sanz
vestce quinn cheméneutinue cftique»?
Methodos
Savoirs et textes
2 | 2002
Lesprit. Mind/Geist
‘Analyses etintorprétations.
Qu’est-ce qu’une
« herméneutique critique » ?'
Dents THoUARD
Résumés
Contre herméneutique « philosophique », qui affirme le caractére contraignant dela
structure du « préjagé », l'herméneutique « critique » entend réhabiliter la fonction
du jagement ot revendique Ia légitimité d'une méthode. Cette correction est appelée
par un double constat: les herméneutiques particuligres, en privilégiant l'adhérence
2 Tobjet, se sont engagées dans diverses formes de positivisme of la question du sens
Gait suspendue au profit de savoirs historiques « objectifs » ; Therméneutique
philosophique, en tant que théorie générale dela compréhension, sest détournée de la
uestion de 'interprétation et de sa validité au profit dune enquéte sur les conditions
Ontalogiques de toute comprehension. A partir de In proposition de Peter Szondi
opposer a I's herméneutique philosophique » une « herméneutique matérielle » (61)
et de Veffort de Jean Bollack pour réhabiliter le questionnement herméneutique dans
la philologie et réciproquement (§2), on sinterrogera sur la possibilité de constituer
tune herméneutique critique (§3) dans laquelle Vinterprétation s'accomplit dans
Vexercice d'un jugement.
Against « philosophical » hermeneutics, which asserts the constraint of the structure
of « prejudice », « critical » hermeneutics aims at rehabilitating the function of
Judgement and claims its legitimacy as a method. This correction follows a double
statement : particular hermeneutics, preferring the adhesion to the object, engaged in
different kinds of positivism in which the question of meaning was taken away at the
benefit of « objective » historical fields of knowledge; philosophical hermeneutics, as a
general theory of understanding, turned aside from the question of interpretation and
its validity at the benefit of a quest on the ontological conditions of any
understanding. From Peter Szondi’s proposition to oppose « material hermeneutics »
(§1) to « philosophical hermeneutics » and Jean Bollack’s effort to rehabilitate the
hermeneutical questioning in philology and the other way round (§2), we will
question the possibility of building some critical hermeneutics (§3) in which
interpretation is achieved in the exercise of a judgement.
methods ewes org/l00etet
a0sanz
Questce vine wherméneutque crique s?
Texte intégral
Si « herménentique » peut se dire en plusieurs sens, le qualificatif qu'on
appose A cet « art » ou cette « théorie » de l'interprétation est déterminant.
Parfois, il signale simplement une périodisation, en reprenant un schéma
traditionnel sur lequel il conviendrait de sinterroger : aux herméneutiques
« spéciales », liées a des disciplines distinctes comme la théologie, le droit ou la
philologie, aurait succédé, a partir de Schleiermacher, une herméneutique
« générale », s'étendant a toutes les expressions du langage, puis, A partir de
Dilthey et surtout de Heidegger, une herméneutique « philosophique »,
ambition universelle, dont le représentant attitré est Gadamer. Ce schéma est
celui que Ton rencontre le plus fréquemment dans les encyclopédies, les
histoires de la philosophie, les résumés qu’en font eux-mémes les philosophes.
On sait également que cette construction historiographique a été plusieurs fois
contestée. Das les années 1960, les publications en fac-similé des Instrumenta
philosophica series hermeneutica (Flacius Illyricus, Chladenius, G. F, Meier) par
Lutz Geldsetzer ou les legons de Peter Szondi rappelaient qu'une herméneutique
la fois philosophique et logique avait eu droit de cité 4 ’poque des Lumiéres.
Cette rectification historique engageait la question de la légitimité d’un retour &
une autre compréhension de Vherméneutique que celle qui occupait le terrain
sous le label de « ‘herméneutique philosophique ». Une telle alternative fut
esquissée par Peter Szondi lui-méme, mais la dénomination qu'il proposait
d’« herméneutique matérielle » ne laissait pas d’étre problématique. Elle posait
cependant la question de la possibilité d'une « herméneutique critique »
Gritique s‘entend ici sans doute au sens d'une tradition de pensée contestant
Yétat des choses au nom de principes contra-factuels. Elle s'oppose A
Vherméneutique « philosophique » défendue par Gadamer, qui suppose que
Vinterprate ne peut comprendre une ceuvre qu’en se soumettant a lexpérience
de la « vérité » qui se joue en elle et en reprenant tout un ensemble de préjugés
qui fournissent un accés a sa compréhension. Contre l'affirmation du earactére
contraignant de la structure du « préjugé », une herméneutique « critique »
entend réhabiliter la fonction du jugement et revendique la légitimité d’une
méthode.
Cette correction est appelée par un double constat : les herméneutiques
particuliéres, en privilégiant Vadhérence a Yobjet, se sont engagées dans
diverses formes de positivisme of la que:
de savoirs historiques « objectifs » ; 'herméneutique philosophique, en tant que
théorie générale de la compréhension, s'est détournée de la question de
Vinterprétation et de sa validité au profit d’une enquéte sur les conditions
ontologiques de toute compréhension. LA o0. une philologie positiviste réduit
Therméneutique a la critique, Vherméneutique « philosophique » tend A évacuer
la critique au profit d'une démarche a la fois plus englobante et plus radicale.
Cette répartition des taches est doublement dommageable. Elle conduit d’une
part & une étude des textes dont la théorie est importée du dehors, de la
philosophie (d'inspiration heideggerienne ou analytique, post-structuraliste ou
déconstructionniste) ou d'un autre paradigme dominant (psychanalyse,
sociologie, linguistique non textuelle), de Yautre & une philosophie de
Vinterprétation qui résiste mal a la tentation d’appliquer ses catégories et sa
précompréhension aux objets qu'elle peut rencontrer, comme si elle savait par
avance le sens des textes qu'elle aborde. Pour le formuler de fagon tranchée :
n du sens était suspendue au profit
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Questce vine wherméneutque crique s?
une telle philologie réduite a la critique risque d’étre aveugle, une telle
philosophie « herméneutique » d’étre vide car sans objet a force d’étre
«universelle »
Le probléme légué en partie par Peter Szondi est alors de concevoir une sortie
hors de cette situation en faisant droit & rexigence d’objectivité de la philologie
positiviste aussi bien qu’a la problématisation du sens de 'herméneutique
« philosophique ». Comme je tacherai de le montrer, sa proposition reste prise
dans une ambiguité initiale : Szondi a revendiqué un retour aux ressources
théoriques de la philologie en revenant & histoire de 'herméneutique et
particuligrement & Schleiermacher, mais il a cherché le motif critique, propre &
contre-balancer 'anti-positivisme décidé de ’herméneutique philosophique,
dans une autre philosophie plutdt que dans la philologie elle-méme. Or un tel
motif se trouvait bien dans la philologie, qui s'est définie longtemps comme
Yunion de Pherméneutique et de la eri
pourra chercher & penser le rapport de la philosophie a la philologie. On peut
ainsi se demander dans quelle mesure les recherches de Jean Bollack, qui a
insisté sur la dimension herméneutique de la_philologi
programme. Mais alors que Szondi renvoyait directement & une philosophie
dans sa visée de remembrement de la théorie de la philologie, Jean Bollack a mis
en avant une pratique philologique, un « art critique » plutdt qu'une « théorie
herménentique ». A partir de la pi
m’interrogerai sur les concepts philosophiques impliqués dans la perspective de
la constitution d'une « herméneutique critique »
ique®, En revenant & cette inspiration, on
assument un tel
sentation de ces deux positions, je
Il. Herméneutique matérielle.
Pour Peter Szondi, expression « herméneutique matérielle »* renvoyait
assurément & la nécessité pour Vherméneutique de s‘appuyer sur des
« matériaux », un corpus déterminé, au lieu de s'ériger directement en théorie
générale, de rang supérieur, mais coupée d'une pratique. En ce sens, Szondi
pronait un retour & une herméneutique spéciale contre le fourre-tout que
pouvait devenir Vherméneutique philosophique, servant de caution & des
« interprétations » arbitraires, f
Yacte d'interpréter, comme |
Holderlin, 11 invitait done les di
spéculatives de Vherméneutique philosop!
les textes et & revenir une herméneut
ant Vimpasse sur les contraintes propres &
-méme Vavait montré dans ses études sur
ttéraires, séduites par les promesses
jue, a effectuer un travail précis sur
jue « philologique ». Cest ce qui
conduisit Szondi, en forgant toutefois la lecture de Schleiermacher, & voir chez
celui-ci une « herméneutique e », rapidement oubliée aprés I
Toutefois, dans cette acception, le choix de « matériel », dont il ne semble pas
quily ait eu de précédents', préte & confusion. Comme « matire » s’oppose &
« forme », on pourrait se demander de quelle « herméneutique formelle » se
distingue celle de Szondi®. Une herméneutique, méme si lle se soucie des textes
dans leur particularité, peut-elle ne pas se préoceuper de « forme », assumer une
généralité formelle minimale q \gue d'une simple collecte de régles
pratiques ?
