioritairement des postures serrées, de l’ordre par exemple du contrôle.
Les gestes d’interventions des deux enseignantes impactent réellement l’engagement des
élèves; ils se traduisent sous plusieurs formes, majoritairement des gestes sous l’angle de
régulations verbales. A noter que les interventions de type non-linguistique, de même que
le jeu des postures accompagne l’enseignement des activités scolaires des professionnelles.
Selon chacune d’entre elle, il intervient différemment. Alors que les postures de
l’enseignante spécialisée sont serrées et plus contrôlées, celles de l’enseignante ordinaire
autorisent davantage une posture de lâcher-prise.

6.5 Les limites de la recherche

Au-delà de cet important travail, nous relevons plusieurs limites quant à notre recherche,
et certaines sont révélées par les enseignantes elles-mêmes. Tout d’abord, concernant la
durée des séquences d’enseignement proposées, celles-ci sont pensées en fonction d’un
temps imparti à cette étude, à savoir environ trois périodes d’enseignement par enseignante.
Nous remarquons qu’au moment de filmer les séquences, que les deux professionnelles
sont quelque fois dérangées par les contraintes imposées à la recherche; notamment en ce
qui concerne le temps à disposition estimé parfois insuffisant. Néanmoins, elles avouent
qu’il aurait été difficile de laisser davantage de temps à la séquence d’enseignement, étant
donné leurs propres contraintes institutionnelles. C’est la raison pour laquelle il est
important de souligner que la mise en œuvre de certaines activités scolaires s’est effectuée,
par moments, dans des conditions moins « authentiques » qu’à l’habitude.
En outre, la caméra disposée au fond de la classe affecte également le comportement de
quelques élèves, en particulier lors de la deuxième partie de la séquence d’enseignement
(P 2) pour la classe intégrée; ceux-ci paraissent en effet interloqués et s’amusent avec la
caméra. Nous nous demandons si les élèves du spécialisé sont davantage dérangés par le
tournage, étant donné qu’ils sont à ce moment-là, un petit effectif de trois élèves ? Les
conditions d’observation sont-elles en définitive, vraiment naturelles ? Avons-nous fait le
bon choix d’utiliser une caméra ? Aurait-il été possible de recourir uniquement à une

133
observation directe ? Il faudrait alors davantage se documenter sur les biais possibles
induits par nos modalités de prises de données.
Le contexte de recherche semble également avoir impacté l’activité des enseignantes,
notamment lors de l’observation. Selon les enseignantes, par moment elles ne se sentaient
par forcément « elles-mêmes », et parfois quelque peu « stressées ». En conséquence, cette
étude contient un part de subjectivité non-négligeable, étant donné les paradigmes qu’une
recherche représente. Celle-ci s’inscrit dans un type situationnel étant donné qu’elle illustre
les pratiques des professionnelles à un moment donné; mais également l’activité
d’apprentissage des élèves à un instant spécifique. Il est par conséquent important de
prendre le recul nécessaire quant à nos résultats.
Enfin, cette étude de cas met en lumière des pratiques enseignantes à partir de l’observation
de deux séquences d’enseignement, au sein de structures institutionnelles clairement
définies. À l’instar des résultats parfois similaires retrouvés de part et d’autre des deux
classes, il est peu pertinent de généraliser nos données à l’ensemble des contextes de
l’ordinaire et du spécialisé du canton.

Si c’était à refaire …
Si nous devions enrichir cette recherche, ou même la poursuivre, nous serions davantage
attentifs à la perspective de l’élève. En effet, en nous focalisant sur la question des gestes
professionnels et du lien avec l’engagement des élèves dans les activités scolaires, nous
nous sommes concentrés majoritairement sur les interventions enseignantes. Or, il pourrait
être très intéressant de réfléchir, dans une perspective compréhensive, à la perspective des
élèves. Du point de vue de ces derniers, qu’en est-il des facteurs qui leur permettent une
autorégulation ? En reprenant les notions développées par Pelgrims (2009), à savoir
l’intérêt, l’utilité et le sentiment de compétences face à la tâche, il serait intéressant de
mettre l’accent sur la perception des élèves quant à leur engagement. Par exemple, il serait
pertinent de procéder à des entretiens afin de mieux saisir leurs stratégies métacognitives,
permettant ainsi d’affiner nos multiples questions de recherche.
Par ailleurs, ayant dû faire le deuil de certains gestes professionnels lors de l’analyse, en
sélectionnant les interventions « les plus significatives » à nos yeux, il est possible d’être
passés à côté d’autres gestes importants. Il pourrait ainsi être intéressant d’enrichir

134
l’analyse, en identifiant plus précisément la notion de geste didactique de Schneuwly et
Dolz (2009); de même qu’approfondir le modèle du multi-agenda de Bucheton (2019).
Enfin, nous jugeons pertinent de sélectionner d’autres moments remarquables liés à
l’identification et l’analyse des obstacles et des gestes d’intervention professionnels.

