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Responsabilite Civile s3 DF - El Bacha-Bensouda
Responsabilite Civile s3 DF - El Bacha-Bensouda
Cours
Droit des obligations
Les faits juridiques
Chargés du cours
Professeurs
Farid EL BACHA
Halima BENSOUDA
2020
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
I - OUVRAGES GENERAUX
- MALINVAUD (Ph.) : Droit des obligations, les mécanismes juridiques des relations
économiques, 10ème éd. 2007.
- TERRE (F), SIMLER (P) LEQUETTE (Y) : Les obligations, 10ème éd., Dalloz, 2009.
- BENABENT (A) :Droit civil, Les obligations, Coll.Domat droit privé, Paris, Montchrestien,
2014.
- BRUSORIO-AILLAUD ( M) :Droit des obligations, Coll.Paradigme, 2015-2016.
- ﻣطﺎﺑﻊ دار، اﻟﻧظرﯾﺔ اﻟﻌﺎﻣﺔ ﻟﻼﻟﺗزاﻣﺎت ﻓﻲ ﺿوء ﻗﺎﻧون اﻻﻟﺗزاﻣﺎت واﻟﻌﻘود اﻟﻣﻐرﺑﻲ ﻓﻲ ﺟزﺋﯾن:ﻣﺎﻣون اﻟﻛزﺑري
.1974 اﻟﻘﻠم ﺑﯾروت
- ، دراﺳﺔ ﻋﻠﻰ ﺿوء اﻟﻘﺿﺎء واﻟﻔﻘﮫ دار اﻷﻣﺎن، وﺟﮭﺔ ﻧظر ﺧﺎﺻﺔ ﻓﻲ اﻟﻘﺎﻧون اﻟﻣدﻧﻲ اﻟﻣﻌﻣق:ﻋﺑد اﻟﻘﺎدر اﻟﻌرﻋﺎري
.2010
2012- . ﻣﻧﺷورات ﺳﻠﺳﻠﺔ اﻟﻣﻌرﻓﺔ اﻟﻘﺎﻧوﻧﯾﺔ، ﻣﻧﺎھﺞ اﻟﻘﺎﻧون اﻟﻣدﻧﻲ اﻟﻣﻌﻣق:أﺣﻣد ادرﯾوش
II – TEXTES DE LOIS
CC :Cour de Cassation
D : Dalloz
TITRE 1
LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE
CHAPITRE PRELIMINAIRE
LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE
SECTION1
PRESENTATION DES DIVERS FONDEMENTS
1°) La garantie
2°) Le principe de précaution
SECTION 2
LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE EN DROIT
POSITIF
TITRE 2
LES FAITS JURIDIQUES DOMMAGEABLES
LA RESPONSABILITE CIVILE
CHAPITRE 1
LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE
SECTION 1
LES REGIMES GENERAUX DE RESPONSABILITE
SECTION 2
LES REGIMES SPECIAUX DE RESPONSABILITE
§1- Les régimes spéciaux prévus par le DOC : la responsabilité du fait des animaux et la
responsabilité du fait de la ruine d’un bâtiment
A - La responsabilité du fait des animaux
B - La responsabilité du fait de la ruine d’un bâtiment
CHAPITRE 2
LE DOMMAGE
SECTION 1
LES CATEGORIES DE DOMMAGES
SECTION 2
LES CARACTERES DU DOMMAGE REPARABLE
CHAPITRE 3
UN LIEN DE CAUSALITE ENTRE LE FAIT GENERATEUR ET LE DOMMAGE
TITRE 3
LES FAITS JURIDIQUES PROFITABLES
LES QUASI-CONTRATS
CHAPITRE 1
LA GESTION D’AFFAIRES
SECTION 1
LES CONDITIONS DE LA GESTION D’AFFAIRES
SECTION 2
LES EFFETS DE LA GESTION D’AFFAIRES
CHAPITRE 2
LE PAIEMENT DE L’INDU
SECTION 1
LES CONDITIONS DE LA REPETITION DE L’INDU
SECTION 2
LES EFFETS DE LA REPETITION DE L’INDU
CHAPITRE 3
L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
SECTION 1
LES CONDITIONS DE L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
1°) Un enrichissement et un appauvrissement corrélatif
2°) Absence de cause de l’enrichissement
SECTION 2
LES EFFETS DE L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
TITRE 1
Selon l’article 1er du DOC, les obligations dérivent des conventions et autres
déclarations de volonté, des quasi-contrats, des délits et des quasi-délits. Les
conventions et autres déclarations de volonté constituent des sources volontaires
d’obligations. Ces dernières ont été voulues, les parties ont voulu assumer les
conséquences de leurs engagements. L’inexécution de ces engagements, le retard
dans leur exécution ou une exécution défectueuse peuvent engendrer une
responsabilité de nature contractuelle.
Les quasi - contrats, les délits et les quasi -délits sont des sources involontaires
d’obligations. Dans toutes ces situations, une personne va se trouver obligée sans
l’avoir voulu et sans avoir voulu assumer les obligations qui seront mises à sa charge.
Il peut s’agir d’un fait qui lui est profitable, comme dans les situations de quasi-
contrats. Il peut également s’agir, et c’est le cas le plus fréquent, de faits
dommageables qui sont à l’origine d’une responsabilité civile. Un dommage est causé,
il doit être réparé si la responsabilité est engagée.
Sur le plan théorique et des principes, la responsabilité civile met en cause toute
l’organisation sociale puisqu’elle délimite le domaine du licite et de l’illicite. Il s’agit
en effet de savoir quand on peut agir impunément et quant on doit répondre de ses
actes dommageables.
Il sera alors plus utile de tenter de répondre à une question essentielle : Pourquoi une
personne est-elle obligée de réparer le dommage causé ? C’est le problème du
fondement de la responsabilité. (Chapitre Préliminaire).
Le contractant qui se plaint de l’inexécution d’un contrat peut-il, si tel est son intérêt,
placer son action en responsabilité sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle ?
Le contractant a –t-il le choix ? Les tribunaux n’admettent pas le principe dit du
« cumul des responsabilités ».Il s’agit en réalité du principe de « non-option ».Tout ce
qui n’est pas contractuel est délictuel. Le contractant victime d’une inexécution d’un
contrat ne peut agir que sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Les règles de
la responsabilité civile délictuelle sont donc sans application lorsqu’il s’agit d’une
faute commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat. La règle du
non cumul peut trouver un fondement dans le principe de la force obligatoire des
conventions. Permettre à la victime d’une inexécution du contrat de s’écarter du
cadre contractuel et d’invoquer d’autres règles constituerait une atteinte à ce principe.
La distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle est
aujourd’hui critiquée .Elle oblige en effet les victimes à rechercher si le responsable
a la qualité de contractant. De plus le législateur créé de plus en plus des régimes de
responsabilité qui unifient la procédure de réparation et dépasse la distinction entre
ces deux types de responsabilité (régime d’indemnisation des victimes d’accidents de
circulation, responsabilité du fait des produits défectueux…).
Par ailleurs la Cour de cassation française a refusé de censurer l’erreur de qualification
commise par les juges du fond lorsque l’application des règles de la contractuelle ou
de la délictuelle conduit au même résultat. (Cass.1ère civ.4 janvier 1995, Bull.civ, I,
n°10).
D’autres distinctions sont alors sont proposées (responsabilité de droit commun et
responsabilités spécifiques, liées à des professions ou à un domaine particulier.)
La distinction garde cependant un intérêt. En matière contractuelle, seul le dommage
prévisible est réparable. Il y a là une règle qui se justifie car le contrat a pour finalité
de prévoir et d’organiser, par anticipation, une relation conventionnelle. Les délais
de prescription sont également différents.
Alors que le code pénal comprend plus de six cents articles, le code des obligations
et contrats consacre moins de trente articles aux délits et aux quasi-délits. Alors que
la responsabilité civile suppose la réalisation d’un dommage, la responsabilité pénale
peut être engagée même en cas de simple tentative (art.114 à 117 du code pénal).
Les domaines des deux responsabilités peuvent cependant se recouper car un même
fait peut constituer un délit pénal et un délit civil. (Le responsable d’un accident de
circulation commis à la suite d’un excès de vitesse peut engager une responsabilité
civile (réparer le dommage causé) et pénale (répondre pénalement de l’infraction
commise : non respect du code la route).Toute infraction donne en effet ouverture
à une action publique pour l’application des peines et, si un dommage a été causé, à
une action civile en réparation du dommage. (article 2, loi 22-01 relative à la
procédure pénale).
Les démarches qui vont conduire aux deux responsabilités ne sont pas identiques.
C’est par l’action publique intentée devant les tribunaux répressifs qu’est déclenchée
la démarche judiciaire pour la sanction de l’infraction commise. C’est devant les
juridictions civiles que la victime d’un dommage porte son action pour obtenir
réparation.
L’action civile et l’action publique peuvent être exercées en même temps devant la
juridiction répressive saisie de l’action publique. (Article 8, loi 22-01 relative à la
procédure pénale). Si la victime exerce l’action civile devant la juridiction répressive
en se constituant partie civile ou par citation directe, elle déclenche ainsi l’action
publique si celle-ci ne l’a pas été par le ministère public et pourra tirer avantage des
preuves rassemblées au pénal. Elle doit cependant prouver qu’elle a personnellement
souffert du dommage causé par l’infraction. L'action civile en réparation du
dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux
qui ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral, directement
causé par l'infraction. (article 7 de la loi 22-01) Cela exclut les victimes par ricochet,
l’assureur et les créanciers.
L’action civile peut être exercée séparément de l’action publique devant la juridiction
civile compétente (article 10 de la loi 22-01). Si le tribunal civil est saisi de l’action
civile et le tribunal répressif de l’action publique, le ministère public peut ne pas
poursuivre pénalement l’auteur du dommage et l’action est alors poursuivie devant
le seul juge civil.
Si le ministère public exerce l’action publique, deux règles s’imposent pour éviter les
risques de contrariété de décisions :
- Le tribunal civil doit surseoir à statuer tant qu’il n’a pas été prononcé sur l’action
publique. On dit que le criminel tient le civil en l’état. L’objectif de cette règle
classique est d’éviter des contradictions entre les deux ordres de juridictions mais elle
peut retarder ou paralyser le procès dans ses aspects civil, commercial ou social.
Afin de parer aux lenteurs de la justice occasionnées par l’application de ce principe,
la loi française du 5 mars 2007 a modifié l’article 4 du Code de procédure pénale en
restreignant sa portée. Ainsi « la mise en mouvement de l'action publique n'impose
pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile,
de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est
susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du
procès civil ».
