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Pour contacter Alain Duclos et Avant-

Scène Conseil
(Formation et Accompagnement) :

contact@avantsceneconseil.com

http://www.avantsceneconseil.com

Illustrations : Valérie Baudry et Aurore Carric

Couverture :
Maquette : PCA

© Dunod, 2019

11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

www.dunod.com

ISBN : 978-2-10-079238-2

Ce document numérique a été réalisé par PCA


À Thierry Destrez qui nous a quittés en 2009.
Avant-Scène Conseil, l’organisme de Conseil et de Formation
dont il est le fondateur, forte de toutes ses individualités,
continue sur la voie qu’il a tracée.
Ce livre est un des éléments fondateurs de notre travail. C’est
pourquoi nous l’avons profondément remanié pour le rendre
encore plus clair, plus complet et plus actuel.
C’est le résultat de ce travail en commun que j’ai entrepris,
avec la collaboration de toute l’équipe Avant-Scène, qui nous
permet de vous fournir aujourd’hui cette nouvelle édition.

Alain Duclos
Co-directeur Avant-Scène Conseil
«Ne sous-estimons-nous pas le rôle qu’occupe la parole dans notre vie ?
Avons-nous vraiment conscience de tous les pouvoirs qu’elle recèle ? Ne laissons-
nous pas en friche une partie de ses immenses potentialités ?
Offre-t-on assez de résistance à tout ce qui s’oppose au déploiement de notre
parole ?
Lutte-t-on assez, par exemple, contre la peur qui s’empare de chacun d’entre nous
au moment, précisément, de prendre la parole devant les autres, notamment en
public ?
Ne laissons-nous pas trop souvent prise à la violence alors que la parole en est
l’antidote le plus sûr ?
La parole est une alternative à la violence du monde, elle bouleverse tout sur son
passage, pourvu qu’elle soit libre, authentique et d’abord soucieuse de l’autre.
Elle acquiert alors une force inouïe. »

Éloge de la parole, 2003


Philippe Breton
Table

Couverture

Page de titre

Copyright

Dédicace

Exergue

Introduction

En quelques mots

ACTE I
Soyez prêt

Chapitre 1 Clarifier ses enjeux

Chapitre 2 Rechercher et organiser ses idées

Chapitre 3 Argumentez « TÊTE – CŒUR – CORPS »

Chapitre 4 Le Plan Persuasif en trois parties

Chapitre 5 Le Storytelling

Chapitre 6 S'entraîner, répéter

ACTE II
Soyez à l'aise le jour J

Chapitre 7 Apprivoiser son trac

Chapitre 8 La congruence
Chapitre 9 Le langage du Corps

Chapitre 10 Visage et regard

Chapitre 11 La voix

Chapitre 12 Parler en style oral

Chapitre 13 S'évaluer et progresser

ACTE III
Soyez à l'aise en toutes circonstances

Chapitre 14 Réussir sa réunion

Chapitre 15 Animer une téléconférence

Chapitre 16 Maîtriser le débat

Chapitre 17 Le Media Training

ACTE IV
Soyez pleinement vous-même

Chapitre 18 La connaissance du cerveau au service de la


communication

Chapitre 19 La métaphore et autres figures de style

Chapitre 20 La rhétorique

Chapitre 21 Exercices

Annexe Powerpoint
Introduction

Déjà 20 000 exemplaires vendus

Ce livre, dès sa sortie, a connu un beau succès. Il est devenu une


référence dans son domaine parce que c’est un ouvrage complet,
accessible, pratique. Chaque édition successive lui a fait gagner en
qualité. Voici ce qui nous a guidés pour cette nouvelle édition.

Des rubriques qui accompagnent l’évolution actuelle

La communication suit certains courants, le Storytelling par exemple,


devenu incontournable dans le monde politique et qui a également
toute sa place dans l’entreprise.
Les technologies évoluent, ce qui fait que nous sommes aussi
amenés à intervenir oralement par télé ou visioconférence.

Une ouverture sur le monde

La télévision, les smartphones, YouTube, les TED Talks et les


réseaux sociaux rendent proches des acteurs lointains. Nos
références ne sont plus uniquement françaises, elles sont
mondiales.
Nous avons là une opportunité de nous enrichir de tous ces
exemples, de tous ces talents : Steve Jobs, Barack Obama, Ken
Robinson…
Des vidéos facilement accessibles sur vos smartphones

Vous trouverez dans la plupart des rubriques des liens Internet ou


des QR Codes. Grâce à une application facile à installer sur vos
smartphones vous aurez directement accès à des vidéos :
• soit pour illustrer ces rubriques (exemples de discours, Ted
Talks, Ma Thèse en 180 secondes…) ;
• soit pour renforcer nos propos (vidéos courtes présentées par
un consultant Avant-Scène).

Demain, vous parlez en public !

Oui, demain est un grand jour, demain vous parlez en public !

À quel titre et à quelle occasion ?

• Vous êtes acteur de l’entreprise et vous devez conduire un


changement, convaincre des prospects, présenter une
innovation, motiver vos équipes, lancer une nouvelle gamme…
• Vous êtes enseignant et vous voulez transmettre vos
connaissances et votre passion.
• Vous êtes engagé dans la vie politique et voulez être élu.
• Vous êtes avocat et voulez faire gagner votre cause.
• Vous êtes simple citoyen et voulez partager vos idées…

Vous voulez réussir vos présentations

Oui, quels que soient votre titre et vos enjeux, vous voulez être clair,
vivant et convaincant.
Vous voulez captiver votre auditoire et l’emmener là où vous le
souhaitez, mais comment faire ?
Ce livre est votre guide

Vous y trouverez une approche rigoureuse, méthodique et facile à


mettre en pratique. Vous y trouverez aussi tous les outils pour
professionnaliser votre prise de parole.
Le plan de ce livre suit la chronologie des étapes d’une prise de
parole et de votre perfectionnement permanent.
En quelques mots

Avant-Scène Conseil

Qui sommes-nous pour vous donner des conseils sur la manière de


vous exprimer en public ?

Des spécialistes de la scène

C’est inscrit dans notre nom : Avant-Scène. Nous sommes ou avons


été des professionnels de la scène, acteurs, actrices ou metteurs en
scène.
Ces compétences nous les mettons à votre service et au
service de l’entreprise ou de l’organisme pour lequel vous
travaillez. Elles sont adaptées à votre contexte.

Des consultants aux expériences multiples

• En étant passés par une Grande École : Polytechnique,


HEC…
• En ayant suivi des parcours universitaires divers : littérature,
psychologie, management…
• En ayant, depuis plus de vingt ans, entraîné nombre de
dirigeants et cadres d’entreprises telles que Thales, Bouygues
Construction, Société Générale, Orange, Sanofi.
Forts d’une pratique internationale

Nous intervenons dans le monde entier : US, Afrique, Moyen Orient,


Chine, Japon, Amérique du Sud… La moitié de nos consultants sont
anglophones. Nous intervenons également en espagnol et en italien.

Des coachs

Spécialistes en sciences humaines et en développement personnel.


Certains de nos consultants sont certifiés MBTI, Herrmann ou
encore Fédération Internationale de Coaching.
ACTE 1
De votre projet à la répétition générale

1. Clarifier ses enjeux


2. Rechercher et organiser ses idées
3. Argumenter « Tête-Cœur-Corps »
4. Le Plan Persuasif en trois parties
5. Le Storytelling
6. S’entraîner, répéter
CHAPITRE 1

Clarifier ses enjeux

Que la stratégie soit belle… mais n’oubliez pas de regarder le résultat.

Winston Churchill

Cinq questions clés

Commençons par le commencement. Vous avez un projet pour


demain : parler en public. Dans quelques jours, en effet, vous allez
intervenir lors d’une réunion, vous allez parler devant une assemblée
ou faire face à un public nombreux.
La première des choses est de ne pas vous tromper : ni de
public, ni de but, ni d’approche, ni de message. Anticipez donc au
maximum et définissez la bonne approche.
Puis, choisissez la forme que vous souhaitez donner à votre
intervention : la durée, le lieu, le dispositif, le matériel, ainsi que
les moyens techniques dont vous aurez à vous servir.

1 À QUI vous adressez-vous ?

Connaissez votre auditoire


Que votre public soit constitué de 5, 50 ou 500 personnes, vous
allez devoir, idéalement, interpeller, toucher, convaincre chacune de
ces personnes. Parler est indissociable de « à qui je parle ».
Chaque personne réagit en fonction de son propre parcours, de
ses valeurs, de son cadre de références, de ses convictions et de
ses enjeux.
Voilà pourquoi vous avez à connaître votre auditoire, à le
questionner, à l’écouter au préalable et, si vous ne l’avez jamais
rencontré, à faire votre enquête. Interrogez des proches, allez sur
Internet, les réseaux sociaux, il y a une mine d’informations à
votre disposition.
Il n’y a pas de présentation standard. C’est pour ce public et
avec lui que vous construirez votre présentation.

Quels sont les profils de mes interlocuteurs ?

Identifiez – ou présumez – leurs statuts professionnels, leurs


fonctions, leurs responsabilités, leurs expériences.

Quelles sont leurs motivations ?

Interrogez-vous sur ce qui les anime et qui peut le mieux les


toucher : quels sont leurs enjeux, leurs attentes et leurs motivations
personnelles ? Et aussi, quels sont leurs inquiétudes, leurs
réticences, leurs a priori ?

Votre public est-il homogène ?

Peut-être aurez-vous la chance de vous adresser à un public


supposé homogène, bien que dans une même communauté de
niveaux et d’intérêts, les motivations diffèrent singulièrement d’une
personne à l’autre.

… ou bien hétérogène ?
C’est le cas le plus fréquent. Il vous faudra donc : respecter les
différences au sein de votre public, élargir le champ de votre
argumentation, varier vos exemples et adapter votre vocabulaire.
Plus le public est nombreux, plus sa diversité s’accroît.

Quel est son niveau de connaissance ?

Le thème que vous abordez, les arguments que vous donnez, sont-
ils connus de tous, compréhensibles par tous ?
Soyez accessible, clair, précis, imagé. Traduisez, donnez des
exemples, vérifiez les réactions dans le groupe et adaptez-vous.
Adressez-vous toujours (mentalement) à la personne la moins
capable de vous suivre et rendez-lui la tâche aisée.
Cette connaissance est une des clés de votre réussite. C’est
nécessaire à l’atteinte de votre objectif. Pour faire un cadeau il est
préférable de bien connaître la personne à qui on le destine. Pour
préparer votre intervention, mettez-vous à la place de vos
interlocuteurs.

2 à quel titre parlez-vous ?

Faites entendre votre légitimité

Selon les circonstances, ou le public concerné, votre position et


votre rôle peuvent changer. Parlez-vous ce jour-là en tant que
hiérarchique ? Expert ? Chef de projet ? Membre de l’équipe ?
Témoin ? Consultant ?… Tenez-en compte et dites-le. Cela clarifiera
votre position et la légitimera. C’est le « d’où je parle ».
Dans tous les cas, comprenez bien à l’avance le personnage
que le public a envie de vous voir jouer. Il vous écoutera d’autant
mieux.

3 POUR QUOI : quel est votre objectif ?


Votre priorité numéro 3 doit être de définir votre objectif réel, c’est-à-
dire la raison pour laquelle vous allez vous adresser aux
participants.
Selon les circonstances, le thème, le public lui-même et votre
but, la focale de votre exposé variera sensiblement. La différence
est grande, par exemple, entre « expliquer » un processus et y
« faire adhérer »…

Informer

L’information est toujours nécessaire, rarement suffisante. Encore


faut-il lui donner un sens, la traduire en action et en avantages pour
vos interlocuteurs. Donnez du relief à votre information, mettez-la en
perspective et éclairez la phase de mise en œuvre. L’écrit
conviendrait d’ailleurs mieux à une stricte information : pourquoi
alors faire se déplacer tant de gens ? Limitez au maximum l’aspect
informatif.

Expliquer

Parfois le sujet est complexe, l’information difficile à faire passer. Il


vous faudra donc expliquer, détailler. Si votre explication est claire,
votre démonstration irréfutable, c’est déjà un pas important de
franchi.
Mais ce n’est qu’un premier pas : au service de quel enjeu, de
quel projet, cette explication a-t-elle sa nécessité ?
Quittez la pensée technique pour la pensée stratégique
Notre éducation, notre savoir et notre environnement technique
nous transforment souvent en « experts » de la pensée
technique : informer, expliquer.
Pour communiquer et persuader, dépassez ce premier stade :
centrez-vous sur le groupe et devenez le « stratège » de ses
intérêts, de ses motivations, de ses valeurs et de ses enjeux.

Sensibiliser

Il s’agit dans ce cas d’obtenir une prise de conscience, d’amener le


groupe à évoluer dans ses façons de voir ou de faire, de modifier tel
ou tel comportement. Vous aurez alors à convaincre l’esprit et à
persuader le cœur des intéressés, c’est-à-dire à les rendre sensibles
à leurs propres intérêts, professionnels ou personnels.

Responsabiliser

Par rapport au but précédent, celui-ci monte en puissance d’un


cran : à l’intérêt individuel et aux arguments factuels vont s’ajouter le
sens du devoir, la solidarité, l’esprit d’équipe et l’intérêt collectif.

Persuader

Voilà bien une des finalités fortes d’une prise de parole en public :
transmettre votre propre conviction à chacun de vos interlocuteurs,
du moins au plus grand nombre. Réunir tant de cerveaux, de
compétences, d’expériences et de désirs (tant de peurs aussi ou de
susceptibilités) cela demande de votre part beaucoup d’implication
personnelle, de générosité, de force.

Engager, entraîner à l’action


Cet objectif représente votre mission ultime. Vous venez d’obtenir
l’adhésion du public, faire qu’au final il s’engage ou dans l’action ou
par écrit (dans le cas d’une vente, par exemple).

Comment obtenir l’engagement effectif,


le passage à l’acte, de votre auditoire ?
• En le lui demandant (et pourtant cet acte simple,
demander, est souvent oublié).
• En argumentant, en mettant en valeur la vision, l’intérêt
supérieur et individuel.
• En vous impliquant vous-même dans l’action : montrez
l’exemple.
• En l’y aidant (pédagogie, moyens, outils).
• Et en le mobilisant sur le résultat positif.

Vous aurez ainsi amené progressivement votre public à avoir


envie d’agir. Cela est d’autant plus nécessaire que dans
l’entreprise l’autorité hiérarchique cède le pas aux responsabilités
transverses. Vous êtes de moins en moins en mesure d’imposer,
vous devez d’autant plus communiquer.
FICHE 1

Informer ou mobiliser :
il faut choisir

vidéo

Sachez où placer le curseur

Plus que technique, pensez stratégie

4 QUOI : quel est votre « Cœur de message » ?


Avoir les idées claires n’est pas si facile. D’autant que le contexte
peut être complexe. C’est par exemple le cas de la réponse à un
appel d’offres, pour lequel beaucoup d’intérêts divergents sont en
jeu : présence d’élus à la vision très politique (plaire aux
administrés…), de techniciens focalisés sur les détails du contenu et
d’acheteurs chargés de réduire drastiquement les coûts.

Faites une matrice SWOT

Strengths Opportunities
FORCES OPPORTUNITÉS

Weaknesses Threats
FAIBLESSES MENACES

Concernant le contenu même de votre présentation

• Forces : ce sont les éléments clés que vous allez mettre en


avant (voir paragraphe suivant).
• Faiblesses : bien sûr, il faut connaître les points faibles de sa
présentation. Soit pour désamorcer l’opposition (« purger » le
sujet), soit pour nourrir la partie Questions/Réponses (voir le
chapitre « Débat » ACTE III).

Concernant les enjeux extérieurs à votre présentation

• Opportunités : c’est ce que vous devez savoir sans pour


autant pouvoir le dire (des concurrents plus chers ou
discrédités, des appuis politiques…).
• Menaces : elles peuvent être connues de vos interlocuteurs
(des concurrents désireux de pénétrer ce marché, échéances
électorales…) ou seulement de vous (difficultés
d’approvisionnement, de management…).
Clarifiez votre « Cœur de message » : le Pitch

Nous verrons dans le chapitre suivant comment structurer


complètement votre présentation. Il s’agit pour l’instant d’en définir
les éléments essentiels. Si vous voulez vous sentir fort, bien armé,
vous devez être capable d’en faire le « pitch ».

Quelle est votre idée-force ?

En une phrase vous devez faire entendre votre message central,


donner la direction dans laquelle vous voulez emmener votre public.

Quels sont les trois messages clés au service de cette idée-


force ?

Il peut s’agir des trois atouts, trois raisons, trois arguments, trois
actions. Ce chiffre trois n’est pas un absolu (ce peut être 2 ou 4)
mais c’est celui qui s’impose le plus fréquemment.
Vous possédez maintenant la colonne vertébrale de votre
présentation. C’est très structurant et rassurant d’avoir en tête
cette synthèse, ce cœur de message.

5 COMMENT : quels moyens utiliser ?

Choisissez le bon format…

Si vous voulez convaincre et persuader, choisissez l’approche la


plus appropriée au public concerné, au nombre de participants, au
thème traité et à votre propre style. Et, bien sûr, au contexte…
Vous pouvez choisir entre plusieurs options :
• la présentation, lors d’une réunion, d’une convention, d’un
congrès, d’un séminaire (de 10 à 30 minutes) ;
• le discours très structuré et plus solennel, qui exigera de vous
plus de charisme1 (de 15 à 45 minutes2) ;
• la conférence, qui nécessite une grande expertise et une mise
au point parfaite (de 45 mn à 2 heures) ;
• la réunion qui implique du savoir-faire et une bonne
expérience de l’animation (de 15 mn à 4 heures) ;
• le débat avec le public, qui exige de vous l’aisance du
« débatteur » face à la contradiction et qui peut faire suite à
toutes les formes d’intervention précédentes (voir le chapitre
« Débat » ACTE III).

Définissez la durée de votre présentation

De combien de temps disposerez-vous effectivement pour parler et


convaincre : 10 minutes, 20 minutes, 45 minutes ?

Faites court

Résistez à l’envie de tout dire. Rappelez-vous que, surtout à l’oral, le


« trop d’informations » nuit à l’information et que l’écoute attentive se
lasse très vite. Dites-en moins : vous le direz mieux. « Le secret
d’ennuyer est celui de tout dire » écrivait Voltaire.

Calez votre préparation sur un temps légèrement inférieur

• Vous devez parler 10 minutes ? préparez pour 8 minutes.


• Vous devez parler 30 minutes ? préparez pour 25 minutes.
Vous pourrez ainsi ralentir votre débit, faire des silences, mieux
respirer et prendre la mesure de votre public, vous nourrir de ses
réactions. Votre message sera plus clair, plus adapté et plus fort.

Pensez à vous mettre en scène et assurez la logistique


Le comédien qui doit affronter son public n’est pas tout seul, il est
largement aidé : par un auteur bien sûr mais aussi par un metteur en
scène, un scénographe, un costumier… Ce n’est pas votre cas, c’est
à vous d’investir tous ces rôles.

La salle : favorisez la proximité avec le public

Savez-vous dans quel lieu vous vous exprimerez ? Avez-vous la


possibilité de le choisir ? Quel est son équipement (mobilier et
matériel) ?
Veillez au confort des participants, qui conditionne aussi la
qualité de leur écoute. Préférez un dispositif en U ouvert si le
groupe n’excède pas une douzaine de personnes.
Au-delà, vous pouvez faire placer les sièges en arc-de-cercle
(évitez la disposition « salle de classe », plus rigide), ou en îlots si
vous voulez favoriser échanges et créativité. Ces détails ont une
grande influence sur la dynamique du groupe, ils favoriseront une
atmosphère conviviale et constructive.

Votre emplacement : soyez visible

Concernant votre propre emplacement : évitez, dans la mesure du


possible tout ce qui pourrait faire obstacle : table, pupitre. Une
évidence : présentez debout plutôt qu’assis. Plus vous serez visible,
plus votre présence physique sera forte.
Si vous avez besoin d’une table pour y disposer un ordinateur
ou des documents papier, placez-la plutôt sur un côté. Vous
échapperez ainsi au caractère professoral de la table installée au
milieu.
Cette disposition vous permettra de vous déplacer librement et
de vous rapprocher de votre auditoire pour renforcer votre impact
(présence physique) et pour favoriser la participation.
Si vous avez besoin d’un pupitre parce que chacun de vos
mots a été pesé et qu’improviser serait dangereux, demandez un
pupitre transparent. Le public vous verra en pied, vous aurez plus
de présence.
Attention à ne pas vous cramponner au pupitre : redressez-vous
et laissez vivre vos mains, votre corps pourra, lui aussi, « parler ».

Un conseil
Repérez les lieux à l’avance, réorganisez-les à votre
convenance, entraînez-vous à voix haute, occupez l’espace,
voyez jusqu’où vous pouvez vous déplacer, repérez les endroits
où vous serez « en lumière »…
C’est ce que fait le comédien avant une représentation.

Au-delà de ce premier équipement matériel, vous pourrez avoir


besoin également d’un certain nombre d’accessoires et de
supports visuels.

Aides visuelles :
PowerPoint ou pas PowerPoint ?

Là est la question. Même si le PowerPoint est très décrié (« Death


by PowerPoint… », « PowerPoint c’est du Cinéma… »), il reste très
présent dans l’entreprise. Nous avons d’ailleurs consacré tout un
chapitre à ce sujet (à la fin du livre).
Trop souvent nous ne faisons pas assez confiance au pouvoir
de l’oral, à ce que nous pouvons exprimer à travers notre voix et
notre corps en l’absence de toute aide visuelle.

Pour transmettre émotion ou leadership,


pas de PowerPoint

Un conteur fait confiance à sa seule présence, il ne lui viendrait pas


à l’idée d’utiliser des slides. Aucun homme ou femme politique
n’utilise de PowerPoint, ils (ou elles) sont conscients(es) du fait que
le public veut les voir incarner leurs idées, sans le soutien de
quelque artifice que ce soit.

PowerPoint pour une approche plus technique et rationnelle

Cette aide visuelle peut présenter dans certains cas beaucoup


d’avantages :
• Doubler le canal sensoriel de l’auditeur :
– il entend le message (c’est le canal auditif) ;
– il le voit parallèlement écrit sur l’écran (c’est le canal
visuel).
• Jouer de toutes les ressources du cerveau droit : image et
synthèse (voir annexe PowerPoint en fin d’ouvrage).
• Renforcer la structure de votre présentation : ce sont des
repères pour votre public et pour vous-même, cela permet de
visualiser le chemin parcouru et celui restant à parcourir.

Deux recommandations fortes


PowerPoint ne doit jamais prendre le pas sur votre leadership,
c’est une aide qui est à votre service et non l’inverse.
Ne passez pas trop de temps à peaufiner vos slides, vous
auriez souvent mieux à faire en préparant et répétant ce que
vous allez dire à l’oral.

Pas de PowerPoint sans télécommande

Libérez-vous de la proximité de votre ordinateur. Adoptez une


télécommande qui vous autorise toutes latitudes de déplacement et
qui se manipule beaucoup plus simplement.
Quels autres accessoires utiliser ?

Dans la mesure du possible évitez les accessoires. Vous avez


beaucoup à gagner dans la simplicité et le dépouillement.

Le micro : libérez-vous

Si l’assistance est réduite parlez « en direct », sans micro. Vous


favoriserez la proximité et l’interaction. Si nécessaire (dimension de
la salle, acoustique…) utilisez un micro bien sûr mais, si possible, un
micro qui vous libère les mains : un micro-bouche (appelé aussi
Madonna) de plus en plus fréquent (TED Talks…) ou un micro-
cravate. Sinon un micro-main HF : dans ce cas, ayez le micro
suffisamment près de la bouche (éventuellement en contact avec le
menton) sans que le souffle ne vienne créer de bruits parasites.
Le micro a cet avantage qu’il permet des nuances qu’une voix
trop portée, trop forcée, ne pourrait pas rendre. Apprenez à aimer
vous entendre.

Paperboard, White Board et tableau électronique

Le Paperboard est utile dès que vous voulez inclure votre public
dans votre travail : atelier, formation… C’est un excellent outil
d’animation en public restreint (jusqu’à 20 participants). Il vous
permet de construire vote présentation « en live », de vous adapter
aux réactions et aux demandes du public. Il permet également de
garder une trace visuelle de ce qui a été dit.
Les tableaux électroniques sont séduisants par toutes les
possibilités de stockage et d’interactivité qu’ils offrent. Ils sont
amenés à être de plus en plus utilisés.

Faites preuve de créativité

De nombreuses autres possibilités s’offrent à vous :


• Mettre en scène un objet : c’est la marque de fabrique de
Steve Jobs, voyez la présentation du premier Mac, du Mac
Book Air, de l’iPod Nano…
• Utiliser une vidéo : par exemple une démonstration, un
reportage, une enquête de type micro-trottoir, l’outil vidéo est
devenu très accessible.
• Utiliser des séquences sonores, un projecteur, des
boîtiers de vote… les possibilités sont très grandes.

quelle tenue porter ?

Trois règles doivent vous guider :


1. Adaptez-vous au contexte
Voyez-le comme une forme de politesse et non comme une
contrainte.
2. Sentez-vous à l’aise pour bouger
Évitez un col de chemise trop serré, une veste trop ajustée ou,
pour les femmes, des talons trop hauts. Il faut vous sentir à l’aise
pour vous déplacer et pour utiliser toute l’amplitude de vos gestes.
3. Soyez visible
Et là le diable peut se cacher dans des détails : par exemple
des lunettes aux montures épaisses ou aux verres teintés ou non
antireflet qui dissimulent le regard.
Cela peut être aussi une mèche de cheveux qui cache une
partie du visage.
Plus vous êtes visible du public, plus vous pouvez, par votre
présence physique, exercer de pouvoir. Lors de ces meetings de
campagne, Barack Obama se montrait volontiers en chemise ou
en manches retroussées. Il y a là une symbolique forte : « Je suis
avec vous, près de vous et je me retrousse les manches car nous
avons du travail à accomplir ensemble ».
FICHE 2

Les 5 questions à se poser

vidéo

À QUI vous adressez-vous ?

Le nombre de participants mais aussi leurs profils : leurs responsabilités, cadre


de références, niveaux de formation et de connaissance du sujet, attentes,
réticences…

QUI parle ?

À quel titre parlez-vous ce jour-là ? Au nom de la direction, à titre personnel, en


tant que hiérarchique, chef de projet, expert, consultant… dites-le.

POUR QUOI ?

Quel est votre objectif ? Informer, expliquer, sensibiliser, responsabiliser,


convaincre, faire adhérer, entraîner à l’action… Les moyens mis en œuvre seront
différents. Soyez à la hauteur de l’enjeu.

POUR DIRE QUOI ?

Quelles sont vos forces/faiblesses ? Quelles sont les menaces/opportunités ?


Matrice SWOT. Quel est votre cœur de message ? Soyez capable de donner à
entendre la minute utile, le pitch de votre présentation… Idée-force et
3 messages clés.

COMMENT ?

Quelle Forme ? Exposé, discours, conférence, discussion, débat, réunion,


cours, formation, training…
Quelle Durée ? Dix minutes, vingt minutes, trente minutes, plus… Préparez
toujours plus court.
Quel dispositif ? Lieu et équipement : tables en U, amphithéâtre ? Faites un
repérage.
Et quels matériels ? Vidéoprojecteur, paperboard, micros…
Testez et réglez les matériels à l’avance : la technique ne s’improvise pas.
CHAPITRE 2

Rechercher et organiser ses idées

Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver.


Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve
sans jamais vous laisser décourager.

Walt Disney

1 Cadrez votre sujet

Le thème de votre prochaine intervention est fixé. Réfléchissez aux


différentes facettes de votre sujet, mettez-le en perspective,
dégagez l’idée maîtresse et délimitez les frontières à ne pas franchir.
Deux principes majeurs de l’oral doivent s’imposer à vous :
• moins vous en direz, mieux ils comprendront ;
• moins ils en entendront, plus ils en retiendront.
En outre, votre temps d’intervention est compté. Un quart
d’heure de prise de parole par exemple, cela passe très vite.
Focalisez-vous sur l’essentiel, votre sujet, rien que votre sujet.

2 Brainstorming : cherchez les idées


ET les informations
Les limites de votre sujet étant tracées, vient le moment excitant du
déballage d’idées et de la recherche d’informations.

N’attendez pas, commencez tôt

Donnez-vous le temps de laisser « monter » en vous les idées.


Si vous vous y prenez au dernier moment, vous risquez
d’escamoter cette étape d’ensemencement et de planter sur un
terrain trop pauvre. Si, au contraire, vous le faites à l’avance, en
ouvrant bien grands votre esprit, vos yeux et vos oreilles, vous
enrichirez votre vision et ressentirez ce plaisir de la découverte.
Prenez le temps de rassembler les informations utiles et les
preuves de votre future démonstration, et acceptez le désordre
apparent dans lequel elles se présentent à vous : il sera bien
temps de les trier et de les classer ensuite.
Ayez à portée de main de quoi noter ou enregistrer (carnet,
smartphone…) l’inspiration peut venir à tout moment, stimulée par
les événements extérieurs. Votre mémoire peut aussi vous trahir,
alors soyez prêt, notez.

La règle du jeu en créativité : CQFD

Quatre leviers pour conduire votre recherche d’idées :


– C ensure abolie
Proscrire toute censure et s’interdire toute autocensure, ne
freinez pas votre créativité.
– Q uantité d’abord
C’est grâce à la quantité d’idées émises que vous trouverez
ensuite la qualité. Se polariser trop tôt sur la qualité freine la
créativité.
– F arfelu bienvenu
Osez la fantaisie, la folie, il sera toujours temps ensuite
d’assagir vos idées.
– D émultipiez, démultipliez… Une idée peut en cacher une
autre, rebondissez sur vos idées… et celles des autres.
Ces règles s’imposent si vous travaillez en équipe. Elles ont
aussi du sens si vous travaillez seul.

Plusieurs directions pour enrichir la recherche d’idées

– Pensez en zigzag
Acceptez un désordre apparent fait d’allers et retours, pour et
contre, hier et demain…
– Changez de point de vue
Mettez-vous aussi à la place de vos interlocuteurs : prévoyez
leurs objections et vos réponses.
– Prenez de la hauteur, vision hélicoptère
Sortez de la littéralité, du concret et pensez stratégie, vision.
– Écoutez, lisez, questionnez
Faites comme le bon journaliste, enquêtez, partez à la
recherche de l’information.

Trois méthodes pratiques pour formaliser un brainstorming

Vous pouvez bien sûr écrire, jetez vos idées sur une feuille de papier
ou votre ordinateur, c’est la méthode la plus couramment employée.
Il y a mieux à faire si vous voulez stimuler votre créativité et prendre
du recul, surtout si vous travaillez à plusieurs.

Utilisez un paperboard ou un tableau électronique

Cette vision élargie, stimule votre cerveau droit, celui de la créativité.


Cela vous oblige à vous lever, à vous mobiliser physiquement, ce qui
est aussi un moteur dans la recherche des idées. Et enfin cela
favorise le partage.
Faites une carte mentale

Le Mind Mapping est un outil d’organisation et de hiérarchisation des


idées réalisé sous forme graphique et arborescente. Il permet une
vue d’ensemble et fait ressortir l’importance relative de ces idées.
Plus l’information est proche du sujet central, plus elle est
essentielle.
Le Mind Mapping sort de l’habituelle présentation linéaire et
offre une opportunité de voir et d’organiser ses idées dans leur
globalité.

Utilisez la méthode des post-it

Là encore l’avantage est de mieux visualiser et partager votre


recherche d’idées. Cela permet ensuite d’élaguer, regrouper,
réorganiser. Les post-it étant, par définition, repositionnables.
Quelques règles pour écrire vos post-it :
• Une idée par post-it
• Écrite en quelques mots facilement compréhensibles de tous
• Écrite assez gros pour être lisible de loin

3 Triez, éliminez et regroupez vos idées

Après l’analyse vient le temps de la synthèse. Après avoir mis en


avant la Quantité, et avoir élargi votre recherche vient maintenant le
temps de la Qualité, celui du choix, du recentrage.

C’est ce qu’on appelle la méthode du double entonnoir : élargir


le champ de la recherche dans un premier temps pour ensuite,
dans un deuxième temps, resserrer vers l’essentiel.
Le moment est venu de faire le tri. Cherchez les idées
maîtresses, regroupez, ordonnez, élaguez, éliminez.
Faites ressortir les arguments génériques et, si le sujet est
complexe, redéployez une nouvelle arborescence, chaque
élément clé se subdivisant en sous éléments.
Pensez maintenant logique, raisonnement : y a-t-il une
cohérence d’ensemble qui se dégage ? Réorganisez vos idées
pour mettre en avant cette cohérence.
Dégagez votre idée-force

De cette nouvelle organisation, faites maintenant émerger le


sens, c’est-à-dire l’idée-force, votre idée-force. Celle qui constitue
l’essence, le cœur de votre message, celle qui vous servira de fil
rouge pour structurer votre raisonnement. Formalisez-la en une
phrase, une phrase qui exprime clairement votre pensée, une
phrase à laquelle vous adhérez pleinement, une phrase que vous
aimez.
Cela correspond à ce qu’écrivait Albert Camus : « C’est une
vérité première et on l’appelle première parce qu’on la découvre
après toutes les autres ».
FICHE 3

La recherche d’idées :
de l’analyse à la synthèse

vidéo

Voici quelques clés pour avoir accès à votre intelligence créative (pratiquez
la méthode du double entonnoir).

Phase 1 : Ouvrez votre recherche

Démarrez votre réflexion le plus tôt possible :


Fuyez toute censure, vous ferez le tri plus tard
Ayez de quoi noter :
Carnet, smartphone, l’inspiration peut venir à tout moment. Écrivez ou
enregistrez, votre mémoire peut vous trahir
Pratiquez le « CQFD » de la créativité :
• Censure abolie
• Quantité d’abord
• Fantaisie, folie, farfelu…
• Démultipliez vos idées
N’importe où, n’importe quand, en ouvrant les pistes :
• Pensez en zigzag
• Changez de point de vue
• Prenez de la hauteur, vision hélicoptère
• Écoutez, lisez, questionnez
Trois méthodes pour formaliser le brainstorming :
1. Le paperboard ou tableau électronique
Pour visualiser, prendre du recul, partager.
2. La carte mentale
Pour avoir une vision globale et synthétique, pour commencer à hiérarchiser vos
idées.
3. Les post-it
Pour pouvoir ensuite facilement trier, supprimer, réorganiser.
Phase 2 : Laissez décanter, le sens va émerger,
vos idées vont s’ordonner

Le temps vous donne du recul et permet cette décantation :


• Dégagez les arguments clés, arguments génériques.
• Regroupez les autres arguments autour de ces arguments clés.
• Supprimez les arguments superflus.
• Ordonnez les différents arguments de façon à faire ressortir une logique.

Phase 3 : À la fin, apparaît votre idée-force

• Dégagez l’idée centrale, essentielle, votre idée-force.


• Formalisez-la en une phrase, une phrase qui exprime clairement votre
pensée, une phrase que vous aimez.

Faites confiance au temps et à votre travail : le sens va


émerger peu à peu
CHAPITRE 3

Argumentez « Tête – Cœur – Corps »

Le Triangle Grec, clé de l’adhésion

Même si nous possédons toutes les connaissances de la science,


il y a des personnes que nous n’arriverons pas à persuader car le seul discours
scientifique ne garantit pas l’adhésion de ceux qui nous écoutent.

Aristote

Nous l’avons vu, vous aurez rarement à développer une pensée


uniquement technique. Plus souvent il vous faudra aller vers un
message à vision stratégique, il vous faudra convaincre et
persuader.

Deux ressorts fondamentaux pour argumenter : raison


et émotion

Connaissez-vous la différence entre convaincre et persuader ? La


finalité est la même, faire adhérer, mais le procédé est différent.
Convaincre passe par un processus rationnel, on convainc par
des faits, des preuves, un raisonnement, c’est objectif.
Persuader passe par un processus très subjectif qui relève de
l’intuition, de l’émotion.
Ainsi, dans le droit français on pourra condamner ou acquitter
un prévenu sur une « intime conviction ». L’intime relevant de
l’intuition, du sentiment et la conviction des faits, des preuves, des
pièces à conviction.

La raison seule ne suffit pas à emporter l’adhésion

Il est probable que notre enseignement faisant la part belle à la


science nous pousse à privilégier le mode rationnel aux dépens de
l’émotionnel et de ce qui relève de l’humain, de la sensibilité. C’est le
plus souvent une erreur. Beaucoup d’experts ou de technocrates,
forts de raisonnements scientifiques et techniques ou d’exposés
didactiques, ont échoué à emporter l’adhésion parce que leur
démarche n’était que rationnelle.

Argumentez « TÊTE-CŒUR-CORPS »

Dès la naissance de la rhétorique, cinq siècles avant Jésus Christ,


les Grecs avaient très bien compris l’importance de ces deux
ressorts : raison et émotion. En particulier Aristote qui est allé encore
plus loin avec ce puissant outil d’argumentation que nous avons
appelé le « Triangle Grec » : Tête (Logos) / Cœur (pathos) / Corps
(Ethos).
On convainc avec la Tête et le Corps (Logos/Ethos) et on
persuade avec le Cœur (Pathos). L’approche que nous
développons n’est pas strictement celle d’Aristote – voir chapitre
Rhétorique – elle en est dérivée.

1 Tête : approche conceptuelle, rationnelle

C’est l’approche de l’intellectuel, du penseur, du chercheur, du


philosophe, du stratège :
• Idées, concepts, thèses et aussi antithèses, synthèses…
• Références intellectuelles (les références à Keynes en
économie, à Drucker en management, à Einstein en
physique…)
• Raisonnement (prouver par A + B, raisonner par l’absurde…)
• Modèles (économiques, sociétaux…)
• Le « Pourquoi ? » qui, répété, nous amène rapidement à une
dimension existentielle
Nous avons tous besoin de comprendre, y compris l’enfant.
Parmi les fonctions se nourrissant prioritairement de cette
approche on retrouve : la recherche, la stratégie…

2 Cœur : approche émotionnelle, subjective, symbolique

C’est l’approche de l’homme (ou de la femme) de cœur, de


l’humaniste :
• Sentiments, motivations, l’affectif…
• Exemples personnels, anecdotes, Storytelling
• Valeurs (courage, solidarité…)
• Images, métaphores (le manager comparé à un chef
d’orchestre…)
• Rêves (I have a dream…) l’imaginaire
• Humour
• Références culturelles, mythes, légendes (l’Odyssée, Robin
des Bois, Superman)
Car nous avons tous besoin de ressentir et envie de vibrer.
Métiers très liés à cette approche : les métiers sociaux, les
métiers artistiques, les métiers de la vente…

3 Corps : approche factuelle, concrète


C’est ce qui vous donne votre crédibilité. C’est votre parcours, votre
expérience, vos connaissances, votre légitimité.
• Exemples concrets et vérifiables, le tangible
• Les chiffres, les données, les études, les statistiques
• Les sources, outils et méthodes employés
• Les preuves
Métiers très liés à cette approche : métiers de production,
experts-comptables, qualité…
Cas de recherche « Tête – Cœur – Corps »
Imaginez : vous devez attirer à vous de jeunes talents en faisant
la promotion des métiers de la Route.
Factuel :
• 12 000 km d’autoroutes, 10 000 de nationales, 380 000 de
départementales et 670 000 de communales.
• 87,3 % des voyages se font par la route.
• Un chiffre d’affaires de 12 M € en France.
• 2,3 millions de personnes travaillent au sein de métiers
liés à la route
Émotionnel :
• Il existe des routes mythiques : la route de la soie
(historique, connexion entre deux civilisations), la route 66
aux États-Unis qui relie deux océans.
• Des chansons : Trenet avec « Nationale 7 », « Y’a une
Route » de Manset…
• Elles sont comme l’ensemble des vaisseaux sanguins qui
irriguent notre corps.
• Une citation : « Un ami c’est une route, un ennemi c’est
un mur… »
Conceptuel :
• La route est un des premiers leviers du développement
économique d’un pays.
• Elle rompt l’isolement, rapproche les personnes.
• Elle permet les échanges de marchandises.
• Elle a un devoir : toujours évoluer pour plus de sécurité
des usagers.
• Elle est prometteuse d’avenir : elle peut être productrice
d’énergie solaire…
Attention aux dérives

Chacun de ces éclairages, de ces registres d’argumentation


présente ses atouts. Poussés trop loin ou encore trop omniprésents,
ils peuvent rebuter.
Soyez donc conscients de leurs dérives potentielles :
• L’abus de concepts peut conduire à l’abstraction, la froideur et
l’ennui…
• L’abus d’émotionnel peut provoquer le rejet : pas de pathos,
attention à la manipulation…
• L’abus de faits peut perdre l’auditoire (où allons-nous ?) Noyer
l’auditoire sous une déferlante d’informations, faire un choix trop
orienté, provoquer saturation et ennui…

Adaptez votre discours à votre auditoire

Les proportions entre ces trois ressorts de l’adhésion sont bien sûr à
adapter à votre auditoire. Des ingénieurs seront, a priori, moins
sensibles à des arguments émotionnels que des commerciaux. D’où
l’intérêt de bien connaître les motivations de votre public pour vous y
adapter.
Si le public est nombreux, hétérogène, la règle est simple :
nourrissez votre présentation de l’ensemble de ces trois
éclairages.

Connaissez-vous

De par votre personnalité, votre histoire vous êtes plus volontiers


enclin à mettre en avant l’un de ces trois registres : factuel,
conceptuel ou émotionnel. Faites un travail personnel de
connaissance de soi pour mieux vous connaître et vous ouvrir aux
autres registres.
Il arrive aussi que vos préférences ne correspondent pas à
l’archétype de la fonction que vous exercez, veillez d’autant plus à
vous adapter.

En conclusion : jouez de ces trois registres

Le Triangle Grec comme clé de l’adhésion est un outil puissant car il


est simple et efficace. C’est comme si vous mettiez en relief votre
message par ces trois éclairages différents :

Pour communiquer en leader, en homme ou femme de Tête, de


Cœur et d’Action jouez de ces trois registres :
• TÊTE : soyez porteur d’une vision, donnez du sens. Le sens
c’est la compréhension + la direction (la voie à suivre).
• CŒUR : sachez nous toucher, nous émouvoir avec une
approche humaine et sensible.
• CORPS : soyez concret et précis, enracinez votre discours
dans la réalité. Donnez-nous les preuves.
FICHE 4

Argumentez « Tête – Cœur – Corps »

vidéo

TÊTE : approche conceptuelle

Celle de l’intellectuel, du scientifique, du philosophe…

CŒUR : approche émotionnelle

Celle de l’homme ou de la femme de cœur.

CORPS : approche factuelle

Celle de l’homme ou de la femme de terrain.

Arguments à dominante Tête, Cœur ou Corps

CONCEPTUEL ÉMOTIONNEL FACTUEL


(Tête) (Cœur) (Corps)

Idées, thèses, Sentiments, ressenti, Votre crédibilité, votre


anecdotes, valeurs, humour, expérience
théories, références
intellectuelles, systèmes de images, métaphores, rêves, Faits, chiffres, statistiques,
pensée, démarche logique, imaginaire, références
exemples concrets,
analyse, raisonnement, culturelles
le tangible, les preuves
le « pourquoi ? »
Jouez des 3 ressorts

• Soyez porteur de sens et de vision (la Tête)


• Développez une approche humaine et sensible (le Cœur)
• Enracinez votre discours dans la réalité (le Corps)
CHAPITRE 4

Le Plan Persuasif en trois parties

Tout objectif sans plan n’est qu’un souhait.

Anonyme

Plan Persuasif en trois parties ou Storytelling ?

Il y a deux directions essentielles pour définir la structure de votre


présentation :
• Le Plan Persuasif en trois parties
C’est le plan que vous aurez à employer le plus souvent lorsque
vous devrez argumenter. C’est celui qui fait appel majoritairement
à la raison. Il trouve ses racines dans la rhétorique.
• Le Storytelling
C’est la structure la plus adaptée à une communication forte et
accessible. C’est celle qui fait majoritairement appel à l’émotion.
Elle trouve ses racines dans les contes et légendes.
Chacune de ces deux voies répond donc à des objectifs
différents. Nous allons définir pour chacune d’entre elle une
structure-type, structure qu’il vous sera ensuite possible d’adapter,
de customiser à votre contexte spécifique.
Le Plan Persuasif en trois parties

C’est, dans l’entreprise, le plan que vous aurez à employer le plus


fréquemment. Il remonte aux racines de la communication, à la
rhétorique – voir chapitre Rhétorique – en y intégrant les contraintes
de notre époque : être direct et efficace.
Il s’appuie sur deux principes simples :
• Aller droit au but (to the point disent les anglophones) en
annonçant très tôt la conclusion.
• La « règle de 3 » que l’on va retrouver tout au long de cette
structure et qui se décline tout d’abord par ce que l’on peut
appeler les trois temps du discours :
1. Voilà ce que je vais vous dire, c’est l’Introduction
2. Voilà ce que j’ai à vous dire, c’est le Développement
3. Voilà ce que je viens de vous dire, c’est la Conclusion

1 Acte I : l’introduction

C’est donc le premier temps de la règle de 3 : « Voilà ce que je


vais vous dire ».

Annoncez la fin, commencez par l’idée-force

Bien entendu cette injonction est volontairement provocante, voici


comment il faut la comprendre :
• Si vous voulez commencer par une introduction « classique » :
par exemple en donnant des éléments de contexte, en
reprenant les données, en refaisant l’histoire, vous risquez de
lasser un auditoire impatient ou distrait.
• Si vous voulez être percutant et persuasif, faites entendre dès
l’introduction vos conclusions : donnez le cap, commencez par
votre « cœur de message », commencez par votre idée-force.
Jouez cartes sur table.
L’idée-force c’est votre message. Elle doit être formulée en une
seule phrase, clairement compréhensible.

Un exemple pris dans un contexte scientifique « La


conductivité électrique est le principal facteur de corrosion
en milieu marin. »
Même pour présenter un programme politique,
éminemment complexe (éducation, défense, société,
économie…) il convient de donner la direction phare, par
exemple :
– « Développons une démocratie participative. »
– « Réduisons la fracture sociale. »
Cette phrase comporte nécessairement un verbe et une
direction à suivre.

Votre objectif : valider l’idée-force

Toute la suite de votre présentation sera construite au service de


cette idée-force, elle se développera avec la logique et la puissance
d’une véritable démonstration. Vous allez tout au long de la
présentation prouver sa validité. Du premier mot jusqu’au dernier
l’attention ne se démentira pas, tendue par cet objectif : valider
l’idée-force !
Cette configuration est d’autant mieux venue que vous vous
adressez à un public difficile et (ou) disposant de peu de temps
(votre hiérarchie peut-être).
Symbolisons cette idée-force par ce graphisme :
C’est comme une flèche, un panneau indicateur qui indique la
direction à suivre.

Dégagez les trois arguments clés (encore la « règle de 3 »)

• Argument 1
• Argument 2
• Argument 3
Pourquoi vous limiter à trois arguments alors que vous en avez
probablement amassé beaucoup plus dans la phase de
brainstorming ? C’est une question de bon sens. Parce que
l’attention et la mémoire sont difficilement capables – surtout à
l’oral – d’absorber en une seule fois plus de trois idées distinctes
(quatre au maximum). Au-delà, la capacité d’écoute et
d’assimilation chute brutalement. Limitez-vous à trois arguments
prioritaires, trois arguments génériques, vous serez mieux compris
et surtout mieux mémorisé.