135
7 Conclusion

Qu’en est-il des apports académiques, professionnels et personnels ?


Avant de clore ce travail de mémoire, nous souhaitons mettre en lumière quelques-uns des
apports de notre recherche. Cette volonté de mêler la notion de gestes professionnels à celle
d’engagement et d’attention des élèves, représente un beau défi à relever, et nous en
sommes en grande partie satisfaits. L’autre challenge majeur du travail dont nous sommes
fiers, a mis relativement clairement en évidence des gestes enseignants, à partir de
contextes institutionnels distincts, celui de l’ordinaire et du spécialisé. En outre la
méthodologie, entretiens et vidéos, nous a permis de récolter des données utiles à la
compréhension de l’objet de notre étude, ceci respectivement dans les deux classes. Notre
cadre d’analyse a soutenu les logiques de chacune des enseignantes, et fourni les outils de
manière à pouvoir relier leurs gestes professionnels à la notion d’engagement et d’attention
des élèves. Les micros-gestes ont pu être détaillés subtilement et majoritairement sous
l’angle didactique.
Pôle académique
Modestement, nous pensons avoir contribué en partie à l’enrichissement du pôle
académique. En effet, après s’être rendus compte d’une forme d’opacité des pratiques,
notamment dans le contexte du spécialisé, nos observations contribuent à éclairer la
question des gestes et leur rapport à l’engagement; à partir de l’identification de pratiques
d’enseignement de contextes institutionnels distincts.
Pôle professionnel
Professionnellement parlant, cette étude met en évidence quelques outils concrets qui
mobilisent ou non l’attention et l’engagement des élèves. L’analyse des micro-gestes
corrélée à la composante autorégulative des élèves face aux obstacles rencontrés, en
augmente l’intérêt. Par ailleurs, la question des stratégies enseignantes autour des
phénomènes d’investissement dans les activités scolaires, peut participer à
l’enrichissement d’une réflexion et de la formation des enseignants, étant donné qu’elle
cible des gestes professionnels significatifs en fonction de situations d’apprentissage
spécifiques. Autrement dit, tenter d’améliorer la qualité des pratiques enseignantes et de
facto faciliter l’apprentissage des élèves.

136
Pôle personnel
Du point de vue personnel, cette recherche nous est bénéfique sur plusieurs plans, autant
dans le processus, la démarche entreprise que dans les résultats obtenus. Au-delà des
limites relevées précédemment, quant au timing, et à certains biais, tels les effets de l’usage
de la vidéo, mettre en place un tel dispositif méthodologique démontre de l’intérêt et de la
portée que représente la recherche en Sciences de l’éducation, en particulier sur des
questions concrètes d’ordre didactique.
La mise en œuvre de ce cette exploration, qui a traversé une période sanitaire complexe,
nous enrichit de plusieurs compétences transversales de l’ordre d’une démarche analytique,
communicationnelle ou encore collaborative. Le processus collaboratif a largement
prédominé au fil du travail, au vu de l’ensemble des partenaires impliqués, tant ceux du
pôle académique que les deux enseignantes de terrain, auxquels nous répétons notre
reconnaissance.
Au final, ce travail de mémoire nous engage dans un dépassement personnel important, dès
lors qu’il engrange de multiples compétences au niveau des savoirs-être, impliquant
rigueur, détermination, persévérance, remise question, flexibilité, mais surtout ouverture
d’esprit.

137
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https://www.ge.ch/organisation/departement-instruction-publique-formation-jeunesse-dip

Site du Plan d’études romand


https://www.plandetudes.ch/web/guest/FG_22/

142
9 Annexes

Annexe 1 : Canevas du pré-entretien des deux enseignantes

A. Contexte de classe : Introduction


A.1. Quel est votre contexte professionnel ? (Spécialisé ou ordinaire)
A.2. Si le contexte est ordinaire : Quel degrés avez-vous ?
A.3. Combien d’élève avez-vous dans votre classe ?

B. Élèves : Difficultés
B.1. Quel(s) type(s) de difficulté(s) vos élèves ont-ils de façon générale ? (Scolaires : difficultés scolaires;
sociales : interactions avec pairs; sensori-motrice : aptitudes sensorielles et motrices; cognitives : p.ex. trouble du spectre de l’autisme)
B.3. Pourriez-vous exprimer, à l’aide par exemple d’un pourcentage approximatif, vos élèves en
fonction de leurs principales difficultés? (P.ex. 80% difficultés scolaires, 20% difficultés sociales)

C. Objet : Séquence d’enseignement EN SANTÉ TOUS ENSEMBLE !


C.1. Pourquoi avez-vous choisi avec votre collègue, cette séquence ?
C.2. Faites-vous habituellement ce genre de séquence d’enseignement ?
C.3. En fonction des capacités de vos élèves, quelle(s) difficulté(s) avez-vous anticipé en étudiant cette
planification?

