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CHAPITRE

9
Anesthésie de la femme
enceinte pour une chirurgie
non obstétricale
Philippe Dailland
(juin 2003)
Abréviations
AG : anesthésie générale
CAM : concentration alvéolaire minimale (tra- Sommaire
duction française du terme anglo-saxon
« MAC », acronyme de « Minimum INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Alveolar Concentration ») DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES MATERNELLES ET FŒTALES . . . . . 2
DUP : débit sanguin utéroplacentaire PRINCIPALES INDICATIONS CHIRURGICALES
PEP : pression expiratoire positive PENDANT LA GROSSESSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
RCF : rythme cardiaque fœtal RISQUES OBSTÉTRICAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
SA : semaine d’aménorrhée IMPLICATIONS CHIRURGICALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
SFA : souffrance fœtale aiguë IMPLICATIONS ANESTHÉSIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

SSPI : salle de surveillance post-intervention- CONDUITE PRATIQUE DE L’ANESTHÉSIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12


nelle CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 1


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

Introduction
La fréquence des interventions chirurgicales réalisées pendant la grossesse est telle que tout médecin anesthésiste est régulièrement
confronté à cette situation. Cette perspective, pour un praticien dont l’activité quotidienne se déroule hors d’une maternité, soulève inévitable-
ment pour lui des interrogations sinon des inquiétudes.
L’anesthésie de la femme enceinte ne présente pas de spécificité majeure. Néanmoins, elle requiert une bonne connaissance de la physio-
logie de la grossesse et des modifications anatomiques qu'elle entraîne afin de permettre une interprétation correcte des phénomènes
per-anesthésiques et, surtout, d’avoir une conduite thérapeutique appropriée. Par ailleurs, les risques fœtaux associés à la chirurgie et à
l’anesthésie doivent être sérieusement pris en compte et faire récuser toute chirurgie non urgente chez la femme enceinte, quel que soit le
terme.

Données épidémiologiques sance in utero dans le groupe des femmes opérées (Figure 1). Le
nombre de décès au cours de la première semaine de vie est égale-
maternelles et fœtales ment augmenté dans ce groupe (Figure 1). Duncan et coll. retrouvent
une corrélation entre le type d’anesthésie (Figure 2) et de chirurgie
La fréquence de 0,2 à 2 % des grossesses retrouvée dans la littéra- (Figure 3) sur l’incidence des avortements. L’anesthésie générale et la

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ture chez les patientes anesthésiées est très certainement sous- chirurgie gynécologique augmentent de façon significative le risque
estimée en raison du grand nombre de grossesses précoces mécon- d’avortement.
nues (plus de 40 % des interventions surviennent au cours du pre-
mier trimestre de la grossesse) [1].
Les risques encourus par la mère et l’enfant sont difficiles à évaluer
véritablement, mais ils ne peuvent pas être négligés. Deux études épi- 400
démiologiques apportent des éléments de réponse. La première Femmes enceintes opérées
350 Groupe contrôle
compare un groupe de 2 565 patientes ayant subi une chirurgie au
cours de leur grossesse à un groupe identique de femmes ayant 300
p < 0,5

mené une grossesse sans intervention [2]. Elle ne trouve pas de diffé- 250
rence significative quant à l’incidence des anomalies congénitales. 200
Toutefois, les auteurs soulignent la rareté de telles anomalies et esti-
150
ment qu’il faudrait des cohortes de plus de 17 000 femmes pour
pouvoir conclure. Par ailleurs, ce travail retrouve une augmentation 100
du risque de fausses couches chez les femmes opérées sous anes- 50
thésie générale au cours du premier et du deuxième trimestre, princi- 0
palement lors d’une chirurgie gynécologique.
Mort-nés

Décès à J7

Malformations

Poids < 1500 g

Poids < 2500 g

La deuxième étude compare le retentissement d’une intervention et


d’une anesthésie chez 5 405 femmes opérées parmi une population
de 720 000 grossesses (0,75 %) [3]. Les auteurs ne retrouvent pas de
différence significative en termes de malformations congénitales ni de
mort-nés. Par contre, ils observent une différence au niveau du poids ● Figure 1 Retentissement de l’anesthésie et de la chirurgie sur le fœtus
de naissance, conséquence d’une prématurité et d’un retard de crois- d’après Mazze et coll. [3]

2 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9

Fréquence et conséquences des actes


140
chirurgicaux réalisés pendant la grossesse
Femmes enceintes opérées • La fréquence de 0,2 à 2 % des grossesses retrouvées dans la lit-
120 Groupe contrôle
p < 0,5 térature chez les patientes anesthésiées est certainement
100 sous-estimée en raison du grand nombre de grossesses précoces
80
méconnues.
• Plus de 40 % des interventions surviennent au cours du premier
60 trimestre de la grossesse.
40 • Bien que difficiles à évaluer, les risques encourus par la mère et
l’enfant, en relation avec un acte chirurgical sous anesthésie, ne
20 doivent pas être négligés :
0 – certes, il n’y a pas de différence significative quant à l’incidence
Aucune
anesthésie

Anesthésie
générale

Rachianesthésie

Anesthésie
locorégionale
des anomalies congénitales ;
– mais on observe une augmentation du risque de fausses cou-
ches chez les femmes opérées sous anesthésie générale au cours
du premier et du deuxième trimestre, principalement lors d’une
chirurgie gynécologique.
• Il est donc indispensable de minimiser l’exposition de la mère à
la fois aux agents diagnostiques et thérapeutiques, principalement
● Figure 2 Incidence des avortements en fonction du type d’anesthésie pendant la phase d’organogenèse.
d’après Duncan et coll. [2]

Principales indications chirurgicales


70
pendant la grossesse
Femmes enceintes opérées La grande majorité des interventions chirurgicales en cours de
60 Groupe contrôle
grossesse se fait dans un contexte d’urgence. Le type d’intervention
p < 0,5

50
est variable selon le terme, dominé par les cœlioscopies au premier
40 trimestre et par la chirurgie abdominale au deuxième et troisième
trimestre (Tableau 1) [3].
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30
p < 0,5

20
URGENCES DIGESTIVES
10

0 ■ Appendicite aiguë
Anesthésie
abdominale

Anesthésie
gynécologique

Autres
anesthésies

L’appendicite aiguë est la complication chirurgicale la plus fré-


quente pendant la grossesse. Elle représente près d’un tiers des
urgences abdominales non traumatiques et se rencontre plus fré-
quemment au cours des deux derniers trimestres de la grossesse [4].
La prévalence est de 1 appendicite pour 1 000 à 2 000 grossesses et
● Figure 3 Incidence des avortements en fonction du type de chirurgie
sur 100 appendicectomies réalisées, il y en a une qui concerne une
femme enceinte [5, 6].
d’après Duncan et coll. [2]
Au cours du premier trimestre de la grossesse, la symptomatologie
est assez peu modifiée et la cœlioscopie prend toute sa valeur aussi
bien pour le diagnostic que pour la réalisation de l’intervention.
Ces deux études confirment que la chirurgie pratiquée en cours de Pendant le deuxième et le troisième trimestre, l’utérus devient un
grossesse retentit à la fois sur le fœtus et sa mère. Il est donc indis- organe abdominopelvien, ce qui modifie notablement les rapports
pensable de minimiser l’exposition à la fois aux agents diagnostiques anatomiques et topographiques de l’appendice. De ce fait, la sympto-
et thérapeutiques, principalement pendant la phase d’organogenèse matologie clinique devient plus trompeuse : la douleur est souvent
et de se souvenir que le stress, ainsi que les variations hémodyna- plus diffuse, les nausées et les vomissements ne constituent pas des
miques et respiratoires sont tout aussi préjudiciables, sinon davan- signes particulièrement évocateurs, l’anorexie et la fièvre ne sont pas
tage pour le fœtus que l’anesthésie proprement dite ou le geste des signes fiables et les signes urinaires peuvent faire penser à une
chirurgical. pyélonéphrite.

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 3


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

● Tableau 1 Répartition en pourcentage des interventions chirurgicales en cours de grossesse (d’après [3])

Type de chirurgie 1er trimestre 2e trimestre 3e trimestre Total


Abdominale 19,9 30,1 22,6 24,6
Pelvienne 10,6 23,3 24,3 18,6
Laparoscopique 34,1 1,5 5,6 16,1
Orthopédique 8,9 9,3 13,7 10,3
Endoscopique 3,6 11,0 8,6 7,5
Neurochirurgicale 6,7 5,4 5,6 6,0
ORL 7,6 6,4 9,5 7,8
Thoracique 0,7 0,8 0,6 0,7
Surface 3,8 3,2 4,1 3,7
Diverse 4,0 4,2 5,5 4,6

■ Cholécystite aiguë distension des voies urinaires et en particulier à la migration d’une


La cholécystite aiguë est d’origine lithiasique dans 90 % des cas. lithiase dans une voie urinaire dilatée. Elle survient dans 40 à 70 %
Les œstrogènes sont responsables d’une augmentation de la satura- des cas au troisième trimestre de la grossesse [11] et sa localisation
tion biliaire en cholestérol et la progestérone diminue la motricité est plus souvent droite que gauche. Son diagnostic est souvent diffi-
vésiculaire aboutissant à un risque élevé de formation de calculs. cile car elle peut prendre l’aspect d’une appendicite ou d’une pyélo-
L’incidence de cette pathologie augmente au cours de la grossesse, néphrite. L’examen cytobactériologique des urines, l’échographie
représentant 8 % au premier trimestre, 26 % au deuxième et 66 % au rénale et urétérale permettent habituellement de confirmer le dia-
troisième trimestre [7]. La symptomatologie est très souvent bâtarde gnostic [10, 12]. Une urographie intraveineuse sans compression, en
et seule l’échographie permet de confirmer le diagnostic en montrant réduisant le nombre des clichés à trois, n’est nécessaire qu’en cas de
une vésicule distendue à parois épaisses. doute diagnostique, d’échec thérapeutique, de surinfection ou pour
poser éventuellement l’indication d’un geste chirurgical.
■ Occlusion intestinale La grossesse contre-indique la lithotripsie extracorporelle, mais les
L’occlusion intestinale est la troisième cause digestive de laparoto- sondes urétérales en double J peuvent être mises en place, ce qui
mie au cours de la grossesse. Elle survient plus fréquemment vers le permet d’attendre que l’accouchement ait eu lieu pour réaliser le
cinquième mois puis en fin de grossesse, voire après l’accouchement. geste thérapeutique [10].
Le refoulement des anses intestinales et du côlon par l’utérus gravide,

