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HISTOIRE GENERALE DE PARIS LES METIERS ET CORPORATIONS DE LA VILLE DE PARIS” XU SIECLE D’ETIENNE BOILEAU rune Ae PAR RENE DE LESPINASSE ET FRANCOIS BONNARDOT ANCIENS REEVES DR WECOUR DES CHANTES yes? ' PARIS IMPRIMERIE NATIONALE M NEGO LXKIX UAdministr ation nunicipale Inisse & chaque autour la responsabilité sles is sous les auspices de la Ville opinions développées dans les ouvrages pub de Paris. AVANT-PROPOS. La publication du Livre des Métiers, dans la collection des Documents inédits, fut, il ya quarante ans, une véritable révélation. Les érudits connaissaient, «il est vrai, les divers manuserils qui nous ont conservé ee précieux recueil; ils les avaient lus, mais sans les comparer entre eux au point de vue philolo- gique, sans chercher surtout & tirer de ces vieux textes les enseignements hisloriques et éeonomiques qu’ils contiennent, Grice aux travaux de Depping, le public cut désormais sous les yeux toute une législation industrielle, fort dédaignée vers 1776 et trop oublide depuis; il put embrasser du regard une organisation ouvridre remarquablement homogéne, malgré la multiplicité dle ses détails, organisation qu'on a le tort d’apprécier sommairement, selon les iddcs qui prévalent tour & tour, et qui demande, pour étre bien com- prise, & tre jugée sur les piéces. Aux Etablissements de saint Louis, vaste ensemble de a gystions juridiques et administratives édielées pour lout le royaume, s‘ajoulent tout naturelle- ment les Status des Méliers de Paris, réglementation locale, il est vrai, « mais si forlement empreinte de Tesprit du temps, si bien faite & Pimage ot 4 la resemblance de la société d'alors, qu’on peut la considérer comme I’ex- pression fidéle de ses idées et de ses meeurs. Assurément Paris n'avait point, A cette poque, la puissance de rayonnement que plusieurs siécles de cen- nt fait acquérir; ses us et coutumes ne simposaient pas po- litiquement & la France entidres mais il était dja Ia capitale du pays, la résidence du grand suzerain [éodal, et, selon I'adage latin, la nation s'ac- commode toujours & la ressemblance de son roi. Or le roi de ce temps, ce n’était pas seulement le haut baron assis sur le trdne; c'était encore ce " LE LIVRE DES METIERS. pouple de Paris, si actif, si industrieux, si remarquable par son gotit el son savoir-faire, si ingénieux & servir le luxe des grands, et pourlant si libéral dans ses aspirations; ¢’étail ce monde des Métiers, qui s’échelonnait de Paris 4 MontIhéry, pour teniv en respectles scigneurs révoltés, et qui, aprésles avoir ramenés, par ladignité de son attitude, au sentiment du devoir, ne croyait pas déroger en enrichissant leur demeure des mille produits de son travail. Les Statuts des Métiers de Paris sont done virluellement, ct sauf certaines « particularités locales, eoux de la France tout entidre, Le xm siécle, qui ful la plus brillante époque du moyen age, parce quill on résume plus complé- tement l'avenir et le passé, les tendances et les traditions, se montre li avec ilds of erreurs relatives, comme le sont, dail ses vévilés et ses erreurs; véi Jours, Ia plupart des choses humaines. Les doctrines économiques qui ont inspiré la réglementation industrielle de ce femps ont eu leur houre ’&-pro- pos, leur moment application, et Ton ne pout, sans courir le risque de se 8, veligicuses, dont méprendre, les séparer des institutions sociales, politiq elles sont, en quelque sorle, le commentaire historique. Crest, en effet, un étonnant spectacle,’ pour Vobservateur moderne, que celui de ce prévdt royal, Thomme de confiance de Louis IX, le magistrat chargé par le haut justicier de Vincennes le mettre Yordre ct Ja paix dans le monde des Métiers, appelant & lui toute Ia famille ouvritre roprésentée par ses Jurés et ses Prudhommes, les interrogeant sur les traditions de leur in- dustric, ot envogigtgant, aprés examen, les réglements quils lui présentent, que le long défilé de ces Commu- Ge n'est pas un moindre sujet do eu naulés ouvridres comparaissant, en Ia personne de leurs Syndies, devant Vofl- cier royal, aflirmant leurs droits avee dignité, invoquant les priviléges qu’ils tenaiont des souverains les plus marquants, des ministres les plus considé- rables, el ne demandant qu’a travailler paisiblementsous la protection des lois, ainsi qu'avaient de tout temps travaillé leurs pares. Un tel spectacle a sa grandeur; mais le régime économique quill nous fait entrevoir est si diffs- rent du nétre, qu’on est amené & se demander ce quil'a rendu possible et ce quia pu le maintenir pendant de si longues années. G A une société organisée d'une certaine fagon correspond nécessairement un certain étal industriel et commercial; plus encore que la littérature, qui AVANT-PROPOS. uw est le travail de Pesprit, le travail, qui est en quelque sorte la littérature des mains, est partout ot toujours I'expression de la société. Or qu’était-ee que la société du xm sidelo, dans ses rapports avec le monde du travail? A ne la con- sidéver que dans ses grandes lignes et dans ses principes constitutifs, c'était aune socidlé [éodale, c’est-t-dire hidrarchisée de la base au sommet. De cet état de choses résultait un ensemble de droits ct de devoirs, hommages présentés el recus, de redevances dues et payées; loule puissance, toule foree affectait la forme d'un fief, el, dans ses exigences les moins raisonnables, dans ses exactions méme les plus eriantes, le fort se donnait alors comme le protec- tour du faible, justifiant ainsi, du moins en apparence, 'énormité de ses re- vendications. I] fallait ¢tre, en ce temps-la, dans le camp des forts, de la méme inaniére quill valait mieux, dans l'ancienne Rome, appartenir au patronat qu’ la clientéle et compler parmi les protectours plutét que parmi les protégés. Crest ce que les Métiers de Paris comprirent de bonne heure : ils aspird- arent i prendre leur place dans la société [Sodale du temps, mais en haut et non point en bas, sous la forme de la suzeraineté et non sous celle du vasse- isi A constituer un yérilable fief collectif. lage, of ils parvinrent Mais le fief, quand il n'était pas agresseur, se tenait constamment sur la défensive. Comme on pouvait'Tatiaquer de partout, il se défendait de toutes parts; il se tenait prudemment derritre ses murs et ses fossés, abrilé par ses herses et ses ponts-levis. Le fief était avant tout une forteresse. < Ainsi en était-il des Métiers de Paris. Le fief industriel parisien avait pour Aéfenses ses traditions, les privildges & lui octroyés et le monopole dont” il jouissait ab antiquo. Quand le monde des Métiers, vraie seigneurie collec tive, avait fait, ainsi que le haut baron, son hommage-lige; quand il avait payé ses redevanices au roi et & 'évéque, soil directement, soit par linte médiaire des officiers de Pévéehd ef de la couronne; quand il avait acquitté en travail, en argent, on guet, lout ce que organisation féodale exigeait de lui, sa siluation, au point de vue du droit, était exactement la méme que celle de ta noblesse fournissant ses hommes darmes, et colle de PEglise accordant Le tribut de ses pridres. En régle avee le roi, son prévot et ses sliciers; ainsi quiavee la «Sainte Eglise,» il se tenait dans son fief et s'y Stognait fitvement. Nul ne se fit avisé de le elailler» arbitrairement; nul ” LE LIVRE DES METIERS. n’etit impunément molesié un maitre, un valet, un simple apprenti régulid- rement agrégé A la Communauté ouvridre. Get dint de choses peut aujourd'hui éire diversement jugé; mais il était Fexpression des idées et des meurs du temps, et il constituait sur Métal an- Ugricur un progrés incontestable. La condition des classes ouvritres dans les Gaules, aprisla chute de Empire romain, et leur mode d'existence & I’époque mérovingienne ct carolingienne, ne sont encore quimparfaitement connus. Les témoignages écrils, trop peu nombreux et rop peu explicites, ne sullisont pas & dissiper complétement Yobscurité dans Iaquelle demeure enveloppée celle phase de Thistoire du travail; mais ce qu'on en sail permet affirmer que I'établissement de la Communauté ouvridre fut, pour les travailleurs, Péquivalent du régime sous lequel vivaient les Corporations gallo-romaines set, en somme, une vérilable émancipation relative. Los polyptyques nous représentent, en effet, Ie servage industriel existant ab e6té du servage agricole, ot les ouvriers travaillant pour les abbayos, les chateaux, les maisons royales, dans un état de sujétion qui avait pour soul correctif le principe d’associalion encore mal défini. La liberté individuelle, alors méme qu'on Ia leur edt aceordée, naurait point été pour cus Vindé- pendanee et encore moins Ia sécurité; elle les eitt, au contraire, laissés plus faibles, plus