D. Enseignant : Vos modifications


D.1 Est-ce que vous avez apporté des modifications à la planification de cette séquence
d’enseignement ?
D.2. Si oui, de quelle(s) nature(s) est/sont vos rétroactions ? (Pédagogique ? Didactique ?)
D.3. Et de quels types plus précisément ? (Pédagogique : Durée, consignes, disposition sociale, matériels / Didactique : variables
didactiques jouant sur stratégies des élèves)
D.4. En fonction de quoi les dispositifs aménagés tiennent-ils compte des capacités de vos élèves?
(Obstacles / facilitateurs, besoins / projets des élèves)
D.4. D’après B.Schneuwly et J.Dolz (2009) les gestes professionnels à préconiser lors d’une séquence
didactique sont les suivants : réguler, institutionnaliser, créer de la mémoire didactique. Selon vous,
parmi ces derniers, lesquels sont-ils susceptibles de capter plus particulièrement l’attention de vos élèves
?

E. Et vous ?
E.1. Quel serait selon vous, l’ingrédient « miracle » afin de retenir l’attention de vos élèves ?
E.2. Les moments de la journée sont-ils déterminants pour maintenir l’attention des élèves? Si oui,
pourquoi ?
E.3. Y a-t-il des objets d’enseignement qui requièrent davantage d’interventions pour maintenir
l’attention des élèves?
E.4. Retenir l’intérêt des élèves est-il selon vous de votre ressort d’enseignante ou appartient-il
également aux élèves ?
E.5. D. Bucheton (2019) évoque le concept de postures professionnelles afin de capter l’attention des
élèves. Parmi les suivantes, laquelle/lesquelles pensez-vous utiliser ? (Cf. Annexe Postures)
E.6. A quel moment faites-vous appel à ces postures ?

143
Annexe 2 : Canevas du post-entretien de l’enseignante ordinaire

1. Entretien d’explicitation :

A. Geste didactique : la planification

a. Revenons à la planification, tu as décidé de mélanger 2 séquences.


- En quoi est-elle plus adaptée par rapport à tes élèves ?
o Notamment au niveau des difficultés des élèves ?

- Production écrite = mots aux tableaux; images de plantes; couleurs; reprendre


avec l’élève, régulations avec les élèves, beaucoup par l’oral car capables de
suivre quand ils passent par l’écrit car pas encore lecteur

- Pourquoi le choix d’une production écrite?

- Est-ce une volonté pour toi d’avoir voulu axer les plantes sur les besoins des
élèves?

- Créativité : dessin de la plante; réécriture du texte sur les couleurs « vous êtes
les artistes » : volonté prédéfinie ? Quelles intentions ?

B. Geste didactique : Rappel à la mémoire didactique

a. Rappel aux objectifs de la séquence et des rappels à la mémoire didactique, ce


sont des gestes didactiques importants à employer lors d’une séquence ?

b. En début de leçon, tu apportes une plante, quelle était ton intention ?

C. Gestes didactiques : Différenciations et régulations

a. Pourquoi avoir choisi de faire lire les élèves ?

b. Est-ce que l’aménagement des lieux facilite les régulations et les différenciations?

D. Gestes professionnels : modalités non-linguistiques

a. Position locutrice : comment expliques-tu cette variation de positions ?

b. Comment expliques-tu la mobilisation des gestes kinésiques et paralinguistiques ?

144
2. Entretien d’auto-confrontation : 2 événements remarquables

1er événement remarquable : 11’ à 13’

C1 Vendredi : Moment des consignes : Monia arrête tout car plusieurs élèves «
pataugent » et lui demandent de vérifier. Ils n’ont a priori par l’air d’avoir compris
la différence entre une plante et une fleur.

11 :00 : « Regardez les enfants », Monia stoppe tout et montre un exemple d’une
production réussie d’un élève. Elle répète ses consignes : « une grande plante et sur
la plante il y a les fleurs, une grosse plante avec les fleurs »

à Aurions-nous pu éviter cette confusion en termes d’obstacle épistémologique ?

à Si c’était à refaire : piste : évoquer la différence entre une plante et une fleur de
façon plus scientifique ?

2ème événement remarquable : 3’47

C5-C6 Mardi : Monia demande à un élève s’il avance bien et s’il a besoin d’aide.
L’élève répond « oui ». On ne sait pas si ce « oui » traduit un besoin d’aide ou s’il
va bien. L’élève en question semble rêvasser et vient seulement au bout de plusieurs
minutes. Monia semble l’avoir en outre oublié.

à Comment décrypter les attitudes et les paroles des élèves ?

à Pourquoi celui-ci vient-il seulement après 10 minutes ?

à Est-il possible de « couvrir son regard » sur tous les élèves de la classe?