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surtout chez des patientes ayant des antécédents d’intervention URGENCES GYNÉCOLOGIQUES
abdominale, favorise les occlusions sur bride ou les volvulus. La La torsion de kyste ovarien domine la pathologie gynécologique
symptomatologie classique de l’occlusion est présente mais est plus de la grossesse. Elle s’observe habituellement en début de grossesse
difficile à apprécier sur ce terrain [8, 9]. car la plupart des kystes se font aux dépens du corps jaune. Le dia-
gnostic différentiel se pose avec :
■ Autres urgences digestives
– une grossesse extra-utérine en cas de rupture hémorragique du
D’autres causes se rencontrent plus rarement mais doivent être
kyste ;
connues :
– le syndrome d’Ogilvie [9] ; – la nécrobiose d’un fibrome utérin ou sa torsion si le kyste est
– les ulcères gastro-intestinaux et les perforations ; pédiculé.
– les ruptures spontanées du foie et de la rate ; Le traitement est chirurgical et consiste en une kystectomie, parfois
– les pancréatites surviennent le plus souvent en fin de grossesse et même une annexectomie.
sont associées à une très forte mortalité maternelle. On retrouve
généralement un facteur favorisant (hyperlipémie, intoxication URGENCES TRAUMATIQUES
alcoolique, traitement diurétique, lithiase biliaire). Les complications traumatiques au cours de la grossesse sont
Enfin, l’indication de césarienne peut être portée au cours d’une extrêmement variées car la femme est soumise aux mêmes risques,
laparotomie, notamment devant une complication septique (périto- qu’elle soit ou non enceinte. On considère que 6 à 7 % des femmes
nite), en cas de souffrance fœtale aiguë ou si l’utérus gêne le geste subissent un traumatisme au cours de la grossesse [13].
chirurgical.
■ Traumatismes
URGENCES UROLOGIQUES Les traumatismes sont principalement liés aux accidents de la cir-
La colique néphrétique est observée avec une fréquence de culation (42 %), suivis par les chutes (34 %), les chocs directs sur
l’ordre de 1/500 [10] pendant la grossesse. Elle est favorisée par la l’abdomen (18 %) et, plus rarement, les plaies pénétrantes [14, 15]. Ils

4 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
représentent la première cause non obstétricale de mortalité mater- chirurgicale de la cardiopathie. Il s’agit néanmoins d’une éventualité
nelle (taux de mortalité de 30 pour 100 000 grossesses) [15]. Le choc rare, qui représente moins de 8 % des actes de chirurgie non obsté-
hémorragique et les traumatismes crâniens sont les deux causes tricale réalisés en cours de grossesse [3]. La chirurgie valvulaire cons-
principales de décès. Cependant, ce pronostic sombre ne semble pas titue plus de 90 % des indications ; elle consiste surtout en des
différent de celui observé chez les femmes non enceintes. commissurotomies mitrales à cœur fermé (81 %), suivies par la fer-
La mort fœtale survient beaucoup plus fréquemment au cours des meture de défects septaux, atriaux ou ventriculaires (5 %) [19].
traumatismes mettant en jeu le pronostic vital de la mère (41 % con- Le pronostic de ce type de chirurgie est lourd : la mortalité mater-
tre 1,6 %), la mort maternelle s’accompagnant de la mort du fœtus nelle est d’environ 15 % et la mortalité fœtale de 10 %. Pour le fœtus,
[14]. En l’absence de mort maternelle, le décès du fœtus survient dans l’état maternel apparaît comme le facteur déterminant essentiel du
6 % des cas : la cause de la mort fœtale est le plus souvent en rapport pronostic. Néanmoins, la réalisation d’une circulation extracorporelle
avec un décollement placentaire [13, 14]. Les traumatismes directs du semble représenter, par elle-même, un facteur d’aggravation du pro-
fœtus sont rares. nostic fœtal.
Le risque d’hémorragie fœtomaternelle est 4 à 5 fois plus fréquent
après un traumatisme [16]. Son diagnostic repose sur le test de URGENCES NEUROCHIRURGICALES
Kleihauer (prélèvement de 5 mL de sang veineux maternel pour un
examen cytochimique permettant de colorer électivement les héma- Rares, les urgences neurochirurgicales ne représentent que 6 %
ties fœtales et de les comparer aux hématies adultes) et il nécessite des actes de chirurgie non obstétricale [3]. Elles sont dominées par le
une prévention de l’iso-immunisation rhésus par l’injection de gam- traitement d’hémorragies sous-arachnoïdiennes suivies par celui de
maglobulines anti-D dans les 72 heures suivant le traumatisme. tumeurs cérébrales.
Dans l’équipe prenant en charge une femme enceinte traumatisée, L’hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrysme arté-
il doit y avoir un obstétricien. La réanimation maternelle est la priorité riel ou de malformation artérioveineuse complique 1 à 4 grossesses
absolue ; il faut insister tout particulièrement sur l’importance de la sur 10 000 [20] ce qui ne traduit pas une augmentation du risque de
ventilation et de l’oxygénation ainsi que sur le contrôle des hémorra- rupture par la grossesse. Par contre, cette dernière aggrave la symp-
gies et du maintien de la volémie. Une fois l’état de la mère stabilisé, tomatologie des tumeurs cérébrales sans en augmenter l’incidence, à
l’évaluation des lésions se fait de la même façon que pour une femme l’exception des choriocarcinomes. Le pronostic global de ces affec-
non enceinte. Les examens radiologiques sont réalisés en fonction tions est médiocre et la mortalité maternelle des hémorragies
des besoins : les risques fœtaux liés à l’irradiation sont faibles si la sous-arachnoïdiennes est évaluée entre 5 et 24 % [20].
dose ne dépasse pas 10 rads et que l’on se situe au-delà de la Bien qu’une hypotension artérielle maternelle prolongée doive être
dixième semaine d’aménorrhée (SA) (un cliché de l’abdomen sans évitée, la réalisation d’une hypotension contrôlée, rapidement réver-
préparation délivre environ 1 rad au fœtus). Les radiographies des sible, peut faciliter ce type de chirurgie pendant la grossesse [21].
membres et du thorax sont réalisées avec une protection abdomino-
pelvienne. Principaux gestes chirurgicaux réalisés
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pendant la grossesse
■ Brûlures • Le type d’intervention est variable selon le terme avec deux
Les brûlures constituent un traumatisme tout à fait particulier dominantes :
pendant la grossesse. Elles sont rares et leur fréquence n’est pas aug- – la cœlioscopie au premier trimestre ;
mentée du fait de la grossesse. L’attitude thérapeutique et l’évolution – la chirurgie abdominale (appendicectomie, cholécystectomie)
dépendent de la surface brûlée et de l’âge gestationnel [17]. Le pro- en fin de grossesse.
nostic des brûlures étendues est sombre avec une mortalité mater- • Par ailleurs, le diagnostic des urgences abdominales est très
nelle globale de 25 % et une mortalité fœtale de 39 % [17, 18]. Au souvent difficile et retardé dans la deuxième partie de la grossesse.
premier trimestre, la survie et la poursuite de la grossesse ne sem-
blent pas compromises, même pour des surfaces brûlées supérieures
à 50 %. Aux deuxième et troisième trimestres, une surface brûlée
supérieure à 50 % impose l’accouchement ou la césarienne, faute de
Risques obstétricaux
quoi la mort maternelle est quasi-inéluctable [17]. Si la surface atteinte
La chirurgie non obstétricale chez la femme enceinte implique la
est inférieure à 40 %, la poursuite de la grossesse est envisageable, en
participation d’une équipe obstétricale et pédiatrique. L’âge de la
association avec une tocolyse.
grossesse est l’un des points les plus importants à prendre en compte
dans la prise en charge. Le chirurgien, l’anesthésiste, l’obstétricien, le
URGENCES CARDIAQUES réanimateur néonatologiste ou le pédiatre doivent planifier la chirur-
Les décompensations de cardiopathies rhumatismales ou, le plus gie et anticiper ses répercussions sur la mère et sur le fœtus.
souvent, congénitales ne sont pas rares au cours de la grossesse (1 à En dehors de l’urgence vitale maternelle, il ne semble pas raisonna-
3 %). Ce risque est majoré par l’hypervolémie et l’augmentation du ble d’entreprendre un acte chirurgical sur ce terrain si la structure
débit cardiaque qui accompagnent la grossesse. L’échec du traite- hospitalière ne possède pas sur place une maternité de niveau II au
ment médical peut conduire à poser l’indication d’une correction moins et, de préférence, de niveau III. Dans le cas contraire, il faut

