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Arbitrage international - La solidarité dans le contrat d'arbitre international -

Note sous arrêt par Sylvain Bollée


Document: La Semaine Juridique Edition Générale n° 13, 27 Mars 2017, 339

La Semaine Juridique Edition Générale n° 13, 27 Mars 2017, 339

La solidarité dans le contrat d'arbitre international


Note sous arrêt par Sylvain Bollée professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne)

Arbitrage international

Accès au sommaire

La Cour de cassation consacre, en matière d'arbitrage international, le caractère solidaire de l'obligation des parties au paiement
des honoraires des arbitres. Cette solidarité, supposée valoir indépendamment de toute référence à une loi étatique, paraît
résulter d'une nouvelle règle matérielle internationale.

Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 15-25.687, P+B+I : JurisData n° 2017-001464

LA COUR - (…)

Sur le moyen unique :

(…)

• Attendu que la société Getma fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux arbitres à titre de
provision, alors, selon le moyen : (…)

• Mais attendu qu'après avoir relevé le caractère international de l'arbitrage, la cour d'appel, qui n'avait pas à se
référer à une loi étatique, en a exactement déduit, par une décision motivée, que la nature solidaire de l'obligation
des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d'arbitre, de sorte que cette
dernière, non discutée en son montant, n'était pas sérieusement contestable ; que le moyen, qui, en ses quatrième
et cinquième branches, critique des motifs surabondants de l'arrêt, n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

• Rejette le pourvoi ; (…)

Mme Batut, prés., M. Matet, cons.- doyen rapp., MM. Reynis, Vigneau, Mmes Reygner, Bozzi, cons., MM. Mansion,
Roth, Mmes Guyon-Renard, Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, cons.- réf., M. Sassoust, av. gén. ; SCP
Hémery et Thomas-Raquin, SCP Ortscheidt, av.
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Si, depuis l'arrêt Dalico (Cass. 1re civ., 20 déc. 1993 : Rev. crit. DIP 1994, p. 663, note P. Mayer ; JDI 1994, p. 432,
note E. Gaillard ; JDI 1994, p. 690, note E. Loquin ; Rev. arb. 1994, p. 116, note H. Gaudemet-Tallon), la Cour de
cassation affirme avec constance qu'elle entend soustraire la convention d'arbitrage international à l'application de
la méthode du conflit de lois et même de toute loi étatique (V. ainsi, récemment, à propos d'une question de pouvoir
mettant en cause la validité de ladite convention, Cass. 1re civ., 16 mars 2016, n° 14-23.699 : JurisData n° 2016 -
004643 ; Rev. arb. 2016, p. 816, note L. d'Avout), cette jurisprudence singulière ne s'était pas distinguée, jusqu'ici,
par une capacité d'expansion au-delà du champ qu'elle s'était initialement assignée. L'arrêt Getma du 1er février
2017 marque à cet égard une évolution notable : désormais, c'est également à propos du contrat d'arbitre,
incarnation technique de la relation entre les parties et les arbitres, que la haute juridiction écarte toute référence à
une loi étatique dès lors que l'arbitrage présente un caractère international.

Les circonstances du litige peuvent être rappelées sommairement. Tout partait d'un différend relatif à un contrat de
concession portuaire qui avait été conclu entre une société française, Getma international, et la République de
Guinée. Ce différend avait donné lieu à un arbitrage devant la Cour commune de justice et d'arbitrage et de
l'OHADA, au cours duquel était intervenu un accord quant au montant total des honoraires des arbitres. Après la
reddition de la sentence, une difficulté s'est élevée autour du paiement de ces honoraires, la République de Guinée
refusant de payer la part lui incombant. Les arbitres ont alors assigné en référé la société Getma international, aux
fins d'obtenir une provision égale à la part impayée. La question s'est ainsi posée de savoir si l'obligation des
parties envers les arbitres présentait ou non un caractère solidaire.