Pour saisir les raisons qui ont pu conduire & un tel choix terminologique, il
parait indispensable de se replacer dans un contexte relativement polémique, od
la réhabilitation de la tradition que Yon percevait dans le projet herméneutique
thr
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de Gadamer depuis les premiéres mises en garde de Habermas appelait, pour lui
faire piéce, un vigoureux programme critique et matérialiste. « Herméneutique
matérielle » se comprend 4 mon sens si 'on pergoit l’écho qu'il forme avec
« matérialiste », que Szondi, quelles que fussent ses distances a 'égard de
Lukacs, pouvait utiliser contre les tentations sinon spiritualistes, du moins
volontiers conservatrices qu'il pressentait chez un Gadamer ou chez un Jauss,
malgré les invocations modernistes de ce dernier. Cela impliquait alors une
rigoureuse historicisation des formes littéraires, laquelle pouvait paraitre
encore insuffisamment détachée de modéles téléologiques hégéliens recus &
travers Lukics : le contenu historique ne pouvait étre absent de l'ceuvre,
quoique assurément réfléchi en lui. Cette immersion de l'ceuvre dans lhistoire
svaffirmant paradoxalement dans la perception de « l'histoire dans l'ceuvre »
s‘opposait pour sa part & la lecture « immanente » d'un Emil Staiger, qui, sous
pétait
une forme d’humanisme classique qui figeait les ceuvres dans un panthéon de
couvert d'une sorte de neutralité idéologique, édulcorait le contenu et
gloires & admirer pour la qualité de leur langue®. Szondi évitait tout de méme le
lourd qualificatif de « mat
demeurait partiellement obscure, une fois disso:
premiére.
Enfin, argument matérialiste, fit-il oblique, ne prend lui-méme son sens chez
ialiste », mais son « herméneutique matérielle »
-¢ de sa motivation polémique
Szondi que dans le dialogue qu'il entretenait avec 'Feole de Franefort, en
particulier avec Adorno’. La « théorie critique » se réclamait d'une forme de
matérialisme marxiste qui, allié aux apports de la psychanalyse, devait conduire
a une « critique des idéologies » et des formes d’aliénation sociales et
individuelles encouragées, voire produites par la société industrielle avancée
devenue société de consommation et des loisirs. La dimension « critique » du
programme herméneutique que Szondi oppose, dans ce contexte, aux tenants
dune herméneutique « philosophique » est manifestement A prendre au sens de
la « théorie critique » francfortoise : celle-ci visait A démasquer la fausse
conscience des acteurs sociaux, & mettre en évidence les présupposi
idéologiques ta
chercheurs, afin de dégager les potentiels émancipateurs de la société, que la
ites des discours savants, & souligner les auto-aveuglements des
« dialectique des Lumigres » risquait de subvertir. Cest une visée d’auto-
réflexion de la discipline passant par une critique sociale. Elle est cohérente avec
Vhorizon matérialiste des Franefortois, dans la mesure oi elle se situe davantage
dans les entours de la producti . Tout
Veffort de Szondi ayant été justement d’introduire cette dimension eritique dans
ique ou théorique qu’en celle-
Yanalyse de leuvre.
Or Vopération de Szondi est paradoxale : son mouvement en direction d'une
herméneutique spéciale ou littéraire ne
tradition philologique qu'il revendique et a commencé de redécouvrir, mais de
la philosophie critique contemporaine, qui n'a pas de rapport & la philologie.
Pourtant Szondi connaissait les ressources critiques de la philologie. Son apport
théorique le plus net est du reste bien le texte « Sur la connaissance
pas son argument critique de la
philologique » qui introduisait aux Hélderlin-Studien. En revanche, quand il
revient & Schleiermacher pour étayer son « herméneutique littéraire », il
méconnait chez lui le statut systématique de Vherméneutique, laquelle sert
essentiellement & clarifier la connaissance qui reléve proprement de la
Dialectique®. Pour cette raison sans doute, et aussi parce que son intérét original
pour les Lumiéres le conduit vers des herméneutiques générales logiques et non
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philologiques (Chladenius, Meier), Szondi ignore l'existence du théme critique
qu'une telle herméneutique héritait de la philologie. La philologie, dans sa
constitution moderne, s‘articulait alors en « herméneutique » et « critique »,
compréhension et jugement des textes, deux démarches complémentaires mais
relevant d’opérations intellectuelles distinctes. Son exercice présuppose la prise
en compte d'un (texte) particulier, qu'il convient d’apprécier, d’établir,
d’éprouver. La rationalité philologique s’élabore a partir d’une situation oa la
contingence est premiére, la régle, au besoin singulire (dans le choix de
Vanomalie), étant & produire ; elle différe ainsi essentiellement de la rationalité
formelle logico-grammaticale, qui procéde par construction de modéles, partant
du général pour expliquer le particulier®, Or Szondi semble ne pas préter la
moindre attention au théme critique propre I'herméneutique philologique,
qu'il va done chercher ailleurs, dans la « théorie critique ». Cette impasse, qui
s‘explique dans le contexte des tensions politiques et des enjeux théoriques
années 1960, s‘exprime dans la formule ambigué d'une « herméneutique
matérielle » par laquelle Szondi cherchait & définir sa démarche. Son apport
effectif, & savoir la redécouverte des potentialités critiques d’une philologie
vraiment pratiquée, au besoin secondée par les savoirs plus récents des sciences
humaines, se trouvait ainsi partiellement recouvert par une théorie importée,
qui masquait plutét Poriginalité de son projet.
Les deux inspirations, philologique et philosophique, qui coexistent chez
Szondi ont-elles trouvé une forme d'intégration plus aboutie ? La revendication
simultanée d'un retour & Vherméneutique philologique et & une pratique
disciplinaire assumant une critique idéologique de son rdle s‘est-elle réalisée
ailleurs, notamment aprés la mort prématurée de Szondi ? Le contexte théorique
a profondément changé depuis les années 1960, et en particulier dans le champ
de Vherméneutique, la discussion ne se résume plus & un face a face entre
« Vherméneutique philosophique » et la « théorie critique »"°. Les conditions
pour une reprise de la question herméneutique, qui
philosophie & venir que l'auto-compréhension des sciences humaines, sont ain:
réunies : un contexte théorique pluralisé, une situation polémique pacifiée mais
non assoupie"’, un besoin de réorganisation des partitions du savoir qui
s'impose aprés essor des spécialisations et de ce que l'on pourrait appeler les
« micrologies » (micro-histoire, spéciali istorique ou technique de la
philosophie, répugnance A s'engager dans les synthéses) produisant ce que
Habermas appelait naguére die neue Uniibersichtlichkeit, que Yon pourrait
rendre par « le rétrécissement de "horizon ».
intéresse non moins la
Il. Herméneutique philologique.
Dans ces conditions, on peut se demander sila réflexion de Jean Bollack sur sa
pratique philologique va en direction d'une herméneutique critique, et dans ce
cas, en quel sens. Le passage de Szondi a Bollack se justifie théoriquement par la
proximité de leur perspective'*, qui entend, par la philologie, respecter la
particularité des ceuvres contre les diverses appropriati
dont elles font Vobjet. Cependant, dans la forme méme et le rythme de ces
réflexions, la distance avec Szondi est grande. La oi celui-ci avait intégré, par
Lukaes ou Adorno, le langage hégélien d’une philosophie qui se voulait coneréte
et done dialectique, Jean Bollack est purement philologue et ne se hasarde pas
ns ou neutralisations
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dans le champ philosophique en tant que tel. Ot Szondi envisageait un
programme qui fit piéce & Phégémonie gadamérienne dans le domaine des
savoirs interprétatifs, s'appuyant sur une alliance circonstancielle avec la
« théorie critique », Jean Bollack livre des réflexions fragmentaires, un « art
critique » plutét qu'une théorie herméneutique explicite, une heuristique de la
lecture. I] parait done légitime de voir en lui le représentant d'une
« herméneutique philologique ». Cest loceasion de discuter le rapport de
Vceuvre de Jean Bollack a hherméneutique congue comme théorie™.
Je présenterai cette position a partir de trois remarques. Tout d’abord, a la
différence des autres représentants du « conflit des interprétations » ot
s‘affrontent les positions herméneutiques (ou anti-herméneutiques) au sujet du
sens, Jean Bollack ne défend aucune philosophie explicite. La tiche de la
philologie est de contribuer a la meilleure compréhension possible des textes, et
non de confirmer ou d’exemplifier une théorie. Tl va de soi que le sens n’e
dans le texte comme Voiseau dans sa cage. I] résulte de linterprétation, laquelle
s‘engage en anticipant bien un sens, mais s‘abstenant par méthode de le
déterminer par avance. Dans sa structure propre, la philologie est dialectique;
c'est méme la contradiction qui la caractérise comme discipline herméneutique.
Diun cété, elle s'appuie sur la particularité de la lettre et tire sa légitimité de ce
retour & la contingence historique; mais d'un autre c6té, la lettre elle-méme
dépend a son tour d'une interprétation, qui procéde, autant qu'il est possible, &
partir d’elle-méme. Une telle interprétation n'est pas sans présuppositions : elle
renvoie implicitement A un horizon théorique, & savoir une certaine idée de la
littérature et de Vart; par ailleurs, elle ne peut pas faire abstraction du sens
commun culturel d'une époque ni de sa propre situation historique. Elle se
donne pourtant les moyens de les examiner en appliquant avec conséquence le
principe du non-savoir, produisant 4 nouveaux frais la signification d'un texte en
mettant entre parenthéses toute compréhension préalable. Le bien-connu
redevient inconnu si Yon s‘astreint A partir d'une non-compréhension
premiére™, reconstruisant pas & pas la syntaxe des textes en s‘ouvrant aux
multiples constructions possibles. Cest en examinant des possibilités parfois
invraisemblables que Yon peut se déprendre des attentes de la lecture - les
anticipations qui ont sans doute une fonction importante d’appropriation
culturelle, mais produisent aussi un recouvrement du sens et une banalisation
des textes. Dans le travail préalable d'une ouverture virtuelle & toutes les
constructions, lige 4 un soupcon systématique & lendroit de toutes les solut
passant pour évidentes, la philologie se donne les moyens d’analyser ses propres
attentes de sens : ils ne se préoceupent pas du contenu des textes, & la différence
des théologiens -et des philosophes. Ce moment formel est libérateur. Il ne s’agit
pas d'un parti-pris arbitraire pour la lectio difficilior, mais d'une critique de
toute « facilité » au point que, terme, toute lecon en devient «difficile, le texte
perd son évidence culturelle au profit de la lettre. Ce premier mouvement, tout
négatif en apparence, fait ressortir V'aspérité de la lettre a partir de laquelle la
reconstruction du sens peut étre entreprise. La sigi ique de la
philologie réside dans cette réflexion premiére sur les attentes du sens, les
différentes formes du sens commun dont on ne peut prendre conscience que par
un geste méthodique radical de retour Ala lettre.