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 5


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

envisager un transfert vers une structure capable de prendre en à l’aide d’injections fractionnées afin de faciliter la mise en œuvre des
charge la mère et le fœtus dans l’éventualité où une extraction fœtale mécanismes régulateurs du tonus vasomoteur et d’éviter toute chute
deviendrait nécessaire. brutale de la pression artérielle. Un certain degré d’autorégulation de
la perfusion existe mais cette capacité reste très limitée. Cette vasoplé-
SOUFFRANCE FŒTALE AIGUË gie impose le recours systématique à une perfusion prophylactique
de chlorhydrate d’éphédrine. En cas d’efficacité insuffisante de cette
Toute intervention chirurgicale chez la femme enceinte expose au
perfusion ou en présence d’une tachycardie importante, il est souhai-
risque de survenue d’une souffrance fœtale aiguë (SFA). Le dépistage
table d’utiliser la phényléphrine (en bolus de 50 μg). L’efficacité de ce
des signes de mauvaise tolérance du fœtus repose sur une sur-
traitement est souvent spectaculaire et son innocuité sur la circulation
veillance per-opératoire du rythme cardiaque fœtal (RCF) en sachant,
utéroplacentaire est bien établie, du moins pour des doses ne dépas-
néanmoins, que celui-ci n’est véritablement interprétable qu’à partir
sant pas 300 μg [25]. Lors d’une AG utilisant un anesthésique
de la 26e SA. Avant ce terme, on peut retrouver sur le RCF des ano-
halogéné, tel que l’halothane, il est intéressant d’observer que la chute
malies pouvant faire évoquer une SFA mais sans réalité clinique.
de la pression artérielle maternelle obtenue pour de faibles concen-
La SFA est la traduction clinique de l’hypoxie fœtale. Les paramè-
trations s’accompagne d’une chute des résistances vasculaires utéri-
tres maternels contrôlant l’oxygénation fœtale sont la PaO2, la capa-
nes, ce qui préserve le débit de perfusion utéroplacentaire [26]. Ce
cité de transport de l’oxygène (contenu en O2 ), l’affinité de
dernier va néanmoins être abaissé si l’on applique de fortes concen-
l’hémoglobine pour l’oxygène et, enfin, le débit de perfusion utéro-
trations d’halothane (entraînant une diminution de la pression arté-
placentaire. Le monitorage per-opératoire de la femme enceinte doit
rielle de l’ordre de 30 à 40 %).
donc permettre le dépistage chez la mère d’une hypoxémie (satura-
tion artérielle), d’une hypotension artérielle et de variations éven-
tuelles de la PaCO2, reflétées par la pression alvéolaire en CO2 de fin PRÉVENTION DE L’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ
d’expiration (PETCO2) sur la capnographie. Ce sont ces événements De nombreuses études de la littérature mettent plus ou moins
maternels qui doivent être redoutés car ce sont eux, et non le type directement en cause l’anesthésie dans la survenue d’un accouche-
d’agent anesthésique utilisé, qui sont à l’origine des complications ment prématuré. Shnider et coll. évaluent à 8,8 % le taux d’accouche-
fœtales graves. ment prématuré après chirurgie pendant la grossesse [27]. Capeless
Les causes principales d’hypoxie maternelle rencontrées lors de et coll. signalent également une incidence élevée, principalement lors
l’anesthésie générale (AG) comprennent classiquement le laryngo- des interventions réalisées pendant le premier et le deuxième trimes-
spasme, l’obstruction des voies aériennes, la malposition de la sonde tre de grossesse [28].
d’intubation, une FIO2 insuffisante. L’hypoxie peut également résulter La fréquence des accouchements prématurés dépend essentielle-
d’une hypotension, voire d’une hypoventilation secondaire à une ment de la localisation de l’acte chirurgical. Le risque est d’autant plus
anesthésie locorégionale trop étendue, qu’elle soit épidurale ou important que l’acte porte sur la région sous-ombilicale ou qu’il s’agit
sous-arachnoïdienne. En outre, l’hyperoxie maternelle, relativement d’une intervention gynécologique (Figure 3) : la fréquence peut
fréquente lors de la ventilation assistée, n’induit pas chez le fœtus de atteindre 28 % des cas après un cerclage utérin.

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fibroplasie rétrolentale ou de fermeture prématurée du canal artériel. Il n’existe pas actuellement d’étude établissant la responsabilité
La PaCO2 fœtale est directement corrélée à la PaCO2 maternelle. directe d’un agent anesthésique particulier dans la baisse ou
Une alcalose maternelle respiratoire ou métabolique provoque une l’augmentation de la fréquence des accouchements prématurés. En
chute du débit sanguin utérin par un effet de vasoconstriction [22]. En pratique, quels que soient la technique et le choix des agents
outre, l’alcalose déplace vers la gauche la courbe de dissociation de anesthésiques, le plus important semble être de monitorer les
l’oxyhémoglobine, augmentant ainsi l’affinité de l’hémoglobine contractions utérines à l’aide d’un tocographe si le site opératoire le
maternelle pour l’oxygène, provoquant une diminution de la déli- permet.
vrance d’oxygène au niveau fœtoplacentaire. L’hypercapnie mater- La principale préoccupation de l’obstétricien est de préserver l’ave-
nelle peut entraîner, si elle est profonde, une acidose avec risque de nir du fœtus quel que soit le terme de la grossesse en empêchant la
dépression myocardique. survenue de contractions utérines et, a fortiori, un accouchement
L’hypotension maternelle liée à une AG trop profonde, à une vaso- prématuré. Sur le plan thérapeutique, le recours à un traitement toco-
plégie par blocage sympathique ou encore à une hypovolémie repré- lytique est nécessaire. Certains auteurs recommandent sa mise en
sente une cause majeure de SFA, en raison de la chute du débit route, en perfusion continue, dès la période opératoire. Cependant, il
utéroplacentaire qu’elle entraîne. Davantage que son intensité, c’est n’est pas établi scientifiquement que ce traitement ait un effet pro-
sa durée qui constitue le principal facteur de gravité [23, 24]. Il faut phylactique sur les contractions utérines alors qu’il complique indé-
donc assurer une surveillance rapprochée de la pression artérielle niablement l’anesthésie, en particulier sous l’angle de la stabilité
maternelle (toutes les 2 à 3 minutes au lieu des 5 minutes habituelles) hémodynamique. En l’état actuel des connaissances, il paraît plus rai-
et un traitement rapide et efficace (expansion volémique et chlor- sonnable et réaliste de n’instaurer le traitement tocolytique qu’en
hydrate d’éphédrine) dès que la pression systolique chute en dessous début de période postopératoire ou devant l’apparition de contrac-
de 95 à 100 mmHg ou dès qu’elle s’abaisse de plus de 20 % par rap- tions utérines.
port aux chiffres de base. Les médicaments à visée tocolytique actuellement disponibles sont
La vasoplégie induite par le bloc sympathique doit absolument être nombreux. Les β2-mimétiques, tels que le salbutamol, la terbutaline
prévenue en installant très progressivement une anesthésie épidurale et la ritodrine, sont efficaces pour inhiber le travail pendant une

6 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
période courte, ne dépassant 24 à 48 heures ; au-delà, leur efficacité
s’épuise très nettement [29]. Ces produits ne sont toutefois pas
Implications chirurgicales
dénués d’effets secondaires gênants : tachycardie, hypotension arté-
rielle, troubles du rythme cardiaque (en particulier lors de l’anesthé- PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
sie), œdème pulmonaire, vasospasme cérébral et acidocétose. Comme nous l‘avons déjà évoqué, le moment de la chirurgie con-
Les auteurs anglo-saxons utilisent et recommandent le sulfate de ditionne en grande partie les risques maternels et surtout le devenir
magnésium. Cependant, le médecin anesthésiste ne doit pas perdre du fœtus. En conséquence, en dehors d’une indication urgente ou si
de vue que ce médicament est non seulement un dépresseur du sys- le pronostic vital de la mère est en jeu, tout acte chirurgical doit obli-
tème nerveux central mais qu’il potentialise également les myore- gatoirement être reporté après la naissance de l’enfant.
laxants. Par ailleurs, le sulfate de magnésium franchit la barrière La réalisation d’une intervention en cours de grossesse impose au
fœtoplacentaire, imprégnant le fœtus qui peut présenter une altéra- chirurgien le respect d’un certain nombre de règles, dont quatre sont
tion de la fonction neuromusculaire. Ces effets secondaires sont dose particulièrement critiques :
dépendante [30]. – la rapidité de l’acte chirurgical : une chirurgie qui se prolonge aug-
Plus récemment, les bloqueurs calciques comme la nifédipine et la mente le temps d’exposition aux agents anesthésiques et aux
nicardipine ont montré une activité tocolytique au moins égale à celle manipulations chirurgicales, ce qui accroît d’autant les risques pour
des β2-mimétiques en perfusion intraveineuse, mais sans en présen- le fœtus ;
ter tous les effets indésirables [31].
– la prévention de la compression aortocave : elle impose un certain
Les dérivés nitrés, tels que la trinitrine, sont efficaces sur l’hyperto- degré d’inclinaison latérale gauche de l’abdomen, ce qui peut com-
nie utérine, la rétention placentaire, l’accouchement de grossesses pliquer les gestes de l’opérateur ;
multiples ou encore l’inversion utérine [32]. L’utilisation d’un patch de
– l'adaptation de la voie d’abord et de la technique opératoire au terme
trinitrine a été proposée pour prévenir l’accouchement prématuré
de la grossesse. C’est particulièrement important lors de la chirurgie
avec des résultats encourageants mais non encore entièrement con-
abdominopelvienne à partir du deuxième trimestre de grossesse,
cluants [33].
date à partir de laquelle la taille de l’utérus va considérablement
Enfin, très récemment, l’atosiban, inhibiteur compétitif de l’ocyto-
gêner l’opérateur ;
cine, a été commercialisé. Cet agent inhibe la libération du calcium
libre intracellulaire qui est le médiateur de la contraction utérine. – la douceur des gestes intra-abdominaux et pelviens pour éviter de
Dans un essai clinique, Goodwin et coll. ont montré que l’atosiban stimuler l’utérus et provoquer les contractions utérines.
avait arrêté les contractions utérines chez 61 patientes sur 62 [34].
CŒLIOSCOPIE EN PÉRIODE DE GROSSESSE
Risques obstétricaux et prévention La grossesse a été longtemps considérée comme une contre-
des accouchements prématurés indication absolue à la réalisation de cœlioscopies. Pourtant, parallè-
lement, des cœlioscopies ont été réalisées de façon quasi routinière
© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