Appelée à se prononcer, la cour d'appel de Paris a considéré que l'obligation était solidaire et a condamné la
société Getma international (CA Paris, Pôle 1, ch. 1, 30 juin 2015, n° 15/04910 : RDC 2016, p. 75, obs.
M. Laazouzi). Pour justifier cette solidarité, l'arrêt d'appel faisait état de considérations de trois ordres. Les
premières tenaient aux caractéristiques intrinsèques du contrat d'arbitre : celui-ci est conclu à titre onéreux et
donne lieu, du côté des arbitres, à une mission exercée dans l'intérêt commun des parties. L'arrêt affirmait, ensuite,
que la solidarité était « conforme aux usages de l'arbitrage commercial international ». Enfin, selon la Cour, la
nature solidaire de l'obligation était « corroborée » par les termes du règlement d'arbitrage OHADA, dont
l'article 11.2 prévoit que si les provisions sont dues à parts égales par les parties, leur versement pourra être
effectué en totalité par l'une en cas de défaillance de l'autre.

Un pourvoi a alors été formé, qui contestait la pertinence de ces différents fondements et invitait à en revenir au
principe central selon lequel la solidarité, en droit français, ne se présume pas et ne peut résulter que d'une clause
contractuelle ou d'une disposition légale dérogatoire, faisant ici défaut. Un argument supplémentaire tenait à ce qu'il
existait à tout le moins une contestation sérieuse, obstacle à l'intervention du juge des référés.

La Cour de cassation rejette ce pourvoi par une formule quelque peu sibylline : « après avoir relevé le caractère
international de l'arbitrage, la cour d'appel, qui n'avait pas à se référer à une loi étatique, en a exactement déduit,
par une décision motivée, que la nature solidaire de l'obligation des parties au paiement des frais et honoraires
résultait du contrat d'arbitre, de sorte que cette dernière, non discutée en son montant, n'était pas sérieusement
contestable ».

Cette motivation ne fait pas ressortir explicitement à quel titre l'obligation pesant sur les parties est considérée
comme solidaire. Le seul enseignement immédiat, à la lecture de la décision, est d'ordre négatif : ce n'est pas dans
une loi nationale que la solidarité est réputée puiser sa source. Il n'est pas difficile, cependant, de discerner le
véritable fondement de la solution : il s'agit d'un nouvel avatar de la méthode des règles matérielles internationales
(1) , dont la compatibilité avec le règlement Rome I est loin d'être assurée (2) .

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1. Une nouvelle avancée de la méthode des règles matérielles internationales

Si les arrêts de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Paris se rejoignent quant au résultat (V. déjà, en
faveur de la solidarité : CA Paris, 1re ch. C, 13 déc. 2001 : Rev. arb. 2003, p. 1312, note H. Lécuyer), les prémisses
sur lesquels ils reposent apparaissent au contraire sensiblement divergentes. Une première différence essentielle
est que si la Haute juridiction déclare répudier toute référence à une loi étatique – on va revenir sur ce point – la
cour d'appel de Paris semblait avoir implicitement raisonné sur la base du droit interne français , aucune
des parties n'ayant apparemment allégué que la solution du litige devait être recherchée dans un droit étranger.
Partant de là, l'affirmation de la solidarité supposait de vaincre l'obstacle représenté par l'ancien article 1202 du
Code civil(V. aujourd'hui C. civ., art. 1310, issu de l'ordonnance du 10 février 2016), faisant de l'absence de
solidarité la règle. La cour d'appel, on l'a dit, avait mis en avant trois raisons de tenir l'obligation pour solidaire (pour
une autre justification, V. C. Jarrosson, note ss CA Paris, 1re ch. C, 19 déc. 1996 : Rev. arb. 1998, p. 124, n° 11).
Toutes étaient certainement défendables, mais chacune avait ses faiblesses, au point que l'on pouvait avoir le
sentiment que les juges avaient éprouvé le besoin de compenser par le nombre la part de fragilité que recelait
chaque fondement considéré de manière isolée.

