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CHAPITRE

11
Anesthésie pour chirurgie
et maladies du foie
Yves Ozier, Claude Lentschener
(février 2003)
Abréviations
AG : anesthésie générale Sommaire
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens
ASA : score de risque anesthésique de INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
l’American Society of Anesthesiologists
ANESTHÉSIE POUR RÉSECTION HÉPATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
CGR : concentrés de globules rouges
ANESTHÉSIE ET CIRRHOSE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Cint : clairance intrinsèque
Clh : clairance hépatique
ANESTHÉSIE POUR CHIRURGIE
DE L’HYPERTENSION PORTALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
CPH : clampage du pédicule hépatique
DPS : dérivations portosystémiques CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Eh : extraction hépatique
© Groupe Liaisons SA, février 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

EVF : exclusion vasculaire du foie


fu : fraction libre (non liée aux protéines
plasmatiques)
HEA : hydroxyéthylamidons
HTP : hypertension portale
IHC : insuffisance hépatocellulaire
PVC : pression veineuse centrale
.
Qh : débit sanguin hépatique
TIPSS : acronyme de « Transjugular Intrahe-
patic Porto-systemic Stent Shunt »
TP : taux de prothrombine
VCI : veine cave inférieure

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 1


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

Introduction
Ce chapitre traitant des implications des maladies du foie en anesthésie est divisé artificiellement en trois parties. La première est consacrée à
l’anesthésie pour chirurgie de résection hépatique. Le plus souvent motivée par des lésions tumorales, cette chirurgie a connu de grands pro-
grès au cours des dix dernières années. Elle demande de l’anesthésiste-réanimateur une bonne connaissance de l’anatomie chirurgicale du
foie et des conséquences des gestes chirurgicaux. La deuxième concerne les implications anesthésiques des maladies chroniques du foie:
l’illustration en est la cirrhose dont la prévalence dans la population française est voisine de 2 pour mille. La dernière partie traite des parti-
cularités de quelques interventions effectuées pour des complications de cette maladie. Ne seront envisagées ici ni la transplantation hépa-
tique, ni les très rares hépatites aiguës graves induites par les anesthésiques halogénés.

Anesthésie hémi-foies, différents des lobes « anatomiques », qui reçoivent chacun


une branche principale du tronc porte et de l’artère hépatique. Ces
pour résection hépatique deux foies sont séparés par une scissure porte principale quasi-
virtuelle. La distribution intrahépatique des pédicules portaux permet
Le risque immédiat d’une hémorragie massive peropératoire était la division du foie en huit segments, à vascularisation distincte.
récemment inscrit en préambule à tout enseignement de l’anesthésie La majorité des résections hépatiques suivent la segmentation et
pour résection hépatique. Les avancées techniques chirurgicales ont, sont dites « anatomiques ». Elles peuvent consister en des segmentec-
aujourd’hui, réduit le risque hémorragique de cette chirurgie et en ont tomies isolées ou multiples. La résection hépatique est dite majeure
simplifié la prise en charge anesthésique [1, 2]. quand elle concerne au moins trois segments. Les interventions clas-
siques sont la lobectomie gauche (segmentectomie II et III), l’hépatec-
NOTIONS ESSENTIELLES D’ANATOMIE tomie gauche (II, III, IV, ± I), l’hépatectomie droite (V, VI, VII, VIII) et

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ET DE TECHNIQUE CHIRURGICALE DU FOIE l’hépatectomie droite élargie au segment IV. Quelques résections
atypiques peuvent ne concerner qu’une zone limitée de parenchyme
(tumorectomie).
■ Anatomie chirurgicale du foie
Volumineux et richement vascularisé, le foie reçoit, à sa face infé-
■ Les clampages vasculaires en chirurgie hépatique
rieure, au niveau du hile, une vascularisation mixte. Le débit sanguin
· Les clampages vasculaires ont pour but essentiel de diminuer le
hépatique (Qh) est d’environ 1-1,5 L/min, soit 20-25 % du débit car-
diaque. Il est assuré par saignement pendant la section du parenchyme hépatique. Ils ont des
· le tronc porte drainant le tube digestif et la conséquences circulatoires en aval : en normothermie, il est admis
rate (environ 2/3 du Q h), et par l’artère hépatique. Le sang quitte le
foie à sa partie postéro-supérieure par les veines sus-hépatiques qui qu’un parenchyme hépatique sain peut tolérer une période d’isché-
se jettent dans la veine cave inférieure (VCI). Celle-ci, rétrohépatique, mie d’une heure, voire davantage [3]. De plus, les clampages des axes
est enchâssée dans la masse hépatique. Les veines hépatiques princi- veineux majeurs (tronc porte et VCI) ont des répercussions circula-
pales sont habituellement au nombre de trois et leur trajet extra- toires systémiques.
parenchymateux est court. Il existe de nombreuses variantes Les clampages peuvent être sélectifs ou non. Les clampages sélec-
anatomiques, notamment concernant la disposition de la vasculari- tifs ne concernent que les pédicules vascularisant la zone réséquée et
sation artérielle. Le foie contient environ 10 % du volume sanguin n’ont pas de conséquences circulatoires systémiques. En revanche,
total, soit 400-500 mL. Ce volume dépend étroitement de la pression les clampages non sélectifs doivent être bien connus de l’anesthé-
veineuse sus-hépatique : chez l’animal, il double lorsque cette pres- siste-réanimateur en raison de leur retentissement hémodynamique
sion passe de 0 à 9 mmHg. systémique.
Plus pertinente que la notion anatomique classique de deux lobes
séparés par la scissure ombilicale et le ligament rond, l’anatomie ● Clampage du pédicule hépatique
chirurgicale identifie une segmentation en fonction de la distribution Le clampage du pédicule hépatique (CPH) est le clampage en
des pédicules vasculaires (Figure 1). Le foie est alors divisé en deux masse de l’artère hépatique, du tronc porte et de la voie biliaire