145
Annexe 3 : Canevas du post-entretien de l’enseignante spécialisée

1. Entretien d’explicitation :

A. Geste professionnel didactique : la planification

a. Revenons à la planification, tu as décidé de mélanger 2 séquences.


- En quoi c’était plus adapté par rapport à tes élèves ?
- Notamment au niveau des difficultés des élèves ?
- Que penses-tu de l’histoire lue ?

B. Gestes didactiques : Rappel à la mémoire didactique ? / Institutionnalisation


a. Apportes-tu de l’importance au rappel à la mémoire didactique ?
b. Renonces-tu fréquemment à faire l’institutionnalisation?

C. Geste didactique : Différenciations et régulations


- Quelles ont été les différenciations et les régulations prévues ?
- Comment justifie-tu l’absence d’aménagements ?
- Pourquoi avoir uniquement choisi de faire l’histoire à l’oral ? Pas de production
écrite.
- Pourquoi avoir lu le texte toi-même ?

D. Postures : Contrôle vs lâcher-prise : Est-ce une volonté pour toi de travailler avec
tes élèves sur la fleur de façon structurée, contrôlée ? P.ex. la construction de la
fleur avec instruments de géométrie; les données « pour être en bonne santé » notées
sur les plantes. (Contrôle, pilotage serré)

E. Une classe sympa ? Selon toi, il est plutôt « facile » d’avoir l’attention de tes élèves
mais si tu n’avais pas eu cette classe ?

146
2. Entretien d’auto-confrontation : 2 événements remarquables

1er événement remarquable : 2 :05

C 11 Mardi : Volonté de faire émerger la santé psychique à l’aide de moyens non-


verbaux.

à Est-ce quelque chose que tu utilises fréquemment (les moyens non-verbaux) ?

2ème événement remarquable : 3 :20; 8 :49

C 2 Vendredi : A propos de la demande d’aide soutenue de la part de Bastien.

à Comment réagir face à un élève qui demande constamment de l’attention ?

à Comment agir pour faire avancer le groupe et en même temps prendre le temps
de s’occuper de chaque individualité ?

à Qu’en est-il des consignes globales ?