La référence au caractère d'intérêt commun de la mission des arbitres, d'abord, sonnait comme un écho à
l'article 2002 du Code civil, dont il résulte que lorsqu'un mandataire a été constitué par plusieurs personnes pour
une affaire commune, chacune d'elles est tenue solidairement envers lui de tous les effets du mandat. L'arbitre
n'est certes pas un mandataire (V. cependant V. Heuzé, Une variété de transactions : la convention d'arbitrage,
Rev. arb. 2015, p. 3, n° 48 et s.), mais l'idée qui est au départ de la solidarité de l'article 2002 apparaît bien moins
liée à la nature juridique de la mission confiée au tiers – représentation ou autre – qu'au fait qu'elle ait profité à
toutes les parties. Il est d'ailleurs arrivé à la jurisprudence de faire une application un peu extensive de
l'article 2002 ; ainsi, au profit du notaire sollicité par une pluralité de parties (Cass. req., 5 nov. 1888 : DP 1889, 1,
p. 404. – Cass. req., 30 janv. 1889 : DP 1889, 1, p. 400). Pareille approche pourrait raisonnablement bénéficier aux
arbitres, dont la mission intéresse tout aussi bien, par hypothèse, chacune des parties. Il est permis de voir là un
fondement convaincant (V. déjà T. Clay, L'arbitre : Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de Thèses, 2001, n° 890), mais
l'objectivité oblige à admettre que celui-ci n'est pas à l'abri de toute discussion. On pourrait en effet faire valoir que
la solidarité prévue en matière de mandat est une exception à la règle générale de l'ancien article 1202, et qu'en
conséquence son champ d'application doit rester strictement conçu : exceptio est strictissimae interpretationis.

S'agissant, ensuite, de l'existence d'un usage dont résulterait la solidarité des parties à l'égard des arbitres, elle
n'apparaissait pas parfaitement assurée et, de fait, était contestée. Il est certes probable qu'une conviction assez
générale, dans le milieu de l'arbitrage, est qu'une telle solidarité est dans l'ordre des choses : elle s'accorde
naturellement avec l'idée que les arbitres accomplissent leur mission dans l'intérêt collectif des parties (rappr. T.
Clay, préc., spéc. n° 889). Mais de cette conviction commune à un authentique usage, il y a peut-être un pas, et
l'on peut au demeurant se demander si la défaillance d'une partie dans le paiement des honoraires des arbitres est
une hypothèse suffisamment fréquente pour avoir donné lieu à une véritable pratique dont se dégageraient des
enseignements fermes et, en définitive, une norme de conduite.

La référence au règlement d'arbitrage OHADA, enfin, n'était pas non plus d'une solidité à toute épreuve. Celui-ci
prévoit bien, à son article 11.2, qu'en cas de non-paiement par une partie de la provision due par une partie l'autre
« pourra » avancer la somme manquante. Mais cette disposition ne témoigne pas nécessairement de l'existence
d'une obligation solidaire : elle peut aussi se comprendre comme prévoyant la simple faculté pour une partie de se
substituer à celle défaillante pour éviter tout blocage de la procédure arbitrale (V. M. Laazouzi, note préc., spéc.

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n° 8). L'existence d'une faculté plutôt que d'une obligation ressort assez clairement, du reste, des termes de la
disposition équivalente du règlement d'arbitrage CCI (art. 37, 5).

La Cour de cassation ne s'embarrasse pas de ces différents fondements possibles. Elle coupe court à toute
discussion en s'arrêtant au « caractère international de l'arbitrage », dont la cour d'appel est réputée avoir
« exactement déduit » la solidarité. Le fondement ainsi donné à la solidarité se situe, manifestement, sur un tout
autre plan que ceux dont il était question dans l'arrêt d'appel : en soi, l'internationalité de l'arbitrage ne dit rien sur la
pertinence de l'argument tiré du caractère d'intérêt commun de la mission des arbitres, sur l'existence d'un usage
ou sur l'interprétation de l'article 11.2 du règlement d'arbitrage OHADA. Il faut donc comprendre que pour la Cour
de cassation, cette internationalité est par elle-même une raison suffisante de conclure au caractère solidaire de
l'obligation des parties envers les arbitres. Ceci appelle deux observations.

D'une part, la solution est évidemment en décalage avec celle du droit interne, par rapport à laquelle la cour d'appel
et les parties elles-mêmes avaient jusqu'ici raisonné. La Haute juridiction se refuse à y voir un obstacle puisqu'elle
affirme qu'il n'y avait « pas à se référer à une loi étatique », désactivant par là les dispositions du droit civil.