En dépit de cette décision, il faut admettre que la relaxe laisse, en principe, substituer
la responsabilité civile lorsque cette dernière n’a pas pour fondement une faute. C’est
pourquoi il a été justement décidé que « s’il n’est pas permis au juge civil de
méconnaître ce qui a été nécessairement et positivement jugé par la juridiction pénale,
soit quant à l’existence du fait qui forme la base commune de l’action publique et de
l’action civile, soit quant à la qualification légale, soit quant à la participation du
prévenu à l’événement dommageable, il conserve sa liberté d’appréciation toutes les
fois qu’il ne décide rien d’inconciliable avec ce qui a déjà été jugé au pénal ».(Trib.
1re inst. Casablanca, 17-1-1949, R.M.D., 1949, p. 69-78. note H Carteret).
La relaxe au pénal n’exclut donc pas toujours la responsabilité civile. Il en est ainsi
toutes les fois que la faute n’est pas une condition de mise en œuvre de la
responsabilité civile. Il en est également ainsi en cas de tentative punissable n’ayant
pas causé de dommage à la victime.
CHAPITRE PRELIMINAIRE
LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE CIVILE
DELICTUELLE
Un tel fondement suffisait au début du siècle dernier et il inspirait très largement les
règles du code civil français, du DOC et de la jurisprudence. Les accidents étaient
peu nombreux et d’importance minime. L’apparition et le développement du
machinisme dans l’industrie, les transports (notamment la circulation automobile)
multipliaient considérablement les accidents auxquels étaient exposées des personnes
vulnérables, en situation de faiblesse: salariés, piétons…. L’accident était synonyme
de misère et la nécessité d’établir une faute à l’origine du dommage laissait souvent
les victimes sans réparation. Les exigences accrues de sécurité, le développement de
l’assurance, la nécessité de protéger les victimes en situation de faiblesse, les
difficultés de trouver une faute à l’origine d’un dommage devaient conduire à assigner
à la responsabilité un autre fondement : le risque.
C’est une responsabilité objective, causale, fondée sur le lien de causalité objective
entre le préjudice et l’activité du responsable. Il suffit que le dommage se rattache
matériellement à l’activité de son auteur pour que la responsabilité de ce dernier soit
engagée, car celui qui exerce une activité doit en assumer les risques, surtout dans le
cas où cette activité est source de profits.
Celui qui introduit un danger dans la vie sociale doit le faire à ses risques et périls et
non aux risques et périls d’autrui. Toute activité dommageable, même en l’absence
de faute, doit engager responsabilité. C’est le risque créé.
De même, ceux qui tirent profit de leurs activités doivent, par cela même, en
supporter les conséquences dommageables. C’est la thèse du risque profit.
L’homme est ainsi pratiquement tenu de répondre de tous ses actes par le seul fait
qu’ils causent un dommage à autrui. Cela a pu paraître excessif et on a reproché à la
théorie du risque créé le fait que la victime a également agi et contribué à la création
du risque. Dans le risque profit, la victime profite également de son activité (le salarié
victime perçoit un salaire).
3) La théorie de la garantie
4) Le principe de précaution
Ainsi quand des risques particulièrement graves sont encourus, même s’ils ne sont
que potentiels en l’état actuel des connaissances scientifiques et technologiques, la
prudence impose leur prévention à peine de responsabilité sans faute prouvée. C’est
donc le principe de précaution qui permet aux victimes potentielles et pas seulement
actuelles d’obtenir des mesures de prévention afin d’éviter la réalisation de
dommages graves et collectifs de nature écologique, sanitaire….
On constate un déclin certain de la faute (§1) qui conserve malgré tout une place
importante (§ 2). Cela a permis à certains auteurs de parler de « renouveau de la faute
».
Le principe demeure en effet que tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité
de la loi, cause sciemment et, volontairement à autrui un dommage matériel ou moral,
oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu’il est établi que ce fait en est la
cause directe. (Article 77 du DOC). De même, « Chacun est responsable du
dommage moral ou matériel qu’il a causé, non seulement par son fait, mais par sa
faute, lorsqu’il est établi que cette faute en est la cause directe. (Article 78 du DOC.)
Il est de même admis en jurisprudence que « quand des fautes sont imputables à la
fois à l’auteur de la victime et à la victime d’un accident de la circulation, il y a lieu à
partage de responsabilité » (CAR, 1-11-1941, RAC, T XI, p.32).
Les juges du fond, qui relèvent les fautes respectivement commises par le prévenu et
par la victime d’un accident, peuvent légitimement estimer que ces fautes ont toutes
deux concouru à la réalisation de l’accident et procéder en conséquence à un partage
de responsabilité. (C.S. Crim., 19-VII-1962, R.A.C.S., T. III, p. 303). La faute de la
victime peut ainsi réduire ou supprimer ses indemnités.
Selon l’article 752 du DOC, l’indemnité peut être réduite, lorsqu’il est établi que
l’accident dont l’ouvrier a été victime l’a été par son imprudence ou par sa faute. La
responsabilité du maître cesse complètement, et aucune indemnité n’est allouée,
lorsque l’accident a eu pour cause l’ivresse ou la faute lourde de l’ouvrier.
La responsabilité des instituteurs est également fondée sur la faute prouvée . (article
85 bis du DOC .).
On constate ainsi que le droit de la responsabilité combine divers fondements (faute
et risque). En général la loi se limite à préciser les conditions d’exonération du
responsable, desquelles est déduit le fondement. Il arrive parfois que les tribunaux
affichent clairement le fondement qu’ils assignent à un régime de responsabilité.
(CAR, 21-6-1960, GTM 1961, N°1286, p.27 ; Trib 1ère Inst. Fès 27-11-1963, GTM
1964, n 1345 p28).
TITRE 2
LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE CIVILE
CHAPITRE 1
LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE
La loi a prévu trois sortes de faits générateurs, qui correspondent à trois régimes de
responsabilités: le fait personnel, le fait d’autrui et le fait des choses. Contrairement
au DOC, le code civil français fait clairement apparaître cette distinction dans l’article
1384, alinéa 1er selon lequel « on est responsable non seulement du dommage que
l’on cause par son propre fait (fait personnel) mais encore de celui qui est causé par
le fait des personnes dont on doit répondre (fait d’autrui) ou des choses que l’on a
sous sa garde ( fait des choses).
Ce sont les régimes généraux (section 1). Il existe également des régimes spéciaux.
(Section 2).
Une personne peut donc engager sa responsabilité civile pour un dommage qu’elle a
personnellement et directement causé. C’est la responsabilité du fait personnel. (§1).
Une personne peut également engager sa responsabilité pour un dommage causé par
une autre personne. C’est la responsabilité du fait d’autrui (§2). Une personne peut
enfin engager sa responsabilité pour un dommage causé par l’utilisation d’une chose.
C’est la responsabilité du fait des choses (§3). Il existe ainsi plusieurs régimes de
responsabilité civile délictuelle.
C’est le régime de base qui trouve son fondement dans les articles 77 et 78 du DOC.
Article 77 : « Tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause
sciemment et, volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son
auteur à réparer ledit dommage, lorsqu’ il est établi que ce fait en est la cause directe.
Toute stipulation contraire est sans effet. »
Article 78 :« Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé,
non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu’il est établi que cette faute en
est la cause directe.
Toute stipulation contraire est sans effet.
La faute consiste, soit à omettre ce qu’on était tenu de faire soit à faire ce dont on
était tenu de s’abstenir, sans intention de causer un dommage. »
C’est un régime basé sur la faute prouvée. La victime qui agit sur la base de ce régime
doit prouver la faute de l’auteur du dommage pour obtenir réparation. La faute est la
condition préalable de la responsabilité du fait personnel. Il faut nécessairement une
faute dûment prouvée pour que cette responsabilité soit engagée. Ce n’est donc pas
un régime très favorable aux victimes. Que faut-il entendre par faute ?
D’après l’article 78 du DOC, la faute consiste, soit à omettre ce qu’on était tenu de
faire soit à faire ce dont on était tenu de s’abstenir, sans intention de causer un
dommage. Il s’agit de la faute d’imprudence et de négligence, du quasi-délit.
La faute, telle qu’elle peut se dégager des dispositions et applications du DOC et telle
qu’elle est perçue et analysée en jurisprudence implique deux éléments: un élément
objectif, l’illicéité, la violation d’un devoir, et un élément subjectif, l’imputabilité de
cette violation.
La loi pose un ensemble de normes qui s’imposent à tous. Ces normes sont des règles
de conduite sociale. La transgression de ces normes constitue une faute. La faute
civile apparaît ainsi comme un écart par rapport à une norme.
Cette norme est le plus souvent légale ou réglementaire, fixée par un texte (code de
la route par exemple). La faute est alors une violation d’une règle de droit écrit.
Mais il peut s’agir d’un écart par rapport à une norme non codifiée, une règle de
prudence et de diligence. L’auteur du dommage ne s’est pas comporté comme il
aurait dû le faire, comme se serait conduite une personne normalement diligente
placée dans les mêmes conditions. La faute est ainsi une défaillance de conduite, non
pas forcément par rapport à une norme écrite mais par rapport à un comportement
de référence. Le Droit impose ainsi un modèle de conduite et tout écart par rapport
à ce modèle peut être source de responsabilité. Le modèle est celui du « bon père de
famille ».Le DOC consacre le concept. (art.945). Depuis l’ordonnance du 10 février
2016 et suite à la loi du 4 Aout 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les
hommes, le code civil français lui substitue celui de « personne raisonnable » (voir
par exemple l’article 1301-1 où il est dit que le gérant d’affaires est tenu d'apporter à
la gestion de l'affaire tous les soins d'une personne raisonnable).
La responsabilité suppose une comparaison entre « ce qui a été et ce qui aurait dû
être ». Il y eu par hypothèse, un écart de conduite, une défaillance. La Cour de
cassation française a constamment défini la faute comme la violation d’une norme
de conduite (civ. 16 juil 1953, JCP 1953 11. 7792).
L’article 98, al.2 du DOC qui oblige les tribunaux à évaluer différemment les
dommages selon qu’il s’agit de la faute du débiteur ou de son dol procède d’une
vision punitive des dommages –intérêts. Rien cependant n’interdit aux juges
d’appliquer cette disposition. Les juridictions répressives y recours parfois arguant
de leur droit d’évaluer les indemnités, dans les limites des conclusions de la partie
civile, sans être tenues de « spécifier les bases sur lesquelles ils en ont calculé le
montant » (CS Crim, 22-7-1963, RMD, 1964, p.398.)
