You are on page 1of 9
Pour une didactique de Poralité Enseigner le francais tel qu'il est parlé Collection dirigée par J.-C. Beacco, V. Castelltt, J-L. Chiss ‘Mes remerciements vont a mes collegues pour leurs consis et leurs commentaires, Cet ouurage a béndfcié de relectures différentes périodes de son écriture : je remercie infiniment Jean-Claude Beacco Jean-Louis Chiss pour leur inspiration et leur patience, mais aussi Francine Cicurel, Sandrine Wachs et Véronique Castelloti sans coublier les membres de Uéquipe édicoriale qui assurent la qualité de cette collection. Rocderer Geaphisome intéricur et couverture A Mise en pages: Texroh! (Dole) “Le phowcopillage, ce ge buf alles dea phorocopie ne torsion devas der deur. Largement pun danse ealinernentsenignement, le phosocpilage ‘menace avec dle, car mex endanger son éulibreéonomigu. Il pive les acs Tune jue rnc. Ea deho de Tage pv du copie tute reprdcsion treo parle deer owrage oie” “Lalo da 11 mars 1957 sawing, a cme des alin 2 3 de Tai, une pre, gue le copes ou reproducion seitement rarer & Tage pid copie eno dens tune uation colt” eau pr, qc ls ass et scouts Gtatons das un but ‘exemple illusion, "owe repesentatin ou reproduction inral, o partl ite Sans le consentesent de Tauteut ou de ves ayant die ou ayant ce, ct ice” (ainda TP deride 40) "Cae m0 reprodson, par qulgue procédé que ces, onsiueni donc une conreagon snconnée parle aie 425 et sans du Code pal” © Les Eations Didi, Paris 2013 Dept janie 2013 — 6087701 Abst dipriner par Dap Print 4 Domo (95) en javier 2013 npr on Pree IN? dlimpression : 221113 ISBN :978-2-278-06087-1 Sommaire INTRODUCTION ET ORGANISATION DE L’OUVRAGE Couper 1 Interrogations autour de loral 1.1. Domaine et objet d'étude. 1.2. Loral, une definition sémantique large 1:3. objec « langue frangaise ». Cusprree 2 Rapport au langage et représentations du francais parle Ppa ese ake oa Bs fete 2.2. Quel vecteur historique en artitre-plan? 2.3. Les eprésentations en didacrique du francais langue maternelle 2.4, Les eprésentations en francais langue érangére 2.5. Le langage : des systges et des zones de recouurement Carrer 3 Production et transmission du sens 31. Traiter du sens et se comprendre. 3.2. Des sytémes en paralile 3.3. Le développement du langage s fait Pintévieur de chang 34. Geammane dea provoorston, " 3.5. La grammar de Foralitéen contexte didactique Charme 4 Apprendre 3 prononcer le francais : de nouveaux contrdles 3 acquér 4.1. Les variations contemporaines de a prononciation 4.2; Comment varient les voyelles ? 4.3. Les consonnes et leur variabilité. 4. Vers une planification du travail sur Poralicé 4.5. Une approche de la prononciation par exemple Guserme 5 Svexprimer 3 Poral, quelle syntaxe 2 1. Des regroupements d’énoneés différents & For 5.2. Les « mots du discours», une valeur fonctionnelle 5.3. Des ponctuants de confirmation et d'organisation \s 2 " “ ees 2 1 ra Cnapirre L Interrogations autour de Voral Cette réflexion autour de la didactique de oral sinserit dans le cadre des études portant sur le frangais comme langue non ‘maternelle ou 12, plus particulitrement & intersection entre les recherches sur son usage réel, son apprentissage et selon 'évolu- tion des préoccupations contemporaines (contacts des langues, mutation des modes de communication, variations dans les pratiques, évolution du rapport au langage dans les milieux insi- tutionnels et dans les espaces privés, nouveaux supports, et) A Vévidence, le champ de oral a subi dimportants change- ments : méthodes actives, authenticité,fonctionnalité, approches, globaliste et communicative, descripreurs de compétences, autant de termes clés issus des cadres théoriques & Vorigine des innovations, Ce terme polysémique « d’oral » englobe des réalités dlverses,allant de Pacquisition des processus au traitement et aux -modalités pédagogiques. Le point de vue adopté ici est donc celui de la parole comme pratique langagiére dans son usage le plus réel possible, cest-3- dire en interaction entre locuteurs ou devant un auditoire. Dans cette action se joue aussi 'intercompréhension, avec linterpréta- tion qui est essentielle pour que la construction de nouveaux savoirs et savoir-fare puisse se faire abordées, mais offrir une topographie de ensemble ‘complexe des éléments en jeu i 'oral. - Domaine et objet Sétude ‘Le questionnement auquel renvoie « Voral »définit