• Le taux d’accouchement prématuré après chirurgie pendant la chez des femmes suspectes de grossesse extra-utérine, afin d’élimi-
grossesse est évalué en moyenne à plus de 8 % principalement ner ce diagnostic. La constatation de la poursuite ultérieure normale
lors des interventions réalisées pendant le premier et le deuxième de ces grossesses intra-utérines a amené certains auteurs à reconsi-
trimestre de grossesse. dérer le bien-fondé de cette contre-indication de principe [35].
• Le risque est d’autant plus important que l’acte porte sur la Lanzafame [36] a rapporté une série de 5 cœlioscopies pour cholé-
région sous-ombilicale ou qu’il s’agit d’une intervention gynéco- cystectomie durant la grossesse et a fait une revue de la littérature sur
logique. le sujet, totalisant 46 cas. La plupart des cœlioscopies étaient réalisées
• En pratique, quels que soient la technique et le choix des agents au second trimestre (4 d’entre elles l’ont été au premier trimestre et 6
anesthésiques, le plus important semble être de monitorer les au troisième trimestre). Aucun avortement ni accouchement préma-
contractions utérines à l’aide d’un tocographe si le site opératoire turé n’est survenu. Le recours aux tocolytiques n’a été nécessaire que
le permet. dans 5 cas, en raison de l’apparition de contractions utérines au
• Les β2-mimétiques, tels que le salbutamol, la terbutaline et la décours de la cœlioscopie.
ritodrine, sont efficaces pour inhiber le travail pendant une
Curet et coll. [37] ont publié une étude comparant cœlioscopie et
période courte, ne dépassant 24 à 48 heures mais présentent de
laparotomie pour la cure de cholécystectomies et d’appendicecto-
très nombreux effets secondaires maternels.
mies durant la grossesse. Ils n’ont pas trouvé de différence concer-
• Les bloqueurs calciques comme la nifédipine et la nicardipine
nant le terme d’accouchement, le score d’Apgar et le poids à la
ont une activité tocolytique au moins égale à celle des β2-miméti-
naissance. En revanche, il existait une différence significative en défa-
ques en perfusion intraveineuse, mais sans en présenter tous les
veur du groupe cœlioscopie concernant la durée de l’intervention (82
effets indésirables.
minutes contre 49) mais la reprise du transit était plus précoce (1 jour
• Enfin, très récemment a été commercialisé un inhibiteur compé-
contre 2,4) et la durée d’hospitalisation était raccourcie (1,5 jour con-
titif de l’ocytocine, l’atosiban, pour lequel il n’y a encore pas de
tre 2,8). Ces résultats confirment que les bénéfices classiques de la
données disponibles quant à ses interférences potentielles avec
cœlioscopie peuvent être également retrouvés chez la femme
l’anesthésie.
enceinte.

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 7


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

Amos et coll. [35] sont les seuls, à la date de parution de ce chapi- ultérieurement. Dans ces conditions, la PETCO2 maternelle a aug-
tre, à avoir rapporté des cas de mort fœtale survenus dans les suites menté de 50 % et la PaCO2 de 60 % au cours du pneumopéritoine,
de cœlioscopies réalisées au cours de la grossesse. Leur étude com- entraînant ainsi une diminution du pH fœtal parallèle en fait à la dimi-
parait 2 groupes de patientes opérées à la même période, un groupe nution du pH maternel. Néanmoins, toutes ces perturbations
laparoscopie (n = 7) et un groupe laparotomie (n = 5). Les indica- per-cœlioscopique avaient tendance à disparaître après l’exsufflation
tions de cœlioscopie étaient représentées par 3 cas d’appendicite et ne semblaient pas avoir de conséquences fœtales ou maternelles à
aiguë, 3 cas également de pancréatite biliaire et une cholécystite long terme.
aiguë. Les laparotomies ont concerné la résection de masses À l’inverse, le travail publié par Barnard et coll. [39] apporte des
annexielles (4 cas) et une laparotomie exploratrice pour un carcinome données plutôt rassurantes. Dans cette étude, un pneumopéritoine à
de l’ovaire. Quatre décès fœtaux ont été dénombrés dans le groupe 20 mmHg était appliqué pendant 1 heure chez des brebis gravides et
cœlioscopie (3 durant la première semaine et 1 à la quatrième la PaCO2 était maintenue constante à 37 mmHg tout au long de
semaine postopératoires). Les auteurs reconnaissent les limites de l’expérimentation, grâce à l’adaptation de la ventilation contrôlée. La
leur travail du fait de l’hétérogénéité des pathologies et des facteurs seule modification constatée par ces auteurs concernait une diminu-
de risques, notamment infectieux, entre les groupes cœlioscopie et tion du débit sanguin placentaire maternel de - 39 %. Les autres
laparotomie. paramètres, et notamment la pression de perfusion placentaire fœtale
L’anesthésie générale avec intubation orotrachéale et ventilation et l’équilibre acide-base fœtal, n’ont pas été affectés. Les auteurs con-
contrôlée est habituellement recommandée pour la réalisation de cluaient que le fœtus de brebis présente des réserves de débit placen-
cœlioscopie chirurgicale en dehors de la grossesse [38]. Cette attitude taire suffisantes pour maintenir des échanges gazeux normaux,
est encore plus impérative durant la grossesse. En effet, l’alternative malgré un pneumopéritoine à 20 mmHg pendant une heure.
que représente le recours à l’anesthésie locorégionale, dans cette Le travail de Cruz et coll. [40] va dans le même sens. Ces auteurs
indication précise, paraît très discutable, voire dangereuse, en raison n’ont pas constaté d’effets délétères fœtaux ni même d’altérations du
du cumul des contraintes hémodynamiques et surtout respiratoires débit utéroplacentaire en maintenant la PaCO2 constante, grâce à
de la cœlioscopie d’une part et de l’état gravidique de l’autre. En effet, l’adaptation de la ventilation contrôlée. En revanche, ils ont constaté
la création du pneumopéritoine, l’existence d’un bloc sympathique une augmentation considérable (de 6 à 16 mmHg en moyenne) du
étendu (T4-S5) et la compression cave par l’utérus gravide pourraient gradient PaCO2-PETCO2 lors de l’insufflation péritonéale. Cet effet
entraîner une baisse importante du retour veineux et donc du débit semble propre à la femme enceinte [42]. La raison de ce phénomène
cardiaque avec le risque, in fine, d’engendrer une souffrance fœtale demeure obscure mais il faut retenir qu’une sous-estimation très
aiguë. En fait, si la tolérance de cœlioscopie elle-même, semble bonne importante de la PaCO2 peut se produire si la PETCO2 est utilisée
sur le plan de 1’hémodynamique maternelle [39-41], il n’en va pas de seule pour adapter la ventilation chez la femme enceinte subissant
même sur le plan respiratoire et l’anesthésie locorégionale risquerait une cœlioscopie.
d’aggraver encore la situation du fait de la faible réserve ventilatoire Afin de supprimer complètement le retentissement du pneumopé-
liée à l’état gravidique. ritoine au CO2, Iafrati et coll. [43] ont proposé de réaliser des cœlios-

© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.
L’abord chirurgical cœlioscopique pendant la grossesse contraint copies « sans gaz » grâce à un système de bras permettant de
donc à la réalisation d’une anesthésie générale dont on connaît suspendre la paroi abdominale. Un cas de cholécystectomie a ainsi
cependant les risques spécifiques chez la femme enceinte. Ces élé- été réalisé par ces auteurs durant la grossesse. Les deux principales
ments sont à prendre en considération lorsqu’une cœlioscopie est limites à la diffusion de la méthode sont représentées par l’encom-
envisagée durant la grossesse. Dans les cas extrêmes où le risque brement du champ opératoire et surtout par son coût. Cependant,
d’une anesthésie générale paraît démesuré par rapport au bénéfice cette variante technique paraît très attrayante, tout particulièrement
escompté de la cœlioscopie, on peut être amené à rediscuter l’indica- au cours de la grossesse.
tion si le geste chirurgical peut se réaliser par laparotomie sous anes- Enfin, une grande série épidémiologique est venue récemment
thésie locorégionale. confirmer l’absence de différence en termes de poids de naissance, de
Les effets du pneumopéritoine au CO2 sur la physiologie materno- durée gestationnelle, de retard de croissance intra-utérin, de malfor-
fœtale sont encore mal compris. Les études disponibles concernent mations congénitales, et de mortalité néonatale chez 2 181 patientes
des modèles animaux (brebis gravide). L’étude de Curet et coll. [41] enceintes, entre 4 et 20 semaines d’aménorrhée, opérées sous
montre des résultats inquiétants concernant les effets de l’insufflation cœlioscopie et comparées à 1 522 patientes ayant eu une laparoto-
péritonéale de CO2 sur l’équilibre acidobasique fœtal. Ainsi, la créa- mie [44]. En définitive, la réalisation d’une cœlioscopie durant la gros-
tion d’un pneumopéritoine au CO2, à 15 mmHg pendant 30 min, a sesse ne soulève plus d’opposition de principe. Néanmoins, un
entraîné non seulement une diminution du débit sanguin utérin de certain nombre de conditions doivent être réunies. La cœlioscopie
40 % par rapport aux valeurs de base mais également une acidose doit être effectuée par un opérateur expérimenté, de préférence au
fœtale. cours du deuxième trimestre de la grossesse. Le geste envisagé doit
Cependant, l’objectif de cette étude était d’observer les variations être simple et la survenue d’une difficulté opératoire doit conduire à
des différents paramètres hémodynamiques et ventilatoires, mater- une conversion rapide en laparotomie.
nels et fœtaux, en l’absence de toute intervention compensatrice. En Enfin, les problèmes particuliers liés à l’insufflation péritonéale de
particulier, la ventilation maternelle était réglée au départ de façon à CO2 au cours de la grossesse pourraient justifier un recours plus
obtenir une PETCO2 entre 33 et 38 mmHg et n’était plus modifiée large au contrôle gazométrique artériel et au monitorage