Il est par ailleurs interdit de souscrire une assurance couvrant les fautes
intentionnelles de l’assuré. Aux termes de l’article 17 alinéa 2 de la loi 17-99 portant
code des assurances , l’assureur ne répond pas, nonobstant toute convention
contraire, des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive
de l’assuré. Seules les fautes non intentionnelles peuvent donc être couvertes par une
assurance.
Il appartient ainsi aux juges du fait de constater les faits desquels ils peuvent déduire
l’existence ou l’absence de faute à la charge de l’auteur ou de la victime d’un
dommage ; mais leur appréciation à cet égard est soumise au contrôle de la Cour
Suprême (CS Civ.9-7-1963, RACS, T.2, p.132).
B - L’imputabilité de la violation du devoir ( élément subjectif )
Il est admis en droit et en jurisprudence qu’il ne saurait y avoir de faute que si l’agent
possède le discernement, c’est-à-dire est à même d’avoir conscience du caractère
illicite de son acte, de pouvoir distinguer le bien du mal. L’acte doit donc être imputé
à son auteur. Un dommage, quelque soit son importance, reste ainsi sans réparation
si son auteur n’a pas conscience, au moment de sa commission, du caractère illicite
de son agissement. La situation est injuste pour la victime qui peut cependant agir
contre les personnes chargées de la surveillance de l’auteur dépourvu de
discernement.
Le mineur répond, au contraire, du dommage causé par son fait, s’il possède le degré
de discernement nécessaire pour apprécier les conséquences de ses actes. »
Sur cette base, les tribunaux ont donc estimé que ne pouvaient « être considérés
comme des fautes au sens des articles 78 et 88 du DOC, les actes accomplis par des
aliénés ou des mineurs en bas – âge, l’un et l’autre sont, en effet, considérés comme
irresponsables pour défaut de discernement ». (CS Civ.15-6-JCS, 1968, n°3, p.20). La
cour suprême a ainsi cassé des arrêts ayant condamné le mineur à réparation. ( Cass.
Crim, 15-4-1983, JCS, 1984, n°33-34, p.166).
En droit français, la rège est différente. Celui qui a causé un dommage à autrui alors
qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation.
(Art.482-2 du code civil). La jurisprudence française a étendu cette règle aux mineurs
dépourvus de discernement. (Arrêt Le Maire :Ass.plén.9 mai 1984, D ; 1984 .525,
concl. Cabannes, note F. Chabas.). Ces solutions se fondent sur une conception
objective de la faute.
Dissocier la faute du discernement permet par ailleurs d’envisager la responsabilité
civile des personnes morales. Ces dernières peuvent répondre des fautes dont elles
se rendent coupables par leurs organes sans que cela exclut la responsabilité de leurs
dirigeants.
La réponse est donnée à l’article 94 du DOC aux termes duquel « Il n’y a pas lieu à
responsabilité civile, lorsqu’une personne, sans intention de nuire, a fait ce qu’elle
avait le droit de faire. Cependant, lorsque l’exercice de ce droit est de nature à causer
un dommage notable à autrui et que ce dommage peut être évité ou supprimé, sans
inconvénient grave pour l’ayant droit, il y a lieu à responsabilité civile, si on n’a pas
fait ce qu’il fallait pour le prévenir ou pour le faire cesser. »
Il ressort de ce texte que le principe est qu’il n’y a pas de responsabilité lorsqu’une
personne exerce un droit dont elle titulaire. « Ne lèse personne qui use de son droit ».
Le commerçant qui exerce une concurrence loyale ne peut être tenu pour responsable
si cela cause préjudice à ses concurrents. Cependant, le titulaire d’un droit qui fait ce
qu’il avait le droit de faire mais dans l’intention de nuire à autrui abuse de son droit
et engage sa responsabilité. L’intention de nuire rend illicite un acte objectivement
licite. Le propriétaire qui élève un mur dans le seul but de gêner son voisin abuse de
son droit de propriété, commet un abus de droit et engage sa responsabilité. Le
caractère absolu du droit de propriété ne fait pas obstacle à un usage abusif de ce
droit.
La jurisprudence française a eu à décider dans de nombreux arrêts, dont le plus
célèbre est l’arrêt Clément Bayard, que le propriétaire abuse de son droit dès lors qu’il
l’exerce dans la seule intention de nuire.
Dans cet arrêt -Clément Bayard (Req. 3 août 1915 D. P. 1917. 1. 79)- le propriétaire
d’un terrain y avait édifié deux carcasses de bois d’une hauteur de 15 mètres,
surmontée de piquets en fer, et séparées l’une de l’autre de quelques mètres. Ces
édifices étaient situés juste en face des hangars de Clément Bayard et avaient pour
seul objectif de gêner ce dernier dans ses manoeuvres sur des dirigeables. La cour de
cassation a estimé que le propriétaire avait agi dans le seul but de nuire et l’a
condamné à démolir les dits édifices.
Les tribunaux ont étendu les applications de l’abus de droit au delà du droit de
propriété : rupture abusive des pourparlers en matière contractuelle, rupture abusive
du contrat de travail…
Les tribunaux exigent une intention de nuire pour sanctionner l’abus de droit. Il a
ainsi été décidé que « celui qui se sert de son droit d’une manière préjudiciable à
autrui, sans intérêt légitime, pour la satisfaction d’un mobile malicieux ou dans le
dessein manifeste de nuire » commet un abus de droit. (Trib. 1re inst. Casablanca,
20-111-1930, G.T.M., 1930, n° 399, p. 116). Dans le même esprit, il a été décidé
qu’une action en justice ne peut donner lieu à dommages-intérêts, pour abus de droit,
que si le demandeur a agi par pure malice, mauvaise foi ou erreur grossière
équipollente au dol. (Trib. 1re inst. Casablanca, 16-11-1952, R.M.D., 1954, p. 37, note
R. Rodière ; Arrêt de la Cour suprême n° 45, 9 février 1958, Arrêts de la Cour
suprême en matière civile, 1958-1996, publication de la Cour suprême, 1997, CS, Civ,
15-8-1979, GTM, n.s,1985, p.11).
De même, commet un abus de droit celui qui, ayant acquis dans l’indivision la moitié
d’une maison immatriculée se refuse à faire inscrire son achat sur le titre foncier, dans
le dessein manifeste d’échapper à l’exercice du droit de préemption par le
copropriétaire. (CAR., 20-VI-1946, R.A.C., T. XIII, p. 532).
Un plaideur qui exerce une voie de recours uniquement pour nuire à son adversaire
abuse de son droit et s’expose non seulement au paiement d’indemnité mais
également à une amende civile. (Art. 164 du code de procédure civile de 1974 qui
sanctionne l’appel purement dilatoire dans la procédure d’injonction de payer).
Il a également été décidé que lorsque la saisie conservatoire apparaît plutôt comme
un acte comminatoire que comme une mesure de sûreté, elle présente un caractère
abusif et il peut être accordé au saisi la réparation du préjudice causé. (CAR., 31-XII-
1935, R.A.C., 1. VIII, p. 431).
La jurisprudence française distingue entre les troubles ordinaires qui doivent être
supportés par les voisins et les inconvénients anormaux de voisinage dont les tiers
sont en droit d’obtenir réparation pour le préjudice qui leur est causé.
C’est la même règle qui est édictée à l’article 92 du DOC en vertu duquel « les voisins
ne sont pas fondés à réclamer la suppression des dommages qui dérivent des
obligations ordinaires du voisinage, tels que la fumée qui s’échappe des cheminées et
autres incommodités qui ne peuvent être évitées et ne dépassent pas la mesure
ordinaire ».
Il est des circonstances qui enlèvent à l’acte dommageable son caractère fautif. Il
s’agit des faits justificatifs. Selon l’article 124 du code pénal, il n'y a ni crime, ni délit,
ni contravention:
1° lorsque le fait était ordonné par la loi et condamné par l'autorité légitime;
Pour sa part, le DOC Article 95 : Il n'y a pas lieu à responsabilité civile dans le cas de
légitime défense, ou lorsque le dommage a été produit par une cause purement
fortuite ou de force majeure, qui n'a été ni précédée, ni accompagnée, d'un fait
imputable au défendeur.
Le cas de légitime défense est celui où l'on est contraint d'agir afin de repousser une
agression imminente et injuste dirigée contre la personne ou les biens de celui qui se
défend ou d'une autre personne.
Par un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation française (29 mars 1991),
il a été décidé que la liste des personnes responsables de l’article 1384 ne présentait
pas un caractère limitatif. (D.1991, 324, note Larroumet.) Sur cette base, la doctrine
française estime que la jurisprudence a ainsi créé une responsabilité générale du fait
d’autrui .Elle est dite générale car elle concerne une catégorie de personnes qui ne
peuvent être regroupées sous une appellation aussi précise que les parents ou les
commettants. Ainsi toute personne qui dispose d’un pouvoir de direction et de
contrôle sur l’activité d’une autre peut engager sa responsabilité pour les dommages
que celle-ci viendrait à causer.
L’article 85 du DOC précise les cas où la responsabilité du fait d’autrui va jouer.
Le père et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par
leurs enfants mineurs habitant avec eux (article 85 al.1). La responsabilité ci-dessus
nous précise l’article 85 du DOC a lieu à moins que les père et mère et artisans ne
prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. La loi
fait ainsi peser sur les parents une présomption de faute. Le dommage causé par
l’enfant présume un défaut d’éducation ou de surveillance.
En jurisprudence française, depuis que la responsabilité des parents n’est plus fondée
sur une présomption de faute, la condition matérielle de cohabitation n’a plus de
justification et les tribunaux ont ainsi admis que la cohabitation demeure lorsque
l’enfant est provisoirement dans un centre médico éducatif ( Cass. 2ème Civ.,9mars
2000, bull.civ., II, N°44.) ou quelques jours chez sa grand-mère ou dans un centre de
vacances.( Cass .crim,29 octobre 2002, Bull.crim, n°197).La cohabitation ne
correspond plus à une communauté de vie mais à la résidence habituelle de l’enfant,
ce qui est particulièrement sévère pour les parents.
Faut-il enfin que le mineur ait commis une faute pour engager la responsabilité des
parents ? Le DOC n’édicte pas une telle condition. Cela peut s’expliquer par la
prééminence de la faute subjective. Les dommages causés par les mineurs dépourvus
de discernement sont, par hypothèse, non fautifs. (Voir article 96 du DOC). Exiger
une faute que le mineur ne peut juridiquement pas commettre rendrait illusoire la
responsabilité des parents pour tous les dommages causés par les enfants dépourvus
de discernement.