Cette règle de 3 n’est pas un dogme absolu

Vous pouvez, à l’occasion, utiliser un plan en deux ou quatre, voire


cinq parties mais, vous le verrez, c’est ce nombre de trois qui
équilibre le mieux votre plan (simple, riche et mémorisable). Vous
pouvez ensuite subdiviser chaque argument.
Si le temps de présentation le permet, vous pouvez subdiviser en
sous arguments dans une forme d’arborescence.
Votre introduction prend donc la forme du schéma suivant :

Vous avez fait preuve de synthèse, vous indiquez clairement la


direction à suivre et les principales étapes pour y parvenir, très
bien. Reste à trouver, de quoi donner au public l’envie de vous
écouter, de se laisser guider par vous : l’accroche !

Ajoutez l’accroche en tout début

Les 20 premières secondes sont clé, vous pouvez facilement


gagner ou perdre l’attention du public.
Beaucoup trop de présentations commencent par : « bon…
alors… bonjour… voilà… euh… je voudrais vous parler de… »,
quand ce n’est pas « je voulais vous parler… ». L’emploi de
l’imparfait étant un non-sens alors que le discours est à venir.
Il faut donc un véritable « détonateur » à votre introduction, une
étincelle qui éveille ou réveille l’attention de celui qui écoute. Un
élément décalé, puissant, original, humoristique, léger, provocant,
émotionnel… qui donne envie de vous suivre.
Faites preuve de créativité, les possibilités sont variées :
• Une question posée à la salle
• Une anecdote
• Un chiffre provocant
• Une image, une métaphore
• Un objet inattendu que l’on montre…
Les Anglo-Saxons sont friands de l’opening joke, ce trait
d’humour qui provoque le rire au démarrage. Un bel exemple avec
Al Gore pour sa conférence « An inconvenient truth » devenue un
film.
Le plus souvent cette accroche est d’ordre émotionnel. Parce
que le pouvoir de l’émotion est très fort : nous n’avons
spontanément aucune barrière à lui opposer.
Cette accroche est là pour provoquer, exciter la curiosité du
groupe et en même temps pour induire l’idée-force qui va suivre,
pour « entrer en résonance » avec elle.
Voici à quoi ressemble la structure complète de votre
introduction (règle de 3) :
2 Acte II : le Développement

C’est le deuxième temps de la règle de 3 : « voilà ce que j’ai à


vous dire ».
Avec l’introduction vous avez déjà fait beaucoup, reste
maintenant à donner du corps à votre présentation.

Deux enjeux forts

1. Vous ne pouvez pas tout dire

Ce qui peut se faire à l’écrit, être complet, ne peut pas se faire à


l’oral.
Sauf à être Fidel Castro et tenir votre auditoire suffisamment
captif pour dérouler un discours de 8 heures vous êtes contraint
par le temps :
• Soit parce que ce timing vous est imposé, vous n’êtes pas le
maître du temps (à l’inverse de Fidel Castro).
• Soit parce que les capacités d’attention de votre public sont
limitées, c’est le cas le plus fréquent.
Au-delà d’une durée de 1 h 30 pour une session (présentation
suivie de questions/réponses par exemple) l’attention de l’auditoire
est très largement entamée. Au-delà de 2 h ce n’est plus un
risque, c’est une certitude.
« Le secret d’ennuyer est de tout dire » écrivait Voltaire, faites-
en votre devise.

2. Trouvez le bon équilibre entre le « général » et le « particulier »


La règle est de faire des allers et retours constants entre le général
et le particulier, entre le concept et l’exemple. Comme un
photographe qui passerait régulièrement du grand-angle au
téléobjectif.
Rester dans un entre-deux fait que vos généralités risquent de
devenir des abstractions ou des banalités.

Optez pour un plan synthétique et dynamique

Passez de la logique de la liste qu’on déroule, énumération


exhaustive de tous vos arguments, à celle de la communication,
centrée sur l’essentiel, avec l’appui de vos trois arguments clés.

Dérouler tous ses arguments en une liste complète est un des


moyens les plus sûrs de perdre votre auditoire. On l’a vu, ce
dernier pourra difficilement garder en mémoire plus de trois
arguments et au bout d’un moment le risque est grand qu’il
« zappe » totalement. Faites comme pour l’écriture d’un scénario
de film, procédez par ellipses, allez vers l’important, allez vers ce
qui prime.

Commencez par l’argument le plus fort

Vous pourriez être tenté de croire qu’il est préférable de garder


l’argument le plus évident, le plus puissant pour la fin, ce serait une
erreur. Faites simple, commencez par l’argument le plus à même
d’emporter un maximum d’adhésion le plus tôt possible. Les autres
arguments viendront ensuite conforter une opinion déjà acquise.
« Purgez » les sujets conflictuels

Si vous êtes conscients que vous avez en face de vous des


personnes opposées à vos conclusions, reconnaissez par avance
leur position, désamorcez leur opposition.

Exemple Vous voulez défendre l’intérêt qu’il peut y avoir


dans le maintien de centrales nucléaires en France, sujet
éminemment polémique. Vous pourrez alors dire :
« Je suis conscient que nous avons connu avec Tchernobyl
et Fukushima des événements graves, je suis conscient
que le problème du retraitement des déchets n’est pas
encore résolu, néanmoins comprenez l’intérêt que nous
avons à maintenir l’activité de nos centrales :
– parce que c’est une énergie propre ;
– parce que c’est une énergie bon marché ;
– parce que c’est une énergie modulable.

Donnez un titre fort à chaque argument

Ce titre résume votre pensée et permet au public d’identifier et


mémoriser facilement chacun de ces arguments. Comme pour
l’idée-force, c’est une véritable approche marketing.
Évitez un simple mot, mot « valise » qui pourrait dire tout et son
contraire. Par exemple un argument « santé » trop vague.
Préférez par exemple : « Préserver une bonne hygiène de
vie ».
Bannissez les expressions comme : « Premier point »,
« Deuxième point », qui ne sont ni persuasives ni porteuses
d’action.
Préférez plutôt des mots « vendeurs » des mots « moteurs »
comme : raison, force, atout, intérêt, bénéfice, action…
Illustrez chaque argument selon le « Triangle Grec »

Enrichissez chacun de vos arguments de cette triple approche :


factuelle, émotionnelle, conceptuelle, de ces trois ingrédients (voir
chapitre précédent).
Ne pensez pas qu’il faille séparer, faire un chapitre émotionnel,
puis un conceptuel puis un factuel. C’est plus riche, plus subtil.
C’est à vous de percevoir ce qui est le plus pertinent compte tenu
de votre sujet et de vos objectifs.
Jouez de toute la gamme : raisonnement, preuves, humour,
anecdotes, chiffres…

Soignez les transitions

Les transitions donnent de la cohérence à l’ensemble, elles


permettent de comprendre la progression et l’articulation du
raisonnement.
Ces transitions sont souvent difficiles à improviser : il faut donc
les préparer. Une bonne transition comprend deux éléments :
reformulation + enchaînement.
• Reformulation
Pour aider la mémoire à fixer l’idée que vous venez d’expliquer,
résumez-la en quelques mots.
• Enchaînement
Amorcez l’idée suivante pour en faciliter la compréhension.
Préparez une courte phrase qui va mettre en évidence le lien
logique et relancer l’intérêt. Ou posez une question pour annoncer
la suite.

Exemple « Vous l’avez compris, nous avons toutes les


cartes en main pour réussir ce pari technique, est ce que
nous y trouverons un intérêt financier ? »
C’est aussi grâce à ces transitions que votre présentation prend
toute sa cohérence et semble se dérouler comme une belle
histoire que l’on raconte.
Voilà donc la forme que, schématiquement, va prendre votre
développement :

3 Acte III : La conclusion

Vient maintenant le troisième temps de la règle de 3 : « voilà ce que


je vous ai dit. »
C’est le take home message, littéralement ce que vos
interlocuteurs doivent emporter chez eux. C’est là où la règle de 3
prend toute sa valeur : c’est en entendant une chose dite au moins
trois fois qu’on la mémorise facilement sur le long terme.
Elle ne marquera pas la fin de votre intervention, mais le
sommet : elle en sera d’autant mieux mémorisée1. Elle ne
s’improvise pas, vous devez terminer par un moment fort, aussi
vous devez la travailler et la répéter.
L’objectif de la conclusion est d’enraciner votre message dans la
mémoire de vos interlocuteurs. C’est aussi l’incitation à l’action.
C’est pourquoi la conclusion s’appuie prioritairement sur le
concret : les faits, l’action et sur l’émotionnel : avantages,
bénéfices.

Rappelez les trois arguments clés


Vous pouvez reprendre la formulation déjà utilisée mais vous aurez
souvent intérêt à quitter le domaine des idées pour vous centrer sur
les conséquences positives : bénéfices clients, avantages
utilisateurs… Comme dans une argumentation commerciale
construite en trois temps :
1. Argument
2. Preuves
3. Avantages ou Bénéfices clients

Exemple Vous voulez faire la promotion de la construction


de voies TGV plutôt que d’autoroutes, un de vos arguments
est la plus grande rapidité de transport. Voici comment se
décline l’argumentaire commercial :
– Argument : un moyen de transport plus rapide.
– Preuve : Paris-Lyon en deux heures.
– Bénéfice usager : je travaille à Paris et peux dîner le soir
chez moi en famille, à Lyon, grâce au TGV.

Personnalisez bien ces avantages ou bénéfices pour les rendre


spécifiques et formulez-les en positif, c’est-à-dire en termes de
résultats atteints.
Voici comment nous le représentons graphiquement :

Rappelez l’idée-force et soignez la formule

Cette idée-force doit être mémorisée facilement, aussi il est parfois


utile de la formuler en une expression puissante qui marque les
esprits : un slogan ou une formule. C’est souvent en faisant appel à
une image, une analogie. Par exemple « réduire la fracture
sociale ».

Exemple Plutôt que répéter « défiscaliser les heures


supplémentaires pour redonner du pouvoir d’achat »,
Nicolas Sarkozy a choisi de dire « travailler plus pour
gagner plus » La formule est très forte, elle est restée…
pour le meilleur comme pour le pire.

Vous pouvez parfois rester sur cette formule choc, votre


conclusion prend alors la forme suivante :

Ajoutez le bouquet final

C’est comme dans un feu d’artifice, il faut au final une ponctuation


forte (pour une pièce de théâtre on dirait une chute) qui marque les
esprits et indique clairement le terme de votre présentation.

Trois possibilités principales :

1. La conclusion-action

C’est la plus fréquente, celle qui mobilise votre auditoire. Précisez


les actions escomptées, formulez-les avec des verbes.
Exemple
– Prenez ma carte de visite et n’hésitez-pas à me
contacter.
– Allez sur notre site : www.avantsceneconseil.com
– Réunissons-nous mercredi pour une première réunion de
travail…
– Contactez notre DRH de ma part…

Cette conclusion-action vous permettra ainsi d’atteindre votre


but ultime : faire adhérer et entraîner à l’action, ce qui est votre
rôle de manager, de responsable de projet ou de pédagogue.

2. La conclusion-ouverture

C’est celle qui ouvre vers de futurs développements, de futures


perspectives.

Exemple Forts de ce réseau national de TGV, nous


pourrons ensuite rallier les autres grandes capitales de
l’Europe comme Rome ou Berlin.

3. La conclusion-podium

C’est une belle image positive. C’est comme le sportif qui se trouve
récompensé sur la plus haute marche du podium avec coupe,
champagne et félicitations, image qu’il pourra garder dans sa
mémoire.
Exemple Vous venez de promouvoir l’installation de
caméras de surveillance dans les endroits sensibles, voilà
ce que peut être votre podium :
« Ces caméras seront les anges gardiens garants de votre
tranquillité ».

Restez-en là ou remerciez simplement

Une erreur des plus communes est de rajouter un « voilà » en toute


fin. Un voilà qui pour le public signifie que c’est terminé, voire qu’on
peut oublier et passer au suivant.
Ce dernier moment est très précieux. Ne dites plus rien, gardez
le contact visuel avec l’auditoire et très tranquillement quittez la
place. Vos paroles doivent continuer à vivre au-delà des derniers
mots.
Et si vous sentez le besoin de rajouter un dernier élément,
contentez-vous d’un simple : merci. Lequel merci peut
incidemment vous attirer les applaudissements.

Un bel exemple de Plan Persuasif en trois parties : le Wiki talk de


Pierre Carli « 6 minutes pour sauver une vie » :
https://www.youtube.com/watch?v=MJNpLhzzvJo
FICHE 5

Le Plan Persuasif en trois parties : récapitulatif

vidéo

Mettez en avant Les Trois Temps du Discours : Intro, Développement et


Conclusion

L’introduction

• Dès le départ, donnez-nous envie d’écouter la suite avec l’accroche


• Donner le cap avec l’idée-force qui résume en une phrase l’essence de
votre présentation
• Annoncez les trois arguments clés formulés de manière précise et
dynamique

Le Développement

• Limitez le nombre et l’expression de vos idées


pour mieux garder l’attention du public
• Argumentez « Tête / Cœur / Corps »
en jouant des registres factuels, conceptuels et émotionnels
• Mettez en avant l’enchaînement logique de vos idées
grâce à vos transitions
La Conclusion

• Mettez en avant les avantages


Comme dans une argumentation commerciale
• Ayez le sens de la formule
Pour rendre l’idée-force facilement mémorisable
• Soignez la note finale
L’action est souvent ce qui ponctue le plus utilement votre présentation

Déroulez cette présentation comme une véritable


démonstration

4 Le PITCH

C’est la forme la plus brève de la présentation persuasive. Il


arrive que l’on parle de « Pitch d’Ascenseur » (Elevator Pitch).
Exemple Entre le rez-de-chaussée et le 7e étage, vous
allez devoir convaincre votre interlocuteur du bien-fondé de
votre demande :
« Bonjour, je profite de cette occasion pour vous rappeler
mon projet d’année sabbatique en Australie.
Pour faire connaissance avec la famille et le pays dont est
originaire ma compagne. Pour parfaire ma pratique de
l’anglais qui est encore perfectible.
Et pour retrouver mon poste en ayant fait le plein d’énergie.
Si vous pouviez me donner une réponse avant le mois de
mai ce serait parfait. »

Le plan type du pitch :

Aujourd’hui ce mot est entré dans le langage courant et


nombreuses sont les occasions ou une personne doit pitcher : par
exemple le réalisateur où comédien qui vient présenter son
dernier film sur un plateau de télévision ou encore le créateur de
start-up pour séduire de potentiels partenaires ou investisseurs.
CHAPITRE 5

Le Storytelling

Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être ; le plus simple animal nous
y tient lieu de maître. La morale nue apporte de l’ennui. Le conte fait passer
le précepte avec lui.

Jean de La Fontaine

Mettre l’art de raconter les histoires au service de votre


communication, c’est l’alternative principale au Plan Persuasif en
trois parties.

1 Les histoires remontent à la nuit des temps

C’est la forme la plus ancienne de narration. Elle existe depuis que


l’Homme a appris à s’exprimer par le langage.
Nécessairement, l’homme (ou la femme) de la préhistoire a dû
ressentir le besoin et le plaisir de raconter la découverte d’un
arbre jusque-là inconnu, d’un arbre chargé de fruits, dont les siens
pourront se nourrir. Raconter sa découverte : comment tailler une
pierre pour en faire une arme ou un outil. Raconter l’histoire de sa
famille ou de sa tribu…
Pourquoi ces histoires ? Parce que c’est utile au quotidien.
Utile pour la vie courante (transmettre une technique, célébrer un
événement, endormir un enfant…) et aussi pour donner du sens à
l’existence, pour marquer une culture, une civilisation, pour faire
l’Histoire !
Plus tard, lorsque la civilisation s’est développée, nous avons eu
L’Iliade et l’Odyssée, la Bible… tous ces grands textes narratifs qui
aujourd’hui encore sont nos références fondatrices.

L’émotion comme moteur de l’histoire

Les histoires ont toutes comme moteur l’émotion. C’est l’émotion qui
signe et qui ordonne les différentes séquences de votre narration.
L’émotion résonne dans la partie primitive de notre cerveau : le
reptilien et le limbique. Elle est directement reliée aux expériences
vécues (bonnes ou mauvaises). Elle se nourrit de tout l’arsenal de
nos sens (la vue, les odeurs, le toucher, les sons, le goût). La
précision, la vérité de ces détails permettront à ceux qui vous
écoutent de se projeter dans votre histoire et d’en vivre avec vous
tous les temps forts.

L’histoire comme symbole et métaphore de la réalité

Notre époque a ouvert toute grande la porte de la digitalisation et fait


la part belle aux données (Big Data), aux chiffres et autres tableaux
Excel.
Par réaction nous aimons les histoires qui habillent notre réalité
d’atours beaucoup plus chatoyants et excitants que ces données
et ces diagrammes.
Des histoires pour :
• capitaliser sur des réussites passées ;
• renforcer l’image d’une société ;
• donner du sens à un changement ;
• être porteur d’une nouvelle vision ;
• enseigner certains concepts ;
• illustrer des valeurs ;
• dire qui vous êtes et ce en quoi vous croyez…
De toutes ces histoires ressortent un enseignement, une
morale, une énergie nouvelle, un élan. L’histoire éclaire et
transcende notre réalité, elle est exemplaire.

2 Les contes et légendes comme modèle

La forme la plus noble, la plus aboutie, la plus puissante de ces


histoires est celle de nos contes et légendes.
Elle existe depuis les temps anciens avec la mythologie
grecque, l’Illiade, l’Odyssée, Les fables d’Ésope. Plus récemment
avec ces trésors que sont les contes de Grimm (Le Joueur de
Flûte de Hamelin…), de Perrault (Le Petit Poucet…), Les fables
de La Fontaine et jusqu’à notre époque avec Le Petit Prince de
Saint Exupéry par exemple. Elle met en scène des personnages
forts, notamment le « héros » dans lequel chacun peut facilement
se projeter.
C’est cette forme que vous pourrez utiliser pour donner de
l’impact à une communication très accessible, une communication
riche de cette ressource puissante qu’est l’émotion.

Deux principaux leviers :


la chronologie et la dramaturgie

1. La simplicité de la chronologie (du passé vers le futur)

Hier, aujourd’hui, demain… vous suivez le chemin le plus simple, le


plus naturel, celui qui conduit du passé vers le futur.

2. La puissance de l’émotion
C’est une quête du Graal qui vous emmène des émotions négatives
vers les positives, du drame vers la félicité. C’est l’émotion qui donne
de l’élan aux idées, séduit et met en marche les foules. C’est elle le
véritable moteur du changement.
Beaucoup de contes et légendes ont des parcours très
complexes (l’Odyssée, par exemple, qui multiplie les différentes
épreuves) et ont aussi des fins parfois tragiques (comme les
enfants noyés dans la rivière dans Le Joueur de Flûte de
Hamelin…).
Pour l’entreprise, et dans notre société, si nous voulons
construire, si nous voulons entreprendre, notre intérêt est de
« positiver » notre communication, de rendre la réussite visible et
atteignable. C’est pourquoi nous privilégions un happy end.

3 Une structure classique de conte

La structure la plus simple se décompose en cinq chapitres.

LES CINQ CHAPITRES LE CONTE LES ÉMOTIONS


ASSOCIÉES

Le ROYAUME avec « Il était une fois… » Une vie qui s’écoule


son ROI ou sa REINE « Au royaume de… » paisiblement
« Dans la forêt de
Brocéliande… »

Un DRAME, présent Les rats envahissent la Des nuages noirs


ou à venir ville de Hamelin… s’amoncellent, la foudre
La famine s’installe menace
dans la maison du Petit
Poucet…
Un dragon menace…
Une marâtre
apparaît…

Un HÉROS surgit avec Un inconnu apparaît, Un espoir surgit Comme


(ou sans) son ÉPÉE un espoir se fait jour… un soleil qui se lève
MAGIQUE des bottes de sept
lieues raccourcissent
les distances… des
souris se transforment
en couturières…

Il affronte une série Vient le temps de « …de la sueur, du sang


d’ÉPREUVES, toutes les aventures, et des larmes… »
de tous les dangers.
Le dragon, les rats, les
sirènes, le Cyclope…

C’est l’atteinte du « Ils furent heureux et C’est le bonheur sur terre


GRAAL, de l’Éden… eurent beaucoup
d’enfants. » « le fils du
meunier épouse la fille
du roi et le chat botté
devient seigneur… »

La transposition pour l’entreprise

Il est assez facile de transposer ces séquences dans notre réalité,


celle de notre société comme celle de notre entreprise. Voilà
comment mettre en scène votre réalité :

LE CONTE STORYTELLING

Le ROYAUME Le secteur d’activités, l’entreprise, le département, le service…


« Business as usual »

Un DRAME Nous (vous…) faisons (faites) face à des difficultés, nous (vous…)
devons (devez) réagir
Perte de budget, de brevets…
Produit concurrent, nouvelles technologies…

Un HÉROS Un nouveau produit, un nouveau process.


Un plan de progrès, une équipe projet dédiée.
La méthode Agile, le Lean Management…
Des ÉPREUVES Risques, dangers, concurrence…
Changement de réglementation, nouveaux process qualité, budget
insuffisant…
Résistance au changement…

Le GRAAL Succès, bénéfices, avantages…


Pour le client, pour l’entreprise, pour l’équipe…

N’oubliez pas également de positiver votre parcours au final.


Cette séquence, le Graal, est trop souvent négligée or c’est elle
qui donne l’envie et l’énergie pour affronter les différentes
épreuves.
Cette trame est simple et facile à décliner. Vous pourrez
aisément l’enrichir pour l’adapter à votre contexte.

Raconter une histoire c’est se mettre à la portée de tout


public

Vous l’avez compris, une histoire c’est simple et c’est émouvant.


C’est pourquoi elle est facilement accessible à tous. Vous sortez de
la logique du Grand Sachant que l’on écoute avec respect pour
entrer dans celui du conteur qui vous prend par la main.

Un exemple dans le domaine des transports

EXEMPLE DE Réponse à un appel d’offres dans le domaine de la « mobilité


STORYTELLING urbaine » : assurer les transports en commun pour une
collectivité. Ex : Keolis, Transdev, RATP, Carpostal…
Le ROYAUME Ville de province célèbre pour ses sources thermales.
Des clubs de sport actifs.
Un centre-ville touristique.
Zones d’activités commerciales et industrielles à la périphérie…
Le roi est la collectivité territoriale, celle qui choisit le prestataire de
transport

Un DRAME Prestataire de transport actuel se contente de « gérer son business »


Activités thermales en déclin
La population vieillit
Le centre-ville perd de son dynamisme
Les touristes restent de moins en moins longtemps…
La collectivité lance un nouvel appel d’offres !

Un HÉROS Vous ! Spécialiste de la mobilité urbaine, vous répondez à l’appel


d’offres.
Votre « épée magique » : redorer le blason de la ville en faisant du
transport une vitrine pour la région !
En développent les outils numériques, en mettant en place une ligne
fonctionnant à l’hydrogène, en modernisant l’image…

Des ÉPREUVES Le prestataire actuel ne joue pas « cartes sur table »


Il y a de la part des techniciens et élus de la ville une résistance au
changement.
Est-ce que l’appli va bien marcher ? Il y a eu des déboires…
Et surtout vous risquez d’être plus cher que vos concurrents

Le GRAAL Vous faites miroiter une situation ou les habitants sont fiers de leurs
transports en commun :
La presse locale parle des véhicules à hydrogène
Grâce à l’appli, est née une ubérisation positive avec mise en
partage de véhicules personnels, l’utilisation des vélos est facilitée,
Les images du club de sport fleurissent sur les bus

Bien sûr, les références au conte (héros, épée magique…)


servent à la construction mais sont expurgées de la présentation.

4 Ajoutez accroche et morale


L’accroche

Comme dans le cas du Plan Persuasif, il peut être utile de


commencer par une accroche qui annoncera votre histoire et
donnera envie de l’écouter.

La morale

Toute histoire a sa morale (c’est l’équivalent de l’idée-force). C’est le


propre des fables. Cette morale arrive généralement à la fin.
C’est ainsi dans les fables de La Fontaine (Les animaux
malades de la peste) :
« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir »
Elle peut aussi être annoncée dès le début pour tendre le
discours (Le loup et l’agneau) :
« La raison du plus fort est toujours la meilleure, nous l’allons
montrer tout à l’heure »
Elle est même parfois redoublée en étant annoncée au début (Le
Laboureur et ses enfants) :
« travaillez, prenez de la peine, c’est le fonds qui manque le moins »
et reprise à la fin : « le travail est un trésor »

Pour bien raconter les histoires il faut posséder le talent


du conteur

Il faudra vous impliquer avec les ressources de la voix et du geste et


avec le soutien des émotions.
L’histoire n’est pas construite sur un argumentaire
rigoureusement étayé et illustré, elle repose plus sur le talent de
celui qui raconte.
Très bel exemple d’un Storytelling porté par une métaphore :
Grégory Pacini et sa Thèse en 180 secondes :
https://www.youtube.com/watch?v=2znv-v_QCyQ
FICHE 6

Le Storytelling

vidéo

L’art de raconter les histoires au service de votre communication.

L’émotion comme moteur de l’histoire

C’est l’émotion qui fait la force du Storytelling. Elle court-circuite la raison et


retentit dans tous les cœurs.
L’histoire comme symbole et métaphore de la réalité. L’histoire éclaire et
transcende notre réalité. Elle est exemplaire.

Les contes et légendes comme modèle

C’est la forme la plus ancienne et la plus puissante des histoires que l’on raconte
en public, celle qui a bercé notre enfance.

Deux principaux leviers : la chronologie et la dramaturgie

1. La simplicité de la chronologie (du passé vers le futur)


2. La puissance de l’émotion (du drame à l’accomplissement)

LE CONTE LES ÉMOTIONS ASSOCIÉES VOTRE HISTOIRE

Le ROYAUME « Il était une fois au royaume Le secteur d’activité, l’entreprise,


de… » le département, le service…

Un DRAME Les rats envahissent la ville… Vous faites face à des difficultés,
la famine s’installe… un dragon vous devez réagir
menace…
Perte de budget, de brevets…
Produit concurrent…
Un HÉROS Un espoir surgit Comme un Un nouveau produit, un nouveau
soleil qui apparaît process, la Méthode Agile, le
Lean Management, un Plan de
Progrès, une équipe projet
dédiée…

Des ÉPREUVES « … de la sueur, du sang et Risques, dangers,


des larmes… » concurrence… Changement de
réglementation, résistance au
changement…

Le GRAAL « Ils furent heureux et eurent Succès, bénéfices, avantages…


beaucoup d’enfants… »
Pour l’équipe, pour les clients,
C’est le bonheur sur terre pour l’entreprise…

Comme dans les fables, ajoutez une morale

5 Les sept histoires qui font le Storytelling

Qui je suis

C’est un incontournable. Il est probable que vous l’ayez déjà


pratiquée et ne cesserez de le faire. C’est plus qu’un CV, froid et
impersonnel. C’est votre biographie, avec les étapes qui vous ont
marquées, les enseignements que vous en avez tirés, les épreuves
que vous avez affrontées. N’occultez pas certaines faiblesses, elles
donneront nuances et humanité à vos propos.
Un exemple émouvant et porteur de sens est celui de Steve
Jobs retournant dans son université de Stanford : « Aujourd’hui, je
veux vous raconter trois histoires de ma vie. C’est tout. Pas grand-
chose. Juste trois histoires. »
Les réussites – Success stories

C’est la plus emblématique, celle qui anime la vie publique et la vie


d’entreprise. Elle correspond totalement à la structure du conte, telle
qu’elle vient d’être décrite. N’oubliez pas de rappeler les épreuves
qui ont été surmontées. Le succès est d’autant plus beau que la
difficulté fut grande.
Sachez reconnaître la valeur des acteurs qui ont fait cette
histoire. Si vous êtes le « héros », indiquez les soutiens dont vous
avez bénéficié et ayez le succès modeste. L’histoire de France et
ses victoires (Alésia, Austerlitz…), la Science et ses découvertes
(Flemming et la pénicilline, les pionniers de l’aviation…), le sport
(victoire à la Coupe du monde de football en 1998 et 2018) en
donnent de grands exemples.
L’entreprise se nourrit également de ses propres succès :
Eiffage qui réalise le Viaduc de Millau. Sanofi Pasteur qui s’appuie
sur l’histoire de ce petit garçon, premier humain à être sauvé de la
rage grâce au vaccin découvert par Louis Pasteur.
Plus généralement vous pouvez être amené à raconter l’histoire
d’un nouveau produit, d’un process, d’un projet… Les occasions
sont nombreuses.

L’exemple le plus fort est probablement les histoires


d’Apple et de Steve Jobs dont les destins se
confondent. Ils mêlent l’histoire du fondateur et celle de
l’entreprise qu’il a créée. Ils sont indissociables.

Vendre un produit

C’est une démarche marketing classique qui a plus d’impact qu’un


simple inventaire de ses qualités. Parce que la vente joue beaucoup
sur l’émotionnel. Le luxe en est particulièrement friand. Les films
publicitaires prennent souvent la forme d’une histoire, avec héros,
Éros et héroïne.
Dans un scénario de vente classique, il est communément
admis que vous devez, en premier lieu, mettre en scène la
« souffrance » du client, « en manque » de cet objet. Objet de
désir. Et puis, comme un rêve qui se réalise, l’objet apparaît et se
fait vôtre. Il vous faudra quand même le payer…

« One last thing », une dernière chose, disait accessoirement


Steve Jobs lors de ses célèbres « Key notes ».
Venait le moment que tout le public espérait, celui de la
présentation du nouveau produit. Ainsi, pour introduire l’ « iPod
nano », il commence par dire que la concurrence a les yeux
fixés sur l’ « iPod mini » son prédécesseur, celui que tous
envient et se préparent à copier. Lui, aidé de son valeureux
staff, a créé quelque chose de « totalement nouveau » et,
superbement, comme le lapin sort du chapeau, il le fait
apparaître de la poche de son jean.
C’est plus que de la mise en scène, c’est de la magie.

Porter une vision

Voilà qui est ambitieux, voilà qui est la marque des grands hommes,
des explorateurs, des entrepreneurs. Pensez à Christophe Colomb :
il présume l’existence d’un Nouveau Monde. Il doit convaincre le roi,
ses financiers et son équipage, que cette entreprise, folle et risquée,
est porteuse d’avenir. L’Amérique est au bout du chemin.
L’entreprise se doit aussi d’être « visionnaire ». Comme un vélo
à l’arrêt, elle ne peut pas rester sur ses acquis, il lui faut avancer.
Encore faut-il qu’elle sache dans quelle direction. Quel est
l’objectif qu’elle ambitionne d’atteindre, quel est son Graal ? Elle
doit être « porteuse de sens » auprès de ses employé(e)s. C’est
une des clés de la motivation.
Alors, chefs d’entreprise et managers de tout rang, faites-en une
histoire que vous nous raconterez et dont tous auront envie d’être
les acteurs. Dans son périmètre, chaque responsable d’entité, de
département, de service doit être en mesure de la faire sienne,
pour en faire sa propre histoire.
La « conduite du changement » relève du même principe. Un
écueil est d’adopter une attitude défensive en présumant une
résistance qui n’a peut-être pas lieu d’être (« courbe du deuil »1). Il
est préférable d’oublier le mot changement, de penser positif et de
désigner un objectif sensé et ambitieux, qui agira comme un pôle
d’attraction.

Un exemple très fort est celui donné par un ancien


président de Samsung L’exemple nous a été rapporté au
retour d’une learning expedition (voyage d’éveil) faite par
une grande entreprise française en Corée du Sud. C’était
l’époque où les leaders des téléphones portables étaient
Sony et Nokia. Samsung occupait alors une place mineure.
Voici ce que le président disait :
« Nous, Coréens, sommes un peuple de pêcheurs. Nous
aimons acheter le poisson encore vivant pour le
consommer le plus frais possible. Aussi, nos bateaux de
pêcheurs gardent les poissons dans de grands aquariums.
Mais la campagne de pêche est longue et au retour près de
la moitié de ces poissons sont morts.
Or, un jour un poisson-chat se retrouve incidemment dans
la cale du bateau. Le poisson-chat est carnivore, alors il
dévore quelques poissons. Mais de retour au port, les
marins s’aperçoivent avec surprise que sur l’ensemble des
poissons, cette fois, seul un petit nombre est mort.
Nous, Samsung, devons accepter l’ouverture au monde et
nous réjouir de la concurrence. C’est un aiguillon qui nous
maintient en vie, nous pousse à réagir et à devenir plus
fort. »
Les valeurs

Les valeurs, par essence, ont une forte résonance émotionnelle.


Elles font partie de notre histoire individuelle, elles définissent notre
morale, notre personnalité.
Elles sont aussi constitutives de l’humanité et sont présentes
très tôt dans nos religions. Les grands textes fondateurs, la Torah,
la Bible, le Coran sont pleins de ces histoires qui mettent en scène
et construisent ces valeurs.
Aujourd’hui, l’État, la Nation, la République (Liberté, Égalité,
Fraternité) se fondent aussi sur des valeurs. Ces valeurs doivent
être portées, entretenues par le discours politique et citoyen.
C’est une des missions de notre éducation. Parce qu’elles sont
à forte résonance émotionnelle, le Storytelling est la forme qui s’y
prête le mieux.
L’Entreprise se doit, elle aussi, de créer et d’entretenir ses
propres valeurs. C’est, avec la « vision » abordée précédemment,
un de ses piliers. Ce qui fait, pour une bonne part, que l’ensemble
des collaborateurs s’y sentent bien, en accord avec leur propre
système de valeurs. Pour que celles-ci ne soient pas que des
coquilles vides, des vœux pieux, il vous faut, managers, leur
donner une vérité. À vous de vous faire le témoin de tel ou tel
événement qui en démontre la pertinence et la réalité.

La pédagogie

Apprendre est essentiel, vital. Comment faire pour que la


connaissance nous soit accessible, que nous puissions nous
l’approprier ?
Le vieux professeur et les priorités de vie
Une belle histoire en est une des clés. En voici une que vous
avez peut-être déjà entendue : un vieux professeur de
philosophie se présente devant la classe avec une série
d’objets inhabituels qu’il pose sur son bureau, devant ses
étudiants. Face au silence intrigué de l’assistance, le prof prend
un grand bocal en verre et le remplit complètement de cailloux.
Il demande alors à la classe « Est-ce que le bocal est
rempli ? ». Les élèves répondent logiquement que oui. Le prof
prend alors du sable et le verse dans le bocal, le sable s’écoule
entre les cailloux et finit par remplir le vase jusqu’au bord. Il
repose la même question à ses étudiants amusés. Ceux-ci
répondent de nouveau que oui. Il verse alors de l’eau dans le
bocal, jusqu’à ras bord.
« Voyez-vous, dit le prof, j’aimerais que vous compariez ceci à
votre propre existence. Les cailloux représentent les choses
véritablement importantes, comme la famille, la santé, les
enfants. Ces choses qui font que même si vous perdez tout le
reste, votre vie n’en demeurera pas moins bien remplie. Le
sable représente, quant à lui, les choses qui sont importantes,
mais non essentielles, comme le travail, la maison, la voiture.
Enfin, l’eau peut être comparée aux choses sans importance.
Si vous commencez par mettre l’eau et le sable dans le bocal, il
ne restera plus d’espace pour les cailloux. Il en va de même
avec votre vie ; si vous gaspillez votre disponibilité et votre
énergie pour les petites choses, il ne vous restera jamais assez
ni de temps ni de place pour ce qui est essentiel à votre
bonheur. Soignez l’important : jouez avec vos enfants, prenez
soin de votre santé, sortez avec votre conjoint, parlez avec vos
parents.
Il sera toujours temps de réparer l’aspirateur, de finir un dossier
ou laver la voiture. Tout ceci n’est qu’eau ou sable qui glisse
entre vos doigts. »
Les échecs

Oui, c’est paradoxal. Vous pourriez penser que les échecs sont à
oublier, qu’ils ne doivent pas faire l’objet de communication. Ce
serait une erreur. Tirez les leçons de vos échecs.
Nous vous l’avons dit, les deux grandes ressources dont nous
disposons pour progresser sont :
• Capitaliser sur ses réussites
• Apprendre de ses échecs
Cela vous aidera à tourner la page, à ne pas ressasser cet
épisode. Et dites-vous que c’est parfois dans la difficulté que se
forgent les futures réussites.
CHAPITRE 6

S’entraîner, répéter

Que l’on me donne six heures pour couper un arbre, j’en passerai quatre
à affûter ma hache.

Abraham Lincoln

1 Évitez de rédiger la totalité de votre discours

Certains discours, notamment politiques, demandent une telle


précision dans le choix des mots, qu’ils doivent être écrits. C’est par
exemple le cas du célèbre discours prononcé en 2003 par
Dominique de Villepin à la tribune de l’ONU contre l’entrée en guerre
de la France en Iraq.
Vous serez rarement dans cette situation alors évitez d’écrire
votre discours dans sa totalité et surtout, évitez de le lire.
Les trois inconvénients majeurs :
• Parler dans un style écrit
L’oral possède son propre style (voir chapitre « Parler en style
oral » ACTE II) aussi vous risquez d’adopter un style littéraire,
trop verbeux ou bien trop institutionnel (le style dans lequel sont
écrites les brochures).
• Lire laborieusement ce que vous avez écrit
À moins de posséder un grand talent d’acteur, la lecture risque
de vous faire perdre toute spontanéité. Votre public restera en
marge de votre discours, en ayant l’impression de recevoir un
produit préfabriqué.
• Trouver le temps d’apprendre par cœur
C’est pourtant ce que prônaient les maîtres de la rhétorique
mais vous, en avez-vous le temps ? Et puis la peur du « trou »,
de la panne, risque de vous handicaper tout au long de votre
présentation.
Autre danger, celui d’être plus concentré sur l’effort de se
souvenir et de « bien dire » que sur la conviction qui doit vous
animer.

Maîtrisez parfaitement les éléments clés

Un autre danger est de faire confiance à ses qualités d’improvisateur


et d’avancer sans garde-fou sous prétexte qu’un travail trop préparé
vous enlèverait toute spontanéité. C’est bien entendu une erreur,
plus nous préparons mieux c’est. Encore faut-il bien se préparer.
Vous aurez intérêt à connaître par cœur votre idée-force et plus
généralement l’introduction et la conclusion ainsi que les titres de
chaque séquence.
Maîtrisez également les « éléments de langage », ces mots ou
expressions que vous avez soigneusement pesés et choisis (par
exemple vous pourrez préférer le mot « émulation » au mot
« compétition »).

Faites-vous des fiches

Un aide-mémoire

Faites comme les journalistes qui doivent donner l’impression d’une


maîtrise totale de sujets très différents sans disposer d’un grand
temps de préparation.
Préparez des fiches aide-mémoire, des fiches synoptiques
(visuelles et synthétiques) qui, d’un seul coup d’œil, vous
rappelleront les mots-clés de votre présentation. Prenez des
feuilles cartonnées format demi A4 et inscrivez uniquement des
mots-clés.
Ce sera votre « conducteur », votre fil rouge. Il vous donnera la
sécurité d’une trame bien construite, vous y aurez inscrit tous les
repères pour arriver à bon port.

Un confort pour vous

Ce conducteur composé uniquement de mots-clés vous donnera la


liberté de réinventer la formulation complète de vos idées,
d’interférer avec votre public, de vivre pleinement ce que vous dites,
d’être vivant et engagé.

2 Comme le sportif, entraînez-vous

Le talent sans le travail est fragile et périssable. La réussite et le


succès se construisent dans la durée au prix de beaucoup d’efforts
et d’entraînement. Il y a là un travail de fond. Combien d’heures
passées sur un vélo, de kilomètres parcourus, pour un coureur
cycliste avant qu’il ne se présente au départ du Tour de France ?
Si vous voulez développer votre talent d’orateur il faut vous
entraîner et répéter, comme le fait le sportif. Les progrès visibles
seront votre récompense et votre motivation.

La prise de parole c’est aussi du sport

Je détestais chaque minute de mon entraînement mais je me


disais : souffre maintenant et tu vivras tout le reste de ta vie
en champion.
Mohamed Ali

La prise de parole est aussi un engagement physique et vocal.


C’est pourquoi la pratique d’un sport vous aidera indirectement
à vous sentir plus à l’aise dans votre corps et dans vos gestes.
Des activités physiques comme le yoga, les arts martiaux, les
sports de précision (tir, tir à l’arc1…) vous aideront à trouver calme
et concentration.
Bien sûr, la prise de parole a sa propre spécificité. Aussi, en
dehors des quelques exercices présents dans ce chapitre, vous
trouverez dans le chapitre Exercices toute une série d’autres
exercices pratiques pour progresser au quotidien. Ils sont pour la
plupart inspirés de la pratique théâtrale ou de la sophrologie.
Vient maintenant le temps de votre présentation, celle que vous
venez de construire.

3 Comme le comédien,
répétez avec méthode

Bien sûr, pour vous l’exigence est moindre. Vous n’avez pas à
« savoir par cœur ». Néanmoins, pour guider votre travail, vous
pouvez vous inspirer des différents types de répétitions que l’on
trouve au théâtre :
• L’Italienne
Juste pour la mémoire de ce que vous allez dire, sans y mettre
particulièrement d’intention. En ayant en support les fiches que
vous vous êtes faites.
• La répétition technique
Pour être à l’aise dans votre positionnement, vos déplacements,
la technique (micro, slides, télécommande…), l’éclairage, les
accessoires… Cela sera d’autant plus indispensable si vous
intervenez sur scène à l’occasion d’une conférence ou d’une
manifestation importante (convention, congrès, table ronde…).
• La Générale
Essayez votre présentation devant quelques personnes choisies
et compétentes, parce qu’elles ont une bonne connaissance du
sujet, des attentes de l’auditoire, un avis éclairé et amical sur les
qualités d’un bon orateur et sur vous-même. Bien sûr, si l’enjeu est
important et si cela vous est possible, faites-vous coacher par un
spécialiste. C’est aussi le moment de faire les derniers réglages,
les derniers ajustements.

La règle d’or : répéter trois fois

Une première fois pour débroussailler, une deuxième pour corriger


vos imperfections et vos manques et une troisième pour vous sentir
à l’aise, en maîtrise. C’est fort de cet entraînement que vous pourrez
vous présenter en confiance devant votre public le jour J. Comme le
comédien le jour de la Première.

Insistez sur les moments clés de votre présentation

En particulier introduction et conclusion :


• L’introduction
Les 20 premières secondes sont clé, soignez-les sur la forme
comme sur le fond. Prenez votre temps, respirez, posez bien les
premiers mots. Sentez-vous à l’aise dans le soutien de la voix et
la clarté de la diction.
• Les moments forts
Par exemple l’idée-force, les messages clés, les titres de
chacun des chapitres de votre histoire, les éléments de
langage…
• La conclusion
C’est ce que le public doit retenir en priorité. Ralentissez votre
débit, affirmez, ponctuez… et faites silence.

Engagez-vous « Tête ̶ Cœur ̶ Corps »

Les répétitions sont l’occasion de construire et de tester votre


engagement. Dans trois directions, celles portées par le « Triangle
Grec » :
• Un engagement intellectuel : faites ressortir les idées-clés,
développez la logique de votre argumentation et soyez porteur
de vision.
• Un engagement physique et vocal : que votre posture soit le
reflet de votre conviction et de votre assurance, « donnez de la
voix » pour que vos paroles portent et joignez aussi le geste
pour que votre engagement soit total.
• Un engagement émotionnel : que la conviction vous porte et
que les émotions vous accompagnent. Alternez gravité et
humour. Soyez vrai, authentique, soyez joueur, à l’écoute de la
salle.
Toutes ces qualités qui sont du domaine du « non verbal » et
sont ici simplement esquissées seront largement développées
dans les chapitres suivants.
Vous savez qu’il est utile de répéter de vive voix et pourtant, le
plus souvent, vous n’y consacrez pas le temps nécessaire.
Combien de temps passé à peaufiner vos slides alors que vous
feriez mieux de répéter votre texte !

4 Recentrez-vous et visualisez votre réussite

Après cette période intense de répétition vient le moment d’un retour


sur soi. Installez-vous confortablement, dans un environnement
protégé, détendez-vous, respirez calmement et profondément. Le
moment est venu d’activer vos ressources mentales : imaginez et
visualisez le film de votre succès, celui dont vous allez être
demain le héros (vous trouverez cette technique développée
chapitre Le Mental est votre force, Acte IV).
• Voyez-vous entrer et vous installer. Visualisez votre posture,
vos expressions de visage. Représentez-vous votre auditoire :
voyez-le s’installer et se faire soudain attentif.
• Entendez-vous commencer votre introduction, développer
chaque argument et conclure chaleureusement. Entendez votre
voix, vos mots, vos silences.
• Sentez-vous agir : sentez de l’intérieur vos regards, vos
gestes, améliorez telle ou telle attitude. Ressentez les
intentions, les émotions qui vous animent.
• Visualisez les réactions d’intérêt, d’approbation dans le
public : vous le voyez, vous y êtes, l’intérêt est là, votre discours
porte.

Comme le sportif, échauffez-vous un peu avant

Il vous faudra une préparation spécifique pour être prêt le moment


venu, pour dire de manière forte et habitée votre présentation, votre
discours… comme Roger Federer, qui se prépare et s’échauffe
systématiquement avant de rentrer sur un court de tennis, en dépit
de toutes les années d’entraînement qui ont précédé.
Les différentes étapes pour votre échauffement
• Étirez-vous
Un peu comme le ferait un chat, doucement et
tranquillement, courbez votre colonne vertébrale en
poussant le dos vers l’arrière et les mains vers l’avant. À
l’inverse, poussez la poitrine en avant, les bras écartés et
les épaules basses. Écartez au maximum les mains de
chaque côté comme si vous vouliez repousser les murs
• Décontractez-vous
Mobilisez les épaules, bras détendus le long du corps en
leur faisant accomplir des cercles.
Pivotez autour de la verticale, le dos droit et les épaules
basses en laissant « flotter les bras » le long du corps.
Toujours la tête haute et les épaules basses, secouer vos
bras et vos mains, de haut en bas, comme si vous vouliez
vous séchez les mains encore pleines d’eau.
• Dynamisez-vous
Faites de petits sauts sur place et des mouvements de
bras, un peu comme un boxeur qui pratique le saut à la
corde ou du shadow boxing.
Mobilisez aussi votre visage avec toutes sortes de
grimaces. Ouvrez grand les yeux.
• Échauffez-vous la voix
Pratiquez un ou deux exercices de diction qui vous vont
bien (voyez chapitre Exercices, Acte IV). Le plus simple
étant d’enchaîner bien distinctement : « Panier Piano
Panier Piano… »

Vous voilà maintenant dans de bonnes dispositions pour vous


consacrer à la répétition de votre présentation.