Il y @ manifestement une affinité entre le geste de la philosophie moderne
mettant entre parenthéses les présuppositions de la pensée, chez Descartes, Kant
ou Husserl, et cette insistance de la philologie sur le moment critique : Le Clere,
pas
ication
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dans son Art critique, a manifestement repris A son compte le doute cartésien,
comme Schleiermacher et Schlegel ont transposé le questionnement kantien au
monde culturel. Mais Voriginalité du geste philologique moderne, que Jean
Bollack assume et radicalise, tient au rappel de la particularité et de histoire : la
pensée qui s’énonce reste lige d'une facon ou d'une autre a son inscription dans
une langue. Cest ce qui rend légitime examen de la lettre, méme quand il s’agit
d'une vérité révélée ou d'un ensemble de concepts philosophiques, par
définition traduisibles et communicables au-dela de leur inscription premiére. Si
la philologie peut exercer de temps autre un droit de regard sur la philosophie,
c'est au sens oi elle lui rappelle l'historicité de son discours, au méme titre que
la critique biblique s'est attachée A reconstituer le premier contexte d’apparition
et de diffusion de la parole «révélée. Pour échapper a cet effacement
subreptice, Jean Bollack retrouve et surtout met en pratique le principe connu
des Alexandrins ou des Renaissants' que le texte seul peut fournir le critére de
sa juste compréhension et doit done étre interpré
esthétique » qu'il donne lui-méme.
En contestant les différentes stratégies d’appropriation des textes anciens ou
poétiques, Jean Bollack montre & quel point pour lui le respect de la particularité
des textes et Vidéal d'une rationalité de l'interprétation sont solidaires. Si on
peut discuter une interprétation, la contester ou la réfuter, c'est que 'on s'est
engagé, en vertu de la structure du conflit, dans la reconnaissance de régles
communes. Au cours de la confrontation, les horizons d’attentes et les
présuppositions de lecture peuvent étre énoneés, contredi
contraire Vindifférence, la non-discussion, qui neutralise les textes en les
soumettant & des représentations préalables qui leur sont extérieures. Par la
double défense du « principe de discussion » et de la singularité des textes, Jean
Bollack esquisse une herméneutique de « Ventendement du singulier », égale
distance d'une méthode universelle qu'il suffirait d’appliquer A des objets
particuliers et de Yabandon « impressionniste » A Varbitraire singulier,
formalisme et empirisme faisant, comme on sait, bon ménage. Cest en alliant le
respect de Vobjet & Vexigence de la méthode qu'une telle philologie peut
prétendre a la scientific
Dans la mesure oi elle est issue d'une pratique philologique, Vherméneutique
de Jean Bollack entretient un rapport déterminé & « V'herméneutique
philosophique » : comme celle-ci, elle rappelle la dimension langagiére des
manifestations culturelles, y compris les plus abstraites, comme la philosophie;
mais elle s'y oppose décidément, en observant que lherméneutique de Gadamer,
dans sa prétention & luniversalité, s'est constituée en philosophie générale de
Vinterprétation, évacuant toute dimension critique. En revendiquant la
légitimité des préjugés, elle s'oppose A la démarche méthodique et eritique de la
philologie moderne qui suspend précisément les préjugés, afin de faire ressurgir
le sens de la lettre en tant qu'elle résiste aux appropriations. Cest de la
philologie que l'herméneutique de Jean Bollack recoit les instruments pour une
prise en compte du particulier dans sa contingence. En ce sens, la proximité de
sa démarche avec la « théorie critique », sielle a pu jouer un réle dans les années
1960, est égarante, puisqu’elle ne permet pas d’apercevoir en quoi son
herméneutique est critique en tant que philologique. Dans I'fcole de Franefort,
la «critique» renvoie & la lucidité qui est exigée par rapport aux formations
idéologiques, elle est une extension de la critique sociale aux représentations.
He n’a en tant que telle aucun lien intrinséque A la démarche interprétative,
selon le « canon
ou étayés. Cest au
té, clest-A-dire A la réfutabilité
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mais vise & dissoudre la fausse conscience et l’auto-illusion, Ce qui lui
correspond, dans le travail de Jean Bollack, concerne la «critique des
interprétations», qui vise d’une part 4 reconstituer une forme de débat entre les
différentes lectures, discussion qui a rarement lieu effectivement, mais que les
apparats critiques et la littérature secondaire permettent en principe de
reconstruire; d’autre part & faire apparaitre des constantes dans les démarches
apparemment singuliéres des interprétes, dont les positions s‘organisent d’elle:
mémes en typologies, s‘inscrivant dans des traditions intellectuelles nationales
ou confessionnelles, souvent commandées par des enjeux politiques ou
sociologiques. Cette analyse est secondée par des formes de travail plus
historiographiques, portant sur « l'histoire des interprétations » et accomplies
dans horizon d'une «histoire sociologique de la philologie» qui doit sans doute
davantage & l'incitation de Pierre Bourdieu qu’a une reprise de la « critique d
idéologies » francfortoise. Mais cet aspect ne dit rien de la pratique proprement
herméneutique de Jean Bollack, ni n’explique en quoi celle-ci_ serait
effectivement « critique ». Toute discipline peut s‘adjoindre une part d’auto-
analyse sociologique ou se livrer & un examen de conscience idéologique &
travers une historiographie spécifique : elle n’en devient pas pour autant
critique. En revanche, si ’herméneutique de Jean Bollack peut bien prétendre au
qualificatif de « critique », c'est d’abord en tant qu'elle est une herméneutique
philologique : c'est dans « philologie » qu'il y a « critique » et
« herméneutique ». La vérité d'un contenu n'est pas présupposée, c'est au
contraire le texte qui doit étre compris en premier lieu, reconstitué et
interprété; V'interprétation n’a pas pour visée de traduire plus clairement une
vérité exprimée obscurément ou dans une langue devenue opaque, elle cherche
& saisir la signification du texte, indépendamment de sa valeur de vérité
putative.
Le sens critique de la philologie tient dans cette inversion de perspective
inaugurée par Vhumanisme italien. Seule 'évolution de Vherméneutique en
herméneutique « générale » puis « philosophique » Va désolidarisée du theme
critique qui était porteur de rationalité*®. II suffit de se souvenir du réle éminent
qu’ont pu exercer, au seuil des Lumidres, les philologues en s’attaquant &
Yautorité des textes fondateurs de Vordre de VAncien Régime, & savoir non
seulement la Bible, mais les Classiques grees et latin, les documents historiques
ou diplomatiques fondateurs de Videntité et de la légitimité des nations
modernes : Richard Simon avee son Histoire critique du Vieux Testament ou
Pierre Bayle avec son Dictionnaire historique et critique n’ont pas qualifié en
vain leurs ouvrages de « critique s»'”. Cette critique renvoyait 4 un examen dela
lettre comme transmission d'une tradition, interrogée dans ses titres. On se
demande ainsi sila « donation » de Yempereur Constantin & la Papauté est un
document authentique (L. Valla) ou si Yauteur du Pentateuque peut bien étre
Moise (Hobbes, Spinoza), avant de s’enhardir & scruter les contradictions des
synoptiques (D. F. Strauss, Renan). Cette attitude consistait essentiellement dans
Yexercice dun jugement dont Vherméneutique ultérieure a cru pouvoir se
passer. En rappelant que le comprendre n’est pas exclusif d’un jugement, Jean
Bollack s'oppose directement & Yhétérologie dominante du discours
herméneutique de la modernité"’.