8 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
échocardiographique fœtal per-opératoire par voie transvaginale, administré à une certaine dose mais encore et surtout qu’il le soit à
notamment quand l’intervention risque de se prolonger au-delà de un moment spécifique du développement embryonnaire. C’est pour-
30 à 60 min. quoi les trois mois de la grossesse durant lesquels a lieu l’organoge-
nèse représentent la période la plus vulnérable.
Place de la cœlioscopie au cours de la grossesse  Évaluation du risque tératogène
• La cœlioscopie peut être utilisée chez la femme enceinte sans Démontrer la tératogénicité d’une substance est extrêmement diffi-
risque supplémentaire à la condition de respecter certaines pré- cile. Les agents anesthésiques, intraveineux ou inhalatoires, dont le
cautions. passage placentaire est très rapide par diffusion passive du fait de
• Les recommandations suivantes ont été publiées par la Société leur grande liposolubilité, sont à l’origine de lésions embryologiques
Américaine des chirurgiens endoscopistes : ou fœtales dans certaines espèces animales. Les études animales pré-
– retarder la chirurgie jusqu’au deuxième trimestre ; sentent de nombreux problèmes de méthodologie : doses, durées
– utiliser une compression pneumatique intermittente au niveau d’exposition, élimination de facteurs surajoutés, taille des échantillons
des membres inférieurs afin d’éviter le risque de thrombose ; pour mettre en évidence un risque faible. En outre, la diversité des
– surveiller l’état fœtal et utérin ainsi que le CO2 maternel de fin réponses d’une espèce à l’autre rend l’extrapolation au genre humain
d’expiration et la PaCO2 ; très aléatoire. L’exploitation de ces observations chez l’homme est
– utiliser une technique à ciel ouvert pour pénétrer dans donc extrêmement délicate. La thalidomide, tristement célèbre, en est
l’abdomen ; un parfait exemple : elle entraîne des malformations gravissimes chez
– prévenir la compression aortocave ; l’embryon humain et celui du lapin mais est sans danger pour le rat
– maintenir une pression intrapéritonéale basse, sans dépasser (seule espèce animale testée à l’époque de la commercialisation de
15 mmHg ; cet analgésique).
– obtenir une consultation préopératoire par un obstétricien.
 Périodes tératogènes
Les dommages qu’un médicament peut créer sur l’embryon sont
Implications anesthésiques très différents selon la période pendant laquelle ce médicament est
administré. En outre, il faut différencier les effets délétères sur le plan
IMPLICATIONS PHYSIOLOGIQUES fonctionnel, qui entraîne des anomalies biologiques (« mesurables »),
de ceux qui ne sont que d’ordre comportemental.
Les modifications physiologiques induites par la grossesse modi-
Après la fécondation et pendant la phase de segmentation de
fient la prise en charge de l’anesthésie sous l’effet conjugué de
l’œuf, c’est-à-dire pendant les 13 premiers jours de la grossesse, les
l’imprégnation hormonale (progestérone et œstrogènes), de l’effet
substances tératogènes provoquent la mort du blastocyste mais
mécanique de l’utérus gravide, de la demande métabolique fœtale et
n’entraînent pas de malformation : il s’agit d’une véritable loi du « tout
des conséquences hémodynamiques de la circulation placentaire.
ou rien ».
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Ces modifications, discrètes au premier trimestre, atteignent leur


À partir de la gastrulation, l’embryon passe par une phase de mor-
intensité maximale au troisième trimestre. Elles ont été envisagées,
phogenèse rapide, correspondant à la période comprise entre le 14e
ainsi que leur retentissement sur la conduite de l’anesthésie, dans le
et le 50e jour. Cette phase est régulée par des mécanismes inducteurs
chapitre 15 du présent Traité.
précis et complexes, qui peuvent être facilement perturbés. À partir du
troisième mois, commence la période fœtale, phase de maturation et
EFFETS DE L’ANESTHÉSIE SUR LE FŒTUS de perfectionnement des organes édifiés lors de l’embryogenèse.
Les agents anesthésiques et les médicaments en général peuvent Cependant, deux organes restent sensibles : l’appareil génital externe
agir sur le fœtus par deux mécanismes essentiels qui diffèrent sensi- d’une part, masculin (70 jours) comme féminin (150 jours), et le sys-
blement selon le terme de la grossesse. tème nerveux central d’autre part, dont la phase de myélinisation
Au premier trimestre, alors que se déroule l’organogenèse, le ris- débute à la fin du 2e trimestre et se prolonge après la naissance. Ainsi,
que de tératogénicité des médicaments est au premier plan. Ensuite, chaque organe passe par une période de sensibilité maximale
c’est le retentissement des modifications physiologiques liées à la (Tableau 2).
grossesse et des effets cardiorespiratoires de l’anesthésie sur les
échanges fœtomaternels qui devient prépondérant. ● Agents anesthésiques
 Médicaments utilisés lors de la prémédication
■ Premier trimestre de grossesse L’atropine est à l’origine d’une tachycardie fœtale avec diminution
de la variabilité de la fréquence cardiaque mais elle ne modifie pas
● Tératogénicité l’activité utérine. Aucun effet tératogène ne lui est connu.
Un médicament est dit tératogène lorsqu’il modifie le développe- Aucune donnée concernant un éventuel pouvoir tératogène des
ment normal de l’embryogenèse, conduisant à la mort de l’embryon antihistaminiques anti-H2 (cimétidine, ranitidine) n’a été publiée.
ou à des malformations congénitales de gravité variable. Pour que le L’hydroxyzine n’augmente pas le taux de malformations chez le
phénomène se produise, il faut non seulement que l’agent causal soit nouveau-né.

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 9


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

● Tableau 2 Âge de développement de chaque organe l’importance des concentrations utilisées et des durées d’administra-
et son maximum de sensibilité aux substances tératogènes tion, nettement supérieures à celles de la pratique courante. Les
études utilisant des doses modérées (0,75 CAM) d’halogénés, même
Organe Age de développement (en jours) lorsqu’elles sont été administrées pendant plusieurs heures, ne
Cerveau 18-40 retrouvent aucun effet tératogène [52]. Plusieurs auteurs se sont inté-
ressés à l’exposition professionnelle chronique des femmes tra-
Cœur 18-40
vaillant dans des blocs opératoires : aucune étude n’a montré
Œil 24-40 l’existence de corrélations entre une telle exposition professionnelle
Membres 24-36 aux agents halogénés et un risque accru de malformations fœtales
Organes génitaux masculins 45-70 [53]. Là encore, en pratique, la discordance des résultats des études
Organes génitaux féminins 40-150 animales entreprises, l’expérience clinique représentée par des
années d’utilisation en bloc opératoire et les résultats négatifs des
études épidémiologiques permettent de présumer l’absence de téra-
 Benzodiazépines togénicité des anesthésiques halogénés pendant la grossesse, à con-
Le diazépam inhibe significativement la croissance des neurones dition qu’ils soient utilisés dans les conditions habituelles [52].
corticaux in vitro [45]. Les benzodiazépines doivent être évitées pen-  Anesthésiques intraveineux
dant la grossesse car elles entraînent une fréquence accrue de fentes
Il n’existe pas d’étude réellement ciblée sur les effets tératogènes
labiales et palatines [46]. D’autres malformations, telles l’absence de
potentiels du thiopental lors de son administration pendant la gros-
pouce, les hernies inguinales, des anomalies de fermeture du tube
sesse. Les études concernant les barbituriques se sont essentielle-
neural avec spina bifida, et des malformations cardiaques sont égale-
ment intéressées à l’effet des traitements des patientes épileptiques.
ment rapportées [47, 48].
Elles ont montré un taux augmenté de malformations, notamment de
Le midazolam ne semble pas présenter d’effets embryotoxique ni fentes labiales et de cardiopathies lors de traitement au long cours
tératogénique. Néanmoins, parce qu’il appartient à la classe des ben- [54]. Les effets tératogènes d’une dose unique de thiopental lors de
zodiazépines, son utilisation pendant la grossesse ne peut pas être l’induction anesthésique sont certes inconnus mais les nombreuses
recommandée sauf en cas de nécessité absolue, après avoir effectué années d’utilisation sans problème de ce produit sont un gage de sa
une évaluation précise de ses avantages et de ses inconvénients, pour sûreté d’emploi.
la mère comme pour le fœtus. L’étomidate, le propofol et la kétamine ont fait l’objet d’études ani-
 Protoxyde d'azote males qui n’ont pas mis en évidence d’effet tératogène. Cependant, en
l’absence d’études humaines, ces agents ne doivent être utilisés que
Le protoxyde d’azote (N 2 O), entraîne une inactivation de la lorsqu’il existe une contre-indication au thiopental.
méthionine synthétase et, de ce fait, diminue le taux de thymidine
disponible pour la synthèse de l’ADN des cellules reproductrices [49].  Analgésiques morphiniques

© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.
Il augmente la fréquence des anomalies du squelette et des mal- L’utilisation prolongée de morphiniques, notamment chez les toxi-
formations viscérales chez le rat [50]. Le mécanisme de ces effets chez comanes, entraîne des retards de croissance in utero, une augmenta-
l’animal semble lié à une interférence avec le métabolisme de la vita- tion des taux d’accouchement prématuré et des syndromes de
mine B12, diminuant la synthèse de la méthionine, nécessaire au bon sevrage néonatal [55]. Cependant, leur utilisation ponctuelle lors des
développement et à la croissance du squelette et des viscères. Le interventions chirurgicales pendant la grossesse semble être dénuée
N2O interférerait également avec les processus de myélinisation [50]. d’effets tératogènes.
Enfin, son action sympathomimétique α1 semble, quant à elle, res- Un rôle favorisant de la morphine et de la péthidine (mépéridine) a
ponsable d’anomalies de latéralisation incluant le développement de été évoqué dans la survenue de hernies inguinales chez l’enfant [56]
situs inversus [51]. Cet effet tératogène et cytotoxique est cependant mais aucune étude n’a permis d’attribuer d’effet tératogène majeur à
très spécifique : il s’observe uniquement chez la ratte, pendant les 8e ces agents administrés aux doses habituelles. Seules des études chez
et 9 e jours de gestation, après une exposition prolongée la souris et chez le hamster ont montré que leur administration pen-
(> 12 heures) et à une fraction inspirée supérieure à 50 %. Cela fait dant la période d’organogenèse pouvait entraîner des malformations
des décennies que le N2O est utilisé pour des anesthésies au cours cérébrales et du squelette axial.
de la grossesse sans qu’aucun effet délétère pour le fœtus et le nou- Le fentanyl, le sufentanil et l’alfentanil ont fait l’objet d’études chez
veau-né humain n’ait été décrit. Les études épidémiologiques qui ont le rat dont aucune n’a permis de suspecter une possible tératogéni-
été conduites chez l’homme suggèrent très fortement qu’une exposi- cité [56, 57].
tion unique, dans le cadre d’une anesthésie pendant la grossesse, Il n’a pas été rapporté de toxicité fœtale associée à la nalbuphine
n’est pas tératogène [2, 3]. [58] alors que des anomalies congénitales sont retrouvées après utili-
sation de la codéine qui doit donc être évitée durant la grossesse [59].
 Anesthésiques halogénés
Les études animales concernant les effets tératogènes de  Myorelaxants (curares)
l’halothane, de l’enflurane et de l’isoflurane montrent des résultats Les curares, molécules fortement ionisées, passent peu la barrière
assez divergents. Un point commun à la plupart d’entre elles est placentaire et ne présentent pas d’effets tératogènes propres. En cas