Vous allez bientôt commencer


Dans une dizaine de minutes ce sera à vous, ce sera le moment
de votre intervention. Votre priorité est de faire le calme intérieur et
de mobiliser toute votre énergie mentale sur l’action à accomplir.
• Concentrez-vous sur votre respiration, une respiration basse,
profonde, détendue. C’est la principale ressource à activer pour
gagner ou regagner le calme, faire la paix en vous.
• Détendez-vous, relâchez vos muscles : épaules, mains,
visage…
• Ayez en tête les éléments clés de votre discours : idée-force,
introduction, conclusion, structure.
• Visualisez-vous en pleine maîtrise de vos qualités.
Vous intervenez dans la minute qui suit : ayez en tête les vingt
premières secondes de votre présentation et… continuez à bien
respirer.
C’est à vous, vous êtes prêt, vous pouvez vous lever !
FICHE 7

Répéter et se préparer

vidéo

C’est indispensable et trop souvent négligé.

Comme le sportif, entraînez-vous, échauffez-vous

Le sport vous aidera à vous sentir mieux dans votre corps. Des activités
physiques comme le yoga, le Pilates, le tir à l’arc vous aideront à trouver calme
et concentration.

Comme le comédien, répétez avec méthode (au moins trois fois)

• D’abord pour le texte, la mémorisation (Italienne).


• Pour être à l’aise avec la logistique (répétition technique).
• Devant une ou plusieurs personnes choisies (Générale) pour recevoir un
feedback éclairé et positif.

Insistez sur les moments clés

• L’introduction avec l’accroche, l’idée-force…


• La conclusion avec sa formule et son point d’orgue (action, ouverture…).

Engagez-vous Tête ̶ Cœur ̶ Corps

Un engagement intellectuel, émotionnel et physique.

« Faites-vous le film » de votre succès

• Voyez-vous entrer et « prendre possession » de la salle.


• Entendez-vous poser les premiers mots.
• Sentez-vous exister physiquement, redressé et tranquille.
• Laissez-vous porter par vos gestes et vos émotions.
• Voyez le public réagir positivement à vos paroles.
Vous allez bientôt commencer

• Ayez en tête les 20 premières secondes.


• Respirez profondément.
ACTE II
Depuis votre entrée jusqu’au mot final

7. Apprivoiser son trac


8. La congruence
9. Le langage du corps
10. Visage et regard
11. La voix
12. Parler en style oral
13. S’évaluer et progresser
CHAPITRE 7

Apprivoiser son trac

Chacun se croit seul dans son enfer, c’est ça l’enfer.

René Girard

1 Vous avez le trac ? C’est normal

Peut-être avez-vous vécu cette situation : à mesure que la date


fatidique de votre présentation approche, vous ressentez une boule
au ventre, un mal de tête qui s’installe. La confusion vous gagne.
Vous vous sentez de plus en plus seul dans ce monde indifférent qui
vous entoure…
Peut-être même avez-vous vécu ce cauchemar : vous vous
retrouvez dans la lumière, exposé à tous les regards, livré comme
une victime expiatoire à votre public. Vous sentez le sol bouger
sous vos pieds, votre cœur galoper, vos mains deviennent moites,
votre voix vous manque, vos idées s’envolent…
C’est un scénario possible, effectivement. Sachez que ce n’est
en rien une fatalité, vous avez toutes les cartes en main pour
changer la donne. Construisons ensemble un autre scénario, celui
de la maîtrise, de la performance et du plaisir partagés. Faisons
en sorte que ce trac ne soit pas un frein mais à l’inverse un
tremplin pour vous conduire vers la réussite.
Le trac est partagé par tous

Si vous croyez être le seul à l’éprouver, détrompez-vous, tout le


monde connaît le trac. Pour des raisons variées et sous des formes
diverses. Vous êtes comme le reste de l’humanité, fabriqué dans un
moule de chair et d’émotions… À chaque fois que vous vous
exposez en public il y a un enjeu fort qui se noue et le trac est de la
partie.
Tant que l’homme sera mortel, il ne sera jamais décontracté.
Woody Allen

Nombreux sont ces témoignages d’artistes qui ont à


« affronter » le public : de Souchon à Adjani, de Brel à Huster, de
Dustin Hoffmann à Mylène Farmer. Ils le disent, ils se sentent
chaque soir « mourir » de trac avant de renaître sur scène.
Certains vont même jusqu’à vomir en coulisses. Leur
appréhension est à la mesure de la spontanéité et de l’émotion
qu’ils vont ensuite libérer. Le trac est leur plus grand talent.

Une anecdote (légende ou réalité ?) à propos de Sarah


Bernhardt
À une jeune comédienne qui lui dit vivre son métier dans le plus
grand bonheur, elle lui demande :
• Et vous avez le trac ?
• Non pas du tout.
• Vous verrez ça viendra avec le talent…

Les sportifs qui font face à un adversaire, au dépassement de


soi, parfois au danger physique (sports mécaniques, sports de
l’extrême) connaissent aussi cette forte période de tension qui
précède l’événement.
Les journalistes, à la télévision ou à la radio, qui doivent
intervenir en direct avec parfois un temps de préparation réduit
face à des milliers voire des millions d’auditeurs ou de
téléspectateurs, sont également tous sujets au trac : ils jouent
chaque jour leur image, leur carrière.
Plus près de vous : les personnages publics, les politiques,
les dirigeants, les cadres d’entreprise, vos collègues. Ils ont
un message fort à transmettre, des énergies à mobiliser, des
enjeux à affronter et du sens à partager. Ils ont donc le trac (ils
nous le disent…).

2 Comment est généré le trac

Ce que l’homme projette devant lui comme son idéal, est le


substitut du narcissisme perdu de son enfance.
En ce temps-là, il était lui-même son propre idéal.
Freud

Trouver remède à son trac, c’est d’abord le dédramatiser et, pour


cela, le connaître.

Le trac, un surinvestissement de soi

Votre trac est à la mesure de ce qu’il vous reste de ce narcissisme


perdu, de ce que vous projetez sur cet événement à venir, de la
quantité de valeur que vous y investissez. Le trac est un
surinvestissement de soi vers ce moi idéal forgé dans votre enfance.
Voilà pourquoi les artistes et les sportifs ressentent un trac
intense. Ils en ont un réel besoin car celui-ci nourrit leur énergie,
leur permet de surinvestir leur valeur. C’est bien cela leur but à
atteindre : se dépasser, se sublimer.

Derrière le trac, la peur

Nous, êtres humains, connaissons quatre émotions fondamentales :


joie, peur, colère, tristesse.
C’est l’une d’elles, la peur, qui génère le trac. Il y a en effet tout
un cortège de peurs qui accompagnent la prise de parole :
• des peurs très concrètes : un trou de mémoire, une voix
défaillante, des interventions intempestives, un micro à
maîtriser, des questions pièges… ;
• des peurs beaucoup plus diffuses, liées à la confrontation à
cet inconnu qu’est le public et à cet autre personnage que vous
connaissez plus ou moins bien : vous-même.

Peur des autres… et peur de soi

« L’orateur est en prise à une problématique phobique (se sentir


seul, nu, dévoilé, agressé, ignoré, renversé) en même temps qu’il
est confronté au désir des autres. Et ce désir-regard si prégnant
vient perturber la mentalisation (peur du blanc, discours confus,
digressions, lapsus, hésitations, etc.) ! »1
Qui est cet autre collectif – votre public – à qui vous allez vous
adresser et que vous souhaitez convaincre et persuader ? Votre
esprit ne s’en fait-il pas une représentation chimérique ?
Et si cet autre-là, votre public, n’était fait en réalité que de
personnes ouvertes, intéressées et a priori bien intentionnées ?
Comme la plupart des personnes qui vous entourent, comme vous
et moi. La peur des autres, c’est surtout la peur de soi, de son
échec supposé, la peur d’être pris en faute, de ne pas atteindre ce
moi idéal.

L’adrénaline, pour le pire et surtout pour le meilleur

Il est utile de comprendre comment fonctionne physiologiquement le


trac. C’est un fonctionnement en deux temps : alarme puis
adaptation.

La phase d’alarme
Cette première phase, quasi instantanée, est heureusement brève.
Nos sens (la vue, l’ouïe…) et notre imagination génèrent en nous un
sentiment de peur. Face à cette agression émotionnelle qu’il perçoit,
notre corps réagit immédiatement par une sécrétion d’adrénaline,
véritable hormone d’urgence principalement secrétée au niveau des
glandes surrénales (les reins).
Cette hormone a comme principaux effets, dans un premier
temps, d’accélérer le rythme cardiaque, d’augmenter la tension
artérielle et de dilater nos bronches, ce qui favorise une réaction
musculaire rapide.

Attaquer ? Fuir ?

Si vous avez à affronter une véritable agression physique, une mise


en danger de votre vie, votre cerveau reptilien vous propose
immédiatement deux solutions : attaquer ou fuir (c’est le fight or flight
des Anglo-Saxons). Il vous faut réagir rapidement. L’adrénaline est
alors la réponse adaptée, un formidable produit dopant naturel.
Face au public il en est tout autrement. Vous n’allez pas
agresser physiquement vos interlocuteurs ou sortir précipitamment
de la salle. Et pourtant l’adrénaline est là, avec son cortège
potentiel de réactions aussi diverses qu’inconfortables dues à
cette inadaptation : Tremblements irrépressibles, rougeurs,
transpiration, gorge nouée, bouche sèche, voix blanche ou
tremblée, tétanie ou hyperactivité… Rassurez-vous, vous n’allez
pas cumuler tous ces désagréments, peut-être deux ou trois tout
au plus.
Comprenez aussi que c’est la preuve que votre corps réagit,
qu’il mobilise votre énergie, votre mental. Vous en avez besoin.
Bien sûr vous devez réagir, passer du « mauvais » trac au
« bon » trac, faire en sorte que votre émotivité cède la place à
l’émotion, celle qui va servir vos convictions. Vient alors la
deuxième phase, la phase d’adaptation.

3 Comment utiliser positivement son trac


• Anticiper ce trac par une bonne préparation.
• Accepter, dans un premier temps, de ressentir ce trac, il n’est
probablement pas aussi visible et négatif que vous le croyez.
• Apprivoiser son trac pour l’utiliser comme une ressource et
non comme un frein.
• Utiliser votre trac, passer à l’action.

Anticipez ce trac : entraînez-vous,


préparez-vous

C’est ce que font les sportifs qui eux aussi doivent canaliser leur
émotivité. Inlassablement, méthodiquement, ils préparent et répètent
chaque geste, chaque séquence, chaque étape pour augmenter
leurs chances objectives de succès.

Sur le court terme : préparez-vous

C’est ce que nous avons largement développé au chapitre


précédent :
• Faites-vous une fiche avec des mots-clés.
• Répétez, répétez, répétez.
• Faites-vous le film de votre réussite : visualisation positive.
• Échauffez-vous, corps et voix.
• Respirez.

Sur le long terme : développez la « maîtrise de soi »

C’est la méthode « en profondeur », qui permet de mieux faire face à


ce qui ne peut être préparé : l’imprévu. Diverses approches y
conduisent : sportives, artistiques, thérapeutiques, spirituelles ; la
sophrologie, la méditation, le yoga, les arts martiaux. Ce travail sur
la maîtrise de soi, sur ses comportements, requiert détermination et
patience. Il procure une réelle efficacité et des joies profondes sur
les plans professionnels et personnels.

Adoptez la méthode Coué : « ça va bien se passer »

Cela peut vous paraître artificiel mais relève là encore d’un travail
mental efficace. C’est valable dans votre préparation, c’est aussi
valable lors de votre présentation.
Pour cela, soyez attentif à toute manifestation positive :
adressez-vous prioritairement aux personnes qui semblent être
vos « alliées », celles qui vous sourient ou acquiescent à ce que
vous dites. Le public est agité : c’est qu’il est intéressé et réagit. Il
est silencieux : c’est qu’il est attentif…

Face au public, acceptez votre trac

Ne soyez pas dans le déni

C’est indispensable d’accepter son trac pour pouvoir le dépasser.


Vouloir l’ignorer a toutes les chances de l’entretenir voire de le
développer. Alors, vous avez le trac, reconnaissez-le. C’est une
forme de sagesse, d’humilité à partir de laquelle vous allez pouvoir
réagir, rebondir.
Vous pouvez même le dire : « je me sens intimidé, je n’ai pas
l’habitude de parler devant un public si nombreux… ». Ainsi vous
aurez toutes les chances de vous attirer la bienveillance de ce
public et, vous-même, vous vous sentirez déchargé de ce poids
lourd à porter pour vos seules épaules.

Le trac est moins visible que vous l’imaginez

Généralement nous surévaluons les effets visibles et audibles de


notre trac. Cette boule au ventre que je ressens, est-elle perçue par
le public ? Ce léger tremblement de la voix est-il si audible ? Cette
crispation des mains et des épaules est-elle si visible ?
Interrogez amis ou collègues vous serez probablement surpris
d’entendre que certaines manifestations présentes pour vous
n’étaient pas perçues par ces témoins.

Voyez votre trac comme une ressource

Le trac apporte un surcroît d’humanité

C’est la preuve que vous existez, dans votre chair et dans votre
cœur. Ce trac qui transparaît vous rend plus humain, plus proche du
public. Lui aussi connaît le trac. Votre émotion visible le touchera,
elle est gage de votre sensibilité et de votre engagement.

Au final vous aimerez votre trac

C’est ce que ressent le sportif de l’extrême réussissant son exploit.


C’est ce que ressent le comédien porté par son rôle quand il est
applaudi par le public. C’est ce que vous ressentirez légitimement, à
la fin de votre présentation. Le plaisir est à la hauteur de la peur
initiale, à la hauteur de l’obstacle franchi. Sans enjeu, sans
adrénaline, il n’y a pas de véritable plaisir.

4 Utilisez votre trac : passez à l’action

C’est la deuxième phase. C’est cette fois un processus volontaire


d’adaptation. Après le temps de l’alarme, de la réaction spontanée,
vient celui de l’action dirigée.
Un maître mot : « décontraction » qui contient en lui-même les
différentes étapes du processus d’adaptation.
DÉCONTRACTION
Décontraction est probablement le mot qui s’oppose le mieux à
celui de trac, c’est son parfait antidote.
Qu’est-ce qui fait que face au public vous n’êtes pas
décontracté ? Nous l’avons dit, c’est la peur, c’est le « trac » qui se
cache au milieu du mot « décontraction » :
DÉCON TRAC TION
Ce même trac qui engendre toutes sortes de « contractions »
autant physiques que mentales :
DE CONTRACTION
Dès que la première phase, l’alarme, se manifeste, vous devez
réagir, passer en mode « action » :
DÉCONTR ACTION
C’est l’action qui va dissiper vos tensions, qui va permettre à
l’adrénaline de s’exprimer physiquement. C’est le remède idéal
pour faire disparaître en quelques secondes les symptômes les
plus gênants du trac.
Il y a quatre sortes d’actions principales à mettre en œuvre,
lesquelles sont détaillées dans les fiches qui suivent :

• Le reconnaître et l’apprivoiser (fiche 9)

• Lâcher prise (fiche 10)

• Respirer (fiche 11)

• S’engager physiquement (fiche 12)

Et des qualités mentales à développer :

• Que le mental soit votre force (fiche 13)


FICHE 8

Apprenez à reconnaître votre trac et à l’apprivoiser

vidéo

Vous avez le trac ? Tant mieux… le trac est un dopant naturel, qui agit aussi bien
sur le physique que sur le mental. Acceptez votre trac et adaptez-vous.

1. Alarme : réaction automatique momentanée

• Toute émotion forte provoque une tension instantanée (afflux d’adrénaline


au niveau des glandes surrénales).
• Celle-ci n’est que passagère : quelques secondes en général.
• Ses effets varient selon les tempéraments : bouche sèche, chaleur,
rougeurs, mains moites, tremblements, sueurs froides, tics corporels et
verbaux…
• Heureusement, personne ne les cumule tous : deux ou trois tout au plus.

2. Adaptation : processus volontaire

Cette tension peut se maîtriser. Voici comment, avant et en cours d’intervention.


• Avant (maîtriser l’appréhension) :
– préparer l’intervention avec soin ;
– faire des fiches (juste quelques mots-clés) ;
– répéter et visualiser ;
– se concentrer uniquement sur l’action : faire et non pas être.
• Pendant (dissiper les effets de la tension) :
– rester soi-même et s’accorder le droit à l’erreur ;
– détendre sa posture, souffler et respirer par le ventre ;
– ralentir, faire des pauses et des silences ;
– affirmer avec conviction ;
• Un seul risque (rare) : l’absence de trac
– Pas de trac, pas de présence !
N.B. : Proscrire alcool, drogues. Éviter les médicaments bêtabloquants, efficaces
mais disproportionnés.
Le trac, un ami qui vous veut du bien
FICHE 9

Apprenez à rapidement lâcher prise

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Faire (exprès) ce que font spontanément les enfants quand ils sont déçus ou
contrariés : hausser les épaules puis relâchez en soupirant. Contraction puis
décontraction, laissez faire le naturel.

L’exercice est simple : « relâchez-vous »

• Placez-vous debout, les pieds un peu espacés et bien ancrés dans le sol.
• Inspirez et contractez-vous doucement et progressivement : haussez les
épaules, repliez vos bras jusqu’au visage, fermez les poings, contractez
maxillaires, paupières, sourcils et front.
• Ne bougez plus, ne respirez plus (temps court).
• Soufflez lentement et à fond, en relâchant visage, épaules, bras et mains.
• Accompagnez ce mouvement agréable d’expiration en laissant retomber
les bras jusqu’en bas.

Ça fait du bien : alors, recommencez

• Recommencez l’exercice (contraction puis décontraction), en insistant sur


la phase de décontraction : ressentez en soufflant une profonde sensation
de bien-être dans tout votre corps.
• Vérifiez que votre position de repos est totalement détendue : épaules
basses, phalanges relâchées, visage détendu. Vous respirez largement et
lentement. Vous vous êtes « lâché », vous vous sentez bien.

À présent, vous avez accès à vos ressources

• En une minute, vous avez décontracté votre corps et délivré votre


respiration.
• En vous relâchant, vous avez fait le vide, mis le stress hors circuit et
accédé à un mental plus serein et à vos ressources : calme, plaisir,
conviction…
FICHE 10

Respirez profondément

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Pour trouver ou retrouver calme et concentration : respirez par le ventre.


La respiration conditionne :
• la détente physique et physiologique ;
• l’équilibre nerveux et émotionnel (le moral) ;
• la maîtrise mentale et la concentration.

Le principe : respirer par le ventre

– expir (temps long) ; palier (bref) ; inspir (temps long) ; palier (bref).

Expiration :

• D’abord, videz l’air : soufflez lentement et profondément, laissez sortir le


maximum d’air (bouche entrouverte).

Inspiration :

• Inspirez profondément (par le nez) : détendez et laissez se gonfler le


ventre, le plexus solaire puis la poitrine (légèrement, épaules basses et
détendues).

Lâcher prise :
• Laissez-vous envahir par un sentiment de bien-être, relâchez
progressivement vos résistances internes : lâ-chez-prise.

En parlant, pensez à prendre le temps de respirer

Calmez votre débit. Faites des phrases courtes ponctuées de silences.

Respirez et vous serez inspirés

Cette respiration calme et profonde vous facilitera l’accès à vos ressources


mentales. Elle est une des clés de votre inspiration.
FICHE 11

Contre le trac passez à l’action

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L’action dissipe la tension

Prenez l’initiative, passez en mode action. C’est dans l’action que l’adrénaline
trouvera son exutoire. Elle est l’antidote du trac.

Mobilisez le corps

• Prenez appui dans le sol : c’est une « mise à la terre » de votre stress.
• Videz l’air : soufflez pour évacuer cette tension intérieure.
• Respirez par le ventre pour faire le plein d’oxygène et d’énergie.
• Regardez tranquillement l’auditoire. Plutôt que de fuir du regard allez à la
recherche de l’autre.
• Détendez votre visage, vos mains et vos bras. Ce sont les parties du
corps ou se loge le plus visiblement votre contraction.
• Redressez-vous et ouvrez votre buste, vous vous sentirez plus fort.

Donnez de la voix

• Projetez votre voix en direction du public pour vous affirmer.


• Ralentissez votre débit, faites des silences pour vous calmer et respirer.
• Articulez en prenant appui sur les consonnes.
• Parlez plus fort et ponctuez vos finales.

Le langage

• Faites des phrases courtes et simples.


• Soyez concret, imagé et donnez des exemples.

L’émotion
• Acceptez votre émotivité : c’est un moment qui va passer pour laisser
place à l’émotion.
• L’émotion est porteuse : parlez avec plaisir, calme et conviction.
FICHE 12

Que le mental soit votre force

vidéo

Tenez le cap

• Restez focalisé sur l’objectif à atteindre : le chemin peut changer, l’objectif


reste le même.

Que la conviction vous anime

• Faires preuve d’énergie physique et vocale, il y a une part d’engagement


sportif dans la prise de parole.

Soyez pleinement présent

• Vivez intensément le moment présent, intellectuellement et émotionnel-


lement.

Soyez généreux et bienveillant

• Donnez de vous-même, soyez vrai.


• Parlez au public comme si vous parliez à un ami.

Soyez ouvert, à l’écoute

• Gardez tous vos sens en alerte, soyez ouvert aux réactions du public.
• Sachez infléchir votre route, intégrer ces réactions.
• Développez une écoute empathique, même s’il n’y a que vous qui parlez.

Soyez positif

• Ayez confiance en vos qualités et en vos idées.


• Au-delà des obstacles montrez les solutions.
• Soyez résilient, l’adversité et l’opposition s’useront face à vos arguments et
à votre conviction.

Relativisez, soyez joueur

• Prenez de la distance : ce sont vos idées qui sont en jeu, pas vous, c’est
un rôle que vous jouez : celui correspondant à votre métier, votre fonction…
• Amusez-vous : de vos erreurs, de certaines réactions.
CHAPITRE 8

La congruence

Il veut nous vendre la vie et il n’a même pas un échantillon sur lui.

Coluche

1 Les mots, la voix et le corps au service de votre parole

Passons à l’action… de quels outils, de quels instruments allez-vous


vous servir ?
Utilisez ces trois puissants médias que sont les mots, la voix et
le corps, de façon à vous adresser pleinement à celles et ceux qui
vous écoutent, pour les convaincre comme pour les émouvoir.

Accepter de se montrer

Dire, c’est aussi montrer et se montrer. Exposer, c’est aussi


s’exposer.
Mais en avons-nous toujours véritablement envie ? Tant de
freins sont en nous et nous retiennent au moment de passer à
l’acte…
Surmonter son introversion

Si l’on reprend la distinction établie par Jung (introversion et


extraversion), certains peuvent se centrer davantage sur eux-mêmes
(réflexion, introspection) : ils auront alors quelque réticence à sortir
de leur réserve et à utiliser les outils de la communication en public.
Ce qui est naturel et plaisant pour l’extraverti – c’est sa
nourriture psychique même – devient effort pour l’introverti. Il lui
faut donc accepter de s’ouvrir au partage avec autrui, faire en
sorte que cet effort devienne libération et lui procure finalement un
peu de plaisir.
Parce que le public est là et vous regarde, le plaisir se voit,
s’entend et se ressent.

La puissance de l’émotion
Littéralement, émotion signifie ce qui nous meut, nous met en
mouvement.
« L’expression des émotions est la condition même de leur
partage. La capacité de lire les émotions est un langage ancien
qui a précédé de très longtemps
l’émergence d’un langage humain. Depuis notre naissance nous
avons appris que la voix et nos expressions sont le véhicule des
émotions, du plaisir, de la douleur, de la colère. Nous pleurons
avec ceux qui pleurent, rions avec ceux qui rient et souffrons
avec ceux qui souffrent. Ces mouvements de l’âme nous les
comprenons à partir de la vue des mouvements du corps »,
Jean Claude Ameizen1.

Accepter de montrer ses émotions

Ce qui chez l’enfant est acte spontané devient souvent


problématique pour l’adulte. Il n’y a qu’à observer autour de soi dans
le monde de l’entreprise et même dans le domaine public pour
constater la censure de ses émotions. Éducation ? Culture ?… Là
encore, une décision personnelle doit être prise : dépasser cette
réserve. C’est de l’émotion perceptible chez celui qui parle que
naîtra, par contagion, celle de son public et son envie de partager et
d’adhérer.

2 La congruence : accord entre Verbal et Non-Verbal

Vous savez ce que signifie le mot « incongru » : une parole ou un


acte déplacé, mal à propos… Mais savez-vous ce que signifie la
« congruence » en communication ? C’est la cohérence, l’accord
parfait, la totale harmonie, entre le « verbal » et le « non-verbal » :
• le verbal : les mots, les paroles, le langage. C’est l’aspect
digital de la communication, ce qui peut se retranscrire par
l’écrit. C’est ce que l’on signifie quand on parle de « verbaliser »
ou encore de « procès-verbal » ;
• le non-verbal : c’est très naturellement tout ce qui n’appartient
pas au verbal, soit essentiellement ce qui est vu (le corps, les
gestes…) et ce qui est entendu (la voix, les intonations). Nous
ne sommes plus dans la dimension digitale mais dans la
dimension analogique de la communication.
Un bon exemple de non-congruence est celui de Droopy disant,
avec l’air de chien battu qui est le sien : « You know what, I am
happy » (Vous savez, je suis heureux).

La congruence selon Albert Mehrabian

Il y a un peu plus de vingt ans, le professeur Albert Mehrabian et son


équipe de neurologie de l’UCLA, l’université de Californie Los
Angeles, se sont intéressés au traitement de l’information par notre
cerveau et, en particulier, à la manière dont nous percevons un
message oral. Ces études statistiques ont été publiées sous le titre
de The Silent Messages. Elles ont fait l’effet d’une sorte de
révélation.
À quelle composante se fie en priorité l’auditoire lorsque
l’orateur n’est pas congruent ?
• 55 % à la part visuelle du message (le corps)
• 38 % à sa part auditive (la voix)
• 7 % seulement à la part verbale (les mots)

* Pr Albert Mehrabian, UCLA

La prééminence du non-verbal (corps et voix) sur le verbal


(langage) s’explique assez naturellement. La pensée « pure » qui
nous permettrait de traiter digitalement l’information n’existe pas
en tant que telle.
« Ce que cache mon langage, mon corps le dit, mon corps est
un enfant entêté, mon langage est un adulte très civilisé », Roland
Barthes.
Notre auditoire est lui aussi un « animal sensible », qui capte
intuitivement notre discours et dont les impressions l’emportent
sur la raison pure.
Les mots mentent plus facilement que le non-verbal
Ce qui apparaît de cette étude d’Albert Mehrabian c’est que
nous considérons instinctivement qu’il est plus facile de mentir
avec les mots qu’avec le corps et la voix. Seuls les acteurs ou
certains communicants aguerris ont ce « talent » de mentir
comme s’ils disaient vrai : « je n’ai jamais eu de compte
bancaire à l’étranger », par exemple. Attention, la vérité peut
parfois vous rattraper.

Regardez « Caroline Cartier, vœux télévisés des Présidents »,


savoureux montage vidéo :
https://www.dailymotion.com/video/xgcbs4

3 Soyez congruent et vous serez écouté

La congruence est une clé, un sésame, qui ouvre l’attention, la


compréhension et l’intérêt de celui qui écoute.
Mettez en accord vos paroles et votre non-verbal. Vous serez
alors perçu comme sincère et authentique, l’auditoire vous recevra
cinq sur cinq, avec empathie et s’intéressera pleinement à vos
paroles.
Les neurones miroirs, clé de l’empathie
Vers 1990, à Parme, des chercheurs découvrent l’existence de
« neurones miroirs » qui sont activés quand nous réalisons une
action comme tendre une main vers un verre. Mais ils sont
aussi activés quand nous voyons quelqu’un d’autre le faire.
Nous réalisons en nous-mêmes ce geste. Parce que les
neurones miroirs ne font pas la distinction entre nos propres
comportements et ceux des autres, ils nous permettent de nous
mettre à la place des autres, de nous mettre un instant dans la
peau de l’autre.

La maîtrise du non-verbal :
une des clés de l’Impact

Il est donc fondamental que vous maîtrisiez votre corps et votre voix
pour les mettre en accord avec vos idées, vos intentions et vos
émotions. C’est pourquoi nous allons nous intéresser dans un
premier temps à ces deux composantes (corps et voix) : Il faut que
votre corps « parle » et que vous fassiez « vivre » votre voix pour
que votre discours trouve toute sa puissance (c’est l’objet des deux
chapitres à venir).

Les principaux outils du non-verbal

Attitude générale, (posture, déplacements)


Comment vous vous comportez Gestuelle
physiquement
(CORPS) Expressions du visage
Regard

Comment vous faites entendre votre Volume


voix
(VOIX) Intonations, articulation
Débit
Pauses respiratoires et silences
Nous nous intéresserons ensuite à la partie verbale :

Phrases (syntaxe)
Ce que vous dites Vocabulaire
(LANGAGE) Lexique (code verbal du public)
Temps du verbe (mode verbal)
FICHE 13

Le non-verbal plus fort que les mots

vidéo

Le non-verbal ne sait pas mentir, soyez congruent

Le public est un animal très intuitif. Si vous n’êtes pas sincère, ou concentré, il se
fiera, selon Albert Mehrabian, à :
• 55 % à la part visuelle du message (le corps) ;
• 38 % à sa part auditive (la voix) ;
• 7 % seulement à la part verbale (les mots).
D’où l’intérêt d’être, congruent, c’est-à-dire authentique et présent.

Faites que votre corps parle

• Posture : ancrage au sol, verticalité et relâchement.


• Déplacements : avec mesure et tranquillité, plutôt dans les silences.
• Gestuelle : ouverte, fluide et déliée.
• Visage : serein et expressif.
• Regard : adressé et personnalisé.

Faites vivre votre voix

• Volume : tonus, de la voix lancée et soutenue à la confidence, articulation


claire.
• Intonations : nuancées (entre grave et aigu) et ponctuées (sur les finales).
• Débit : posé sur les idées importantes et plus vif sur les exemples et les
commentaires.
• Silences : pour la clarté et pour le confort de celui qui parle comme de
celui qui écoute.
CHAPITRE 9

Le langage du corps

Le langage du corps est la clé qui peut déverrouiller l’âme.

Constantin Stanislavski

Avant même de vous entendre et de vous comprendre, le public


vous voit. Quelle image donner de soi-même ?

1 Le corps nous fait parfois défaut

Notre expérience nous enseigne ces deux constats :


• notre corps est un territoire qui nous est en partie inconnu ;
• souvent notre corps voudrait parler et souvent nous l’en
empêchons.

Le corps, territoire en partie inconnu

Il existe un « sixième sens ». Non pas le sens imagé de l’intuition,


mais celui de la perception que nous pouvons avoir de notre corps.
Ce sixième sens s’appelle la proprioception, c’est-à-dire la
perception consciente ou non de notre propre corps par sensation
interne au travers de nos membres, de nos muscles, tendons et os.
C’est lui qui nous permet par exemple de nous toucher le nez,
même les yeux fermés. C’est lui qui nous permet de nous tenir
verticalement, de contrôler nos attitudes et nos gestes et de les
adapter aux exigences de la situation présente. Certains sports,
dits complets car ils impliquent la totalité de notre corps (les arts
martiaux, gymnastique…) ou certaines disciplines comme le yoga,
la danse, le mime, le théâtre développent cette maîtrise corporelle
de soi.

Des mouvements ou une posture inappropriés

Beaucoup de personnes n’ont qu’une maîtrise très imparfaite de leur


corps, consciemment ou inconsciemment :
• elles sont toujours en mouvement, sans savoir se stabiliser ;
• la tête est assez systématiquement penchée d’un côté ;
• les mains sont contractées ou en perpétuelle agitation ;
• les épaules sont ou relevées ou en avant…
Dans ce cas il est important de reprendre possession de son
corps tout entier, de se le réapproprier.
Une formation à la communication (de préférence avec vidéo)
est une aide efficace pour réaliser des progrès rapides. Dans
l’immédiat, les conseils donnés dans les fiches suivantes vous
permettront d’obtenir le premier résultat essentiel : habiter la
totalité de votre corps.

Le corps voudrait parler et souvent nous l’en empêchons

Le corps parle naturellement : il précède la parole et en est son


soutien naturel. Le petit enfant utilise d’abord son corps et sa voix
pour communiquer, avant de le faire par la parole.
Or, pour des raisons liées à notre environnement, notre
éducation (vie sédentaire, ne pas faire de vagues…) ou notre
caractère (introversion, autocensure…), le corps « parlant » est
fréquemment emprisonné, comme empêché, alors qu’il est l’un de
nos grands outils de communication. Il est important de lui rendre
sa liberté et son pouvoir d’expression.

2 Soyez pleinement présent :


ancrez-vous et redressez-vous

Avant même d’être entendu, vous êtes vu. Faites-en sorte, par votre
posture d’être le plus « présent » possible, d’incarner cette qualité
particulière : la force tranquille.

Ce qu’il faut éviter

Évitez de faire les cent pas, de long en large, comme un lion en


cage. Ça n’a aucun sens sinon vous permettre d’évacuer un excès
d’énergie. Le public, lui, sera très vite lassé.
Évitez également de vous déplacer d’un pied sur l’autre, dans
une sorte de danse de l’ours. Ce flottement pourra être
interprété, aux yeux du public, comme un manque d’autorité et un
manque d’assurance dans vos propos.

Ancrez-vous solidement

Ancrez-vous dans le sol, enracinez-vous, vous vous sentirez stable,


solide et fort. C’est aussi l’image que vous donnerez. L’écartement
de vos pieds doit être environ équivalent à la largeur de votre bassin.
Les pieds suffisamment distants pour que vous soyez stables et
suffisamment rapprochés pour pouvoir ensuite vous déplacer de
manière aisée.
Soyez solide sur vos appuis, comme on doit l’être dans
beaucoup de sports (arts martiaux, golf, tennis…). Vivez-le
également comme une « mise à la terre » qui vous permet
d’évacuer votre stress par ce contact avec le sol. Vos jambes sont
alors comme le tronc d’un arbre, solide, indéracinable.
Redressez-vous

Profitez de toute votre taille, faites-vous grand. Soyez au faîte de


votre présence.
Imaginez un fil d’or qui s’accroche au sommet de votre crâne et vous
tire vers le ciel.
Souvent, au fil des ans et sous le poids du stress, nous avons
tendance à nous voûter, à nous rapprocher du sol. Luttez contre
cette force de gravité. Votre corps ne s’en sentira que mieux et
votre image en sortira bonifiée.

Baissez les épaules

En même temps que vous redressez la tête, baissez vos épaules.


Cela vous donnera de l’allure. Un peu comme ces hommes ou ces
femmes qui portent des ballots sur leur tête avec beaucoup de
majesté.
Remonter les épaules est une tendance très répandue, comme
un réflexe de protection lorsque l’on se sent trop exposé. Face à
un danger physique, nous avons tendance à réagir spontanément
en nous protégeant : tête rentrée, épaules hautes et poings
serrés, comme un boxeur qui se protège des coups.
Cette mauvaise position peut provoquer une TMS (Trouble
Musculo Squelettique) qui s’appelle le syndrome d’Atlas, du nom
du titan qui a soutenu le poids de la voûte céleste sur ses épaules.
Elle se traduit par une contraction des trapèzes et une raideur de
la nuque. Touchez vos trapèzes, est-ce qu’ils ne vous font pas un
peu mal ? Alors dégagez votre tête et laissez bien redescendre
vos épaules.

Ouvrez légèrement la poitrine vers l’avant

De façon à être ouvert, à rayonner, comme si au niveau de votre


sternum un soleil éclairait et réchauffait le public. Cela donnera un
surcroît de présence à votre posture. Faites-le sans excès, sans
ostentation, gardez votre naturel.

Relâchez les bras

Il faut de la tenue, soit, mais il faut aussi du relâchement, de la


décontraction. Apprenez à éliminer toute tension parallèle, relâcher
le plus possible vos bras. Laissez-les retomber si vous n’avez pas à
illustrer ou commenter vos paroles par le geste.
C’est un confort et un bien-être pour vous, c’en est un aussi,
indirectement, pour les personnes qui vous regardent.

Composez votre attitude

Attention, le mieux est souvent l’ennemi du bien. Si vous êtes


parfaitement ancré, droit et symétrique vous risquez de donner une
image très formelle, très fabriquée de vous-même.
Parallèlement à ces fondamentaux, il convient donc de retrouver
du naturel en apportant une touche de dissymétrie, en composant
votre attitude : par exemple avec un pied un peu en avant, un
léger déhanchement, une main à hauteur de la taille et l’autre le
long du corps, les épaules légèrement biaisées… Comme il vous
serait demandé si un peintre devait faire votre portrait en pied (ou
si vous deviez poser pour un photographe).

3 Déplacez-vous… avec mesure

Il est fondamental de savoir se tenir tranquillement ancré. Pour


autant, ne vous sentez pas vissé dans le sol, soyez libre de vous
déplacer. Faites-le avec mesure, toujours guidé par une intention. Il
y a plusieurs motivations possibles à vos déplacements.

Guidé par le regard


C’est la motivation la plus simple, la plus immédiate. Si vous voulez
renforcer l’impact de votre regard en direction d’une personne en
particulier, tournez entièrement votre corps dans sa direction (pas
seulement les yeux ou la tête) et plus encore, avancez vers elle de
quelques pas. Et puis, posez-vous de nouveau. Cette nouvelle
proximité renforcera votre présence.
Il conviendra ensuite de retrouver tranquillement une place plus
centrale où vous aurez de nouveau tout le public dans votre
champ visuel.

Guidé par vos paroles

Mettez en scène votre discours. Quand c’est possible, illustrez ce


que vous dites par vos déplacements.
Par exemple, si votre message est « aller au-devant des
besoins du client », avancez-vous, cela renforcera le message. Si
vous parlez d’échange entre deux services, vous pouvez situer un
service d’un côté de la scène et le second de l’autre côté. À vous
ensuite de vous déplacer entre ces deux localisations suivant ce
que vous direz.

Guidé par la configuration de la salle

Plus la salle est grande, plus le public est nombreux, plus il vous
sera utile de vous déplacer. Vous allez peut-être être amené à parler
devant une assistance très fournie. Dans ce cas la salle, pour des
raisons d’accès, est organisée en différentes zones (2, 3, 4…)
séparées par des travées.
Rapprochez-vous successivement de chacune de ces zones et
puis, après un moment, changez de zone de façon à ménager un
équilibre entre chacune de celles-ci.

Pour soutenir un PowerPoint


L’emploi d’un PowerPoint (voir chapitre PowerPoint) projeté sur un
écran a au moins cet avantage qu’il vous donne une bonne raison
de vous déplacer. Si vous voulez commenter une image, reculez-
vous et tournez votre regard vers l’écran. Si vous voulez ensuite que
le public vous regarde de nouveau, avancez-vous dans sa direction
pour retrouver toute son attention.

Pour plus d’autorité, déplacez-vous en silence

Si vous voulez marquer votre autorité, votre leadership, ou plus


généralement donner de l’importance à vos paroles n’hésitez pas à
« théâtraliser » vos déplacements : parlez en étant bien ancré et
déplacez-vous en silence.
Je parle je me pose, je me déplace, je me tais !
Cette occupation – mesurée – de l’espace renforcera votre
présence et donnera du sens à votre discours.
FICHE 14

Posture et Déplacements

vidéo

La présence et le charisme se lisent d’abord sur la posture.

Ancrez-vous dans le sol

• Placez-vous bien en vue du public.


• Ancrez-vous dans le sol, c’est une mise à la terre qui vous libère de vos
tensions intérieures. C’est comme cela que vous trouverez force et
tranquillité.
• écartez les pieds de la largeur du bassin, ce qui vous donnera de la
stabilité tout en vous permettant, par la suite, de vous déplacer librement.

Redressez-vous et ouvrez-vous

• Soyez au faîte de votre présence en vous grandissant, en vous


déployant, comme si vous vous sentiez « tiré vers le ciel par un fil d’or »
(stature).
• Dégagez la tête de vos épaules (port de tête) et ouvrez votre buste.

Relâchez épaules et bras

• Ayez de la tenue et du relâchement .


• Baissez les épaules et relâchez vos bras jusqu’au bout des doigts. Pour
votre bien-être et pour celui du public qui vous regarde.
• Si vous n’avez rien à exprimer par la gestuelle, relâchez !

Déplacez-vous librement, guidé par une intention

• Par le regard, pour en renforcer son impact.


• Pour « mettre en scène votre discours » : faire vivre un lieu, un concept,
donner vie à des personnages…

« Je parle, je me pose… je me déplace, je me tais »


• Dans tous les cas, évitez de déambuler et marquez des temps d’arrêt.

Avoir de la présence, c’est être 100 % présent, ici et


maintenant

4 Les gestes

« Que faire de mes mains ? »

C’est la question que posait une jeune comédienne à Louis Jouvet.


C’est une question que vous vous posez aussi, probablement. C’est
en tout cas une difficulté majeure, quasi unanimement évoquée :
« Que faire de ses mains ? »
Louis Jouvet répondit : « Rien, laissez-les retomber le long du
corps ». C’est ce que vous faites lorsque vous êtes naturellement
détendu.
C’est aussi ce que vous devriez faire lorsque vous n’avez pas
encore commencé à parler. Cela relève du bon sens : si vous
n’avez rien de particulier à exprimer par vos gestes alors ne faites
rien.

Le naturel se travaille

C’est moins simple qu’il n’y paraît. Se tenir debout, les bras ballants
sans paraître emprunté, face au public, ça s’apprend (ou se
réapprend), cela relève d’un certain talent.
Parce que vous êtes regardé, observé, et que ce trac insidieux
vous contracte et vous pousse inconsciemment à vous protéger.
Alors vous avez envie de serrer les poings ou de réunir vos
mains…
Rassurez-vous, vos bras ne vont pas rester longtemps inertes :
ils vont devenir gestes, s’ouvrir, monter et rendre votre
communication expressive.

Joignez le geste à la parole

Rappelez-vous la congruence et ce que dit Albert Mehrabian (voir


chapitre précédent) : le public se fie à 55 % à ce qu’il voit. L’image
qui s’imprime dans la rétine du spectateur est la composante
essentielle de votre authenticité, de votre crédibilité. Une absence de
gestes, ainsi que d’expressions du visage ferait écran entre vous et
l’auditoire et masquerait votre conviction.
Alors renforcez votre message par une animation gestuelle. Le
public vous voit avant de vous comprendre. Le geste est porteur
de sens, le geste est porteur d’émotions. C’est ce qu’enseignaient
les maîtres de la rhétorique, que ce soit Démosthène ou Cicéron.

Être gestuel n’est pas gesticuler

Parfois le geste fait place à la gesticulation. Le geste doit être au


service de votre communication, il ne doit pas la polluer. Évitez, sous
couvert d’engagement, une agitation trop frénétique. Cette agitation
est plutôt signe de faiblesse, la velléité remplaçant la volonté. Elle
peut être aussi une forme d’embrigadement (revoir les discours
d’Hitler).

Adoptez une gestuelle ouverte

Rappelez-vous (Fiche 12 Le mental), vous devez incarner l’image


d’une personne ouverte et généreuse, vos gestes doivent en être la
manifestation visible.
Plutôt que de fermer les mains, ouvrez-les. Plutôt que de
montrer le dos de vos mains, montrez la paume. Il y a là une
symbolique forte. La présence c’est aussi « faire présent de soi »,
c’est un cadeau que l’on fait à son public et une main qui donne
est une main ouverte.
Évitez une gestuelle étriquée, « petit bras », où les coudes
resteraient collés au corps et où seuls les mains et les avant-bras
s’exprimeraient. Osez des gestes larges.
Votre présence se quantifie aussi en fonction de l’espace que
vous occupez avec vos gestes. C’est toute une sphère en trois
dimensions que vous avez intérêt à habiter.

Ayez des gestes déliés

La main peut parfois conduire le mouvement, par exemple en


pointant du doigt ou en fermant le poing pour souligner sa volonté.
N’en abusez pas.
Un mouvement harmonieux prend sa racine au centre de notre
corps et se déploie vers sa périphérie. Comme un mouvement de
fouet. C’est aussi ce qu’on enseigne en danse classique. C’est ce
que vous avez intérêt à privilégier

Ayez des gestes fluides

Le plus souvent, le geste accompagne la parole, il la précise,


l’illustre. Ce n’est pas lui qui prend le devant de la scène. C’est
pourquoi il doit être fluide, coulé, comme dans un ralenti, sans à-
coups et sans raideur. Vous êtes affranchi de toute gravité, comme
le font les pratiquants de Tai Chi par exemple (observez-les le
dimanche matin dans certains parcs, c’est une véritable
chorégraphie).

Ayez des gestes signifiants

Faites que vos gestes parlent, eux aussi. Ils peuvent faire vivre vos
images, illustrer utilement un mot : décrire un escalier en colimaçon
se fait plus facilement avec le geste que la parole. Ils peuvent
renforcer ou modérer une idée. Ils peuvent dire oui ou non… La
palette de nos gestes est immense.
Attention à trop de symétrie

Observez certains personnages publics qui ont pris l’habitude d’avoir


une gestuelle assez systématiquement symétrique. C’est une
habitude dont il convient de se défaire. Alternez un bras puis l’autre.
N’utilisez les deux en symétrie que dans les moments forts.
Cela apportera de la variété, de la vie à votre prestation et vous
permettra plus de relâchement.

Faites que tout le corps accompagne vos gestes

Si la gestuelle, et plus encore les mains, concentrent une grande


partie de votre mobilité, dites-vous que le corps dans son entier a
aussi son mot à dire.
Ne restez pas systématiquement figé. Il est bien d’accompagner
par moments vos paroles d’un mouvement qui mobilise tout votre
corps. Par exemple, un corps qui se penche vers l’avant pour
mieux impliquer le public ou un élan du corps qui prend naissance
dans le sol pour se poursuivre dans le corps et au final mobiliser
vos mains.
Fiche 15

Votre gestuelle est vivante

vidéo

Soyez gestuel

• Le public se fie à 55 % à ce qu’il voit (selon Albert Mehrabian).


• Que le geste accompagne et souligne votre engagement.
• Il y a autour de vous une sphère magique. Habitez-la de vos gestes.

Attention aux gestes-tics qui distraient l’attention

• les mains dans le dos, dans la poche ou sur les hanches ;


• les bras croisés sur la poitrine ;
• les mains jointes, qui s’en « lavent les mains », qui caressent une alliance ;
• l’index levé ou pointé, les mains occupées par un stylo…

Adoptez une gestuelle large et ouverte

• Évitez les gestes petits bras : coudes au corps et mains jointes.


• Dégagez vos mains du corps et ouvrez de temps à autre vos gestes vers
l’auditoire.
• Plutôt que le dos de vos mains, montrez la paume.
• Allez au bout du geste, donnez-lui de l’intensité. Puis relâchez.

Faites que vos gestes parlent

• Faites vivre vos images, dessinez-les pour nous.


• Soulignez vos affirmations avec le geste.

Ayez des gestes fluides et déliés

• Le plus souvent le geste accompagne, il est souple, comme au ralenti.


Jouez de la dissymétrie

• Les gestes symétriques ont une grande force, n’en faites pas une règle.
CHAPITRE 10

Visage et regard

Le visage est le miroir de l’âme.

