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COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE TEXTES ET DOCUMENTS _, (1969-1985) Préface du cardinal Ratzinger cerf CHAPITRE VI Magistére et théologie * (1975) A. Introituction, par Ph. Dethaye ** c relations du En préscatant les conclusions de la CTL sur les relat Magitare e da théalope je voudras en dire rapidement Porigne ot le sons, 1, Les travaux de 1975 Jout au ong de ss recherches tu CTI senoutsé Ie probleme des lations entre I pape et ls eveques,« Ege eneignante» d'une force to theogiens autre part’: Da la sjtematiation re cite es hele vent avant tut pour ede tansmetce sotaininarite la docriae oils Sele queguerans etre eux tension des echerehes personel, mai sso catonnaet Ie los dans Wer anvash publid par le Saint Siege LAttvte della Santa Sede ene es ema CT sateen tenet oie pre au ce ocr reir ce thttne, vor aus! J ALTARO SJ, « Problema theolgicum de " '#* DC 73, 1976, 658-662, 780 (erratum); Ee¥ 86, 1976, 705-709. MAGISTERE ET THEOLOGIE 137 souvent dans I'érudition historique. Le crise modemiste avait eréé un climat de méfiance qui continuait & peser. Les travaux du Concile, et plus encore le bouillonnement <'idées du post-Coneile, ont fait percevoir le simplisme des solutions regu. Déja, en 1950, au Congres jubilaire de PUniversité grégorienne, ¢ ‘cardinal Siri avait souligné fe paradoxe de la situation: « C'est nous les évéques qui, avec le pape, sommes lEglise enscignante, disait-i mais quand nous devons enscigner quelque chose de nouveau, c'est vous, théologiens, que nous nous adressons, » Du nouveau, il y en a bien eu, pendant et aprés le Concile! Et si es cabales de théologiens n’ont pas été ce que certains esprits chagrin ‘ont décrit, il n'en reste pas moins que la part des peritiy fut grande. Les évéques donnaient des directives, posaient des questions, mass étaient les spécialistes qui rédigeaient les textes des schémas str lesquels les éveques se prononcaient. En dehors méme des textes offciels, que de discours son seerétariat personnel qui lui 8 permis de résliser son ceuvre.théologique st pastorale, Certaines congrégations romaines reposent elles aussi sur le travail de théologiens et de spécialistes. Il suit ouvrir lMnmuario Pontificia our Gre renseigné & ce propos. 4. Ses plus acts collaborateurs furent surtout M. Urs von Balthasar (pour ‘a période de préparation) et le professeur K. Lehmann. 138 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE RP. Ahern, L'historien de la théologie, auteur du si riche article «Théclogie » du DTC, le R.P. Congar, était tout désigné pour suivre Pvolution de M'influence des théologiens qui culmine au Moyen Age* En ce qui concerne 'époque moderne, occasion était bonne d'en- tendre le R.P. Walgrave O.P., spécialiste de Newman. C'est tout au Jong de son évolution spiritielle, et & travers des crises combien douloureuses, que le fondateur de POratoire d'Angleterre a essays de préciser la part relative du pape, des évéques, de ensemble des Fides, des consciences individueles, dans la foi crue et vécue. Te second volet des travaux était strictement doctrinal et essayait de thématiser les relations Magist2re-théologie aprés les avoir étudiées dans le coneret de Pévolution historique. Deux journges d'études y furent spécialement consacrées sous la direction du R.P. Alfaro et de Mle doyen Lehmann, Il importait, tout @abord, de préciser & nouveau la notion de théologie: c'est’ pourquoi Yenseignement de Pannenberg fut un bon moment au centre des débats. Ensuite, il fallat prendre conscience de I'éargissement du travail théologique : Trenseignement, les recherches <'rudition ont perdu en importance relative, Le premier plan du travail théologique est désormais occupé par des questions nowvelles qui assalent la pensée chrétienne ct qui {a confrontent aussi bien avec évolution eulturelle qu’avec des chrétiens qui « ont pris la