Enfin, jinsisterai sur le sens de la pratique : Vherméneutique vient du
comprendre et non Tinverse. La possession d’une théorie herméneutique ne
garantit en rien la compréhension effective. La réflexion marque le moment de
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Vélucidation des voies par lesquelles on parvient & comprendre. Elle peut
aboutir & un certain nombre de procédés ou de ragles, pour l'essentiel connues
depuis ’Antiquité et partagées par des cultures différentes"?. Le risque réside
alors précisément dans T'illusion de la possession d'un tel savoir empirique. Or
devenues « évidentes » ou « bien connues », ces régles risquent fort d’étre en
méme temps méconnues. Le gain en réflexivité qu’a représenté aux XVIIe et
XVIIle sid
supplémentaire qu’a représenté la tentative de Schleiermacher de conférer & la
les laboration d'une herménentique « générale », le progrés
compréhension une théorie propre, philosophiquement réfléchie, ont eu pour
contre-partie une relative routinisation des pratiques et surtout un déplacement
de Vaccent en direction de la dimension ontologique et fondamentale du
« comprendre »*°, au détriment de la précision requise pour toute
compréhension déterminée. L’herméneutique est devenue plus forte et bient6t
hégémonique, dénongant la naiveté de tout savoir qui feindrait d'ignorer les
structures de « pré-compréhension » et l'ancrage ontologique qui le rendent
possible, au prix toutefois d’un certain abandon de son savoir technique. On en
est ainsi arrivé la situation oi, au XXe siécle, 'herméneutique avait, ade rares
exceptions prés, rompu tout lien avec une connaissance effective. Lintérét de
Vherméneutique philologique de Jean Bollack est de rappeler les droits de la
pratique et, finalement, ce qu’« herméneutique » veut dire. Avant de renvoyer &
une position philosophique, ce mot prend son sens dans la pratique du
séminaire, of lacte de comprendre est une affaire intersubjective. Dans les
séminaires de Lille, on put ainsi parcourir, depuis Homére et Anaximandre ou
Parménide jusqu’ Celan ou A Frénaud, le chemin d'une « histoire de la
littérature », en méme temps que lon redécouvrait Vhistoire des pratiques de
lecture et de la philologie, traversant les figures d’Aristarque, de Sealiger, de
Wolf ou de Bernays. Pour une telle redécouverte, il fallait la naiveté qui
accompagne toute pratique. Sans un usage quotidien des textes, une
herméneutique philosophique est sans objet et sans direction. Mais si la
revendication philologique est essentielle & la critique, Vauto-réflexion
herméneutique est, de son c6té, le rappel constant, face aux tentations
positivistes des philologies part
problématisa
Jean Bollack oppose la particularité, sur laquelle elle butte; aux philologues, les
ulidres, que le sens ne se donne pas hors de sa
ion. A Vherméneutique philosophique, tentée par les généralités,
exigences d'une réflexion. Cest par le double refus du positivisme et de
Yontologisation que la pratique philologique peut nourrir une herméneutique
critique.
Mais la tache d'une herméneutique est non seulement de « comprendre »,
mais de « comprendre la compréhension ». Tout en prenant acte de la réserve de
Vherméneutique philologique par rapport a la philosophie, on doit s'interroger
sur horizon philosophique qui rend possible une telle pratique.
Ill. Herméneutique critique.
Par sa radicalité ontologique et son opposition & la méthode,
« Therméneutique philosophique » a provoqué dans les sciences humaines un
rejet du questionnement herméneutique et favorisé un retour & des conceptions
naives de Vobjectivité; il s'agit maintenant d'indiquer une alternative possible a
partir de la philologie. A c6té de Yherméneutique logique, qui revient &
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9720sanz
vest quine cherméseuteue citque»?
Vambition argumentative de I’« herméneutique générale », une herméneutique
critique nous parait avoir sa place, visant l'individualité des oeuvres. Elle doit
fournir Varticulation entre la reconnaissance de la singularité des ceuvres (la
lettre) et Vaffirmation de procédures universalisables et communicables (en tant
que science), mais aussi entre des modéles holistes (percevoir l'eeuvre comme
un tout) et analytiques (entreprendre la reconstruction des lectures) ; autrement
dit, sa visée est d'intégrer le moment d’adhésion de l'herméneutique (Uabsence
de présupposition) et le moment de distanciation de la critique (comme exercice
d'un jugement en situation).
Mais si les raisons de rejeter le modale gadamérien sont obvies : dissolution de
la singularité du texte dans une ontologie du langage, pri
tradition qui s‘actualise dans les ceuvres, conception normative de la tradition
comme modéle de formation du goat, fonction constitutive des préjugés, le
profil d'une « herméneutique critique » demeure problématique. « Critique » se
dit aussi en plusieurs sens. Tl est done nécessaire de tenter de ras
traits pertinents d'une telle « herméneutique critique »
1.Dans la « théorie critique », qui peut-étre considérée, A travers Marx (ou
travers Kant, pour la seconde génération francfortoise), comme une héritigre
des Lumiéres, le questionnement est d’abord politique : il s'agit de démasquer
des usurpations opérées par des pouvoirs qui ne disent pas leur nom mais
sabritent derrigre des idéalités ou des valeurs consensuelles comme par
exemple les notions de « liberté », de « beauté » ou d'art « classique ». La
dissolution des apparences est sans doute constamment nécessaire, au sens de la
dialectique transcendantale kantienne, traquant les illusions de la raison qui
sont souvent de connivence avec les pouvoirs. Mais dans le projet de Szondi
une herméneutique non « philosophique » susceptible d'une application
pratique, cette dimension a recouvert celle de la critique proprement
philologique & laquelle par ailleurs il entendait revenir. Cest pourtant en elle que
s‘exprime la portée cognitive de la philologie, en tant qu’elle qualifie son mode
de savoir comme étant & la fois interprétatif et judicatif. L’herméneutique peut
atre « critique », A mon sens, non en s‘inspirant directement de la « théorie
critique » (I ou ID, mais en revenant aux ressources théoriques de la philologie
qui est en elle-méme une tradition critique. Cette exigence a été exprimée, mais
non mise en ceuvre par Sondi; au contraire, chez Jean Bollack, elle a été
pleinement assumée.
Les insuffisances de la « théorie critique » pour notre propos tiennent
précisément au préalable politique qui privilégie des ceuvres « eriti
moins leur « potentiel d’émancipation » : en ce cas, les qeuvres qui
ommodent d'un état de fait ou le justifient (par opposition aux ceuvres qui
contestent ’état des choses présent) risquent d’échapper 4 la compréhension; ou
bien, on leur prétera par avance un caractare émaneipateur, lié & la qui
esthétique suivant un principe problématique : autant une aeuvre est promesse
@émancipation, autant elle vaut esthétiquement. Mais si toute grande
réalisation intellectuelle ou artistique, par la maitrise et la réflexion qui s'y
montrent, met en forme une « critique », c’est en un sens sensiblement différent :
si Aristote, Shakespeare, Corneille ou ‘Thomas Mann, pour prendre des
grandeurs trés différentes, sont critiques, c'est autrement que ne le sont Cyrano,
Voltaire ou Rimbaud. Il parait difficile d’en faire des « classiques de
Yémancipation ». En rabattant une réflexion propre aux qeuvres sur une visée
émancipatrice, on s'interdit de saisir en quoi la forme esthétique elle-méme est
minence d’une
embler les
jue s» ou du
ification
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Questce vine wherméneutque crique s?
critique. Jean Bollack, quoique engagé d’abord dans la reconstitution d'une
tradition critique, a su distinguer ces deux aspects, la critique du contenu et la
réflexion de la composition. En résumé, il faut considérer que la philologie n'est
pas critique au sens politique, et que I'herméneutique n'est pas une « théorie
critique » de la littérature : la visée d’émancipation ne saurait étre tenue pour un
caractére discriminant des ceuvres & interpréter, faute de quoi on se limiterait &
une «légende dorée» de martyrs de la critique ou l'on se condamnerait & des
contorsions allégoriques pour tirer des ceuvres du répertoire un potentiel
émancipateur qu’elles sont parfois bien en peine d’avouer.
2.Cette critique de la «théorie critiquey et de la tentation de rabattre trop
rapidement la dimension politique (fit-elle rebaptisée « éthique ») sur la
philologie ne signifie pas qu'il serait possible ou souhaitable de promouvoir
Vidéal d’une science « neutre par rapport aux valeurs ». Le questionnement
politique est pertinent et méme nécessaire, mais & son niveau. Préter A des
ceuvres une forme critique et done émancipatrice, mais une conscience
conservatrice, conduit s'interroger sur le sujet formel de cette émancipation —
ou bien peut-on étre « émancipé » A son corps défendant ? et alors par quelque
ruse de la raison historique ? Ce sont 1a des conséquences auxquelles il est
difficile d’adhérer.
Avant de préter aux formes des vertus occultes, il importe de les avoir
interprétées pour ce qu'elles sont. Pour cela, la philologie et "herméneutique qui
la réfléchit apportent un certain nombre d'indications tant sur les distances dans
Vinterprétation (les rapports aux différents contextes) que sur les régles qu'elle
suit. Je chercherai a les formuler en revenant sur la description de
Yc herméneutique philologique » donnée au §2.
En premier lieu, comme art critique de la lecture, la philologie s'est
déterminée depuis Vhumanisme comme une discipline fondamentalement
historique. Elle montre comment, dans le texte, plusieurs niveaux d'histoire se
recomposent en une forme singulidre : celle-ci ne refléte pas tant les différentes
strates contextuelles qu'elle ne les réfracte, réfléchit ou refait. Une aeuvre qui
transforme un contexte par sa seule existence ne peut par conséquent pas étre
interprétée @ partir du contexte oi elle s'insére. La reconstitution des
réseaux qui forment le contexte, linguisti
politique ou autre, fournit simplement les conditions pour sai
tracé par laeuvre en sa nouveauté et son unicité. Par 18, dans son attention a la
lettre des textes, la philologie renvoie a un principe de particularité :le mode de
connaissance herméneutique suppose la confrontation a un particulier dont la
compréhension doit étre tirée, autant qu'il est pos:
principe propre a la philologie historique, on aisément une régle
d'immanence. Sile «canon» interprétatif est donné par laeuvre, c'est que l'objet
de V'interprétation est le texte, en tant qu'il fait sens, c’est-A-dire en tant qu'une
signification rend compte de sa singularité. La régle qui en découle renvoie a une
des maximes les plus éprouvées de la tra jue, . II s'agit de chercher a résoudre les difficultés posées par un
texte (hapax, apparents contresens, contradictions, variations) dans et par le
texte lui-méme, en étendant cette exigence d’abord formulée pour les passages
dits «obscurs» Al’ensemble du texte”. Mais la radicalisation de ce principe chez
Jean Bollack dépasse la forme qu'il a pu recevoir dans Vherméneutique
romantique, avec le principe de organicité de 'ceuvre dont 'idéal singulier est
Yobjet de Vinterprétation, un modéle réactualisé en particulier chez Walter
ion herméneuti
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seosanz
Questce vine wherméneutque crique s?