Cicéron

1 Le visage

I. là où s’exprime le mieux votre sensibilité

Faites que votre visage exprime vos sentiments. C’est sur votre
visage qu’ils pourront se montrer de la manière la plus visible, la plus
franche. Parce que c’est sur vos yeux, vos lèvres et votre visage que
nous focalisons notre regard. Et parce que votre visage, par la
multiplicité de ses muscles, par sa plasticité et par sa mobilité ouvre
la voie à toute une gamme d’expressions, aussi fines, subtiles que
variées.

Vous ne jouez pas au poker

Vous connaissez cette expression « poker face » qui traduit la totale


impassibilité de celui qui cherche à cacher son jeu. Le joueur de
poker le fait intentionnellement, ne le faites pas involontairement.
C’est pourtant ce que l’on observe trop souvent. Où est votre
congruence si votre visage reste de marbre ?

II. Soignez votre expressivité

Le spectateur doit pouvoir lire « à livre ouvert » sur votre visage.


C’est le signe de votre engagement et de votre sensibilité.
Décontractez le visage (front, maxillaires…) et jouez de tous ses
muscles pour exprimer librement ce que vous ressentez dans le
moment présent.
Racontez-nous de belles histoires, faites-nous voyager par la
magie de votre visage.
C’est aussi ce qui va contribuer à « colorer » votre voix. Pensez
à ces téléacteurs à qui on demande de sourire pour que leur voix
sourie au téléphone.

Faites tomber le masque

Dans le théâtre grec il y a deux masques, masques que l’on retrouve


parfois sur la tombe des comédiens : le comique et le tragique. Dans
un même ordre d’idées, Marivaux, dans Le Jeu de l’Amour et du
Hasard, parle de « l’homme aux deux visages » : il sourit à
l’extérieur et se ferme, face à son épouse, à la maison.
Ne portez pas un masque. Pour celui qui parle en public, nous
retrouvons bien ces deux directions : sourire ou fermeture. C’est
plus un réflexe et une défense, qu’un choix. Un peu comme le font
spontanément les enfants quand on cherche à les prendre en
photo.
Dans ce cas, il faut réapprendre à détendre le visage, retrouver
une neutralité sur laquelle pourront s’écrire toutes les couleurs de
vos émotions, comme le peintre le fait sur une toile vierge.

Doit-on sourire ?
Le sourire est évidemment signe d’accueil, d’ouverture, de
bienveillance. N’en abusez pas. Un sourire permanent ou forcé
devient vite suspect. Il ne s’agit pas, lorsqu’on parle en public, de
plaire ni de séduire de manière factice. Évitez aussi ce « sourire du
timide », qui recherche l’indulgence de celui qui écoute. Évitez les
sourires cosmétiques.
Cependant, communiquer c’est aussi ressentir un certain plaisir
dans la relation à autrui et dans l’aboutissement d’une idée à
laquelle on adhère soi-même. Votre sourire doit donc
correspondre à un sentiment intérieur qui réchauffe votre relation
à l’auditoire et éclaire, par moments, votre visage.
Votre regard aussi car, bien plus que la bouche, c’est votre
regard qui sait sourire avec sincérité.
Et puis, bien sûr, il est des moments où c’est la gravité qui
l’emporte et votre visage doit l’exprimer, loin de tout sourire, sous
peine de non-congruence.
Remarquez que même à l’écrit, et plus particulièrement sur
tout ce qui est du « chat » via Internet, nous utilisons des
smileys et autres émoticônes. Ces dessins donnent à voir ce
que nous ressentons, ils complètent les mots.
Fiche 16

Le visage est éloquent

vidéo

Vous n’êtes pas un acheteur, ni un joueur de poker… alors laissez parler votre
visage.

Détendez votre visage

• En parlant comme en écoutant, sachez relâcher votre visage : détendez le


front, les sourcils, la bouche et les maxillaires (lâchez prise).
• Un visage détendu détend aussi le public : les émotions sont contagieuses,
profitez-en.

Qu’il soit mobile et expressif

• Le public doit pouvoir lire à livre ouvert sur votre visage.


• Que votre visage reflète votre spontanéité, vos intentions et vos émotions.
• C’est le signe de votre engagement et de votre sensibilité.
• C’est sur votre visage que le public place principalement son regard.
• Un visage congruent1 vous rendra crédible d’emblée.

Attention à un visage trop fermé

• Sachez être grave si le contexte vous y invite, n’en faites pas un masque.
• La bonne humeur facilite bien des choses. Elle peut contribuer à vous
rendre plus aimable. Vous risquez même d’y prendre plaisir.

Souriez quand il le faut

• C’est un signe d’accueil, d’ouverture, de bienveillance.


• N’en abusez pas, le sourire s’use s’il devient omniprésent. Là encore n’en
faites pas un masque.
• Le sourire authentique vient de l’intérieur : il exprime la sérénité, le plaisir.
• Plus que par la bouche, il s’exprime par le regard : la « petite lumière » qui
pétille.

2 Le regard

C’est une des clés de la communication à l’oral. Communiquer c’est,


avant même de prononcer le premier mot, établir le contact par le
regard, puis le maintenir et, tout au long de votre présentation, ne
pas cesser de dialoguer avec le public par ce même regard.

Le reflet de votre vie intérieure

Laissez le regard refléter ce que vous ressentez : plaisir, conviction,


intérêt, surprise… Quand vous voulez sourire, c’est d’abord votre
regard qui sourit. Et quand vous écoutez, regardez avec
bienveillance.

Adressez le regard

Vous n’imaginez pas envoyer une lettre sans adresse sur


l’enveloppe. Il en va de même pour le regard. Sans adresser le
regard en direction de celles et ceux qui vous écoutent, il y a peu de
chances que vos paroles les atteignent. Il n’y a qu’au Père Noël que
l’on puisse envoyer une lettre sans adresse…
Autant la phase de construction et de répétition mentale
implique de se centrer sur le contenu de ce que vous allez dire,
autant il est essentiel de vous centrer maintenant sur votre public :
impliquez-le et apprenez de lui.
Un regard absent est le plus souvent un regard qui se réfugie
ailleurs : dans l’introspection, la réflexion mentale2, ou plus
simplement qui cherche ses idées dans les profondeurs de sa
mémoire.
Attention, le danger est grand. L’absence de regard laisse votre
auditoire libre… de penser à autre chose ou d’interpréter ce
manque comme un malaise, une fuite ou un défaut d’engagement.

Pour les spécialistes du décodage du non-verbal


Quand il y a un manque d’adresse, la direction de regard va
souvent vers le plafond ou le sol. Les spécialistes de la PNL
(Programmation Neuro Linguistique) interprètent volontiers une
direction de regard en haut à gauche comme une recherche
dans l’imaginaire (élucubration, mensonge…) et en haut à droite
comme une recherche dans la mémoire (vérité…).
Il est plus sage de laisser ces subtilités aux illusionnistes
mentalistes.

Sortez donc de vous-même et rapprochez-vous du public par le


regard. Cela peut représenter pour certains un effort, une habitude
nouvelle : faites cet effort et vous en serez récompensé par une
proximité et un échange renforcé.
Le regard adressé c’est aussi un moyen d’oublier son trac, de
sortir de soi pour communier avec le public. La métaphore de
l’acte amoureux est souvent utilisée, à juste titre, pour parler du
lien qui lie l’orateur à son public.

Personnalisez le regard

Évitez un regard qui balaie l’auditoire, qui glisse sur les personnes
sans jamais s’arrêter. Il faut qu’il se pose. Choisissez une personne
(dans un premier temps une personne qui vous semble
sympathique, un possible « allié ») et regardez-la avec acuité et
bienveillance, comme si vous regardiez un proche, un ami. C’est un
dialogue qui se noue alors entre vous et cette personne même si
vous êtes le (ou la) seul(e) à parler. Provoquez sa réaction, par votre
conviction, votre ouverture, votre humour. Et probablement, vous la
verrez réagir par un acquiescement, un sourire… Tout va bien, vous
pouvez alors diriger votre regard vers une autre personne.
Face à un public nombreux, imaginez parler à un « ami »
Face à un auditoire nombreux, inconnu, représentez-vous une
personne « idéale » que vous aimeriez convaincre. Cet
interlocuteur virtuel, imaginez qu’il ressemble un peu à la
population rencontrée mais, en même temps, qu’il est profane
par rapport au thème que vous développez. Qu’il est, dans votre
esprit, bien intentionné à votre égard, désireux de découvrir, de
comprendre et prêt à adhérer à votre point de vue. Donnez-lui
un visage (sympathique) et un nom ou un prénom. Ainsi vous
aurez un véritable « ami » dans la salle et c’est à lui que vous
vous adresserez mentalement en regardant les participants.
Naturellement, l’ensemble du public se sentira reconnu, vous
comprendra et aura, à son tour, envie d’adhérer.

Si vous êtes ébloui par les projecteurs


En assemblée, sur scène, l’œil peut avoir du mal à accommoder
et à distinguer le regard de ses interlocuteurs. « Je suis ébloui
par les projecteurs, le public est comme une masse confuse, j’ai
l’impression d’être dans le brouillard… ». Ce phénomène est
largement dû à la tension provoquée par votre émotivité, il vous
faut un léger temps d’accoutumance. Regardez « sans voir » et,
bientôt, vous verrez.

Ayez un regard « démocratique »

Toutes les personnes présentes ont droit à votre regard, toutes ! Il


arrive fréquemment que l’on se fixe inconsciemment sur une
personne, parce qu’elle représente l’autorité, parce que c’est elle qui
a le pouvoir de décision quant à la suite à donner à votre
présentation, ou parce qu’elle est en face de vous, ou parce qu’elle
vous sourit… Dites-vous que les autres personnes ont, elles aussi,
une bonne raison de vous écouter, alors allez également les
chercher du regard. N’oubliez pas celles ou ceux qui se trouvent sur
les côtés, trop souvent délaissé(e)s.
Attention, pas de manière strictement équitable. Si vous savez
que certaines personnes sont plus directement impliquées par vos
messages, adressez-vous plus particulièrement à elles. La
connaissance de l’auditoire est alors un bon guide.

Si vous intervenez dans une salle de grande dimension


Face à un public nombreux, dites-vous que lorsque vous
regardez une personne située assez loin de vous, les dix autres
personnes à l’entour croiront que vous les regardez
personnellement. Ainsi tous auront le sentiment d’avoir été
personnellement concernés.

Regardez de manière aléatoire

Un écueil est de dérouler son regard de manière systématique en


« scannant » l’assistance de gauche à droite et de droite à gauche,
comme le ferait un radar (d’où cette expression balayer du regard).
Il vous faut varier l’adresse de votre regard, faire en sorte qu’à
tout moment toute personne puisse le recevoir. C’est un des
gages de maintien de l’attention.

Faites que le courant passe entre vous et le public

Le regard, c’est le médium de votre communication. Il est, avec votre


voix, le seul trait d’union tangible, physique entre vous et votre
public : faites que le courant passe…
Fiche 17

Le regard,
un lien privilégié

vidéo

C’est, indépendamment des mots, le lien privilégié qui vous relie au public et
permet un véritable dialogue à plusieurs.

Adressez le regard

• Sans regard vos paroles ont peu de chances d’arriver à destination.


• Évitez les regards à terre ou perdus au plafond.
• Même quand vous cherchez vos idées, regardez le public.
• Regardez vraiment, dans les yeux !

Personnalisez le regard

• Fixez votre regard avec bienveillance sur une personne, comme si vous
regardiez un(e) ami(e).
• Concernez-la, faites-la réagir, en gardant le contact pendant 2/3 secondes.
• Apprenez de cet échange : postures, gestes, mimiques

Ayez un regard « démocratique »

• Tous et toutes ont droit à votre regard.


• Ne vous focalisez pas sur quelques personnes sous prétexte qu’elles vous
sourient ou ont un rôle particulier à jouer.
• En assemblée, regardez plutôt au loin puis alternez vos zones de regard :
tous se sentiront ainsi concernés.

Regardez de manière aléatoire

• Ne « scannez » pas l’assistance mécaniquement, comme le ferait un radar.


• Variez spontanément vos regards, sans ordre particulier.
Passez de la tension… à l’attention

• Au lieu de vous sentir regardé par chacun de vos interlocuteurs, c’est vous
qui les observez avec bienveillance : inversez les rôles !
CHAPITRE 11

La voix

C’est cette voix du cœur qui seule au cœur arrive.

Alfred de Musset

La voix, cette belle inconnue

La voix, « interprète du cœur et de l’âme » comme le dit joliment


George Sand est, peut-être plus encore que le corps, un continent
qui nous reste à découvrir.
Nous l’utilisons spontanément, sans trop y réfléchir sans trop
nous écouter. Elle est impalpable, invisible et pourtant ô combien
présente. Chaque voix est unique, elle marque notre identité.
Parfois nous reconnaissons une personne à sa voix plutôt qu’à
son visage. Plus encore, pour beaucoup d’entre vous, lorsque
vous avez l’occasion d’écouter votre voix enregistrée, vous ne
vous reconnaissez pas.
Les possibilités de la voix sont immenses. En termes de
registres comme en termes de timbre (notre identité vocale). Un
praticien aguerri pourra imiter tous les instruments de l’orchestre.
Or beaucoup d’orateurs parlent d’une voix plate, linéaire et peinent
à jouer de toutes ses variétés. Pour utiliser au mieux sa voix il est
important d’en bien comprendre son fonctionnement.
1 Nous fonctionnons comme un instrument à vent

Pour produire un son, notre corps fonctionne exactement comme un


instrument à vent. Le plus proche est probablement la cornemuse.
Pour en jouer, vous devez insuffler de l’air à l’intérieur d’une
vaste poche. Un bras doit presser cette poche dont l’air va
s’échapper sous forme d’une colonne d’air qui traverse une flûte
(le chalumeau) et produit un son dont la hauteur varie en fonction
de la longueur de cette flûte et dont le timbre dépend de la forme
et de la qualité du bois dont elle est faite.
De la même façon, pour produire un son, nos poumons
s’emplissent d’air (comme la poche de la cornemuse). Nous y
appliquons une pression par l’intermédiaire du diaphragme
(muscle plat qui sépare les poumons des viscères) qui remonte
pour venir comprimer les poumons. Une colonne d’air suit alors la
trachée-artère (formée d’anneaux cartilagineux) entre en vibration
au contact des cordes vocales (deux muscles en forme de lèvres
qui s’accrochent sur la glotte et fonctionnent comme une anche de
flûte (cette petite lamelle qui entre en vibration sous la pression de
l’air), résonne dans le larynx puis dans les cavités supérieures au-
dessus (pharynx, bouche et cavités sinusales) pour produire du
son.
Trois fonctions différenciées :
• Les poumons : ils génèrent le souffle. Ils doivent produire un
flux d’air suffisant pour permettre la vibration des cordes
vocales.
• Le larynx : cette vibration créée par les cordes vocales
module très rapidement le débit (et la pression) d’air, ce qui est
la source du son. Les muscles du larynx permettent d’ajuster la
hauteur du son et dans une certaine mesure le timbre (contenu
harmonique).
• La bouche : la cavité buccale fournit l’articulation, à l’aide de
la langue, du palais et des lèvres. La forme des cavités
buccales et nasales détermine le timbre de la voix et en partie
sa hauteur : elles favorisent certaines fréquences au détriment
d’autres, en fonction de leur forme et de leurs dimensions et en
liaison avec la cavité laryngée.
Produire un phonème (élément sonore dont est fait le langage)
nécessite de trouver le bon équilibre entre souffle, phonation et
articulation.

2 Respirez « par le ventre »

Schématiquement, il y a deux manières de respirer.

Respiration thoracique (à éviter)

C’est le haut de la poitrine qui est mobilisé. En phase d’inspiration le


haut de la poitrine se gonfle et souvent les épaules accompagnent le
mouvement en montant. C’est une respiration que nous avons
tendance à adopter quand nous sommes sous tension ou encore
soumis au trac. Il arrive même que la gorge ou la bouche (ou les
deux) se contracte(nt) ce qui peut se traduire par un son à
l’aspiration, signe de votre tension. Vous l’avez compris, ce type de
respiration est à éviter.

Respiration ventrale (à privilégier)

La poitrine reste tranquille, relâchée et tout se passe plus bas, au


niveau du ventre et du diaphragme. Ce sont les muscles de la
sangle abdominale et le diaphragme qui font tout le travail.
Pour cela, il faut se tenir bien droit, la poitrine légèrement
ouverte pour corriger la voussure du dos, le bassin légèrement
rétroversé pour ne pas cambrer, les pieds bien en appui dans le
sol et la tête droite, dégagée des épaules.
• À l’expiration : contractez la sangle abdominale. Les viscères
qui se trouvent alors comprimés font remonter le diaphragme,
lequel vient, à son tour, comprimer les poumons (c’est
équivalent au mouvement du piston dans un moteur à
explosion). Si la gorge est relâchée, l’air pourra s’échapper
librement par la bouche ou le nez.
• À l’inspiration : debout vous n’avez aucun effort à produire, il
vous suffit de relâcher les muscles abdominaux et le poids des
viscères (une dizaine de kilos) va très naturellement et très
rapidement faire redescendre le diaphragme et remplir vos
poumons d’air frais. C’est la respiration de tous les bébés (par la
suite, le stress et son cortège de contractions peuvent nous
faire perdre ce talent naturel).

Expiration Inspiration

Pour élargir plus encore votre capacité respiratoire, ouvrez vos


côtes flottantes. Le ventre se gonfle alors sur le devant et sur les
côtés.

C’est la respiration de la détente

Détente parce que, à l’exception des abdominaux, le reste du corps


est majoritairement relâché. En particulier ces éléments sensibles (et
visibles) que sont le haut de la poitrine, les épaules et le cou (pas de
muscles qui saillent).
C’est la respiration du yoga comme celle des arts martiaux.
C’est la respiration de la méditation et plus généralement de
l’attitude zen. Elle vous aide à surmonter et apprivoiser votre trac.
Et, comme dans beaucoup de sports, la détente globale du
corps permet aux seuls muscles concernés d’assurer pleinement
leur tâche. C’est la dissociation, il n’y a pas de contractions
parasites.

C’est la respiration de l’efficacité

Le contrôle de la pression de l’air est essentiel. La cage thoracique


étant fixe, seul le diaphragme bouge, ce qui permet de bien ajuster
cette pression.
Par ailleurs, le cou étant décontracté, le larynx peut bouger
librement (il remonte dans l’aigu et redescend dans le grave). Il en
est de même pour la gorge qui va ensuite ajuster le son, lui
donner sa précision et sa couleur. Il est plus facile, de cette façon
de produire un souffle soutenu et modulé, comme le font les
joueurs d’instruments à vent (trompette, saxo…).

Une interrogation
Comment rester droit, dé-cambré, tout en relâchant les
abdominaux à l’inspiration alors que ces muscles servent
précisément à maintenir le bassin en place ? La réponse est
simple : en utilisant les muscles fessiers. En effet, les fessiers
comme les abdominaux participent au maintien du bassin. C’est
ce que pratiquent ces athlètes de la voix que sont les tragédiens
ou les chanteurs lyriques. Pour vous, l’objectif est de bien
mobiliser les muscles fessiers. Ainsi vous pourrez plus
facilement donner du volume à votre voix en utilisant la force
des abdominaux.

Le rire et la « respiration du petit chien » pour mobiliser


le diaphragme
Avant l’arrivée de la péridurale beaucoup de femmes travaillaient la
respiration ventrale dans le cadre de l’accouchement sans douleur.
C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Le yoga ou la sophrologie
sont les moyens les plus indiqués pour maîtriser cette respiration.
Il y a cependant deux pratiques que vous pouvez travailler
individuellement et qui peuvent largement vous aider.

Le rire

Entraînez-vous à rire. D’abord très légèrement, brièvement, dans la


facilité, sans aucune contraction au niveau de la gorge. Localisez
bien l’effort. Il doit se situer uniquement au niveau du ventre.
Changez de voyelle : HO, HA, HI… Prolongez ensuite le rire,
développez-le, si vous sentez que vous le faites sans douleur au
niveau des cordes vocales. Immanquablement vous ressentirez le
travail des abdominaux.
L’expression « rire à s’en faire mal au ventre » signifie bien sûr
que la douleur est due à cette contraction violente des
abdominaux. C’est un excellent éducatif au travail de la voix. Et ce
rire vous fera beaucoup de bien !

La « respiration du petit chien »

Vous avez tous observé la respiration haletante d’un petit chien.


Avez-vous remarqué le travail du ventre ? Voyez comme il bouge
rapidement, comme un soufflet.
L’idée est de reproduire ce même mouvement respiratoire.
Alors, relâchez la gorge, la bouche ouverte, sans contraction, et
entraînez-vous à ces allers et retours rapides :
inspiration/expiration en mobilisant uniquement abdominaux et
diaphragme. Ne le faites pas trop longuement, vous seriez très
vite suroxygéné.
Dans un deuxième temps, ajoutez un son : Ho, Ha… Faites que
ce son soit le plus pur possible, que tout l’air projeté serve à
produire du son. Vous pourrez ensuite aller vers le rire…
Souffle et spiritualité

D’un point de vue très clinique, il est clair que le souffle, la


respiration, accomplit cette fonction vitale : irriguer notre corps, et en
particulier notre cerveau, en oxygène. Ce qui peut aussi se traduire
par cette assertion : bien respirer rend plus intelligent.
Au-delà de ce constat, il est frappant de constater combien,
historiquement, le souffle a été considéré comme la porte d’accès
à la spiritualité. Le mot prana qui appartient à l’hindouisme peut se
traduire par « souffle vital », il associe le souffle à la vie, l’énergie,
le pouvoir et fait de ce mot une réalité spirituelle. Le mot neshama
qui appartient à la religion hébraïque et qui désigne l’âme humaine
prend sa source dans le mot neshima qui lui a une valeur
matérielle et représente le souffle. Le pneuma d’origine grec
(pneumatique…) signifie « souffle vital », principe de vie qui anime
le corps et l’âme. De même pour le qi chinois…
D’où ce raccourci teinté d’humour : respirez et vous serez
inspiré !
Fiche 18

Respirer par le ventre

vidéo

Pour produire un son, trois fonctions différenciées

• Les poumons qui s’emplissent d’air. Cet air est propulsé dans la trachée-
artère par la montée du diaphragme.
• Le larynx, première cavité dans laquelle les cordes vocales sont mises en
mouvement. C’est là que naît le son.
• La bouche et les cavités sinusales qui modèlent le son et le transforment
en parole.

Respirez par le ventre

• Tenez-vous bien droit, pieds ancrés dans le sol et épaules basses.


• Expirez en mobilisant les abdominaux, le diaphragme montant et
repoussant l’air vers le haut (colonne d’air).
• Inspirez en relâchant la sangle abdominale et en laissant redescendre le
diaphragme.
• Le ventre se gonfle, les côtes flottantes s’écartent sur les côtés.
• Laissez épaules et cou bien relâchés.
La respiration de la détente

• Celle pratiquée dans le yoga et la sophrologie.


• Elle laisse le reste du corps souple et relâché.

La respiration de l’efficacité

• La seule énergie à mobiliser se trouve localisée au niveau du ventre, le


hara cher aux arts martiaux.
• C’est ce qui vous permet de déployer votre voix comme le font les
chanteurs lyriques.

3 Donnez force, présence et harmonie à votre voix

Faites résonner votre voix

Vous l’avez compris, pour produire un son, il faut du souffle, des


cordes vocales et des résonateurs (caisses de résonance).
• Le souffle : c’est ce que nous venons de développer.
• Les cordes vocales : elles fonctionnent sans que nous en
prenions véritablement conscience.
• Les résonateurs : c’est là où nous pouvons agir. Sans
résonateur, pas de son.
La première caisse de résonance est le larynx, viennent ensuite
la gorge (pharynx…) et la bouche avec les cavités sinusales.
Pour avoir un maximum de présence vocale, c’est-à-dire une
voix forte et harmonieuse vous devez modeler ces cavités
notamment avec ces éléments les plus évidemment mobiles que
sont la mâchoire (ouverture), la langue et le voile du palais.
L’ensemble représente une architecture complexe. L’ORL Jean
Abitbol qui examine la gorge des chanteurs lyriques compare ces
gorges à de « véritables cathédrales en mouvement ». Il est
difficile pour nous d’avoir conscience de cette mécanique interne.
Néanmoins vous pouvez jouer sur plusieurs paramètres.
Timbrez votre voix

C’est ce qui la rendra facilement audible. D’une part, comme nous


l’avons déjà dit, faites que tout l’air expiré serve à produire du son,
que vous ne parliez pas d’une voix « blanche », détimbrée. D’autre
part, faites bien résonner votre voix dans le masque, c’est-à-dire
toute la partie basse du visage jusqu’au nez. Vous devez sentir votre
nez vibrer, celui-ci bien ouvert de façon à éviter un son trop nasalisé
(comme les speakers d’antan) peu agréable.
Bien sûr pour cela, il faut avoir envie d’affirmer sa voix,
surmonter une possible timidité.

Entre aigu, médium et grave, trouvez votre voix

Pour dire les choses simplement, nous parlons naturellement d’une


voix plus ou moins aiguë (ou grave). Elle dépend en partie de notre
physiologie et de notre personnalité.
Schématiquement, nous pouvons la décomposer en trois
registres : aigu, médium et grave. Pour les chanteurs hommes
cela se traduit en registre, en tessiture (étendue des sons, du plus
grave au plus aigu) : basse, baryton et ténor. Et pour les femmes :
alto, mezzo-soprano et soprano. Cette différenciation tient en
partie à la taille des cordes vocales et à leur épaisseur. Plus elles
sont longues plus la tessiture est grave. 17 à 25 mm pour les
hommes et 12,5 à 17,5 mm pour les femmes.
Plus vous irez dans l’aigu, plus vous utiliserez des résonances
de tête. Plus vous irez dans le grave, plus vous utiliserez des
résonances de poitrine.
Pour vous, dans l’exercice de la parole, c’est votre médium qui
vous donnera le plus de confort et d’endurance, en le nuançant
bien sûr de graves ou d’aigus pour accompagner intentions et
émotions.

Voix de tête ou voix de poitrine ?


La poitrine avec les poumons est partiellement creuse (plus
précisément les alvéoles des bronches) et peut donc aussi servir de
caisse de résonance.
Vous avez probablement entendu cette expression : chanter en
voix de tête (toutes les résonances sont en tête) ou chanter en
voix de poitrine (en utilisant aussi des résonances plus profondes,
plus graves, en poitrine).
Le son étant un phénomène vibratoire, toute note chantée
possède une fréquence de référence : 440 hertz pour le « La » par
exemple. Et à cette fréquence s’ajoutent d’autres fréquences,
d’autres harmoniques, qui complètent et enrichissent cette
fréquence de base.
Il en va de même pour la voix parlée. Nous pouvons parler en
voix de tête, d’une voix légère, ou en voix de poitrine avec des
résonances, des harmoniques, plus graves. Les deux peuvent
convenir, ce sont des tonalités de voix qui s’adaptent à votre
personnalité, au contexte et à vos intentions.

Pour affirmer vos propos « élargissez » votre voix

Dans peut-être 90 % du temps, lorsque vous développez une


communication persuasive, vous êtes dans l’affirmation et, pour cela
vous devez parler d’une voix large, pleine, qui utilise tous vos
résonateurs, y compris la poitrine.
C’est également ce que vous devez faire pour parler devant une
assemblée nombreuse. C’est dans l’aigu que nous avons le plus
de puissance, aussi sommes-nous tentés de hausser le ton.
Attention, la voix peut vite devenir désagréable si elle n’a que des
fréquences aiguës. Un des talents à acquérir est d’élargir votre
voix pour chercher ces résonances en poitrine qui feront qu’elle
sera à la fois puissante, équilibrée et harmonieuse. Vous pourrez
ainsi sentir vibrer jusqu’à votre sternum.
C’est aussi pourquoi vous devez reprendre votre souffle souvent
et profondément de façon à parler le plus possible avec « le plein
d’air ».
Pas mal de femmes, peut-être parce qu’elles sont moins
habituées à exercer vocalement leur autorité, versent dans ce
travers de hausser le ton en passant en voix de tête.

Soutenez la voix jusqu’en fin de phrase

Pour être plus exact, nous devrions dire jusqu’en fin de « période »,
c’est-à-dire jusqu’au moment où vous devez reprendre de l’air.
Un autre des travers communément observés est ne pas
soutenir la voix par le souffle jusqu’en fin de période. Cela donne
une voix qui s’étiole, qui s’évanouit jusqu’à parfois en devenir
inaudible. C’est une des raisons pour laquelle vous devez
privilégier les phrases courtes et des inspirations fréquentes et
profondes.
Pour s’entraîner à cette pratique, travaillez la lecture à voix
haute et forcez-vous à soutenir la voix (en respirant pleinement
par le ventre) sans la fatiguer (voir chapitre Exercices ACTE IV).

Redescendez sur la note tonale en fin de phrase

Là encore, pour affirmer vos propos, vous devez (comme le plus


souvent dans une mélodie) redescendre sur la note tonale. Cela
vous donnera force et autorité.
Un des précédents présidents de la République française
avait cette tendance (presque une manie) de terminer ses fins
de phrase en remontant et éteignant sa voix. D’où un manque
d’autorité perçue.
Remarquez également les annonces sonores qui sont faites
dans le métro pour annoncer les stations à venir, par exemple
Châtelet les Halles. Il y a deux annonces : la première est dite
sur un ton totalement uniforme, sur la même note. La seconde,
au moment où le métro entre en gare, la première partie
Châtelet reprend exactement la même hauteur et la seconde,
les Halles, est dite un ton au-dessous pour signifier l’arrivée.
C’est ce que nous faisons naturellement dans la vie courante.

Parlez en relief

Un des travers les plus communément observés est celui d’une voix
plate, monotone, monocorde. Ce travers peut nous piéger d’autant
plus que la langue française (langue d’oïl) a la particularité d’être la
seule langue au monde à ne pas comporter d’accent tonique (à la
différence des accents du sud, issus de la langue d’oc, qui
soulignent certaines syllabes) à l’intérieur des mots. Cette
particularité linguistique qui nous est propre favorise une expression
plate.
Pour combattre ce risque et surtout pour faire ressortir le sens
de ce qui est dit, il convient d’accentuer le mot (ou les mots)
essentiel(s) de la phrase.
Par exemple, pour insister sur : « Ne parlez pas d’une voix
plate ! », vous aurez à souligner, les mots pas et plate. Ce sont
eux les marqueurs de la phrase : « Ne parlez pas / / d’une voix
plate ! », avec une pause au milieu pour bien faire entendre le
sens.
Vous trouverez beaucoup d’autres applications dans le chapitre
Exercices, Acte IV.
Regardez et surtout écoutez la voix de Michelle Obama dans la
vidéo qui suit.
Elle est d’une profondeur remarquable : « Michelle Obama speech at
the 2016 Democratic National Convention », PBS NewsHour :
https://www.youtube.com/watch?v=4ZNWYqDU948
Fiche 19

Donner puissance et affirmation à votre voix

vidéo

Timbrez bien votre voix

• Ne parlez pas d’une voix blanche, sourde.


• Faites bien résonner votre voix dans toute la partie basse du visage :
bouche et cavités sinusales (dans le masque).

Privilégiez votre médium

• N’utilisez que temporairement vos registres aigu et grave, pour donner des
inflexions à la voix.
• Privilégiez le médium qui permet de parler sans se fatiguer.

Parlez d’une voix « large »

• Pour faire montre de force et d’autorité utilisez aussi les résonances de


poitrine.
• Faites le plein d’air le plus souvent possible. Cela donnera du coffre à votre
voix.

Soutenez la voix jusqu’en fin de phrase

• Attention aux voix qui s’étiolent, qui s’évanouissent par manque d’air.
• Là encore respirez souvent et profondément.

Pour affirmer, redescendez sur la note tonale en fin de phrase

• C’est la redescente dans le grave, sur la note tonale qui traduit cette
ponctuation.
Parlez en relief

• Soulignez de la voix les mots importants, le sens en ressortira mieux.

4 Parlez d’une voix claire et expressive

Articulez

Il y a deux politesses fondamentales à respecter de la part d’un


orateur :
• parler d’une voix suffisamment forte pour être facilement
entendu ;
• parler d’une voix suffisamment distincte pour être bien
compris.
L’articulation est produite par les mouvements des lèvres, de la
langue, de la mâchoire inférieure et du voile du palais. Ce sont
des muscles qu’il convient de travailler, d’éduquer, si vous n’en
avez pas la maîtrise suffisante. L’ensemble produit une
succession de phonèmes (plus petite unité distincte du langage
parlé).
Il existe toute une gamme d’exercices pour bien articuler
(chapitre Exercices, ACTE IV). Vous aurez intérêt, pour en tirer un
profit maximum, à :
• parler d’une voix forte ;
• exagérer la diction ;
• faire ressortir le sens (même s’il est absurde) ;
• rythmer la phrase.
Il est remarquable d’entendre la qualité d’élocution de certains
rappeurs ou slameurs. Inspirez-vous en.

Attention à la logorrhée et aux tics verbaux

Attention à un flot ininterrompu de paroles qui vont toutes finir par se


ressembler et dans lequel vous risquez fort de vous noyer et de
noyer votre public.
D’autant que pressé de dire, à tout prix, vous risquez
d’accumuler les tics verbaux comme « Euh… Et euh… Ben…
J’dirais… Effectivement… D’accord… ».
Ces tics verbaux sont de deux ordres :
1. Euh… ou Et euh… sans aucune signification. C’est pour
certains une manière d’entretenir le son, comme un moteur de
voiture qu’on laisse tourner à l’arrêt. C’est assez fréquent chez
des personnes ayant une voix bien timbrée, dans le masque. Cela
marque une certaine complaisance vis-à-vis de leur voix. Le plus
souvent, c’est parce que vous cherchez vos mots et que le silence
vous fait peur. Alors vous faites entendre au public que vous faites
cet effort de verbalisation : « continuez à m’écouter, j’ai encore
quelque chose à vous dire… ».
2. Ben… J’dirais… Effectivement… D’accord… qui sont
censés avoir une signification mais qui sont en fait de simples
béquilles et traduisent également la peur du silence.
Les tics verbaux sont l’équivalent à l’oral des ratures d’un
brouillon écrit. Mais l’oral ne permet pas de corriger ou d’effacer
les imperfections du premier jet.

Au début le public n’y prête pas attention mais à la longue on


n’entend plus que cela.
En décembre 2008, dans une interview de 30 minutes sur la
chaîne d’information NY1 de Manhattan, Caroline Kennedy, fille
de John et Jacqueline Kennedy, candidate au Sénat de New
York, utilise les mots « You know » plus de 100 fois. Cela fait le
buzz sur Internet. En janvier elle annonce se retirer pour des
« considérations personnelles ». Depuis, elle a su se corriger et
est aujourd’hui la première femme ambassadeur américaine en
poste à Tokyo.

Pour se corriger, deux remèdes : calmer le jeu et faire des


silences.

Calmez le débit

Il arrive que certains orateurs parlent sur un rythme trop lent. C’est
peu fréquent. Le plus souvent vous avez tendance à accélérer,
surtout dans la difficulté. Les causes peuvent être multiples :
• tension émotionnelle ;
• anticipation de l’idée suivante ;
• « fuite en avant » ;
• Manque d’implication…
Vous devez dans ce cas veiller à ralentir le débit, à mieux poser
vos paroles.
C’est assez difficile car nous avons tous notre propre cadence
naturelle, une sorte de rythme biologique. En revanche, ce qui est
plus simple et que nous avons intérêt à faire, c’est utiliser les
silences.

Faites des pauses, des silences

Les silences sont essentiels à l’oral, comme le sont les pauses et les
soupirs dans une partition.
• Utiles pour celui qui écoute
Cela permet d’intégrer vos paroles, de se les approprier, de
voyager avec elles. Une parole, une idée forte, est comme une
pierre que l’on jette dans un lac. Elle provoque des cercles
concentriques qui se déploient, de plus en plus loin. Laissez au
public le temps de voyager.
• Utiles pour créer suspense et intensité
Le silence qui précède un mot crée un effet d’attente, de
suspense. Placé après il en renforce le sens. On parle de
silence éloquent.
• Utiles pour la clarté de votre discours
À l’écrit nous avons la possibilité d’aller à la ligne pour passer à
une idée nouvelle, à sauter une ligne pour passer au
paragraphe suivant. Les silences vous permettent de faire de
même, cela éclaire la structure de votre présentation.
• Utiles pour vous, pour reprendre de l’air
Il est possible pour une personne entraînée de respirer sur un
temps très court (une fraction de seconde). C’est nettement plus
facile de le faire sur un temps plus long, par le ventre. Cela
calmera le feu intérieur et vous permettra de soutenir la voix par
le souffle, la force tranquille. Attention toutefois à ne pas diluer
votre énergie dans ces silences.
• Utiles pour vous donner le temps de verbaliser ce qui suit
Tout le monde n’est pas capable d’aligner parfaitement mots et
idées d’une manière totalement fluide. Le silence vous laisse le
temps de bien formuler ce que vous allez dire ensuite.
• Utiles pour vivre vos émotions et les partager
Dire ne suffit pas, il faut vivre ce que vous dites. Soyez à 100 %
dans ce que vous dites. C’est un engagement intellectuel,
physique et émotionnel. Faites appel à votre mémoire
sensorielle, ressentez avant d’exprimer. Grâce au silence,
l’émotion pourra monter en vous. Alors vous parlerez juste, vous
parlerez vrai et, les émotions étant contagieuses, vous réussirez
à nous toucher. Et peut-être passerez-vous de l’émotivité
ressentie (le trac) à l’émotion partagée.
Attention : veillez à garder le contact visuel

Un silence sans le contact visuel c’est comme une coupure de


courant. Maintenez le regard et ce silence sera alors un silence fort,
un silence habité.

Faire silence, c’est aussi écouter

Le silence vous permet plus facilement d’observer de ressentir le


public, de prendre la température de la salle. Il constitue aussi une
invitation-incitation en direction de vos interlocuteurs pour qu’ils
réagissent : le silence est « la » question ouverte par excellence.

Mettez des couleurs dans votre voix

Oui, c’est possible : mettez des couleurs dans votre voix. Chaque
idée a sa couleur, laissez parler l’humeur et variez le ton.

Tout comme le fait le comédien qui interprète la fameuse tirade


des nez de Cyrano de Bergerac. Imaginez-vous en Cyrano et
dites, en y mettant le ton :
« Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
En variant le ton, par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, Monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
Bien sûr, il s’agit là d’un jeu théâtral.
Nous vous invitons à vous exercer également avec l’exercice
consistant à jouer de différentes intentions sur une même phrase
(chapitre Exercices, Acte IV). Sans que cela soit aussi marqué,
toute présentation relève d’intentions, d’humeurs, de couleurs de
voix différenciées.
C’est ce que vous pouvez visualiser sur le schéma ci-dessous.
Il existe tout un vocabulaire très riche pour décrire un vin et les
sensations qu’il procure :
• En positif : aimable, charpenté, gouleyant, racé…
• En négatif : agressif, austère, plat, acerbe…
De la même façon, notre voix peut être :
• Chaude, envoûtante, claire, persuasive…
• Cassante, acide, glaçante, terne…
Elle génère toute une gamme de sensations dont vous avez
intérêt à jouer. C’est comme cela que vous développerez
l’impact de vos présentations. Imaginons que vous vouliez
vanter les plaisirs du trekking en montagne, vous pourrez
avancer par exemple trois arguments :
• Se ressourcer intérieurement, sortir de cette trépidation
urbaine.
• Admirer les merveilles de la nature.
• Faire du sport.
La voix va prendre les couleurs appropriées et se faire tour à
tour :
• Apaisée, tranquille, profonde.
• Éblouie, vive, chatoyante.
• Solide, terrestre, carrée.
Fiche 20

Faire des pauses, parler avec clarté et expressivité

vidéo

C’est renforcer la musicalité de la voix et faciliter le confort d’écoute.

Fuyez la logorrhée et son cortège de tics verbaux

• Les idées qui s’alignent comme on enfilerait des perles.

Calmez le débit

• Pour la plupart d’entre nous, la pente naturelle est de parler trop vite.
• Ralentissez, posez vos paroles.

Faites des pauses, des silences

Utiles pour celui qui écoute


• Pour laisser au public le temps de voyager avec vous.
Utiles pour votre discours
• Pour créer un effet de suspense (le silence qui précède) ou un effet de
renforcement (le silence qui suit).
• Pour renforcer la clarté en séparant les idées.
Utiles pour vous
• Pour reprendre votre souffle, votre calme et soutenir votre voix.
Utiles pour vous donner le temps de verbaliser ce qui suit
• Vous parlerez alors sans hésitation ni tics verbaux.
Gardez le contact visuel
• Si votre regard est toujours porté vers le public, l’attention est maintenue, le
silence est dit « habité ».

Parlez en couleurs

Prenez le temps de vivre pleinement ce que vous dites


CHAPITRE 12

Parler en style oral

Le meilleur style est celui qui se fait oublier.

Stendhal

1 Doit-on rédiger son discours ou l’improviser ?

Le phénomène de création de la parole est complexe : il réside dans


un accouchement perpétuel de la pensée, idée après idée, phrase
après phrase, mot après mot et cet accouchement n’est pas toujours
sans douleur. Difficulté à verbaliser une idée imprécise, difficulté à
trouver la bonne formulation, le mot juste. Pour pallier cette difficulté
naturelle, deux solutions.

Première solution, à utiliser très rarement : tout écrire

Là encore, vous avez deux possibilités :


• Rédiger à l’avance l’intégralité de votre intervention, puis
l’apprendre par cœur
C’est ce que proposaient Aristote ou Cicéron. C’est beaucoup
de travail et de temps passé. Il est assez rare que vous ayez cette
disponibilité. À cela s’ajoutent d’autres inconvénients potentiels :
– artificialité (manque de spontanéité) ;
– langage inapproprié (l’oral n’est pas l’écrit) ;
– parcours obligé (vous ne pouvez pas infléchir votre discours
en fonction des réactions de l’auditoire).
Vous pourriez être tenté de le faire par sécurité : dire
exactement tout ce que vous avez projeté. Paradoxalement, c’est
la solution la plus stressante : vous êtes à la merci d’un « trou »,
d’une perte de mémoire.
• Choisir de lire, « mot à mot »
Évitez de le faire avec un bloc de feuilles A4 à la main : trop de
contraintes, manque d’allure. Si vous êtes assis, vous pouvez
poser votre texte sur la table devant vous (possible uniquement en
petit comité).
Restent deux solutions :

Le pupitre

Sur lequel vous posez vos feuilles, à la bonne hauteur. Préférez un


pupitre transparent qui laisse visible votre silhouette. Attention, le
danger est de vous accrocher à ce pupitre et de perdre votre liberté
gestuelle. Vous ne pouvez plus vous déplacer sur scène. Prenez le
temps de lire puis de rétablir le contact visuel avant de parler, pour
chaque phrase prononcée. C’est une gymnastique à travailler.

Le prompteur

Un volet en plexiglas, quasi invisible du public, sur lequel défile votre


texte. C’est la solution la plus élégante. Elle vous permet de jouer de
toute votre présence physique. C’est ce que fait systématiquement
Barack Obama avec deux prompteurs situés de chaque côté de la
scène.
• C’est bien si vous y êtes habitué et si la personne qui
commande le prompteur est bien calée sur vos paroles. Cela
limite néanmoins la variété de l’adresse du regard.
• Le risque est de parler avec une expression figée, sur un ton
monocorde ou avec théâtralité et emphase pour celui qui
voudrait « donner le ton » sans avoir un talent d’acteur.
Le discours entièrement rédigé doit être exclusivement réservé
à des interventions à caractère officiel ou politique, où la moindre
erreur pourrait être lourde de conséquences. Comme la
présentation d’un bilan financier face à des actionnaires ou une
prise de position à l’ONU (avec l’exemple du discours de
Dominique de Villepin contre l’entrée en guerre de la France en
Irak en 2003).
Si vous devez le faire, apprenez à lire un texte à voix haute en
lecture décalée tout en regardant le public.

Deuxième solution, à privilégier :


improviser à partir d’une structure préparée

Totalement improviser sa présentation avec pour seul bagage


l’objectif à atteindre est bien évidemment un leurre. Vous pouvez
parfois réussir ce pari, vous ne le ferez pas sur la durée.
La solution, qui préserve la spontanéité du langage oral et la
liberté de l’expression (visage, gestuelle, intonations…), consiste à
• improviser ses phrases dans l’instant avec la sécurité d’un
parcours bien balisé ;
• partir d’une structure préparée et de mots-clés préalablement
choisis (voir chapitre 2 Préparer sa présentation), écrits sur des
fiches cartonnées (format demi A4) ;
• ralentir son débit et faire des pauses pour se donner le temps
de trouver les mots justes ;
• respecter les règles du style oral.

2 Le style oral

L’oral n’est pas l’écrit. Il obéit à sa propre syntaxe, à ses propres


règles. Il se différencie ou d’un style littéraire (Hugo, Proust…) ou
d’un style administratif, institutionnel, voire langue de bois.

Exemple de style littéraire (Sodome et Gomorrhe de


Proust) « Sans honneur que précaire, sans liberté que
provisoire, jusqu’à la découverte du crime ; sans situation
qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les
salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé
le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un
oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme
Samson et disant comme lui : “Les deux sexes mourront
chacun de son côté” ; exclus même, hors les jours de
grande infortune où le plus grand nombre se rallie autour
de la victime, comme les juifs autour de Dreyfus, de la
sympathie – parfois de la société – de leurs semblables… »
La phrase est interrompue, elle comporte 843 mots, un
record dans ce domaine.

Soyez conçis : Phrases courtes

En littérature française, une phrase comporte en moyenne une


vingtaine de mots. À l’oral, limitez-vous à 12-15 mots. Steve Jobs est
le champion de la phrase courte : de 7 à 10 mots. Bill Gates utilise
des phrases deux fois plus longues en moyenne.

Exemple de style institutionnel (Assemblée


Nationale) Enfin, l’objet de l’éducation est de cultiver, dans
chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles et
morales, et, par-là, contribuer à ce perfectionnement
général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers
lequel toute institution sociale doit être dirigée…
Évitez les phrases à tiroir, du type : principale, subordonnée,
relative, circonstancielle… Utilisez une syntaxe simple et directe
(propositions indépendantes). L’oral implique d’observer une
démarche progressive de pensée : une idée, une phrase, un point,
un silence, une respiration.
Vous l’avez compris, ces deux exemples ne s’adaptent pas à un
style oral direct et dynamique.

Indice de Gunning (du nom de son créateur)


C’est un indice qui permet très simplement de tester la lisibilité
d’un texte écrit. Il est tout à fait adapté pour tester également la
concision d’un discours. Il prend en compte deux éléments : la
longueur des phrases et le pourcentage de mots de plus de
trois syllabes.
Donc si vous voulez parler dans un style direct, concis, faites
des phrases courtes et évitez les mots à rallonge !

Franck Lepage décrypte avec humour la langue de bois souvent


présente dans la vie publique : extrait d’une conférence gesticulée.
https://www.youtube.com/watch?v=LVqOC4fiHvk&t=22s

Figures de style : musclez et fleurissez votre discours

Nous en avons déjà évoqué quelques-unes : question rhétorique,


métaphore…
Sachez qu’il existe plus de 200 figures de style. Nous avons
consacré un chapitre entier (chapitre Figures de Style Acte IV) aux
plus utiles.
Parmi les outils les plus usuels à l’oral on trouve :
La répétition

• Pour donner du rythme, du poids à votre parole.