un objet spectre large et affiche une conception pluridisciplinaire du langage. On parle tantot de communicatif de cognitif. donaité, déerits oralisés, doral scolaire ou encore d'wage, Vobjet oral recouvre des réalités variables selon les contextes et les cultures ducatives, mais aussi selon la manigze dont on caractérise les ‘objets oraux produits (monologue, dialogue, en référence & des genres et reposant sur les présupposés linguistiques de I'érit). ls supposent un rapport & autre (formes de respect, conduites et conventions) impliquant la référence aux signaux qui orientent les choix sociodiscursifs et donnent sens aux microsystémes change. Certains traits sont implicites, ireégulies, subjectifs ‘ou invisibles (cognitif, imaginaire, affect). Les schémes et les représentations en place dans la langue premiére du sujet appre- nant sont parfois en conflit avec ce qu’ est supposé apprendre et contréler en langue étrangére (désormais LE). Chacun a sa maniére personnelle et ses préférences pour traiter les données & partir de sa propre expérience. Bref, loin d’étre neutre, l'objet oral est fondé sur implication sociale, vecteur de motivation, Que dit-on en théorie ? Nous avons & faire 4 une activité mentale & laquelle nous slavons pas directement accts, sauf par des margueurs Elle est dune part une « activité qui permet de construire des représenta- tions», d'autre part une activité de « référenciation », Cest-A-dite qu'on renvoie toujours a des choses dont on parle (Culioli, 2002: 75). La perspective socioconstructiviste vygotskienne fondée sur le principe que le développement du langage prend racine dans ‘\12 les activités sociales. C'est la une base théorique forte de Vygotski (1934/1985) pour conceptualiser le lien entre interaction et appropriation de activité de langage : sous la direction adultes, dans un milieu collectf, le sujet réussit 4 mieux déve- lopper le langage quien apprenant seul. Nous verrons dans le chapitre 3 que le discours parlé est & voir comme un processusen mouvement qui se déploie séquentiellement dans Pactivité sociale, Ces préoccupations supposent alors que soit questionné au fil des chapitres le cadre épistémologique dorientation des recherches en didactique de la réception/production langagitre, avec un regard rétrospectif et actuel,justement sur le rapport a la fangue et au(x) langage(s). Dans I'activité parlée, des mécanismes opérent, & partir desquels nous construisons des catégories gram- ‘maticales, des mises en relations, de telle sorte que nous puis- sions référer : pour Culioli (2002 : 174), « le margueurest la trace de ces opérations » elles sont évidemment complexes, puisqu’in- teragissent des facteurs locaux (le contexte étroit) et globaux (la situation) sur lesquels devra porter le travail de mise en discours. Des ajustements de formes reliées au sens (les potentialités sémantiques) interviennent dans le jeu de la double intention entre émetteur et récepteur. Quels outils d observation proposer ? Us vont de la connaissance « savante » par les apports linguis- tique et phonétique, a celle plus ciblée de la didactique et de sa transposition. Ils forment un continuum et favorisent la prise de recul par rapport aux barrages normatifs et idéologiques. Ils doivent permettre & 'enseignant de problématiser des situations, rmalgré leur caractére intersubjectf. Un certain nombre de déterminations sociales mises & jour par les travaux de sociolinguistique ont levé des barritres entre syntaxe, sémantique, pragmatique et prosodie (Labov, 1976; Levinson, 1983 ; Bakhtine, 1984). Mais la description linguis- ‘ha tique savante explique les phénoménes langagiers, elle ne livre pas pourautant les clés pour produire les énoncés « corrects » ou ‘ni pour gérer la variabilité. Il n'ya pas liew ici de tomber dans le réformisme didactique ou dans la systématisation inspirée des courants structuralistes, ni d'appliquer des pratiques nouvelles & des objets anciens. action de l'enseignant a besoin de moyens; des connais- sances, des dispositifs et des outils objectivés doivent Vaider & agérer les tensions que provoquent la pluralité des discours et les ‘modialités de coproduction de sens en présence dans I'échange oral, Lethnographie, par exemple, est utile pour comprendre les pratiques langagiéresinhérentes&la culture communicationnelle scolaire, dans ses dimensions interactionnelle