dépourvus, plus exposés qu'auparavant. En dehors de ancien régime corporatif, dont il était pout~étre le continuateur inconsciont, te tavailleur industriel aurait cerlainement été plus taillable ot plus cor- véable que Pouvrier agricole, attaché a la glébe, mais protégé dans une ul, au milieu d’un monde universel- corlaipe mesure par son seignours Jomont higrarchisé, sans un protectenr dont il osit implorer Vappui, sans é dont il eit le droit de se dire membre, sans une instil une commun tion queleonque & laquelle il pat se rattacher, mal servi, ailleurs, par los lois, qui ne tenaient pas compte des individus, mais des groupes, il n’odt pu se réclamer de personne, et se serail ainsi trouvé dans la dépendanee de tous. Sa situation aurait élé semblable at celle d'un seigneur féodal non agréé par le voi, non reconnu par ses pairs, et dont le manoir, bati en rase eam- pagne, lout ouvert, sans defense daucune sorte, se fit trouvé en bulle af aux injures des passants. AVANT-PROPOS. , ~ Tout autre fut la condition de Mhomme de travail, le jour oit le fief indlus- triel se trouva réguligrement conslitué, Nous ne savons i quelle époque précise eut lieu cetle révolution économique; il est probable qu'elle sopéra pen & pen, a Fimitation des associations religicuses et sous influence des souvenirs quavaient laissés les Corporations gallo-romaines. Dans Je midi de Ia France, Ia pratique de Vancien régime municipal n'y fut point dtrangtre; & Paris, les Marchands hansés, continuateurs des Nautes pavisions, qui formaient une Communauté puissante et honorée, suggérérent tr’s probablement Ta pensée du régime corporatif appliqué & toutes Jes branches du travail. Pour que les Jurés des Communaulds ouvridres invoquassent, sous le régne de saint Louis, des reglements remontant & Charles Martel, il fallait évidemment que les origines de ce régime fussent considérées comme fort anciennes, que cet état de choses se fat introduit par degrés, et qu’on ne pat lui assigner une date positive. C'est It le caractére propre des institutions qui dérivent des besoins et des moeurs, et qui sont d'aulant plus inséparables de Tétat social, qu’elles ont pénéiré plus insensiblement dans les esprits. Le régime corporalif, avee ses génes et ses franchises, c'est IA tout le Livre des Méviors. En entrant dons la Communauté par la porte de Vapprentissage, le jeune ouvrier y rencontrait lout dabotd des devoirs de diverse nature, mais il y trouvait aussi des droits, e'est-b-dire des coutumes ayant foree de loi; e'était 1a son livret et son code, Soumis &autorilé du maitre, mais plaeé en méme temps sous Maile maternelle de In mailresse ot bénéficiant des con- soils du premier valet, il avait @éji, sans sortir de In maison patronale, de trds-sévieuses compensations. Au dehors, les garanties se multipliaient; il se sentait plus fort eneore; membre d'une Communauté ouvridre qui était quelque chose par elle-méme et qui complait dans le vaste syndical dos Corporations, il se savait appuyé, défendu, etil Fétait en olfet, comme l'homme déglise se sentait soutenu par IIivéque, Thomme de loi par fe Parlement, et Ie clere par l'Université, De son patron, homme de travail allat hi Corporation, puis au prévot de Paris ot aux grands officiers de la couronne, maitres et protecteurs de certains métiers; enfin il pouvait remonter jusqu’au roi lui-méme, chef supréme de cette société féodale ot le (ravail avait su se avehiquement aux Jurés de la " LE LIVRE DES METIERS. faire une place, Tandis que louvrier des eampagnes, sans relations avec ses {réres des villages environnants, sans réglements pour le contenir et le pro- Léger, subissait impunément toutes les vexalions el ne réagissait quede loin en loin, par ces explosions qui se nomment dans histoire la Guerre des Pastoureaux et In Jacquerie, les travailleurs des villes pouvaient se plaindre hautement, demander protection ct justice, se compler, quand il en était besoin, et opposer leur charle industrielle, leur Livre desMctiers, & toutes les entreprises de Jeurs ennomis. Pour réduire le paysan révolté, il fallait te broyer sous le pied des gens de guerre; pour faire rentrer dans le devoir Vouvrior urbain qui s'en était éearté, il suflisait de lui montrer ta page ot les Jurés avaient écrit ses obligations A cdté de ses priviléges. Nous ne prétendons paint que les gens de Métiors, sullisamment protégés par leurs Staluls, ne soiont jamais descendus dans la rue : & certaines heures et sous l'influence de certaines excilations, ils ont pu élever la voix et reven- dliquer leur part d'influence dans le gouvernement de ta Ville ot du pays; mais Jours démonstrations étaient généralement paeifiques, et, quand ils se mettaiont on ligne, était plutét pour maintenir que pour ébranter I'Etat. Joinville raconte que, pendant la minorité de saint Louis, le jeune roi et si mére n’osant se rendre & Paris, alors oceupé par Jes barons en révolte, ecouls de la ville les vindvent quérir en armes, en moult grant quan- i, ot me ait (le saint roi) que, depuis Montlehéry jusques 4 Paris, le chomin estoit plein et serré des coustes de gons d'armes el aultres gens. » Cos eaultres gens,» c'élait le monde des Métiers, ce monde que nous voyons assister, un demi-siéele plus lard, & la emontre,» ow revue, passée par Philippe le Bel, & Voceasion dos fdtes qu'il donna pour la chevalerie du roi de Navarre, son fils ainé, Tout le Paris twayailleur était en liesse + EL deus a deus ensemble aloient Et tretous les Mestiers mangoiont, U est permis de penser que Louis IX, en confiant & son prévot, Etienne Boileau, Ia révision et la codification des: réglements auxquels les Corpora tions élaient soumises depuis un temps immémorial, se souvint de 'appui (que cos Corporations lui avaient prété, ol recommanda d’slargir plulst que de rostveindre les priviléges dont elles jouissaiont. AVANT-PROPOS. mu Le libéralisme industriel a pu revétir ailleurs une autre forme : dans les Flandres, par exemple, il se montre & nous sous un aspect plus bruyant; mais il n'y avait pas la, au sommet de léchelle sociale, un grand justicier A qui les Communaulés ouvridres pussent faire appel, pour le redressement mémes des torts dont elles étaient victimes; elles ne comptaient que sur elle pour avoir raison de leurs oppresscurs et elles ne craignaient pas de frapper fort quand elles étaient stires de frapper juste. Maintenues, au contraire, par les moeurs ct les institutions du pays, dans les limites d'un libéralisme modéré, les Corporations ouvriéres de Paris ont exereé sur a marche de esprit public une action plus lente peut-dtre, mais tout aussi décisive. Tandis que les travailleurs des champs vivaient dans une dépendance étroite & Tégard de leurs seigneurs, et ne connaissaient que le cons, Ia dime et Ia redevance sous toutes ses formes, les ouvriers urbains, libres de toute exaction, & l'abri des mesures arbilraires, avaient le senti- ment de la propriété el 'amour du ches soi, préliminaires obligés de toute émaneipation. Lés maitres possédaient un mélier & eux, un atelier qui leur appartenait, parce quiils Pavaient acheté ou regu de leur pare. Les valets aspiraient paisiblement & fa maitrise, afin de devenir, quand ils 'auraient oblenue, chefs & leur tour, en épousant Ia fille ou la veuve du patron. Les apprentis avaient la méme perspective en suivant Ia méme filidre. C’était unc ascension lente, mais sire, qui faisait, avec le temps, des ciloyens et peuplait les villes d'hommes d'autant plus libres quiils ne devaient leur in- Aépendance qu’d eus-mémes. Réunis dans Jours Chambres syndieales, alors que la maison commune rurale n’élait pas encore née, ces hommes délibé- raicnt sur les choses des Méliers, comme les bourgeois le faisaient au « Par- louér,» les magistrats au Parlement et les gens du roi en Ja Chambre du conseil. Quine voit qu'il y avait la tout un apprentissage de la vie publiqui it encore toute une préparation aux institutions modernes, que nul n’entrevo dans Yordee politique? Il importe d'insister sur ee point : les gens de Métiors ont eu, dans ees temps difliciles, la conscience de leur situation; ils ont compris, avant le fa buliste, que ‘Toute puissance est faible & moins que d'étre unie; vor LE LIVRE DES METIERS. ils ont sentile péril de Visolement, lastérilité de l'effort individuel, et ils ont réalisé, dans l'association ouvriére, la plus grande somme de liberté qu'on pal alors conquérir, en méme temps quiils atteignaient le plus haut degré influence auquel ils pussent Iégitimement prétendre. Diautres institutions, autres mecurs, ont changé le point de vue et dirigé les aspirations vers un nouvel idéal. La Communauté, qui avait, pendant de longues années, garanti 'indépendance du travail et la dignité du travailleur, est