Benjamin. Elle engage une historicisation radicale. On suppose, d'une part, que
la particularité a une valeur ontologique propre, irréductible 'universel d'un
sens ou d'une philosophie de l'histoire. D’autre part, le principe d'immanence
implique la possibilité pour linterpréte de se mettre au niveau du texte pour
entreprendre sa reconstruction rationnelle. Cette reconstruction, son tour,
peut étre confrontée A d'autres, elle s‘articule dans une argumentation qui la fait
participer & ’élaboration intersubjective d'une connaissance communicable et
discutable. Cest ce qu'exprime la formule que j'ai employée plus haut de
«Ventendement du singulier» : est requise une rationalité méthodologique pour
le particulier.
La particularité de objet méme de l'interprétation est cependant une
signification, qui renvoie & une composition singuliére. Cest la que s‘instaure
une relation spécifique entre linterpréte et son objet : celui-ci ne l'intéresse
qwautant qu'il est porteur d'une subjectivité, Les effets de sens déposés dans un
texte sont certes autonomisés, mais c'est précisément aussi en tant que tels
qu'ils sont subjectivité. Nous n’avons affaire qu’ des traces, mais ce qui fait
ceuvre est le principe de composition qui a été suivi : linterprétation part de la
particularité cristallisée dans la lettre, pour remonter au sens, qui résulte d’une
certaine opération. On peut nommer cette opération « subjectivité » ou encore
« réflexion ». La singularisation dune opération dans une lettre la rend
communicable : le geste de la réflexion est Vobjet de l'interprétation en tant qu'il
est constitutif du sens. Entre le sens apparent et le sens réfléchi, qui prend en
compte les motivations de la composition, s‘inscrit le travail de linterpréte. I]
est nécessaire en cela de distinguer le sens fixé dans la lettre du mouvement de
réflexion qui Va produit. Le sens constitué par Vauteur et reconstitué par
Vinterprate sur un mode présomptif n'est tel que parce que l'on peut supposer
une opération premidre, un sens « constituant » qui puisse en rendre compte. En
s‘attachant & retrouver la «subjectivité» des textes, leur « potentiel critique »
par rapport & une situation préalable et aux préjugés partagés, Jean Bollack a
nettement indiqué que l'interprétation ne pouvait s'en tenir au sens obvie, mais
visait au contraire A reconstituer la réflexion dans Yq@uvre a partir de la
composition. Tl est aussi important de distinguer les niveaux que d’éviter
@introduire une distorsion entre le « pragmai
présupposent et s‘articulent, c’est qu'il n'y a pas de sens hors du « faire-sens ».
Une ceuvre n'est pas a elle-méme son propre commencement, mais
présuppose une situation déterminée, historique, sociale, culturelle, et d'autres
textes, dont elle se nourrit et avec lesquels elle entre dans une sorte de
compétition. La pure répétition d'un modéle condamnant inexorablement & faire
moins bien, V'écriture vise a introduire un décalage, une forme de nouveauté,
une difference qui doit aussi et peut-étre d'abord étre comprise par rapport aux
textes préexistants connus ou supposés tels. L’écriture se nourrit ainsi des
autres écritures. La « tradition » ou les « influences » n'ont de sens que dans leur
reprise, une fois redisposées dans un nouvel ensemble, cette redi
elle imperceptible. L/historicité constitue ainsi une « tradition » non par son
« actualisation » herméneutique, comme chez Gadamer, mais par Vhistoire d’une
réflexion critique dont les aeuvres figurent les différentes possibilités, selon une
progression contradictoire -il importe de faire autrement- mais contingente, les
tours et retours ne manquant pas. Jean Bollack nomme parfois cet art de la
«reprise» de textes antérieurs une « réfection », indiquant par 14 qu'll s'agit bien
dune « réflexion conerate », opérée A méme le faire d'une ceuvre. Mais il parle
ion fat-
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Questce vine wherméneutque crique s?
également de « resémantisation », au sens ot un syntagme d'un texte antérieur,
quand bien méme il serait « cité » sans modification, assume de ce fait
inévitablement une nouvelle signification’. Or ce geste est bien constitutif d'un
sens nouveau, celui de l'ceuvre de rang 2, qui utilise des matériaux puisés dans
une oeuvre de rang 1 : cette opération ne peut étre suspendue, ni pour ce qui est
de Vceuvre, livrant le secret de sa « signifiance »*, ni pour ce qui est de
Vinterpréte qui aurait alors un objet autrement inatteignable que « l'intention de
Vauteur ». Il parait clair, au contraire, que la « réfection » ou la
« resémantisation » sont des procédés de constitution d'un sens nouveau, et que
ce sens nouveau peut et doit étre interprété pour lIui-méme, dans sa
complexité™,
Un texte se détache d'un ensemble quil réfléchit en posant sa distance, se
constituant ainsi en une forme singuligre. On pourrait parler a cet égard d'une
morphogenése des ceuvres. La forme devient de ce fait susceptible d'une
interprétation qui vise & reconstituer comment elle fait sens. II n'est pas doté de
signification en vertu de ses composants : le principe frégéen de
compositionnalité du sens* répandu en logique et en linguistique ne permet pas
de le saisir dans sa singularité, Par ailleurs, une description externe ne le
distinguerait pas d’un ensemble de signes, de traces, d'inscriptions arbitraires,
La signification, en revanche, présuppose une réflexion qui rend compte de sa
mise en forme. La réflexion n'est cependant pas communicable en dehors de la
forme particulidre du texte ou de V'ceuvre. Viobjet de l'interprétation est de
reconstituer plausiblement ce mouvement de pensée A partir des seules traces
textuelles : il est done indirect. La tradition idéaliste, de Hegel & Dilthey, a
déterminé cette dimension comme relevant de « lesprit », qu'il était tentant
@hypostasier comme élément commun présupposé par toute interprétation et
assurant par avance de sa possibilité*®. En cela elle a méconnu qu'il ne saurait
s‘agir A chaque fois que de la subjectivité singuliére d'un texte, que rien
wautorise & subsumer sous un «esprit». Le modale d'une empathie ou
Einfiihlung de Vherméneutique diltheyenne, voyant dans Videntité de la vie ou
dans des constantes psychologiques la condition de possibilité de la
compréhension, est de ce fait extérieur &Vherméneut jue. Pour autant,
ily a lieu de s'interroger sur le concept de subjecti plique, tant du
cOté de V'interpréte que du cété du texte.
Test manifeste qu'une certaine forme de subjectivité est présupposée du cdté
des textes qui sont objet du philologue : c'est d'ailleurs bien parce qu'il y a une
telle subjectivité, y compris dans les textes les plus anciens comme les fragments
des « Présocratiques », qu’ily a « quelque chose» a interpréter ». Cest ce qui me
semble devoir résulter des différents travaux de « I'Eeole de
aux textes de 'époque archaique. On aurait a faire, dans le cas contraire, & un
simple document & reconstituer : témoignage historique ou dépét d’une
révélation divine, mythique ou inconsciente, ou encore expre
conscience collective. Or s'il s'agit d'interpréter, un rapport s’établit, dans le
texte et nulle part ailleurs, entre deux sujets, qui ne sont sans doute pas
« sujets » au méme titre, mais «sujets» cependant. Les objections ne manquent
pas : on rappelle qu'il est difficile de parler de « sujet » avant Socrate, voire
avant Descartes ou Kant :il y aurait ld un anachronisme insouciant, une volonté
de modernisation arbitraire, en somme une naiveté épistémologique. Pourtant,
il ne s’agit pas de postuler Videntité a soi d'un sujet transcendantal, Jean Bollack
ne préte pas des catégories modernes aux auteurs antiques comme ont pu le
jon d'une
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»
Questce vine wherméneutque crique s?
faire les néo-kantiens, Cohen ou Natorp’”. En revanche, il est clair que cela
implique un refus déterminé : il s'est opposé avec énergie a la construction de
catégories pseudo-historiques comme la « pensée mythique » ou la « pensée
archaique », dont leffet, appliqué aux textes des premiers philosophes, était de
dénier par avance toute forme de réflexivité ou d'objectivation a des figures
dont le geste fondamental était pourtant bien une sortie hors du mythe. Les
diverses formes du nietzschéisme, chez W. F. Otto, K. Reinhardt, W. Capelle ou
Heidegger, rendaient aux yeux de beaucoup inconcevable que l'on suppose une
telle conscience dans des textes qui devaient bien au contraire nous offrir
immédiatement le dépdt d'une sagesse premiére, indemne des errements
postérieurs de la métaphysique et de la modernité*.
Pour prendre la mesure de cette dimension, on pourrait formuler un principe
herméneutique original : autant un texte est interprétable, autant il interpréte
lui-méme, autant il a de subjectivité. inscription d'une subjectivité dans un
texte signale un écart entre celui-ci et une norme collective des valeurs
imposées, sociales ou religieuses. Le texte se constitue en objet singulier en se
détachant par une réflexion. I] est inutile pour cela de présupposer un auteur
doté d'une intention préalable ou un sujet psychologique bardé d'une biographie
ou, comme dirait Boris Vian, « bourré de complexes ». La subjectivité se
constitue dans le texte & mesure que celui-ci prend forme en se distinguant :
Vintention ne renvoie pas A un personage extérieur, qui serait auteur, mais &
cette distance dans le texte. On s'est figuré, au XIXe siécle, qu'une ceuvre était le
produit d’un auteur, dont la connaissance devait l’éclairer d'une fagon ou d’une
autre, au point que Vherméneutique a progressé de la vie A Yoeuvre, jusqu’
Dilthey et au-dela; puis Yon s’est avisé, au XXe siécle, que lceuvre pouvait bien
dépasser V'intention de son auteur, car 'on ne comprenait plus que des étres &
Yordinaire plutot médiocres fussent responsables de chefs-d’ceuvre. La grandeur
des ceuvres devait done étre rapportée 4 autre chose : une profondeur de la
langue, une activité inconsciente, expression d'une idéologie, un équilibre
formel improbable survenu comme par hasard, ou bien Y'on a cessé de eroire que
les ceuvres pouvaient avoir quelque «grandeur» ou importance particulidre.