et rituelle, Les travaux en sociolinguistique permettent une meilleure connais- sance du langage et des interactions. La phonétique permet de comprendre la prononciation, elle-méme fucilitant le dévelop- pement des capacités interprétatives et de production, etc. C'est Pourquoi notre cheminement tend vers un rapport équilibré entre la connaissance conceptuelle et une conception des ‘comportements langagiers, ‘Au cours de notre réflexion, et dans un souci de présentation et de rigueur, ila fallu opérer des choix et ne pas énumérer les orien- tations théoriques ; des raccourcis et des omissions sont inévi- tables, 'appartenance claire telle ou tele école a proscrire. Mais quentend-on exactement par oral? 1.2. L’oral, une définition sémantique large ‘Nous avons dt plus haut que la désignation générique « d’oral » recouvre des réaltés floues et variables ; il faut donc sentendre sur la polysémic des notions couramment employées & des fins pédagogiques, éclairées par des concepts rencontrés sur les diffé- rents plans en jeu dans la parole. mse La définition sémantique large de Voral vient essentiellement de ce quelle concerne des secteurs décomposables (discours, prosodic, prononciation, etc.) et des fonctions. spécifiques, ‘communes et complexes dans les champs d'intervention théo- riques concernés. On parle de « pratiques linguistiques » ou «langagiéres», mais aussi « d’inceractions verbales » ou « de prise de parole » pour désigner Uactivité langagidre, pratique sociale & part entire, Autrement dit, ilfauc tenir compte des transforma- tions qui sont supposées se produire dans les formes, les genes, les interprétations et les rapports que ces discours entretiennent centre les sujets. Pour dépasser ce cloisonnement, privilégions la perspective de dynamique langagitre de l'objet qui nous oblige & inclure les hybridations de style par les locuteurs, ou registres de langue. Ce terme pédagogique nlaborde pas toutes les configura- tions de la variation (voir chapitre 4), car en sus de la variabilité individuelle qui caractérise les discours, une langue progresse et surtout : «les pratiques discursives changent et fragilisent les représentations, des plus prégnantes aux plus volatiles » (Chiss, 2010: 12). Ex pourtant, il est intéressant de rappeler le présupposé selon lequel la différenciation des discours structure lespace social et définit des normes. Le point de vue variationniste va sans doute apporter un éclairage complémentaire par l'étude des pratiques langagiéres authentiques en contexte social. Gadet (1989, 2003, 2007) envisage en effet la langue comme une rencontre de varia- bilités sociales et langagitres en mouvance : «II nest de langue 4que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifies[..., les fagons de parler attestent de différences, d'inégaltés et de discrimination » (Gadet, 2003 : 7) Ainsi, tous ces facteurs diversifiants ~ qui occasionnent les différences de parlers ~ méritent une entrée plus objectivée en didactique, sans pour autant enfermer les données dans un cadre higrarchique, qui fige une nouvelle fois les discours paris. Le terme « discours » subit lui aussi des démarcations contras- tes selon les prises de position théoriques : les divcours concet- “hs nent toute production langagiére (@ la fois processus et produit) dans le cadre des pratiques et des mises en discours, « pratique envisagée comme acte langagier effectif» (Achard, 1995 : 84). Dans ce sens, 'éclairage des travaux de sociolinguistique, interac- tionnelle, de phonétique, de linguistique discursive et dethno meéthodologie constitue un apport précieux. (Culioli, 1983 ; Gadet, 2003 ; Blanche-Benveniste, 1997 ; Laks, 2005 ; Goffman, 1987 ; Vaissitre, 1997). Par ailleurs, le développement de nouveaux langages saccélére et tend 4 modifier le statut des Jangages : le nombre de SMS progresse de 10 miliards en un an (45,7 milliards de messages, + 28,8 964). Des formes et des trans- formations sopérent, dans lesquelles chacun se reconnait aujourd'hui : l'efacement grandissant des frontiéres non seule ment géographiques, mais entre oral et écrit a des effets sur la communication par les nouveaux supports médiés par ordina- teur. Il sufft d'observer les traces du parler dans l’écrit,relevées ddans les réseaux sociaux Twitter et Facebook : «je suis un bowler, une gamine, une meuf trop gitée... pi quoi encore ??2voilaadadlchte ppaarle!» Aujourd’hui, il est difficile d'esquiver ces probléma- tiques dans l'enseignement/apprentissage d'une langue étran- gere, sachant combien sont encouragés et multipliés Jes échanges etla mobilité des jeunes, Un objee didactique élaté Lobjet oral dans son positionnement didactique semble aujourd'hui éure éclaté. Encore en question ily a peu de temps, la ion de ses contours et de son positionnement cherchait sa légitimité au sein de la communauté scientifique (voir Chiss & Puech, 1999 ; Marquillé Larruy, 2001)°. Il est toujours délicat d'aborder la didactique de Voral (des langues) sans considérer sa solidarité avec les conceptions que Von ait du langage, & travers l'histoire ou les traditions éduca- tives. Les débats sur le statut de la langue, ses limites ou ses fron- tibres sont assez récents : Chiss (2010 : 38) dresse un panorama sur la maniére dont les identités disciplinaires se sont cherchées affirmant « une revendication d’autonomie et de scientificité». Lincontournable « contextualisation dela didactique des langues est confrontée & une pluralité de variables rout en cherchant les voies d'une théorie d’ensemble» (2010 : 44). Faut-il rappeler que les parlers ont longtemps échappé la légitimité du « fran- sais des milieux cultivés » du début du sidcle, Pour affermir aujourd'hui cet incontournable lien, soulignons aprés Narcy-Combes (2010) que la réalité dépend aussi de nos interprétations et de nos connaissances : d’alleurs, en interro- geant des personnes d'ages et de milieux variés sur la notion génétique de «langage parlé », on voit émerger des propos comme : «les jeunes parlent mal » (Robert, 60 ans), « je fais des fautes quand je parle » (professeur de frangais aux Etats-Unis), «bien parler c'est sexprimer dans une grammaire correcte » (Isabelle, 49 ans’). Loral est un construit social, délarait deja Bachelard (1938) : oon est alors en droit de se demander si la notion de langue lgi- time ou officielle est une entité réelle ? Les construits représentent des comportements non observables, inférés par une mesure de comportements « logiques, appropriés ou corrélés » (Narcy- Combes, 2010 : 117) :les construits, explique auteur, se fondent sur des régularités apparentes, personnelles ou collectives. Nos interprétations deviennent ensuite des réalités objectivées voire diocinie dee 16 des certtudes constitutives des «illusions ontologiques » (Narcy- ‘Combes, 2010 : 120). Il serait intéressant dés lors de comprendre comment une société transforme la langue et les usages et comment histoire a contribu¢ & caractériser le langage. 13. Loobjet « langue francaise » Si une langue est vecteur d’enrichissement linguistique, rappe- Jons que la « langue francaise» n'a pas toujours été appréhendée ‘comme un fait social et qu’en France, elle a une longue histoite Ta langue et Institution ont aussi un rapport singulier. Le fran- sais que nous utilisons aujourd'hui est la résultante d'une histoire de plus d’un millénaire ; la langue frangaise est devenue un objet institué et de référence au fil des sitcles. Le frangais actuel est le résultat d'une histoire de plus d'un millénaire, il suffie de lite un texte du Moyen Age ou du xvur sitcle pour le constater (Marchello-Nizia, 2003 : 15). Par exemple, le gaulois, parlé, mais peu écrit, entre le v av. J.C. et le 1 apr. J-C., puis le germa- nique, langue des nouveaux conquérants qui se sont installés cing sicles apres les Romains, ont contribué a fagonner le latin parlé, explique Vauteur. Ces changements de forme s’opérent lentement, ils entrainent, selon Marchello-Nizia (2003 : 11), « des compensations permettant de sauvegarder la fonctionnalité de la langue ». Dans un ouvrage consacré & ’histoire de la langue frangaise, Yagullo (2003) tence de retracer comment ls struc- tures de la langue s/adaptent aux conditions de leur emploi dans lune communauté oit des populations se sone succédé et mélan- gées'. Lexistence dune langue orale reconnue comme différente du latin date du n° sidcle, cest-i-dire a la fin du régne de Charlemagne : ce sont alors les débuts de la langue francaise, encore appelée la lingua romana rustica, littéralement « langue romaine rustique ». Depuis le xv sitele, le frangais a évolué lentement : sans doute parlait-on déja depuis longtemps une i Edens au Seu autre langue que le latin dans les régions de France, mais