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ÉNERGIE ET ENVIRONNEMENT
Les pays en développement sont souvent montrés du doigt comme hydraulique), bien qu’affichant la pro-
étant à l’origine des tensions croissantes sur les prix de l’énergie, gression relative la plus forte, resteraient
et d’une part grandissante des émissions mondiales de dioxyde relativement marginales dans le bilan
de carbone – le principal gaz à effet de serre. des énergies commerciales.
Nous examinerons successivement les projections de consommation Les pays en développement seront
des pays en développement, les problèmes d’accès à l’énergie, à l’origine d’une part croissante de la
puis les implications pour les marchés énergétiques, pour les besoins demande d’énergie d’ici 2030, pas-
d’investissement et pour les émissions de dioxyde de carbone. sant de 30 % de la consommation
mondiale en 2000, à 43 % en 2030 –
soit un taux de croissance annuelle
Projections de 3 %. Les pays en développement
seraient à l’origine des deux tiers de
Selon le World Energy Outlook l’augmentation de la consommation
(IEA 2002a), la consommation d’éner- mondiale.
gie primaire au niveau mondial devrait
croître de 1,7% par an d’ici 2030 pour Malgré cela, en 2030, l’Amérique
atteindre près de 15,3 milliards de du Nord avec une population d’en-
tonnes équivalent pétrole (tep). Cette viron 390 millions d’habitants consom-
croissance est légèrement inférieure mera toujours plus d’énergie que la
au taux observé entre 1971 et 2000 Chine et l’Inde réunies, avec 2,9 mil-
(2,1 %). Les énergies fossiles repré- liards d’habitants. La différence sera
senteront toujours de l’ordre de 90 % encore plus flagrante concernant la
de la consommation d’énergie pri- consommation d’électricité. Les pays
maire en 2030 (figure 1). Le pétrole en développement consommeront en
restera l’énergie la plus utilisée. Il 2030 près de cinq fois moins d’élec-
maintiendra sa part de marché actuelle tricité par habitant que les pays de
à un peu moins de 40 %. La crois- l’OCDE.
sance de la demande de pétrole pro-
viendra avant tout du secteur des * Ce scénario repose sur l’hypothèse d’une pour-
suite des politiques énergétiques actuelles – IEA
transports. Ce secteur représente les (2002a).
trois quarts de l’augmentation de la 1. Les vues exprimées ici sont celles des auteurs
consommation de pétrole entre 2000 et ne reflètent pas nécessairement celles du
et 2030. Les renouvelables (hors Secrétariat de l’AIE ni des pays membres.
nir demain gaz, électricité et chaleur risque géopolitique élevé de la région rel, du charbon et de l’électricité.
industrielle. Enfin, de nombreux pays soulèvent des interrogations sur la Concentrant à la fois l’essentiel de la
bien ensoleillés (Algérie, Égypte, sécurité future des approvisionne- croissance de la consommation mais
Mexique, Inde, etc.) examinent actuel- ments. aussi de la production d’énergies fos-
lement les possibilités offertes par les siles, la majorité de ces investisse-
centrales solaires à concentration uti- La part croissante des pays en déve- ments devra se faire dans les pays en
lisant un cycle thermodynamique. loppement dans la consommation développement. Même si 40 % de ces
Des centrales de ce type existent en mondiale aura des implications pour projets concernent l’exportation d’éner-
Californie (350 MW), d’autres seront les marchés énergétiques, où la Chine gies vers les pays industrialisés, le
bientôt en construction au Nevada et et l’Inde, en particulier, seront des financement ne sera pas toujours aisé
en Espagne. Elles produisent un kWh acteurs majeurs. Les importations de à trouver. En particulier pour le sec-
bien moins coûteux que l’électricité pétrole de ces deux pays en 2030 teur électrique où plus de 2 064 mil-
photovoltaïque – quoique plus cher devraient représenter plus de 15 mil- liards de dollars seront nécessaires
que leurs concurrents fossiles – tout lions de barils par jour, l’équivalent des pour la réalisation de 2 300 GW de
en “ garantissant la puissance ” au exportations actuelles de pétrole brut nouvelles capacités.
moment désiré grâce à un combus- du Moyen-Orient. Cela modifiera les
tible d’appoint ou simplement au stoc- rapports de force sur les marchés éner- Globalement, l’investissement
kage de la chaleur solaire. Elles pour- gétiques où les pays de l’OCDE ne nécessaire dans le secteur énergétique
raient prendre une part significative seront plus les seuls “ gros consom- s’élèvera à plus de 4 % du PIB en
dans l’approvisionnement des villes mateurs ”. Afrique, à plus de 2 % dans la plu-
du tiers-monde dont les besoins élec- part des pays en développement.
triques croissent rapidement, voire Des besoins d’investissements (figure 3).
alimenter les régions limitrophes plus considérables
riches prêtes à payer plus cher l’élec- Même si l’épargne intérieure, qui
tricité verte. Des investissements considérables constitue la principale source de capi-
seront nécessaires pour assurer l’ap- taux pour l’investissement dans des
Implications pour les marchés provisionnement des marchés, et ce projets d’infrastructures, dépasse lar-
énergétiques à tous les stades de la chaîne énergé- gement les besoins d’investissement du
tique, de l’exploration et production, secteur de l’énergie, la concurrence
Les pays en développement jouent à la distribution. La croissance de la des autres secteurs de l’économie rend
un rôle croissant dans la consomma- demande d’énergie nécessitera le déve- ce financement plus incertain. Les
tion d’énergie, mais un rôle plus impor- loppement de nouvelles capacités de besoins financiers pour réaliser les
tant encore dans l’approvisionnement production et d’infrastructures de projets énergétiques dans les écono-
énergétique mondial. Si globalement transport pour faire face à l’augmen- mies en transition et les pays en déve-
les ressources pétrolières (conven- tation des échanges mondiaux. Selon loppement sont beaucoup plus grands,
tionnelles et non conventionnelles) l’Agence internationale de l’énergie par rapport à la taille de leurs éco-
semblent suffisantes pour satisfaire la (IEA 2003), près de 8 000 milliards nomies, que dans les pays de l’OCDE.
demande, ces ressources sont répar- de dollars devront être investis dans En général, les risques d’investisse-
ties de façons très inégales. Les pays les secteurs du pétrole, du gaz natu- ment y sont également plus élevés,
OPEP du Golfe représentent à eux
seuls plus de 40 % des ressources FIGURE 3
mondiales de pétrole. Aussi, la pro- Investissements énergétiques en pourcentage du PIB
duction de ces régions devra dans les
prochaines décennies couvrir une part Russia
de plus en plus importante de la pro-
Africa
duction mondiale. La part dans la
production mondiale des pays OPEP Other transition economies
du Moyen-Orient passerait de 28 % Middle East
en 2000 à 43 % en 2030. À cette pré- China
pondérance du Moyen-Orient sur le
marché pétrolier s’ajoute le rôle clé India