147
Annexes 4: Séquence d’enseignement
« Ma santé une plante multicolore dont je prends soin »

DROITS DE L’ENFANT 2020 - DOSSIER ENSEIGNANT CYCLE 2

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Une bonne santé ne relève pas uniquement prennent connaissance des articles. Lors-
de la responsabilité individuelle, elle est liée qu’un article permet de tisser un lien avec
• Prendre conscience de ses besoins et à d’autres facteurs, lesquels ? Nous pensons la santé, son numéro et son intitulé sont
de ses propres possibilités d’action pour plus particulièrement ici aux problèmes de relevés sur la fiche élève. Le lien est établi
favoriser une bonne santé. santé psychique qui peuvent résulter de en donnant un exemple concret à inscrire
l’exclusion, du harcèlement, mais aussi également (exemples : article 13, Libre par-
• Souligner l’importance des relations (entre de la pression sociale ou scolaire, dimen- tage des idées, « c’est important de pouvoir
pairs, en famille, à l’école) pour notre santé, sions qu’il importera de souligner dans s’exprimer pour se sentir bien », ou « on doit
tant psychique que sociale et physique. cette activité introductive. Cette étape peut respecter ce que dit l’autre et ne pas le dis-
également se faire en s’appuyant sur le por- criminer », etc.)
• Développer au sein de la classe des trait chinois décrit à la page 18 du Dossier
attitudes empathiques et respectueuses pédagogique REPER ou sur le schéma de 3. Mise en commun. Chaque groupe présente
des différences de chacun-e. Dahlgren exposé en introduction. le résultat de son travail. Les fiches peuvent
être exposées dans la classe à côté de l’af-
2. Individuellement, chaque élève complète sa fiche en couleur.
LIENS AU PER fiche. Les consignes qui figurent sur la fiche
sont explicitées par l’enseignant-e.
FG 22 : Agir par rapport à ses besoins fonda- PROLONGEMENTS POSSIBLES
mentaux en mobilisant les ressources utiles. 3. Mise en commun. L’enseignant-e relève tous
les éléments mentionnés par les élèves, en Les suggestions ci-après mettent l’accent sur
FG 25 : Reconnaître l’altérité et développer le commençant par leur propre plante, puis, la santé psychique de l’élève, en lui proposant
respect mutuel dans la communauté scolaire. dans un second temps, la plante qui repré- des pistes d’activités pour lui permettre de ne
sente l’Autre en soulignant le rôle de respon- pas se mettre en danger (proposition 1) et de
A 21 AV : Représenter et exprimer une idée, un sabilité sociale que chacun-e peut jouer. se familiariser avec un outil qui lui permettra de
imaginaire, une émotion en s’appuyant sur les mieux gérer le stress (proposition 2).
particularités des différents langages artis-
tiques. DÉROULEMENT ACTIVITÉ 2 : Prévenir le cyberharcèlement (10 à 14 ans)
LA SANTÉ AU CŒUR Une fiche pédagogique qui permettra à l’en-
CT : Collaboration, communication, pensée DES DROITS DE L’ENFANT fant/l’adolescent d’analyser son rapport au
créatrice, démarche réflexive. numérique et de mieux intégrer les règles à
Matériel : fiche élève « La santé au cœur des respecter pour assurer sa protection.
droits de l’enfant » , version simplifiée de la
DURÉE convention des droits de l’enfant de l’Unicef: . Relaxation et gestion du stress
Ce document comporte : Au recto, une affiche Exercice de cohérence cardiaque, 5 minutes
Environ deux périodes par activité. Les activi- couleur et au verso, un bref descriptif des articles, de pratique pour mieux gérer son stress. Sug-
tés sont à réaliser à la suite ou à des moments à imprimer et à découper par l’enseignant-e gestion de support.
distincts, dans l’ordre proposé. (chaque article décrit constitue une étiquette,
soit un total de 43 étiquettes). En santé à la maison
À l’intention des parents, des idées pour prendre
DÉROULEMENT ACTIVITÉ 1 : L’activité a pour objectif d’établir des liens entre soin de sa santé à la maison et/ou en famille.
MA SANTÉ, UNE PLANTE MULTICOLORE la Convention des droits de l’enfant (CDE) et la
DONT JE PRENDS SOIN santé, en prenant en compte les dimensions Notre environnement, notre santé
physique, psychique, sociale et environne- Dossier pour le corps enseignant afin de faci-
Matériel : fiche élève « Ma santé – Une plante mentale. Pour ce faire, nous proposons une liter un travail éducatif inter-thématique entre
dont je dois prendre soin » , une feuille A4 démarche qui part de la réalité des élèves, tout l’éducation à l’environnement et la promotion
blanche sur laquelle l’élève dessinera sa fleur. en les rendant attentifs au fait que la santé com- de la santé dans le cadre global proposé par
porte également une dimension communau- l’EDD, dont un mindmap « Pour l’environne-
L’activité a pour objectif de favoriser une taire dans laquelle chacun-e a un rôle à jouer. ment, pour moi, pour les autres (…) ».
démarche réflexive visant à mettre en évi-
dence les multiples façons d’agir (et aussi 1. Présentation de l’affiche à la classe, rappel
de nouvelles façons d’agir) pour privilégier de ce qu’est la CDE. Si l’activité 1 du cycle
une bonne santé, en prenant en compte ses 2 n’a pas été menée au préalable, présenta-
propres besoins, ceux des autres, ainsi que tion du thème « Santé » en mettant en évi-
l’environnement. Pour ce faire, nous proposons dence les quatre composantes essentielles
une démarche qui part de la réalité de l’élève de la santé (physique, psychique, sociale et
dans une dimension plurifactorielle (santé phy- environnementale). Souligner également
sique, psychique, sociale et environnementale). le fait que chacun-e est responsable de sa
propre santé, mais que nos actions/choix
1. Sous forme de brainstorming, élaborer peuvent avoir des répercussions sur la
avec la classe une définition du concept santé de l’Autre.
de santé : être en bonne santé, qu’est-ce
que cela veut dire ? De quoi cela dépend-il ? 2. Travail en binôme ou en groupe. Une fiche
Est-ce possible d’être porteur d’un handicap élève et quelques étiquettes sont distri-
et de se sentir bien dans sa peau ? Quels buées à chaque binôme/groupe. Consigne
sont les éléments à prendre en compte ? orale donnée par l’enseignant-e : les élèves

P. 4 = Téléchargeable sur www.childsrights.org

148
MA SANTÉ : UNE PLANTE MULTICOLORE DONT JE PRENDS SOIN FICHE ÉLÈVE | CYCLE 2, ACTIVITÉ 1

Ta santé, c’est une plante qui t’accompagnera tout au long de ta vie. C’est elle
qui te permettra de t’épanouir, d’atteindre tes objectifs, de réaliser tes rêves.

Constituée de multiples fleurs de couleurs différentes, elle est unique. Tu en


es responsable et tu dois en prendre soin.

Pour pouvoir se développer et fleurir, elle a besoin des autres aussi. Elle se
sent bien parmi d’autres fleurs, dans un jardin ou une forêt. Un peu comme
toi, dans ta famille, dans ta classe ou avec tes amis. Prendre soin des autres
plantes, c’est aussi permettre à la tienne de se sentir bien.

Quand les gens partent en vacances, ils demandent souvent à quelqu’un de


venir arroser leurs plantes et s’assurer qu’elles se portent bien. Un peu comme
dans la vie, quand on voit qu’un ami ou un membre de sa famille ne va pas
très bien : on l’approche, on lui parle, on lui propose notre aide.