D'autre part, il faut s'arrêter sur ce à quoi peut tenir la corrélation ainsi établie entre l'internationalité de l'arbitrage et
la solidarité de l'obligation des parties. La circonstance que l'arbitrage « mette en cause des intérêts du commerce
international » (V.CPC, art. 1504) est une donnée purement factuelle qui, en soi, n'implique rien ; comme n'importe
quel fait, elle n'emporte de conséquences juridiques qu'autant que la règle de droit applicable le prévoit. Il faut donc
bien admettre que la Haute juridiction ne se borne pas à écarter la règle du droit civil interne : elle lui
substitue une règle matérielle internationale , instituant une solidarité de plein droit.

La seule hésitation possible, quant au procédé à l'œuvre, concerne la mesure dans laquelle la Cour de cassation
entend y recourir. L'arrêt ne permet pas de dire avec certitude s'il s'agit d'un recours ponctuel à la méthode des
règles matérielles, c'est-à-dire limité à la question de la solidarité, ou si c'est l'intégralité du régime du contrat
d'arbitre qui se trouve soustrait à la méthode du conflit de lois. Sans se livrer à une entreprise de divination, on peut
être tenté de tenir la seconde interprétation pour plausible, dans la mesure où elle correspond à la manière dont la
jurisprudence, depuis l'arrêt Dalico, traite la convention d'arbitrage. L'arrêt Getma témoignerait, ainsi, d'une volonté
d'étendre cette approche à un contrat qui, pour être bien distinct de la clause d'arbitrage, ne s'en situe pas moins
dans son orbite immédiate. Au soutien de cette lecture, on peut d'ailleurs relever que les termes de l'arrêt Getma
paraissent sonner comme un coup de chapeau à l'arrêt Dalico, selon lequel l'existence et l'efficacité de la clause
compromissoire s'apprécient « sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique ».

2. Un effacement discutable du règlement Rome I

Par hypothèse, le terrain ainsi gagné par la méthode des règles matérielles internationales correspond,
mécaniquement, à un terrain perdu par la méthode du conflit de lois. Le problème est que si, s'agissant de la
clause d'arbitrage, le procédé n'appelait pas d'objections particulières au niveau de sa légalité, il en va autrement
en ce qui concerne le contrat d'arbitre. En effet, celui-ci est avant tout un contrat et devrait se voir appliquer, en
conséquence, la loi nationale désignée par le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
Les choses, à cet égard, ne se présentent pas du tout sous le même jour que pour la convention d'arbitrage, qui est
formellement exclue du champ d'application du règlement (art. 1er, § 2, e, visant au titre des exclusions « les
conventions d'arbitrage et d'élection de for »). L'applicabilité du règlement Rome I au contrat d'arbitre a certes pu
être contestée (V. notamment sous l'empire de la Convention de Rome de 1980 : T. Clay, préc., spéc. n° 995 et s.),
mais elle peut se recommandeur de forts arguments.

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À cet égard, il faut partir de l'idée que les règles de conflit posées par le règlement Rome I constituent le droit
commun des contrats internationaux en matière civile et commerciale. Comme telles, elles ont vocation à
s'appliquer à tout contrat, sauf à ce que celui-ci soit spécialement exclu du champ d'application matériel du
règlement (défini à l'article 1er) ou bien relève soit d'autres dispositions du droit de l'Union européenne (V.PE et
Cons. UE, règl. (CE) n° 593/2008, art. 23), soit d'une convention internationale préexistante (V.PE et Cons. UE,
règl. (CE) n° 593/2008, art. 25). Or aucun de ces motifs d'inapplicabilité du règlement n'existe a priori en ce qui
concerne le contrat d'arbitre : celui-ci n'est l'objet d'aucun autre instrument européen ou international, et il ne figure
pas davantage dans la liste des exclusions de l'article 1er, paragraphe 2. La seule exclusion à laquelle on songe
est celle, déjà évoquée, de la convention d'arbitrage. Mais le contrat d'arbitre ne se confond pas avec cette
dernière, et il ne faut pas perdre de vue que les exclusions sont fondamentalement des exceptions au principe de
l'applicabilité du règlement aux obligations contractuelles. La démarche normale doit donc être de les interpréter de
manière stricte plutôt que de manière extensive, au moyen d'analogies.