10 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
d’administration prolongée, ils pourraient induire une diminution des EFFETS DE L’ANESTHÉSIE SUR L’UTÉRUS
mouvements spontanés du fœtus à l’origine de malformations de
En fin de grossesse, les artères spiralées, dont la musculature lisse
membres.
a été détruite lors de l’invasion trophoblastique, sont complètement
 Anesthésiques locaux dilatées et ne possèdent plus aucune possibilité d’autorégulation. La
Par leur action stabilisatrice de membrane, les anesthésiques circulation utérine est donc directement proportionnelle à la pression
locaux pourraient intervenir sur la croissance et la multiplication de perfusion moyenne et inversement proportionnelle aux résistan-
cellulaire. En clinique humaine, malgré une utilisation très large de ces ces vasculaires utérines qui sont corrélées au tonus du muscle utérin
agents, aucun effet tératogène n’a été rapporté [60, 61]. [64]. On peut exprimer le débit sanguin utéroplacentaire (DUP) par la
formule suivante :
■ Deuxième et troisième trimestres de grossesse Pression artérielle utérine moyenne- Pression veineuse utérine
DUT = ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Au cours du deuxième et du troisième trimestre de la grossesse, le Résistances vasculaires utérines
risque tératogène des agents anesthésiques persiste à un moindre
degré, puisque certains organes continuent à se différencier même Tout facteur modifiant l’un de ces trois paramètres peut faire varier
après la naissance (myélinisation). À cette période, cependant, les ris- le DUP.
ques sont essentiellement ceux d’une fausse couche tardive, d’un La plupart des agents d’induction diminuent la pression artérielle
accouchement prématuré et d’une hypoxie fœtale génératrice de SFA, sans modifier les contractions utérines, ce qui entraîne une diminu-
comme évoqué précédemment. tion de la pression de perfusion utéroplacentaire mais sans retentis-
sement chez un fœtus normal. Cette diminution est plus sensible en
cas de libération de catécholamines qui augmentent les résistances
EFFETS DES AGENTS ANESTHÉSIQUES vasculaires utérines comme on peut l’observer lors d’une analgésie
SUR LA PHYSIOLOGIE ET LE COMPORTEMENT insuffisante [64].
DU FŒTUS Après l’administration de 2 mg/kg de kétamine, la pression arté-
L’administration de fortes doses d’anesthésiques intraveineux peut rielle utérine augmente de 100 % pendant le premier trimestre de la
entraîner une bradycardie fœtale, habituellement sensible à l’atropine, grossesse, et de 40 % durant le deuxième trimestre. Les résistances
une dépression respiratoire néonatale plus ou moins sévère et des vasculaires du myomètre augmentent et le volume sanguin placen-
modifications des scores neurosensoriels et neurocomportementaux taire diminue. Au moment du terme, la kétamine augmente le tonus
à la naissance. Le diazépam en est l’exemple le plus caractéristique : de base des contractions utérines sans augmenter leur fréquence ni
administré 30 minutes avant la naissance, il entraîne une dépression leur intensité. Cet agent anesthésique n’est donc pas indiqué en début
respiratoire, une hypothermie et une hypotonie sévère chez le de grossesse.
nouveau-né. Les anesthésiques halogénés, administrés à une concentration voi-
Le retentissement des anesthésiques halogénés et des morphini- sine de 1 CAM, modifient peu le débit utéroplacentaire malgré une
ques ne semble pas être délétère pour le fœtus et le nouveau-né tant diminution d’environ 20 % de la pression artérielle systémique. Cet
© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

que la mère est parfaitement oxygénée et que son équilibre acidoba- effet s’explique vraisemblablement par l’existence de propriétés vaso-
sique est maintenu. dilatatrices des halogénés sur la circulation utérine et l’action indi-
La bupivacaïne ne semble avoir aucun effet sur le comportement recte représentée par la diminution du taux des catécholamines
du fœtus et du nouveau-né [62] alors que la lidocaïne a un retentisse- circulantes.
ment transitoire sur les scores neurocomportementaux du nou-
veau-né à la naissance. Toutefois, cet effet est sans conséquence Effets de l’anesthésie sur l’utérus gravide
clinique majeure tant que la perfusion utéroplacentaire est parfaite-
• L’état du fœtus est directement dépendant de son oxygénation
ment contrôlée [63].
assurée par la circulation utéroplacentaire.
• Tous les facteurs susceptibles de diminuer le débit utéroplacen-
Effets de l'anesthésie sur le fœtus taire peuvent entraîner une souffrance fœtale.
• Au premier trimestre de la grossesse, aucune étude n’a, à ce • En fin de grossesse normale, la vascularisation utérine se trouve
jour, démontré un risque accru de tératogénicité liée à l’utilisation en état de vasodilatation maximale avec peu, ou pas, de possibili-
des produits anesthésiques. tés de dilatation supplémentaire.
• Néanmoins, l’anesthésie générale est associée à une augmenta- • Le débit sanguin utérin ne peut donc plus s’autoréguler et il est
tion du risque d’avortement, que celui-ci soit induit par l’acte chi- directement proportionnel à la pression de perfusion moyenne.
rurgical ou par l’anesthésie elle-même. • La plupart des agents d’induction diminuent la pression arté-
• À partir du deuxième trimestre de grossesse, le retentissement rielle sans modifier les contractions utérines, ce qui entraîne une
de l’anesthésie sur les échanges fœtomaternels est au premier diminution de la pression de perfusion utéroplacentaire mais sans
plan et les risques sont principalement ceux : retentissement chez un fœtus normal.
– d’un avortement tardif ; • Cette diminution est plus sensible en cas de libération de caté-
– d’un accouchement prématuré ; cholamines qui augmentent les résistances vasculaires utérines
– ainsi que d’une hypoxie fœtale. comme on peut l’observer lors d’une analgésie insuffisante.

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 11


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

Par contre, des concentrations plus élevées (2 CAM) provoquent


une nette diminution du débit cardiaque, de la pression artérielle et
Conduite pratique de l’anesthésie
du flux sanguin utérin (30 à 40 %). En outre, les halogénés sont res-
ponsables d’une baisse du tonus utérin qui peut être bénéfique pour INDICATIONS
le fœtus et, plus tard, le nouveau-né. L’action sympatholytique des Les interventions chirurgicales non urgentes doivent être reportées
halogénés pourrait, en maintenant un débit utéroplacentaire satisfai- après l’accouchement. Si ce report n’est pas possible, dans la mesure
sant, compenser les effets de la plupart des agents anesthésiques sur du possible, il convient d’attendre le deuxième ou le troisième trimes-
la perfusion fœtale. tre de grossesse pour programmer une intervention indispensable
L’hypoventilation maternelle secondaire à l’administration de for- (Figure 4).
tes doses de morphiniques conduit à une hypercapnie qui favorise la Toute femme en période d’activité génitale ne bénéficiant pas d’une
libération de catécholamines et entraîne une augmentation du tonus contraception efficace et qui doit subir une intervention chirurgicale
utérin avec une diminution du flux sanguin placentaire pouvant doit faire l’objet d’une vérification préalable de l’absence de grossesse
retentir sur l’état du fœtus. évolutive.

ÉLÉMENTS NON PHARMACOLOGIQUES GÉNÉRALITÉS


INTERVENANT SUR LE FŒTUS Le double objectif de maintien de la sécurité maternelle et de pré-
servation du bien-être fœtal doit être atteint au cours de toute anes-
thésie chez la femme enceinte. La sécurité maternelle passe par
■ Oxygène et dioxyde de carbone
l’évaluation des risques pré-, per- et postopératoires. La préservation
Des modifications gazométriques indésirables peuvent fréquem- du bien-être fœtal repose sur la prévention du risque d’accouche-
ment s’observer au cours de l’anesthésie. Expérimentalement, chez ment prématuré, de l’anoxie intra-utérine et de la SFA, ce qui suppose
l’animal, l’hyperoxie, l’hypoxie et l’hypercapnie peuvent être térato- le maintien de l’oxygénation et de l’hémodynamique maternelle.
gènes [65]. D’une manière générale, et à condition de ne pas engendrer une
L’hypoxie entraîne des anomalies congénitales chez la souris, le anxiété majeure de la mère, la préférence sera donnée aux techniques
lapin et le poulet pendant la phase d’organogenèse. Les effets térato- d’anesthésie locorégionale, lorsque la pathologie et le type de chirur-
gènes de l’hyperoxie, quant à eux, sont controversés ; seules des étu- gie le permettent. Comme nous l’avons vu, l’anesthésie locorégionale
des réalisées en oxygénothérapie hyperbare mettent en évidence le
développement de malformations. Chez des rats soumis à une
hypercapnie pendant 24 heures, on retrouve une forte incidence
d’anomalie cardiaque.
Femme enceinte
Chez l’homme, des expositions de courte durée à l’hypoxie et

© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.
l’hypercapnie n’ont pas fait la preuve d’un possible effet tératogène.
L’hypoxémie chronique des populations vivant à haute altitude ne se Chirurgie Chirurgie
Chirurgie
solde pas non plus par une augmentation de la fréquence des ano- non urgente et
indispensable
pour urgence
malies congénitales. non indispensable vitale