• Comme une scansion : « Moi président… », rappelez-vous
l’anaphore de François Hollande.
• Comme une rime, avec les mêmes sonorités finales : « factuel,
conceptuel, émotionnel ». Notez que c’est aussi la marque des
poètes et des chanteurs que d’utiliser des rimes.
• Souvent la répétition se fera en trois temps (règle de 3, modèle
ternaire).

Les mots imagés

• Peu de mots, mais des mots qui touchent, mots émotion :


courage, solidarité…
• Des mots forts en bouche, qui sonnent : soleil, océan,
tonnerre…
• Des mots images, des mots qui transportent : « comme une
lame de fond… »

Pas de jargon, parlez simplement, parlez vrai

Autant il est naturel d’utiliser un langage précis et spécifique qui


corresponde à la particularité de son métier, autant il est dangereux
d’en faire un langage élitiste et fermé qui pourrait pour des
personnes extérieures passer pour caricatural et complaisant.

Modérez les anglicismes

Dans l’univers corporate la liste est longue : open space, update,


benchmark, template, upgrade, leverage, top down ou bottom-up,
cost-killer…
N’abusez pas des acronymes

Il en faut bien sûr parce que c’est souvent plus simple : CODIR (pour
Comité de Direction) ou PME (pour Petites et Moyennes
Entreprises).
Mais parler de TPE (Très Petite Entreprises) ou de ETI (Entreprises
de Taille Intermédiaire) est moins évident.
Et même si vous êtes compris, le risque est de désincarner
totalement le langage, de lui enlever sa dimension sensible. Alors
modérez les IUT, CDD, PNB, RAS…
Il est par ailleurs amusant de constater que la plupart de ces
acronymes sont construits sur trois lettres, modèle ternaire !
D’ailleurs, si vous mariez jargon et acronyme, cela peut donner :
« Tu me benchmarkes la solution ASAP et je la forwarde au
COPIL. »

Soignez les « éléments de langage »

Certains mots doivent être choisis avec soin :


• Parce qu’ils détournent le public de mots qui fâchent, de mots
au pouvoir détonnant (plan social).
• Parce qu’ils introduisent un changement de perspective.
• Parce qu’ils participent d’une communication unifiée.
• Pour qu’ils dynamisent l’expression.
• Parce qu’ils remplacent d’autres mots usés, qui ont perdu leur
sens…

Dans l’entreprise

• Plutôt que de parler d’une augmentation des titres de


transport, vous pouvez préférer optimisation.
• Au lieu de plan de changement, préférer plan de progrès.
• Préférer client à consommateur ou usager…
En politique

• L’homme public peut choisir de parler les yeux dans les yeux
pour exprimer sa sincérité.
• Parler de migrants plutôt que de réfugiés.
Attention toutefois à ne pas verser dans la caricature, dans
l’hypocrisie, ou dans une démarche trop ouvertement typée
marketing.
Fiche 21

Utilisez un langage simple et fort

vidéo

Faites des phrases courtes

• L’oral n’est pas l’écrit : soyez concis.


• Phrases courtes : de 12 à 15 mots (au-delà, beaucoup s’y perdent).

Dynamisez par l’emploi des verbes

• Exprimer l’idée avec un verbe. Le verbe est le moteur de l’idée.


• Il y a deux modes à privilégier : l’indicatif (présent et futur) et l’impératif.

Adaptez votre langage à votre public

• Code verbal : s’adapter au niveau de compréhension (langage technique


pour des spécialistes ou quotidien pour des béotiens…).
• Choisir ses exemples en fonction du cadre de références du public.

Personnalisez sujets et adresses

• Évitez les généralités représentées par « on », « les gens ».


• Soyez précis, nommez avec « je », « nous », « vous » ou le nom de la ou
des personnes concernées.

Interagissez avec le public

• Posez des questions, appelant à une réponse ou non (question rhétorique).


• Interpellez avec « imaginez… », « vous qui… »

Utilisez la répétition

• Comme une scansion : « Moi président… ».


• Comme une rime, avec les mêmes sonorités finales : « factuel, conceptuel,
émotionnel ».

Utilisez des mots imagés et vifs

• Peu de mots, mais des mots idée, mots émotion : courage, solidarité…
• Des mots forts en bouche, qui sonnent : soleil, océan, tonnerre…
• Des mots images, des mots qui transportent : « comme une lame de
fond… ».
Fiche 22

Fuyez les mots noirs et la langue de bois

ÉVITEZ DITES

Les expressions en négatif : Langage positif : pensez positif


Pas de problème Nous sommes d’accord
Pas de soucis Avec plaisir
Oui, mais Oui, simplement ou Oui, et
Vous n’êtes pas sans savoir Vous savez bien que
Je trouve ça pas mal Je trouve ça intéressant

Les termes flous : Précis : dites-nous qui


On, ils, les gens Je, vous, nous

Les « formules parapluie » :


Affirmé : soyez plus direct
Je vais essayer de vous démontrer
je souhaite vous démontrer
Je pense, je crois que, il me semble
j’ai la conviction que
que

L’abus du conditionnel : Présent : l’indicatif, l’impératif


Je voudrais J’ai envie de
Si vous étiez d’accord Si vous êtes d’accord

Les « mots paillasson »,


Valorisant : parlez sans bémols
réducteurs :
Une courte réunion, un effort
Une petite réunion, un peu d’effort
C’est, ou C’est aussi
C’est quand même

Les formules lourdes : Simple : soyez clair et élégant


Oui tout à fait Oui
Au jour d’aujourd’hui Aujourd’hui, ou À ce jour,

Les mots « bouche-trou » et les


Épuré : le silence est d’or
tics :
Dites-le…
Je dirais
(silence)
Hein, alors, ben, OK ? voilà
Soyez positif, simple et direct
CHAPITRE 13

S’évaluer et progresser

On ne se débarrasse pas d’une habitude en la flanquant par la fenêtre, il faut


lui faire descendre l’escalier marche par marche.

Mark Twain

Vous avez vécu l’expérience de la prise de parole en public. Très


bien. Quelle qu’ait été la qualité de votre prestation, vous devez
légitimement vous poser cette question : comment s’évaluer et
comment progresser ?

1 Comment s’évaluer

Dans ce domaine vous avez trois ressources potentielles pour


identifier points forts et axes de progrès :
1. Votre propre perception
Au-delà de l’impression générale vous avez intérêt à préciser
cette perception. Les différentes fiches pratiques de ce livre
vous y aideront. Vous trouverez un récapitulatif de tous les
fondamentaux dans la fiche qui suit : « S’évaluer, progresser ».
2. Le retour de vos interlocuteurs et de personnes de
confiance
Il n’est pas toujours possible d’avoir ce retour, n’hésitez pas à le
solliciter si vous pensez pouvoir le faire. Quitte à solliciter des
avis sur des points précis. Attention toutefois à des conseils peu
éclairés.
3. La vidéo
C’est certainement le retour le plus objectif. Là encore, si vous
pouvez le faire en compagnie de personnes de confiance, c’est
mieux.
L’idéal étant de participer à une formation au cours de laquelle
vous êtes filmé (ce que fait l’équipe Avant-Scène au service de
nombre d’entreprises).

2 Identifier son style de communication

Vos points forts

Il est important de connaître ses qualités et nous en avons tous !


« Donnez-moi un point d’appui et je soulève le monde » disait
Galilée. Vous avez donc intérêt à reconnaître vos qualités et à
capitaliser dessus. Il faut comprendre que la présence de qualités
très affirmées permet d’oublier totalement certaines maladresses,
c’est pourquoi vous devez aussi entretenir vos points forts ! Comme
un joueur de tennis dont le coup droit surpuissant permet de faire la
différence dans le jeu en dépit de relatives carences (revers…).

Vos axes de progrès

Là aussi, quelles que soient les qualités d’un orateur, il conserve des
domaines dans lesquels il peut s’améliorer. Parfois ce sont des
faiblesses qui occultent le principal de vos qualités. D’où l’intérêt de
se construire un plan d’action (ou plan de progrès). Donc identifiez
vos axes de progrès, fixez-vous des priorités (deux par exemple) et
mettez en œuvre, au fil de vos présentations, une démarche
d’amélioration. Vous aurez l’occasion de pratiquer plus vite, vous
progresserez sur la voie du succès.
L’ escalier du succès se monte par paliers successifs

Imaginez que vous ayez identifié deux priorités : bien regarder et


faire des silences. Vous allez maintenant devoir mettre ses qualités
en pratique et il n’est pas dit que vous y arriviez immédiatement. Ce
sont parfois des habitudes bien ancrées dont il va falloir vous
défaire. Et la plupart du temps le progrès passe par des étapes
successives, quatre essentiellement.
Elles figurent dans le schéma ci-dessous :

3 La méthode pour progresser

Ces comportements à améliorer sont souvent très ancrés en nous


et, dans ce cas, la démarche de progrès doit se mettre en place
dans notre vie de tous les jours (c’est possible pour la plupart des
axes de progrès).
C’est une démarche de développement personnel, une démarche de
changement. Quoique nous fassions, le changement s’opère
inconsciemment en nous jour après jour. Autant changer
consciemment et dans le bon sens.
Convictions de base : prenez appui sur ces évidences

• Chacun de nous possède déjà un certain nombre d’acquis.


• Chacun a en lui toutes les ressources pour progresser
(cerveau, mémoire, corps, énergie) s’il le désire.
• Il est donc possible à chacun de progresser réellement.
• Le progrès suppose : décision personnelle, persévérance et
répétition.
• Le progrès c’est moins l’effort que le plaisir de progresser.

Tactique : anticipez votre schéma de réussite

• Situez-vous sur l’escalier du succès et visez la marche à


atteindre.
• Diagnostiquez les comportements à faire évoluer et sentez le
besoin de les améliorer : le besoin, c’est le désir.
• Identifiez quelques objectifs, motivants et accessibles.
• Visualisez le contexte et les formes de leur réussite (les voir,
entendre, sentir et ressentir : mettez des détails).

Méthode : agissez, répétez et progressez

• Saisissez toutes les occasions, modestes ou importantes.


• Passez à l’action : relevez vos défis et agissez sans états
d’âme.
• Évaluez fréquemment vos progrès et faites-les évaluer
(Fiche 23).
• Faites le point régulièrement et fixez-vous de nouveaux
objectifs :
« Sur un chemin de dix pas, quand vous avez fait neuf pas,
vous avez fait la moitié du chemin. » (Proverbe chinois)
4 S’entraîner avec la vidéo : l’« autoscopie »

L’autoscopie est la méthode pédagogique qui consiste à analyser sa


propre image filmée.

Une formidable utilité

Alors qu’il est totalement déconseillé de répéter face à une glace, il


s’avère utile de le faire en étant filmé et, si possible, avec l’aide
d’une personne bienveillante et avertie.
C’est d’autant plus facile aujourd’hui que les caméras sont
partout : ordinateurs, tablettes, smartphones. Il est quand même
préférable de le faire avec une véritable caméra aux performances
(son et image) meilleures.

Effet mémoire

Vous pouvez ainsi vérifier ce que vous avez dit exactement. Dans le
feu de l’action, empêtré dans votre émotivité ou emporté par votre
enthousiasme vous pouvez douter ou ne plus avoir conscience de
ce que vous avez dit. La vidéo est votre « juge de paix ».
Vous y trouvez aussi le timing exact de l’ensemble de la
présentation comme de chacune de ses parties.

Indispensable pour analyser le langage corporel

Comme pour un sportif qui veut progresser techniquement


(améliorer le service pour un tennisman, le swing pour un golfeur…)
l’arrêt sur image donne une vision objective de l’ensemble du
langage corporel (posture, gestuelle, regard, expressions…).
Nous sommes beaucoup à ne pas avoir une parfaite conscience
corporelle (proprioception) et nous prenons des attitudes ou
faisons certains gestes à notre insu. C’est aussi l’occasion de
bonnes surprises : les effets du trac beaucoup moins visibles
qu’on ne l’imagine, par exemple.
Essentiel pour apprivoiser sa voix

Nous percevons notre voix par une écoute interne et non comme les
autres la perçoivent. Apprenons ainsi à l’apprivoiser et à la travailler,
dans son volume, son rythme, ses intentions, ses couleurs.

Et se voir progresser

Souvent une première vision filmée est vécue comme décevante.


Nous aimerions tellement être plus beaux/belles, plus jeunes, plus
brillant(e)s. Passée cette première étape qui nous rend aveugles à
nos véritables qualités nous devenons à même de percevoir ce qui
fait au final notre « style », notre originalité et notre talent. La
répétition de cet exercice permet ainsi de s’apprécier véritablement
et de se voir progresser. C’est très motivant.

Puis effacez ces vidéos d’entraînement

Attention, ces vidéos ne sont pas à mettre entre toutes les mains.
Parce que sorties de leur contexte elles peuvent se prêter à des
manipulations mal venues. Plus simplement parce que des
personnes peu averties ou maladroites pourraient cibler certains
travers et vous renvoyer une image tronquée et démotivante de
votre prestation.

Rien n’est plus utile qu’une formation avec utilisation de la vidéo

Vous le comprenez bien, l’apport d’un formateur, expert en prise de


parole, vous permettra de définir avec précision votre style de
communication, avec vos qualités comme vos axes de progrès.
Vous pourrez y cerner vos priorités du moment et les travailler. C’est
ce que fait l’équipe Avant-Scène Conseil dans le monde de
l’entreprise.
5 Lire ce livre et se former /
Se former et lire ce livre

Ce livre est un précieux apport parce qu’il est très complet et vous
donne toutes les clés de la prise de parole.
Il vous prépare et sert de soutien à une formation à venir. Il vous
donne la possibilité, à l’issue de cette formation, de revenir sur des
objectifs ciblés, vous ouvre nombre de portes, et vous permet de
trouver votre propre voie.
Fiche 23

S’évaluer, progresser

A : point fort – B : satisfaisant – C : à travailler

PLAN
ÉVALUATION D’ACTION :
OBSERVATIONS
(A, B ou C) comportements
et méthodes

ÉMOTIONS

Intensité et variété

Trac, émotivité

Implication personnelle

CORPS

Regard

Ancrage au sol (stabilité)

Verticalité

Gestuelle

Expressivité du visage

Déplacements

VOIX

Volume, variations d’intensité

Débit, rythme (ruptures)

Silences

Parasites : tics verbaux, bruits

Intonations, articulation
CONTENU

Clarté et style oral

Utilisation d’exemples, d’images

Originalité, humour

Vocabulaire

ORGANISATION DU DISCOURS

Gestion du temps

Objectif, plan

Introduction, conclusion

Mes 3 priorités :
1.
2.
3.
ACTE III
En réunion, en débat,
face aux journalistes

14. Réussir sa réunion


15. Animer télé et visioconférences
16. Maîtriser le débat
17. Le Media Training
CHAPITRE 14

Réussir sa réunion

Il y a plus de lumière et de sagesse dans beaucoup d’hommes réunis


que dans un seul.

Alexis de Tocqueville

1 C’est souvent en réunion que vous prenez la parole

Parler en public, cela ne se fait pas que face à un grand groupe ou à


une assemblée. Quand vous vous réunissez, en petit comité, avec
votre équipe ou un groupe de travail, vous parlez aussi en public.
C’est pour beaucoup d’entre vous le contexte principal dans lequel
vous vous exprimez publiquement.

Des qualités et outils spécifiques à développer

Il faut bien sûr faire appel à vos qualités d’orateur mais aussi à
d’autres :
• Comprendre le fonctionnement et les besoins d’un groupe en
action.
• Organiser la réunion depuis sa préparation jusqu’à sa
conclusion.
• Maîtriser les trois rôles de l’animateur : production / facilitation
/ régulation.
C’est pourquoi vous trouverez dans les pages qui suivent la
réponse à ces objectifs.

L’outil majeur du management participatif

La culture des entreprises évolue vers plus de participation, de co-


développement, et reconnaît aujourd’hui la valeur du travail en
équipe.
Avec le développement des organisations matricielles, du
management transversal et le nombre grandissant d’équipes
pluridisciplinaires dans la conduite des projets, la réunion devient
de plus en plus le vaisseau amiral de la performance des
organismes et des entreprises.
Jour après jour, des personnes se réunissent et y consacrent
une part importante de leur temps et de leur énergie. C’est un
fantastique capital d’intelligence collective qui est ainsi déployé.
Encore faut-il que les participants se montrent concentrés,
créatifs et solidaires… et que les animateurs sachent bien
préparer et animer ces séances. Faute de quoi les réunions
représentent une perte de temps pour les participants et une perte
d’argent pour l’entreprise.

2 La réunion : un groupe en action

Lors d’une réunion, un groupe est constitué. Un groupe n’est pas la


somme des individus qui le constituent, il a sa dynamique propre.
Il est important pour tout animateur de prendre en compte
quelques données concernant la vie d’un groupe.

Un groupe fonctionne à deux niveaux : rationnel et affectif


L’aspect rationnel : est défini par l’objectif à atteindre, les
compétences à acquérir, les méthodes à employer… Ce but doit être
clairement défini et accepté par tous.
L’aspect affectif : parallèlement, la situation de groupe favorise
l’émergence de phénomènes d’ordre affectif tels que : peur de
s’exprimer face à d’autres personnes, conflits entre participants,
volonté de vivre un moment fort ensemble, expression d’une forte
revendication à « être »…
Ces attentes peuvent perturber le bon déroulement de la
réunion si l’animateur ne les prend pas en compte. Il est donc
important de pouvoir identifier ces besoins.

Les phases de maturité d’un groupe

Une équipe, surtout si elle est en phase de construction obéit à une


dynamique de groupe qui passe le plus souvent par quatre phases1 :

Forming Au début, les individus se sentent isolés.


Puis ils se rapprochent, apprennent à se connaître : le groupe se
forme lentement et gagne peu à peu en cohésion

Storming Des membres se testent, s’évaluent, peuvent entrer en conflit pour le


contrôle des opérations et le leadership : prises de pouvoir,
constitution de clans, passivité, fuite.

Norming Les membres négocient leurs relations, apprennent à s’apprécier,


construisent : méthodes de travail, normes de comportement avec
autrui.

Performing Le groupe a enfin atteint sa phase de maturité et d’efficience, il est


devenu une équipe adulte : performance individuelle et collective,
implication forte. L’équipe fait preuve de créativité, de coordination et
de solidarité. (Jusqu’au prochain storming ?)

À vous de comprendre le degré de maturité de votre équipe et


de vous y adapter. De réunion en réunion, vous la ferez
progresser.

les Besoins fondamentaux

On peut distinguer plusieurs besoins fondamentaux à satisfaire pour


qu’un groupe fonctionne de manière performante. Ils découlent des
besoins individuels définis par Maslow2.
• Confort matériel : une place confortable, les bons
instruments, de quoi boire…
• Sentiment de sécurité : savoir qui sont les autres, quel est
l’objectif, quelle durée, bien définir le cadre, liberté de dire et
d’être entendu…
• Développer un esprit d’équipe : appartenir au groupe, être
un élément à part entière et non pas se sentir assis sur un
strapontin (parce que trop jeune, parce qu’une femme…).
Beaucoup de séminaires sont consacrés à cet objectif : team
building.
• Avoir un vrai rôle à jouer : percevoir son rôle, sa
responsabilité et son influence sur le travail mené.
• Être reconnu, valorisé : c’est une chose d’avoir un rôle à
jouer, de créer, d’influer sur la production du groupe mais cela
suffit rarement. Il est bon d’être reconnu, apprécié et valorisé
pour cela de la part des autres. Et plus généralement d’être
« aimé ».
• Participer à une mission : dans tout domaine, que ce soit
dans l’environnement, la banque ou la défense, chaque
organisme ou chaque entreprise est investie d’une mission qui
anoblit le travail accompli. Il est motivant d’être partie prenante
de cette mission.
Vous avez là toute une gamme d’actions concrètes à mettre en
œuvre pour que chacun voie tous ses besoins satisfaits, se
focalise sur sa tâche et sa mission… et soit pleinement concentré
sur ce que vous dites lorsque vous vous adressez à eux.
Fiche 24

La réunion,
un groupe en action

Il fonctionne à deux niveaux : rationnel et affectif

Rationnel : objectifs à atteindre, résultats attendus, organisation, méthodes de


travail, raisonnement…
Affectif : sympathie ou antipathie, timidité ou envie de pouvoir, envie de relation
fusionnelle ou d’indépendance…

Il peut traverser plusieurs phases

1. Forming : les individus se cherchent, s’apprivoisent, apprennent à se


connaître.
2. Storming : les membres du groupe se testent, entrent en conflit, s’évitent,
constituent des clans, jeu de pouvoir…
3. Norming : ils négocient, apprennent à s’apprécier, adoptent des méthodes de
travail communes…
4. Performing : c’est la maturité et l’efficience ; le groupe s’entraide et se
complète, il devient une équipe créative et solidaire.
De réunion en réunion, faites progresser votre équipe.

Faites que ces différents besoins soient satisfaits

• Confort matériel : une place confortable, les bons instruments, de quoi


boire…
• Sentiment de sécurité : savoir qui sont les autres, quel est l’objectif,
quelle durée, liberté de dire et d’être entendu…
• Développer un esprit d’équipe : appartenir au groupe, être accepté des
autres, team building.
• Avoir un vrai rôle à jouer : percevoir son rôle, sa responsabilité et son
influence sur le travail mené.
• Être reconnu, valorisé : Il est bon d’être reconnu, apprécié et valorisé de
la part des autres et de la part de l’animateur.
• Participer à une « Mission » : chaque organisme ou chaque entreprise
est investi d’une mission. Il est motivant d’en être partie prenante.
3 Une réunion ça se prépare

Ne pas prévoir, c’est déjà gémir.


Léonard de Vinci

Le fait et le plaisir d’être ensemble sont un puissant facteur de


productivité. À condition que l’objectif soit clair et que l’animateur se
soit bien préparé.

Soyez clair sur le but de la réunion

Quel est votre but ?


• rassurer une équipe inquiète et la remotiver ;
• la mobiliser sur un enjeu stratégique ;
• trouver ensemble des solutions pour résoudre un problème ;
• faire valider une décision importante ;
• amener à innover…
La définition précise de votre but vous guidera pour concevoir
cette réunion et définir le rôle que vous aurez à y jouer.

Le guide d’animation

Faites-vous un guide d’animation synthétique. Par exemple :

GUIDE D’ANIMATION

ANIMATION ET MÉTHODES DE
THÈME(S) OBJECTIF(S) TIMING
TRAVAIL

Le déménagement Définir la Exposé des contraintes (slides) 10 mn


nouvelle
implantation
Recueil des attentes (tour de table) 15 mn

Organisation et attribution
30 mn
des surfaces (sous-commissions)

10 mn
Choix du mobilier (vote)

Synthèse 5 mn

Affichez le « T.O.P. »

Si je n’avais qu’une heure pour entreprendre une action,


j’analyserais la situation pendant 45 minutes, je prendrais ma
décision en 5 minutes et j’organiserais l’action dans les
10 minutes restantes.
Albert Einstein

Il servira de fil conducteur à vous et aux participants.


• T hème : de quoi il va être question.
• O bjectif(s) : ce qu’il faudra atteindre.
• P rogramme : les étapes, avec leurs durées.

La convocation ? Informez et motivez !

À rédiger et envoyer bien à l’avance… Quinze à dix jours avant la


date – et non pas la veille au soir ! Rendez votre communication
claire et motivante. Dites clairement l’objectif et dites en quoi la
réunion est importante pour eux afin qu’ils aient envie de se préparer
et d’y participer.
Vient maintenant le moment où toute l’équipe est présente,
réunie.

4 À vous d’animer la réunion

Bien démarrer la réunion et la conclure

La première minute est, comme toujours, décisive : c’est elle qui


dispose – bien ou mal – l’attitude à venir du groupe et qui fixe la
barre au bon niveau.
Préparez-vous, répétez et ajoutez une accroche, un starter,
pour commencer la réunion de façon vivante et illustrer l’objectif
principal. De même, la conclusion de la réunion ne doit pas se
faire à la sauvette : sachez la terminer en beauté par un bilan, des
décisions, une perspective qui a du souffle et… un compte rendu
synthétique envoyé dès le lendemain.
Fiche 25

Comment démarrer la réunion et la conclure

DÉMARRER

Pour quoi ?

Objectif de la réunion : Le définir précisément (et l’afficher) en l’exprimant en


termes positifs de résultat à atteindre.
Enjeux collectifs : Pour l’entreprise, le service, l’équipe ou le projet : ce sont eux
qui donnent du sens et de l’intérêt à cette réunion.

Quoi ?

Production attendue (les « livrables ») : Ce qu’il est question de faire.


(Ex. : émettre des idées, informer, innover, décider, organiser…)

Jusqu’où ?

Contraintes : Budget, cohérence vs stratégie, faisabilité, effectifs, délais…


Décision : Qui va décider au final, et quand ?

Comment ?

Méthodes de travail : Ne pas hésiter à les varier.

Quand ?

Durée : Rappeler l’heure de fin et s’y tenir.

CONCLURE

Terminez la réunion en beauté.


Bilan : ne retenir que les décisions…
• Faire le bilan résultats/objectifs visés.
• Formaliser les décisions prises, les suites, les rendez-vous.
• Remercier les participants : ils vous ont offert du temps et de l’intelligence.
• Puis faire le compte rendu et la fiche de suivi dès le lendemain.
5 Les trois rôles de l’animateur

Pour que cette animation soit pleinement réussie vous avez trois
fonctions essentielles à assurer en parallèle : produire, faciliter et
réguler.

Produire (répondre à l’objectif)

• Présenter le sujet et préciser l’objectif recherché.


• Préciser le programme et les méthodes de travail.
• Noter au paperboard, faire des synthèses partielles, recentrer
la discussion…

Faciliter (faciliter la production et les échanges)

• Favoriser l’expression, la production d’idées et la créativité du


groupe.
• Veiller à ce que chacun s’exprime : écouter, questionner,
clarifier, reformuler…

Réguler (anticiper et dénouer les tensions)

• Définir des règles de bonne entente.


• Supprimer les blocages, atténuer les conflits, réguler les
comportements…
Vous le voyez, la tâche d’animation est complexe, aussi il est
souvent utile d’organiser des réunions déléguées dans lesquelles
vous faites assumer par un des participants la fonction de
production ou de facilitation (ou les deux). Cela vous donne
disponibilité et recul et permet, en faisant tourner ces rôles au fil
des réunions, de développer participation et implication de tous !
Seule la fonction de régulation ne peut être déléguée.
Fiche 26

Les trois fonctions d’un animateur

Production (s’organiser pour atteindre l’objectif)


Au démarrage :
• Poser le cadre et rappeler les horaires.
• Clarifier les objectifs à atteindre.
• Proposer une méthode de travail et vérifier l’adhésion de chacun.
En cours de réunion :
• Donner un avis, des idées neuves ou des pistes de solutions.
• Faire des synthèses partielles pour passer à l’étape suivante et… gérer le
temps.
• Mettre en évidence les points de divergence puis de convergence (bases
de l’accord).
À la conclusion :
• Faire le bilan des résultats obtenus par rapport aux objectifs visés.
• Formaliser les décisions prises, organiser les suites et fixer les rendez-
vous.
• Puis faire le compte rendu (et le transmettre à J + 1 dernier délai).
Facilitation (faciliter l’expression de chacun, faciliter les échanges)
• Détendre l’atmosphère et mettre les participants à l’aise.
• Veiller à ce que chacun puisse s’exprimer.
• Organiser et recentrer les débats
• Écoute active : questionner, clarifier et reformuler.
• Encourager le réservé, freiner l’envahisseur et modérer le passionné.
Régulation (dénouer les points de blocage)
• Réduire les tensions, atténuer les différends et supprimer les blocages
individuels.
• Mettre provisoirement l’objectif de côté pour s’intéresser à la qualité de la
relation.
• Face à un contradicteur, chercher à comprendre le niveau où se situe son
objection et discerner son intention positive.
• En cas de hors-jeu, rappeler les règles.

6 Chaque réunion a ses « règles du jeu »


Il est peu fréquent que les animateurs proposent à leur groupe une
règle du jeu de la réunion. Cette règle leur paraît sans doute
implicite, mais peut-être n’est-elle pas aussi claire pour les
participants. Et peut-être, qu’en l’absence de règles explicites, ceux-
ci vont se permettre de jouer perso.

Prévenir les perturbations

C’est cette absence de règle du jeu qui crée le plus souvent des
perturbations dans les comportements ou qui provoque des
phénomènes de groupe négatifs (manque d’écoute, inertie,
bavardages, hostilité, « fermeture », etc.).
Rappelez-vous cette fonction de régulation qui est la vôtre.
L’établissement de règles (même racine que régulation) clairement
motivées par vous et acceptées par le groupe en sera un des outils
essentiels.
Ainsi, la plupart des risques de perturbation se régleront d’eux-
mêmes, sans que vous ayez à intervenir (ou bien en sifflant les
hors-jeu courtoisement, ou avec humour). Il y aura donc
rarement besoin de faire de la « discipline ». Vous trouverez un
exemple de règles du jeu dans la fiche à suivre.
Fiche 27

Fixer les règles du jeu

RÉUNIONS DE TRAVAIL

• On peut tout dire mais restons dans le sujet.


• Tout le monde a le droit de parler.
• On s’écoute d’abord, même si l’on n’est pas d’accord.
• La critique est utile si elle est constructive.
• Soyons concis : pas d’intervention trop longue.
• Soyons force de propositions, pensons « solutions ».
• Et n’oubliez pas de rallumer vos portables à la pause…

RÉUNIONS DE CRÉATIVITÉ : règle du « C.Q.F.D. »


Les séances de brainstorming nécessitent des attitudes
et comportements très spécifiques : lâcher-prise, effervescence
émotionnelle et cérébrale…

C : Censure abolie

Proscrire toute censure dans le groupe (remarques, mimiques, intonations) et


toute autocensure.
Q : Quantité d’abord
C’est de la quantité d’idées produites que pourront émerger une ou deux idées
de qualité.
F : Farfelus bienvenus
Oser la fantaisie, l’idée folle… Il sera toujours temps d’assagir les idées (après).
D : Démultiplier, démultiplier
Une idée en cache souvent une autre : rebondir, ricocher sur l’idée des autres et
sur les siennes.
CHAPITRE 15

Animer une téléconférence

Une téléconférence (appelée aussi « TC ») n’est rien d’autre qu’une


forme particulière de réunion.
Pour en réussir l’animation il faut faire beaucoup plus que
simplement décrocher son téléphone. Vous devez vous y préparer
comme vous le feriez pour une réunion classique, en présentiel
(voir le chapitre précédent Réussir sa réunion)… avec quelques
adaptations.

La TC : une réunion à coûts réduits

La téléconférence possède dans ce domaine deux avantages


majeurs qui la justifient :
• Réunir à faible coût des participants géographiquement
éloignés.
• Éviter le temps perdu en déplacements (train, avion…).

1 Les limites de la téléconférence

Absence d’impact visuel


Lors d’une réunion « classique » vous êtes perçus à travers trois
canaux de communication : visuel, vocal et verbal. Il vous manque
donc un des axes clés de la communication, d’où une perte de
présence, la présence physique.

Moins de réactivité, de fluidité

Il est clair que cette absence de contact visuel induit plus de lenteur
dans les échanges. Tous les signes exprimés visuellement, attitudes,
regards, expressions du visage manqueront à la lisibilité de la
communication.

Un pouvoir de persuasion diminué

Rappelez-vous la congruence, avec ce chiffre de 55 % (selon


Mehrabian) accordé à l’impact visuel, c’est donc toute votre capacité
à jouer de votre présence physique qui n’est plus là. Vous perdez en
incarnation, en force de persuasion.

Téléconférences et réunions classiques sont complémentaires

Il est largement préférable de créer un premier lien en présentiel.


Cela vous permettra par la suite de mieux comprendre, à distance,
les réactions, le fonctionnement des différents participants. Vous
avez aussi intérêt, périodiquement, à ressourcer cette relation par
une rencontre physique. Enfin vous ne pouvez pas traiter
correctement une réflexion à dimension stratégique par téléphone.

2 Il faut un animateur

Cela relève du bon sens, plus encore que dans une réunion
classique. Pourquoi ? Pour organiser la production (le résultat
attendu), conduire et faciliter les échanges. Le plus souvent c’est à
l’organisateur que revient également ce rôle de facilitation (quand
c’est possible, déléguez ce rôle). Vous devez assumer ces fonctions
avec méthode : avant, pendant et après.

Cadrez la participation et la durée

• Limitez le nombre de participants. Au-delà de 6 ou 7, les


échanges deviennent confus. Vous êtes alors astreints à une
grande concision, ce qui peut engendrer de la frustration.
• Limitez la durée, au-delà de trente minutes la capacité
d’attention est largement diminuée.
• Dans le cadre d’appels internationaux, respectez la
compatibilité des différents fuseaux horaires. Évitez que ce soit
toujours les mêmes qui aient à se mobiliser tôt le matin ou tard
le soir.

Soignez l’invitation

Donnez envie de participer

Faites en sorte que ce temps passé au téléphone soit perçu par


chacun, comme un temps utile, voire indispensable. Aussi, dans
votre convocation, faites ressortir l’intérêt de tous comme l’intérêt de
chacun.

Envoyez le « T.O.P. » de la téléconférence

• T hème : de quoi il va être question.


• O bjectif(s) : ce qu’il faudra atteindre.
• P rogramme : les différentes étapes.
Par exemple, a minima : « Cette TC nous servira à débattre autour
de trois axes : pourquoi nous perdons des clients, comment nous
devons réagir et quel est l’agenda de notre action. »
Des instructions de connexion claires

Bien sûr, le protocole d’appel (horaires, numéros d’appel, codes…)


doit être précis et communiqué suffisamment à l’avance.

Faites-vous un « trombinoscope »

Ayez devant vous les photos de chaque participant. Demandez


éventuellement que chacun envoie un selfie. C’est utile, même si
vous connaissez bien les participants. Mettre un visage derrière une
voix apporte un plus indéniable : cela vous permet d’ajuster le ton de
votre propre voix et de donner une réalité plus tangible aux autres
voix.

Soyez vocalement très présent lors de la TC

La voix prend d’autant plus d’importance que le corps n’est pas


présent. C’est par la tonalité, les inflexions de la voix, que vous
apporterez cette sensibilité, cette subtilité qui humaniseront vos
propos.
• Jouez de tous les registres utiles : sympathie, plaisir,
bienveillance, comme gravité ou fermeté. C’est valable pour
l’animateur comme pour l’ensemble des participants. En
particulier, veillez à mettre du dynamisme dans votre voix.
• Redressez-vous, soignez votre posture. Cela peut paraître
hors de propos mais comprenez bien que notre attitude
physique change la couleur de notre voix. Ainsi, sourire donne
du sourire à la voix.

Le démarrage de la TC

Trois directives pratiques


1. Se connecter 5 mn à l’avance de façon à accueillir les
entrants.
1. Avoir une liste sur laquelle cocher l’arrivée de chaque
nouveau participant.
2. Ne pas attendre au-delà de 3 à 5 mn le démarrage de la
réunion, le temps d’attente paraît très long au téléphone.

Souhaiter la bienvenue

Allez au-delà d’un simple formalisme de façon à exprimer


sincèrement votre reconnaissance.

Organiser un rapide « tour de table »

• Pour que chacun « existe » en faisant entendre sa voix.


• Pour valider la liste des participants.

Cadrer la réunion

• Rappeler le T.O.P (Thème Objectifs Programme) de la


téléconférence en reprécisant bien le timing.
• Donner à (ré) entendre les quelques « règles du jeu » qui vous
paraissent les plus essentielles.
• Définir un gardien du temps pour rappeler les horaires. L’heure
de conclusion est souvent impérative.
• Nommer éventuellement un scribe qui prendra des notes et
enverra un compte rendu sous 24 heures à l’ensemble des
participants.

Quelques « règles du jeu » prioritaires pour une TC

• Limiter chaque temps d’intervention (3 mn par exemple).


• Parler clairement avec en particulier une élocution posée
(ralentir le débit !).
• Articuler de façon à être compris facilement, même par les non
natifs dans le cadre d’un contexte international.
• S’annoncer au début de son intervention « c’est Florent qui
parle. De mon point de vue… ».
• Signifier la fin de son intervention (par exemple par
« Terminé »).
• Ne pas interrompre une personne qui parle.

Recommandations pour l’animateur

Jouez de toute la gamme de l’animation : production / facilitation /


régulation (voir chapitre précédent Réussir sa réunion). Parce
qu’une TC est plus facilement confuse qu’une réunion classique.
En particulier :
• Sifflez le hors-jeu pour les interventions hors cadre.
• Reformulez pour apporter clarté et confirmation.
• Faites des synthèses partielles.
• En cas de besoin d’un accord concernant un point particulier :
demander un OK en nommant successivement chaque
participant (vous n’avez pas la ressource de signaux visibles).
• En cas de bruits intempestifs, demander à la personne
concernée de basculer en position « mute ».

Régulation : attention aux susceptibilités

La fonction régulation est encore plus délicate à appliquer que lors


d’une réunion classique. Un participant qui se sent critiqué, attaqué,
peut très vite se refermer et ne plus participer sans que vous le
remarquiez. Si vous devez faire une mise au point ou recadrer un
participant, faites-le après, lors d’un appel personnalisé.
Sachez conclure

• Anticiper en commençant cette conclusion 5 mn avant l’heure


de fin.
• Faire une synthèse des points d’accord et des décisions
prises.
• Demander un retour sur la qualité des échanges et de votre
animation (point climat).
• Remercier.

3 Et puis : quelques idées pour apporter fun et originalité

La « météo perso » en intro

Pour que chacun s’implique dans le tour de table initial, demandez à


ce qu’il (ou elle) exprime son état d’esprit, son ressenti du moment
en quelques mots. Par exemple « disponible et motivé » ou « un peu
à la rue en cette période de rush ».

La signature musicale pour s’identifier

Utiliser un son particulier pour identifier chacun, de préférence à


l’aide d’un instrument (sonnette, carillon…) ou d’un objet proche. Par
exemple, une petite cuillère heurtant une tasse. À utiliser avant
chaque intervention au lieu de dire son nom.

Les commentaires sonores

De façon à remplacer des signes impossibles à percevoir comme


des hochements de tête, ou des dénégations, marquez votre accord
ou désaccord par des mots brefs convenus à l’avance, par exemple
« oui, oui » ou « bof ».
L’évaluation par smiley

À envoyer à la fin de la TC, pour évaluer par exemple ces deux


points clés : Production et Qualité des Échanges.

☹ 1 2 3 4 5 ☺
Fiche 28

Réussir sa téléconférence

Il faut un animateur

• Limitez le nombre de participants à 5/6.


• Limitez la durée à 30 mn.
• Une convocation claire avec Thème, Objectifs, Programme (T.O.P).
• Des instructions de connexion claires.
Faites-vous un trombinoscope, surtout si les participants ne vous sont pas très
familiers. Cela donne plus de « réalité » aux échanges.

Pour le démarrage

• Connectez-vous 5 mn avant.
• Cochez chaque arrivée sur votre liste.
• Démarrez dans les 3 à 5 mn qui suivent l’heure dite.
• Organisez un rapide tour de table.

Quelques règles du jeu à respecter

• Limiter chaque temps d’intervention.


• Parler posément et distinctement (articulation, accent…).
• S’annoncer au début et signifier la fin de son intervention.
• Éviter d’interrompre la personne qui parle.
• Basculer en position « mute » pour éviter les bruits intempestifs.
Donnez toute l’importance à la voix, c’est elle qui apporte la dimension sensible,
humaine à ce type de réunion. Soignez l’empathie.
Régulation : attention aux susceptibilités, plus encore qu’en présentiel, réglez les
différends plus tard, individuellement.

Sachez conclure

• Anticiper en annonçant 5 mn avant la fin à venir.


• Actez points d’accord et décisions prises et remerciez.
4 Animer une Visioconférence

La « visio » est de plus en plus présente pour les entreprises


comme pour les particuliers

Elle est largement utilisée dans notre monde internationalisé et


globalisé. Les progrès techniques la rendent toujours plus
performante et abordable pour les entreprises. Pour les particuliers,
elle est à la portée de tous avec un minimum d’équipement.

Un plus par rapport à la téléconférence

Les avantages sont évidents : c’est plus « humain », vous pouvez


voir les gestes, expressions, décoder le langage non verbal. Les
participants sont plus concentrés (moins de tâches parallèles). Vous
pouvez ajouter des éléments visuels, comme dans une réunion en
présentiel.
Comment assurer le succès de ces visios ? Comme toujours, la
préparation en est un élément clé. Mal se préparer c’est se
préparer à l’échec (fail to prepare, prepare to fail).

Assurer la logistique

Visios d’entreprise sur grand écran

Il existe aujourd’hui des systèmes très évolués et très performants.


Cela peut aller jusqu’à une salle de réunion coupée en deux dans
laquelle votre équipe prend place face à un mur d’images sur lequel
vous visualisez une autre équipe. Ce qui donne l’illusion d’une
présence réelle.
Dans ce cas, demander l’aide d’une assistance technique est
largement plus prudent.
Visios depuis un écran individuel

Aujourd’hui la plupart des ordinateurs, tablettes ou smartphones sont


équipés d’une caméra. Vous avez besoin d’une bonne connexion
Internet ainsi que d’un micro et d’un casque pour une meilleure
qualité audio.
À cela, il vous faut également l’application qui convient (Skype
ou Facetime par exemple). Votre entreprise peut faire appel à une
application sous licence comme Skype for Business ou Adobe
Connect.

Soignez l’image

Vérifiez que votre environnement soit suffisamment neutre, sans


élément susceptible de distraire l’attention. Soignez votre éclairage,
évitez d’être à contre-jour par exemple.
Bien sûr, comme pour une réunion normale, faites que votre
tenue soit en accord avec le contexte. Cela fait partie de la qualité
de l’image que vous tenez à donner de vous-même.

Durant la visioconférence

Positionnez la caméra à la hauteur du regard ou légèrement plus


haut. Comme pour un selfie, évitez la contre-plongée (caméra par en
dessous). Une fois la réunion démarrée, regardez bien la caméra et
non votre propre image sur l’écran. Vous donnerez ainsi l’impression
de réellement communiquer.
Soignez la manière dont vous vous tenez, redressez-vous.
Soyez gestuel de façon à donner de la vie, mais sans excès.
La fonction silence (mute) est importante. Il est préférable de
couper votre micro lorsque vous ne parlez pas, en particulier s’il y
a d’autres personnes dans la pièce. Les bruits extérieurs sont
malvenus, surtout s’ils trahissent un endroit où vous n’êtes pas
censé être ! Bien sûr, prenez soin de rebasculer en on pour parler.
Là aussi, organisez-vous et donnez de la vie à la réunion

De même que pour une téléconférence, envoyez invitation avec


objectifs, agenda et timing. Faites preuve de dynamisme, d’écoute et
d’ouverture. Soyez clair et concis. Facilitez la production des idées
comme la distribution de la parole.
Utiliser des visuels, des vidéos ou des objets est bienvenu pour
apporter de la clarté ou illustrer ce qui est dit. N’oubliez pas, les
bonnes pratiques d’une réunion réussie s’appliquent aussi aux
télés et visioconférences.
Maintenant vous êtes prêt(e). Redressez-vous, regardez et
souriez… vous êtes filmé(e).
CHAPITRE 16

Maîtriser le débat

Il est préférable de débattre d’une question sans la résoudre que de régler


une question sans en avoir débattu.

Anonyme

Votre présentation vient de s’achever. Voici souvent le temps de la


discussion ou du débat. Bien que cette dernière phase prolonge la
précédente, nous l’avons dissociée car elle s’appuie sur des réflexes
d’une nature différente de ceux de la prise de parole : d’émetteur,
vous redevenez d’abord récepteur. De projectif, vous devez à
présent devenir empathique1 et vous rappeler que l’autre est tout
autre.

1 Souvent le débat se gagne avant…

L’expérience prouve que si, depuis le début de votre intervention,


vous vous êtes constamment montré mesuré, crédible, bienveillant
et respectueux du public, vous avez peu à peu redouter de lui : la
discussion qui va suivre restera courtoise, rationnelle et adulte, donc
aisée à maîtriser.
Mais si, vous avez pu paraître excessif, agressif, arrogant ou
manipulateur, vous aurez à affronter un débat plus tendu (et vous
l’aurez bien cherché…).
Le débat dépend donc beaucoup de vous et de l’impression
donnée dès la première minute de votre prestation !

Anticiper, se préparer au pire

Si vous n’avez pas imaginé la difficulté ni préparé vos réponses,


vous avez évidemment pris des risques. Au lieu de faire l’autruche,
prenez juste ce qu’il faut de temps pour :

Anticiper

• changer de point de vue : se mettre à la place de l’auditoire


(interviewez à l’avance, ou bien imaginez) ;
• prévoir et lister soigneusement les objections majeures, les
questions pièges (faites exprès d’imaginer le pire).

Préparer

• ses réponses : les arguments, les exemples, les preuves ;


• et ses formulations : vocabulaire, éléments de langage,
formules-clés ;
• s’inspirer aussi des bons exemples de réponses de ses pairs.

S’entraîner

• à répondre calmement (non verbal) et constructivement


(langage positif) ;
• devant un collègue, son manager, un ami ou un consultant.
Ce que vous êtes sonne si fort à mes oreilles que je
n’entends pas ce que vous dites.
Emerson

Un bel exemple de préparation : l’attribution de TF1


En 1987 la première des trois chaînes de télévision publique
française est soumise à un appel d’offres en vue de sa
privatisation. Deux concurrents se font face : le groupe Hachette
et le groupe Bouygues. Hachette qui a déjà une expérience
dans le domaine de la communication apparaît comme le grand
favori. Ce n’est pas le cas de Bouygues, acteur majeur du
bâtiment et des travaux publics.
Bouygues prend l’audition (retransmise en direct sur TF1) très
au sérieux. Un entraînement intensif sous l’égide de Bernard
Tapie a lieu pour que le jour J Francis Bouygues, Patrick Lelay
et ses partenaires puissent présenter leur projet et répondre à
toutes sortes de questions avec sérénité. Ils ont emporté la
mise, leur prestation ayant été un des éléments de réussite.
Amusons-nous : à la question, qui n’a pas été posée mais qui
aurait pu l’être, « Vous, les rois du béton, vous voulez faire dans
la culture maintenant ? » qu’allez-vous répondre ? Nous vous
proposons un début de réponse : « Merci pour ce qualificatif de
roi qui nous honore. Sachez que ce que nous faisons s’appelle
communément ouvrage d’art et que chaque chantier est une
grande aventure humaine… »
Vous l’avez compris, mieux vaut être préparé. Regardez un
extrait très instructif de cette préparation menée par Bernard
Tapie quand il coachait Bouygues sur TF1 en 1987 :

https://www.dailymotion.com/video/xalpg2

2 Lancer le débat

Il faut donner au public l’envie et l’audace de vous répondre. Il est


parfois intimidant d’attirer l’attention sur soi par une question. Soyez
le plus bienveillant, le plus invitant possible, évitez un terne et
sommaire « Des questions ? »
Rapprochez-vous du public, adoucissez votre voix. Optez plutôt
par « Maintenant c’est avec plaisir que je vous laisse la parole
pour exprimer vos remarques, vos questions… ». Vous aurez
peut-être à « broder » un peu dans l’attente d’une première
question, alors continuez votre invitation : « Il y a probablement
des points que vous aimeriez voir éclaircis… des
interrogations… »

Conclure le débat

Il y a deux dangers :
• Un manque flagrant de questions : malgré votre invitation,
vos relances le public reste muet.
Peut-être est-ce parce que vous avez été clair et complet,
bravo.
Peut-être parce que le public n’est pas concerné par cette
présentation (défaut de cadrage, c’est dommage).
Peut-être aussi parce que vous n’avez pas su l’intéresser (tirez-
en les leçons).
Peut-être enfin parce qu’il n’ose pas (vous êtes paru fermé,
cassant… là encore, tirez-en les leçons).
• Trop de questions. Ce qui est plutôt positif. Dans ce cas, il
faut savoir gérer cette situation pour ne pas prolonger à l’excès
ce débat. Annoncer à l’avance : « Encore 5 mn » puis « Une
dernière question ».
Et puis, faites des réponses concises !
M.A.C : trois leviers pour débattre (développés dans cet
ordre : A.C.M.).
1. Attitude mentale (état d’esprit, positionnement, stratégie).
3. Comportement (le non verbal, corps, voix, respiration).
4. Méthodes (de communication, ce que vous allez dire, les
différentes étapes).