À toi de réaliser
la plante de ta santé !
1. Réfléchis à tout ce que tu peux
faire pour être en bonne santé.
Pense à ta santé physique (ton
corps), ta santé psychique (com-
ment tu te sens dans ta tête), ta
santé sociale (ce que tu fais pour
bien vivre tes relations avec les
autres) et ta santé environnemen-
tale (ce que tu fais pour grandir
dans un environnement sain).
Chacun de ces quatre domaines
constituera une fleur de ta plante,
chacune d’une couleur différente.

2. Sur une feuille A4 blanche, des-


sine ta plante et ses quatre fleurs.
Dans chaque pétale, tu écris
(ou tu dessines) ce qui est
important pour toi.

3. À côté de ta plante, il y a une


fleur isolée qui a besoin de toi
pour se porter mieux (un cama-
rade porteur d’un handicap, qui
ne parle pas ta langue, ou qui a
des soucis). Dans chacun de ses
pétales, inscris ce que tu peux
faire pour lui apporter un peu
de joie, et colorie la fleur pour la
rendre lumineuse.

www.childsrights.org

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Annexes 5 : Modifications de l’enseignante ordinaire

Prénom :_____________________
MA SANTÉ :
UNE PLANTE MULTICOLORE DONT JE PRENDS SOIN

Ta santé, c’est une plante qui t’accompagnera tout au long


de ta vie.
C’est elle qui te permettra de t’épanouir (t’ouvrir et grandir
comme une fleur), d’être bien dans ta peau, de réaliser tes
rêves.
Elle a plusieurs fleurs de couleurs différentes et elle est unique.
Tu en es responsable et tu dois en prendre soin.

Pour pouvoir se développer et fleurir, elle a besoin des autres


aussi. Elle se sent bien parmi d’autres fleurs, dans un jardin ou
une forêt. Un peu comme toi, dans ta famille, dans ta classe
ou avec tes amis. Prendre soin des autres plantes, c’est aussi
permettre à la tienne de se sentir bien.

Quand les gens partent en vacances, ils demandent souvent


à quelqu’un de venir arroser leurs plantes et s’assurer qu’elles
se portent bien. Un peu comme dans la vie, quand on voit
qu’un ami ou un membre de sa famille ne va pas très bien : on
l’approche, on lui parle, on lui propose notre aide.

150
Prénom :_____________________

Être en bonne santé c’est quoi pour toi ?

Être en bonne santé c’est être bien dans son corps et dans sa
tête mais aussi avoir des belles relations avec les autres.

Réfléchis à ce que tu peux faire pour être en bonne santé et


écris une ou deux phrases dans chaque partie.

Pour me sentir bien dans mon corps je peux...


____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________

Pour me sentir bien dans ma tête je peux..


____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________

151
Pour me sentir bien avec les autres je peux..
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________
____________________________________________________________

152
Annexes 6 : Modifications de l’enseignante spécialisée

1ère séance : Activité 1 Cycle 2 : MA SANTÉ, UNE PLANTE DONT JE PRENDS SOIN

Proposition initiale Aménagements


Sous forme de brainstorming, élaborer Partir du texte proposé pour le C2 et
avec la classe une définition du discuter afin de dégager les grands
concept de santé : être en bonne axes :
santé, qu’est-ce que cela veut dire ? 1. alimentation
De quoi cela dépend-il ? Est-ce possible 2. sommeil
d’être porteur d’un handicap et de se 3. écrans
sentir bien dans sa peau ? Quels sont les 4. différence/handicap
éléments à prendre en compte ? Une 5. « moral » (santé psy)
bonne santé ne relève pas uniquement 6. discrimination
de la responsabilité individuelle, elle est
liée à d’autres facteurs, lesquels ? Nous Noter AU TN les idées.
pensons plus particulièrement ici aux
problèmes de santé psychique qui Obstacles possibles : que certains ne
peuvent résulter de l’exclusion, du comprennent pas l’exercice et
harcèlement, mais aussi de la pression décrochent,
sociale ou scolaire, dimensions qu’il Facilitateurs : s’appuyer sur ce qu’on a
importera de souligner dans cette déjà fait avec les élèves pour aider à
activité introductive. démarrer
Cette étape peut également se faire en
s’appuyant sur le portrait chinois décrit SI TEMPS et pas sorti dans la discussion,
à la page 18 du Dossier pédagogique discuter de la santé de l’autre
REPER ou sur le schéma de Dahlgren
exposé en introduction. POURQUOI LES AMENAGEMENTS ?
Le texte du C2 me paraît plus
engageant pour la tâche et permet de
faire réfléchir les élèves plus librement
que sur une seule histoire du C1.

Pas d’appui sur d’autres documents, je


vais les «perdre» je pense, ça sera trop
compliqué.