devenue, avec le lemps, un instrument d'oppression et un moyen de fis- calilé; Vindividualisme, qui était jadis une faiblesse, a pris le nom d'initia- tive et s'est transformé en force; une Iégislation plus équitable a sauvegardé Jes droits que les Statuts des Métiers étaient autrefois seuls & protéger, et rendu moins nécessaire ce fief collectif dans lequel le travail était contraint de se cantonner. C’est alors qu’é l'exemple des barons descendant des hauteurs de leur manoir pour habiter une simple villa dans la plaine, le travail a quitté sa forteresse corporalive ot détruit les ouvrages avaneés qui, sous le nom de ses ct de jurandes, en défendaient les abords, Les grands politiques des xv*, xvi® ot xvi sideles, depuis Louis XI jusqu’t Richeliew, avaient mail démantelé les chateaux pour empécher une résistance queleonque de s‘orga- niser derriére leurs murailles; les eonseillers de Louis XIV continuérent cette couvre de destruction, on substituant aux Corporations les surintendanees et les académies, e'est-A-dire un privilége royal & up monopole popalaire; onfin les économistes du xvit sigele portérent le dernier coup & Vancien éaifice féodal : ils abolirent les Communaulés ouvridres, afin que le travail n'y fit point emprisonné et que Lesprit du passé ne pit s'y maintenir. Cotte révolution, qui edt élé funeste au temps d'litienne Boileau, est venue & son heure et a réalisé a son tour un incontestable progrés. Mais est-elle le der- nier mot de Ia science économique, et n'est-il pas sage de rechercher, dans les slatuls de ancien régime, ce que le nouveau pourrait utilement lui em- prunter? Le systéme corporalif avail ses abus, que personne ne songe & faire revivre,, el ses avantages de temps et de lieu, qui ont disparu avec l'état social dont il était expression. Ce qui n'a pu périr, ce sont les qualités essentielles ot les verlus intrinséques de ce régime, parce que les unes et les autres liennent au principe d'association , qui est le correctif' de la faiblesse individuelle. AVANT-PROPOS. a Et dabord le régime corporalif organisait et maintenait au complet la famille ouvrigre composée du maitre, du valet, de Papprenti, travaillant ensemble ot vivant de la méme vie, (était, en oulre, & quelques égards, Je systéme du patronus et du eliens, tempéré par une eertaine égalité ineonnue des murs vomaines. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le patronage s‘exereail & lous les degrés de Véchelle ouvritre, et Pappel & une juridietion quent, Los différends aboutissaien! génévalementa une paternelle y était fr conciliation, paree que Vesprit de famille régnait dans Fatelior, Vesprit de (raternité dans Pensemble du mélier, et qu'une cerlaine solidarité unissait entre elles les diverses corporations ouvriéres, malgré les rivalilés et les ja- lousies qui pouvaient les divi Ce lien professionnel s'e% rompu avee la proclamation du principe de la liberté ouvridre, qui a grég Findividualisme industriel et exagéré Ja puissance deVhomme argent; 66:ciment, qui faisait des pierres de Y6difice un seul et solide bloc, s'est désagrégé peu & peu, sous laction dissolvante de lintérdt personnel. Les appréntis, cos enfants galds du viewx patron et de la vieille palronne, sont devenus impatieyts du joug et oublicux de leurs devoiys, landis que plus d'un maitre moderne s'est habilué & ne voir en eux que des instruments de travail gratuit et de gain facile. Les ouvriers, qu’aucun contrat ne lie & leur patron, lequel est, de son edté, parfaitement libre de les eon- gédier, alfectent parfois, cavers lui, une cerlaine indépendanee frondeuse. Les uns et les autres so deviennent indifférents, quand ils ne sont pas réc proquement hosliles. Assurément la liberté du travail, proclamée il y a eent ans, west pas la cause unique de ce regretlable antagonisme; cependant nest-il pas vrai qu’aus youx de Vapprenti et de louvrier, le maitre n'est plus un membre de la grande Communauté industrielle & laquelle leurs ancétres appartenaient; qu'il a cessé d'etre l'un des juges de leur examen profession- nel, l'un des élus de leur syndicat et I'un des administrateurs de la bourse commune, & laquelle puisaient jadis les enfants, les vouves et les viillards de Ja famille ouvridre? Si les relations se sont refroidies entre les salariés et les chels d'industrie, ne seraitee poift paree que ceux-ci n’apparaissent plus & ccus-ld que comme des entrepreneurs de travail, qui les emploient et les payent plus ou moins bien, en leur laissant, dailleurs, toute latitude d'aller ‘ « LE LIVRE DES METIERS. chercher meilleure condition dans un autre atelier, ou d’en créer eux-mémes un nouveau, ot qui, Ja besogne achevée et le gain réalisé, ne gardent deux souvenir? On le voit, dans le systéme contemporain, le principe de la liberté a produit aueu Vindividualisme, avec ses initiatives et ses responsabilités, avec ses chances de suceds ot ses possibilités de fortune pour quelques-uns, mais aussi avee ses isolements, ses faiblesses et ses génes pour Ie plus grand nombre. L’ap- prenti, 'ouvrier, le pelit patron, ont conquis, en méme temps que leur in~ dépendance industrielle, le droit de so protéger cux-mémes; Ia Corporation est plus 1a pour former le faisceau et centupler les forces protectrices. Si Fon devail juger un régime parle mot qui le earaetérise le mieux, on appliquerait & celui de la Gommunaulé ouvriére Mépithéte de protecteur, et cela dans le sens le plus large et le plus élondu. I était, en effet, un véri- table protectorat organisé au profit de tous, ct nous allons, pour n’avoir point ary revenir, énumérer ici toules les formes que revétail ce protectorat mul- tiple. L’apprenti était protégé & Ia fois contre Iui-méme et contre son maitre, contre sa propre élourderie ct contre les abus de pouvoir dont il pouvait étre vietime. L'ouvrier était défendu par le texte des réglements de la Commu- naulé et par les Jurés, interprétes Iégaux des Slatuts du mélier, contre la mauvaise foi du maitre qui aurait eu la velléilé soit de le congédier avant Ja fin de son louage, soit de diminuer son salaire ou d'augmenter son tra- vail. Il était protégé, par les termes mémes de son engagement, contre Iin- constanee de son caraclére ct les inconséquences de son humeur. Enfia il nayail 4 redouter ni la concurrence du erouleur,» ouvrier vagabond non agrégé 4 la Corporation, qui aurail essayé de Je supplanter, ni les usurpations des travailleurs d'un autre métier, qui se seraient avisés d’empicter sur son domaine, Son travail était une propriété; il y avail droit, quoique dans un sens tout différent de celui qu’on a donné de nos jours & cotte expression. Le maitre, 4 son tour, armé au dedans contre l'insubordination ou la paresse des apprentis et des valets, protégé au dehors contre les exactions et les entre- prises rivales, assuré de la vente de ses produits par la limitation du nombre des aleliers, vaquait paisiblement aux soins de son industrie, et ne craignait pas de voir l'atelier paternel déchoir entre ses mains. Le public lui-méme AVAN'-PROPOS. ” trouvait son comple a ce régime: une réglementation sévére le protégeait contre les malfagons, le faux poids, le mesurage frauduleux et la «came- lote. » Linterdiction de l'accaparement, de la «resserre » el de la spéculation le garantissail contre la hausse factice des denrées, ct assurait, 4 des condi- tions normales, approvisionnement, ainsi que 'abondancede toutesles choses nécessaires & la vie. C’était, il faut bien en convenir, unc sorte de mise en tutelle de la société lout entidre; mais Vidée était dans les esprits et le régime parfaitement ap- proprié aux conditions économiques dans lesquelles vivait le moyen age. Il ue venait alors a la pensée de personne que le publie ditt se défendre lui- méme contre les industriels trompeurs et les marchands malhonnétes, soit en les dénongant, soit en s‘abstenant d'aller chez eux. Ce principe de la protection personnelle, du self government, appliqué aux choses de la vie or- dinaire, edt été considéré comme une énormité; les masses y'auraicnt vu la négation des devoirs sociaux, et on ne peut guére leur donner absolument tort, La société repose, en effet, sur une délégation, avoude ou lacile, des droits de chacun 4 un représentant de la collectivité. G’est i cette con- dition seulement que l'individu abandonne tout ou partie de sa force phy- sique, de sa liberté, de son initiative privée, qu'il ne se fait pas justice lui- mémo et quill en appelle, quand il se croit Iésé, au pouvoir dépositaive de ses droits. Les Parisiens du sin sidele eussent peut-tire éprouvé quelque em- barras & formuler ces idées abstraites en langage philosophique; mais ils en avaient Je sentiment, et ils y accommodaient volontiers les choses de la vie commune. Ils