parole» et qui «ont des états d'me v Enfin. un fait spparait (ow pluttréapparait quand on songe ad autres époques, par exemple au Xit* sile): Ja multiplcité des confits entre Magistére et théologie. Sans doute, on ne peut exclure un alfaiblis sement de T'esprit dobéissance ni le besoin presque incoercible de notre épogue de voir les choses en termes hegeliens de dlalectique (thise, antithése, synthése) et de lute. Mais il y a quelque chose de plus profond dans la tension actuelle qui, grace & Dieu, coexiste ave Prestime des personnes : inéluctable divergence des thes réparties entre ceux qui doivent maintenir et ceux qui doivent prendre parti ‘vast une mutation culturelle particulgrement rapide et profonde, La CTI en étant trés consciente, elle ne pouvait espérer résoudre parfeitement ni complétement ce probleme. Aprés six ans, elle sait fort bien qu'elle peut tout au plus éire Ie grain de sénevé (Mt 13, 31). Mais tout au moins pouvait-elle feire de sa semaine étude un espace de réflexion et de lucite Elle en communique aujourd hui les conclusions rédiaées par les 5, A In demande de ses coltgues de la CTT, le RP. CoNGAR a publié une partie de ses travaux récents préparés pour Ie session octobre 1975 : « Pour lune listoire sémantique du terme " Magisterium ”», et « Bref historigue des Tornes du * Magistore ” ot do ses relations avec les docteurs>, dans Revue des slences philosophiques et théologiques 60, 1976, 85-98, 99-112. 6, Sur la felation de J. Alfaro, voir c-dessus note * MAGISTERE ET THEOLOGIE Bo deux.« meneurs du jeu», le R-P. Semmelroth et M. Lehmann, Un des avantages du systtme du symposium est de faire naitre les conclusions d'une réflexion commune menée par tous du méme pas. ‘On évite ainsi de paraitre vouloir imposer des theses rédigées d'avance par une personnalité ou un groupe qui a travaillé sans associer kes autres & son effort. Bien sir, le travail est plus compliqué. Il faut passer des soirées et des nuits & résumer les échanges de vues de la journée, essayer de synthétiser, durant les dernigres heures, les vues plus générales qui se dégagent, voter sur des textes que Ton voit imparfaits. Mais Ia collaboration peut se continuer par correspicn- dance, apporter des modi, permetire des prises de position et des votes. C'est le résultat de ces travaux, définitivement votés in forma specifica par Ia grande majorité des membres de la CTT qu'l noas faut maintenant présenter. Je le ferai en m'y inspirant du bref commentaire latin rédigé par le R.P. Semmelroth et M. Lehmann, 2 Le sens des conclusions En sus de induction et deaths I texte de ces concsions est divisé en trois parties: ce qui approche le Magistore ea ihéologie (thises IFIV), ce qui les cifferencie (théses V-1%), commest ‘on peut concevoir la coordination de ces deux serviees d'shve (Gheses XX. fae 4} Liintroduction et la thise I ‘ont essenticllement pour but de situer fe probleme actucl. Il ne pouvait étre question de résumer une évolution historique qai tanifeste des variations considérables. A certaines époques, celle des Peres par cxemple, les papes et les évéques sont les premiers théo- logiens. A d'autres, un clivage apparait, Les membres de la higrarchie sfoceupent avant tout de pastorale ou de politique générale, tancis gue la recherche intellectuelle en matiére de foi devient le privilege cexclusif des spécialistes. La « juridiction » de la missio docendi prerd alors la place des responsabilités d'enseignement découlant de Tor dination. Les facultés de théologie entendent gérer le secteur des idées et entrent méme en confit avec le pape Jean XXII dans ‘© domaine de leschatologie ®. Plus tard, les abus de ce syst8me qui a ‘mené aux abus des docteurs conciliaires (Constance, Bile) et a la 2. Le pa etre de este te ee Paiste des thlogiens ceraies domecs rations encore ie recommen ceo pa MM: Dyisuans 5), « bss Seasons de Saun SKIL sure von Reaigne Misellene historia ponte 