La responsabilité des parents repose sur une présomption de faute. Cela signifie que
du dommage causé par l’enfant, la loi déduit une faute des parents, faute d’éducation
ou de surveillance. Il s’agit d’une présomption réfragable, c’est-à-dire que les parents
peuvent l’écarter en prouvant qu’ils n’ont pas commis de faute.
C’est ainsi que les tribunaux ont interprété l’article 85 qui engage la responsabilité des
parents à moins qu’ils ne prouvent « qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu
à cette responsabilité. »
La responsabilité du père en raison des dommages causés par son enfant mineur
habitant avec lui, repose ainsi selon la Cour d’appel de Rabat, sur une présomption
de faute et doit être écartée s’il est établi que tant au point de vue éducation que de
la surveillance, le père s’est comporté comme une personne prudente et n’a pu ainsi
empêcher l’acte dommageable. C.A.R. 24-1-1958, R.M.D., 1961, p. 133-135, note R.
Rodière ; R.A.C., T. XIX, p.390 et CAR, 15-7-1938, RAC, T.IX, p 597).La cour
suprême a par la suite confirmé ce fondement (CS Crim, 3-XII-1964, RACS, T.IV, p
302).
En France, la tendance est à une plus grande sévérité à l’égard des parents. Dans un
premier temps, la cour de cassation se contente d’un acte du mineur qui soit la cause
directe du dommage invoqué par la victime .Pour que soit présumée, sur le
fondement de l’art. 1384 al. 4 du Code civil, la responsabilité des père et mère d’un
mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause
directe du dommage invoqué par la victime. (Arrêt Fullenwarth, Ass. Plén. 9 mai
1984, D 1984.525).
En 1997, elle décide que seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer
un père de la responsabilité de plein droit encourue du fait des dommages causés par
son fils mineur habitant avec lui, optant ainsi pour une réelle objectivisation de cette
responsabilité ( arrêt « Bertrand » , Civ. 2ème, 19 février 1997, Bull. n° 55) .
En 2001, la cour de cassation confirme que la responsabilité des parents n’est pas
subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant. ( Civ 2ème, 10 mai 2001, Bull Civ
II, n°96, JCP 2001, II, 10613, note J /Mouly.). Les parents ne peuvent donc pas
s’exonérer en prouvant que l’enfant a eu un comportement normal, licite,
irréprochable. Des auteurs ont ainsi pu écrire à ce sujet que « la responsabilité de
l’anormalité cède la place à la responsabilité de la normalité ».
Le père, la mère, mais aussi les autres parents ou conjoints répondent des dommages
causés par les insensés, et autre infirmes d’esprit, même majeurs habitant avec eux,
s’ils ne prouvent:
1- Qu’ils ont exercé sur ces personnes toute la surveillance nécessaire :
2- Ou qu’ils ignoraient le caractère dangereux de la maladie de l’insensé:
3- Ou que l’accident a eu lieu par la faute de celui qui en a été la victime.
Sur cette base, il a été décidé qu’il n’existait aucun lien de commettant à préposé entre
le joueur « amateur » d’une association de football et l’association elle-même et qu’il
n’y avait pas lieu, en conséquence, à l’application de l’article 85 du D.O.C. (Trib. 1ère
inst. Casablanca, 15-XI-1937, G.T.M., 1938, n° 756, p. 11).
C’est parce que le commettant commande, use d’une autorité, qu’il a la responsabilité
des actes de son préposé. Le commettant est responsable du dommage causé par le
préposé sur lequel il exerce les pouvoirs d’ordre et de direction.
Il s’agit en réalité d’une responsabilité contractuelle du fait d’autrui qui trouve son
fondement dans l’article 233 du DOC en vertu duquel « Le débiteur répond du fait
et de la faute de son représentant et des personnes dont il se sert pour exécuter son
obligation, dans les mêmes conditions où il devrait répondre de sa propre faute, sauf
son recours tel que de droit contre les personnes dont il doit répondre ». (Pour une
application, voir Cass civ arrêt n° 3621 du 1/3/2004 n.p).
Depuis la loi n°131-13 du 19 mars 2015 relative à l’exercice de la médecine, les
propriétaires des cliniques sont tenus de souscrire un contrat d’assurance couvrant
leur responsabilité directe pour les risques inhérents à l’organisation et au
fonctionnement de la clinique ( article 22).
Les victimes peuvent agir directement contre le médecin évoluant au sein de la
clinique qui assume, en vertu de la loi, sa responsabilité quant aux actes prodigués
aux malades qu’il prend en charge. (Article 87 de la loi relative à l’exercice de la
médecine).Il s’agit d’une responsabilité personnelle.
b- Le dommage doit avoir été causé dans l’exercice des fonctions du préposé
Il s’agit là d’une exigence légale. Les commettants sont responsables des dommages
causés par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Il est des situations où l’application de cette règle ne pose pas de problèmes. Un
chauffeur qui, pendant les heures de travail, blesse un piéton avec le véhicule de
l’entreprise, engagera la responsabilité du commettant. Ce même chauffeur qui,
pendant son congé, blesse un piéton avec son propre véhicule, verra engagée sa
propre responsabilité et non celle de son commettant. Il n’y a, disent les tribunaux,
aucun lien de connexité entre l’acte dommageable et la fonction du préposé. (CAR.,
21-X-1959, R.M.D., 1961, p. 401).
Entre ces deux situations extrêmes se situe ce que doctrine et jurisprudence qualifient
d’abus de fonctions ou de détournement de fonctions. La jurisprudence offre de
multiples situations d’abus de fonctions. Le commettant doit-il, par exemple, être
déclaré responsable de l’accident causé à un tiers par l’explosion d’un détonateur
dont son préposé avait, sans l’en aviser, transporté une caisse à son domicile, estimant
que celui-ci risquait d’être dérobé si elle était laissée dans le chantier de l’entreprise ?
Le propriétaire d’un car est-il civilement responsable de la faute quasi-délictuelle de
son préposé qui, après l’arrivée du car, blesse un voyageur en lançant un colis du haut
de l’impériale ? La responsabilité des commettants s’étend-elle aux dommages
résultant de l’abus de fonction, c’est-à-dire l’acte en vertu duquel le préposé utilise
soit ses fonctions elles-mêmes, soit des moyens mis à sa disposition par le
commettant pour l’exercice de ces fonctions, dans un but étranger à celui qui lui a
été fixé par le commettant ?
Dans le même esprit, il a été décidé que la responsabilité du commettant est engagée
quand le préposé abuse de ses fonctions, notamment en matière de délit de
contrebande commis par son préposé avec l’automobile qu’il était chargé de
conduire, et il importe peu que le préposé ait agi à l’insu ou contrairement aux
instructions du commettant, ou pour son compte personnel. (Trib. 1ére Inst. Kenitra,
17-IV-1951, R.M.D., 1952, p. 133-136; CAR., 13-VII-1951, R.M.D., 1952, p. 133).
De même, le propriétaire d’un véhicule est civilement responsable de l’accident causé
par son préposé, conducteur utilisant le véhicule sur un parcours non prévu par le
commettant et transportant, au mépris de l’interdiction formulée par ce dernier, des
passagers à titre onéreux, dès lors que c’est à l’occasion de ses fonctions et en raison
des facilités qu’elles lui procuraient que le préposé a pu commettre le dommage. (C.S.
Crim., 18-11-1960, R.A.C.S., T. 1, p. 219).
Il a ainsi été décidé que le commettant ne saurait être déclaré responsable d’un
accident dont a été victime une personne transportée dans un camion lui appartenant
et conduit par son préposé, alors qu’en ayant pris place dans ce camion, qui n’était
nullement agencé pour le transport des voyageurs, cette personne ne pouvait ignorer
qu’elle se trouvait en présence d’un abus commis par le chauffeur dans son service.
(CAR., 23-VI-1959, G.T.M., 1959, n°1257, p. 94).
Les tribunaux écartent de même la responsabilité des commettants lorsque le préposé
a été envisagé par la victime de l’acte dommageable comme ayant agi pour son
compte personnel. (CAR., 27-11-1959, G.T.M., 1959, n° 1251, p. 58).
L’exigence d’un lien de connexité ou de relation de cause à effet est souvent invoquée
à l’appui de cette conception restrictive.
Ainsi une personne chargée par des chauffeurs de taxi de surveiller leurs véhicules
en stationnement et de les pousser à la main pour qu’ils gardent leur place dans la file
peut être considérée comme préposée de ces chauffeurs. Mais il n’y a pas de lien de
connexité entre ce rapport de préposition et l’abus de fonction ayant consisté pour
cette personne, non titulaire du permis de conduire, à mettre l’un des taxis en route,
à le conduire à une allure folle tous feux éteints, hors du parc de stationnement, et à
renverser un piéton sur le trottoir. Le chauffeur de ce taxi ne saurait donc être déclaré
responsable de l’accident en qualité de commettant. (C.S. Civ., 26-1-1960, R.A.C.S.,
T. 1, p. 137). Plus récemment et confirmant cette tendance, la Cour Suprême exige «
une relation de cause à effet » entre le fait dommageable et les fonctions du préposé.
(CS Soc.18-3-1975, RJL, 1977, n°126, p.20).
Les artisans sont responsables du dommage causé par leurs apprentis pendant le
temps qu’ils sont sous leur surveillance.
Cette responsabilité, précise l’article 85, a lieu à moins que artisans, comme pour les
pères et mères, ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette
responsabilité.
L’article 85 bis est applicable “ toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors
de la scolarité, dans un but d'éducation morale ou physique non interdit par les
règlements, les enfants ou jeunes gens confiés ainsi audits agents se trouveront sous
la surveillance de ces derniers”.
Cet article substitue la responsabilité de l’Etat à celle de l’instituteur : « La
responsabilité de l’Etat sera substituée à celle de ces agents qui ne pourront jamais
être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ».Pour
la Cour Suprême, « le législateur a entendu instituer une garantie générale et absolue
de la responsabilité civile des membres de l’enseignement public à l’égard des élèves »
( C.S.Adm., 4 mai 1964, GTM, 1964 ; n°1352, p.61).
L’ajout de l’article 85 bis en 1942 est directement inspiré des réformes des lois
françaises du 29 juillet 1899 et du 5 avril 1937 qui, successivement, organisèrent la
substitution de l’Etat aux membres de l’enseignement public et modifièrent le
fondement de la responsabilité des instituteurs. Ces réformes font suite à l’affaire
« Leblanc » où un instituteur ne put s’exonérer de sa responsabilité et se suicida.