Mais cette critique de « l'intention de 'auteur » se réglait sur un modle sainte-
beuvien plutdt imaginaire; on s‘affrontait souvent A des moulins a vent en
plaquant un psychologisme post-romantique sur des tentatives autrement
différenciées. Tl convient sans doute de prendre la défense de la catégorie
herméneutique de Vintentio auctoris
rappelant qu’elle ne signifiait alors rien de plus que le «sens littéral»®, C’était
une fagon de dire que la signification, done l'interprétation, est foreément dans
la lettre, et que ce complexe, et lui seul, correspond a une intention de
signification, Elle avait en outre l'avantage d’inelure au besoin la dimension de la
« responsabilité », inscrivant le texte dans un rapport de subjectivités. Quand
Friedrich Schlegel, apparemment en avance sur le XXe sidcle, substitue
Vinterprétation du texte A Vintention de V'auteur, il ne fait qu’expl
concept que l'on commengait de ne plus comprendre. Postuler une subjectivité
das lors non seulement n'est pas absurde, mais est méme requis par la démarche
interprétative. Elle est la lettre méme en tant qu'elle fait sens. L’objectivation
dans la lettre ne Vexclut pas, mais s'appuie au contraire nécessairement sur elle,
Lherméneutique ala lettre pour objet en tant qu’en elle se signifie une distance.
On peut appeler cette réflexion «subjectivité»”.
Ce qui distingue un texte comme relevant d'une opération herméneutique est
courante aux XVIle et XVIIIe sidcles, en
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Questce vine wherméneutque crique s?
ainsi sa constitution fondamentalement herméneutique. Celle-ci renvoie sans
doute en premier lieu au caractére herménentique du langage Ini-méme et aux
interprétations ou « pré-compréhensions » qui agencent la perception.
Linterpretandum est cet égard toujours de soi interpretans. Mais cette
condition ne suffit pas, car il convient de distinguer nettement entre les
différentes « pré-compréhensions » relevant d'une structure ontologique,
organique, grammaticale ou idéologique, et « l'interprétation » prétée au texte
qui constitue celui-ci en une singularité. Cest cette interprétation du texte (au
génitif subjectif, comme réflexion inscrite en lui) qui rend possible
Vinterprétation du texte (comme tentative de reconstitution de cette premiére
réflexion). La subjectivité qui rend le texte interprétable et non directement
explicable en vertu d’un schéma transcendant ou d'un cadre causal général est
précisément ce & quoi peut étre rapporté I
« préjugés » qui fournissent effectivement un accas positif 4 la compréhension
du texte, on considére ordinairement soit les préjugés de l'interpréte (Gadamer),
soit les préjugés dont le texte porte la trace, qu'il faut alors lever (Habermas) ; il
convient d’étre plus attentif au préjugé du texte en tant que jugement dont le
texte témoigne et qui le constitue en subjectivité, sans pour autant réduire toute
manifestation textuelle relevant de linterprétation A une littérature critique ou
faire de cette réflexion comprise comme signifiance la visée premiére de
Yinterprétation. La prise en compte de ce jugement du texte et dans le texte
permet une reprise non psychologisante du concept d'intentio auctoris,
renvoyant ds lors A cette subje que l'interprétation ne peut pas ne pas
supposer. L’herméneutique critique V'est ainsi doublement : en tant qu’elle
exerce un jugement et distingue entre les interprétations; en tant qu’elle répond
& un jugement de V'ceuvre.
Une telle subjectivité n’est-elle que dans un «travail» ? Elle le présuppose, sans
doute, mais surtout elle se fixe dans un texte dont on peut et doit rechercher le
sens. herméneutique engage cette relation entre sujets, redéfinie par chaque
tentative d'interprétation. Cette relation est cependant asymétrique au sens od
Vinterprate «croit» 18 of le sujet du texte n'est plus «en travail» : ily va bien
d'un réveil, d'une suscitation. Il convient de le souligner, contre le motif, cher &
art de la réflexion. Parmi les
s'épuise en aucune de ses qeuvres, en aucun de ses textes. Mais la situation d’une
herméneutique moderne philologique et critique, qui accorde avec Le Clere ou
Schleiermacher que c’est l'interprétation qui peut établir sile texte est « sacré »
et non la révélation qui commande Vinterprétation, est inverse. Il y a une
inégalité fondamentale entre les deux formes de subjectivité engagées dans l'acte
interprétatif, dont ne prennent suffisamment compte ni les démarches
objectivantes, qui veulent ne voir dans le texte qu'un ensemble de rapports
objectifs entre signifiants, ni les herméneutiques « philosophiques », qui font du
texte le lieu d'une expérience ontologique de la langue.
Si la dimension subjective du texte est une partie constitutive que doit
rappeler V'interpréte, la fiction d'un « dialogue herméneutique » est égarante”,
dans la mesure oi Tun des partenaires ne « répond » que par ce qui est déja
inserit dans le texte, alors que le « lecteur » coincide, mais lui seul, avec son
«travail», le processus interprétatif. La reconstitution de la logique eréatrice
part nécessairement du texte tel qu'il est transmis. Le dialogue est asymétrique.
Le « tu » de Veuve s'est tu; il ne parle plus qu’a travers elle, Cest V'interpréte qui
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Questce vine wherméneutque crique s?
«< essaye » les réponses, tenu par une responsabilité envers la subjectivité du
texte. Cest cette structure complexe qu'il convient de déméler, sans
s‘abandonner A des métaphores vides. Sila relation interprétative comporte une
dimension «éthique», c'est dans la mesure oi linterpréte se sait responsable vis-
A-vis de la subjectivité singuliére du texte, en tant qu'il est interprétable. Cest la
question : « Mais qu’as-tu voulu dire ? » posée a l'autre dans le texte.
Il reste & élaborer sur le plan théorique et méthodologique une réflexion
herméneutique susceptible de se laisser enseigner par les pratiques
interprétatives et de leur apporter une orientation. Une
de pratique et de légitimation requis par l'interprétation allige & une
redétermination des catégories herméneutiques principales est A cet égard
nécessaire. Plus encore, une telle herméneutique «critique» se doit d’articuler
les différents niveaux évoqués ici dans un ensemble théorique. Elle sinspirera
sans doute de la premiére lecon de la philologie, la critique textuelle, avec une
prédilection pour la recension au détriment de la conj
laissant se déployer un fort scepticisme l'endroit du sens trop vite reconnu.
Cette négativité repose dans le savoir-faire le plus ordinaire de la philologie, il
suffit de la mettre en ceuvre non seulement pour les tiches traditionnelles de
constitution des corpus et d’évaluation des lecons, mais en étendant ces taches
aux divers vecteurs de l'expression articulée, La suspension du jugement
appelée par attention exclusive a la forme constitutive du sens n’est pas
exclusive de lexercice second d'un jugement; elle en est méme la condition. Le
jugement critique intervient aussi bien pour évaluer oeuvre elle-méme dans la
distance que celle-ci instaure par rapport & ses conditions que pour 'apprécier
par rapport & son contexte. La premigre téche renvoie A objet méme de
Vherméneutique : Vinterprétation suppose une subject
seconde, en revanche, ne rapporte plus l'ceuvre a elle-méme, mais A un contexte
dans lequel celle-ci prend position : dans quelle mesure cette inscription dans un
rapport produit-elle une succession sensée ? Peut-on reconstituer la logique,
méme fragmentaire, de telles séquences ? elles sont les questions qui oveupent
Vherméneutique qui ne comprend pas seulement les ceuvres A partir des
différents contextes, mais entend reconstituer le contexte formé par les cuvres
8 partir de celles-ci. Lié & ce probléme, un troisiéme aspect de la cri
convoqué : Vanalyse des préjugés de lecture et des conditionnements
idéologiques dont la tradition interprétative mais aussi les ceuvres portent la
trace. Ce travail, en partie extérieur A Vherméneutique proprement dite, est
nécessaire A son auto-réflexion : les préjugés ne sont pas seulement les
conditions positives de toute compréhension, selon une thése que l'on peut
partiellement concéder 4 Gadamer; ils ne sont pas systématiquement une
distorsion du sens et le signe de V'intervention sournoise du pouvoir, mai:
peuvent fort bien l’étre, comme on doi
sont des constituants du sens parmi d'autres, dont la spécificité et la difficulté
propre est d’étre le plus souvent inexprimés. Une herméneutique cri
s‘emploie Ales expliciter.
inction des niveaux
cture, autrement dit, en
ité de Voouvre. La
Notes
1 objet de ce texte est d’ouvrir une discussion sur les principes de l'interprétation et
@esquisser une réflexion commune sur ce que pourrait étre une herméneutique
critique. Je remercie tous ceux qui ont déja, par leurs objections et remarques sur les
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Questce vine wherméneutque crique s?
premiers états de ce texte, contribué a sa clarification : J. Bollack, L. Crescenzi,
P. Judet de La Combe, Chr. Kénig, P. Llored, F. Mariani-Zini, H. Wismann; et pour
leurs indications: C. Berner, F. Blaise, Arn. Pons, F Rastier, W. Wogerbauer.