2ème séance : Création d’une fleur en AV sur l’idée de celle proposée dans le
cycle 1 : «chaque pétale représentera un élément à prendre en compte pour
garantir sa bonne santé.»
La fleur du C1 est plus simple, et cela fait un bon résumé. Je n’aurai pas le temps
de faire la fleur plus poussée du C2 en 1 période, (à voir si on arrive déjà à finir
celle du C1… )

153
Proposition initiale Aménagements
Individuellement, chaque élève Retour sur l’activité de mardi, ce qu’ils
complète sa fiche. Les consignes qui ont retenu pour être en bonne santé.
Obstacles possibles : tout oublié pour
figurent sur la fiche sont explicitées par
certains :(
l’enseignante.
Facilitateurs : s’appuyer sur les plus
Mise en commun. L’enseignant-e relève participants de mardi
tous les éléments mentionnés par les
élèves, en commençant par leur propre Expliquer l’activité et demander à
chacun ce qu’ils voudront noter sur leurs
plante, ...
pétales. (idéalement des généralités :
Bien dormir, pas trop d’écran)
Si tous pareils : modèles au TN, sinon
modèles sur brouillon.

Individuellement c’est trop difficile, les


élèves sont non lecteurs et n’écrivent
pas en autonomie.

Faire la Rosace et le coeur au compas


Découper les 6 pétales et le coeur.
Obstacles possibles : rosace mal
effectuée ou mal découpée, frustration
possible et abandon..
Facilitateurs : ils adorent le compas :D

Peindre à l’aquarelle chaque pétale


d’une couleur différente et le coeur en
jaune.
Ça leur plait pas, frustration, tristesse…

Quand sec, écrire sur les pétales, les


idées trouvées au départ et sur le coeur
«en bonne santé»
se tromper en écrivant et pétale «raté»,
frustration, tristesse
bien montrer le modèle, modèle sur
feuille à côté pour certains même si
modèle commun

… dans un second temps, la plante qui SI ON A LE TEMPS faire une fleur en


représente l’Autre en soulignant le rôle commun pour la santé de l’autre.
de responsabilité sociale que chacun-e Je fais le compas, chacun colorie un
pétales et j’écris les idées
peut jouer.
ça ira plus vite :-)

154
Annexe 7 : Formulaire de consentement pour les parents des élèves

CUREG2.0 - Formulaire pour les recherches réalisées dans le cadre d’un diplôme de Master

Formulaire pour les parents des élèves mineurs :

RECHERCHE

Capter l'attention des élèves, un défi pour les enseignants du spécialisé ainsi que de
l'ordinaire ?

Responsable du projet de recherche : Joaquim Dolz, Professeur ordinaire


UNIGE
Joaquim.Dolz-Mestre@unige.ch
022.379.06.93
Étudiante en maîtrise en enseignement
spécialisé (MESP) : Hélène BATARDON, étudiante
Helene.Batardon@etu.unige.ch
022.756.31.23

Information aux parents d’élève :

Dans le cadre de ma maîtrise en enseignement spécialisé (MESP), j’effectue une recherche qui
vise à identifier les gestes professionnels utilisés par les enseignants du spécialisé et par ceux
de l’ordinaire afin de capter l’attention des élèves.

Pour ce faire, j’ai besoin de récolter des observations dans une classe ordinaire ainsi que dans
regroupement spécialisé d’un établissement genevois. Je souhaite en effet filmer une même
séquence (leçons de deux à cinq périodes de 45 minutes) dans chacune des classes.

Étant donné que j’aimerais comprendre la façon dont les enseignants captent l’attention de
leurs élèves, le point de vue de votre enfant m’importe également. Par consentement de
participation, vous pouvez faire le choix ou non d’autoriser votre enfant à se faire filmer.

Le temps de la recherche, les films seront stockés sur une clef USB. Une fois le travail rendu,
ces images seront détruites.

En cas de besoin, vous pouvez me contacter par courriel (voir les coordonnées dans l’encadré
ci-dessus) de manière à me faire part de vos questionnements

En vous remerciant d’avance de l’attention que vous porterez à ce document de


consentement, je vous adresse mes meilleures salutations.

Hélène BATARDON

22

155
CUREG2.0 - Formulaire pour les recherches réalisées dans le cadre d’un diplôme de Master

Consentement de participation à la recherche

Sur la base des informations qui précèdent, le-la soussigné-e consent à ce que son enfant
(Prénom Nom), ………………………………. ………………………………… participe à la recherche :
Capter l'attention des élèves, un défi pour les enseignants du spécialisé ainsi que de l'ordinaire?
et j’autorise :

• l’utilisation des données à des fins scientifiques et la


publication des résultats de la recherche dans des revues
ou livres scientifiques, étant entendu que les données OUI NON
resteront anonymes et qu’aucune information ne sera
donnée sur mon identité.