( Cass. civ., 31 Mai 1892, DP 1893, p.490).
Selon l’article 88 du DOC, « chacun doit répondre du dommage cause par les choses
qu’il a sous sa garde, lorsqu’il est justifié que ces choses sont la cause directe du
dommage, s’il ne démontre :
1- Qu’il a fait tout ce qui était nécessaire afin d’empêcher le dommage ;
2- Et que le dommage dépend, soit d’un cas fortuit, soit d’une force majeure, soit de
la faute de celui qui en est victime. »
L’article 1384, al 1er du code civil qui a inspiré l’article 88 du DOC, ne faisait
qu’annoncer les régimes particuliers prévus aux articles article 1386 (89 du DOC)
(écroulement ou ruine partielle d’un édifice) et article 1385 (86 du DOC) (fait des
animaux).
La victime d’un dommage résultant de l’explosion d’une machine (une chose) ou
d’un accident d’automobile devait prouver une faute à l’origine du dommage pour
obtenir réparation. Dans cet esprit, il avait été décidé que « la faute restait la première
source de la responsabilité civile et dans ce cas c’est l’article 78 du DOC qui
s’applique. Seul un rôle subsidiaire est dévolu à l’idée de risque qui découle de l’article
88 du DOC ». ( Trib.paix, Casablanca, 17-IV-1931, GTM, 1931, n°451, p.173).
Ce principe allait avoir un essor considérable tout au long du XXème siècle comme
on peut le constater à travers l’analyse du régime de la responsabilité du fait des
choses : l’intervention d’une chose (A), le caractère causal de cette intervention dans
la production du dommage (B) la garde de la chose (C) et les causes d’exonération
du gardien (D).
A - Une chose
Il s’agit en principe de toute chose. L’article 88 s’applique aussi bien aux meubles
qu’aux immeubles. Pendant un temps, les tribunaux ont considéré que « la
responsabilité du propriétaire de la chose, telle qu’elle est établie par l’article 88 du
D.O.C., ne saurait être étendue aux immeubles ». (CAR., 5-XI-1924, G.T.M., 1924,
n° 150, p. 339). (CAR., 28-XI-1936, G.T.M., 1937, n° 714, p. 45). (CAR., 14-1-1944,
R.A.C., T. XII, p. 369). Ils en ont notamment déduit que « le propriétaire d’un
immeuble, dans lequel un incendie a éclaté, n’est pas responsable du préjudice causé
aux immeubles voisins par le sinistre, s’il n’est pas établi que ce sinistre est la
conséquence directe d’une faute à lui imputable. »
Les choses exclues du champ d’application de l’article 88 du DOC sont donc celles
qui sont soumises à un texte particulier, spécifique, prévu par le DOC ( articles 86 et
89 du DOC) et celles sur lesquels personne n’exerce un pouvoir de garde pour que
l’article 88 puisse être invoqué : les choses sans maitre ou abandonnés .Pour favoriser
les victimes, les tribunaux ont tendance à restreindre le domaine des choses sans
maitre.( des graviers projetés par les roues d’un véhicule ont engagé la responsabilité
du propriétaire devenu gardien).
Pour leur part, les dommages causés par des produits défectueux et la responsabilité
civile qui peut en découler sont régis par le la loi n° 24-09 du 17 Août 2011 relative
à la sécurité des produits et des services et complétant le DOC. Ses dispositions ne
portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au
titre du droit commun de la responsabilité contractuelle, délictuelle et d'un régime
particulier de responsabilité en vigueur pour des produits ou des services spécifiques
(article 106-14 de la loi).
B- Le fait de la chose
Pour que la responsabilité du gardien soit engagée, il faut que la chose soit
matériellement intervenue dans la réalisation du dommage. Les tribunaux parlent de
« participation matérielle de la chose au dommage » (CAR, 4-X-1940, RAC, T.X,
p.533).
Il n’est pas nécessaire pour cela qu’il y ait eu contact matériel entre la chose et la
victime du dommage. Si l’article 88 du D.O.C. n’exige pas la matérialité du contact,
encore faut-il que la chose ait participé au dommage, c’est-à-dire que le rapport de
causalité entre les faits allégués et le dommage définitif ait joué la condition
nécessaire. II ne suffit donc pas, pour que la responsabilité du gardien soit engagée,
que la chose ait pu ou ait exercé une influence psychologique sur la victime au
moment de l’accident. (CAR, 22-VI-1956, R.M.D., 1956, p.364). Le fait de la chose
exprime ainsi l’exigence d’un rapport de causalité reliant la chose au dommage.
La charge de la preuve de la causalité et du fait de la chose varie selon les situations.
Si la chose en mouvement est entrée en contact avec la victime, le rôle causal ou actif
est présumé et il appartient à l’auteur du dommage de prouver qu’elle n’a joué qu’un
rôle passif ou normal.
Si la chose était en mouvement mais n’est pas entrée en contact avec la victime ou
si elle était inerte et est entrée en contact avec la victime, le rôle actif n’est pas
présumé et il appartient à la victime de prouver le rôle actif de la chose. (Un escalier
mal entretenu ou en forte déclivité peut avoir joué un rôle actif). Certaines décisions
de jurisprudence française ont cependant admis que « la chose inerte peut jouer un
rôle actif du simple fait qu’elle a été l’instrument du dommage ». (Civ .2éme, 18
sept.2003, JCP 2004, II, 10013, note C. Le Tertre.)
En fait, l’exigence du rôle actif de la chose est nécessaire si l’on veut éviter que la
responsabilité du fait des choses et la réparation qui en découle ne deviennent
automatiques dans tout dommage impliquant une chose. En même temps cela
réintroduit l’idée de faute car la chose n’ayant pas joué un rôle actif est le signe que
le gardien n’a rien à se reprocher.
On retrouve l’idée de faute dans la responsabilité du fait des choses lorsque cette
dernière est écartée parce que la victime a détourné la chose de son usage. ( victime
qui utilise comme plongeoir un tremplin destiné à effectuer des sauts à vélo.( Cass.2e
civ.24 février 2005, Bull.civ.,II, n°52.).Ce n’est pas le gardien – qui n’a rien à se
reprocher- mais la victime qui est à l’origine du dommage.
C- La garde de la chose
L’article 88 du DOC ne définit pas la notion de garde. C’est la jurisprudence qui s’en
est chargée en procédant à la détermination du gardien et en en tirant un certain
nombre de conséquences.
Dans un arrêt célèbre (arrêt Franck), la cour de cassation française décide, dans un
affaire où un voleur s’était emparé d’une voiture et avait écrasé un piéton, que le
propriétaire « privé de l’usage, de la direction et du contrôle de sa voiture, n’en avait
plus la garde » ( Arrêt Franck, Ch. réunies, 2 déc .1941, DC, 1942,25, note G .Ripert).
La garde était ainsi définie et le gardien celui qui avait la maîtrise de la chose. Cette
théorie se fonde sur la théorie de la garde matérielle. La théorie de la garde juridique
aurait conduit à considérer que le propriétaire reste gardien « tant qu’il ne s’est pas
volontairement dessaisi de la chose».
La jurisprudence marocaine est allée dans le même sens. En 1965, la Cour Suprême
considère que le gardien d’une chose est celui qui a sur elle les pouvoirs d’usage, de
direction et de contrôle. (C.S, Civ 2-XI-1965, R.AC, S T, Il, p, 283-284). Elle
confirme les juridictions de fond qui avaient adopté la même définition et en avaient
tiré un certain nombre de conséquences. Le tribunal de première instance de
Casablanca avait ainsi, en 1961, ( G.T.M.,1961, n° 1300, p. 112) décidé que « la
responsabilité pèse en premier lieu sur le propriétaire qui est réputé gardien à moins
qu’il ne prouve qu’au moment où s’est produit le fait dommageable il avait perdu la
garde de sa chose, soit parce que celle-ci lui avait été indûment soustraite, soit parce
qu’il l’avait confiée pour un usage entièrement libre à une personne tenue de l’utiliser
aussi raisonnablement que lui-même. Mais cette responsabilité doit jouer dans toute
sa rigueur si le propriétaire de la chose, tenu d’exercer sur elle un contrôle permanent
et de veiller à ce qu’elle ne cause pas d’accident, ne prouve pas ni n’offre de prouver
qu’il avait délégué à un tiers l’usage, la direction et le contrôle de sa chose, ou qu’il
avait été dépossédé de ces mêmes pouvoirs par l’effet d’un vol ».
Il a de même été décidé que la responsabilité du gardien juridique d’un scooter, cause
d’un accident, ne saurait incomber au propriétaire, puisqu’il avait perdu, en prêtant
l’engin à sa fiancée, alors que lui-même était rappelé sous les drapeaux, le pouvoir
d’user de la chose, de la surveiller et de la contrôler. (Trib. Paix Kenitra, 18-111-1957,
R.M.D., 1958, p. 84-92, note M. Sumien).
Lorsque le propriétaire d’un véhicule a cédé à un tiers la garde de la chose, il ne peut
plus être considéré comme responsable. (Trib. 1re inst. Casablanca, 11-11-1962,
R.M.D., 1962, p. 752).
La non délivrance de la carte grise par le vendeur à l’acheteur n’empêche pas ce
dernier de devenir gardien dès la livraison, dès lors qu’il a un pouvoir de
commandement et de contrôle sur le véhicule. (CAR . 16-11-1960, R.M.D., 1961, p.
129). En cas de vente d’un véhicule, l’acquéreur a la qualité de gardien et engage sa
responsabilité avant même l’accomplissement des formalités de cession. (CS Crim,
14-12-1980, JCS, n°28, p.222).
La garde est en principe alternative et non cumulative. La chose ne peut avoir qu’un
seul gardien. Quand le propriétaire loue une chose lui appartenant, c’est le locataire
et lui seul qui en devient gardien. Les personnes qui ont des titres différents ne
peuvent être cogardiennes (commettant/préposé-propriétaire/locataire).
