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De la Fidélité.
La bravoure.
La vraie bravoure, dans un monde conscient que nous devons
tous travailler à construire, ce sera d’exposer sa vie pour un effet
utile.
Actuellement on trouve brave celui qui expose sa vie, tout court.
On n’examine pas s’il l’expose par ostentation pour éblouir des
témoins, pour leur montrer qu’il n’a pas peur de la mort ni du danger.
On n’examine pas s’il l’expose dans une impulsion pour un effet
futile, qui ne vaut pas son sacrifice.
A la vue de ces actes irréfléchis, s’éveille et applaudit en nous un
très vieil instinct qui nous pousse à admirer le mépris de la mort, le
dédain de la vie.
On dira que ce vieil instinct contient en germe l’altruisme,
puisqu’il nous fait admirer l’homme qui sauve son semblable. J’en
doute. Car on admire aussi l’homme qui risque sa vie pour un tour
de force, pour le plus stupide pari, où nulle existence n’est à sauver.
Ainsi que nos autres sentiments — plus même que beaucoup de
nos sentiments — la bravoure demande à être contrôlée, pour
devenir consciente, cesser d’être parfois un jeu de vanité, pour
s’exercer utilement, noblement, humainement.
La mort.
Religion.
N’est-ce pas une foi, de croire à une justice plus juste, à une
liberté plus libre, à une vie meilleure sur la terre ?
L’altruisme.
Solidarité.
On ne met pas assez les enfants devant cette réalité que, nés
sur un sol, en un temps donné, ils doivent accepter les obligations
de la vie sociale telle qu’elle est régie sur ce sol et en ce temps. De
ce fait, ils ont contracté une sorte d’engagement, touchant les
impôts, les charges, les lois.
C’est là du patriotisme pacifique. C’est aussi un aspect de la
solidarité. Nous devons beaucoup à ceux qui nous ont précédés.
Tout objet dont nous nous servons est le résultat d’une longue suite
d’efforts. Nos vêtements, nos trains, notre téléphone, nous trouvons
tout cela sous notre main, nous jugeons tout naturel de nous en
servir. Mais tout cela nous le devons à ceux qui sont morts. Voilà ce
qui rend les générations solidaires.
[2] Les notes qui composent cet Essai ont été réunies
de 1903 à 1914. Celles qui concernent l’idée de Patrie
datent du printemps 1914. Je n’ai rien à y changer.
J’aurais trop à y ajouter.