3 Attitude mentale

Compétition ou coopération ?

Cette question est fondamentale. Voulez-vous vaincre, terrasser vos


débatteurs ou, à l’inverse, les gagner à votre cause ?
Dans le cadre d’un débat politique entre opposants c’est la
compétition, parfois une compétition féroce, qui est de rigueur.
Pensez aux grandes joutes télévisuelles entre candidats à la
présidentielle.
Dans le cadre d’un organisme, d’une institution ou de
l’entreprise, c’est la coopération qui est de mise. Votre intérêt
rejoint l’intérêt commun. Vous devez construire ensemble, vous
devez faire de vos débatteurs des partenaires, des alliés. Nous
nous placerons dans cette hypothèse qui est très probablement la
vôtre.

Pas de boxe en public

Si heureusement, la provocation est rare, vous rencontrerez plus


fréquemment chez certains interlocuteurs des attitudes de mauvaise
foi, de manipulation ou d’agression. Quelle que soit la forme de
l’attaque, résistez au réflexe de contrer votre contradicteur.
Fiche 29

Lancer le débat… et le conclure

Comment amorcer le débat

Votre conclusion finie, changez d’attitude (lâchez prise) et changez de ton :


• Montrez-vous convivial.
• Déplacez-vous un peu sur le côté (ou même assis en bord de table).
• Indiquez la durée approximative du débat pour cadrer l’échange.
• Ouvrez le débat par une question « ouverte » posée à la cantonade.
• Ne regardez pas une personne en particulier, ça pourrait la gêner.
• Montrez et dites votre envie de les entendre réagir.
• Si le groupe ne réagit pas tout de suite, patientez : se décider et trouver
une remarque sensée prend du temps.

Si le public reste silencieux

• Restez calme et facilitez-leur les choses par une question simple, ou un


peu provocante.
• Si le silence persiste, interrogez nommément quelqu’un pour amorcer :
faites-le sur un ton invitant.
• Si en cours d’intervention vous avez remarqué une réaction d’un
participant, demandez à celui-ci de l’exprimer.
• Si le groupe préfère rester silencieux, acceptez-le sans état d’âme (tout a
peut-être déjà été dit).
• Sondez la raison de ce silence avec bienveillance et intérêt.
• Ou restez détendu et beau joueur.
• Et concluez la séance par une formule que vous aurez préparée.

Si le débat doit se terminer

• Rappelez l’impératif horaire cinq minutes avant la fin puis ajoutez :


« Encore une ou deux questions. »
• Puis signalez que c’est la dernière question qui sera traitée.
• Concluez. Remerciez et prenez congé.
Ne faites pas de boxe, ne cherchez pas à le terrasser, ne
l’humiliez pas. Ce que l’on peut éventuellement faire en face-à-
face ne se fait pas en public, vous vous feriez de votre débatteur
un ennemi farouche. Une humiliation vécue en public est terrible
pour l’ego de celui qui la subit. Vous risquez de vous en faire un
ennemi féroce et durable. Un sentiment grégaire fait que souvent
le groupe prend spontanément la défense de celui, parmi les
siens, qui est attaqué, même s’il ne partage pas son point de vue.

Faites du judo

Il est plus habile de ne pas s’opposer frontalement à votre


contradicteur dans un premier temps puis de vous affirmer
constructivement dans un second temps (comme le judoka qui laisse
venir l’attaque pour mieux la retourner).

Ou plutôt de l’aïkido

C’est un autre art martial, moins connu, dont l’esprit et la technique


n’ont qu’une seule fin : parer toute forme d’attaque, d’où qu’elle
vienne. Ce n’est donc pas un sport offensif mais uniquement de
défense. Encore plus que le judo, il symbolise l’attitude à adopter en
débat.

Faites preuve d’empathie

L’attitude d’empathie suppose une belle ouverture d’esprit et un réel


entraînement : tout l’art de l’écoute, de la négociation, de l’éducation,
de la thérapie, reposent en effet sur cette attitude mentale
exigeante : s’ouvrir à l’autre. L’empathie n’est pas la sympathie, ce
n’est pas une projection affective positive, c’est comprendre l’autre,
ses idées, son fonctionnement, son ressenti.
Nous n’en évoquerons ici que quelques techniques d’urgence,
destinées à réduire votre appréhension du débat et à vous aider
en cas de difficulté. Ces techniques aident à la fois à se maîtriser
et à dénouer des situations critiques ou tendues. Les
professionnels du débat – politiques, avocats et aussi
responsables d’entreprise, ont à se former à ce savoir-faire, car
que resterait-il d’une prestation réussie si le débat se terminait par
un fiasco ?

Soyez patient

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »


disait La Fontaine. Faites vôtre cette devise.
En particulier face aux Mis-matcheurs, le mis : matching ou le
« Oui-mais… » est un des fonctionnements classiques de certains
individus. Avant de matcher, de vous rejoindre, ils choisissent de
s’opposer. C’est une manière de vous tester. Cela consiste à
systématiquement chercher l’objection, pour vous obliger à valider
vos arguments.
C’est peut-être fatigant à la longue mais dites-vous que si la
réponse est satisfaisante ils finiront par adhérer. Alors patience…

Soyez perspicace et confiant

Les acteurs d’un débat sont souvent portés à jouer un rôle,


consciemment ou non, comme au théâtre. Ne vous méprenez pas
dans votre interprétation.
• La froideur apparente de certains peut être signe de vigilance,
de réflexion : restez détendu et confiant.
• La critique marque souvent une demande, un espoir : soyez
constructif.
• L’agression traduit souvent peur, gêne : comprenez et
rassurez.
• La grosse colère en public, par exemple avec des partenaires
syndicaux dans le cadre d’un Comité d’Entreprise, c’est
généralement du bluff : restez de marbre.
Soyez ouvert et créatif

Accueillez et reconnaissez les bonnes idées, les bonnes


propositions. N’hésitez pas à changer votre regard, à explorer de
nouvelles pistes. Le débat a cet intérêt qu’il ouvre sur l’intelligence
collective.

Sachez aussi tenir bon, soyez assertif

L‘assertivité est un des concepts fondamentaux de la communication


interpersonnelle. Elle consiste ici à affirmer son point de vue sans
agressivité et avec un minimum d’évitement ou de manipulation (il
convient quand même d’être habile pour se sortir de certains pièges,
c’est ce que nous verrons plus loin). Tout l’art de l’assertivité est de
le faire constructivement, dans le respect de l’autre, pour une
relation dite gagnant-gagnant. Vous devez pouvoir tenir bon sur vos
convictions, sur l’essentiel, en faisant preuve d’une force tranquille,
d’une bienveillance implacable.

Attention à l’ego

Soyez également beau joueur, vous ne pouvez avoir raison sur tout.
Acceptez d’infléchir vos positions, de reconnaître certaines erreurs.
Fiche 30

Préparez-vous et soyez constructif

Pas de compétition mais de la coopération.

Anticiper

• Imaginer le pire.
• Préparer ses réponses.
• Répéter et s’entraîner.

Être constructif

• Pas de boxe en public


– Ne pas rabaisser son contradicteur.
– Le groupe risque de prendre son parti, par solidarité.
• Se placer en allié
– Chercher sincèrement à coopérer.
• Faire preuve d’empathie
– Sachez faire silence en vous et donnez-vous du temps.
– Comprenez d’où vient l’objection.
– Mesurez le potentiel émotionnel qui l’accompagne.
• Se montrer assertif
– Affirmer sereinement et fermement son point de vue.
– Respecter l’autre, ses idées, son ressenti.
– Faire preuve de calme et de ténacité : force tranquille.
• Rester confiant et créatif
– Relativiser, c’est parfois un jeu de rôle.
– Accueillir les bonnes idées.
– Parier sur l’intelligence collective.

Être beau joueur

• Attention à l’ego.
• Pourquoi chercher à avoir toujours le dernier mot ?
4 Comportement non verbal : rester zen

Maintenant, comment incarner cette force tranquille faite de


compréhension et d’affirmation ? Une réponse : la zen attitude.

Position basse ou position haute ?

Est en position haute celui qui est debout, qui incarne une autorité,
une expertise, qui parle, qui affirme. Est en position basse, celui qui
est assis, qui écoute, qui questionne.

D’abord position basse

Un temps pour chaque chose : lors de votre présentation vous venez


d’être en position haute (affirmation de votre point de vue, de vos
convictions), vous avez intérêt, pour cette phase d’échanges, à
repasser immédiatement en position basse : c’est le public, le
groupe, qui a la main à présent, laissez-lui la priorité. Vous
reprendrez la main (position haute) dans un deuxième temps, pour
assumer vos convictions, en réponse aux questions posées.
Très concrètement, vous aurez intérêt à quitter le milieu de
l’estrade pour vous rapprocher du public, peut-être même à le
rejoindre. Adoptez un ton de voix moins affirmatif, plus conciliant,
plus invitant.

Face aux émotions, temporiser

Attention vous pouvez facilement vous faire piéger par vos émotions.
Parce que vous vous sentez attaqué de manière indigne,
irrespectueuse, malveillante. Avec pour conséquence une réaction
symétrique immédiate, empreinte de tous ces affects, une réaction
qui peut aller bien au-delà du raisonnable et du souhaitable.
Un exemple célèbre Alors qu’il visite le Salon de
l’agriculture de 2008, Nicolas Sarkozy serre de nombreuses
mains dans l’assistance. Un homme refuse sa poignée de
main en disant « Ah non, touche-moi pas ! Tu me salis ! ».
Nicolas Sarkozy réplique immédiatement : « Eh ben casse-
toi alors, pauv’ con ! » Cette phrase continue de le
poursuivre. En deux secondes, il réussit à cristalliser
l’image d’un président impulsif, manquant de recul, de
hauteur.
À comparer à cette réplique de Jacques Chirac, à la sortie
de la messe au cœur de Bormes les Mimosas. À une
personne qui le traite de « Connard », il répond :
« Enchanté, moi c’est Jacques Chirac ».

Il y a toute une gamme de solutions à mettre en œuvre pour se


sortir de ce piège. Les plus immédiates sont de temporiser,
marquer un temps de latence et respirer. Nous en développerons
d’autres, complémentaires, dans les paragraphes suivants.

Ne montrez pas votre embarras

Quel que soit votre embarras, ne le montrez pas. Il est préférable de


le dire plutôt que de le montrer. Ceci pourrait apparaître comme une
faiblesse dans votre argumentation, un manque de preuve, de
conviction. Là encore, le non verbal prime sur les mots. C’est plus
facile à dire qu’à faire, les conseils qui suivent vous y aideront.

Regardez cet extrait culte du film Itinéraire d’un enfant gâté (1988)
de Claude Lelouch :
https://www.youtube.com/watch?v=YAs5FQeLw7g
Lâcher prise, détendre, respirer

La première conséquence de ce qui est vécu par vous comme une


attaque est de vous contracter et de bloquer votre respiration
(réaction au stress). « Lâchez prise », videz l’air et relâchez !
D’abord relâcher le diaphragme, pour retrouver une respiration
abdominale apaisée. Décontractez visage, épaules et mains, ces
trois endroits du corps qui cristallisent votre tension aux yeux du
public.
Retrouvez bien l’appui dans le sol (mise à la terre).

Contrôler le non verbal

Soumis à l’émotivité, faites attention aux gestes protection, aux


gestes barrière. Ne fuyez pas du regard. Faites preuve de self-
control, contrôlez votre attitude, votre visage : s’il le faut, restez
impassible.
Évitez de pointer votre interlocuteur d’un index accusateur ou
d’un stylo, ce qui pourrait être vécu comme une agression.

Écouter et encourager

Maintenez un contact visuel empreint de bienveillance. Faites


silence en vous pour bien entendre et comprendre ce que dit l’autre.
Il a le droit de s’exprimer, même si son opinion vous déplaît. Faites
quelques hochements de tête pour accompagner (signe que vous
comprenez et non que vous adhérez).

Dissocier, prendre de la distance

Dissociez, décentrez-vous momentanément de vous-même pour


vous rendre spectateur de l’échange. Devenez un observateur
extérieur. Cela vous donnera le recul nécessaire à votre réponse. Ne
soyez pas comme hypnotisé par l’attaque, comme le serait un lapin
pris dans les phares d’une voiture.
Passez d’un regard tunnel, un regard focalisé (sur celui qui vous
prend à partie), à un regard périphérique (toute la salle) afin de
relativiser l’impact de votre interlocuteur sur votre mental. Il se
trouve probablement dans l’assemblée des alliés, des personnes
qui ne pensent pas comme votre détracteur, ce qui peut vous
rassurer. Et peut-être ces personnes pourront-elles vous aider à
répondre.
Changez de canal, passez du canal visuel au canal auditif :
entendez surtout les mots et fermez les yeux mentalement ; faites
abstraction de la présence physique de l’assaillant, de son regard,
de son expression de visage… Soyez tout oreille.
Fiche 31

Contrôler son comportement, rester zen

Repasser d’abord en position basse

• Mettez-vous au niveau du public.


• Baissez le ton de la voix, invitez.

Prendre son temps

• Ne vous faites pas piéger par votre émotivité.


• Faites silence, marquez un temps de latence.
• Différez si possible la réponse pour contrôler vos émotions.

Ne pas montrer son embarras

• Ne donnez pas l’impression d’être en situation de faiblesse.


• Il vaut mieux dire son embarras plutôt que de le montrer.

Contrôler le non verbal

• Gardez le contact visuel.


• Détendez visage/épaules/mains… et respirez !

Écouter et encourager

• Regardez avec bienveillance.


• Faites quelques hochements de tête pour accompagner la question.
• Encouragez la question n’est pas adhérer.

Dissocier, prendre de la distance

• Se décentrer momentanément de soi.


• Devenir observateur et non plus acteur.
• Chercher des alliés parmi le public.
5 Une méthode pour chaque situation

Pour résumer, dans cette phase de questions – réponses, de débat,


il convient de faire preuve d’un mental empreint de force et de
tranquillité, la force tranquille (chère à François Mitterrand) et de
contrôler visage et gestes dans un comportement zen.
Maintenant, comment répondre ? Y a-t-il une méthode ?
Beaucoup de questions posées ne posent pas de difficulté
particulière : il suffit de connaître votre sujet, d’avoir réfléchi à
l’avance aux questions prévisibles et d’être concentré dans
l’écoute comme dans vos réponses, claires et précises.

Les situations délicates

Vous pouvez cependant être confronté à des situations plus


complexes ou délicates, nous les avons classées en trois
catégories :
1. Objection
1. Question embarrassante
2. Critique, déstabilisation, agression
Pour vous sortir d’affaire et maîtriser ces différents contextes,
tout est dans la méthode : quatre fiches très opérationnelles vous
donnent les techniques nécessaires pour dénouer ces situations
délicates (Fiches 32 à 35).
Fiche 32

Chic ! Une objection

Espérez l’objection

• Ne vous sentez pas remis en cause personnellement, c’est signe que


l’auditoire est intéressé.
• L’objection est un réflexe naturel de la part d’autrui (vérifier, se rassurer),
donc une aide précieuse pour vous.
L’objection vous permet en effet de :
• repérer le point qui intéresse le plus votre interlocuteur ;
• mieux comprendre ses motivations exactes ;
• réargumenter plus finement ;
• et ainsi, mieux convaincre l’ensemble du groupe.

La règle d’or en cinq étapes

• « Position basse » : c’est lui qui a la priorité, laissez-lui la main.


1. Écouter l’objection, donc se taire (ne pas interrompre ou se justifier).
7. Questionner pour faire préciser l’objection, ou la réduire.
8. Reformuler en positif : traduire la difficulté exprimée en besoin, en
souhait. Ne pas juger.
• « Position haute » : à présent, reprenez la main.
9. Être sûr de soi : répondre d’un ton assuré et avec concision.
10. Vérifier l’accord (feed-back), et enchaîner sur une autre question.

Prenez sur vous, soyez patient

• Beaucoup de gens ont le réflexe de mismatcher, c’est-à-dire de contrer


instantanément ce qui ne correspond pas à leur façon de voir initiale : « Oui,
mais… »
• Patience et clarté : si votre réponse les satisfait, ils vont finir par adhérer
(matching).
Fiche 33

On vous pose une question embarrassante

Aussi compétent et préparé que vous soyez, une question peut toujours vous
prendre au dépourvu.

Les causes

• Vous n’avez pas anticipé cette question.


• Il est trop tôt pour donner la réponse, une annonce viendra plus tard.
• Ce sujet ne fait pas partie de votre périmètre de responsabilité…

Mieux vaut dire son embarras que le montrer

• Même si vous êtes embarrassé, ne le montrez pas ! L’impassibilité


constitue déjà un début de réponse en soi.
• Reconnaissez votre ignorance, ou gagnez un peu de temps pour réfléchir.

Les grands classiques

Selon le contexte, choisissez parmi les techniques suivantes :


• Dites simplement votre ignorance : « J’ignore ce point et je vais me
renseigner ». Autrement dit : mettre au frigo. Donnez l’assurance d’une
réponse à venir.
• Retournez sa question à l’interlocuteur (avec un intérêt réel) : « Dites-
nous d’abord votre point de vue. »
• Généralisez et allez sur un terrain plus confortable : principes, ordres de
grandeur…
• Répondez par un exemple, un cas particulier.
• Reposez le problème (reformulez-le à votre façon) et changez la donne :
à question A, réponse A’.
• Faites appel au groupe : « Quelqu’un a-t-il la réponse à cette question ? »
• Répondez avec humour, si le contexte le permet et si vous êtes en verve.
Mais jamais d’ironie (attention à l’effet boomerang).
Fiche 34

Une critique ?
Négociez en souplesse

La méthode « ÉCAPA »

« Position basse » : accompagnez d’abord votre contradiction.


Attention à l’égo ! Soyez beau joueur : ne pas chercher à avoir le dernier mot.

É.COUTER

• J’écoute silencieusement, avec neutralité bienveillante avec empathie.


• Je contrôle mon visage et mon corps.
• S’il le faut, je le questionne pour qu’il précise sa position : « C’est-à-
dire… ? »

C.OMPRENDRE

• Comprendre, ce n’est pas approuver : je constate sa logique et la reformule


en positif : « Pour vous… »
• Si la situation est un peu tendue, je lui donne acte de sa position : « Je
comprends votre point de vue », « C’est vrai, c’est un point important »
• Je reconnais le besoin qui sous-tend la critique : « Je comprends ce désir
de transparence… »
« Position haute » : vous pouvez à présent reprendre l’initiative.

A.FFIRMER

• J’affirme clairement, sereinement, ma position (assertif) : « Je ne partage


pas cet avis », « Non, cette demande n’est pas possible… »
• S’il y a lieu, j’exprime sincèrement mon ressenti : « Je me sens mal à l’aise
vis-à-vis de… », puis j’enchaîne aussitôt sur une proposition plus réaliste.

P.ROPOSER

• Je change la donne en lui proposant une solution créative, gagnant-


gagnant, qui vise à concilier sa logique avec mes impératifs.
• J’essaie visiblement de l’aider : « Ce que je vous propose, c’est… » ou
« Ce que nous pouvons faire… »
A.RGUMENTER

• Je mets en valeur les avantages – pour lui – de cette nouvelle solution,


réaliste et bénéfique.
• Je suis tenace et persuasif : « Ainsi, cela vous permettra de… et vous
pourrez… »

S’il insiste je pratique le « disque rayé » en reprenant les


différentes phases d’ÉCAPA
Fiche 35

Faire face aux situations déstabilisantes

Le DISQUE RAYÉ face à l’insistance, à la pression

Répétez votre réponse, sans impatience ni ironie, puis faites SILENCE : le


demandeur va finir par se lasser… et céder.

L’ÉDREDON pour éviter un débat stérile

Un édredon « réagit mollement » : constatez la position de l’interlocuteur, sans


chercher à faire prévaloir la vôtre ni entamer la moindre discussion. Restez
neutre. Par exemple, face à :
• Un fait avéré, dites seulement : « C’est vrai », « C’est un fait » + SILENCE.
• Une opinion : « Bon », « C’est votre droit », « C’est un point de vue »
+ SILENCE.
• Un mensonge : « Ah… », « Vous dites que… », « Je suis surpris… », sans
montrer pour autant que vous êtes dupe + SILENCE.
• Un ressenti : « Je comprends… », « Ah… » avec sincérité mais sans excès
d’empathie + SILENCE.

Le SPHINX face à une remarque déplacée, à l’escalade de la critique,


à une polémique

• La force de cette technique puissante réside dans le contrôle absolu de


son corps, de l’expression du visage et de sa respiration.
• Faites face physiquement tout en restant impassible et silencieux. Restez
de marbre.
• Attendez que votre détracteur reprenne une attitude civile et fasse silence à
son tour.
• Marquez un temps, puis enchaînez sur un ton tranquille, en rupture avec
l’échange passé.

La RUPTURE face à l’injure, la violence

• Dans ce cas arrêtez l’échange : « Ces paroles, ces gestes sont


inacceptables… »
• Proposez éventuellement de le reprendre dans un contexte apaisé de
respect mutuel.
CHAPITRE 17

Le Media
Training

Il ne peut pas y avoir de crise la semaine prochaine, mon agenda est déjà
plein.

Henry Kissinger

Si vous vous intéressez à la communication et à la relation aux


médias vous avez déjà entendu parler de Media Training, mais
savez-vous ce que c’est exactement ?
Il s’agit de l’entraînement à un exercice particulier : parler au
public par l’intermédiaire d’une caméra. Le plus souvent en étant
filmé et interviewé par un journaliste.

1 Parler face à une caméra

Cet exercice que l’on pourrait croire réservé aux dirigeants de


l’entreprise, aux responsables d’associations ou aux personnalités
politiques est susceptible de concerner une cible beaucoup plus
large : toute personne exerçant par sa fonction une responsabilité
pouvant l’amener à informer le public de son actualité (plutôt
confortable) ou à rendre compte d’événements mal venus (très
inconfortable).
Beaucoup d’entreprises (pour ne pas dire toutes), par leur
activité (la chimie, la défense, la construction, la finance, la santé
publique, l’alimentation…) sont exposées à des dérives,
dérapages ou autres accidents industriels : mouvements sociaux,
accidents mortels, contamination, malversations, corruption,
tromperie… Elles ont besoin de Media Training.

2 L’interview reportage (hors crise)

C’est assurément l’intervention la plus facilement abordable. Elle


répond à un besoin du journaliste (chaîne nationale ou régionale,
généraliste ou thématique, Internet…) : donner du contenu à son
émission, illustrer son sujet. Trouver un bon client à interviewer est
son pain quotidien.

Ce que recherche le journaliste de télévision

Des sujets qui intéressent son public :


• Proximité géographique : construction d’une branche
d’autoroute, mise en chantier d’un paquebot…
• Actualité locale : exposition, inauguration…
• Implantation d’une usine génératrice d’emplois, nouveau
service de transport…
Dans ce cas, la relation est équilibrée. Il a autant besoin de
vous (information utile, inattendue, décalée, amusante…) que
vous (et votre entreprise ou organisation) avez besoin de lui
(image, notoriété…).

Adressez-vous au « public cible »

Lors de cette interview, vous devrez regarder le journaliste (et pas la


caméra), lui parler, tout en prenant soin de vous adresser (par vos
messages) aux futurs spectateurs. Ce sont eux qui vous intéressent.
C’est ce que Mitterrand appelait le public lointain.

Préparez-vous !

Que cette interview soit improvisée ou préparée (questions


envoyées à l’avance) entraînez-vous !
De ce point de vue, tout ce qui figure dans l’acte I vous est utile.
À titre de rappels essentiels :
• Définissez vos messages clés.
• Illustrez : une idée, un exemple.
• Soyez clair et concis (à moins d’être une vedette, votre temps
d’antenne sera limité).

Procédez par séquences

Comprenez bien que le journaliste a besoin de monter son émission


pour répondre à un format précis. Plus vous lui fournirez des
séquences autonomes courtes et cohérentes plus ce sera facile pour
lui et moins il sera tenté de faire un montage dont vous ne
maîtriserez pas le contenu. Vous serez en effet rarement en position
de demander un contrôle du montage.

Construisez une relation de sympathie avec le journaliste

Ce genre d’interview filmée est facilement intimidant pour celui qui


est interrogé. Le journaliste se trouve lui dans son élément naturel. Il
est maître d’une technique qui vous échappe. Pour vous tout est
plus ou moins nouveau.
Alors cherchez à établir une relation de coopération, une
relation détendue. C’est ce que doit contribuer à faire un bon
journaliste : mettre à l’aise l’interviewé. Il vous sera plus facile de
paraître naturel et spontané à l’écran
Attention à de possibles dérapages

Restez sur vos gardes. Si, justement vous vous sentez très en
confiance, vous risquez un débordement, une parole qui vous
échappe. Vous êtes alors à la merci du journaliste.
Celui-ci peut aussi tout à fait vous endormir par des questions
anodines et vous cueillir par une question piège. Sachez ce que
vous voulez dire et ce que vous ne devez pas dire. Bien sûr, si
vous pouvez demander la validation de la vidéo avant son
émission, faites-le.

A posteriori, « capitalisez » sur ces expériences

Il sera pour vous très intéressant d’analyser par la suite cette vidéo.
Son contenu et aussi vos qualités d’interprète. Est-ce que vous
passez bien à l’image ? Quoi améliorer ? Établir des relations
positives et constructives avec les journalistes est très utile et pourra
vous servir à d’autres occasions.

3 La situation de crise

Les risques de crise se multiplient

• Besoins de sécurité croissants.


• Législations et normes plus contraignantes.
• Sensibilité de l’opinion à certains sujets portés par l’actualité.
• Progrès des instruments d’analyse et de contrôle.

La portée de ces crises s’accroît

• Attractivité médiatique des crises.


• Circulation instantanée de l’information.
• Importance de l’image.
Êtes-vous en position d’être sujet à une « crise » ?

Nous l’avons dit, peu d’organismes sont à l’abri des crises. L’émotion
est bien sûr au cœur de l’effet dévastateur d’une crise.

Qu’est-ce qui peut en accentuer la portée médiatique ?

• Proximité géographique (« C’est arrivé près de chez moi, ça


pourrait être moi »).
• Proximité temporelle (« ça vient d’arriver »).
• Nombre de personnes concernées.
• Gravité : y a-t-il des morts (ce mot prend une portée terrible).

L’émotion est renforcée dans les cas suivants :

• Population sensible : enfants, personnes âgées.


• Date anniversaire (14 juillet, Noël…).
• Lieux symboliques (Tour Eiffel, salle de spectacle…).
• Sujets à l’actualité exacerbée (amiante, OGM, nucléaire,
harcèlement…).
• Entreprises de forte notoriété (Air France, EDF…).
• Produits d’usage quotidien (l’eau, le lait…).
• Proximité politique…

4 Une nécessité : communiquer

Dans tous ces cas, et a fortiori quand « l’affaire » est déjà sur la
place publique, vous devez communiquer. Une communication
inexistante, voire simplement tardive est désastreuse. Face à la
télévision, deux possibilités s’offrent à vous : la déclaration et
l’interview.
La déclaration

Elle est utile dans l’urgence. Vous choisissez de vous en tenir à une
allocution préparée, pesée, sans possibilité d’interférence
(journaliste, public) donc de dérapage.
Elle se justifie lorsque cette crise est encore en évolution,
lorsque l’on ne connaît pas le nombre ou la gravité des victimes et
plus généralement lorsqu’une information complète manque.
Dans ce cas, elle peut être prononcée face à plusieurs
journalistes ou encore face au public présent pour les
circonstances, voire des victimes, ce qui accroît la charge
émotionnelle.

Une structure très classique, « formatée »

• Les faits connus et incontestables


Reprenez de manière simple et concise les faits (et effets) déjà
connus.
• La compassion
Faites preuve d’empathie pour les victimes. Reconnaissez la
douleur, la souffrance. Faites-le avec la plus grande sincérité,
prenez le temps de ressentir. Faites-le sans excès et sans
pathos.
• Votre version des faits
Donnez, si vous en avez, des informations nouvelles (c’est
souvent ce qu’attend le journaliste). Ces informations peuvent
aller infléchir ou aller à l’encontre de ce qui a déjà été
communiqué. Privilégiez bien sûr les faits qui atténuent votre
responsabilité.
• Votre engagement
Faites preuve d’une volonté de tout mettre en œuvre pour
enquêter, réparer, solutionner ou mettre en œuvre les
procédures de dédommagement.
Les éléments de langage

Plus que dans toute autre situation, vous devez bien peser votre
vocabulaire, vos expressions et en particulier leur charge
émotionnelle. Doit-on parler de plan social ou de plan de
reconversion par exemple ?
Le mot « mort » par exemple est à éviter, il peut agir comme
une véritable décharge émotionnelle et replonger les proches des
victimes dans une souffrance insupportable ou encore les
renvoyer à leur colère. Il faut trouver une périphrase qui respecte
la réalité, par exemple victime ou ceux qui ne sont plus là….

Le choix du porte-parole est fondamental

Il faut que cette personne puisse représenter de manière crédible


l’organisme qui est sur la sellette. Dans des cas particulièrement
importants, c’est le patron qui doit faire front.

Deux exemples de mauvaise communication


En 2011, Jacques Servier (d’une réserve extrême vis-à-vis des
médias) directeur des Laboratoires Servier, rendus tristement
célèbres par le scandale du Médiator déclare lors de ses vœux
au personnel : « Le Médiator, ce n’est que trois morts ; 500 est
un beau chiffre marketing… »
En 2017, le P.-D.G. de Lactalis (lait contaminé à la salmonelle)
mettra cinq semaines avant d’accorder une interview à un
quotidien dominical. Alors qu’il aurait fallu communiquer et
prendre des mesures fortes rapidement.
Deux exemples de communication réussie
Mai 2004, le nouveau terminal 2E de Roissy-Charles-de-
Gaulle s’effondre. Six personnes trouvent la mort et de
nombreuses autres sont blessées. La direction ne se dérobe
pas. Elle fait face à la pression médiatique et répond aux
questions. L’entreprise ADP n’émet aucune contre-vérité,
annonce que le terminal sera au besoin rasé et elle se mobilise
auprès des familles concernées. Cette stratégie de
transparence, de mobilisation et de compassion affichée permet
à la société parisienne de limiter les dégâts en termes d’image.
En 2005, le groupe de distribution Édouard Leclerc rappelle
des lots de steaks hachés surgelés. Des dizaines de personnes,
principalement des enfants, souffrent d’une intoxication
alimentaire grave. Michel-Édouard Leclerc réagit rapidement et
utilise radio et télévision pour prévenir les consommateurs. Le
groupe va jusqu’à utiliser les tickets de caisse pour retrouver les
personnes contaminées. Les informations sont ensuite données
en continu sur un blog. Par exemple, il y est assumé la gravité
de la situation : « L’état du petit garçon très atteint ne semble
pas s’améliorer ». Cette transparence est à souligner.

Le porte-parole doit faire preuve de la plus grande humanité

Comme nous l‘avons dit, pour incarner la sincérité, l’empathie, la


compassion, il faut non seulement que les paroles soient au rendez-
vous mais que la sensibilité, l’humanité soient également présentes.
• Prononcer si possible cette déclaration sans recours à un texte
écrit. En particulier les paroles de compassion.
• Le regard doit être assumé. En direction du ou des
journalistes. Également en direction des éventuelles victimes.
C’est une marque de respect et de responsabilité.
• Prendre le temps de vivre pleinement chaque élément de sa
déclaration. Faites des silences. Cela vous aidera et à trouver
les mots justes et à incarner vos paroles.
• Soyez grave tout en restant simple. Un excès de solennité
peut être pris comme un artifice.
Vous comprenez bien qu’il ne faut pas attendre la survenue
d’une crise pour vous préparer à cet exercice.

SUPERBE EXEMPLE DU DISCOURS D’OLIVIER


GOURMET, Sincère et empathique, jouant le rôle du
ministre des transports dans le film L’exercice de l’État, à la
suite d’un accident de car.

L’interview

Nous nous plaçons là encore dans le cadre d’un contexte sensible,


d’un contexte de crise.

Blandine dans la fosse aux lions ?

Vous faites face à un journaliste qui vous pose toute sorte de


questions avec souvent la volonté de vous déstabiliser :
• parce que vous représentez l’organisation qui a failli (vrai ou
supposé) ;
• parce que le public veut connaître la vérité, veut des
responsables, des coupables, attend des aveux, des
repentances ;
• parce que le public aimerait vous voir personnaliser ses peurs,
ses ressentiments, sa détestation ;
• parce que c’est peut-être la revanche du petit contre le gros,
du faible contre le puissant ;
• parce qu’il y a pour beaucoup d’entre nous cet attrait pour les
jeux du cirque ;
• parce qu’il ne déplaît pas à certains journalistes de jouer le
rôle de procureur ou de juge.
À vous de jouer une tout autre partition, en affichant sincérité,
souplesse et ténacité. Appuyez-vous sur les outils du débat
contradictoire (voir chapitre précédent Maîtriser le Débat) et sur
les outils développés un peu plus haut dans le paragraphe
Déclaration.

Soyez fort mentalement

• Jouer la carte de la coopération, pas de la compétition.


• Faites preuve de sincérité, notamment (le cas échéant) en
reconnaissant erreurs ou fautes.
• Soyez tenace, affirmez et réaffirmez votre vérité et vos
convictions.

Gardez le contrôle de vos émotions et de votre comportement

• Jamais je ne me laisse aller à l’emportement.


• Je reste physiquement relâché (visage, mains, épaules).
• Je garde le contact visuel avec le journaliste.
• Je respire par le ventre.
• Quel que soit mon embarras j’évite de le montrer (se
préparer).

Prenez en compte les contraintes de montage du journaliste

Ne le laissez pas déformer vos propos par un montage indélicat.


Soyez clair et concis. Revenez tranquillement et fermement (disque
rayé) sur votre message principal, revenez à votre zone de confort.

Votre message central


Généralement, vous n’avez qu’un message à porter, le reste est de
l’habillage.

De manière schématique et un peu caricaturale, voilà à quoi il


peut ressembler :
« C’est avec stupeur que j’ai eu connaissance de cet accident.
Au nom de notre société et en mon nom propre je m’associe à
la douleur des proches des victimes. Je mesure la portée de
leur souffrance.
Quant aux circonstances exactes de cet événement, voilà ce
que je suis en mesure de vous apprendre…
Bien entendu une enquête est en cours en interne et nous
mettons également tous nos moyens au service des autorités
de police pour établir les responsabilités.
S’il y a eu défaillance de notre part nous en assumerons
pleinement les conséquences. Sachez que tout sera fait pour
qu’un tel accident ne se reproduise plus.
En attendant, nos pensées accompagnent les victimes et les
proches des victimes dans ce moment difficile… »

L’idée est de toujours se centrer sur cette trilogie :


• Les faits
• L’empathie
• L’engagement

Les détours de l’interview

Bien sûr, à côté de ce message central vous pouvez jouer de toute


une gamme de ressources, en voici quelques exemples :
• La reformulation, pour gagner du temps.
• Le décadrage : à une question précise je réponds par un
principe (« Tous nos collaborateurs signent une charte de
responsabilité… »). À une question de principe je réponds par
un exemple.
• Le rebond : je rebondis sur une idée ou un thème évoqué par
le journaliste.
• L’auto-interrogation : je me pose une question à laquelle je
réponds dans la continuité.

Plus que toujours, préparez-vous

N’oubliez pas, ne pas se préparer c’est se préparer à l’échec. Dans


les circonstances présentes, cet échec n’engage pas que vous mais
également votre société ou votre association. C’est en sortant par le
haut de ce genre d’épreuve que vous développerez de la résilience
et que vous pourrez affronter sereinement le futur.
Fiche 36

Media Training

En situation de crise : la déclaration

Allez à l’essentiel
• Rappelez les faits connus et incontestables.
• Exprimez avec beaucoup d’empathie votre compassion.
• Donnez votre version des faits.
• Faites preuve, personnellement et au nom de votre société, d’un
engagement absolu.
Soignez les éléments de langage. Évitez les mots trop chargés
émotionnellement. Au mot « mort », préférez celui de victime…
La hiérarchie doit être en première ligne. C’est elle qui doit assumer la pleine
responsabilité des faits.
Faites preuve d’humanité et d’engagement en tant qu’orateur. Au-delà des
mots, l’accueil de votre déclaration repose beaucoup sur votre sensibilité et vos
qualités d’orateur.

En situation de crise : l’interview

Soyez fort mentalement


• Jouez la coopération, pas la compétition.
• Soyez sincère en reconnaissant (éventuellement) erreurs et fautes.
• Soyez tenace sur votre vérité, vos convictions et votre engagement.
Gardez le contrôle de vos émotions et de votre comportement
• Pas d’emportement.
• Pas de contraction physique.
• Respiration ventrale.
Centrez-vous sur cette trilogie : FAITS / EMPATHIE / ENGAGEMENT, et
n’hésitez pas à répéter (disque rayé).
Restez vigilant : attention aux questions pièges. Ne vous laissez pas
« endormir » par le journaliste et dites-vous que jusqu’au bout vous devez rester
en éveil.

N’oubliez pas, c’est avant la survenue d’une crise que vous


devez vous y préparer
ACTE IV
De la rhétorique aux neurosciences

18. La connaissance du cerveau au service de la communication


19. La métaphore et autres figures de style
20. La rhétorique d’Aristote à aujourd’hui
21. Exercices
CHAPITRE 18

La connaissance du cerveau au service


de la communication

Pour son accomplissement, l’homme n’a pas besoin de perfection mais


de plénitude.

Carl-Gustav Jung

Une clé unique comme synthèse de tous les enseignements


de ce livre

Cette clé existe : il s’agit du modèle Herrmann du Cerveau total®,


exposé dans les pages suivantes, qui vous aidera, concrètement, à
enrichir votre propre talent d’orateur.
Rappelons d’abord en quoi la connaissance du cerveau
anatomique a permis de faire avancer en parallèle les sciences
cognitives, c’est-à-dire l’accès à la connaissance de l’esprit.

1 Tout a commencé par un mystérieux cas

Les premiers constats expérimentaux sur la structure et le


fonctionnement du cerveau physique remontent loin dans l’histoire :
voyons le célèbre cas princeps de Phineas P. Gage.
Le cas Phineas P. Gage
En 1848, aux États-Unis, à la suite d’une violente explosion sur
un chantier de chemins de fer, un jeune contremaître de vingt-
cinq ans, Phineas Gage, a le front troué par une barre à mine
qui lui traverse le lobe frontal et atterrit quarante mètres plus
loin.
Or, après cinq minutes de convulsions, Phineas P. Gage survit
miraculeusement au vaste trou qui s’est ouvert dans son front,
et peut reparler et marcher très peu de temps après l’accident.
Sa mémoire est intacte et il est toujours capable d’apprendre. Il
revient à son travail, mais sera rapidement congédié de son
poste de contremaître à cause d’importants changements de
personnalité et d’écarts de comportement. Car Phineas est
devenu quelqu’un d’autre : l’équilibre entre ses facultés
intellectuelles et ses propensions animales semble s’être
rompu. Il est devenu incapable de se comporter de façon
raisonnable et manifeste des épisodes de surexcitation qui
s’accompagnent d’impulsivité, de caprices, de versatilité et
même de grossièreté vis-à-vis de ses compagnons, ce qui ne lui
était pas habituel. La lésion frontale a engendré chez lui une
perte du sens des responsabilités, des règles morales et des
conventions sociales.
Gage, rejeté par ses employeurs, parcourt l’Amérique,
s’exhibant comme attraction de foire avec sa barre métallique,
puis meurt d’une crise convulsive treize ans plus tard.

Aujourd’hui, à la lumière des connaissances neurobiologiques


du cerveau, on a réussi à dresser une analyse rétrospective
précise des troubles anatomiques et cliniques de Phineas
P. Gage, fondateur involontaire de la neurologie américaine
moderne1…
Depuis l’apparition, en 1929, de l’électroencéphalogramme, et
grâce aux nouvelles techniques d’investigation (IRM : imagerie par
résonance magnétique nucléaire, TEP : tomographies par
émission de positons sous injection de glucose radioactif, pôle
Neuro-Spin…), les progrès des chercheurs ont en effet permis de
mieux connaître notre cerveau physiologique et d’alimenter ainsi,
en parallèle, la recherche cognitive sur la façon dont l’individu
accède à la connaissance, c’est-à-dire son esprit.

Le cerveau, une structure d’une complexité extraordinaire

Nous savons aujourd’hui que le cerveau humain, qui pèse moins de


1,5 kilogramme (soit 2 % du poids du corps), consomme à lui seul
20 % des besoins corporels en oxygène, qu’il comprend près de
100 milliards de neurones et que chacun d’entre eux reçoit jusqu’à
15 000 signaux physiques envoyés par les neurones voisins. Nous
savons aussi que les interconnexions possibles entre tous les
neurones d’un cerveau humain dépassent le nombre des atomes de
l’univers.
Dans son organisation, le cerveau humain est plus complexe
que toute autre structure connue : c’est cette complexité
extraordinaire qui explique notre aptitude étonnante à imaginer,
penser, déduire, s’amuser et créer. Si l’on devait chiffrer la somme
totale des interconnexions d’un cerveau humain, ce nombre
inimaginable (2 élevé à la puissance de 10 000 milliards) couvrirait
une distance vertigineuse, supérieure à dix millions de
kilomètres…

Des capacités inépuisables

Un capital d’intelligence qui s’épuise peu à peu ? Certes, des


cellules grises meurent chaque jour en nous (notamment parce
qu’elles sont inactivées). Mais 90 % des neurones ne dégénèrent
pas et sont disponibles pour établir de nouveaux contacts avec
d’autres neurones. Chaque jour, notre cerveau fait sa gym et de
nouvelles interactions se mettent en place : il nous faudrait vivre
30 000 ans pour épuiser toute notre matière grise ! D’ici là, nous
avons le temps de beaucoup apprendre et inventer. L’intelligence,
une potion de 30 000 ans d’âge à déguster sans modération…
Des découvertes récentes

Deux étapes majeures ont été franchies à partir de la seconde moitié


du XXe siècle dans la compréhension des fonctionnements de l’esprit
humain.
1. Années 1950 : la mise en lumière du cerveau triunique (les
trois étages du cerveau humain) ;
2. Années 1960 à 1980 : celle du cerveau asymétrique (les
hémisphères gauche et droit).
Ces étapes décisives ont valu à leurs auteurs la consécration du
monde scientifique et d’un large public, et fait avancer les
sciences humaines à pas de géant. Comme elles ont un impact
direct sur le thème de ce livre et, plus spécifiquement, de ce
dernier chapitre, rappelons-les en quelques notions essentielles2.

2 Le cerveau à trois étages

Selon le biologiste Paul D. Mc Lean (États-Unis), chercheur en


évolution et comportement du cerveau, le cerveau humain est en
réalité composé de trois cerveaux. Chacun est superposé au
précédent comme les poupées russes sont emboîtées l’une sur
l’autre : ces trois cerveaux distincts, apparus successivement au
cours de l’évolution, cohabitent en nous. Le premier cerveau est le
cerveau primitif ou reptilien. Puis le système limbique est apparu
chez les petits mammifères il y a environ 200 millions d’années.
Enfin, le néocortex a commencé sa fulgurante expansion chez les
primates il y a à peine trois millions d’années avec l’apparition du
genre Homo (l’homo sapiens, lui, ne date que de 30 000 ans).
L’évolution du cerveau peut donc se résumer en trois stades
distincts :
1. Survie/territoire (ex. : le crocodile)
2. Affects (ex. : le cheval)
3. Intellect (l’homme)
Le cerveau reptilien

Né il y a 500 à 600 millions d’années chez les poissons, puis


développé il y a 250 millions d’années chez les reptiles et tous les
ovipares, il est ainsi appelé car il est la survivance du cerveau de la
Préhistoire (il correspond à celui des crocodiles et des lézards
d’aujourd’hui).
Il assure la survie de l’organisme grâce à un répertoire limité
de comportements réflexes et instinctifs qui permettent la
satisfaction des besoins essentiels : repérer les sources de
nourriture et se la procurer, reconnaître ses semblables, trouver
des partenaires et s’accoupler, définir son territoire et trouver son
gîte, reconnaître les prédateurs et s’en protéger.
C’est également lui qui intervient dans nos pulsions ou dans les
réactions involontaires du corps : gestes automatiques, tics
corporels, grattage de la tête, toussotements…
Schéma du cerveau triunique (McLean, 1949)

Dirigé par l’instinct, ce cerveau contient le savoir ancestral de


l’espèce et une partie du système involontaire. Fonctionnant avec
une mémoire immédiate très volatile, il échappe à toute
conscience.

Le système limbique

Il constitue les zones centrales du cerveau et est plus récent. Appelé


aussi cerveau émotif, il est apparu avec les premiers mammifères.
Il assure le contrôle de l’équilibre physiologique

Homéostasie : température du corps, pression sanguine, niveau de


glucose, fréquence cardiaque, cycles : veille, sommeil, fécondité,
gestation…

Il est responsable de nos émotions

Centre de création des souvenirs, capable de mémoriser les


comportements agréables ou désagréables, et par conséquent
responsable chez l’humain de ce que nous appelons les émotions, il
permet notamment l’établissement de liens affectifs, la vie sociale et
l’apprentissage de nos comportements complexes.