Il arrive que plusieurs personnes exercent, au même titre, les pouvoirs garde sur une
chose (joueurs d’équipe, groupe de chasseurs…). Selon l’article 99 du DOC « si le
dommage est causé par plusieurs personnes agissant de concert, chacune d’elles est
tenue solidairement des conséquences, sans distinguer si elles ont agit comme
instigateurs, complices ou auteurs principaux. » La règle établie en l’article 99
s’applique au cas où, entre plusieurs personnes qui doivent répondre d’un dommage,
il n’est pas possible de déterminer celle qui en est réellement l’auteur, ou la proportion
dans laquelle elles ont contribué au dommage. Celui qui a été condamné à indemniser
la victime a un recours subrogatoire contre les autres. En effet, selon l’article 100
du D.O.C , « la règle établie en l'article 99 s'applique au cas où, entre plusieurs
personnes qui doivent répondre d'un dommage, il n'est pas possible de déterminer
celle qui en est réellement l'auteur, ou la proportion dans laquelle elles ont contribué
au dommage. Pour une application voir Cass .Civ.25 février 2014, Jurisprudence de
la Cour de Cassation, n°77, p.35.
Une difficulté peut surgir quand des personnes différentes ont un pouvoir d’usage,
de direction et de contrôle sur divers éléments de la chose. En déchargeant des
bouteilles de gaz, une d’entre elles explose et blesse un salarié du transporteur. Si
l’accident a pour origine une mauvaise manipulation des bonbonnes de gaz, une
mauvaise disposition qui a permis l’explosion, c’est le gardien du comportement - en
l’occurrence le transporteur - qui est responsable. Si la bouteille a explosé par suite
d’un vice de fabrication, c’est le propriétaire gardien de la structure qui est
responsable et non le transporteur. C’est la distinction entre la garde de la structure
et la garde du comportement. La distinction paraît juste, il n’y a pas de raison que le
gardien du comportement soit responsable pour un vice de la chose auquel il est
étranger. La garde de la structure repose sur le fabricant et celle du comportement
sur le détenteur, responsable de la manipulation et de l’utilisation défectueuse de la
chose. La loi 24-09 du 17 août 2011 relative à la sécurité des produits et des services
permet à la victime d’agir contre le fabricant sans avoir à recourir à la dite distinction.
La distinction garde de la structure et du comportement réintroduit la notion de faute
dans un régime de responsabilité basé sur le risque. La distinction conduit en effet à
rechercher « subjectivement » quelle personne aurait pu empêcher le dommage.
Enfin le gardien doit avoir une certaine indépendance. La qualité de gardien est
incompatible avec celle de préposé. Il est admis en jurisprudence que la « préposition
implique un lien de subordination et de dépendance incompatible avec les pouvoirs
d’usage, de contrôle et de direction qui constituent le gardien. (CAR, 31-III-1950,
RAC, T.XVI, p.236-237).
L’évènement ne peut être considéré cause étrangère que s’il est extérieur au gardien
lui-même. Le gardien reste donc responsable lorsque le dommage est dû à un vice de
la chose. La rupture d’un câble de commande des freins d’un véhicule automobile ne
saurait être considérée comme un cas fortuit ou de force majeure, le gardien de ce
véhicule ayant l’obligation de s’en prémunir en faisant procéder à toutes vérifications
utiles. Doit donc être accueillie l’action en réparation du préjudice causé à la victime
d’un accident survenu à la suite de la rupture d’un câble de commande des freins.
(CAR., 3-XI-1932, R.A.C., T. VII, p.30).
Les tribunaux apprécient la notion de force majeure et de cause étrangère avec une
certaine rigueur. La rupture d’un câble de frein, le fait d’avoir été ébloui par les phares
d’une voiture venant en sens inverse, la chute de la foudre, l’orage n’ont pas été
considérés cas de force majeure. Il a par contre été jugé que l’accident provoqué par
un enfant de cinq ans qui, jouant sans surveillance sur la route, fait brusquement
irruption sur la chaussée au moment où arrive le véhicule est dû à la faute exclusive
et imprévisible de la victime. (Trib. 1ère Inst. Casablanca, 31-X-1958, G.T.M., 1959,
n°1250, p. 54).
Si le dommage provient d’une cause étrangère qui n’est pas imputable au gardien, par
définition imprévisible et insurmontable, pourquoi faut-il encore exiger qu’il prouve
qu’il a fait a fait tout ce qui était nécessaire afin d’empêcher le dommage ? Prouver la
force majeure n’est–il la preuve que la gardien n’est pas en faute. ?
La cause étrangère est un événement imprévisible et irrésistible que l’on n’a pas pu
prévoir et auquel on ne peut résister, dont on ne peut éviter les effets. Le gardien a
été mis dans l’impossibilité d’éviter le dommage. En maintes occasions, le DOC fait
état d’une force majeure ou un cas fortuit « non imputable à leur faute » …. La preuve
de l’absence de faute n’étant pas exonératoire, l’article 88 ne repose pas sur une
présomption de faute mais bien sur une présomption de responsabilité.
Certains régimes spéciaux de responsabilité sont consacrés par le DOC (§1), d’autres
par des textes particuliers (§2).
§1- Les régimes spéciaux prévus par le DOC : la responsabilité du fait des
animaux et la responsabilité du fait de la ruine d’un bâtiment
Ce texte fait peser sur le gardien de l’animal une présomption de faute puisqu’il peut
se libérer en prouvant qu’il a pris les précautions nécessaires pour l’empêcher de nuire
ou pour le surveiller, c’est-à-dire qu’il n’a pas commis de faute. L’article 86 fait peser
sur le gardien de l’animal une présomption de faute. Il n’existe aucune responsabilité
s’il est prouvé que l’on a pris les précautions nécessaires pour empêcher le dommage
ou que la victime a commis une faute. La responsabilité doit être partagée s’il y a eu
fautes réciproques. (Trib. 1ère inst. Rabat, 24-1-1925, G.T.M., 1925, n° 175, p. 157).
Cette règle se distingue de celle de l’article 1385 du code civil français qui fait peser
sur le propriétaire de l’animal une présomption de responsabilité. Le propriétaire ne
pouvant se libérer qu’en prouvant la cause étrangère. Influencé plus par l’article 1385
du code civil que par l’article 86 du DOC, les tribunaux ont pu, par moments, faire
peser sur le gardien de l’animal une présomption de responsabilité. (C.A.R., 20-XI-
1945, G.T.M., 1940, n° 985, p. 150; R.A.C., T.XIII, p. 150). Il a en effet été décidé
que le propriétaire d’un animal est responsable, aux termes de l’article 86 du D.O.C.,
du dommage causé par cet animal. Il ne saurait se décharger de la présomption de
faute existant à son encontre qu’en prouvant la faute de la victime, la force majeure
ou le cas fortuit. (Trib. 1ère Inst. Fès, 25-XI-1931, G.T.M., 1932, n° 480, p. 45. CAR.,
18-IV-1939, R.A.C., T. X, p. 182). Dans le même esprit, il a été jugé que l’animal
domestique qui a blessé, indirectement, un laboureur engage la responsabilité civile
de son propriétaire qui en est « le gardien », au sens de l’alinéa 1er de l’article 86 du
D.O.C., si celui-ci ne prouve que l’accident provient d’un cas fortuit ou de la faute
de la victime. (CAR, 14-11-1946, R.A.C., T. XIII, p. 442; G.T.M 1940, n° 979, p.
109).
Les juges à qui est soumise une demande de dommages-intérêts, fondée sur « la
présomption de responsabilité de l’article 86 du D.O.C. , doivent rechercher qui, de
la victime ou du propriétaire, avait la garde juridique de la chose ayant causé le
dommage. Le gardien de la chose n’est pas en effet nécessairement son propriétaire.
Spécialement, le chef de culture qui fait le tour de la propriété agricole de son patron,
en montant un cheval docile, dont il a d’habitude la libre disposition, doit en être
considéré comme le seul gardien, alors surtout qu’il exerce ses fonctions dans la
propriété, sans être sous la dépendance de son patron. Dès lors, celui-ci n’est pas
responsable de l’accident survenu à son préposé, alors surtout que le dommage causé
n’est pas dû au comportement de l’animal, mais seulement à la chute de la victime
sur le sol ». (C.A.R., 20-XI-1945, G.T.M., 1940, n°985, p. 150; R.A.C., T. XIII, p.
150).
Lorsqu’un autre que le propriétaire est tenu de pouvoir à l’entretien de l’édifice, soit
en vertu d’un contrat, soit en vertu d’un usufruit ou autre droit réel, c’est cette
personne qui est responsable.
Certaines décisions judiciaires anciennes avaient considéré que ce texte établissait une
présomption de faute à la charge du propriétaire, ce dernier pouvant donc se
décharger de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. (CAR., 5-
XI-1924, R.A.C., 1925, T. III, p. 87 ; CAR., 28-XI-1936, R.A.C., T. IX, p. 201). La
dite présomption n’étant d’ailleurs opposable qu’au propriétaire de l’immeuble ou à
celui qui a la charge de son entretien. (CAR., 5-XI-1924, R.A.C., 1925, T. III, p. 87).
D’autres y avaient vu une responsabilité de plein droit. (CAR., 28-XI-1936, R.A.C.,
T. IX, p. 201).
Les tribunaux ont par ailleurs veillé à ne pas élargir le champ d’application de ce texte.
La responsabilité du fait des immeubles est réglée par l’article 89 du D.OC., lequel
n’établit une présomption de faute que pour les cas expressément déterminés où le
dommage, provenant du fait d’un immeuble, est dû à l’écroulement ou à la ruine
partielle et lorsque l’un ou l’autre de ces événements est arrivé par suite de vétusté,
par défaut d’entretien ou par le vice de construction, ladite présomption étant
opposable au propriétaire de l’immeuble ou à celui qui a la charge de son entretien.
Pour la cour d’appel de Rabat, c’est étendre de façon arbitraire le champ d’application
de l’article 89 du D.O.C que de prétendre y faire entrer les rochers qui, s’élevant au-
dessus du sol, constituent une menace pour les personnes qui passent ou qui
travaillent au-dessous. La chute de ces rochers ne saurait donner lieu à l’application
de l’article 89, c’est-à-dire à une responsabilité de plein droit fondée sur le défaut
d’entretien ou le vice propre, car l’idée d’entretien, comme celle de construction,
suppose un ouvrage de l’homme. (CAR., 28-XI-1936, R.A.C., T. IX, p. 201). Voir
aussi CAR., 5-XI-1924, R.A.C., 1925, T. III, p. 87) ; CAR . 14-1-1944, G.T.M., 1944,
n° 949, p. 48).
Le dahir portant loi n° 1-84-177 du 2.10.1984 fixe les limites, les bases et la procédure
relatives à l’indemnisation des victimes d’accidents causés par des véhicules terrestres
à moteur.