3, Reine, Gregrcase, 1973 140 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE révolte des théologiens « réformés» aboutiront @ une mise en tutelle et la suspicion vis-d-vis de la recherche. Devant le pew de précision des livres du Nouveau Testament, ce n'est pas d'une maniére histo- rique que le probleme peut étre éclairé, mais par une réflexion sur {es tachss réciproques. Un premier effort avait été tenté en co sens par le Congrés théologique de Rome, tenu immédiatement aprés le Concile. II fut Poccasion d'un enseignement lumineux ot ouvert de Paul VI, qui sert tout naturellement de point de départ*. b) Premidre partie Les aéments communs au Magistire et a In théologie peuvent étre ramenés a trois grands thmes leur origine, leur orientation, leur re de stexereer. ‘Les services ecclésiaux de Magistire et de travail théologique ont une source commune: la Parole de Dieu qui pose les conditions memes de leur exercice (thése II). Au service de la Parole de Diew tat le tre d'un volume de mélanges récemment offert & un membre Eminent de Vatican II: cette formule résume bien Ta richesse, ta Valeur, mais aussi les limites & ne pas dépasser, les usurpations & Gviter de part et autre (thése IIL, 1). Une communion vitale doit tre entretenue entre le sensus fidelium, le Magistere qui le guide, Ja théologie qui le pergoit et Vapprofondit (these TTI, 2). Le pape, les évéques, les théologiens, les fidéles sont tous tenus @ la fidélité visd- vis des documents de la Tradition (thése III, 3). “Ni le Magistére nit la théologie ne peuvent prendre comme but, voire comme alibi, la pure speculation ni Jes plaisire intellectuels {quelle peut apporter & certains esprits, lls ont un but pastoral et ‘missionnaire menve si chez les théotogiens, la technicité et la recherche apparemment gratuite doivent parfois paraitre emporter. Il s'agit casentiellement de faire vivre tous Tes hommes de la verité du Christ ‘que Ton garde de toute déviation. Le caractére pastoral de la Fecherche théologique s'affirme dc deux manires. Négativement, en te sens que les théologiens devront éviter que. des hypothises, des recherches ~ ingluctablement répercutées et mises en avant par les mmoyers de communication sociale — ne nuisent finalement & la foi de chrétiens. Positivement, en ce sens que, méme dans la recherche la plus abstraite et la plus spécialisé, le théologien doit songer 3 la facon dont cile inspircra la présentation de la Parole de Dieu, la prédication, T'enseignement religicux (these TI, 4). Enfin, un dernier point commun est Pimportance de a collaboration cet de la coresponsabilité (these IV). Vatican II 2 rappelé ces idées '. On trouvera dans les théses des séferences & ce Congrés ot au discours aque Tui adressa Paul VL MAGISTERE ET THEOLOGIE 14 aussi bien aux évéques qu’aux théologiens. Il s'est ainsi insert @ayance en faux contre tous les particularismes des nations, des milieux culturels, des Gooles. Mais, cela va de soi, du cdté du Magistére comme de celui de la théclogie, ceite volonté de collabe- ration ne doit pas seulement porter visd-vis des collegues. TI Tui faut s'étendre aux deux parties en cause, dans cet esprit de dialogue dort sera traité plus loin, ) Dewxidme partie Avant de parler de conciliation et de collaboration, il importe en ‘fet pore setien dine ce Mgt Elles portent sur les fonctions, Pe autorité », le len avec 1 toi, Ee ions, Pe autorité», le lien avec IEglise, Spécificité des services. Le document’ de la CTI situe Pauvie propre au Magistére dans la proclamation authentique du message Chrétien, Crest seulement i parti de cette interprétation de Ia Paroe de Diew que ’on comprend les interventions négatives de mises en garde contre des erreurs ou un effort de systématisation qui remet tne verité dans une synthése globale. Les théologiens, pour leur par, exercent avant tout une fonction de médiation entre le Magistre et Ja communauté. D'un edt, is