c'est & cette époque que les locuteurs en ont pris conscience, explique Yaguello (2003). Quelques sitcles plus tard, cette langue est appelée romans, puis frangois et enfin francais. Plusieurs temps forts historiques posent les jalons de ’évolution de notre langue sur différents plans (prononciation, grammaire, construction des phrases, vocabulaire): les célebres Serments de Strasbourg (842) portent par exemple les traces de la réduction de la déclinaison latine a deux cas. Das le xt stele, le vocabulaire évolue sous l'in- fluence des locuteurs germaniques. La prononciation elle aussi change & cette Epoque ; les diphtongues se réduisent aux voyelles que nous connaissons aujourd'hui, etc. Vers le xur sitele, de nouvelles formes dialectales propres aux différentes régions de la France ainsi que des langues romanes se mélent aussi a la lingua franca. Sans encrer dans les détails ici, vint ensuite le moyen fran- sais (x1v-xv"sidcle), qui fixe des traits du francais dit moderne, et Tinfluence des conquétes coloniales étend le frangais au Québec et en Louisiane (xvr* side), Selon Lodge (1997 : 168), on distingue d'ailleurs les langues de culture cristallisées dans leurs normes, des langues parlées plus secondaires considérées ‘comme des sous-systémes, méme si eles étaient pergues comme indistinctes a I'étranger. En Picardie ou en Bourgogne par exemple, la domination de la scripta parisienne ne date que du xv et du xiv sidcle, Plus tard, aux xvi"-xvtt sidcles, la naisance de l’Académie frangaise et 'apport des dictionnaires conftre au francais lestarut de langue véhiculaire internationale (Marchello- Nizia, 2003 : 18"). Mais dans ses emplois, le frangais est aussi langue de droit; avant l'6poque de la Révolution francaise, elle devient langue nationale pour mettre en avant une politique d’uniformisation et universalisation. Au xv" puis au xvi" siécle, notre langue était ar exemple, pour communiquer ere eur les lettres powaten vernacular en recourant au tatn en mie én, a PRebrev en iaurove 197 * Voir ausel Cerquln {99H Lodge {ig97, Marchello-Ni (1997, 1998) pour swore plus sur olution denolre langue ravers ls siecle. Dans (esp a celle d’un royaume qui parlat plusieurs dialects (Merlin, 1994; Gordon, 1994), La question de unification des parlers évoluait lentement : autour de la Révolution, une grande partie de la population comprend le francais, mais ne lécrit pas (un habitant sur quatre dans les campagnes, ne parle que le patois ou la langue régionale). Léthique de la Cour reste & distance des nouvelles formes de sociabilité. C'est le peuple qui est origine et qui fat évoluer cette légitimité linguistique. Progressivement la langue est investie dans Pactivité publique. La litérature et la presse y contribuaient pour une large part: les écrivains, par exemple, apportaient de nouvelles nuances!" On rappelle toutefois que le roi ne parlait jamais au peuple ; toute cette période de Phistoire défend une langue de purstes qui a ‘marque les esprits. Et pourtant, il faudra parvenir & la construc- tion académique d’une langue commune, ‘Au xvtt® siécl, la multiplication des activités et des échanges, des groupes culturels (académies, concours), le détachement progressif de la royauté, ont transformé les usages publics et développé la langue francaise, méme sila libération des usages reste un phénoméne trés lent. Malgré une dépendance de plus en plus forte de la langue vis-i-vis des normes et de I'érit, on assste 4 une libération générale des usages. On parlait non pas de pratiques orales mais de «savoir converser» aux Xvi et XV sieles. Les grammairiens-philosophes des Lumigres abor- dent alliance entre analogie et usage : un mot est devenu le signe d'une idée par I'usage (Auroux, 1979). Plus tard, le Dictionnaire critique de la langue francaise de Féraud introduit des variations issues des usages parlés. Lorde pratique impose une autre forme de vsibilitéet le bon usage nest plus normé de la méme fagon, cest-i-dite sur les bases d'une a fondation de aleeance au pe inate des académiciens donne 34, retet méme de lang Commune. Les éeriains erate du na sible partipert de cette olution, comme Marvoux quo Gon sumomme «nouveau prciex » cat nsufle des nuances dans ls langue range ou les pls tad. Souse Second Empire cesta monde dela presse des fairest dela publieté gui maltiient es mes de ulgansston scentiique ‘\20 Jangue