Le texte fixe les modalités d’indemnisation des dommages corporels causés à des
tiers par un véhicule terrestre à moteur soumis à l’obligation d’assurance. Il s’agit non
pas d’une remise en cause des principes de la responsabilité civile mais d’une
barémisation des indemnités, jusque-là laissés à l’appréciation souveraine des
juridictions. Ce régime – régi par un texte particulier- se rattache davantage aux
aspects liés à la réparation du dommage.
En cas de décès de la victime des suites de l’accident, les personnes envers lesquelles
elle était tenue à une obligation alimentaire en vertu des règles de son statut personnel
ainsi que toute autre personne aux besoins de laquelle elle subvenait ont droit à la
compensation de la perte des ressources qu’elles ont subie du fait de sa mort.
L’indemnisation due aux ayants droit de la victime pour perte de ressources du fait
du décès de cette dernière est répartie entre eux, conformément à des pourcentages
prévus par la loi appliqués au capital de référence de la victime, et en prenant en
considération la part de responsabilité imputable à l’auteur de l’accident ou au
civilement responsable.
Les dispositions du dahir ne sont pas applicables à la réparation des dommages
matériels qu’ils soient causés au véhicule ou à tous autres biens se trouvant à
l’intérieur ou à l’extérieur de ce dernier.
La personne à qui incombe la réparation dudit préjudice, aux termes de l’article 63,
peut cependant demander de limiter sa responsabilité à un montant global par
incident. Ce montant est fixé par voie réglementaire.
Pour bénéficier de cette limitation de responsabilité, la personne à qui incombe la
réparation du préjudice doit déposer, auprès du tribunal où l’action est engagée, une
caution dont le montant égale la limite de sa responsabilité. Cette caution peut être
constituée soit par le dépôt d’une somme, soit par la présentation d’une garantie
bancaire ou de toute autre garantie admise par la législation en vigueur. La personne
visée a l’article 63 de la loi n’est pas fondée à se prévaloir d’une limitation de
responsabilité si l’incident est causé par sa faute. L’administration peut imposer à tout
auteur d’une infraction, ayant eu pour conséquence une dégradation de
l’environnement, de remettre en l’état l’environnement lorsque cette remise en l’état
est possible.
L’exploitant est réputé responsable de tout dommage nucléaire causé par un accident
nucléaire survenu dans cette installation nucléaire.
Lorsqu’un dommage nucléaire engage la responsabilité de plusieurs exploitants
d’installation nucléaire, et s’il n’est pas possible de déterminer avec certitude quelle
est la part du dommage attribuable à chacun d’eux, ils en sont conjointement et
solidairement responsables, chacun d’eux à concurrence du montant de leur
responsabilité tel que prévu à l’article 22 de loi.
La loi opte pour un système de responsabilité objectif mais la faute conserve une
place. En effet si l’exploitant d’une installation nucléaire prouve que le dommage
nucléaire résulte, en totalité ou en partie, d’une négligence grave de la personne qui
l’a subie ou que cette personne a agi ou omis d’agir dans l’intention de causer un
dommage, le tribunal compétent peut dégager l’exploitant, totalement ou
partiellement, de son obligation de réparer le dommage subi par cette personne.
Tout exploitant d’une installation nucléaire est tenu d’avoir et de maintenir une
assurance ou une autre garantie financière à concurrence, par accident, du montant
de sa responsabilité civile tel que prévu à l’article 22 de la loi.
Les personnes ayant droit à réparation d’un dommage nucléaire en vertu de la cette
loi peuvent, à leur choix, intenter une action en réparation soit contre l’exploitant
responsable, soit directement contre l’assureur ou contre toute autre personne
fournissant une garantie financière en vertu de l’article 19 de la dite loi.
D- La loi 24-09 du 17 août 2011 relative à la sécurité des produits et des services
Cette loi a pour objet d’établir les exigences que les produits et services mis à
disposition, fournis ou utilisés sur le marché doivent respecter en précisant les
obligations mises à la charge des différents responsables de la mise à disposition sur
le marché des produits et services (producteurs, importateurs, distributeurs) et de
compléter le DOC par un chapitre sur la responsabilité civile du fait des produits
défectueux.
Ce chapitre, qui fixe le régime de cette responsabilité, a été maladroitement rattaché
par la loi à l’article 106 du DOC qui ne concerne que la question de la prescription
de l’action en indemnité.
Désormais, l’article 106-1 du DOC tel que complété par la loi 24/09 pose le principe
que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.
Il y a là une présomption de responsabilité qui pèse sur le producteur. Pour obtenir
réparation, la victime est tenue, selon l’article 106-7 d’apporter la preuve du
dommage qui lui a été causé par le produit défectueux. Elle n’a pas à prouver une
faute du producteur. Ce dernier engage sa responsabilité même si le produit a été
fabriqué dans le respect des règles de l’art ou de normes existantes ou qu’il a fait
l’objet d’une autorisation administrative. Les cas dans lesquels le producteur peut
s’exonérer sont limitativement fixés par la loi :
- le producteur prouve qu’il n’a pas mis le produit à disposition sur le marché ;
- le défaut qui a causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis
en circulation ou que ce défaut est né postérieurement ;
-le produit n’a été ni fabriqué en vue de la vente ou de toute autre forme de
distribution à des fins commerciales, ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son
activité commerciale ;
- le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles obligatoires émanant des
pouvoirs publics, ou que le défaut ne pouvait être décelé dans l’état des connaissances
scientifiques et techniques au moment de la mise à disposition du produit sur le
marché.
Aux termes de l’article 98 du DOC, les dommages, dans le cas de délit ou de quasi-
délit, sont la perte effective éprouvée par le demandeur, les dépenses nécessaires qu’il
a dû ou devrait faire afin de réparer les suite de l’acte commis à son préjudice, ainsi
que les gains dont il est privé dans la mesure normale en conséquence de cet acte.
Au dommage matériel et moral évoqué par le DOC, l’article 7 du code de procédure
pénale ajoute le dommage corporel .L’action civile en réparation du dommage causé
par un crime, un délit pu une contravention appartient à tous ceux qui ont
personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral , directement causé
par l’infraction .
Les droits extra-patrimoniaux n’ayant pas une valeur pécuniaire, et n’étant donc pas
évaluable en argent, le problème de leur réparation a pu être posé. Certains auteurs
se sont en effet farouchement prononcés contre la réparation des dommages
moraux. Ils se fondent sur la différence qualitative entre le bien endommagé (valeur
morale) et le moyen par lequel on entend le restaurer (valeur pécuniaire).
Selon eux, quel qu’en soit le montant offert, l’argent attribué à la victime d’un
dommage moral ne saurait réparer le tort qui lui est causé. La valeur morale n’étant
pas quantifiable, on ne pourrait pas la mesurer et déterminer son équivalent
pécuniaire. Pour ces auteurs, l’allocation d’une indemnité correspondant au préjudice
extrapatrimonial est inefficace et ne saurait se justifier que par la notion de peine
privée, ce qui constitue une atteinte au principe de la séparation de la responsabilité
civile et de la responsabilité pénale.
Ce point de vue est aujourd’hui dénoncé par la plupart des auteurs qui estiment que
l’allocation d’une indemnité peut procurer une satisfaction de remplacement, et que
la faute du responsable doit être nécessairement sanctionnée.
Le dommage doit être légitime , l’action en réparation n’est ouverte que si l’intérêt lésé est
légitime. Il doit s’agir d’un intérêt protégé par le droit.
Un concubin peut –t-il obtenir réparation pour le préjudice matériel et/ou moral en
cas de décès de son partenaire ? Pendant longtemps, les tribunaux français,
considérant le concubinage comme une situation immorale, refusaient d’admettre
l’action en réparation.
Avec la reconnaissance du concubinage par les tribunaux, la cour de cassation décida,
d’abord en 1937 puis en 1970, que l’article 1382 du code civil pouvait être invoqué
même en l’absence de lien de droit entre le défunt et le demandeur.(Cass.ch.mixte,
27 février 1970,arrêt « dangereux », Bull.ch.mixte, n°82.
Par contre, l’intérêt légitime n’est pas violé lorsque les parents ont un enfant alors
qu’ils n’en souhaitent pas et par conséquent l’échec d’un IVG n’est pas un préjudice
réparable. Il est apparu moralement choquant et contraire à l’intérêt de l’enfant de
qualifier sa naissance de préjudice.
Au Maroc, la Cour suprême a tout d’abord refusé l’action de l’enfant pour décès
accidentel de son père adultérin. Le demandeur d’une indemnité doit justifier non
d’un dommage quelconque mais de la lésion d’un intérêt légitime juridiquement
protégé. ( Cass.civ.21-10-1952, RMD, 1955, p.217.) Dix années plus tard, elle
accueille l’action en réparation du préjudice résultant de l’abandon par un père de ses
enfants adultérins .Une telle action, selon la cour suprême, ne tend ni à maintenir
l’état de concubinage, ni établir une filiation adultérine, mais trouve sa source dans
une situation de fait génératrice d’un droit à réparation fondé sur les articles 77et 78
du DOC en raison du préjudice résultant de l’abandon fautif des enfants par leur
père. ( C.A.R. 31 janvier 1958. R.M.D. p. 182 note Pansier, C.S. Ch. Civ. 13 nov.
1962. RA.C.S. Ch. Civ. 1) .De même, dans un procès en responsabilité opposant le
consommateur d’une boisson avariée à l’exploitant d’un débit de boissons, la Cour
Suprême n’a pas rejeté l’action en responsabilité contre un gérant de débit de
boissons alcoolisées considérant la dite demande illégitime mais conclu à un partage
de responsabilité, « le gérant du débit de boissons a été jugé fautif pour avoir servi
une boisson avariée… et le client a été jugé tout aussi fautif pour avoir consommé
une boisson alcoolisée .( sur ces question et sur la place de l’islam dans l’ordre
juridique marocain, voir Omar Azziman in « Le Maroc actuel, une modernisation au
miroir de la tradition ? Connaissance du monde arabe,1992).On peut se demander
toutefois si cette orientation libérale ne risque pas d’être remise en cause par des
décisions plus récentes de la cour suprême pour qui « les motivations humanitaires
ne sauraient en aucun cas couvrir l’illicéité de relations illégales , en l’occurrence celle
du concubinage » ( C.S. 14 sept. 1977, Al Mouhamet, n° 13. p. 111.).
Le principe est que seul celui qui a personnellement subi un dommage est en droit
d’en demander réparation. (article 7 du code de procédure pénale.).