De fait, il est instructif de considérer le rapport Giuliano-Lagarde concernant la Convention de Rome du 19 juin
1980, dans laquelle l'exclusion des conventions d'arbitrage était déjà prévue en des termes identiques. À la lecture,
ce rapport ne fournit guère d'arguments en faveur d'une conception extensive de la portée de cette exclusion, et
donne même plutôt le sentiment que celle-ci s'expliquait par des considérations qui, pour l'essentiel, étaient bien
limitées à la convention d'arbitrage. Les considérations invoquées par les délégations nationales favorables à cette
restriction du champ d'application de la Convention tenaient notamment au souci d'éviter la multiplication des
conventions internationales en la matière (la Convention de New York de 1958, en particulier, prenant déjà parti sur
la loi applicable à la convention d'arbitrage), à la complexité particulière de la question et la très grande divergence
des propositions des experts, ou encore à la difficulté de dissocier les aspects contractuels des aspects
procéduraux et de l'arbitrabilité qui, eux, auraient de toute façon été exclus. Ces considérations ne sont pas
particulièrement transposables au contrat d'arbitre, et on peut voir là une raison supplémentaire de s'en tenir à la
lettre de l'article 1er, paragraphe 2, e), du règlement, en considérant que la portée de l'exclusion se limite aux
seules conventions d'arbitrage .

L'applicabilité du règlement Rome I au contrat d'arbitre ne rend certes pas totalement impossible le recours à des
règles matérielles internationales, mais en toute rigueur elle devrait peser sur leur mode d'application et,
corrélativement, limiter la fréquence de leur intervention. Le règlement, bien sûr, n'interdit pas la coexistence au
sein de l'ordre juridique français de deux règles distinctes : l'une destinée aux situations internes, l'autre aux
situations internationales. Mais ces règles, quoi qu'on en ait, restent des composantes du droit français et leur
applicabilité devrait, dès lors, être subordonnée à la désignation préalable de la loi française par les dispositions du
règlement Rome I. Le prétendu rejet de tout rattachement à une loi étatique, qui n'est en fait qu'une manière de
conférer un titre d'application spatiale illimité à des règles de droit français, n'a pas sa place ici.

D'un point de vue pratique, l'application du règlement au contrat d'arbitre ne devrait pas soulever de difficultés
insurmontables. En dehors du cas où le contrat aurait été expressément soumis à une certaine loi, une distinction
devrait s'imposer entre deux situations. La première, la plus simple, est celle où tous les arbitres ont leur résidence
habituelle dans le même pays : il ne fait alors guère de doute que la loi de ce pays devrait s'appliquer au titre de
l'article 4, paragraphe 2 (ou 4, § 1, b, si l'on voit dans la mission d'arbitre une prestation de services), les arbitres
étant sans conteste les débiteurs de la prestation caractéristique. La seconde situation est celle où, au contraire,
les arbitres sont établis dans des pays différents. Dans ce cas, il conviendrait de faire application de l'article 4 § 4
qui, en cas de défaillance des rattachements des paragraphes 1er et 2, donne compétence à la loi du pays ayant
les liens les plus étroits avec le contrat. Cette loi pourrait raisonnablement être considérée comme étant celle du
siège, qui dans la pratique contemporaine persiste à faire figure de centre de gravité de l'arbitrage.

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La jurisprudence française, on s'en doute, n'adoptera pas volontiers ces solutions, qui tranchent nettement avec les
conceptions sur la base desquelles a été édifié un volet important du droit français de l'arbitrage international. On
veut malgré tout espérer qu'elle trouvera dans le nécessaire respect du règlement Rome I une raison de concéder
à la méthodologie classique du droit international privé – une fois n'est pas coutume – une place dans le domaine
de l'arbitrage.

Mots clés : Arbitrage international. - Arbitres. - Honoraires. - Solidarité au paiement des honoraires

Textes : CPC, art. 809

Encyclopédies : Droit international, fasc. 780, par Alexis Mourre et Alexandre Vagenheim

Autres publications LexisNexis : Fiche pratique n° 288 : Recourir à l'arbitrage, par Philippe Cavalieros. - Fiche
pratique n° 2673 : Introduire une procédure d'arbitrage, par Thierry Tomasi

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