• l’utilisation des données à des fins pédagogiques (cours


et séminaires de formation d’étudiants ou de
professionnels soumis au secret professionnel). OUI NON

• que mon enfant apparaisse sur l’enregistrement vidéo


OUI NON

J’ai choisi volontairement d'autoriser mon enfant à participer à cette recherche. J’ai été
informé-e du fait qu'il pourra se retirer en tout temps sans fournir de justifications et que je
peux, le cas échéant, demander la destruction des données le concernant.

Ce consentement ne décharge pas les organisateurs de la recherche de leurs responsabilités.


Je conserve tous mes droits garantis par la loi.

Prénom Nom

Signature

Date

23

156
Annexe 8 : Formulaire de consentement pour les enseignantes

CUREG2.0 - Formulaire pour les recherches réalisées dans le cadre d’un diplôme de Master

Formulaire pour les adultes (les enseignants)

RECHERCHE

Capter l'attention des élèves, un défi pour les enseignants du spécialisé ainsi que de l'ordinaire?
Responsable du projet de recherche : Joaquim Dolz, Professeur ordinaire UNIGE
Joaquim.Dolz-Mestre@unige.ch
022.379.06.93

Étudiante en maîtrise en Hélène BATARDON, étudiante


enseignementspécialisé (MESP) : Helene.Batardon@etu.unige.ch
022.756.31.23

Information aux enseignantes :


Dans le cadre de ma maîtrise en enseignement spécialisé (MESP), j’effectue une recherche qui
vise à identifier les gestes professionnels utilisés par les enseignants du spécialisé et par ceux
de l’ordinaire afin de capter l’attention des élèves.

La façon dont vous retenez l’attention de vos élèves par le biais de différents gestes
professionnels me questionnent. Pour cela, j’ai besoin pour cela de récolter des informations
dans votre classe. Je filmerai alors une séquence didactique d’environ deux périodes ; de
même que j’effectuerai un entretien individuel enregistré avec chaque enseignant, autour de
la thématique de la planification.

Le temps de la recherche, les enregistrements et transcriptions audios ainsi que les films seront
anonymisés et stockés sur une clé USB. Une fois le travail rendu, ces données seront détruites.

La participation à cette recherche pourra permettre de procéder à une analyse de vos gestes
professionnels en fonction de différents contextes, contribuant ainsi à enrichir la formation
des enseignants.

Par ce formulaire de consentement de participation, vous pouvez faire le choix ou non de


refuser l’enregistrement audio ainsi que la captation de vidéos.

En cas de besoins, vous pouvez me contacter par courriel ou par téléphone (voir les
coordonnées dans l’encadré ci-dessus) de manière à me faire part de vos questionnements.

En vous remerciant d’avance de l’attention que vous porterez à ce document de


consentement, je vous adresse mes meilleures salutations.

Hélène BATARDON

19

157
CUREG2.0 - Formulaire pour les recherches réalisées dans le cadre d’un diplôme de Master

Consentement de participation à la recherche :

Sur la base des informations qui précèdent, je confirme mon accord pour participer à la recherche « Capter
l'attention des élèves, un défi pour les enseignants du spécialisé ainsi que de l'ordinaire ? », et j’autorise :

• l’utilisation des données à des fins scientifiques et la


publication des résultats de la recherche dans des
revues ou livres scientifiques, étant entendu que les OUI NON
données resteront anonymes et qu’aucune
information ne sera donnée sur mon identité.

• l’utilisation des données à des fins pédagogiques


(cours et séminaires de formation d’étudiants ou de OUI NON
professionnels soumis au secret professionnel)

• à être enregistré durant un entretien individuel OUI NON

• à être filmé lors de la séquence OUI NON

J’ai choisi volontairement de participer à cette recherche. J’ai été informé-e du fait que je
peux me retirer en tout temps sans fournir de justifications et que je peux, le cas échéant,
demander la destruction des données me concernant.
Ce consentement ne décharge pas les organisateurs de la recherche de leurs responsabilités.
Je conserve tous mes droits garantis par la loi.

Prénom Nom

Signature

Date

20

158
Annexe 9 : Engagement du chercheur

CUREG2.0 - Formulaire pour les recherches réalisées dans le cadre d’un diplôme de Master

ENGAGEMENT DU CHERCHEUR

L’information qui figure sur ce formulaire de consentement et les réponses que j’ai données
au participant décrivent avec exactitude le projet.

Je m'engage à procéder à cette étude conformément aux normes éthiques concernant les
projets de recherche impliquant des participants humains, en application du Code d’éthique
concernant la recherche au sein de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation et
des Directives relatives à l’intégrité dans le domaine de la recherche scientifique et à la
procédure à suivre en cas de manquement à l’intégrité de l’Université de Genève.

Je m’engage à ce que le participant à la recherche reçoive un exemplaire de ce formulaire de


consentement.

Prénom Nom

Signature

Date

21

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