vont poursuivre la tiche de seruter ia Révélation en ellesméme et dans la conirontation avec les sciences, les techniques, les cultures de chaque époque et de chaque miles, En cela, ils aident le Magistee & présenter la foi d'une maniére plus adaptée. Mais, d'un autre cBté, les théologiens doivent étre, auprés du pape ot des évéques, les intorprétes du senaus fidetiure, dea v0 dis temps, de Vévolution des mentalités, faire le tri entre I humain> gui peut tre assumé par T'Eglise du Christ et celui qui lui ext irréductible (thése V). Le probléme de I'=autorité» doit étre lui aussi évoqué car nous somimes en tn temps oi ce terme ne désigne plus seulement Fexousia ‘venant du Seigneur (Mt 28,18); il désigne aussi Paspect psychologique de Tinfluence et de la compétence. Ces deux aspects se retzouveat cher les représentants de Ia higrarchie et de la théologie, mais dans des perspectives diverses. Le Magistee hiérarchique est & la fois un charisme et une fon ue qui s'exercent de par la mission regue du Christ dans Fordination le document retrouve ii les vues de Pglise apostolique et patristique, par-dessus toutes les subtltés juridiques des juridictions déléguécs. Les théologiens, eux, 2 cdké de Jeur insertion existenielle dans une société hiérarchique et commie sautaire, sont avant tout défins par Ie caractére scientifique, et doxe relativement autonome, de leur recherche. Les méthodes de la théo- logie ne sont pas celles des sciences expérimentales et humains elles n'en ont pas moins leurs exigences propres dont le mépris ou 142 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE Tignorance tournent ~ lexpérience t’a, héles! assez montré ~ au détriment de Vimage de marque de TEglise comme de son propre progrés intérieur (these V). La référonce & VEglise se nuance de part et d’autre de la méme maniére. Chez. le pape et les évéques, il s'agit essentiellement de !a ‘esponsatilitédoctrinale lige au sacrement de V'ordr ils sont chargés de nourri: le peuple chrétien de la foi, de continuer aussi Peuvre de salut commencée par le Christ. Les’théologiens, eux, ne sont pas nécessairement des ministres ordonnés. Si lour ceuvre ne peut s'exer- cer qu’en communion avec action de Esprit dans PEglise, elle est avant tout spécifiée par la compétence technique. Au reste, on dlistinguera Pensefgnement qui postule une mission eanonique et une recherche plus libre qui s'exerce aussi bien dans 'érudition que dans Ja formation de opinion et la réflexion chrétienne en général, Sans tomber dans Vantiléricalisme de certains, la déclaration « déclergi- fic» Peeurre théologique comme telle (thése VID). Ces differences ont leur incidence sur les espaces de liberté qu'il faut reconnaftre au. Magisiére et & Ia théologie. Comme nous le disions plus haut, ce document a le mérite de regarder en face le probleme des conflits. Avant méme d'esquisser des solutions plus conorétes (theses X-XID, il rappelle quelques principes généraux trop oubligs aujourd'hui. La hiérarchie a le pouvoir et le devoir d'agir en toute liberté pour le bien du peuple chrétien, son unité dans Ia charité et dans la foi (thése VIII, 1). Elle ne doit pas penser que toute tension ext de soi mauvaisc; un certain état de tension est une des conditions de la vie communautaire et du progrés scientifique. Mais tension ne veut pas nécessairement dire hostilité; elle signifie avant tout un appel au dynamisme et au dialogue (thése IX) du moment que 'on Sanit tout esprit arbitraire et autoritaire (these VILL, 1) Diun autre cote, il faut bien reconnaitre que certains théologiens ‘exagérent dans leur revendication ot leur interprétation de la « liberté scientifique». Il leur arrive Coublier que le respect di. & Tautorité formelie du Magistére est un élément constitutif de la méthode théologique, ou encore ils se lancent dans des campagnes d'pinion, ui sont mieux a leur place dans la vie politique des démocraties