2 Pour une élaboration de ce probléme, je me permets de renvoyer 4 mon texte
« Critique et herméncutique », qui introduit le volume Critique et herméneutique dans
le premier romantisme allemand, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p.
9-54
3 P. Szondi ne utilise qu'un petit nombre de fois, avec une relative prudence qui
indique sans doute la conscience qu'il pouvait avoir de son caractére insatisfaisant;
voir P. Szondi, Einleitung in die literarische Hermeneutik, Franefort, Suhrkamp, 1975, P.
11, 25, 185.
4 Voir U. Nassen (64.), Studien zur Entwieklung einer materiellen Hermeneutik, Munich,
W.Fink, 1979. Le volume, par ailleurs utile, prend l'expression au sens de Szondi,
comme « doctrine de l'interprétation des textes littéraires susceptible de trouver une
application dans la pratique ». L’éditeur U. Nassen ne suggére aucune piste, ni dans
Yintroduction, ni dans sa contribution (p. 120-131) ; si l'intervention de
N. Altendorfer renvoie 4 Vherméneutique et A l'éthique de Schleiermacher, celle de
Harro Miller sur Benjamin (« Materialismus und Hermeneutik », p.212s.) renforce la
confusion. F. Rastier a tenté de retrouver une «tradition» & cette herméneutique, voir
F. Rastier, « Liherméneutique matérielle », in J.-F. Mattei (éd.), Le Discours
philosophique, Paris, PUF, 1998 (L’Eneyclopédie philosophique universelle, t. IV), p.
1902-1915. Le terme a peut-tre été suggéré 4 Szondi par ses études sur le jeune
Friedrich Schlegel, lequel aspirait dans sa «philosophie de la philologie» (notes
herméneutiques de 1797) A réunir une philologie « formelle », limitée aux mots, dont
Te modéle était pour lui I’école hollandaise de Leyde (Tibére Hemsterhuys, David
Ruhnken), et une philologie « matérielle », prenant en compte la totalité historique
d'un contexte, sur les traces de ce que Winekelmann avait pu faire pour l'art antique;
voir F. Schlegel, « Philosophie de la philologie », in Critique et herméneutique dans le
premier romantisme allemand, Lille, PUS, 1996, op. cit., p. 183-240.
5 Car une telle « herméneutique formelle » est tout A fait concevable, comme I'a
montré J.-M. Salanskis, L’Herméneutique formelle, Paris, CNRS, 1991
6 On peut supposer que le terme d’« herméneutique formelle » est consciemment évité
Szondi pour ne pas risquer une confusion avee la « lecture immanente » d'un
Staiger. Sur la situation polémique de Szondi, voir J. Bollack, « Un futur danse passé.
Liherméneutique matérielle de Peter Szondi », in La Gréce de personne, Paris, Seuil,
1997, p.117-127, et W. Wogerbauer, « Emil Staiger », in Chr. Kénig et al. (éds.),
Wissenschaftsgeschichte der Germanistik in Portrat, Berlin-NY, W. de Gruyter, 2000, p.
239-249.
7 Voir en particulier P. Szondi, Briefe, 64. par Chr. Kénig et Th. Sparr, Franefort,
Suhrkamp, 1993.
8 Voir « L’herméneutique de Schleiermacher », publié en 1971 dansla revue Critique.
Schleiermacher a enseigné en fait alternativement Vherméneutique « générale »
(comme en 1809-1810), essentiellement subordonnée a la logique (la Dialectique), et
Vherméneutique spéciale du Nouveau ‘Testament en s'appuyant au début sur les
traités d'Ernesti et de Morus, dont le caractére «littéraire» est second, mais
effectivement présent. La portée philosophique de Vherméneutique ne peut guere étre
appréciée chez lui indépendamment de sa Dialectique (trad. Paris, Cerf, 1997). La
place de I’herméneutique dans sa philosophie a été manifestement surévaluée par les,
lectures cherchant & faire de lui un ancétre de l'herméneutique philosophique. Pour
tune présentation des relations entre dialectique, éthique et herméneutique, voir C.
Berner, La Philosophie de Schleiermacher, Paris, Cerf, 1995,
9 Sur la relation inédite dans l'histoire intellectuelle entre la philologie et la critique
de la raison, je renvoie a mon étude « Critique philologique et philosophie chez Le
Clere, Heumann et Kant », Revue Philosophique, 1999, p. 151-168,
10 La pluralisation du champ de 'herméneutique depuis une quinzaine d’années a eu
pour effet de relativiser d'autant l'emprise de « I'herméneutique philosophique », plus
présente désormais sur le terrain éditorial que dans la discussion de fond. Le
constructivisme de Hans Lenk, l'interprétationnisme de Gtinter Abel, les discussions
autour de la philosophie du signe de Josef Simon, ou le grand mouvement de
redécouverte de « lherméneutique générale » des XVIle et XVllle siécles par des
chercheurs comme A. Bibler, L. Cataldi Madonna, W. Alexander, R. Sdzuj, et
O.R. Scholz, avec I'accomplissement théorique livré par ce dernier dans Verstehen und
Rationalitit (1999, 20012), ont substantiellement transformé les conditions de la
discussion, non seulement en Allemagne, mais en ouvrant également des ponts avec
la philosophie anglo-saxonne, Quine, Lewis ou Davidson. Il y va dans ces entreprises
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philosophiques de la redétermination d'un concept de « rationalité » que l'on ne
Saurait réduire a « l'explication scientifique ». Le theme critique n'est pas central, &
moins que l'on tiene déja pour «critique» le simple fait d'exiger des raisons et une
argumentation pour les hy pothéses que l'on avance.
11 Jentends par IA que Ton pergoit mieux maintenant les solidarités, masquées
haguere par les oppositions idéologiques, entre par exemple Adorno et Heidegger; la
floraison d'un nictaschéisme et d'un heideggerisme «de gauche » a sans doute joué un
rdle, de méme que les efforts pour combler la séparation entre une philosophie
« continentale » herméneutique et une philosophie « transatlantique » analytique,
dont les derniers développements autour dune « rationalité herméneutique » sont
significatifs (voir note 9 ei-dessus), le regain d'intérét pour les sources communes de la
« philosophic autrichienne » d'oi proviennent largement la phénoménologie et la
Philosophie analytique (voir J. P. Cometti-K. Mulligan. [éds.], La Philosophie
autrichienne, Paris, Vrin, 2001), ou encore des entreprises philosophiques comme celle
de E. Tugendhat ou de K-O. Apel.
12 Si tous deux sont entigrement contemporains, ayant été collegues & Université
Libre de Berlin, leur réflexion herméneutique ne Vest pas, Aprés la disparition de
Szondi, Jean Bollack a entrepris, avec certains des éléves de Szondi, V'édition de ses
ceuvres et de ses cours, ll a également beaucoup fait pour introduire son auvre en
France, en publiant plusieurs volumes de traduetions (Peter Szondi, Poésie et poétique
de Vidéalisme allemand, Paris, Minuit, 1975 [TEL Gallimard, 1991] ; Poésie et postique
de la modemité, Paris-ille, MSH-PUL, 1981 [édité par M. Bollack] ; Introduetion @
Therméneutique litéraire, Pavis, Cerf, 1989 [traduit par M. Bollack]), en organisant,
avec Mayotte Bollack un colloque sur son oeuvre (M. Bollack [6d.], L'Acte eritique. Sur
Teeuure de Peter Szondi, Paris-Lille, MSH-PUL, 1985), en explicitant enfin ses positions
dans le texte déja évoqué, « Un futur dans le passé. Uherméneutique matériclle de P.
Szondi », in La Gréce personne, loc. cit, Mais il n'a entrepris véritablement un effort de
clarification de sa pratique qu’ partir des années 1970, pour aboutir seulement dans
les derniéres années du sigcle passé, avec la composition du recueil La Grice de
personne en 1997, le livre d'entretiens réalisé avec Patrick Llored en 2000, Sens
contre sens. Comment lit-on ? (Lyon, La passe du vent), qui contient le rappel de
certains thémes herméneutiques ainsi que 'explicitation de ses prises de position dans
Te champ des sciences humaines, enfin avec la « poétique » parue en allemand,
ensemble de réflexion sur la poésie moderne partir de Veruvre de Paul Celan, Paul
Celan. Poetik der Fremdheit (Vienne, Zsolnay , 2000).
13 Jem'inspire librement, dans cette section, d'une présentation faite au Literaturhaus
de Berlin le 12 mai 2001 lors dune table-ronde consacrée & Sens contre sens, dans le
cadre de CitéPhilo
14 Le principe n'est pas neuf, mais il fallut sans doute attendre Schleiermacher et
F. Schlegel pour le voir affirmé dans toute sa portée. Ce qui change est ce que l'on en
fait,
15 Voir par exemple ci-dessus L. Bianchi, « Interpréter Aristote par Aristote », et les
références a la philologie dAristarque, p. 276s., et note 16. Spinoza en a donné une
formulation propre dans son Tructacus theologico-politicus, cap. Vii: « La connaissance
de I'Beriture doit tre tirée de I'Eeriture méme, de méme que la connaissance de la
nature dela nature méme » (tr. Ch. Apphun, p. 139). Voir M. Walther, « Spinomas
Kritik der Wunder - ein Wunder der Kritik ? Die historisch-kritische Methode als
Konsequenz des reformatorischen Schriftprinzips », Zeitschrift fr Theologie und Kirche
87, 1990, p. 68-80.