éprouvaient, d'ailleurs, d’autant plus vivement le besoin Halve prolégés, qu’ils se senlaient plus menacés par Varbitraire dans leur personne et dans leurs biens. De nos jours, ce besoin de protection se fait moins impéricusement sentir; Uapprenti traite avec le maitre sous le seul empire du droit commun; les ouvriers et les patrons riglent leurs différends en justice de paix ou devant les Prud’horhmes, juridiction renouvelée du moyen age; le public se plaint par la voie de La presse et porte ses grief devant les tribunaux et les officiers de police. Le systéme protecteur est done allé s'amoindrissant de sidcle en Je et d'année en année, & mesure que se développaient les initiatives in- ‘ a LB LIVRE DES METIERS. dividuelles et que s'accroissaient les garanties de sécurité. Le consommateur est peut-blre le dernier qui se soit déeidé A reprendre Ia part do liborté ja- dis aliénée par lui; il incline encore aujourd'hui & Ja laisser entre les mains de ses administrateurs. Apres un sidele de libre concurrence entre les mé- tiers, de libre débat entre Vacheteur ot Je vendeur, plus d'un citoyen fait on- core appel la protection de ceux qui le gouvernent: celui-ci veut qu’on maintienne a tout prix son industric; celui-li, qu'on Tui assure du travail ; s manufacturés et les objets de consomma- intienne administralivement l'abondance et cet autre, qu’on tarife les produi tion; presque tous, qu'on en mi quon en garantisse officiellement la qualité, Sommes-nous done si loin des idées éeonominquos du xi* siecle? Le principe méme de la limitation des aleliers, qui domine toute In légis- lation ouvridre du moyen age, recevail, hier encore, son application. La génération présente a vu, dans Yordre matériel, la boulangorie, la boucherie, Vindusteie des transports, restreintes & un nombre fixe de numéros; dans la imprimerie ct la librairie exeregos en série des professions quasi-lihérales, vertu d'un brevet révocable. L'ftal s'est réservé, d’autre part, dans une pen- sde de Aiscalilé, certaines fabrications qu'il interdit au public; il maintiont, en oulre, avec la vénalilé des offices ministériels, la limitation du nombre de cos charges, qui sont, en définilive, des industries entre les mains de ceux qui les détiennent, Si sloigné qu'il soit de nos meeurs, Je régime exposé dans le Livre des Métiers a donc lnissé plus d'une trace dans nos institutions mo contiont une pareelle de ta vérité éeono- dernes. Nest-ee point parce qui mique et parce qu'il représente un cerlain edté des choses, le ebté patriareal et protecteur, qui caractérise les socidtés en formation? Crest précisément pour co motif qu'il s'est transformé par degrés avee les moeurs el ['état social. A mesure que les chefs dindustrie se sont sentis plus entreprenants et plus forls, en présence des débouchés nouveaux qui s'ou- vraient devant cux; que les ouvricrs, certains d'étre oceupds dans un atelier queleonque, ont pu débatire plus librement les conditions de leur concours; que le publie s'est trouvé, par le fait méme de la concurrence, plus on situa- tion de choisir les objets ct de contester les prix, ee besoin universel de pro- tec! 1 s'est amoindri, ot chacun est rentré peu pou en possession du droit AVANT-PROPOS. am naturel quil avait eu jadis raison daligner. Les vienx réglements sont done que les meeurs restés debout, comme de vivants Udmoins d'un autre fige, tan et Tétat social s’élaiont profondément modifids; de telle sorte que, quand on ya porté tn hache, on s'est apergu que ces colonnes de ancien édifice économique ne soutenaient plus rien. Esl-ce 4 dire que tout s'est écroulé avec elles? Les économistes les plus avaneés ne Ie pensent point; tout en reconnaissant que le régime de ta li- berté est plus favorable aux grandes initiatives ot plus fortifiant pour les tem- péraments vigoureux, ils font des réserves en faveur des natures moins heu- reusement douées. Le syste de Ia Communauté palriareale et protectrice, tel quil nous apparait dans le recucil d'létienne Boileau, ne leur semble done pas devoir étre irrémissiblement condamné, Ils savent que, dans Ia fa- mille ouvriére, comme dans la famille civile, il y aura toujours des petits et des faibles : apprentis maladifs et inintelligents, jounes ouvriers languis- sants ou malhabiles, viewx travailleurs affaiblis ou arriérés, mattres et contre matlres imprévoyants, dépensiers, mauvais gérants de leurs intéréts of de coux des aulres, cest-\-dire tout un mionde & protéger et & contenir. Fautil laissor ccs petits et ces faibles sabimer dans la mélée générale, ces irrélléchis ct ces maladroits se heurter aux écueils de la vie industrielle, ces vélérans du travail se morfondre & la porte des ateliers qui refusent de les admettre? Faut-il abandonner & leur propre force les courageux et les résolus, qui se trouvent en présence de plus puissants qu’eux? Aulant de pro- blémes qui simposent, depuis plusieurs années, aux méditations des éono- mistes cl & latlention des hommes ¢'fitat. Si le bon sens public a fait justice de cerlaines théories ultra-centralisatrices et destruetives de la liberté du tra- yailleur, il ne s'est pas prononeé moins ouvertement en faveur d’institutions quel on les emprunte. véritablement protectrices, quel que soit le régime Les Conseils de prud'hommes sont dans nos lois et dans nos mours; les Cham- bres syndicales commencent & y entrers les Sociétés de seeours mutuels et esse ont remplacé la «botter des anciennes les Gaisses de retraite pourla v Corporations ouvritres; les Sociétés eoopératives forment un capital collectif en faveur de coux qui n’ont pasde coi achapter le mestier,» comme on di- sait au temps d'lélicane Boileau; d'autres institutions, en préparation ou en aw LE LIVRE DES METIERS. projet, témoignent de la vitalité de ce régime que Jes économistes de 1776 jen pu abolir, mais qui a survéeu & sa ruine, au moins dans ce quill ont avait de plus juste et de plus généreux. Turgot et ses amis ont fait, en leur temps, ce que leur conseillaient la voix publique et la raison d'ftat. Poussés par Fopinion, qui s'élait prononege depuis Iongtemps contre les entraves apportées & Ia liberté du travail, t& moins du prodigieux développement qu'avaient pris les industries et les transactions commerciales, en présence des progrés de loutillage, qui cen- tuplaient les forees productrices, et des débouchés nouveaux qui onvraient & Ja consommation un horizon presque illimil, ils firent tombor les barridres que les réglements avaient multipliées autour du travail, et lui donnérent ainsi une immense expansion. Plus hardis que Angleterre et Allemagne, qui ont su ménager une transition entre tes deux régimes ot conserver ce Is ont procédé par voie de réforme radicale et que Vancien avait de bon, rendu, de la sorte, presque inévitables certains retours aux errements du passé. La science économique est assez forte aujourd'hui pour diseerner ce qui vaut la peine d’étre relevé dans cot immense éeroulement, et I'fitat mo- derne assez solidement assis pour n'avoir rien & eraindre de quelques em- prunts & un régime aboli. D'un edté, des principes absolument ou relativement vrais, tels que cous-ci: Protection de Venfance ouvriére; garantie du travail A qui en vit ct de la propriété industrielle & qui la possdde; examens el stage pour constater Ia capacilé des aspirants, et interdiction du cumul des professions pour en em- pécher V'exercice abusif; surveillance de la fabrication pour assurer la loyauté du commeree; fonelionnement régulier d'une juridiction ouvridre ayant In main sur tous les métiers, depuis lapprentissage jusqu’d la maitrise; indivi- sion du travail, de manidre & former, avec le temps, wii ouvrier complet ot un maitre fulur; suppression de tout intermédiaire parasile entre le producteur et le consommateur; travail en commun el sous I'ceil du public; solidarilé de la famille ouvridre; assistance aux nécessileux du mdétier, et autres disposi- lions qui se déduisent de l'ensemble des textes. Drautre part des idées fausses el des pratiques abusives, telles que eelles-ei: Prolongation immodérée de Vapprentissages diffieultés apportées & lob- AVANT-PROPOS. ” tention de la maitrise; mesures fiscales et redevances arbitraires; réglemen- lation méliculeuse et chdmages trop fréquents; transmission routinidre des procédés de fabrication, ce qui exclul la recherche et 1a mise en pratique de moyens meilleurs; maintien des prix, avec interdiction de les abaisser au profit de Vacheteur, pour ne pas susciter un confrére une concurrence qua- lifide de déloyale; défense de claire compagnie,» cest-d-dire de s‘associer, de spéculer pour étendre ses opérations et s‘ouvrir des d¢bouchés lointains, au détriment de la consommation locale. Voild cerlos un mélange