pluralistes que dans la schola Christ Dans tous les domaines, ila toujours été difficile de fixer les limites des libertés. Pour ce qui est de la liberté scientifique et de la liberté académique des théologiens, le document de Ia CTI propose ces ‘ritéres précis : la soumission a la Révélation divine, le sens des responsabilités portées, une herméneutique des documents ecclésias- tiques dans Tambiance de la foi, une volonté de mener le travail critique dune fagon positive. MAGISTERE ET THEOLOGIE 13 d) Trotsiéme partie Recherches sur les principes d'une collaboration conflate entre Magistire et théologiens. La troisitme partic du document est peut-tre Ia plus neuve et la plus riche, Sans doute, ce qui a été dit auperavant avait déja le mérite de distinguer deux services du Christ et de IEglise trop souvent confondus. Mais ii, il s'agit de réfiéchir sur les confits qui se sont produits ces dernires années, et plus encore sur un climet dde méfiance qui tend & s'établir. Dans V'exposé, une lente dialectique se développe: elle part des conditions idéales, celles du dialogue (these X), pour en definir les conditions concrétes (thése XI), et potr enfin examiner Péventuel échee du processus (thése XID). « Dialogue » est un des grands slogans de notre époque; il a regu bien des sens différents et parfois méme il a réussi a enrayer toute <écision, Disons, pour faire court, que la CTI emploic le terme de dialogue dans le méme sens que Vatican Il: il s'agit d'une volonié efficace de communiquer les points de vue des parties en cause avant que Vautorité prenne une décision. Il n'est pas question de ‘trouver un moyen ¢’éluder ou de refuser une responsabilité sous prétexte quelle nest pas acceptée par la «base». Une condition préalable assure d'ailleurs le réalisme de la méthode puisque celle- cise situe dans une communauté de foi. Il ya donc un point de référence commun auquel on peuit se rattacher et qui sert de eritére la Révélation du Christ présentée par I'Eglise. En dehors de 1a, un dialogue pout toujours avoir licu, bien str, comme il en eat avec Tes noncatholiques et les non-royants. Mais il ne s'agit plus de dialogue théologique orienté et guidé par Pétude d'une méme foi ‘Chacune des parties apportera en plus cc qui lui est propre. Le Magistére aura aussi une nouvelle source d'information. De son ‘até, les théologiens obtiendront pour certaines de leurs théses une approbation officielle (theses X et XI, 1). Insistons-y encore. une on revient ici & Vatican IT qui demandait & Vautorité de ‘informer largement et par échange des points de vue avant de s Prononcer, mais qui ne prévoyait nullement une paralysic ow ure démission de cette autorité. Par contre, cette autorité n’instaurerait ‘pas un dialogue authemtique si elle omettait ou réduisait indiment le stade de argumentation et des échanges de vues pour en arriver tout de suite aux contraintes, aux menaces et aux sanctions (these X). Ty a un double danger a omettre ou & indment abréger ce stade: fon risque de fie pas comprendre exactement le point de vue de autre ou de le condamner sans Pavoir suffisamment entendu. Cela vvaut dans les deux sens. Nous connaissons tous des cas étonnan's ci certaines condamnations ont ét€ portées contre des théologiens pe al 144 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE sans que ceux-ci soient entendus. La réforme du Saint-Office par Paul VI et, plus encore, la Norma agendi de 1971 ont é'ailleurs rendu ces ‘abus impossibles’. Mais 2 Uheure actuelle, c'est bien souvent Ia higrarchie qui est condamnée par des théologions sans avoir été entendue et sans que ses textes aient é€ examinés ni méme lus Pour rtablir Vauthenticité du dielogue dans le sens d'une recherche préalable menée en commun, la thése XI indique aussi certains abus 2 éviter par les théologiens. il serait évidemment aisé de mettre des roms sous chacun de ces dérapages, mais cela constitue le rale