fixée & un moment précis par Vautorité de I'Académie. Dialleurs, la langue parlée comme « objet d'écude » existat tts timidement en France. Les premitres enquetes sur cette question ont été réalisées vers 1951 pour procéder 4 I'élaboration du fran- ‘ais de base, devenu le «francais fondamental »initié par Rivenc, Gougenheim et Sauvageot!?, Ce conservatisme explique entre autres le caractére récent des travaux de recherche sur le francais oral. D’ailleurs, la conversation n'est devenue objet d'éeude qu’ Ja fin des années 1960 aux Etats-Unis en s'appuyant sur une approche ethnosociologique. En étudiant le vernaculaire noir amétricain, Labov (1976) ~ d'abord motivé par la question de Péchec scolaire auprés des enfants afro-américains ~ apporte & la sociolinguistique de terrain des arguments forts sur le fonction- nement et le statut de parlers en contact”, sur la portée sociale et Educative (forcément subjective) qu’ont les locuteurs de ces parlers. Aujourd’hui, Vobjet «langue francaise» en didactique est somme toute irréductible aux enjeux, aux orientations socioédu- catives et & son histoire. Les contextes pluriculturels, multicth- niques et bi-plurilingues font eux aussi varier les enjeux. Dans la perspective de valorisation des compétences (Cadre européen commun de réfirence, désormais CECRou Cadre, 2001), le mythe du bi-plurilinguisme aux compétences parfaitement équilibrées (entre celles de I'critet celles de oral) est en voie d’étre repensé rete, Des corpus ‘mmission 4 frangasfondameatal » craignar que la gro onciton des temojne sot jugee «vulgare» enous en cae mpossble fire Hiurer ne liste ce rélrence du francais paré. Dans le regstre de anecdote, Rvenc ‘epandant dead, ca ils ependen Seaatiiee ceo tay epi cage réterble de rtonr «tres +( aoc Gi con ime ql apparent Cs ent, toute convergeantavee furs de traces dor Les spécialistes considérent que la variation langagiére fait partie intégrante de la compétence plurilingue ; on encourage davan- tage la gestion d’un répertoire hétérogine de maniére intégrée (Coste, 2001 ; Blanchet & Coste, 2010). és lors, le point de vue de « la compétence d’appropriation plurilingue » se voit lui aussi déplacé ; il sécarte d’un apprentis- sage strictement linguistique fondé sur une addition de deux ou plusieurs systémes, Cette compétence sappuie «sur une conscience de la pluralité et sur le déploiement de stratégies mobilisant cette pluralité pour favoriser appropriation » (Castellorti & Moore, 2011 : 250), Dans ce sens, la diffusion des descripteurs de compétences est destinée a clarifier certaines orientations et dessiner une conception renouvelée des compé- tences et des usages langagiers, comme nous le verrons tout au long de cet ouvrage. Cette esquisse des caractérstiques historiques alimente non seulement le questionnement autour de oral, mais permet de comprendre la mouvance de sa désignation, sans oubliet les discours sur la langue qui y contribuent également, en tant que licu oi les représentations se constituent, évoluent, se modifient cet circulent, comme nous le verrons dans le chapiere suivant, "\a9 Cuaprrre 2 Rapport au langage et représentations du francais parlé «On neva tout de meme pas ensigner son ‘maseais”franais? > Les professeurs de frangais non francophones, voirenatifs, sin- terrogent souvent sur les caractéristiques de la variéé des parlers, sur la validité de ses origines ou encore sur le foisonnement terminologique employé en sciences du langage. Le modeéle idéo- logique du francais parlé en mémoire dans les esprits est celui d'une langue considérée comme immuable, car tout changement est socialement vu comme une menace de la langue. Mais lm- muabilité absolue n'existe pas, déclarat déja Saussure (1968), le fleuve de la langue coule & travers le temps sans interruption. Une langue évolue, une grande variété de francais est parlée, en France et dans les pays francophones. En situation de formation, on se fonde avant tout sur la Jangue- systtme, travaillée & partir des supports écrits et dominants, la mission, entre autres, de l'enseignemen/apprentissage étant de proposer un frangais standard, gage d’intégration sociale. De fait, absence ou l'insuffisance de repéres normatifs pose probléme dis quil sagit de lenseignement de Voral. Das lors, la didactique peutlle tirer parti d’une mise en regard des situations langa-

You might also like