d'erreurs et de vérilds économiques, qui explique la durée de ce régime pendant tout le moyen ‘ige et son abolition Ia veille de la Révolution frangaise. Expression de la société chrétienne et {éodale, le régime du Livre des Métiors plagait le travail sous la main de Vglise ot de MEtat; celui de Turgot et des éeonomistes, fait 4 Pimage du monde moderne, essentiellement laique et libéral, ne le soumet & aucune puissance de l'ordre moral ou politique; mais, en laffranchissant de toute sujétion civile et reli- gicuse, il le laisse sans autre protecteur que lui-méme. Hl appartient 4 un sidele chercheur et réféchi, quia Phabitude ct le godt des éludes comparées, de faire, entre l'un et Yautre régime, utiles rappro- ailen masse el sans jugement chements. Le temps n'est plus oft l'on pros ations d'un autre age. A ces condamnations systématiques a succddé Tes in un écleetisme judicious, qui prend son bien partout oi il le trouve, et qui transforme peu & peu, par la puissance d'assimilation dont il est doué, les choses conlingentes, les iddes relatives, les institutions temporaires, en vérité permanente el en justice absolue. Les pouvoirs publics, saisis de ees ques~ tions, Jes résoudront dans un sens & Ia fois protecteur et libéral, et déja di- vers projets de Joi sur les syndicals témoignent du retour des esprits vers les idées d'association, contre lesquelles on avail trop vivement réagi. Quant & la ville de Paris, elle ne saurait oublicr qu'elle est Ja résultante historique de Ja Marehandise et du monde des Métiers. Au moyen age, ses bourgeois sont des entrepreneurs de commerce par eau, et le « Parloude » oft ils se réunissent est & la fois une Maison commune, un Tribunal de commeree et un Conseil de prud’hommes. Les Six Corps et les Communautés ouvridres forment une agglomération immense, qui va se développant, de sidele en a LE LIVRE DES METIERS, sidele, et quia pour chef un homme Windustrie et de commerce, un «Prévot des Marchands.» Fiddle & cette origine, la Municipalilé parisienne, alors éme quelle élait mise en la main royale, confisquse par les gens de cour ou usurpde par les gens de robe, a cu constamment souci des travailleurs et it fortune et sa force. Au- wa point oublié quills ont fait en tout temps jourd'hui qu'elle est Fexpression de leur libre sulfrage, elle a plus de motifs encore de veiller & leurs intéréls. Deja sa sollicilude s'est aflirmée par (utiles rations : un palais a dig coustruit pour étre le sige des juridictions eom- mereiale ct ouvritre; les écoles muni les apprentis so multipliont et provoquentde toutes parts l'initiative privée; 4 antique stationnement de la place de Grave, lieu traditionnel d’embauchage pour les ouvriers, ont suceddé des abris couverts, élablis sur plusieurs points, cl constituant autant de bourses du travail; des institutions de prévoyance sont en voie de préparation, es et Pheuire n'est pas éloignée ott les ides économiques du xu sidele, wi celles due sts", compléteront fe mouvement émancipateur de 176, en le garantissant contre Loule déviation. x Célaitle moment de songer’ une réddition du Liore des Métiers. Le Ser historique dea Ville s'en oceupait depuis plusieurs années, et réunissail, avee un soin minuticus, tous les éléments de ce travail, La lecture attentive des divers manuserils, Uélablissement d'un teste eorreet, avee toutes ses variantes, la formation d'un glossaire, pour aider & Fintelligence de cette langue morte, a préparation d'une introduction historique délaillée, pour faire péndtrer le lecteur au cour méme des institutions ouyridres du moyen age, ont exigé ions. Un érudit dont le nom fait dle longues recherches et de pationtes rev lorilé, M. Dow 1 de ses jounes auiliaires, M. I, de Lespin ni lout d'ubord une collabor: Avg, 8 fou tion précieuse. Lb fa vepris la Uiche el élabli complétement le texte, avoe Taide de M, Fr. se, archiviste- palgographe, Bonnardot. Apres avoir analys¢ et annoté tous les Statuts, il a condensé dans une savante introduction toute la science que ce double travail lui avait fait acquérir, tout ee qu'un long commerce avec Hitienne Boilvau lui avait ré= vélé sur les institutions ouvsidres au moyen age. Cost dans son groupement méthodique des Métiers qu'il faut aller étudier les diverses pices de ce mé- comprendre aujourdhui le canisme industriel, dont nous avons peine a AVANT-PROPOS. a fonctionnement; c'est dans l'analyse claire et succincte des institutions de dé- tail, dont se composait cette organisation densemble, que le loctour doit aller chereher les éléments de l'étude comparée & laquelle nous le convions. Lexcellent résumé de M. R. de Lespinasse pout sullire 4 ceux que préoe- cupe surtout le o6t¢ historique et économique de In question; quant & ceux que séduit le e6té philologique du Livre des Métiers, qui veulent live les textes eux-mémes, connaitre In syntaxe de Ia langue dans laquelle ils sont éerits, et résoudre les diflicullés grammaticales que présente celte langue, ils trouve- ront dans Ie savant travail de M. Fr. Bonnardot, également deve distingué de l'Beole des charles, des secours étendus pour cette difficile étude. M. Fr. Bonnardot, qui s'est particulidrement adonné & la philologie, et dont les travaus sur le dialecte Lorrain ont été justement remarqués, a consaeré plu- sicurs années & la rédaction de son glossaire. Il a relevé, avec ua soin méti- culeux, loutes les variantes de mots que présente cette langue arrivée & une. époque de transition, toutes les particularilds de formes propres & cette gram- naire encore indéeise. La Sous-Commission des travaux historiques, qui a pris connaissance de ce travail, a rendu hommage & la science of & Pesprit méthodique de Cauteur, On pourra désormais, grtce au glossaire de M. Fr. Bonnardolt, lire textuellement le Livre des Métiers, ot étudier, d cette occasion, une des phases les plus intéressantes par lesquelles a passé notre idiome. Le désir de placer sous les yeux du lecteur le texte méme des divers ma- its qui nous ont conservé le recueil d'iftienne Boileau, a suggéré aux anus Editours la ponsée d’en détacher quelques pages caraeidristiques et de les faire reproduire en regard des passages imprimés. Ce n'est qu'une salistae- tion donnée & la curiosité; mais ona pensé que le lecteur, aprés avoir étudié dans ses formes grammaticales la langue du xu sidele, trouverait quelque inlérét & connattre les différents types d'écritures en usage & cotte époque et dans le sidele suivant. On a done fait choix des folios les plus remarquables : les lotires ornes et les crillustralions® onfantines que présentent ees folios sont, ainsi que le Lexte, des facsimile rigoureux. C'est la seule représentation figurée que renferme Pouvrage; mais les éléments ne manquent pas ailleurs pour une figuration compldte et aullentique des Métiors parisions au moyen fige. M. Viollet-le-Duc, notamment, en a recueilli un grand nombre, épars LE LIVRE DES METIERS. dans Jes manuscrits, dans les anciennes verriéres, dans les bas-reliels, les stalles et les meubles du temps; ses deux savants dictionnaires sont le meil- Jour commentaire graphique du Livre des Métiers. Ainsi élaborée, la nouvelle édition du recueil d’Etienne Boileau prendra place & edté des ouvrages qui composent Ia collection de I'Hisloire générale de Paris, et y oceupera le premier rang. La topographie, Uhéraldique, la numismatique passent, en effet, et n'excitent plus aujourd'hui qu'un in térdt rétrospectif; mais le travail est impérissable. C'est Ia loi, la vie de Thumanité, et tout ee qui s'y rattache, dans le passé aussi bien que dans le présent, sera éternellement digne de Uattention des hommes sérioux. Aussi bien cette population parisienne, dont Pactivité, le godt et le génie in- dustriel ont brillé d'un si vif éolat au moyen Age, vient de révéler au monde toute sa puissance de production ; Ja mémorable exhibition de 1878 a té- moigné de la vitalité de ees Métiers, qui avaientjadis leur exposition perma- nente dans les Halles des Ghampeaux, et qui attiraient dja dans la grande ville les visitours de toutes les nations “”, Si les collections historiques ot les musées consaerés aux arts décoratifs peuvent seuls aujourd'hui réunir et offrir aux regards les produits des vieux ateliers parisiens, le livre que pu- blie Ja ville de Patis apprendra du moins comment ils travaillaient et au prix de quels efforts ils ont fait 'éducation industrielle de notre pays. LM, TISSERAND. © Jean do Jandun, qui derivait, en 1823, un ssouriro,qu'aprés avoir parcours & demi une sie, Traité dee lounges de Paris, a consaoré tout un chopitro & exposition industrillo des Halles des Ghampeaux. I! termine ainsi sn description : ‘Pour quelessplendoursmultples detouseos brit clans objets, dont la varia et le nombre infin rfient toute énuméeation, poissent dir clés - sposfcellement, lisex-moi vous direque les regards des promeneurs voient lant de belles choses leur ‘un désirimpéueus les porte vers autre, et que, caprts avoir traversé toute la longueur de In gole= sve, une insatiable ardour de renouveler le plaisir, ‘enon pas une fos, ni deux, maisindéfiniment, leur ‘ferit recommencer Fexcursion depuis le eommen- eomont jusqu’s la fi.» (Paris et ses histories, p. 50. 