de la S. Congrégation pour la docirine de la foi, non celui de ia CTI. La simple énumération est d'ailleurs peut-étre encore plus significa: tive. Le dialogue est condamné a ’éches si les théologiens se metient inééfiniment en recherche, oubliant qu'il y a une Révélation acquise et confige & FEglise; ~si Yon ne discute pas avec un désir égal d'entendre et si, sous prétexte de dialoguer, on cherche seulement 4 faire prévaloir son point de vue; ~si on fait du dialogue Péquivalent une joute politique dans lequelle on veut abattre un adversaire; ~si fon n'a pas le souci de la vérité; = lorsque le dialogue en arrive au scénario bien connu ; « Ecoutez- moi, voila mon point de vue», quitte & ne pas écouter celui de autre; =si Pon porte le débat devant un vaste public qui, incompétent dans les matitres techniques, sera facilement victime des mouvements opinion et des manipulations: Ven travaille opinion par les mass media, en dehors du dialogue de fo Iuieméme. Mais il faut envisager que le dialogue échoue. Ici, la CTI entend présenter ses suggestions, aussi bien aux représentants du Magistére qu’ ceux de la théologie (thése XH). On. sent que, par-dessus les principes en cause, plane encore le souvenir de cas douloureux tout comme waffirme la conscience des dangers actuellement courus. La synths ici présentée porte ’ailleurs la marque des opinions avancées par deus groupes plus particuligrement sensibles & Tun et Tautre aspect de la question. Voyors, tout Wabord, les avantages reconnus & Pautorité. Le Magistire a le droit dinstituer un procts formel. Il est de son devoir 9. SACRA CONGREGATIO PRO DOCTRINA FiDe!, «Nova agendi ratio in docirinarum examine », dans AAS 63, 1971, 234-236; 1D, = Nowwelle procé- dure pour Vesamen des doctrines », dans DC 68, 1971, 157-158; wp., Doct ‘menta inde a Concilio Vaticano Secundo explito edita (1966-1085). Vatican, 1985, p. 26-29 i. MAGISTERE ET THEOLOGIE 145, de rétablir la vérité compromise, de sauvegarder la foi du peuple chrétien. Il peut se faire, en des cas extrémes, qu'il doive dénoncer Thérésie au sens plein du mot. Cela est «ailleurs rappelé quand on parle de refus d'accepter la foi, par-dessus les Iégitimes divergences des écoles théologiques et les regles communes de Iherméneutigue ‘théologique. De Pautre cbté, les théologiens ont droit & étre traités avec justice et charité. Le document de I CTI préconise, & ce propes, tune « dialeetique» type on trois temps. Dans un premier stade, la higrarchie et le théologien en cause échangent leur point de vee par des entretiens personnels ou par des écrits, Si la conciliation est impossible de cette maniére, on passe & une enquéte qui est 44g plus formelle tout en restant large et souple. C'est pourqusi ‘on parle ici-de « différentes sortes d'avertissements », de mises en garde, etc. Crest soulement quand tout ce provessus est épuisé que Ton peut songer & une condamnation dhérésie proprement its Mais il va de soi que si le théologien a 616 assez habile pour éviter les rencontres informelles et formelles, le Magistére instruira “a cause malgré tout, Toutes les législations connaissent les dérobades de la contumace. Un théologien, ou un chréticn, qui refuse tort change de vue avec la higrarchie, qui se dérobe quand on Vin. terroge sur des formules contraires & Ia foi, ne serait-ce que per leur ambiguité, qui fait monire d’obstination, est bien mal qualité pour en appeler a ethos du dialogue. On le voit, Ps actualité » des théses proposées par la CTI ne cesse de croitre. Ceux qui, au début de la lecture, seraient tentés de Iti procher de rappeler une docitiue classique (mals nest-ce pas deja ne pourront pas ne pas sentir comment, de la, des prises de position débouchant sur les faits des dix derniéres années sont bel et bien avancées. Dans un esprit paciique ot sans fracas, certes, mais pardessus excitation de la vie moderne, ne fautil pas rovenir & la paix et a la