Une alcalose maternelle respiratoire ou métabolique provoque une


baisse du DUP par un effet de vasoconstriction. En outre, l’alcalose Programmer
maternelle déplace vers la gauche la courbe de dissociation de 1er trimestre 2ème/3ème
après
trimestre
l’oxyhémoglobine, entraînant une diminution de la délivrance d’oxy- l'accouchement
gène au niveau fœtoplacentaire. Même si aucune donnée clinique
formelle ne permet de conclure, les états d’alcalose maternelle doi-
vent être considérés comme néfastes pour le fœtus et évités ou traités Si pas ou peu de risques
maternels, envisager d'attendre
dans la mesure du possible. le milieu de grossesse

■ Émotion et stress Anesthésie avec le minimum de


De nombreux facteurs tels que l’anxiété, le stress, les fortes émo- retentissement sur la mère et le fœtus
Si risques maternels Obstétricien et pédiatre disponibles
tions ou l’immobilisation maternelle ont été incriminés mais leur téra- importants Monitorage RCF et CU pré, per et
togénicité potentielle est incertaine, en l’absence d’études → chirurgie post-opératoire
épidémiologiques réalisées à grande échelle. Prévention +++ de l'accouchement
prématuré
Le stress et la douleur, qui entraînent une hyperventilation indui-
sant une alcalose et une hypocapnie responsables d’une chute du
DUP par vasoconstriction utérine, peuvent entraîner des lésions ● Figure 4 Organigramme décisionnel pour la chirurgie chez la femme
fœtales graves. enceinte

12 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
diminue le risque de fausse couche et, surtout, réduit l’exposition du ● Traitement de l’hypotension maternelle
fœtus aux agents anesthésiques, donc à leurs risques tératogènes En plus du traitement étiologique, le traitement de l’hypotension
potentiels. maternelle repose sur la restauration de la volémie et l’utilisation
d’agents vasopresseurs.
CONSULTATION PRÉ-ANESTHÉSIQUE La restauration de la volémie repose sur le remplissage vasculaire
Quel que soit le type de chirurgie et d’anesthésie choisi, la consul- par les cristalloïdes et, en cas d’hémorragie, des produits et dérivés
tation préopératoire est capitale. Elle permet d’appréhender l’ensem- sanguins.
ble des problèmes par un examen clinique complet précisant, en En raison de la gravité des conséquences pour le fœtus d’un choc
particulier, le risque d’intubation difficile, l’existence de signes en anaphylactique ou anaphylactoïde qu’ils pourraient induire, les col-
faveur d’un syndrome cave, l’état veineux des membres inférieurs loïdes de synthèse sont contre-indiqués comme traitement préventif
dans l’optique d’un risque de thrombose majoré, la prise de médica- de l’hypovolémie au cours de la grossesse. Le traitement curatif d’une
ments et les antécédents allergiques. hypovolémie repose, tant que le fœtus est in utero, sur l’utilisation de
Le bilan maternel dépend de la pathologie ou des lésions, en cas cristalloïdes, si l’hypovolémie est modérée, et d’albumine à 4 % si
de traumatisme. Il comprend un bilan biologique et, si nécessaire, un l’hypovolémie est sévère [66, 67].
bilan radiologique qui devra se limiter aux clichés indispensables, en L’innocuité pour le fœtus des gélatines et des hydroxyéthylami-
sachant que l’état de la mère prime souvent sur celui du fœtus. dons n’est pas encore totalement établie. Cependant, là encore, l’état
Le bilan obstétrical, variable selon le terme, est, lui aussi, de la mère peut nécessiter l’utilisation de ces solutés.
indispensable ; il comprendra un monitorage du rythme cardiaque Tous les vasoconstricteurs, par leur effet sympathomimétique α,
fœtal et des contractions utérines ainsi qu’une échographie Doppler augmentent les résistances vasculaires utéroplacentaires et dimi-
permettant d’évaluer le flux des artères utérines, de l’artère ombilicale nuent d’autant le DUP. Le chlorhydrate d’éphédrine est le vasocons-
et des artères cérébrales fœtales. tricteur le plus sûr pour corriger la pression artérielle maternelle car il
modifie peu le DUP du fait de son effet α faible et de son effet β : il
PRÉMÉDICATION permet d’augmenter le débit cardiaque maternel sans induire de
En dehors d’une anxiété maternelle particulière, aucune prémédi- vasoconstriction utéroplacentaire significative.
cation anxiolytique n’est nécessaire. Seule la prévention des régurgi-
tations et du syndrome d’inhalation doit être systématique. ● Traitement des hémorragies
En pratique obstétricale, le niveau d’hémodilution acceptable doit
ANESTHÉSIE PROPREMENT DITE intégrer les modifications volémiques maternelles liées à l’état de
Le respect absolu de quelques règles est essentiel lors de l’anesthé- grossesse et le risque fœtal. Dans la perspective d’une intervention
sie en urgence d’une femme enceinte. hémorragique ou potentiellement hémorragique chez la femme
enceinte, il semble fondamental de maintenir le taux d’hémoglobine
© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

au-dessus de 8 g/dL [68]. Par ailleurs, les modifications physiologi-


■ Maintien de l’hémodynamique maternelle ques de la femme enceinte et, en particulier, à proximité du terme,
La relation directe entre la pression artérielle maternelle et le DUP favorisent la survenue d’une consommation de facteurs de coagula-
fait de l’hémodynamique maternelle le principal déterminant du tion. De ce fait, la correction de l’hémorragie devra toujours s’accom-
bien-être fœtal. Toute hypotension maternelle doit être évitée et la pagner du maintien des facteurs de la coagulation à leur taux optimal
valeur de 100 mmHg est considérée comme la limite inférieure tolé- en apportant le plus rapidement possible les dérivés et fractions san-
rable de pression artérielle systolique. guines appropriés.
● Prévention de l’hypotension maternelle
La prévention de l’hypotension liée à la compression cave repose ■ Maintien de l’oxygénation maternelle
sur l’utilisation systématique du décubitus latéral gauche lors du L’oxygénation fœtale dépend certes du DUP mais aussi de l’oxygé-
transport en salle d’opération et l’inclinaison de la table vers la gau- nation maternelle dont l’insuffisance est source d’hypoxémie et d’aci-
che de 15˚ ou la mise en place d’un coussin sous la hanche droite dose fœtales. La prévention de l’hypoxémie maternelle repose sur le
pendant toute l’intervention. dépistage du risque d’intubation difficile, la préoxygénation avant
La prévention de l’hypotension liée à l’induction de l’anesthésie l’induction d’une anesthésie générale et le maintien d’une fraction
générale ou à la vasoplégie de l’anesthésie locorégionale repose sur inspirée en oxygène (FIO2) adaptée au cours de la chirurgie.
une expansion volémique préalable. Les cristalloïdes sont les solutés Une intubation difficile prévisible doit faire choisir une technique
de remplissage de première intention chez la femme enceinte. d’anesthésie locorégionale. Si celle-ci est impossible, il faudra organi-
L’inversion du régime de pression intrathoracique induite par la ser une intubation vigile sous fibroscopie. Rappelons que c’est
ventilation mécanique est responsable d’une diminution du retour l’hypoxie et non l’échec d’intubation qui est létale.
veineux et du débit cardiaque. Ce risque est majoré par l’emploi d’une La préoxygénation est systématique avant l’induction de toute
pression expiratoire positive (PEP). En pratique, l’hyperventilation doit anesthésie générale. Elle permet de maintenir une PaO2 satisfaisante
être évitée et l’utilisation d’une PEP n’est pas recommandée sauf si elle pendant la période d’apnée accompagnant la laryngoscopie et l’intu-
s’avère indispensable au maintien de l’oxygénation maternelle. bation. Elle peut être réalisée soit par 4 hyper-insufflations volontai-

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 13


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

res successives en FIO2 100 % soit par 3 minutes de respiration tion dans l’équipe. Il est utile de rappeler que la pression exercée sur le
normale en FIO2 100 %. cartilage cricoïde doit être importante, équivalente à celle susceptible
Il est généralement considéré qu’il faut maintenir une FIO2 supé- d’induire une douleur lors de la pression forte sur la base du nez. Cette
rieur à 50 % au cours de la chirurgie puisqu’il ne semble pas y avoir proposition, déjà ancienne, a été évaluée par la suite. Des pressions
de conséquences fœtales délétères de l’hyperoxie maternelle. très souvent inadaptées (en excès ou en défaut) ont pu être retrouvées,
pour des manœuvres de Sellick que des infirmières anesthésistes et
■ Prévention de la pneumopathie d’inhalation des médecins considéraient pourtant comme efficaces [69, 70]. Ces
études recommandent un apprentissage sur mannequin possédant
La prévention de la pneumopathie d’inhalation repose sur des
un capteur de pression. Il peut être plus simple de s’exercer selon la
mesures pharmacologiques destinées à augmenter le pH et à dimi-
technique de la seringue de 50 mL (ou 60 mL) [71]. Il faut obturer son
nuer le volume du contenu gastrique.
embout d’injection et en placer le piston au niveau du repère 50 mL.
● Contrôle du pH du liquide gastrique La pression alors exercée pour amener le piston au niveau de la mar-
que 38 mL est équivalente à celle recommandée pour une patiente
 Citrate de sodium encore éveillée (20 Newtons, en se souvenant que 9,81 N = 1 kg). La
L’effet anti-acide du citrate de sodium est immédiat et rend son uti- pression exercée pour atteindre la marque 33 mL correspond à celle
lisation en urgence particulièrement adaptée. La quantité de citrate à recommandée pour une patiente inconsciente (30 N).
administrer est évaluée à 30 mL d’une solution 0,3 molaire. La durée Cette manœuvre comporte quelques effets délétères qu’il importe
d’action est relativement courte puisqu’elle est en moyenne de de connaître :
45 minutes après l’absorption de 30 mL, ce qui limite l’effet protec- – déviation trachéale si la pression n’est pas exercée dans un plan
teur si l’acte opératoire se prolonge. strictement médian ;
 Antihistaminiques anti-H2 – aplatissement de la lumière trachéale si la pression est trop forte ;
La cimétidine (Tagamet) ou la ranitidine (Raniplex) sont des inhibi- – une application trop forte avant la perte de conscience de la partu-
teurs puissants de la sécrétion acide gastrique. Leur délai d’action par riente peut entraîner des efforts de toux, augmentant de ce fait la
voie IV ne permet pas leur utilisation dans un contexte d’urgence. La pression intragastrique.
forme galénique effervescente associant 200 mg de cimétidine ou
150 mg de ranitidine à du citrate de sodium permet d’obtenir l’effet ■ Induction de l’anesthésie générale en séquence rapide
anti-acide immédiat du citrate à l’effet prolongé des anti-H2. L’induction de l’anesthésie générale en séquence rapide permet de
réaliser l’intubation orotrachéale et d’assurer rapidement la protec-
● Contrôle du volume gastrique
tion des voies aériennes. Elle ne présente pas de particularités chez la
 Métoclopramide femme enceinte : injection de l’hypnotique puis de la succinylcholine
Le métoclopramide (Primpéran) augmente la vidange gastrique et sous compression cricoïdienne par manœuvre de Sellick, puis intuba-

© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.
renforce le tonus du sphincter du bas œsophage. Il est habituelle- tion non traumatique lorsque les fasciculations ont cessé et que le
ment utilisé à la posologie de 10 mg. Son délai d’action pour la menton peut être facilement mobilisé (en moins d’une minute en
vidange gastrique est d’environ 20 minutes. Cependant, administré général). La ventilation au masque est prohibée après la perte de
5 minutes avant l’induction de l’AG, il annule l’effet relaxant de l’atro- conscience pour éviter d’insuffler l’estomac et de favoriser les régur-
pine et de la péthidine sur le tonus du sphincter du bas œsophage. gitations gastriques. Cependant, en cas de difficulté d’intubation, on
De plus, il agirait sur la vidange gastrique elle-même en présence de peut y avoir recours à condition de maintenir la manœuvre de Sellick.
morphiniques. La sonde d’intubation est « étanchéifiée » par gonflage du ballonnet.
La constatation d’un tracé expiratoire de CO2 sur le capnographe et
 Érythromycine
l’auscultation systématique des deux champs pulmonaires confir-
Le lactobionate d’érythromycine (Érythrocine) est un sel soluble ment la bonne position de la sonde.
destiné à l’administration IV. Il induit des contractions du tractus
Le concept de « séquence rapide » ou de « crash induction » repose
gastro-intestinal comparables à celles provoquées par la motiline.
sur la rapidité d’exécution, mais non sur la précipitation et les gestes
À la dose de 3 mg/kg, l’effet est maximal en 10 minutes et persiste
désordonnés qui peuvent encore trop souvent être observés dans
110 minutes. L’érythromycine pourrait ainsi trouver une indication
certains blocs opératoires. Un pourcentage important de difficultés
dans la prévention du syndrome de Mendelson.
d’intubation est en réalité le résultat d’une tentative d’intubation trop
● Manœuvre de Sellick précoce sur une parturiente à peine inconsciente et très incomplète-
ment curarisée.
La manœuvre de Sellick (pression cricoïdienne destinée à occlure
l’œsophage pendant la réalisation d’une intubation trachéale) doit être
réalisée sur une parturiente en décubitus dorsal, tête légèrement ■ Surveillance peropératoire du rythme cardiaque fœtal
abaissée et en hyperextension, dès la perte de conscience. La pression Chaque fois que c’est possible, il faut assurer le monitorage du RCF
doit être maintenue jusqu’à la vérification de la bonne position de la par voie externe (en pratique dès la 16e semaine d’aménorrhée). Sa
sonde d’intubation et n’être relâchée qu’une fois le ballonnet gonflé. réalisation doit répondre à quelques règles formelles :
Elle nécessite la présence d’un aide entraîné, quelle que soit sa fonc- – le matériel doit être disponible ;

14 Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale


V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications 9
– une personne (sage-femme ou obstétricien) capable de l’interpré- tes doit être assurée dans une structure hospitalière disposant sur
ter doit être présente ; place d’une maternité et d’une unité de réanimation néonatale car le
– le ou les capteurs ne doivent pas gêner le chirurgien ; risque d’accouchement prématuré est le principal risque qui menace
– et, en cas d’anomalies constatées, les conditions doivent être le fœtus (en sus de l’avortement précoce).
réunies pour mettre en route une thérapeutique adaptée.
La survenue d’une bradycardie fœtale en phase préopératoire doit ■ Surveillance maternelle et analgésie postopératoire
faire rechercher rapidement une hypertonie utérine justifiant l’aug- La surveillance postopératoire maternelle porte sur les paramètres
mentation des concentrations d’anesthésiques halogénés. Il peut usuels avec une attention particulière au maintien d’une pression
également s’agir d’une bradycardie d’origine hémodynamique, liée à artérielle systolique supérieure à 100 mmHg et d’une oxygénation
une hypotension artérielle maternelle, d’une hypoxie maternelle ou correcte.
d’une hypocapnie résultant d’une hyperventilation.
L’analgésie postopératoire sera également mise en route en SSPI.
Enfin, la bradycardie fœtale peut parfois aussi être la conséquence Elle est, au mieux, assurée par la poursuite de la technique d’anesthé-
d’un surdosage relatif en anesthésiques halogénés, principalement en sie locorégionale lorsque celle-ci a été instituée pour la chirurgie et
cas d’hypoxie fœtale préexistante ; en effet, il a été démontré que elle fait appel aux anesthésiques locaux et/ou aux morphiniques.
l’adaptation hémodynamique à l’hypoxie, et plus particulièrement la L’utilisation des analgésiques par voie systémique est semblable à
redistribution du débit sanguin vers le territoire cérébral, pouvait être celle utilisée en dehors de la grossesse. Les anti-inflammatoires non
altérée en présence de fortes concentrations d’halogénés. stéroïdiens sont contre-indiqués en raison du risque de fermeture
Il faut noter que les modifications peropératoires de la variabilité prématurée du canal artériel et d’insuffisance rénale néonatale, de
du RCF n’ont pas la valeur sémiologique qu’elles ont habituellement même que les salicylés en raison du risque hémorragique qu’ils
car elles sont davantage liées aux effets de l’anesthésie générale qu’à entraînent.
une véritable SFA [72]. Le risque d’accidents thromboemboliques, majoré pendant la
période postopératoire, rend légitime et fondamentale une préven-
Éléments essentiels de la prise en charge tion systématique. Elle fait appel aux petits moyens (contention élas-
anesthésique tique des membres inférieurs, lever précoce…) associés aux
anticoagulants. Les antivitamines K n’ont pas leur place dans cette
• Les interventions chirurgicales non urgentes doivent être repor- prévention en raison du risque tératogène au premier trimestre et du
tées après l’accouchement. Si ce report n’est pas envisageable, risque hémorragique en fin de grossesse. On utilise les héparines non
dans la mesure du possible, il convient d’attendre le deuxième ou fractionnées ou de bas poids moléculaires. La prophylaxie ne diffère
le troisième trimestre de grossesse pour programmer une inter- pas dans ses modalités de celle utilisée dans les autres types de
vention indispensable. chirurgie [73].
• D’une manière générale, et à condition de ne pas engendrer une
L’antibioprophylaxie, idéalement débutée dans les deux heures
anxiété majeure de la mère, la préférence sera donnée aux techni-
© Groupe Liaisons SA, juin 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

précédant l’intervention, sera poursuivie pendant 24 à 48 heures. Elle


ques d’anesthésie locorégionale, lorsque la pathologie et le type
sera adaptée au type de chirurgie réalisée et ses modalités sont
de chirurgie le permettent.
actuellement bien codifiées [74]. Il faut rappeler que seuls les
• Le respect absolu de quelques règles est essentiel lors de l’anes-
β-lactamines et les macrolides sont dénués d’effets indésirables sur le
thésie en urgence d’une femme enceinte :
fœtus.
– consultation d’anesthésie et information de la patiente
systématiques ;
– bilan obstétrical soigneux et complet ; ■ Surveillance fœtale
– en dehors d’une anxiété maternelle particulière, aucune prémé- L’enregistrement continu du RCF doit être poursuivi ou débuté en
dication anxiolytique n’est nécessaire ; SSPI afin de détecter rapidement une SFA. Le risque accru d’accou-
– prévention et traitement immédiat de toute hypotension chement prématuré justifie également un monitorage des contrac-
maternelle ; tions utérines par tocométrie externe. Ce monitorage permettra
– maintien de l’oxygénation maternelle ;
– prévention de la pneumopathie d’inhalation ;
– si anesthésie générale, induction en séquence rapide, sous Suivi postopératoire de la mère et l’enfant
couvert de la manœuvre de Sellick ;
• Une surveillance postopératoire attentive en salle de sur-
– surveillance peropératoire du rythme cardiaque fœtal chaque
veillance post-interventionnelle (SSPI) est indispensable, aussi
fois que possible.
bien pour la mère que pour le fœtus.
• Idéalement, la prise en charge de ces patientes doit être assurée
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE dans une structure hospitalière disposant sur place d’une mater-
nité et d’une unité de réanimation néonatale car le risque d’accou-
Une surveillance postopératoire attentive en salle de surveillance
chement prématuré est le principal risque qui menace le fœtus (en
post-interventionnelle (SSPI) est indispensable, aussi bien pour la
sus de l’avortement précoce).
mère que pour le fœtus. Idéalement, la prise en charge de ces patien-

Chapitre 9 – Anesthésie de la femme enceinte pour une chirurgie non obstétricale 15


9 V – 9 – Gestion des situations critiques et des complications

d’initier rapidement et d’adapter un traitement tocolytique. Souvent, [5] Gomez A, Wood MD. Acute appendicitis during pregnancy. Am J Surg
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systématique après toute intervention chirurgicale réalisée au cours
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Les agonistes β2-adrénergiques restent les agents tocolytiques de jour en gynécologie et obstétrique. Paris, Vigot Diffusion, 1985:207-43.
choix, bien que leur utilisation en cours de grossesse expose à un ris- [8] Hill LM, Symmonds R. Small bowell obstruction in pregnancy. Obstet Gyne-
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puisqu’aucun des agents anesthésiques couramment utilisés n’a pu [18] Rayburn W, Smith B, Feller I, Varner M, Cruikshank D. Major burns during
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