51.) Neslco poiot comme un tableau anticipé de IBxposition universclle de +878? SOMMAIRES DU TEXTE. INTRODUCTION. [. Les convonarioxs ovvauines i pants avavt Le xin stbcue. 2. . Guasseaext nes aézuens ar nisoni ons srarurs ors conunavrés oovaténes. — Pre- mir groupe : alimontation. — * groupe : orfévrevie, joillerie, sculpture. — 3° groupe : mélaus. — 4° groupe : Gloffes et hubillements. of peaus. — 6* groupe : bitiments eUinstiors divers. IIL. Oncavtsatioy astinizun: oes wires. — Lo corps de métier ou la communauté ouvridre, — La confrérie. — Les approntis. — Les valols. — Les mattres. — Les jurés. — Les infractions et les amendes. — La réglemontation du travail. — Le commerce. — La fabrication. — Los impsts, droits ot redovancos. — Le guot ou garde de nuil. — Les juriictions ot les justices. LV. ‘Tanceau nes conconoances exrne tas vivens aaxuscarrs vu Livax pes wérians...... cus METIERS DE PARIS. Phéwunuue.. . PREMIERE PARTIE. ‘Treae I. Talomeliers.. ‘Trmne I, Mouniors du Grand-Pont, LSLOILy LH pra qHdopooneoconoodnuooboue70p9appoonceennes 18 Trak IV, Mesareurs de bi 18 ‘Tine V.Gricurs de vins au Trmne VI. Jaugours al ‘Tere VII. Toes VIN. Tren IX, Trmmx X. ‘Tene XI. ‘Tree XI, ‘Terns XU. ‘Terme XIV. ‘Terme XV. Tene XVI ‘Trent XVII. ‘Trene XVII. ‘Tene XIX. ‘Terme XX. ‘Terns XXL. ‘Terns XI ‘Terns XXII, ‘Trone XXIV. ‘Terns XV. ‘Teen XXVI. ‘Trrne XXVI. ‘Trmne XXVINL. ‘Trem XXIX. ‘Teens XXX. ‘Terme XXXI. ‘Terme XXXIL. ‘Terme XXXIUL, XXIV. Trem ‘Trewe N ‘Tm LE LIVRE DES METIERS. ron Taverniors.. 06... sees eee eee. 2 Gorvoisiors ... 26 Rograttiers de pain ot de sol 27 Regrattirs de fruits ot de Mégumes . ay Orfévres 3a Potiors stain... 3h Gordieed.. eee se eeeeeensesesereeeeeeeeeneeeeeennees 35 Ouvriers e’toi 37 Maréchaux, voi 38 Gouteliors Rvtes . 6... oo eeee ee eeeeeeeee cece ho Gouteliers faisours de manches.....-..... veceeeeeeeee Serruriers on for.......-------+ dene e ene e eens oA Sorruriers cn laiton. . a deen eee e eens . vee AB Battours @archal.... peodoouaacauies . 47 Boueliors de fer....-..-..- ++ Boucliors d’archal ‘Tedlliers de fer... ‘Te6litiers Parchal . Clouticrs-atlacheurs. Haubergiets.. 2.2... ccc cecceeeeetetserserrreeeeees 86 Patendtriers d'os ot de corne... .. Patondtriors do corail.. . Patenbiriers @ambro ose. eevee beeteeeeeeeeees 60 Cristalliors oh Battours dor et Wargent on filo... cece cece eeeeeeee 68 Battours d'étain.......... 64 Batteurs dor et argent en fo 65 Laceuts de filet de soio. 66 Fileresses & grands fuscaus 68 XVI. Fileresses 8 potits fuscaux. ty SOMMAIRES DU TEXTE, nae ‘Trane XXXVIL. Crepiniors do fil ot de s 7 ‘Trone XXXVIIL Ouvridres on fissus de soie..... 0... - +e eee ee ee eee ee eee 7h ‘Trome XXXIX. Braliors de fl... 6 ‘Tires XL eat aDroplers Geleoioe te ee eee ee 76 ‘rene XL Fondeurs ot moulours..... 0 ...eeeveeeeeeeeeeeeeeeees 79 ‘rm: XLIL.— Foriillers de laiton. . 9 ‘rene XLII. Patonbtriers de boueles- 8 Tre XIV. Tissorandes de soie - 83 ‘Tre XLV. Lampiors 84 ‘Tre XLV. Bavilliers . 85 Tine XLVI. Charpentiers. 86 ‘Tre XLYIIL —Magons, tailleurs de piorre, platricrs et mortelliers............ 88 Trmne XLIX. — euclliors.. .. 92 ‘Tras Le Tissorands de laine. 8 Tre Li. Tapissiers sarrasinois. ....0..ee0eeeeeeeeeeeeeeeeeseees 103 Tone LIL Tapissiors nostrés.....0eeee0eeeeeeeeeeeueteceeaeeees 106 Tome LI, Foulons. se... eee eee + 107 ‘Timms LIV. san ‘Time LY. 13 ‘Trrne LVL. 116 ‘Time LVI “7 120 ‘Time LVI, — Marchands de chanvre et de fil Time LIX. Chanevaciers. ‘Terns LX Bpingliers. ‘Terns LXL.——Imogiers-tailleurs. ‘Trene LEXI, Imagiers-pointres. ‘Terns LX. Hil ‘Trne LXIV. Chandeliers de suif. Trmnz LXV, Gatniers: an ‘Tirne LXVI. —Garnisseurs de gatnos.....-. 220000 ee eee eee ee 30 an Trene LXVIE. ‘Terme LXVIIL. ‘Tren LXIX. ‘Trent LXX. ‘Trrns LXXI. ‘Terms LXXII. ‘Trene LXXI. ‘Terme LXXIV. Tine LXXV. ‘Trene LXXVL. ‘True EXXVI. ‘Trene LXXVIIL, ‘Tone LXXIX. ‘Trene LXXX. ‘rene LXXXL. ‘Trene LXXXU. ‘Tren EXXXU. ‘Trene LXXXIV. ‘Terme LXXXV. Treae LXXXVI. ‘Trene LXXXVI. ‘Trene EXXXVILL, ‘Terne EXXXIX. ‘Trae XC. Teme XCL. ‘Trae XCIL. ‘Terne XCUL. ‘Tone XCIV. ‘Trent XCV. ‘Tene XCVI. LE LIVRE DES METIERS. ' Peigoiors et lonterniens.......0se0eeeeeeeeesersreeeees 138 Tablotiers. ...- ee ee tho 145 2 1hy «hig Boutonniers ot déciers Carchal. .- 11 Euuveurs,.... 666-2 + + ‘ Potiers de torre. Merciers. Fripiers . Bonet fe Selliors ot pointres de selles .......sceeeeeeeeeeeeeeeees 168 Chapuisours .. ee. eeeeeeee eee 17h Blasonniers Bourreliers Lormiors. 179 Baudroyers. « 180 Cordonniers + 183 Sayetonniers. 186 Savoticrs. + 187 Gourroyers. . Gantiers. Feiniers. Chapoliors de fours... see seeeeeeseeeeeeseeeeneeee 198 Ghapeliors de foutre,.....-..sseeeeeeeeeeeeeeees vee 199 Chopeliors de eoton. .... pee eee 203 Chopeliers do paon. .....sseeceeseeeeeeeeeeseseeeees 205 Foorreurs de chopeaus. 206 Chapeliers et chapolidres dort + 907 Chirurgiens . 208 ‘Terme: XCVIL. ‘irae XVCIIL. ‘Trrae XCIX. ‘Tera ‘Verne GL. ‘orae I, ‘Trae HL ‘Terns UL ‘ren IV. ‘Trene V. ‘Time VI. ‘Trews VIL. ‘Tine VIII. ‘Tren IX. ‘Tire X. ‘Trene XI. ‘Teens XU. ‘Terme XILL. ‘Tene XIV. ‘Trene XV. ‘Trae XVI. ‘Terme XVIL. ‘Terne XVII. Terns XIX. ‘Terme XX. ‘Trrne XI, ‘Trae XXII. ‘Terme XXUL XCoutume des marchandises mises en vente aux Halles Je samedi SOMMAIRES DU TEXTE. nan Fourbisseurs. aro Avchiers.. 0.0 cceccee errr cece cece ene e ener nen ee anes ott Pécheurs de la Seine. 2... 66.66 e veer eee eee eee teens a3 Poissonniers.......0+ 40s ee ce cece crete sree ee ete reenter ath Marchands de poisson de mer.. ~ 18 SECONDE PARTIE. Droit de chaussée.... 6... ... se eeee eee dese 96 Péage du Potit-Pont.....eeeeeeee reese . aBo ~ ald Liage et monte de Marne Rivage de la Seine. .. Chantelage. Tonlicw et hallage du pain. ....ee..seeeeeeeeeeeneeetens 256 . 058 Tonliew, hallage et minage des grains Tonlicu du vin... + aby aba 263 Tonlicu ot conduit des bestiaus. . Tonliou et conduit des matidres grass Tonlieu et conduit du fer ot de Vacier. Tonlicu des objets de fer ot de luiton. . 266 Goutume de divers objets en bois. Tonlicu de divers objets. . 268 ‘Tonliew et hallage des cordes 268 268 ‘Fonlieu et coutume des pots de terre. . Tonliou ot conduit de Thuile, du miel, ete. Tonliew ot hallage des fruits. 70 ‘Tonliou et hallage des légumes 278 or LB LIVRE DES MGTIERS. ‘Troms XNEV.—Tonlion ot hallage des draps. ee... +... veceeeee Op Trene XV. Tonliow ot allage des Inines...... e200 vee ab ‘Tire XXVI. Tonliow et conduit du fil de laine ou de chanvre. veceee 877 ‘Torne NXVL. Tonlien ot hallage des toiles........ e220 278 Trrme XAVIN. ‘Tonlion du fil de lin. so... 0csceeeeeeeeees . +979 Turme XXEX, —Tonliew et hallage du fin ot du chanv . 80 Terme XXX. ‘Tonliow de la pelletrie.. ....« : veveeeee 981 ‘Tne XXXIX Tonliou de Ia eovdonnerie.... sevens . 98h TABLES. Guossame-tsoes 287 Liste aueuanirique pes aunts, MAINES BT VALETS. . . hos Liste aumianiriqoe ves yous ne Lew : oq ‘Tanve Auraanérique oes maviines . « . . . ofa ‘TABLE DES DIVISIONS DU VOLUME... ... oe . har SUJET ET ORIGINE DES PLANCHES. yo Ta page a; Te quatedee, YN. Th, — Lesdaux promibres paucos so rirent ita page 1 da tents Ia page #503 In cnguidme, Ala page a18; la sxitme, av poges ain, st, 986, a675 ot In epttme, aux popes 243, af, 983, L. Bernarr oo onéavnous oo LIVE DES MISTIERS, — Fac-simile, Manuserit de Lar Mave (Bibl. nat. fr. 14709, 1 4) UL. Idem, — Fue-simile, Manuscrit de la Sorbonne (Bibl. nat, fr. 2h06g, 1). HI. Hxtaur pss srerors pes Courensens raiszuns ox vancuas. — Fac-simile. Manuscrit de la Sorbonne (ibid. & & AV. Kernarr nes starors oes Portas ne rennet, — Facsimile. Manuserit de Ja Sor- bonne (ibid. 28"). V. Bymnart pes starurs nes Porssoxxtens wz ten, — Fae-sinile, Manuserit dle In Sor= bonne (ibid. 186). — Fac-simile. Manuserit de VL. Exrmurrs ov Péace pu Perit-Poxr ex ox 14 Cour la Sorbonne (ibid. f* 202, 202", 204, 22 VIL. Lisos ex Moxre ve Manse, Exrnurr pv Rivace, — Fao-simile. Manuserit de I Hotel de Ville (Aveh. nat. KK 1337, 0 17). INTRODUCTION HISTORIQUE AU LIVRE DES METIERS. INTRODUCTION. L LES CORPORATIONS OUVRIERES A PARIS AVANT LE XII" SIRCLE. Le recueil dans lequel Etienne Boileau a réuni les statuts des corporations ouyriéres, sous cette appellation générale Establissemens des mestiers de Patis,» Gtait évidemment destiné & conserver, par