sérénité chrétiennes? « Noa in commotione Dominus » (3 R19, 11). \46 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE B. Teste des conclusions approusées « in Jorma specifica » par ta CTI* Les relations entre le magistére ‘et Ia théologie Intreduetion. «Non seulement les relations du Magistere avec le tndologie.. ont beaucoup importance, mais il faut leur recone aujourd'nal un caractere ts marque dasha = aul Vs alr aa re Congrés international sur la théologie du deuxieme coneye, satan Con cobre 1966, Aa 58, 1966, 890; fea. dans DC la fois possédé par !Eglise dans le passé et aujourd'hui, La Parole de Dieu, en effet, se propage de fagon vitale @ travers les temps, dans Je «sens commun de la foi » dont est animé fe Peuple de Dicu tout cntier et selon lequel « la collectivité des fideles, ayant Tonetion qui Yient du saint, ne peut se tromper dans la foi » (LG 12). On le sait, ‘cela vout pour autant que «dans le maintien, la pratique la Confession dela foi transmise s tablisse Punité esprit entre pastours et files » (DV 10). 3, Les documents de la Tradition dans lesgucls a été proposée Ia foi commune du Pouple de Diew sont un terme de référence qui Slimpose tant au Magisttre gu’a la théologic. Bion qu’a 'égard de tes enseignements le réle de Tun et l'autre se définisse différemment, 148 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE ni un ni autre ne sont en droit de négliger ccs empreintes que la foi a laissées dans Uhistoire du salut du Peuple de Dieu. 4, Il faut parler aussi d'une obligation commune née de Ia respon- sabilité pastorale et missionnaire 2 égard du monde. Sans doute le magistire du Souverain Pontife et des évéques estil pastoral & un titre spécifique, mais les théologiens ne sont pas exonérés, par le caractére scientifique de leur travail, d'une responsabilité pasiorale et missonnaire. Cet aspect pastoral du travail théologique doit étre aujourd'hui deutant moins oublié que les moyens modernes de communication favrisent une divulgation rs rapide de tout ot gu fence. De plus, en raison de la fonction vitale qu'elle Goi rmplir au sun du Peplo de Diu et son benches i thee doit tendre & un fruit pastoral et missionnaire; elle doit le réaliser effectivement. Thise IV. Le Magistére et les théologiens ont en commun — bien aquaves des diférences — le fait d'exercer leur mission de fagon & la fois colégiale et personnelle. Le charisme d"infailliblité est promi et «2 la collectivité des fddles » (LG 12), et au college des évéques {qui maintiennent feur lien de communion avec le successeur de Pierre et au Souverain Pontfe lui-méme, chef de ce colitge (Ibid. 25). Cela (DY 10): de réprouver les opinions qui mettent en péril la foi at In morale de lEghse; de proposer les vertés auxquelles les conditions du moment conférent plus d’actualité. Enfin, bien que ee MAGISTERE ET THEOLOGIE 149 ne soit pas la téche propre du Magistére d'élaborer les synthises théologiques, son souci de lunité doit iui faire considérer les dif Fentes vérités particulitres dans la lumiére de tout Tensemble du message chrétien. L'intégration de chacune d'entre elles au tout est, en effet, une exigence de la vérité meme. 2. Les théologiens, peut-on dire, sont investis d'une fonction de médiation par rapport au Magistére et au Peuple de Dicu. «La théotogie se trouve en relation a ia fois avec le Magistére de I'Eglise et avec la communauté chrétienne tout entiére. File occupe en quelque sorte une position intermédiaire entre la foi de TEplise et son Magistére » (PAUL VI, lec ct., p. 892; DC, loc. it, col. 1733), D'un cété, il revient @ la théologic, « dans’ chaque grande sire socioculturcite... de se livrer & la réflexion qui lui est propre et de soumettre & un nouvel examen, a la lumiére de la tradition de PE glise universelle, Jes faits et les paroles révélés par Dieu, consignés dans les Saintes Ecritures, expliqués par les Peres de I'Eglise et le Magis. ere» (4G 