Il joue un rôle de filtre

En laissant passer – ou non – l’émotion vers la réflexion : toute


information passe devant le tribunal du limbique avant d’accéder au
cortex !
Si les ovipares (le reptilien) délaissent leurs œufs après la
couvaison, les mammifères, eux, élèvent leurs petits, les éduquent
et les aiment : nourriture, apprentissages, caresses, réprimandes,
jeux…

Il trie et redirige nos informations

Cerveau déjà complexe, dans lequel se sont ancrés nos systèmes


de valeurs, nos croyances et nos conditionnements socioculturels, le
système limbique stocke nos expériences et imprègne activement la
mémoire à long terme. Non content de contrôler nos émotions, il
contribue au développement de nos connaissances. Il exerce un rôle
primordial dans le transfert des informations reçues vers la mémoire.
Ce sont en effet, non la rationalité pure, mais les affects et les
images (les « impressions ») qui imprègnent l’étage limbique :
après avoir vérifié et comparé chaque information nouvelle relayée
par les sens à une expérience antérieure, le système limbique la
dirige vers les régions du cerveau associées fonctionnellement à
la nature du souvenir à stocker.
Rappelons donc que :
• toute information passe d’abord par le limbique, qui la filtre à
sa guise avant d’exciter le cortex ;
• c’est lui qui assure le début de la connaissance par l’image ;
• le limbique est imperméable à toute logique3.

Le cerveau supérieur ou néocortex

C’est le cerveau logique

Il constitue l’écorce cérébrale, cette matière grise qui enveloppe tout


notre cerveau, est aussi appelé cerveau logique. Il vient parachever
l’évolution en dotant l’espèce de moyens très sophistiqués de
traitement des informations en provenance du monde extérieur, et lui
permet l’acquisition de connaissances nouvelles, la
conceptualisation, la prévision et la planification de ses actions.

La calotte pensante composée de deux hémisphères

Né avec les primates, ce néocortex culmine chez l’humain avec nos


deux gros hémisphères cérébraux qui prennent une importance
considérable (avancée du lobe frontal). C’est grâce à eux que se
sont développés le langage, la pensée abstraite, l’imagination et la
conscience.
La capacité toute récente du langage a permis à l’espèce
humaine la construction de liens sociaux très élaborés, la
transmission des connaissances de génération en génération et,
surtout, un outil de contrôle interne de la pensée et des
comportements : prise de conscience et langage interne.
Traitement de l’information et maîtrise de l’émotivité

Sur le plan de la vitesse d’exécution, le plus rapide est évidemment


le reptilien, cerveau de la survie. Le limbique est trois fois plus lent,
et le cortex trente fois plus ! Plus le traitement des informations
devient complexe, plus le processus ralentit.
En situation de stress et de forte charge émotive, nous tendons
à emprunter des voies d’action d’autant plus rapides qu’elles sont
plus instinctives. Les réactions impulsives, accompagnées d’une
suspension partielle et momentanée des capacités d’analyse et de
réflexion, apparaissent plus fréquemment dans les situations où la
peur, la colère ou le désir amoureux semblent nous troubler
l’esprit.
Ce phénomène de rétrogradation, par exemple lors d’un
examen ou d’une prise de parole en public, réduit
considérablement nos capacités à traiter les difficultés
rencontrées.

L’Importance du lâcher prise

Heureusement, le seul fait de lâcher prise permet au reptilien et au


limbique d’accéder instantanément à notre mémoire sans être
ralentis par le cerveau « intelligent », de fonctionner sur les ressorts
inconscients et fulgurants de l’intuition et de l’improvisation.
Et voilà pourquoi – sauf à l’avoir anticipé – le corps ne sait pas
mentir : il n’a pas le temps matériel d’élaborer un comportement
organisé volontaire… D’où les décalages et manifestations de non
congruence qui peuvent survenir entre les comportements et le
discours (voir chapitre 6).
Face à la charge émotive évoquée, par exemple un trac élevé,
le langage interne permet de réduire les effets négatifs de cette
régression. Grâce au monologue intérieur (« Je respire », « Je me
concentre »), on peut en effet se dissocier de ses réactions
émotives, se commander à soi-même de se calmer ou de se
mobiliser, changer sa perception de la situation et récupérer ainsi
ses capacités de réflexion et de maîtrise de soi.
L’organisation des deux hémisphères

Le néocortex comprend environ 80 % de la totalité de la matière


cervicale, dont la plus grande partie du cortex pensant (matière
grise). Anatomiquement, il est divisé en deux hémisphères corticaux,
appelés communément cerveau gauche et cerveau droit. Dans ces
hémisphères se trouvent les processus qui traitent la vue, l’ouïe, les
perceptions physiques, le contrôle moteur, ainsi que le
raisonnement, la pensée intellectuelle, la décision, le comportement
volontaire, le langage et la formation des idées.
En réalité, on peut dire que le cerveau de l’homme est
doublement double car, nichées dans chacun des deux
hémisphères corticaux, se trouvent aussi les deux moitiés du
système limbique. Gauche et droit, ces deux ensembles de
structures bilatérales, intercommunicants, comprennent les quatre
lobes cérébraux qui contrôlent nos principales fonctions mentales.
Ce sont donc ces quatre parties qui composent l’esprit humain.

3 Cerveau gauche (logique) et cerveau droit (analogique)

Selon Einstein

Dès 1949, dans Autoportrait, Albert Einstein dépeint le processus


mental complet de la pensée qui émerge à partir de l’instant créatif
(idée native) : « Lorsque, à la réception des impressions
sensorielles, des images mentales émergent, ce n’est pas encore la
“pensée”. La transition de l’association libre, ou de la rêverie, à la
pensée est caractérisée par le “concept”. Le cheminement de notre
pensée s’accomplit sans utiliser de mots et progresse de façon
inconsciente. Le développement de la pensée est, en un certain
sens, une permanente envolée à partir de l’étonnement. Le rapport
entre les expériences sensorielles et l’univers conceptuel est
purement intuitif, n’étant pas lui-même de nature logique. Ainsi… le
couple Galilée-Newton : l’un saisissant intuitivement les relations,
l’autre les formulant avec rigueur et les appliquant
quantitativement. »
Ici, cerveaux droit et gauche sont déjà bien saisis sur le vif par
notre grand savant violoniste…

Selon Sperry

Plus près de nous, Roger W. Sperry, grande figure des


neurosciences et chercheur au California Institute of Technology, a
été rendu célèbre grâce à ses travaux sur l’épilepsie et les cerveaux
dédoublés. Ses conclusions cognitives sur les connexions entre les
hémisphères cérébraux (cerveau asymétrique) lui ont valu le prix
Nobel de médecine en 1981. Il a notamment décrit le rôle singulier
de chaque hémisphère cérébral dans la perception du langage et de
l’espace, la reconnaissance des visages, les jugements de valeur, le
raisonnement et l’affectivité.
Chaque hémisphère possède en effet son mode de pensée
distinct, bien spécialisé :
• L’hémisphère gauche (les rails…) : logique, analytique,
séquentiel et verbal = processus mécanique lent ;
• L’hémisphère droit (la vision…) : spatial, visuel, affectif et
sensible (non verbal) = processus fulgurant.

Les cerveaux gauche et droit communiquent entre eux

L’intelligence et la communication étant faites de la conjugaison


harmonieuse de ces deux pôles d’excellence, revenons à Ned
Herrmann pour comprendre comment deux cerveaux si opposés
parviennent à dialoguer entre eux en quelques centaines ou dizaines
de millisecondes.
« Le cerveau est rempli de connecteurs : ce sont les centaines
de millions de « câbles » qui transportent les signaux allant des
neurones d’une moitié du cerveau vers les neurones “miroir”
situés dans l’autre moitié. Ils permettent au cerveau de
coordonner des activités situées dans des régions parallèles de
chaque hémisphère, au niveau du cortex comme du limbique. La
voie principale de ce transit interhémisphérique réside dans le
corps calleux : telles de grands câbles téléphoniques, 200 à
300 millions de fibres connectent les deux moitiés du cerveau, et
rendent physiologiquement possible le transfert de l’information,
ainsi qu’une collaboration et une intégration réciproques. »
De même, une autre connexion relie les deux moitiés du
système limbique : la commissure de l’hippocampe.

4 Avec le concept du cerveau total®,


la quadrature du cercle est résolue

Inventer, réfléchir, communiquer et contrôler, sont des activités


mentales complexes que l’on ne peut traduire en recettes
mécaniques. Pour les saisir, il fallait une clé de lecture systémique,
un modèle. S’appuyant sur la découverte du cerveau bilatéral
(gauche et droit) et y intégrant les deux dimensions pensées
+ ressenti, Ned Herrmann établit, en 1976, la synthèse du
fonctionnement de l’esprit en un modèle applicatif à quatre
quadrants (l’étage reptilien des scientifiques n’a pas à figurer dans
ce modèle car il s’agit d’un cerveau automatique, donc non concerné
et de toute façon inaccessible).

Les préférences mentales

Formé en physique, mécanique générale et… musicologie, Ned


Herrmann a mené sa carrière à la General Electric. Directeur de
l’Institut de formation au management, il s’est interrogé sur les
meilleures pédagogies pour motiver et former des publics
manifestement très différents dans leurs modes d’apprentissage. Il a
alors démontré que chaque individu sélectionne les stimuli qui
déclenchent ses modes d’acquisition et d’action en fonction de ses
préférences mentales.

Le cerveau traité du point de vue de son fonctionnement


Son but : créer un modèle facilement opérant (ni interprétatif, ni
« psychologisant »), afin d’aider à améliorer l’ensemble de nos
comportements professionnels et privés. Son concept global, le
Cerveau total®, synthétise trente années de recherches en
neurosciences et psychologie fonctionnelle.
Léonard de Vinci avait établi en 1500 la distinction entre
cerveau et esprit : dès lors, des chercheurs ont pu étudier
parallèlement le fonctionnement du cerveau indépendamment de
l’organe physique, un peu comme on étudierait la danse
séparément du corps. Le cerveau est donc traité ici du seul point
de vue de l’esprit.

Quatre quadrants distincts

Ce concept, qu’il a mis au point et perfectionné en douze années de


validations successives, repose sur un modèle graphique
synthétique. Celui-ci permet d’identifier et de mesurer les modes de
traitement préférentiels d’une personne, l’aidant ainsi à prendre la
mesure des changements à entreprendre.
Car, physiquement spécialisé dans ses quatre composantes, le
cerveau l’est aussi mentalement. Sa représentation symbolique se
traduit par quatre quadrants distincts, dont chacun a son langage,
ses perceptions, ses valeurs, ses talents, et ses façons d’être et
de savoir.

Avec des « préférences » d’utilisation

Chacun de nous est structuré par son cadre de références, profil


unique4 de son mode de traitement préférentiel, où chaque quadrant
peut être mesuré en utilisation forte / utilisation moyenne / et
évitement (évitement = « Je n’aime pas me prendre la tête », « Je
me méfie des émotions »…).
Aucun profil n’est bon ou mauvais en soi : chacun est seulement
plus ou moins adapté à l’action visée et à la communication avec
les autres. De plus, le terme de préférence n’a rien à voir avec la
compétence que l’on peut développer avec la formation et
l’expérience (boucles de renforcement). La préférence est notre
mode de traitement favori, qui nous ressemble…

Le concept Hermann de base : Cerveau total®


Ainsi, prendre conscience de son style de pensée permet
d’apprendre à sortir de ses habitudes pour gagner en flexibilité,
mieux s’adapter à ses objectifs et à ses publics, et enrichir ses
stratégies. En particulier, développer sa capacité à parler en
Cerveau total®.
CHAPITRE 19

La métaphore et autres figures de style

On ne badine pas avec les métaphores, l’amour peut naître d’une seule
métaphore.

Milan Kundera

1 La métaphore, outil de persuasion

Analogie, comparaison plus ou moins développée, la métaphore est


un atout puissant pour capter l’attention du public, faciliter sa
compréhension, (lorsque votre concept lui est a priori peu connu) le
surprendre et le séduire.
Étymologiquement, métaphore associe le mot grec meta (au-
delà) à phore (qui transporte). C’est littéralement une expression
qui nous transporte. Voici quelques exemples des vertus de la
métaphore :

Pédagogique

Vis-à-vis du profane, en l’aidant, à partir de ce qu’il connaît à


comprendre ce qu’il ne sait pas encore : une rampe qui nous aide à
gravir plus facilement un escalier un peu raide.
Drôle et provocatrice

À un journaliste qui lui demande comment elle avait vu venir la crise


économique de 2008, Christine Lagarde répond : « Un tsunami nous
tombait dessus et nous étions là en train de choisir nos maillots de
bain. »

Séduisante, émotionnelle

De par sa dimension poétique. En 1962, au Havre, lors du


lancement du paquebot France, Charles De Gaulle déclare : « Le
France vient d’épouser la mer. »

La métaphore opère comme un raccourci saisissant

La métaphore opère pour l’auditeur une sorte de court-circuit : c’est


d’abord un effet de surprise pour la raison (non-sens).
Rappelez-vous les processus spécifiques des deux
hémisphères : dépassez la vigilance du cerveau gauche en
subjuguant l’imagination du cerveau droit. Pour le cerveau droit, la
métaphore est aussi vraie que le vrai. Elle a un potentiel
émotionnel très fort.

Un exemple de raccourci métaphorique en politique

En novembre 2011, en pleine crise grecque et face aux pressions de


l’Europe, Georges Papandréou annonce un référendum (avec en
toile de fond une possible sortie de l’Europe, un nouveau plan
d’austérité…).
Deux réactions à chaud, réactions opposées, entendues le
lendemain matin à la radio :
1. Lorsqu’il y a le feu à la maison, vous n’organisez pas un
référendum, vous envoyez les pompiers.
2. Lorsque vous souffrez d’un cancer, avant de vous administrer
un traitement lourd (chimiothérapie), le médecin demande
d’abord votre accord.

Cyrano de Bergerac au théâtre


La pièce française la plus jouée est Cyrano de Bergerac
d’Edmond Rostand. L’intrigue principale a un rapport direct avec
l’objet de ce livre.
Christian de Neuvilette aime Roxane. Mais il est d’une si piètre
éloquence qu’il a besoin du talent de Cyrano pour porter ses
paroles. C’est un foisonnement de métaphores qui va séduire
Roxane :
«… un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?
Un serment fait d’un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ;
C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d’un peu se respirer le cœur,
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres l’âme !… »

La métaphore, une arme à double détente

Une fois passée cette première phase inconsciente faite d’auto


persuasion, notre cerveau gauche est à même de faire une analyse
critique du concept qui accompagne l’image. Quand celle-ci est
pertinente, c’est un surcroît de sens qui apparaît (comme le ferait
une arme à double détente… un effet kiss cool, si on veut s’amuser
à prolonger le jeu métaphorique).
La métaphore filée

C’est une analogie, une image, suffisamment riche pour qu’elle


puisse rebondir vers d’autres images et se développer en restant
dans le même univers, le même champ lexical, sans s’écarter de la
réalité initiale. C’est ce qu’on appelle alors filer la métaphore…
Exemple du manager comparé à un chef d’orchestre :
• Le manager donne le tempo (parfois même avec une
baguette).
• Il est le seul à ne pas jouer lui-même d’un instrument.
• Il doit coordonner toute sorte d’instrumentistes, choristes,
solistes (métiers, expertises différentes).
• Il doit ménager et gérer les egos des uns et des autres.
• Il motive, recadre, félicite.
• Il est respectueux d’une partition écrite (une sorte de cahier
des charges, objectifs, feuille de route).
• Il fait jouer pour la satisfaction des spectateurs (clients,
actionnaires…).

C’est aussi l’apanage du poète


De ce point de vue, Victor Hugo est un maître du genre. Voici
comment dans L’expiation le poète met en scène Napoléon à
Waterloo :
« L’empereur était là, debout, qui regardait.
Il était comme un arbre en proie à la cognée.
Sur ce géant, grandeur jusqu’alors épargnée,
Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
Il regardait tomber autour de lui ses branches. »
La métaphore, à la portée de tous

Nombreux sont ceux qui ont recours à des métaphores : poète,


visionnaire, conteur, pédagogue, humoriste, publicitaire, homme de
marketing, commercial, politique, leader, manager influent…
• Le visionnaire : « I have a dream… » (Martin Luther King).
• Le politique : « Ich bin ein Berliner » (Kennedy).
• Le savant : le complexe d’Œdipe (Freud).
• Mythes et légendes : l’épée de Damoclès, le fil d’Ariane, le
cheval de Troie, le talon d’Achille…

La métaphore comme point de départ d’un Storytelling

Détendez-vous, lâchez prise, laissez parler votre imaginaire, laissez


monter les images… Changez d’univers, de temps, de lieux, de
personnes, de métier… Et, comme pour un schéma classique de
Storytelling, (voir chapitre Storytelling ACTE I) changez la fin :
rendez-la positive.

Et puis lancez-vous, contez-nous cette histoire qui vous tient à


cœur et donnez-nous ainsi envie d’espérer et d’adhérer.
Puissant exemple de métaphore : le virus du Sida comparé à un
squatter par Grégory Pacini :
https://www.youtube.com/watch?v=2znv-v_QCyQ

2 Les figures de style, un des outils majeurs de l’éloquence

Les figures de style (ou figures de rhétorique) sont des outils


destinés à donner du relief, de la couleur, de la vivacité à votre
parole. Elles peuvent agir sur la construction de la phrase, le sens
des mots ou sur leur sonorité.
Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir,
nous utilisons tous, plus ou moins consciemment des figures de
rhétorique.
Son premier impact est d’ordre affectif, émotionnel :
• Parce que c’est drôle
• Parce que c’est beau
• Parce que c’est touchant
• Parce que c’est surprenant
• Parce que c’est onirique…
Incidemment, voilà une anaphore avec la répétition de « parce
que ». Elle illustre, complète, renforce le sens de vos paroles.
Le site études-littéraires.com en recense environ 200. Nous
nous contenterons de nous intéresser aux principales, aux plus
utiles. Nous les avons regroupées par catégories. Alors, n’hésitez
pas, inspirez-vous de toute cette gamme pour jouer votre propre
partition. C’est une des composantes de votre talent.
Nous les avons classées en 6 catégories :
1. Comparaison
2. Amplification ou atténuation
3. Répétition ou omission
4. Opposition
5. Interpellation
6. Structure

Comparaison

Métaphore

C’est probablement la plus puissante, la reine des figures de style.


C’est pourquoi nous y avons consacré le paragraphe précédent.
Allégorie

C’est la représentation d’une abstraction, d’une idée par une image


concrète (souvent un être vivant). Une image qui en exacerbe la
force qui en amplifie l’émotion.
Très proche de la métaphore, la puissance symbolique et
spirituelle y est très présente.
Par exemple la faucheuse comme allégorie de la mort :
« Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grand pas, moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule… » – Victor Hugo, Les
Contemplations (1856)
Ou encore une abstraction, la vérité, érigée en personne :
« Quand j’ai connu la Vérité,
J’ai cru que c’était une amie ;
Quand je l’ai comprise et sentie,
J’en étais déjà dégoûté. » – Alfred de Musset, Tristesse (1836-1852)

Périphrase

Dire en plusieurs mots, de manière détournée, ce qu’on pourrait dire


en un seul. À utiliser pour introduire de la poésie, adoucir ou alléger
ses propos :
• « L’astre du jour » pour désigner le soleil.
• « Dans son dernier sommeil » pour éviter le mot « mort ».
Plus simplement, il sert parfois de substitut pour éviter des
répétitions. Avec certaines formules très usuelles :
• Le septième art pour le cinéma.
• La langue de Shakespeare pour l’anglais.
• Le roi des animaux pour le lion…
Avec toujours, en positif, un effet de style.
Amplification ou atténuation

Vous l’avez compris il s’agit ou de renforcer le mot (ou l’idée), ou à


l’inverse, de l’atténuer.

L’hyperbole

Utiliser l’exagération pour mettre du relief. Augmenter ou diminuer la


réalité pour frapper les esprits.
Nous le faisons assez souvent dans la vie courante :
• « Ce sac pèse une tonne » ou « c’est un poids plume ».
• « Il a souffert mille morts ».
• « Je suis fou de vous ».

La Litote

C’est le pendant de l’hyperbole, elle consiste à dire moins pour faire


entendre beaucoup plus. Là encore de façon à amplifier l’effet.
Elle est présente dans le langage courant :
• « Ce n’est pas idiot », pour dire que c’est intelligent.
• « Va, je ne te hais point », pour dire je t’aime (Chimène à
Rodrigue dans le Cid).

L’euphémisme

Consiste à atténuer ou adoucir une pensée ou un mot dont


l’expression directe aurait quelque chose de brutal, de déplaisant.
• Dire « il s’est éteint » au lieu de dire « il est mort ».
• Dire « il a été remercié » pour dire qu’il a été licencié.

Répétition
Nous l’avons dit à plusieurs reprises dans cet ouvrage, la répétition
est une des clés de l’impact. Elle est donc une de vos principales
ressources.

La répétition

Oui, une simple répétition a toute l’efficacité d’une formule de


style :
• « Que d’eau, que d’eau, que d’eau » a plus d’effet que
« beaucoup d’eau ».
Ou encore le célèbre :
• « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »,
prononcé par Danton en 1792.
Vous le remarquerez, le mot est répété trois fois (règle de 3).
Napoléon, une référence en termes d’éloquence écrit :
« La répétition est la plus forte des figures de rhétorique ».

L’anaphore

Consiste à répéter un même mot ou une même expression au cours


d’une énumération pour obtenir un effet de renforcement. Elle est
largement utilisée en politique.
L’exemple récent le plus célèbre est bien sûr le « Moi, Président
de la République… » de François Hollande :
« Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la
majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à
l’Élysée.
Moi président de la République, je ne traiterai pas mon premier
ministre de collaborateur.
Moi président de la République, je ne participerai pas à des
collectes de fonds pour mon propre parti, dans un hôtel
parisien… »
Répété quinze fois de suite, probablement un record ! C’est un
outil prisé des grands orateurs. Il apporte du lyrisme au discours :
« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé !
Mais Paris libéré ! », Charles de Gaulle, extrait du discours du
25 août 1944.

L’allitération

C’est la répétition d’un même son ou d’une même consonne dans


une suite de mots. Elle est aussi utilisée en politique :
« Il est amusant de constater que vous qui étiez l’homme du
passé, vous soyez dans l’intervalle devenu l’homme du passif »,
prononcé en 1981 par François Mitterrand à l’encontre de Valéry
Giscard D’Estaing.
En littérature, la plus célèbre allitération est probablement celle
de Racine dans Andromaque (1667) :
« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »

L’ellipse

Cela signifie littéralement omission : on supprime des mots sans


compromettre la compréhension. Ce raccourci apporte de la
vivacité : « Elle se lève tôt, lui tard ».
Mais aussi de la poésie (la poésie a cette vertu de dire
beaucoup en peu de mots) : « Je n’avance guère, le temps
beaucoup », Eugène Delacroix.

Opposition

L’oxymore

Probablement la plus belle des formules de style. C’est l’alliance


directe de deux termes que tout oppose, deux termes a priori
incompatibles.
« Un silence assourdissant » écrit par Albert Camus dans La
Chute (1956) et repris assez souvent.
Jean François Coppé en 2012 regrette « le silence
assourdissant de la France face au dossier syrien ».
Autre exemple célèbre, dans la fameuse tirade du Cid de
Corneille (1637) :
« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles… »
Il y a aussi ce très beau titre de roman de Milan Kundera :
L’insoutenable Légèreté de l’Être.

Le paradoxe

C’est une idée qui va à l’encontre de la pensée commune, d’où son


côté surprenant, provocateur, décapant.
« Méfiez-vous d’une première impression… c’est généralement
la bonne » de Talleyrand, reprise et complétée ensuite par Sacha
Guitry : « …surtout si elle est mauvaise ».
Ou encore : « Le peu que je sais, c’est à mon ignorance que je
le dois » de Sacha Guitry.
La publicité l’a largement utilisé :
« Vivement aujourd’hui » est le slogan d’une grande enseigne
de distribution.
« Parce qu’un tout petit rien c’est déjà beaucoup » celui d’une
association humanitaire. Ou bien plus provocateur :
« Et si cette année vous trompiez votre amant avec votre
mari ? », slogan d’un site de relation extraconjugales.

L’antithèse

Consiste à rapprocher deux termes ou deux idées opposées, en


symétrie. Dans une sorte de balancement. Les exemples sont
nombreux dans la littérature :
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements
de cour vous rendront blanc ou noir », Les animaux malades de la
peste de La Fontaine.
« À vaincre sans péril on triomphe sans gloire », Le Cid de
Corneille.

Interpellation

Cette fois ce ne sont plus les mots mais l’adresse que l’on fait en
direction du public qui en fait une figure de style.

La question rhétorique

C’est une question qui n’attend pas de réponse. Une question qui
peut être posée à soi-même comme elle peut être posée au public.
La réponse est connue par celui qui la pose. L’intonation doit être
suffisamment claire pour que l’on comprenne qu’on n’attend pas de
réponse :
« Qui peut ignorer que le tabac tue ?… »
« Que dire dans ce cas ? Si ce n’est… »
C’est une question orientée, très inductive qui donne du
dynamisme à la parole et un sentiment d’interactivité. Elle est
beaucoup utilisée, à l’oral, dans la pédagogie.

L’apostrophe

Elle consiste à interpeller les absents ou une chose en les


personnifiant :
« Entre ici, Jean Moulin… », André Malraux lors du transfert des
cendres du célèbre résistant au Panthéon, en 1964.
« J’en appelle à toutes les mères de France… », Marie-
Antoinette lors de son procès en 1793.
Structure

Là encore, ce n’est pas le vocabulaire utilisé mais la structure


particulière de la phrase qui en fait une figure de style.

Le syllogisme

C’est un raisonnement fondé sur trois propositions qui s’enchaînent


logiquement (une majeure, une mineure et la conclusion) : « Tous
les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate
est mortel », est le plus célèbre.
C’est un raisonnement juste. Si les deux premières propositions
sont exactes, la troisième l’est aussi.

L’anastrophe

C’est un renversement de l’ordre habituel des mots dans une


phrase. Anastrophe simple : « De chocolat, j’ai envie ».
Parmi les plus célèbres : « D’amour mourir me font, belle
marquise, vos beaux yeux », dans Le Bourgeois Gentilhomme de
Molière (1670).
Plus récente, le titre du film de Jacques Audiard : De battre mon
cœur s’est arrêté.

Maintenant, à vous de jouer

Voilà pour vous beaucoup de possibilités de donner du caractère à


votre discours.
Dans un premier temps, amusez-vous à trouver vos propres
exemples. Et puis, à l’occasion n’hésitez pas à introduire quelques
formules dans vos prochaines prises de paroles. À utiliser avec
modération bien entendu.
Il existe un quiz amusant et bien fait sur le site études-
littéraires.com :
https://www.etudes-litteraires.com/exercices/figures-de-style.php

Et regardez cette illustration très actuelle en politique des figures


de style avec Emmanuel Macron et Marine Le Pen :
https://www.youtube.com/watch?v=ZkIL9ZnILwo
CHAPITRE 20

La rhétorique

Histoire et outils

On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité ; la vraie


tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière.

Platon

1 Naissance de la rhétorique :
il était une fois à Syracuse
Cette naissance se présente comme un bel exemple de Storytelling,
une de ces histoires qui font les légendes.

Corax
Cinq siècles avant av. J.-C., dans la ville de Syracuse, en Sicile,
un homme nommé Corax, qui sut rétablir dans leur droit ses
concitoyens spoliés de leur terre. À cette époque la Sicile est
colonisée par les Grecs. Deux tyrans Gélon et Hiéron
exproprient et déportent des propriétaires pour prendre
possession de leur bien.
Et puis la roue tourne, les habitants de Syracuse se soulèvent
démocratiquement, les tyrans sont chassés et les propriétaires
peuvent faire valoir leurs droits devant des tribunaux, de grands
jurys populaires.
C’est un des acquis des nouvelles règles démocratiques. Les
citoyens peuvent s’exprimer librement dans les places
publiques, les agoras. Prennent place d’innombrables procès de
propriété.
Mais en ce temps-là, la profession d’avocat n’existe pas. Elle
apparaîtra beaucoup plus tard, au Moyen Âge. Les plaignants
doivent donc se défendre par eux-mêmes. Bien sûr, plus ils
feront preuve d’éloquence, plus leurs chances de gagner seront
grandes. Ils font alors écrire leur discours par un grand orateur.
Corax est un de ces pionniers, le plus talentueux. Il pose les
bases de ce qu’on appelle la rhétorique, littéralement l’art
oratoire. L’art de s’exprimer et de persuader. Un premier livre en
reprend les principes, les outils, les recettes. Il divise le discours
en cinq parties : l’Exorde (ou introduction), la Narration (ou
exposé des faits), l’Argumentation, la Confirmation et la
Péroraison (ou conclusion).
Cet art oratoire est alors enseigné progressivement à Athènes,
puis dans l’ensemble de la Grèce antique.
Trois leçons à tirer de cette histoire

• C’est une victoire de la morale : la puissance de la parole met


en échec la parole des tyrans.
• C’est par la plaidoirie que naît l’art oratoire.
• C’est par la force de persuasion que se fait entendre la vérité.

2 La rhétorique à Athènes

À Athènes, au IVe siècle av. J.-C., l’écrit est peu développé et la


parole occupe une place prépondérante. Elle est considérée comme
le propre de l’homme, ce qui le différencie de l’animal. C’est aussi le
fondement des institutions sociales, politiques et religieuses.

Le précurseur de la « communication » telle que nous


la connaissons aujourd’hui

La rhétorique s’appuie sur la plupart des moyens que nous


connaissons et avons développés dans ce livre : un beau discours,
bien construit et solidement argumenté, porté par un orateur à la
voix puissante et modulée, campé solidement dans le sol, appuyant
son discours de gestes larges et affirmés…

Platon rapproche art oratoire et philosophie

Considéré comme le père de la philosophie, Platon est élève de


Socrate. Bien qu’on ne connaisse de lui que des dialogues, sa
pensée a un rayonnement immense.
Nous sommes au IVe siècle av. J.-C. et la rhétorique a trouvé sa
place à Athènes. Platon a une ambition très noble : celle de former
les âmes par la philosophie et par les sciences. Pour lui la
rhétorique a un rôle important à jouer. Il rapproche art oratoire et
philosophie : c’est par les moyens conjugués de la raison et de la
discussion que l’on découvre d’importantes vérités. Il rejette ainsi
l’écrit et recherche la relation verbale directe et personnelle.

Un apôtre de la vérité (Alètheia)

Platon considère que la rhétorique n’est pas une science mais


uniquement un moyen de véhiculer une pensée dont la finalité est
d’amener l’autre à partager ses propres idées, pas à porter la vérité.
Or, pour Platon point de salut hors de la vérité, une vérité unique et
indivisible ! Plus particulièrement, il s’oppose aux sophistes.

Les Sophistes, mercenaires de la parole

Les sophistes, comme Protagoras ou Gorgias sont des


contemporains de Socrate et de Platon. Ils se sont donnés eux-
mêmes ce nom de sophistes. Ce sont à proprement parler des
rhéteurs, c’est-à-dire qu’ils pratiquent l’art de la persuasion, avec
une particularité : ils font commerce de leur art et de leur science. Ils
interviennent dans les assemblées politiques ou les procès en
justice et ne s’embarrassent pas de considérations quant à l’éthique,
la justice où la vérité ! Leur objectif est de faire triompher leur cause
ou celle de leurs clients, ce qui les discrédite totalement aux yeux de
Socrate et de Platon.

Aristote, le maître

Un philosophe aux connaissances universelles

Aristote est une figure majeure du IVe siècle av. J.-C. (il naît en 384
av. J.-C. et s’éteint à 62 ans). Philosophe, il est avec Platon dont il
fut le disciple, un des penseurs les plus influents que le monde ait
connu.
On comprend mieux le contenu de son enseignement rhétorique
quand on connaît son parcours. Un peu comme un Michel Ange, il
est pluridisciplinaire. Il s‘intéresse à presque tous les domaines de
la connaissance de cette époque : la science avec la biologie et la
physique, mais aussi la poétique, la logique et la politique. Il pose
les bases de certaines de ces disciplines. Il est aussi le précepteur
d’Alexandre le Grand.
Lorsqu’Aristote aborde la rhétorique, celle-ci a déjà un siècle
d’existence. Elle a fait son chemin, elle fait partie maintenant du
quotidien des Athéniens.

Il fait de la rhétorique une science

Aristote est l’auteur de cet ouvrage majeur intitulé La rhétorique. En


fait, l’ouvrage est probablement écrit par ses élèves qui
retranscrivaient les leçons données par le maître.
Art de la parole, la rhétorique est avant tout pour Aristote un art
utile. Nourri de logique par sa formation scientifique, il en fait l’art
d’argumenter à partir de tout ce qui peut participer à la
persuasion : notions communes, raisonnement, éléments factuels
ou émotionnels. Avec pour objectif, de faire entendre son point de
vue. Il en fait une science oratoire, indépendante de la
philosophie.

Logos – Pathos – Ethos, les trois ressorts de la persuasion

Nous retrouvons là cette trilogie que nous avons appelée le Triangle


Grec dans le chapitre consacré à l’argumentation.
1. Logos (discours ou raison)
C’est la partie rationnelle et logique. Elle fait appel à l’intellect et
s’appuie sur le raisonnement.
2. Pathos (souffrance et expérience)
C’est l’appel aux sentiments et aux émotions. C’est faire preuve
d’empathie avec son public. Ce sont les valeurs et croyances
véhiculées sous forme d’histoires.
3. Ethos (caractère)
C’est montrer sa personnalité morale. Ce sont la crédibilité de
l’orateur, ses références, son parcours, son expertise, sa proximité
qui donnent cette légitimité aux yeux du public. Le ton et le style
du message en seront la clé.

Trois genres rhétoriques,


trois types d’auditeurs

L’enseignement de la rhétorique est extrêmement pratique et


profondément ancré dans la vie d’Athènes. Il s’adresse directement
aux citoyens grecs, pour lesquels il n’y a pas de discours sans
auditoire.
• Le Politique (délibératif)
La vie politique est très vivante à Athènes. Sur trente mille
citoyens, plus de cinq mille viennent assister aux assemblées.
Alors que les rhéteurs les plus influents ne sont eux qu’une
vingtaine. La finalité de ces réunions est d’œuvrer au bien de la
cité. Ainsi, les plus pauvres touchent une indemnité par séance,
en dédommagement de la perte d’une journée de travail.
• Le Judiciaire
Le citoyen s’adresse directement au juge (il n’y a pas d’avocat)
soit pour accuser, soit pour se défendre. Les membres du tribunal
du peuple sont tirés au sort et doivent voter, sans aucune
concertation, pour faire œuvre de justice. D’où l’immense
importance de l’éloquence !
• L’Epidictique (discours de cérémonie)
Aussi appelé démonstratif. C’est régulièrement que les
Athéniens sont amenés à écouter ce genre de discours dont la
fonction est de souder la conscience politique. L’orateur fait l’éloge
– ou le blâme (la diatribe) – d’une personne afin de mettre en
avant la valeur – (où son absence) – de tel ou tel.

À chaque genre, ses caractéristiques


Il est significatif et amusant de voir la précision avec laquelle sont
développés les différents outils rhétoriques correspondants.
• Délibératif : l’orateur utilise le futur parce que faire œuvre de
politique c’est se projeter dans l’avenir. Il privilégie les
exemples.
• Judiciaire : l’orateur utilise le passé parce que ce sont sur des
faits accomplis que porte l’accusation ou la défense. L’outil
principal est le raisonnement (syllogisme…).
• Epidictique : l’orateur utilise surtout le présent mais aussi le
passé pour retracer le parcours de la personne jusqu’à sa
position actuelle. Ainsi que le futur pour évoquer ses souhaits,
son devenir. L’outil principal est l’amplification (hyperbole…).

Aristote, apôtre du vraisemblable (eikos)

Aristote a une position très pragmatique, à l’égal d’un avocat ou d’un


professionnel de la communication pour prendre des références plus
actuelles. À l’image des sophistes, il se considère comme un
technicien de la pensée, du logos. Le véritable objet de la parole est
son efficacité. Ce qui importe ce n‘est pas que ce qui est dit soit vrai,
mais qu’aux yeux de son interlocuteur, ce soit perçu comme tel, que
ce soit vraisemblable, possible. Ce en quoi il s’oppose à Platon.
Contrairement aux sophistes, Platon est animé par une éthique,
il défend ce qui est bien pour la cité, il défend ce qui est juste et il
défend l’individu de valeur.

Démosthène, probablement le plus grand des rhéteurs


Démosthène (384-322) s’exerçant à la parole, de Jean-Jules-Antoine Lecomte
du Nonÿ, 1870.

Il naît la même année qu’Aristote et est lui aussi, à ses débuts, élève
de Platon.
Bien que bègue il décide d’apprendre la rhétorique et lors de
son premier discours l’assistance se moque de ses problèmes
d’élocution et de ses gestes maladroits.
« Il fut en butte aux clameurs et aux moqueries à cause de
son style insolite, dont on jugeait les périodes tarabiscotées
et les raisonnements poussés avec trop de rigueur et
forcés à l’extrême. Il avait d’ailleurs, semble-t-il une voix
faible, une élocution confuse et un souffle court, qui rendait
difficile à saisir le sens de ses paroles, obligé qu’il était de
morceler ses périodes. »
Plutarque, Vie de Démosthène (101 ap. J.-C.)

Alors que Platon et Aristote théorisent la rhétorique,


Démosthène travaille, persévère. Il s’entraîne à parler avec des
cailloux dans la bouche pour améliorer sa diction. Il déclame face
aux vagues de l’océan pour fortifier sa voix. Il place au-dessus de
chacune de ses épaules la pointe d’une épée pour éviter de les
relever…
Ainsi il progresse jusqu’à devenir le plus grand des rhéteurs. On
l’appelle même simplement l’Orateur.

Un rhéteur peu orthodoxe

Curieusement, il ne pratique pas la rhétorique de manière très


orthodoxe. Ses discours bouleversent l’ordre traditionnel (exorde,
narration, preuve et épilogue). Il joue beaucoup des métaphores,
comparaisons et autres paradoxes. Surtout, il compte sur les
changements de ton, tantôt familier, tantôt solennel et grave, tantôt
drôle, tantôt calme et posé. Il n’hésite pas à manipuler son public, en
l’invectivant, en l’interpellant.
« Un homme, à ce que l’on raconte, vint le trouver pour lui
demander de le défendre et lui expliqua qu’on l’avait battu :
“Allons donc lui dit Démosthène, tu n’as pas été victime de
ce que tu me dis.” Alors l’homme élevant la voix et criant :
“Moi, Démosthène, je n’en ai pas été victime ?” – “Par Zeus
reprit-il, maintenant j’entends la voix d’une victime.” Telle
était l’importance qu’il accordait au ton et au jeu de ceux
qui parlent pour obtenir créance. »
Plutarque, Vie de Démosthène (101 ap. J.-C.)

Il s’engage très vite dans la politique et se rend célèbre pour ses


diatribes contre Philippe II de Macédoine menaçant la prospérité
de la Grèce. On donne un nom à ses diatribes : les Philippiques.

3 La rhétorique à Rome

Progressivement Rome étend son influence sur l’ensemble du


bassin méditerranéen et à l’empire grec succède l’empire romain.
La rhétorique n’a pas de frontières et chez les Romains
également, l’art oratoire devient une partie importante de la vie
publique. Ils tiennent les rhéteurs grecs en si grande estime qu’ils
engagent certains d’entre eux dans leurs écoles. La rhétorique fait
partie intégrante des humanités. Dans ce domaine, les Romains
apportent peu de nouveauté à l’art oratoire tel qu’il a été théorisé
par les Grecs.

Cicéron et Quintilien, les deux figures de la rhétorique


romaine

Cicéron (106 av. J.-C. – 43 av. J.-C.), est un des théoriciens de la


rhétorique les plus influents, et est considéré également comme un
orateur hors pair.
Cicéron dénonce Catilina, de Cesare Maccari, 1889.

Il écrit plusieurs ouvrages dont La Rhétorique à Herenius (ce


texte lui est communément attribué sans qu’on en soit certain). Il
s’agit d’une synthèse des apports d’Aristote, dans un esprit tourné
davantage vers la pratique. Cet ouvrage sera largement publié et
utilisé comme un manuel de base de la rhétorique au Moyen Âge
et à la Renaissance.
Pour lui, comme pour Aristote, la rhétorique a une mission.
C’est un des instruments majeurs de la vie publique. Le citoyen
romain peut ainsi s’exprimer et influer sur les matières
commerciales, politiques, économiques, judicaires ou religieuses
(comme c’était le cas dans les agoras grecques)
Cela suppose que l’orateur possède un très large savoir. Dans
le De Oratore, Cicéron énumère les qualités de l’orateur idéal.
Celui-ci doit exceller en philosophie, en grammaire, en musique,
en mathématique, en géométrie, en art dramatique, en droit, en
danse, en histoire… Cette somme de connaissances utiles dit bien
le caractère transdisciplinaire de la rhétorique.
Sa pratique de rhéteur lui donne aussi une maîtrise de la voix
comme des gestes. Il sait bien qu’un beau discours porté par un
orateur médiocre ne fera jamais bouger les foules.
« À parler de façon naturelle…
« L’orateur qui aspire à la perfection fera entendre une voix forte
s’il doit parler avec véhémence, douce s’il est calme, soutenue
s’il traite un sujet grave, touchante s’il doit attendrir. Et quel
admirable instrument que la voix, qui des trois tons, l’aigu, le
grave et le moyen, forme dans le chant cette riche variété, cette
élégante harmonie !
Dans le discours, il y a aussi je ne sais quel chant que la
prononciation dissimule. L’orateur doit désirer une belle voix :
mais s’il ne peut se la donner, il peut au moins cultiver et fortifier
la sienne.
Il réglera aussi ses mouvements, et il ne permettra rien de
superflu dans son action ; qu’il tienne le corps droit et élevé ; il
peut faire quelques pas, mais rarement et sans trop s’écarter ;
qu’il évite encore plus de courir dans la tribune.
Il ne gesticulera pas avec les doigts ; il ne s’en servira que pour
battre la mesure.
Enfin, qu’il règle tous les mouvements du corps ; on étend le
bras quand on parle avec force, on le ramène quand le ton est
plus modéré.
Le visage après la voix a le plus de pouvoir dans cette partie de
l’éloquence : quelle dignité, quelle grâce n’y ajoute-t-il pas !
Mais il ne faut ni affectation, ni grimace.
Réglez avec le même soin le mouvement des yeux ; car si le
visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes. Ils
exprimeront, suivant la nature des pensées, la tristesse ou la
joie. »
Cicéron, De oratore (55 av. J.-C.)

Cicéron a également laissé un grand nombre de discours qui


posent les bases de l’éloquence pour les générations à venir.
Quintilien (35 ap. J.-C. – 96 ap. J.-C.)

C’est le principal théoricien de l’époque romaine. Il commence par


plaider dans un tribunal puis sa réputation grandit au point que
l’empereur Vespasien le rétribue à vie pour enseigner la rhétorique.

Il donne une place de choix à la rhétorique

Quintilien place, lui aussi, en très haute estime l’art oratoire :


« L’éloquence comme la raison est la vertu de l’homme ». Le citoyen
romain doit pouvoir s’exprimer sur la place publique, le forum, en
matière juridique, politique ou économique et faire partager ses
convictions.
Il doit porter les valeurs civiques de probité et de respect :
« l’orateur est homme de bien qui parle de bien ». Le « bien » dont
parle Quintilien est le bien commun, la justice sociale, la res
publica des romains.
La parole est le moyen de communication publique par
excellence. Son principal traité est L’Institution oratoire (une
somme, douze livres au total). La rhétorique y est développée
dans sa dimension technique et aussi dans ses rapports avec la
culture, la philosophie et la morale.

Il détaille les différentes étapes de la préparation d’un discours

Elles sont au nombre de cinq et seront suivies pendant des siècles :


• Inventio : invention, ou recherche des arguments et des idées.
Arguments émotionnels et rationnels, les faits, les preuves.
• Dispositio : disposition des arguments, structuration du
discours.
Avec généralement ces quatre parties : Exorde, Narration,
Confirmation, Péroraison.
• Elocutio : partie écrite du discours, mise en forme, recherche
des figures rhétoriques. Cicéron recommande « l’élégance,
l’agencement des mots, la beauté ».
Elle vise aussi à trouver un style : élevé, moyen ou simple.
• Memoria : apprentissage par cœur du discours et art
mnémotechnique.
Il n’y a pas de support écrit, il faut apprendre.
• Actio : déclamation du discours, alliance du geste et de la
parole.
C’est une véritable performance physique et vocale qui est
demandée à l’orateur. Il doit s’entraîner.

Les questions essentielles à se poser, la « matrice » de Quintilien

C’est ce qui s’exprime en latin par : Quis, quid, ubi, quibus auxiliis,
cur, quomodo, quando. C’est-à-dire : Qui, quoi, où, avec quels
moyens, pourquoi, comment, quand ?
Ce principe, formalisé de manière raccourcie par QQOQCP,
renferme ce qu’on appelle en rhétorique les circonstances, c’est-à-
dire toutes les questions utiles à se poser : la personne, le fait, le
lieu, les moyens, les motifs, la manière et le temps.
QQOQCP est aussi nommé matrice ou hexamètre de Quintilien.

Le discours se structure en quatre parties, la Dispositio

L’efficacité du discours ne dépend pas seulement de ses arguments,


mais aussi de son plan. Ce plan doit être bien ordonné, afin que
l’enchaînement des arguments fasse sens :
• L’exorde
C’est l’introduction, avec pour but, capter l’attention du public.
• La Narration
C’est l’exposé des faits. Indispensable dans le genre politique, il
l’est encore plus dans le judiciaire. C’est sur la matérialité des
faits que se construira le raisonnement.
• La Digression
La digression permet une pause dans la narration. C’est un
détournement du sujet principal. C’est souvent un moment de
raillerie, d’ironie.
• La Péroraison
Elle met fin au discours, elle joue sur les émotions et le rappel
des arguments.

Il faut choisir son style

Il se définit en fonction du sujet traité et de la nature de l’auditoire. La


rhétorique distingue trois niveaux de style.
1. Le style élevé convient aux sujets graves. Présent dans la
péroraison qui joue sur la dramatisation, le pathos.
2. Le style moyen sert à exposer, informer et expliquer. Présent
dans la narration, où il s’agit de rapporter les faits et les
arguments. Il s’efforce donc à une certaine neutralité de ton.
3. Le style simple ou bas vise à plaire au public et à le
détendre par le recours à l’humour et à l’anecdote. On le
trouve notamment dans l’exorde.
Un même discours fait donc appel à des niveaux de style
différents afin d’être cohérent avec ce qui est dit et afin de ne pas
lasser l’auditoire.

De la République à l’Empire Romain

À Rome les temps changent, les institutions aussi. La République


est devenue l’Empire sous l’impulsion et l’habileté d’Auguste.
Progressivement, à Rome comme en Europe, le pouvoir se
centralise, la fonction politique de la rhétorique perd de sa force.
Quintilien regrette cette évolution, il regrette notamment de voir
la pratique juridique réelle échapper à l’enseignement de la
rhétorique.
Néanmoins la rhétorique continue d’être au cours des
temps une des matières fondatrices de l’enseignement. Elle
disparaîtra en France seulement au milieu du XXe siècle.

La rhétorique d’art de la persuasion devient art de l‘éloquence

Elle perd sa fonction pratique, celle de prendre des décisions justes,


de faire avancer les idées pour devenir un art pour l’art, un art du
beau parler avec en point d’orgue les figures de style.