léeriture, un ensemble de disposi- tions réglementaires, que la tradition orale avait suffi transmotire de génération en génération jusque vers le miliew du xu* sich Quelle est Porigine des corporations ouvridres en France? A quelle époque Iv organisation dans Ia ville de Paris? Dans quelle situation se trou rs parisiens avant In constitution du régime corporatif, et par igimo aet-il passé avant de revelir la forme définitive que ns que pourrait remonte leur vaiont los ov quelles phases co nous montre Te Livre des Métiors? Ce sont 1A autant de ques seule résoudre une histoire compléte de la classe ouvridre dans notre pays, si les documents pormetiaient d'établir, & cot égard, une opinion sérieusement motivée. Mais, a des époques aussi reeuldes, les débuts d'une société on formation ne laissent sgudre de traces, en dchors des grands faits et des personnages importants. La vie intime est peu connue; il semble qu’on n’ait pas jugé utile den révéler les menus détails, parmi lesquels les choses du commerce et de Vindustrie tiennent une si grande place. Nos pres ont travaillé, sans nous dire comment ils travail laient, Aussi, tout en reconnaissant aux corporations ouvritres de Paris une haute antiquité, tout en admetiant qu'elles ont da dtre Fobjot de la sollicitude royale avant Etienne Boileau, nous sommes eontraint~avouer qu'il existe, anté- ricurement au xmsidele, trop pou de pidees éerites, pour que nous ayons lespoir de mettre on pleine lumiére histoire de ces premiors Ages dn travail © Le souvenir de divers rigloments remontant présentirent & fienne Volenu. Malhereusement 4x Philippe-Auguste est fréquemment invoqué par aucune des ordonnances que ce prince rent sue tes corporations ouvridres dans les statuls qu'elle les mélirs n'est parvenuejusyu’s nous, be anne es meri 4 LE LIVRE DES METIERS. Les Romains, vainqueurs de la Gaule, y introduisirent la corporation ouvridre, vee léurs autres institutions. Selon toute apparence, on ne saura jamais & quel régime indigine succéda Je régime importé. Co qui est historiquement certain, est que Jes munieipes gallo-romains, dans le nord, dans Je eontre et surtout dans le midi, possédaient une nombreuse population d'ouvriers, formant une classe de citoyens", Colte organisation s‘abima dans Yelfondrement de la société gallo- romaine, a Ja suite de I'invasion des barbares; mais on ne peut nier qu'il ne soit resté dans les villes quelque souvenir, quelque tradition de ces colléges, ow com porations, entrés dans les meeurs du pays conquis. Les Capitulaires, les récits con- lemporains nous montrent les habitants des villes procédant, sur un certain pied égalité, aux dections des éveques, des magistrats et des échevins, élections qui sont faites par Passemblée de tout le peuple. Ges habitants devaient done avoir le droit de se former en asso & Texemple des Ghildes gormaniques, ou sociétés de protection, qui paraissent dans les Capitulaires & cbté des colléges institution romaine, pourvu que les lois et Ie pouvoir n’eussent pas & en soulrir. Dautre part, si quelques villes purent conserver leurs associ sous les premitre ct deuxidme races de nos rois, il n’en est pas moins certain que Ja majeure partie des gens de métier fut réduite & Tétat de servitude. Lin- dustrie se borna aux objets de premitre nécessité, ou devint le privilege de quelques grands soigneurs. Les cours, les abbayes, les chiteaux, eugent de vastes, ateliers, oi les ouvriers serf3 confectionnaicnt, pour le compte de leur seignenr, tout ce qui nécessaire l'entretien de son armée et de sa maison"). Le travail industriel et artistique, exéeuté dans ces conditions, n'avait presque n perdu de ses précicuses traditions. Les armures, Vorfévrerie, la constraction, eneouragées par des princes puissants, prodigues de leurs trésors, produisirent des chefs-d'cenvre. Mais Ia question qui nous occupe, le réle social de Pouvrier se formant en association indépendante pour stassurer du travail et une situation, n'apparatt dans aneun texte avant le miliew du xu® sidcle, Nous en sommes done réduits aux conjectures, pour les dges qui ont préeédé cette demniére époque, méme dans Paris ot Je commerce ayait regu un essor extraordinaire. Les Nautes parisiens et leurs successeurs, les marchands de l'eau, remontent & la plus haute antiquité, La grande foire de Saint-Denis fut reconnue par Pépin ions ouvrieres Gintendant, d'échanson, de maréchal ou de sei (gent, minsterals, ow to métier ouvrier en fer, celui orfévre, decharpentar, de charron, de vigne- © Raynouard, Histoire du droit municipal, t. 1, p. 120 eb su © Voyer Augustin erry, Conatition comme ale a’ Amiens, section +". © Voyer, tc sujet, les onvrages de Guard: Polyptyge de Vabbé Irminon, Certulaire de Notre- Damede Paris, Cartuaire de Saint-Plre de Chartres, Le prix d'un set, serous, qui exerce Police ron ou de porcher, es fxé pn In Lo salique (x116) ‘AaB sous, ce qui représonte, en valeuraetuelltine somame environ a, 260 francs. (Guérar, Polypiyque trminon, tI, pe 14.—Pardessus, Canmentaire sur la Loi suigee) . INTRODUCTION. m Je Bref, comme il résulte d'un acte de concession rendu par Louis le Débonnaire en 814, en faveur de l'abbaye de Saint-Denis", ct plusieurs sidcles sans doute aprés sa fondation. Les marchés des halles des Champcaux, od tous Jes ouv: vendaient chaque semaine, furent Gtablis sous Louis VI", D'autre part, les Bou chers, les Drapiers, les Magons, eédant A une vanilé pout-8tre exagérée, invoquent dans leurs actes des traditions immémoriales. Enfin le commerce de Paris, @aprés Jo tableau quien a tracé un curieux®), vivant dans la premitre moitié du unt sidele, montre combien, dés celle époque, les gens de métier étaient nom~ breux et habiles. De quel temps date organisation ouvritre en corps de métiers? c'est ce qu'on ne saurait affirmer, Tl est cependant permis de dive qu'elle a préeédé le mouve- ment communal, car, dans un grand nombre de communes, le systdme politi et Pélection des magistrats sont fondés sur la division des citoyens en corps de miétiers, D'ailleurs, il n'y a pas lieu de s'étonner du silence des chroniques et des pidees darchives sur de parcils sujels, a une époque de grossidreté et digno- rance oi l'industrie était si peu de chose, oit les événements les plus importants eux-mémes ont & peine laissé quelques rares souvenirs. A mesure que Pusage de Vécriture devient plus feéquent, les prouves de Tantique existence de quelques corporations commencent & apparattre “), En ellet, ds instant oi un corps de inétior passe un acte avee une autorité quelconque, il est considéré comme per- sonne morale : c2 n’est pas Vouvrier qui est individuellement en cause, c'est Yen- semble du métier, cest la communauté, Ce mouvement se manifesta non point spontanément, mais avec la lenteur qui distingue les sociétés on formation. Les groupes commerciaux importants parvinrent a s6tablir on communauté, bien avant que les ouvriers des métirs es pensassont méme & se constiuer. C’dtait de leur part que venait Ii five, tandis que, sous administration de Louis IX, laquelle était vraiment sage et souciouse des intéréts du pouple®, ce fut ftinne Boileau qui, prenant initiative de Ia 1égislation ouvridre, convoqua les gens de métier pour les engager a se former en communautés et a rédiger lours staluts. C'est pour cela qu’on ne trouve, avant (© Recueil Historensde France, VI. 466. lor en a donné, «apres des manusris de Vel © elibien, Hist de Peis, tL, p. 172. ( Jean do Garlande donne une listo des eom= morgan of fabricants de Paris, en y sjoutant les Drineipanx objts do leur éialoge. Ce document, one ortanee, est conn sous fe nom lo Dictionnaire de Jean de Gerlende, I 0 &té in primé pour I premiére fois par M. Géraud dans In collection les Ducuments inélits, volume int lul6: Paris sous Philippe le Bel, p. 5B. M. Sche- , 5 {gique, une nouvelle dition (Leipzig, +867), bien supétioure comme teste, ot qui fixe déiniivement ln vie de Joan do Garland it a promitre moitié du ut sitsle, Le Dieonnaire no préederat done que dle quelques années a védstion du Lire des Métirs. © Lovassenr, Histoire des clasee oivrdves en Frances (Ty pe 19 © Voyer le préambue d'tienne Boilesu, dans fe texte des stats, p. w LE LIVRE DES METIERS, Je xut sidele, aucune série d'actes se rapportant aux corporations ouvrieres en géné~ ral, mais seulement existence isolée de telle ou telle corporation plus puissante que les autres. La plus ancienne mention concerne les Marchands de eau. Louis VI leur accorde, en 1194, le droit de pereevoir une taxe de soixante sous par bateau arrivant avec un chargement de vins, pendant la vendange. Louis VII, en 1141, Teur vend un terrain situé place de Gréve, puis, en 1170, promulgue, évidem- ment sur leur demande, Jes statuts suivants : 1. Nul ne peut amener dans Paris des marchandises par cau, s'il n'est Parisien, marchand de l'eau, ou s'il n'a pour associé, dans son commerce, un Parisien mar- chand de l'eau, I. En cas de contravention, il y aura une amende dont la moitié reviendra au Roi, et autre moitié aux Marchands de l'eau, Par la nature de ses attributions ot par son importance exceptionnelle, la Mar- chandise de leau attira naturellement elle le pouvoir municipal; elle fut le corps oit se recruta I'Echevinage parisien. Mais, comme, son origine, elle offtait les apparences d'une corporation industrielle et commercante, il est a eroire que es autres métiers chorchirent peu & pen a se constituer sur le méme modéle. Les Taillours de pierre prétendent que leur communauté est exempte du. guet dopnis Charles Martel, ce qui suppose une existence de priviléges re- montant au vi sidcle, Les Merciers recoivent, dés 1137, un deoit de place dans les halles des Cham- peaux, moyennant la redevance d'un cens annuel de cing sous, que Ja commu- nauté s engage & payer (, Les Drapiers existaient aussi en communauté dés 1183 : & cette époque, ils oblinrent du Roi, moyennant cent livres parisis de cens annuel, la propriété de vingl-quatre maisons confisquées sur los Juils de la charte de Louis VII, de © Voges ces trois documents dans Félbion Hist. de Pa © Cons . ‘tiquo: Nemini ict aliquam mereatoriam Pavisius per aquam adduocre vel reduere, a ponte Me- redunto usque ad pontes Parisienses, cit Parisiensis atque mereator, vel nisi aliguem wParsiensom atque mereatorom sosium in pea semorealoriahabucrit Si quis vero alter fuer pre rsumpserit, totam amitlat; ot tolius mediotatem sMexhabobit pro forefacto, et rliquam medietatna nostri Pavisienses aque morentores. = © Li Martolior sont quite da git et tout Tait leur de pierre, isle tana Charle Marte, si come ‘liprouome ont otdire do pero ati.» (Tit. XLVI, ark.) © Voi le pe Pannde 1137: nysii,do terra que est in Campiaux, in qua pater meus stabilivit novum forum, bi habent Teun silonarios ego precipio ab eisdem morcium vendi- toribus, singuis anni, prefate ccclesie de meis sredditins reddi..» (Pllibion, t. 1, pe 47a ot prowwes,t IIL, p54) Antique de Pavi, IL, p. bys. — Recherches sur Paris, I, p. &5. Jail cite & Poppi de cette ‘assertion Jo Tegitre de la ville, quitne pent ere que le Liere rouge, dont il ne subsise plus que dos feogtents tla Biliothdque nationale. (Depart. des its.) INTRODUCTION. v Une autre charte de 1219 renferme un contrat de vente passé entre Ia Cor frézie des Marchands drapiers et un bourgeois de Paris, nommé Baoul Duplessis, Tequel cde & Iadite Confrérie une maison située derriére le mur du Petit Pont, plus les droits quill porcevait sur diverses maisons contigués & l'hotel, ot les con- {raves drapiers tenaient les réunions de lour corps, Ges documents sont malheureusement trop raves; siles traces de Fexistence de plusicurs communautés sont parvenues jusqu'd nous, combien autres ont dd dis- parattre dans a ruine et Ja dispersion de nos archives! Les Boulangers, les Orfév los Servuriers, les Fripicrs, les Cordonniers, ouvriers fort néeessaires, auront pu se constituer on corps de métiers, dés la plus haute antiquité; mais on en est réduit, sur ce point, & des inductions. La grande matirise de ces métiers appartonait, aux dignitaires de 1a couronne, tels que le Panetier, Je Marchal, le Chambellan, te Connétable, le Chambrier, les Ecuyers, ete. La mattrise et Ja justice étaient une sorte de fief attaché a la fonction remplie par Je seigneur, et Yon pourrait ad- mettre que la corporation s'établit d'autant plus facilement, parmi les gens de ces métiers, qu’ils se trouvaient dgja sous la dépendance d'un méme seigneur jus- ticier, A e6té des communautés que nous venons de passer en revue, celle des Bou- chers offre une importance exceptionnelle, et nous a laissé des preuves plus nom- brouses de sa constitution, ILy avait, dans la premidre enceinte de Paris, une boucherie qui s'était établie pris du parvis Notre-Dame, et qui donna son nom a l’église Saint~Pierre-aux- Bouts, Quand la ville s étendit sur la rive droite de la Seine, les Bouchers instal- Havent un aulre établissement entre le Chatelet et 'église Saint-Jacques, qui prit dela son surnom, On appelle vieille boucherie, das le rgne de Louis le Gros, dans Tes lettres patentes de 1a fondation de l'abbaye de Montmartre, en 1134. Le Roi donne a cette abbaye, entre autres propriétés, celle des étaux et fendtres (bou- tiques) ayant appartenu & un certain Guerry de la Porte; et, comme Ia justice y Gait exereée par Guillaume de Senlis, il donne en compensation & ce dernior Ja jouissance @’un Stal, parmi les vioux étaux et boutiques des Bouchers ), Cet acto ct 1a concession dont il est Yobjet paraissent viser tous les Bouchers et, par conséquent, ensemble du métier : © Gott chara 616 publge par A. Lo Rous do Liney, Bibl des deo Ch te V. pe 6. © Gette boueherie fut donnée par Pilippe-Au- sgaste A Tévbque dle Paris, suvant une letire poe tente de 1292, © xDomus Guerrci et slationes et fenestra ihi seonstruclas of ajusdom torr vieariam predilis + saneLimoniaibus,liberam prorsns ab oman eonsue- carnifces nostri parsionses. On peut done eonsi- tudine et quiotam, pe omnibus siquidem innotescere volumus quo Guillolmo Sylvanectens exjus erat ins trem rvicaria, pro eadem viearin stllum unum inter svelora sala carniieum et fenesras dis, ex aia ‘parte vie Pavsius, in commutacionem dedinas, (Anno 1184,)» (De Lamere, tI, p. 1206; Féli- Dien, I, prowess p. 61.) w LE LIVRE DES METIERS. déver Vassociation ouvriére comme déja formée, soumise, il est vrai, & Fautorité du Roi, mais traitant avec lui sur des bases certaines. Quelques années apris, en 1155, Louis VIE déclare qu'ayant supprimé te mé- tior des Bouchers, i Voccasion de difficultés survenues entre eux et Pabbaye de Montmartre, il consent & leur laisser reprendre leur eommeree, & la condition expresse de payer annueliement a ladite abaye la somme de trente livres, en quatre payoments égaux, de sept livres et demie ehacun °, Plus tard Philippe-Auguste fat encore obligé d'intervenir dans cotte alfaire. Les Bouchers, possédant déja vingt-trois étaux, prétendifent. s'emparer ‘dé deux antres étaux, eréés postérieurement a la concession primitive. Les religieuses de Montmartre gadressdrent au Roi, qui trancha a question en coneédant aux Bou- chers Ja possession des vingt-trois étaux originairement établis dans Ja maison de Guerry ot des deux autres eréés postérieurement, moyennant un cens annuel Slové de trente a cinquante livres, et avec défense formelle de fonder aucun Gablissement ailleurs, sans autorisation préalable !. Aucun groupe ouvrier ne nous a encore fourni autant de documents. Bien qu’on ne puisse en conchire, d'une fagon absolue, que les Bouchers étaient conslituds en communauté, il semble évi- dent quil existat entre les maitres des vingt-cing élaux, désignés dans Vacte royal, un lien queleonque de responsabilité of de solidarité, véritables bases de Tassociation ouvriére. En 1482, apparatt fa premidre rédaction des statuts des Bouchers ®); Philippe- Auguste s‘exprime ainsi dans une charle de cette méme année : «Comme les Bouchors de Paris sont venus en notre présence, nous demander la confirmation des antiques coutumes & eux accordées et maintonues par notre pére, notre grand- © De Lamare, 1 © De Ls ela Police, I, p. 1207. IT, pe 1907. ln nomine soncte et individue Triitais, Amen, Philippus, Dei gratia Franeoraim Rex, No- rverint univer presente pariter et faturi quoninin carnifiees nostei Pavisonses nostram adierunt ‘epresentiam, requirentes ut antiquas corum con- 2s, siout Pater et Avus noster Ludovieus, bone memoric, ot ali predcessores nostri Reges Francorum cis concesserunt et in pace tenere pers rmiserant, ita et nos eis concaderemus ot in pace tenere per ad preess, consti eorum qui Nobis asistebant, conszssimmus; verum, ‘equoniom consuetudinesille in eavia, quam aPatee srstro habebant, non erant scrip, ens scriplo mandati et sigitlo nostro confimaripreeipimus, Sunt autem hee consuetudines : T, Carniies Pavisinses possumt vendore ot remere bestis vives of mortuss el quecamque ad carifcium pertinent, lbere, sine omni consue- studing et sine pedagio dando, infta banlugam sParsiensem, undecamque res ile veniant, aut squocumque etiam dueantnr, si fore eas aliquo duel contingerit; pisces mars ct pisees aque dul~ cs simili modo vendore possuat et emere. ell. Item, nemo potest esse caraifexPerisien sequin ali earifices habeant sua java, select pas ‘tunset potum., nisi spontanca voluntate perdonare volueint, lll, In oetavis Natalis Domini, abit Nobis in- quis annis unusquisqae earnifeum duodecim

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