2), En effet, «les recherches et découvertes récentes des sciences, ainsi que celles de I'histoire et de la philosophie, soulevent des questions nouvelles qui... réclament des théologiens eux. des recherches nouvelles » (GS 62). La théologie doit ainsi « Magistére & étre toujours, sclon sa fonction, lumigre et guide de VEglise » (Paut VI, loc cit.. p. 892; DC, loc. cit, col, 1738). De autre cig, par leur travail dinterprétation, d'enscignement, de transmission dans le mode de pensée contemporain, les théologiens insérent la doctrine et les mises au point du Magistére dans la synthise d'un contexte plus large et les font ainsi mieux connate du Peuple de Dieu. De la sorte, ils contribuent « par leur activité & répandre la vérité enseignée d'autorité par le Magistére, & 'expossr, 4 Is justfier et Ia défendre » (PAUL VI, loc. cit, p. 891; DC. loe. ct. col. 1737), These VI. Une autre différence concerne la qualification de Peu- torité en vertu de laquelle s'exercent les fonctions du Magistére et de la théologic. |. Le Magistére tient son autorité de Fordination sacramentelle ‘ui, «en méme temps que la charge de sanctification, confére aussi calles d’enseigner et de gouverncr» (G21). Celie autorité « for- melle est tout & la fois charismatique et juridique; elle fonde le droit et le devoir du Magistére en tant que participation & Tautorié du Christ. I faut veiller & co que Pexercice de cette autorité ninistérielle mette également en euvre Pautorité de la personne et la valeur qui découle de Ia vérité proposée clle-méme. 2. Les théologiens doivent leur autorité spécifiquement théologigne a leur qualification scientifique, Cette qualification ne peut ete séparée du caractére propre de cette recherche qui est la science de ta foi et qui ne peut se faire sans expérience vécue et sans la pratique 150 COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE de la foi elle-méme. A ce titre, la théologie posséde dans I'Eglise non seulement une eutorité profane et scientihque, mais eussi une autor ecclésale: elle sinstre évidemment dans Tordre des autorités qui <écoulent de la Parole de Diew et qui sont confrmées par une mission canonique, Thive VII. On releve encore une différence dans la maniéxe dont le Magistere, ’une part, les théologiens, de autre, sont rattachés & alse, Si Faction du Magistére et celle des théoiogicns se situent dans glist & son bénéiice, cest avec une dissemblance dans cette référence ecclésale. 1. Le Magistére est une charge ccolésiale ofciclle conférée per Te sucrement méme de Tordre. Comme, élément institutionnel, ii'ne squrait exister autzement que dans Téglise. Aussi, les dif ronts ttulaires du Magistére nontils & user «de leur autorité et de leur pouvoir-sacré qu'en vue de Pédification en vérité et en saintet$ de leur troupean » (LG 27). Cela ne concerne pas seulement les Eglises particuliéres coniées & chacun d’eux; mais + comme membre du college épiscopal...chacun centre cux est tenu, 3 Végard de V'Eglise universelle de par V'nstitution et le précepte du Christ, & cette sollicitude qui... est profitable pour TEglise tout entibre» (EG 23), 2, Lieuvre théologique, méme quand elle ne s'exerce pas en raison une + mission canonigue » explicit, ne_peut se réaliser en dehors ‘Pune communion vivante avec la foi de Mise. C'est pourquoi tous les baptisés peuvent remplir une tache de théologien dans a mesure ot, d'une part, ils vivent effectivement de la vie de PEplise et oi, ‘Tauure part Ms sont dotés de Ta competence scientifique voulue. Lt tache de théologien regoit son dynamisme de la vie de VEsprit Saint Cette vie anime V'Eglise et se communique par les sacrements, la prédication et la communion de In chacité These VII. La différence entre le Magistére et la théologie revét un aspect particulier en ce qui concerne leur liberté et la fonction critique qui est associge & eelle-

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