Le préjudice par ricochet est celui qu’un individu subit personnellement mais
indirectement, à cause du dommage causé directement à une autre personne. Une
personne devenue handicapée à la suite d’un accident subit un dommage personnel
et ses proches subissent un dommage par ricochet.
Lorsqu’un groupement ou une association dotée de la personnalité juridique subit
un préjudice personnel,( dégradation de locaux) elle peut en demander réparation sur
la base d’un préjudice personnel. La question est plus difficile lorsque ce groupement
veut agir lorsque atteinte est portée aux intérêts collectifs par lui défendus .L’intérêt
collectif ne constitue pas un préjudice personnel et les personnes morales ne peuvent
en demander réparation que lorsque la loi le prévoit .
Ainsi les syndicats peuvent agir
- concernant les faits portant préjudice direct ou indirect aux intérêts individuels
ou collectifs des personnes qu'ils encadrent ou
- dans l'intérêt collectif de la profession ou du métier qu'ils représentent. (Article
404 du code du travail).
Le problème se pose plutôt pour ce qui concerne le préjudice futur, c’est-à-dire celui
qui n’est pas encore réalisé, qui n’existe pas matériellement au moment où sa
réparation est envisagée. (Exemple : revenus auxquels pouvait s’attendre la victime
d’un accident).
Les tribunaux distinguent le préjudice virtuel , celui dont il est certain qu’il se réalisera
et son estimation est possible et celui éventuel, hypothétique qui ne peut donner lieu
à indemnisation.
Sur la base de cette distinction, il a été décidé que la perte d’un manque à gagner
hypothétique, d’un lucrum cessans incertain et futur ne constitue qu’une possibilité de
préjudice éventuel et ne saurait constituer le dommage certain et direct, seul
susceptible d’être considéré par le juge. (CAR, 15-VI- 1937, RAC, T.IX, p.467).
La réparation du dommage doit être égale à l’intégralité du préjudice. L’incapacité
permanente partielle dont reste atteinte la victime d’un accident, affecte l’ensemble
de son activité et donc sa capacité de travail. Notamment, chez un jeune enfant, le
préjudice inhérent à la réduction de capacité, bien qu’il doive se réaliser dans l’avenir,
est certain et doit être réparé. (C.S. Crim., 6-III-1962, G.T.M., 1962, n° 1310, p. 52;
R.A.C.S., T. III, p. 161).
L’exigence de causalité entre le fait générateur et le dommage est légale. Tout fait
quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et,
volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer
ledit dommage, lorsqu’ il est établi que ce fait en est la cause directe. (Article 77 du
DOC). De même, « Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a
causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu’il est établi que cette faute
en est la cause directe. (Article 78 du DOC.)
Malgré cela il est des situations ou le doute devient permis et les tribunaux décident
selon les circonstances propres à chaque espèce. Le suicide d’une personne
gravement blessée dans un accident a pu être imputé à l’auteur de cet accident (Crim.
4 janv 1971, D.1971, 164.). De même, les tribunaux ont considéré que l’auteur d’un
accident de circulation à la suite duquel une personne a été transfusée et contaminée
par le sida a pu être considéré responsable de cette contamination. (Civ 1ere,
fevr.1993, JCP, 1994, II, 22226, note Dorsner-Dolivet.)
TITRE 3
LES FAITS JURIDIQUES PROFITABLES :
LES QUASI-CONTRATS
CHAPITRE 1
LA GESTION D’AFFAIRES
Selon l’article 943 du DOC, lorsque, sans y être autorisé par le maître ou par le juge,
on gère volontairement ou par nécessité les affaires d’autrui, en son absence ou à son
insu, il se constitue un rapport de droit, analogue au mandat.
Le quasi-contrat est analogue au mandat mais il n’est pas un mandat car le mandat
est une convention qui suppose que le mandant accepte et consente à l’intervention
du mandataire. Dans la gestion d’affaires, le maître n’a pas chargé une personne de
gérer ses affaires. Il y a ainsi « gestion d’affaires et non mandat lorsqu’un gérant de
ferme donne à bail cette ferme après le décès du propriétaire et alors que le domaine
est sans direction utile par suite de la situation litigieuse et de l’éloignement des
héritiers. »(Trib.1ère Inst. Rabat, 23-11-1927, GTM, 1928, n°305, p.61).
Le géré ne doit pas avoir donné son accord sinon on serait en présence d’un mandat.
Lorsque le maître ratifie expressément ou tacitement, les droits et les obligations des
parties entre elles sont en effet en vertu du DOC régis par les règles du mandat,
depuis l’origine de l’affaire. (Article 958)
La gestion doit avoir été réalisée et entreprise nous dit le DOC « en l’absence ou à
l’insu du maître ». Le gérant est par hypothèse non autorisé. En outre, le maître ne
doit pas s’être opposé à la gestion et à l’immixtion du gérant d’affaires.
Le gérant d’affaires qui s’est immiscé dans les affaires d’autrui contrairement à la
volonté connue ou présumée du maître, ou qui a entrepris des opérations contraires
à sa volonté présumée, est tenu de tous les dommages résultant de sa gestion, même
si on ne peut lui imputer aucune faute. (Article 947)
Néanmoins, la volonté contraire du maître ne saurait être invoquée lorsque le gérant
d’affaires a dû pourvoir d’urgence:
1°A une obligation du maître provenant de la loi dont l’intérêt public exigeait
l’accomplissement ;
2°A une obligation légale d’aliments, à des dépenses funéraires ou à d’autres
obligations de même nature. (Article 948)
Il est admis que la gestion d’affaires peut concerner des actes juridiques, des actes
d’administration et des actes matériels.
La gestion doit être opportune et utile. Elle doit l’avoir été, nous dit le DOC, dans
l’intérêt du maître et d’une manière utile (Article 949). Il n’est pas nécessaire qu’il y
ait urgence. Cette dernière n’intervient que pour écarter la volonté contraire
présumée du maître. (article 948). L’opportunité et l’utilité de la gestion, qui doit
s’apprécier au moment où elle est entreprise, est laissée a l’appréciation du juge.
Le gérant est tenu et répond également de toute faute même légère mais il n’est tenu
que de son dol et de sa faute lourde lorsque son immixtion a eu pour but de prévenir
un dommage imminent et notable qui menaçait le maître de l’affaire ou lorsqu’il n’a
fait que continuer, comme héritier, un mandat commencé par son auteur.
Au même titre que le mandataire, il est tenu de rendre compte de sa gestion. Il est
tenu des mêmes obligations que le mandataire quant, à la reddition de ses comptes
et à la restitution de tout ce qu’il a reçu par suite de sa gestion.
Il est soumis à toutes les autres obligations qui résulteraient d’un mandat exprès.
A l’égard des tiers, le gérant est tenu s’il a agi en son nom. S’il a agi au nom du maître
de l’affaire, il y a représentation et c’est ce dernier qui est engagé.
2- Le maître de l’affaire quant à lui doit décharger le gérant des suites de sa gestion
et l’indemniser de ses avances, dépenses et pertes.
Lorsque l’affaire est commune à plusieurs personnes, elles sont tenues envers le
gérant dans la proportion de leur part d’intérêt.
La loi confère au gérant un droit de rétention des choses appartenant au maître pour
le remboursement de ses créances.
CHAPITRE 2
LE PAIEMENT DE L’INDU
Le principe est que le solvens dispose d’une action en répétition contre l’accipiens.
Le DOC exclut le droit à répétition dans le cas où l’accipiens a été payé par une autre
personne que son débiteur et « de bonne foi et en conséquence de ce payement, il a
détruit ou annulé le titre, s’est privé des garanties de sa créance, ou a laissé son action
se prescrire contre le véritable débiteur. Dans ce cas, celui qui a payé n’a recours que
contre le véritable débiteur. » Article 68 du DOC et, pour des applications, Trib. 1ere
Inst Casablanca, 22-XII-1930, GTM, 1931, n°437, p.60 et CAR, 16-III-1940, RAC,
T.X, p.428.
Il n’y a également pas lieu à répétition si le payement a été fait en exécution d’une
dette prescrite ou d’une obligation morale, lorsque celui qui a payé avait la capacité
d’aliéner à titre gratuit, encore qu’il eut cru par erreur qu’il était tenu de payer ou qu’il
ignorât le fait de la prescription (Article 73).
Aux termes de l’article 75 du DOC, l’accipiens de bonne foi doit restituer «
identiquement ce qu’il a reçu ». L’accipiens de mauvaise foi doit restituer en plus les
fruits accroissements et les bénéfices.
Dans le même esprit, celui qui a reçu de bonne foi a vendu la chose n’est tenu qu’à
restituer le prix de vente s’il était encore de bonne foi au moment de la vente.
CHAPITRE 3
L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
L’enrichissement sans cause trouve son fondement dans les articles 66 et 67 du DOC.
Celui qui a reçu ou se trouve posséder une chose ou autre valeur appartenant à autrui,
sans une cause qui justifie cet enrichissement, est tenu de la restituer à celui aux
dépens duquel il s’est enrichi. (Art 66)
Celui qui, de bonne foi, a retiré un profit du travail ou de la chose d’autrui, sans une
cause qui justifie ce profit, est tenu d’indemniser celui aux dépens duquel il s’est
enrichi dans la mesure où il a profité de son fait ou de sa chose. (Art 67)
Il s’agit là d’un principe général. En droit français, c’est la jurisprudence qui a reconnu
à l’appauvri une action contre l’enrichi (action de in rem verso).
Celui, nous dit le DOC, qui a reçu ou se trouve posséder une chose ou autre valeur
appartenant à autrui, sans une cause qui justifie cet enrichissement, est tenu de la
restituer à celui aux dépens duquel il s’est enrichi. (Art 66). La cause est la raison, le
fondement juridique qui justifie l’enrichissement. Celui qui prétend que son
enrichissement est fondé sur une libéralité doit le prouver. (CS, Civ. 26-1-1977,
Arrêts de la Cour Suprême rendus en matière civile,1958-1996, Publication de la
Cour suprême, 1997, p.55).
Celui qui s’est enrichi indûment au préjudice d’autrui est tenu à une obligation légale
de restitution. (Art 75 du DOC). L’enrichi doit « restituer identiquement ce qu’il a
reçu ».
Pour apprécier l’enrichissement et l’appauvrissement corrélatif, les juges doivent se
placer au jour de la fixation de l’indemnité à moins que des circonstances
exceptionnelles ne les autorisent à fixer cette indemnité à la date des faits d’où
procède l’enrichissement. (Cass.Civ.25-VI-1956, GTM 1956, n°1198, p.127).