16 Pour une large part, herméneutique « philosophique » reprend le rapport au texte
qui prédominait dans 'herméneutique théologique dogmatique ou dans une philologie
affirmant fortement le statut normatif des classiques. Le constat est évident chez
Gadamer; voir par exemple Ia critique qu’en fait K-O. Apel, Transformation der
Philosophie I, Francfort, Suhtkamp, 1973, . 47 8.
17 Jeme contente de renvoyer sur ce point, outre aux travaux de J. Le Brun et de
F. Laplanche, 4H. Graf Reventlow-W. Sparn-I. Woodbridge (éds.), Historische Kritie
und biblischer Kanon in der deutschen Aufklarung, Wiesbaden, 1988.
18 Par « hétérologie », j'entends la position théorique qui considére que la relation
@'appartenance ontologique prime sur l'exercice des fonctions du sujet. Elle est le trait
commun d'une herméneutique d'inspiration heideggerienne, mais, plus
généralement, d'une herméneutique de structure théclogique. La « destruction » des
catégories de « métaphysique », « raison >, « subjectivité » ou « identité » renvoie A
un primat de l'autre sur le méme qui n'est pas moins problématique que la position
critiquée.
19 Voir les éléments d’herméneutique comparée dans M. Tardieu (éd.), Les Regles de
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Vinterprétation, Paris, Cerf, 1987,
20 Ce souei, présent chez Dilthey, sexprime directement dans les cours du jeune
Heidegger, Ontologie (Hermeneutik der Faktizitat), GA 63, 1988, qui annongaient
Vélaboration du « comprendre » en un « existential » dans Sein und Zeit (§ 31-34).
21 Cette extension est opérée_systématiquement dans 'Herméneutique de
Schleiermacher, qui recommande d'emblée de faire « comme si » l'ensemble du texte
ait « obseur ». Peter Szondi en a réaffirmé avec force le caraetére heuristique dans
son essai « Sur la connaissance philologique », in Poésie et poétique de la modernit
je, MSH-PUL, 1981
sidans J. Bollack-H. Wismann, Héraelite ow la séparation, Paris, Minuit, 1972,
seconde édition 1995 ; J. Bollack, « Lecture de l'antique », in Poésie contre poésie
Celan et la littérature, Paris, PUF, 2001, p. 196-204,
23 La « signifiance » ne présente pas, par ailleurs, une détermination suffisante pour
indiquer Tobjet de Vherméncutique, ni dans sa définition «pragmatiquer de
«communicabilité », ni dans lacception kristévienne d'une « productivité » des textes
dans un réseau indéfini, Le terme est récent en frangais, sans tradition d'emploi bien
anerée, Souvent, il apparait pour rendre le terme allemand de « Bedeutsamkeit »,
distinct de la « Bedeutung », la signification proprement dite. Ml renvoie alors A un
terme propre de herméneutique (voir Vétude de G, Scholtz, « Bedeutsameit. Zur
Entstehungsgeschichte eines Begriffs der hermeneutischen Philosophie », in Zwischen
Wissenschaftsanspruch und Orientierungsbediirfnis, Francfort, 1991, p. 254-268).
‘Traditionnellement, il traduit l'emphase, a savoir linsistance, l'exeés de sens dont doit
rendre compte 'herméncute biblique : les Feritures ne livrent tout leur sens que si
Yon est en mesure de déterminer précisément selon quelle extension on doit
comprendre ses expressions. Pour un texte dont l'auteur est le Saint Esprit, la lecture
emphatique est séricusement recommandée dés que le texte parait excessivement
banal. Le concept regoit une détermination nouvelle a Vaube du XIXe siécle, dans un
contexte esthétique, of il renvoie a une forme de « capacité a faire sens » conférant
aux quvres un caractére relativement inépuisable, en vertu de leur propre
constitution sémantique et non plus des intentions du Saint Auteur. Ainsi pour
F. Schlegel, « Vidéal de la poésic romantique est la plus grande Bedeutsamkeit » (KA
XVIIL, 217, n, 271). Une infinité du sens est exprimée par la, dans la mesure méme ob
elle reste felativement inexprimable. Elle fournit le prétexte A une compréhension
infinie qui caractérise en propre les ceuvres classiques. Enfin, chez Dilthey,, le terme
assume une fonction spécifique au sein d'une philosophic de 'historicisation radicale :
est « signifiant », pour Dilthey,, ce qui se rapporte constitutivement a une totalité, par
exemple un événement historique Voit son importance/signifiance décidée en fonction
de son réle dans la totalité historique. La « Bedeutsamkeit » désigne ainsi une valeur
relative dans une totalité elle-méme relative
24 Voir dans la « resémantisation » V'expression d'une «prétention a la validitéy de
tonalité habermassienne ne rend pas compte dela singularité dans la constitution de
Voouvre. Si les oeuvres ont un « contenu de vérité », dont il faudrait pouvoir
déterminer la nature (dans J. Bollack, Poésie contre poésie, Paris, PUF, 2001, p. 327,
il sa stement d'une vérité singuliére qui a pris forme, et qui dure ainsi, et
non d'une vérité éternelle que 'ceuvre ne ferait qu'exprimer), il ne parait pas, en
revanche, que cette « vérité » soit du méme genre que celle en jeu dans une
rationalité communicationnelle, ne serait-ce que parce qu'elle parait indissociable de
sa forme esthétique. Autre chose est la prétention a la validité des interpretations de
Veeuvre, autre chose est la prétention de l'ceuvre elle-méme. La premiére est une visée
de l'universel, la seconde en revanche la revendication universelle du droit de la
particularité. La redescription de la philologie bollackienne dans les termes de la
«seconde école de Francfort » ne me parait pas plus éclairante que dans ceux de la
premiére. Autant la «critique des interprétations» reléve bien dune rationalité
contradictaire et pourquoi pas communicationnelle, autant « T'interprétation
critique » ne Vest qu’en restant philologique, lige A une lettre qu'elle doit d'abord
servir, au besoin contre les multiples appropriations dont elle a fait objet. Il y a la
deux niveaux de discussion distincts.
25 Selon ce principe, le sens d'une phrase ou de toute expression résulte du sens de ses
composants; voir G. Frege, « Das Gedankengefiige », in Logische Untersuchungen,
Gittingen, 1966, p. 36.
26 Le modele le plus excessif et le plus naif d'une telle herméneutique se rencontre
chez Friedrich Ast, £léments de grammaire, herméneutique et critique (1808), Landshut
(trad. in Critique et herméneutique dans le premier romantisme allemand, op. cit., p. 287-
314), mais son intérét est justement de faire ressortir les facilités que s'octroie
volontiers l'déalisme herméneutique.
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27 Cela malgré certains effets d'actualisation, en particulier a propos e'Epicure et de
Vappréciation de la contingence des phénoménes météorologiques dont la portée anti-
sy stématique a pu étee exagérément soulignée ; voir Jean Bollack-André Laks, Epicure
@ Pythoclés, Lille, PUL, 1979 ; ef. A. Renaut, « Philologic, philosophie », Temps de la
réflexion 1, 1980, p. 393-415
Pour que l'on se représente effectivement oi peuvent tendre de telles nostalgies
d'une compréhension plus « authentique » des Présocratiques, il suffit de rappeler
Vaccueil fait en 1935 au volume Die Vorsokratiker de Wilhelm Capelle, part chez
Krdner, a Leipzig :« Die fren griechischen Denker vor Sokrates, m1 denen Nietzsche
als mu ewigen typischen Gestalten der Welterkenntnis aufsah, sind uns Keine tote
Vergangenheit : hier liegt der Ursprung der Philosophie als unvoreingenommener
Betrachtung und Erkenntnis des gesamten Dascins (..) » (Der Freihetskampy, Dresde,
22 décembre 1935).
29 Voir K. Petrus, « Die intentio auctoris in Hermeneutiken des 17. und des frithen 18.
Jahrhunderts », Philosophisches Jahrbuch 103, 1996, p. 339-358
30 A plus forte raison, quand sagit de textes modernes ou contemporains, une telle
“Csubjectivité » peut elle-méme étre diversement réfléchie, voire aboutir & des formes
Gélaboration extrémement complexes, comme c'est le cas chez Celan
Uherméneutique accompagne cette complexité en proposant une théorie adéquate de
la subjectivite poétique « eélanienne » dans sa double face de «je historique» témoin
des événements et responsable devant une mémoire, et « tu lyrique », la main qui
écrit, dans la langue, sous Te contréle du premier. Voir Jean Bollack, Paul Celan. Poetic
der Fremdheit, p. 15-43, une discussion dont les termes sont posés, ce n’est sans doute
pas un hasard, en référence au Nietzsche de Ia Naissance de la tragédie et a sa
condamnation ¢'Archiloque
31 Voir P. C. Bori, L'Interprétation infinie, Paris, Cerf, 1991
32 Chez Gadamer, un tel « dialogue» présuppose subrepticement une
Substantification de a tradition : c'est elle qui me parle a travers le texte
Pour citer cet article
Référence électronique
Denis Thouard, « Qu'est-ce qu'une « herméneutique critique » ? », Methodos [En ligne], 2|
2002, mis en ligne le 05 awl 2004, consulté le 14 septembre 2012. URL
http:/methados.rewes.org/100 ; DOI : 10.4000/methados. 100
Auteur
Denis Thouard
C.NRS,, UMR « Sawoirs et textes »
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La question de la « forme de la philosophie » dans le romantisme allemand. [Texte
integra
aru dans Methodos, 1 | 2001
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