4 La Rhétorique,
du Moyen Âge jusqu’à sa fin

Au Moyen Âge elle est surtout présente dans les églises

Elle est utilisée pour l’élaboration des sermons et des prêches et


nécessite une bonne connaissance du latin et des auteurs antiques
qu’il s’agit d’imiter. Les érudits lui préfèrent la grammaire ou la
logique.

La rhétorique outil de cour sous Louis XIV

Jusqu’au XVIIIe siècle, la plupart des auteurs privilégient le style


brillant, l’élégance littéraire. « C’est la victoire de la belle prose sur le
style parlé » (Michel Meyer).
À la cour du roi Soleil la rhétorique sert le pouvoir royal. Il
devient le moyen d’intégration et l’outil d’existence du courtisan.
La dimension éthique du discours passe au second plan. La
politesse de langage devient le maître mot, aspect qui culminera
avec la préciosité (c’est la pièce Les Précieuses Ridicules de
Molière qui en popularisera le terme). La rhétorique devient
véritablement hypocrisie.

La rhétorique religieuse trouve son apogée au xviie siècle


Jacques-Bénigne Bossuet en est sa personnification. Certains voient
en lui le plus grand orateur que le monde ait connu. Après des
études de théologie et de philosophie, il côtoie le milieu mondain
puis, à 21 ans, fait sa conversion religieuse. Souvent appelé à Paris,
il se fait une grande réputation pour ses sermons et panégyriques de
Saints.
La plupart de ses discours improvisés sont perdus. Il est dit que
quelques heures avant de monter en chaire, il médite son texte,
jette sur le papier quelques notes et paroles du Christ, quelques
passages des Pères de l’Église comme repères. Il lui arrive aussi
de dicter rapidement certains passages. Puis, du haut de sa
chaire, il se livre à l’inspiration du moment.
Certains de ses auditeurs notent à la hâte ses discours puis
vont les reproduire en province. On lui connaît le célèbre
« Madame se meurt ! Madame est morte ! » lors de l’oraison
funèbre d’Henriette d’Angleterre.

La rhétorique au service de la révolution française

Danton, Saint Just, Robespierre, Mirabeau marquent l’histoire de


leurs discours. La souveraineté populaire s’exprime par la parole.
Rappelez-vous le célèbre : « Allez dire à votre maître que nous
sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en
arrachera que par la force des baïonnettes » prononcé par
Mirabeau lors du serment du Jeu de Paume.
Le Serment du Jeu de Paume, Jacques-Louis David, 1791-1792.

Paradoxe de l’histoire, les révolutionnaires fustigent la rhétorique

À aucun autre moment de l’histoire de France la parole publique n’a


joué un rôle politique aussi fort et n’a pris une telle ampleur. La
plupart des révolutionnaires sont formés par la rhétorique. Pourtant,
pour l’essentiel, ils écartent de l’enseignement son apprentissage,
nient sa pertinence ou son utilité. Parce que la rhétorique, art
royaliste par excellence, symbolise l’Ancien Régime.

La violence des joutes oratoires est terrible

Deux des plus grands personnages de cette période révolutionnaire


sont Danton et Robespierre. Tous deux s’opposent dans des
discours brillants. Danton, jouisseur et tonitruant (« De l’audace,
toujours de l’audace, encore de l’audace ») et Robespierre, policé et
incorruptible (« Au dehors, les tyrans rassemblent contre nous des
armées nouvelles. Au dedans, d’autres tyrans nous trahissent… »).
Ils finissent tous les deux guillotinés.

Les « romantiques » en sonnent le glas dans l’enseignement

Peu de temps après, le Romantisme déclare la guerre à la


rhétorique.
Victor Hugo, leur chef de file proclame : « Guerre à la rhétorique et
paix à la syntaxe ! ». Cette vindicte aboutira à la suppression de la
rhétorique des programmes d’enseignement.
En 1885, Jules Ferry la fait remplacer par des cours d’histoire des
littératures.

5 Que reste-t-il de la rhétorique aujourd’hui ?

Une mauvaise réputation

Aujourd’hui la rhétorique a mauvaise réputation. L’expression « pure


rhétorique » vise à discréditer un discours. De même, l’expression
« figure rhétorique » fait apparaître cette dernière comme un artifice
dont le but est de déguiser une vérité. Traiter quelqu’un de sophiste
c’est vouloir le déconsidérer.
Cette polémique existait déjà du temps de Platon mais
aujourd’hui, dans le langage commun, c’est ce côté négatif de la
rhétorique qui prévaut. Parce que synonyme de manipulation, de
mauvaise foi, d’hypocrisie. Comme si la rhétorique était au service
de l’amoralité.

Une perte de conscience

Aujourd’hui nous sommes beaucoup moins conscients de la place


qu’occupe la parole dans nos vies. Nos moyens de communication
et d’information se sont multipliés avec les livres, la presse, la
télévision, les réseaux sociaux. Pour nous, tout se passe comme si
la parole allait de soi, comme si elle nous était naturelle. Nous ne
vivons plus dans une culture de la parole.
Du coup, la rhétorique nous paraît superflue. Comme si la
parole n’avait pas à être mise en scène. Comme si argumenter ou
bien parler ne s’apprenait pas.

Un renouveau de l’éloquence et de la rhétorique


Un courant qui nous vient des États-Unis

Steve Jobs en particulier a fait beaucoup pour redonner du lustre à


la prise de parole. Ses interventions aussi simples que millimétrées
ont aidé pour l’image d’Apple… et celle de l’art oratoire. Elles ont été
disséquées par les spin doctors comme Carmine Gallo et copiées
par les nouveaux patrons, ceux qui ne laissent à personne d’autre le
soin de cultiver l’image de leur start-up ou de leur groupe.
Les conférences TED (TED Talks, WIKI Talks…) trouvent un
auditoire planétaire. Le monde entier, via Internet, peut profiter de
ces conférences. Nous sommes loin des simples agoras. C’est le
temple des discours inspiring, ceux qui parlent à chacun d’entre
nous, qui nous font grandir et qui nous touchent. Le format est très
cadré : moins de 16 minutes, pas de pupitre, presque pas de
slides et une solide préparation. Elles laissent toute la place à
l’orateur.
Ma thèse en 180 secondes (Three Minute Thesis) vient
d’Australie. C’est un formidable tremplin pour les étudiants qui
trouvent là une audience internationale. C’est le moyen pour eux
d’obtenir financement, partenariat, soutien. C’est aussi une
épreuve redoutable qui doit être extrêmement bien préparée.
Il est frappant de voir, dans l’analyse que l’on peut faire de ces
différents exercices, toute l’étendue des outils rhétoriques utilisés.
Sam Leith, un des plus brillants journalistes américains et
analyste de la communication politique décortique les discours
d’Obama ou d’Oprah Winfrey avec le filtre Logos, Pathos, Ethos. Il
publie un livre Words Like Loaded Pistols sous-titré la Rhétorique
d’Aristote à Obama.
L’enseignement : les Américains biberonnent à la prise de
parole. Dès le plus jeune âge ils sont encouragés à prendre la
parole devant leurs camarades, avec applaudissements et
encouragements à la clé.

Un courant qui trouve toute sa place aujourd’hui en France


Si vous avez vu ce film enthousiasmant Le Discours d’un Roi (2010),
vous avez pu partager le terrible enjeu que doit affronter le roi
Georges VI (le père de la reine Élisabeth). Lui le bègue, qui ne
voulait pas devenir roi, doit prononcer un discours d’investiture et se
faire le premier rempart contre l’Allemagne nazie. On y voit un
orthophoniste australien l’y aider avec des méthodes aussi efficaces
que peu orthodoxes.
Le très touchant reportage À Voix Haute (2016), nous emmène
lui en Seine-Saint-Denis où de jeunes étudiants de banlieue se
préparent à un concours d’éloquence Eloquentia. Cette
préparation est menée à la baguette par l’avocat Bertrand Périer.
Dans la même veine, le film Le Brio (2017), met en scène une
étudiante de Créteil qui veut devenir avocate et se prépare aux
fameux concours d’éloquence du Barreau. Ces concours qui
révèlent les avocats aptes à affronter les cours d’Assises. De
nombreux autres concours d’éloquence se développent et
séduisent les étudiants des Grandes Écoles et Universités. Le
Debating Tournament met en scène des équipes qui s’affrontent
(en anglais !) dans des poules éliminatoires et dont la finale se
déroule dans les salons de l’Assemblée Nationale.
Et puis l’introduction du Grand Oral au baccalauréat (au service
d’un projet) signe le retour dans l’enseignement de la parole utile.

Un courant qui trouve aussi sa place dans l’entreprise

Un contrepoids du numérique

Oui, le numérique devient de plus en plus envahissant. Face à cette


mise à distance du vivant par les chiffres, matrices, diagrammes et
autres histogrammes, il est bon de retrouver un contact humain,
sensible. Plutôt que de se parler par tableaux Excel ou PowerPoint
interposés, il est bien d’engager un dialogue direct beaucoup plus
ouvert, plus flexible. Un dialogue porté par la parole.
Un besoin quand l’autorité hiérarchique s’efface

Au moment où l’entreprise très hiérarchisée est remise en cause (on


parle de pyramide inversée, d’entreprise sans hiérarchie), au
moment où elle privilégie le management transversal, le
fonctionnement en mode projet, l’oral reprend toute sa valeur.
Comment sensibiliser, motiver, rassurer, persuader, inspirer
sans des qualités d’éloquence ?

Coachings et formations

L’entreprise a compris ce besoin. Elle offre des coachings à ses


dirigeants, des formations à ses collaborateurs. Avec pour objectif :
développer l’impact de leur communication face au public.

La communication se féminise

Émergent de belles références en tant qu’oratrices : Michelle


Obama, Oprah Winfrey, Christine Lagarde, Christiane Taubira…
D’ailleurs, aux États-Unis, la référence actuelle en termes de
spécialiste est une femme : Nancy Duarte (Resonate, Slide ology…).
Dans des grandes entreprises où nous intervenons (Thales,
Bouygues Construction, Sanofi…) certains groupes de femmes se
créent pour donner plus de mixité à l’entreprise, pour promouvoir
la place des femmes dans la hiérarchie. Une bonne
communication à l’oral est une des clés. Elle aide à s’affirmer, à
trouver sa place au sein des comités de direction.

« DEMAIN, JE PARLE EN PUBLIC »

Quels sont les outils de la communication d’aujourd’hui ? Ce sont


ceux que vous avez trouvés tout au long des différents chapitres de
cette pièce en quatre actes. Nous les avons adaptés à notre époque,
notre culture, nos enjeux. C’est ce travail précis et complet que nous
avons développé pour vous dans ce livre.
CHAPITRE 21

Exercices

Nous vous invitons à vous entraîner à pratiquer régulièrement et à


voix haute les exercices qui suivent, comme tout sportif ou artiste qui
souhaite maîtriser sa discipline.
L’expérience nous prouve que si vous pratiquez cette
gymnastique vocale 10 minutes 3 ou 4 fois par semaine, vous
constaterez de réelles améliorations en moins de deux mois.

1 Travailler le souffle

Nous vous proposons deux exercices à partir de ce célèbre poème


de Victor Hugo Océano Nox (1840).
Se tester : jusqu’où pouvez-vous aller, à voix forte et articulée,
sans reprendre votre souffle (c’est-à-dire, sur une période) ?
Sarah Bernhardt considérait que le faire sur deux alexandrins était
déjà bien.
Donner du souffle au texte. Utilisez le texte pour jouer de toute
la puissance et des modulations de la voix :
« Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !
Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L’ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d’un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l’abîme plongée. »
N’oubliez pas, une bonne respiration est une respiration
« ventrale ».

2 S’amuser à articuler

Plus vous ferez ces exercices avec une voix large et forte, plus ils
vous seront bénéfiques. Même si le sens est sans importance, il faut
le faire ressortir.
Une des clés est de bien marquer le rythme intérieur de la
phrase : césures, accentuation…

Gagnez en énergie (maxillaires et face)

• Le fisc fixe exprès chaque taxe fixe excessive exclusivement


au luxe et à l’exquis.
• Petit pot de beurre quand te dépetitpotdebeurreriseras-tu ? Je
me dépetitpotdebeurreriserai quand tous les petits pots de
beurre se seront dépetitpotdebeurrisés.

Gagnez en précision (lèvres)

• Un banc peint blanc plein de pain blanc un blanc banc peint de


blanc pain.
• Je veux et j’exige dix-huit chemises fines et six fichus fins.
• Un vieux voyou voleur voulait voler Violette.
Gagnez en netteté (langue, dents, palais)

• Dis donc ton thé t’a-t-il ôté ta toux ?


• Didon dîna dit-on d’un os du dos d’un dodu dindon.
• Trois grands dragons gradés, trente-trois grands dragons
gradés.

Gagnez en clarté (ouverture de la bouche)

• Oh ! La belle grosse grasse blanche fille comme elle a de


beaux gros gras blancs bras !
• Grande cathédrale quand te décathédraliseras-tu ? Je me
décathédraliserai quand toutes les grandes cathédrales se
seront décathédralisées.
• Un essaim d’insectes erre autour du Saint-Nectaire sec du
nain sectaire.

Gagnez en douceur (allongement des syllabes longues)

• Douze douches douces, douze douches douces.


• J’aime qu’on m’aime comme j’aime quand j’aime quand même.

Et pour équilibrer le tout (maxillaires, langue, lèvres)

• Les croyants qui prient sur l’Acropole ne peuvent pas prier


quand les corbeaux peuvent croasser.
• Les six chemises de l’archiduchesse qui séchaient chez Sacha
qui chassait sans son chien sont sèches, archisèches.
• Un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son
chien
• Non, nous ne nous désolidariserons pas !
Ça n’a pas beaucoup de sens, mais c’est très efficace.
Prenez plaisir à articuler.
3 Renforcer le sens par l’Accentuation

N’hésitez pas à mettre de l’emphase sur les mots que vous jugez
clés :
• Des milliards de sacs plastiques envahissent nos océans.
• Au détour de chaque paysage se trouvent des beautés
infinies.
• Beaucoup de personnes ont travaillé dur pour obtenir ce
résultat.
• Avez-vous remarqué l’étrangeté de ce nuage ?
• Peux-tu me dire sincèrement ce que tu penses de cette
pièce ?
Ainsi vous donnerez du relief à votre parole.

4 L’accentuation sur un seul mot peut changer le sens


de la phrase

Changez le sens de la phrase en choisissant le mot à accentuer.


Pour cela, prononcer successivement à voix haute chaque phrase
en accentuant le (ou les) mot(s) en couleur.
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Quelqu’un d’autre
l’a dit…)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Avec emphase !)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Pas à lui…)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide (J’ai pu le
suggérer…)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Je parlais d’une
autre personne)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Non, vous l’êtes
toujours…)
« Je ne lui ai pas dit que vous étiez stupide » (Je n’ai pas utilisé
ce mot)
Les mêmes mots et des significations différentes.
Par le pouvoir de l’accentuation !

5 Faites bien entendre l’interrogation

Pour qu’une phrase interrogative soit une vraie question appelant


une réponse, il est nécessaire de monter la voix sur les mots-clés.
Exercez-vous :
• Quelle est, selon vous, la raison de ce refus ?
• Qui n’a jamais fait, parmi vous, de château en Espagne ?
• Pouvez-vous vraiment contester ma version des choses en me
regardant les yeux dans les yeux ? (Jacques Chirac à
Mitterrand)
• Avez-vous jamais eu de compte bancaire à l’étranger ?
Faites bien la différence entre une vraie question et une
question rhétorique (qui n’appelle pas de réponse).

6 Respecter la courbe mélodique

Nous l’avons vu dans le chapitre La Voix, une phrase qui le plus


souvent (en particulier dans l’affirmation) monte pour ensuite
redescendre sur la note tonale.

Entraînez-vous sur les textes suivants à respecter cette ligne


mélodique. La voix monte puis, au moment de la rupture de sens,
redescend.
« Pendant la première demi-heure de classe d’anglais, nous
attendîmes le concierge, sinistre messager de la permanence. »
Marcel Pagnol

« Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent les empires, à
qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, est
aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois et de leur donner,
quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. »
Bossuet

« J’ai souvent pensé alors que si l’on m’avait fait vivre dans un
tronc d’arbre sec, sans autre occupation que de regarder la fleur
du ciel au-dessus de ma tête, je m’y serais peu à peu habitué. »
Albert Camus

7 Travail sur l’intention

Comme dans l’exercice des citations, mais cette fois dans un


contexte professionnel, donnez le plus de sens différents possible à
cette même phrase :

« Merci de me donner ce rapport »

Voici quelques interprétations possibles :


• Reconnaissant : « C’est très gentil de votre part de me le
donner. »
• Timide : « Ce serait très aimable à vous d’avoir l’obligeance
de bien vouloir me donner ce rapport. »
• En colère : « Maintenant ça suffit, donnez-moi ce rapport
immédiatement ! »
• Joyeux : « Vous êtes formidable, c’est une chance pour moi
d’avoir ce rapport. »
• En confidence : « Soyez tranquille, je ne le répéterai pas… »
• Grave : « Je sais que vous prenez des risques, merci pour
votre courage. »
Vous pouvez commencer dans un premier temps par la phrase
qui détaille l’interprétation choisie et enchaîner ensuite avec la
phrase racine.
Nous vous invitons à trouver d’autres interprétations.

8 Exercice d’acteur

Choisissez une citation et interprétez-la à haute voix en changeant


d’intention (ex. : ton amusé, grave, affirmé, enthousiaste,
chaleureux, en colère, en confidence…). Une clé ? Trouvez le bon
phrasé : césures, accentuation…
Les citations suivantes sont construites en deux ou trois parties,
sachez les reconnaître.
1. « Quand un homme rêve seul, c’est un songe. Qu’ils soient
plusieurs à rêver et c’est une réalité. » (Armand Gatti)
2. « Regarde au loin, ne regarde pas en arrière. On déraisonne
quand on veut toujours connaître les raisons. » (Francis
Picabia)
3. « Méfiez-vous toujours de la première impression : c’est
généralement la bonne, surtout quand elle est mauvaise. »
(Sacha Guitry)
4. « Le bonheur c’est d’être heureux ; ce n’est pas de faire
croire aux autres qu’on l’est. » (Jules Renard)
5. « Le silence est un si beau sujet que l’on pourrait en parler
pendant des heures. » (Jules Romains)
6. « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous
n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont
difficiles. » (Sénèque)
7. « Tant que l’homme sera mortel, il ne sera jamais
décontracté. » (Woody Allen)
8. « C’est quand il n’y a plus rien à espérer qu’il ne faut
désespérer de rien. » (Rudyard Kipling)
9. « Il suivait son idée. C’était une idée fixe et il était surpris de
ne pas avancer. » (Jacques Prévert)
10. « Devenir adulte, c’est choisir son moyen de rester enfant. »
(André Comte-Sponville)
11. « Chacun se croit seul dans son enfer : c’est ça l’enfer. »
(René Girard)
12. « On ne se débarrasse pas d’une habitude en la flanquant
par la fenêtre, il faut lui faire descendre l’escalier marche par
marche. » (Mark Twain)
13. « La liberté, ce n’est pas pouvoir ce que l’on veut, c’est
vouloir ce que l’on peut. » (Jean-Paul Sartre)
14. « Si tu veux aider quelqu’un à changer, vois-le comme s’il
avait déjà changé. » (Confucius)
15. « Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprenons
en le faisant. » (Aristote)
16. « Tu sais, ce n’est pas le tout de s’aimer, il faut aussi se le
dire. » (Louis Jouvet)
17. « Si vous êtes complètement sincère, ce que vous faites, ce
que vous dites conviendra aux autres. » (Marc Chagall)
18. « Le secret d’ennuyer est de tout dire. » (Voltaire)
Soyez clair sur l’intention et vous nous ferez voyager
dans votre pensée.

Ne ratez pas cet exercice de virtuose de Fernandel dans Le


Schpountz (1938) :
https://www.youtube.com/watch?v=WDPbUD_kxwI

9 Rendre claire la signification de chaque phrase

Commençons par une devinette : savez-vous quelle est la différence


entre Paris, un ours blanc et Virginie ? Il est probable que vous ayez
du mal à répondre, alors nous vous la donnons :
• Paris est métropole
• L’ours blanc est maître au pôle
• Virginie aimait trop Paul
La similitude des sons, pour des phrases totalement différentes,
est frappante.
Voici l’exercice : prononcez le plus clairement possible les cinq
phrases suivantes :
1. Elle est maître au pôle.
2. Elle est métropole.
3. Elle aime être au pôle.
4. Elle hait maître Paul.
5. Elle aimait trop Paul.
Les clés de la réussite :
• Placer au bon endroit les césures : « Elle est // métropole ».
• Accentuer les mots importants : « Elle est maître au pôle ».
• Mettez une intention sur certains mots : de l’amour sur « elle
aime », de la haine sur « elle hait ».
• Accessoirement, respectez la prononciation : le « ô » de pôle
est un « o » fermé, le « au » de Paul est un « o » ouvert.
Généralement les différents accents sont les bienvenus, à
moins qu’ils génèrent incompréhension ou confusion.
Là encore, n’hésitez pas à vous enregistrer pour vérifier
la clarté.

10 Choisir le bon phrasé

Certaines phrases peuvent prêter à confusion. Elles peuvent prendre


deux sens radicalement différents suivant la manière dont vous les
phrasez : placez au bon endroit les césures, allégez ou soulignez
certains mots…
Deux exemples à travailler pour donner toute la clarté à
chacune des deux significations :
• Si on mangeait les enfants.
• Les femmes disent les hommes sont des incapables.

11 La lecture : coordonner voix, respiration et regard

Cet exercice doit se faire en cinq temps :


1. Mémorisation d’un bout de texte (une phrase, ou une partie)
en silence.
2. Inspiration ventrale (sans excès).
3. Regard en direction d’une personne (en figurer une si vous
êtes seul).
4. Dire d’une voix affirmée (le passage mémorisé).
5. Regard maintenu encore un instant avant de revenir au texte
…et recommencer ce cycle avec le texte à suivre.
C’est un exercice excellent, notamment pour les personnes qui
ont tendance à ne pas faire de silences. Il est particulièrement
pertinent pour un discours formel où vous n’avez pas le droit à
l’erreur. Introduisez sur votre papier des signes qui vous aideront à
bien le phraser.
Voici trois textes que vous pouvez utiliser avec des objectifs
spécifiques, à dire d’une voix large et affirmée :
« Les lectures nombreuses et variées contribuent au placement
de la voix.
Il faut sentir sa voix, savoir toujours où elle est et savoir la
déplacer à volonté quand elle commence à se fatiguer. Il faut
connaître sa voix, savoir quelles sont ses possibilités pour
l’employer comme il convient ; quel est son registre pour ne pas la
malmener ; quelles sont ses nuances pour les placer à bon
escient.
Il ne faut pas s’écouter.
Il faut être capable de diriger sa voix et de l’éclairer par la
respiration. La respiration commande tout. Une voix qui ne respire
pas s’aplatit, s’écrase, s’attriste. Elle se débat comme un noyé.
Elle est entraînée par le texte. Elle ne le domine pas et ne peut
plus l’articuler.
C’est la respiration qui assure à notre sensibilité la faculté de se
mouvoir en tous sens. C’est d’elle que dépendent le rire naturel et
l’émotion ressentie. C’est elle qui engendre la noblesse et
l’autorité, qui donne son poids à la présence.
Une respiration qui flanche crée le désarroi. Une respiration
vigoureuse, c’est la liberté. »
Jacques Copeau

12 La lecture (suite) :
Le Feu de Gaston Bachelard

Faites bien entendre cette différence entre ce qui relève dans le


texte du positif (le bien…) et ce qui relève du négatif (le mal…).
« Le feu est l’ultra vivant, le feu est intime et il est universel ; il
vit dans notre cœur ; il vit dans le ciel. Il monte des profondeurs de
la substance et s’offre comme un amour. Il redescend dans la
matière et se cache, latent, contenu, comme la haine et la
vengeance.
Parmi tous les phénomènes il est vraiment le seul qui puisse
recevoir aussi nettement ces deux valorisations contraires : le bien
et le mal.
Il brille au paradis, il brûle en enfer. Il est douceur et torture, il
est cuisine et apocalypse. Il est plaisir pour l’enfant assis
sagement près du foyer.
Il punit cependant de toute désobéissance quand on veut jouer
de trop près avec ses flammes.
Il est bonheur et il est respect.
C’est un Dieu, tutélaire et terrible, bon et mauvais. Il peut se
contredire, il est donc un des principes d’explication universelle. »
Jouez avec les émotions.
13 La lecture (suite) : Cinna de Corneille

Faites un travail sur l’autorité et les silences. Auguste est l’empereur


et le projet de Cinna de tuer Auguste vient tout juste d’être déjoué.
Auguste
« Prends un siège Cinna, prends, et sur toute chose
Observe exactement la loi que je t’impose :
Prête sans me troubler l’oreille à mes discours ;
D’aucun mot, d’aucun cri, n’en interromps le cours ;
Tiens ta langue captive ; et si ce grand silence
A ton émotion fait quelque violence
Tu pourras me répondre après, tout à loisir
Sur ce point seulement, contente mon désir. »
Cinna
« Je vous obéirai seigneur. »
Jouez des silences, vous êtes l’empereur, maître du
temps.
Remerciements

Ce livre est riche de toute l’expérience que nous avons acquise


au contact de tous les coachés et participants de nos formations.
Il est aussi le résultat des nombreux échanges que nous tenons
au sein de l’équipe Avant-Scène Conseil :
Merci à Ann Lee, Anne Lugagne, Catharina Von Bargen,
Charlotte Sciandra, Colin Mc Leod, Didier Bras, Francis
Kaufmann, James Smurthwaite, Laurence Faure, Laurent
Bourquin, Marc Paquien, Martine Froment, Morgane Bazennerye,
Natasha Cashman, Nelly Garnier, Patricia Carreau-Weill, Paul
Barrett, Peter Barrett, Sara Turman, Sophie Mercier, Virginie
LeBastard.
Et plus particulièrement,
Merci à Ann Lee pour ses apports sur le Storytelling, les télé et
visioconférences.
Merci à Didier Bras pour ses apports sur le PowerPoint.
Merci à Morgane Bazennerye pour ses apports sur la
rhétorique.
Et merci à Laurent Bourquin, Anne-Marie Samson et Sophie
Mercier pour leur relecture éclairée.
Merci enfin à Dominique Journet Ramel à la prise de vue de nos
vidéos et à Ghislain De Vaulx (ShowSon) qui en a assuré la
finalisation.
Alain Duclos
Bibliographie

ANDRÉ Christophe et LELORD François, L’estime de soi, Odile Jacob,


1999.
BELLENGER Lionel, La force de persuasion, ESF, 1997.
CHALVIN Dominique, L’affirmation de soi, ESF, 2000.
DUARTE Nancy, Resonate, Wiley, 2010.
DÜRCKHEIM Karlfried, Hara, centre vital de l’homme, Le Courrier du
Livre, 1991.
ESTABLET Julienne et VICTOR Jean-Louis, Comment acquérir du
charisme, De Vecchi, 1999.
FREITAS (de), Stephane, Porter sa voix, Le Robert, 2018.
GALLO Carmine, Les secrets de présentation de Steve Jobs,
Télémaque, 2010.
GOLEMAN Daniel, L’intelligence émotionnelle, tomes 1 et 2, Robert
Laffont, 1997, 1999.
KOURILSKY Françoise, Du désir au plaisir de changer, Dunod, 2000.
LAÎNÉ C., PORTANÉRY E., ROY E., Révélez vos talents de leader, ESF,
2003.
LAURE François, Le guide des techniques d’animation, Dunod,
2005.
MOULINIER René, Mener une réunion efficace, Éditions
d’Organisation, 1999.
NIZARD Georges, Convaincre, Dunod, 1994.
REYNOLDS Garr, Présentation zen, Pearson, 2008.
ROSE Steven, La mémoire, Seuil, 1994.
SAINT-PAUL Josiane de, Estime de soi, confiance en soi,
InterEditions, 1999.
VALADE Alain D., Le théâtre de l’âme, ou l’art de se mettre en scène
dans la vie, InterEditions, 1993.
WATZLAWICK Paul, Le langage du changement, Seuil, 1986.

Le cerveau

CHANGEUX Jean-Pierre, L’homme neuronal, Hachette, 1998.


FOTTORINO Éric, Voyage au centre du cerveau, Stock, 1998.
HERRMANN Ned, Les dominances cérébrales et la créativité, Retz,
1992.
LABORIT Henri, La légende des comportements, Flammarion, 1994.
ISRAËL Lucien Pr., Cerveau droit, cerveau gauche, Plon, 1995.
MC LEAN Paul D., Les trois cerveaux de l’homme, Robert Laffont,
1990.
ROBERT Jacques-Michel, Le cerveau, Flammarion, 1997.
SPERRY Roger, Brain circuits and functions of the mind, Cambridge
University Press, N.Y., 1990.

La rhétorique

BARTHES Roland, L’ancienne rhétorique, aide-mémoire,


Communications, no 16, Seuil, 1970.
CHIRON Pierre, Aristote. Rhétorique, GF Flammarion, 2007.
CICÉRON, De l’orateur, I, II, III, Belles Lettres, 1966.
CICÉRON (attribué à), Rhétorique à Herennius, Guy Achard, Belles
Lettres, 2012.
QUINTILIEN, L’Institution oratoire, livre IX, Belles-Lettres, 1979.
MEYER Michel, Histoire de la Rhétorique, Livre de Poche, 1999.
PERELMAN, Chaïm, L’Empire Rhétorique, Vrin, 2002.
PATILLON Michel, Éléments de rhétorique classique, Paris, Nathan,
1990.
REBOUL Olivier, Introduction à la rhétorique, PUF, 1991.
LEITH Sam, Words like Loaded Pistols ? Rhetoric from Aristotle to
Obama, Profile Books, 2012.
TOY Richard, Rhetoric : a very short Introduction, Oxford University
Press, 2013.
Crédits iconographiques

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Le PowerPoint

Quels slides et comment les mettre en scène ?

1 Un outil omniprésent et pourtant largement décrié

Ce logiciel de présentation Microsoft, présent d’office sur tous les


PC, est universellement et très largement utilisé. Acte symbolique
fort : en novembre 2015, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de
l’Éducation nationale signe avec Alain Crozier, président de
Microsoft France, un contrat qui assure l’installation de la suite Office
dans les écoles et la formation des enseignants aux compétences
du XXIe siècle.
Alors, pourquoi ce logiciel suscite-t-il autant de critiques de la
part de ceux qui le subissent ? Pour ou contre PowerPoint ? Et
surtout, quel PowerPoint ?

Une critique sévère de la part de chercheurs, de journalistes


et d’utilisateurs

Frank Frommer, journaliste, souligne dans son livre La Pensée


PowerPoint : enquête sur ce logiciel qui rend stupide, paru en 2010
aux éditions La découverte : « Une nouvelle culture business où la
forme prend le pas sur le fond… Tout l’argumentaire, les
démonstrations, les connecteurs logiques ont disparu. On passe à
côté de l’essentiel… Il est devenu impensable de réunir trois
personnes sans PPT. Sinon, c’est une réunion pour rien, ça ne fait
pas sérieux. »
Edward Tufte, chercheur, écrit dans son livre The cognitive style
of PowerPoint, pitching out corrupts within, sorti en 2006 chez
Graphic Press : « Hélas, les slides réduisent souvent la rigueur
analytique des présentations… affaiblissent notre raisonnement
et, presque toujours faussent l’analyse. »
Rafi Haladjian, pionnier de l’Internet en France, assume : « Si la
religion est l’opium du peuple, PowerPoint est celui du cadre
d’entreprise. »

Oui, vous retrouver dans une semi-pénombre avec devant vous


un grand écran lumineux qui fait défiler un labyrinthe de mots, de
sigles, de chiffres ou encore une myriade d’images peut avoir sur
vous un effet hypnotique. Comme un lapin, pris la nuit dans le
faisceau des phares d’une voiture qui assiste impassible à sa fin
programmée… Réveillez-vous avant qu’il ne soit trop tard !

La NASA et l’armée américaine joignent aussi leur voix


à ces critiques

La NASA a mis fortement en cause les PowerPoint dans l’accident


de la navette Columbia en 2003 : à cause d’un slide trop
simplificateur, les experts sont passés à côté d’un élément essentiel
qui aurait pu les alerter sur la possibilité d’un accident.
« Le logiciel est dangereux parce qu’il fournit une illusion de
compréhension et de contrôle. Certains problèmes ne peuvent pas
être traduits en puces », s’agace le général McMaster (envoyé au
nord de l’Irak). Il finit par bannir le logiciel au sein de ses troupes
en 2005.
En 2010, la chaîne NBC relaie un slide incompréhensible
produit par des techniciens de l’US Army pour résumer le bourbier
afghan.

Le général McChrystal à qui il a été présenté a répondu :


« Quand nous aurons compris ce slide, nous aurons gagné la
guerre. »
Constat : les politiques n’utilisent pas PowerPoint

Très peu se sont risqués à le faire. Matteo Renzi l’a tenté en 2014
pour l’abandonner aussitôt. Ils savent très bien que l’utilisation de cet
outil est perçue par le public comme un artifice de communication
destiné à asseoir un pouvoir technocratique. Majoritairement, le
public préfère un lien direct avec ses dirigeants, une incarnation des
messages débarrassée de tout artifice.
Alors, que faire ? Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain en
supprimant PPT ? Non, bien sûr !

Faites clairement la différence entre ces trois objets !

C’est certainement l’écueil principal du PowerPoint : confondre ce


que l’on montre avec ce que l’on dit et avec ce que l’on imprime !
• Les slides sont faits pour être vus.
• Les commentaires sont faits pour être dits.
• Les imprimés sont faits pour être lus.
Faire un même objet pour ces trois destinations est le moyen le
plus sûr de rater les trois. Chaque média répond évidemment à sa
propre logique, à ses propres règles. L’image, le discours et l‘écrit
ne peuvent être fondus dans un seul et même objet ! Vouloir faire
un diaporama complet et autonome pour le projeter est une
erreur.
Une solution est possible, en deux temps :
• Un diaporama complet et autonome que l’on imprime.
• Une version largement épurée que l’on projette en soutien de
son discours.

Le format : portrait ou paysage ?

Le portrait pour l’écrit

C’est le format adopté depuis longtemps par la plupart des ouvrages


écrits. Celui des tables de la loi, celui de la majorité de nos livres,
celui des journaux, parce qu’il permet une lecture facile et rapide.
Nous lisons de gauche à droite et de haut en bas, alors
organisons le texte en colonnes de façon à retrouver facilement le
début de la ligne suivante.

Le paysage pour les slides

Les slides sont faits pour être vus, pour être perçus et compris d’un
seul coup d’œil. Notre vision étant panoramique, plus large que
haute, il est donc naturel d’adopter le format paysage et de favoriser
l’image. Bien sûr, il est aussi possible d’y introduire du texte mais à
condition d’utiliser des phrases courtes et écrites dans une taille de
police élevée : abuser du texte sur un slide c’est aller contre nature.

2 Quand et pourquoi utiliser des slides ?

Pour renforcer les messages ou les chiffres clés

C’est utiliser un autre canal sensoriel. Si le discours passe beaucoup


par l’ouïe, la vue du texte écrit joue sur un autre canal d’information :
le visuel.

Pour expliciter par l’image


« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours », disait Bonaparte.
Il semble aussi que notre société soit de plus en plus friande
d’images. Après l’ère de l’oral (voir chapitre Rhétorique) et l’ère de
l’écrit, il semblerait que nous allions vers la civilisation de l’image
(profusion des écrans, montée d’Instagram…).
Alors oui aux images, si vous voulez exposer les positions
respectives des différents acteurs sur un champ de bataille. Oui, si
vous voulez faire connaître un organigramme. Oui, si vous voulez
décrire les variations de résultats au cours du temps…

Pour jalonner votre présentation

Si elle est un peu longue, technique, ardue, il peut être utile de


visualiser la progression de votre pensée par l’image en indiquant
les différentes étapes. Comme le fait par exemple un point lumineux
qui se déplace sur une ligne de métro.

Pour jouer la carte émotionnelle avec photos,


dessins humoristiques…

Oui, l’image a cette potentialité de provoquer en nous des émotions,


parce qu’elle est belle, parce qu’elle est symbolique, parce qu’elle
fait sourire.
N’en abusez pas, ne confiez pas entièrement à l’image ce que
vous pourriez ou devriez produire par vous-même, par
l’expression de votre sensibilité et de votre humanité !
Pour vos visuels, utilisez prioritairement votre cerveau droit

Pour penser visuel, appuyons-nous sur un des principaux


enseignements des neurosciences : le fonctionnement différencié de
nos deux hémisphères cérébraux : cerveau droit et cerveau
gauche.
Notre cerveau est d’une complexité inouïe. Il est constitué d’un
labyrinthe de neurones (près de 100 milliards, interconnectés). Les
travaux de Roger W. Sperry (voir chapitre 18) et de quelques autres
neuroscientifiques ont mis en évidence des différences de
fonctionnement entre hémisphères droit et gauche.
Schématiquement :
• Le Gauche est logique, analytique, séquentiel et verbal. Il est
lent.
• Le Droit est spatial, visuel, analogique, affectif et sensible. Il
est fulgurant.
Vous le comprenez, pour mettre en forme de bons visuels, c’est
le cerveau droit qui doit être aux commandes. Or si vous faites un
métier plutôt cerveau gauche : par exemple technicien, juriste,
financier, ingénieur… vous risquez d’avoir plus de difficultés à
réaliser de bons visuels. Ce qui suit vous est particulièrement
destiné.

Privilégiez l’image

Notre regard se porte prioritairement sur l’image plus que vers les
mots ou vers les chiffres, surtout s’ils sont en nombre. Les images
sont perçues de manière intuitive et globale.
À chaque fois que c’est possible, cherchez à remplacer
l’information exprimée par du texte ou des chiffres par une image.

Exemple d’utilisation du cerveau droit pour réaliser


un bon visuel
→ À éviter. Un texte fait pour être imprimé, certainement pas pour soutenir
une présentation orale.

→ À préférer. Une version plus visuelle qui laisse toute la place à l’oral.
→ Une proposition plus radicale à vertu humoristique.

Faites simple…

Une belle somme d’informations immédiatement décodables sont


réunies sur ce visuel. Le tout avec une grande économie de
moyens.

Organisez vos chiffres en courbes, secteurs, histogrammes…


→C’est plus visuel, plus parlant que des listes de chiffres ou des matrices.

Rapport « signal-bruit »1 : pour un signal fort et un bruit faible

Il exprime le rapport entre les éléments pertinents du slide et ceux


qui sont superflus, redondants ou même dérangeants.

→ À éviter.
→ À préférer.

Halte à la dictature de la charte graphique

Il est tout à fait souhaitable qu’il y ait une identité d’entreprise qui se
dégage de vos slides et qu’il y ait une cohérence de couleurs et de
police grâce à la charte graphique. Si cela vous oblige à avoir 1/3 de
la surface de vos slides occupée par des marges reprenant
systématiquement un texte que personne ne lit, c’est ridicule. Vous
avez certainement mieux à faire pour occuper cet espace.

Spatialisez vos idées


Autres possibilités :
• Escalier
• Pyramide
• Piliers
• Roue
• Puzzle…

Sachez composer une image

Comme un photographe, un peintre ou un graphiste, il y a quelques


règles simples à intégrer.

Cadrer : Voici, en trois visuels, un exemple ou le cadrage influe


directement sur le contenu du message.
Choisir la zone de l’image adaptée à son sujet

Une image possède sa propre symbolique. La voici simplement


représentée :

Tout ce qui relève de l’aérien ou du concept a plus


naturellement sa place dans le haut de l’image. Tout ce qui relève
du concret, de la matérialité trouve sa place dans le bas.
Par ailleurs, notre sens de lecture (à nous occidentaux) nous fait
lire de haut en bas et de gauche à droite.
L’avion se trouve naturellement dans la partie haute de l’image
et le fait qu’il soit orienté Gauche/Droite et Bas/Haut exprime le
dynamisme du décollage. L’information écrite prend naturellement
sa place dans le bas de l’image, elle l’accompagne.

Cette fois c’est le message qui prend le haut de l’affiche et se lit


en premier et la fumée noire en bas exprime la matérialité de la
pollution.

Jouez sur des contrastes de couleurs forts


Attention aux couleurs pastel qui rendent les slides illisibles quand le
vidéoprojecteur est de qualité médiocre. Évitez des fonds blancs peu
remplis avec des textes ou des images perdus sur l’écran.

Une solution élégante pour marquer les différents chapitres de


votre présentation est de basculer sur un fond sombre pour les
slides de transition si le fond de référence est blanc (et
inversement). Autrement dit, passer en négatif.

Soignez l’alignement et la cohérence de vos différents slides

Ils sont fréquemment repris sur des présentations différentes et ça


se voit. Cela donne une impression de bricolage. Il faut donc adopter
un parti pris visuel et s’y tenir :
• Peu de couleurs, des couleurs qui s’harmonisent entre elles.
• Une ou deux polices de caractère uniquement.
• Respecter une cohérence d’alignement d’un slide à l’autre :
disposition graphique / marges…
• Même origine pour les formes ou graphiques utilisés.
• Principe ou de photos détourées sur fond blanc ou de photos
avec fond d’origine (éviter de mixer les deux).
• Des dessins d’un même dessinateur si possible.
Cette cohérence contribue à professionnaliser votre
PowerPoint.

L’important est le message

L’information en elle-même n’est rien. Ce qui importe, c’est le sens


qu’il faut lui donner. Posez-vous systématiquement cette question :
qu’est-ce qui importe à mon auditoire, que doit-il retenir, où est le
message ?
Voici ces deux possibilités :

Séquencer certains slides pour préserver le suspense


Au final, racontez-nous une histoire

Chaque message est une pierre apportée à la construction de votre


histoire. L’enchaînement de tous les messages tels qu’ils
apparaissent sur vos slides constitue le synopsis de votre
présentation, la colonne vertébrale de l’histoire que vous allez
raconter.

3 Faites vivre votre présentation PowerPoint

Les slides sont prêts : sachez vous mettre en scène et sachez


mettre en scène vos slides.
Soyez clairement visible, vous êtes la « vedette »

Ne vous reléguez pas sur un bout d’estrade sous prétexte que


l’écran prend beaucoup de place. Repérez bien l’espace que vous
pouvez occuper sans vous retrouver pris dans le faisceau de lumière
du vidéo projecteur.

Placez-vous en pleine lumière

Souvent, le présentateur se retrouve dans une semi-pénombre sous


prétexte de favoriser une bonne lisibilité des slides. Demandez à
être bien éclairé. Comment exister face au public, comment jouer de
toute votre expressivité (visage et gestuelle) si toute la lumière est
focalisée sur l’écran ?

Restez en « posture ouverte » vers le public

Évitez de commenter vos slides en tournant tout votre corps vers


l’écran. Il faut tricher légèrement en laissant les pieds ouverts en
direction du public et en tournant simplement le buste vers l’écran. Si
vous devez indiquer une zone de l’image, faites-le avec votre main
la plus proche de l’écran (ne vous fermez pas).
Évitez le pointeur et ce point rouge tremblotant et peu
esthétique qui vous donne un côté sniper pointant sa cible. Si
vous devez rentrer dans la lumière du projecteur, faites-le très
ponctuellement.

Donnez vie à vos slides, pas de mot à mot

Une aide visuelle est un support, pas une antisèche. Au besoin,


préparez-vous des fiches avec mots-clés de façon à pouvoir vous
libérer des slides. Le plus élégant et efficace est d’avoir l’écran de
votre ordinateur en mode présentateur avec visualisation du slide
suivant. Évitez de relire ce qui est déjà écrit. Où est votre plus-
value ?
Conduisez le regard du public

Vous regarder vous ou bien regarder l’écran ? Ne laissez pas le


choix au public !
• Si vous voulez qu’il vous regarde et vous écoute, prenez le
devant de la scène et captez le public du regard.
• Si vous voulez qu’il regarde les visuels, rejoignez l’écran et
tournez le regard vers ce dernier. Au besoin, faites silence pour
laisser au public le temps de découvrir le visuel.
• Si vous voulez jouer sur les deux tableaux, soyez tout près de
l’écran, le regard tour à tour adressé au public ou dirigé vers
l’écran.

Annoncez les visuels à venir

Oui, le plus souvent, vous avez intérêt à annoncer le slide et


seulement alors la faire apparaître. Sinon, c’est l’apparition du slide
qui marque la transition vers un nouveau chapitre. Il précède votre
parole, le danger est grand de vous voler la vedette et de vous faire
jouer un simple rôle de commentateur.

Utilisez une télécommande

C’est d’une évidence totale, c’est ce que font presque tous les
présentateurs des Ted Talks et pourtant c’est loin d’être la règle.
Trop de présentateurs vont chercher les petites flèches de leur
ordinateur ou s’en remettent à une tierce personne. En restant le
maître de jeu vous avez tout le loisir de choisir le bon tempo
d’apparition des slides.

Sachez faire le noir écran

Il existe une touche très pratique sur le clavier de votre ordinateur


pour faire disparaître la projection et faire un noir écran : la touche N
(comme noir) sur les claviers français ou B (comme black) sur les
claviers anglais.
1. Charisme : « Don particulier conféré par grâce divine » – ascendant « suscité par une
personnalité exceptionnelle », Le Robert.
2. Si l’on excepte certains discours de Fidel Castro (son record : plus de huit heures)…
1. La mémoire privilégie deux temps forts : le début (effet de primauté), c’est-à-dire
l’introduction, et le plus récent (effet de récence), c’est-à-dire la conclusion.
1. C’est Elisabeth Kübler-Ross qui l’a formalisée avec ces différentes étapes : Déni /
Colère / Dépression / Acceptation / Renaissance.
1. Lire Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc, E. Herrigel, 1948.
1. Bellenger L., La confiance en soi, ESF, 1994.
1. Médecin et chercheur en biologie.
1. Congruence : concordance entre le non-verbal et le discours.
2. Les spécialistes appellent ce type de regard : défocalisé. Car, à cet instant, le regard
ne se focalise plus sur un visage, sur un interlocuteur, mais se fixe au loin, dans le vide.
1. D’après B.W. Tuckman, adapté par Sashkin et Morris, Organizational Behavior
Concepts and Experiences, Reston Pub Co, 1984.
2. Psychologue américain.
1. L’empathie (en grec : « ressentir dedans ») désigne la capacité de se mettre à la
place d’autrui, sans s’identifier ni juger, pour ressentir sa réaction et comprendre sa
logique.
1. D’après le neurobiologiste Jean-Didier Vincent : Biologie des passions, Éditions Odile
Jacob, 2006.
2. Nous nous inspirons ici d’abord des développements très complets apportés par Ned
Herrmann dans son ouvrage fondateur : Les dominances cérébrales et la créativité,
Retz, 1988 ; puis de nombreux ouvrages spécialisés et… de revues d’arts martiaux.
3. In Dominique Chalvin et Christine Rubaud, Utilisez toutes les capacités de votre
cerveau, ESF, 1995.
4. Ned Herrmann a publié l’ensemble de ses recherches en 1988 : Les dominances
cérébrales et la créativité, Retz (traduit en français en 1992).
1. C’est un indicateur de la qualité de la transmission d’une information (utilisé dans le
domaine des radars par exemple).

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