2 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11

Veine sus-hépatique Veine cave Veine Veine sus-hépatique


droite inférieure sagittale gauche

VII
II
VIII
I

III

V
VI

IV

Scissure porte droite Scissure principale Scissure ombilicale Scissure porte gauche
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● Figure 1 Segmentation hépatique en fonction de la distribution des pédicules vasculaires

principale (Figure 2). Le clampage du tronc porte est, en règle, très En partie liée à la séquestration dans le territoire splanchnique et
mal toléré chez la plupart des mammifères à l’exception des primates. cave inférieur, la baisse du retour veineux est importante et variable.
Chez l’homme, le CPH entraîne une baisse d’environ 10 % du débit La diminution du débit cardiaque, voisine de 50 % en moyenne,
cardiaque, associée à une élévation de 20 % à 30 % de la pression s’accompagne d’une augmentation de la fréquence cardiaque. La
artérielle systémique [4, 5]. L’augmentation des résistances vascu- pression artérielle moyenne est habituellement stable du fait d’une
laires systémiques a, vraisemblablement, une origine réflexe qui pren- augmentation très importante des résistances vasculaires systé-
drait sa source dans les barorécepteurs de la bifurcation portale [5]. miques [6]. En fait, le retentissement circulatoire est variable selon les
patients.
● Exclusion vasculaire du foie Différents facteurs concourent à la tolérance individuelle à l’EVF
L’exclusion vasculaire du foie (EVF) associe au CPH un clampage de comme le volume sanguin circulant et la fonction cardiaque. L’inten-
la VCI sous et sus-hépatique (Figure 3). Elle est utilisée pour prévenir sité de la réponse vasoconstrictrice intervient : pour une même baisse
le risque d’hémorragie massive et d’embolie gazeuse par plaie de la du débit cardiaque, la pression artérielle moyenne peut s’élever, se
VCI ou d’une veine sus-hépatique. Elle s’adresse plus volontiers à maintenir ou au contraire diminuer. Ces variations individuelles
l’exérèse des tumeurs proches du confluent cavo-hépatique et des imposent la réalisation d’un test d’EVF avant de débuter la résection
tumeurs de plus de 10 cm, à un geste associé sur la VCI ou le tronc hépatique. Fait important, cet état circulatoire doit être stable au cours
porte (désobstruction, résection), et pour interrompre le saignement du temps si l’exclusion est bien complète. En effet, en cas d’EVF
après une plaie vasculaire chirurgicale. incomplète, le foie se remplit de sang après l’application des clamps

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 3


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

● Clampage de l’aorte sus-cœliaque associé à l’EVF


Le clampage de l’aorte sus-cœliaque prévient la séquestration
sanguine dans le territoire tributaire du tronc porte et de la VCI. Ses
indications sont exceptionnelles ; elles se limitent aux exclusions
incomplètes du foie en cas de tumeurs recevant une vascularisation
artérielle de voisinage. La tolérance cardiaque à ce clampage aortique
haut est parfois médiocre, même si l’association de l’EVF diminue la
redistribution du sang du territoire inférieur vers le territoire central.

Anatomie chirurgicale du foie


et clampages vasculaires
• Le débit sanguin hépatique est d’environ 1-1,5 L/min, soit
20-25 % du débit cardiaque.
• L’anatomie chirurgicale identifie 8 segments hépatiques qui
reçoivent des pédicules portaux distincts.
• Une résection hépatique est dite majeure quand elle concerne
au moins trois segments.
• Les clampages vasculaires visent à diminuer le saignement ; ils
sont tolérés pendant 1 h environ par le parenchyme sain.
• Le clampage du pédicule hépatique entraîne une baisse d’envi-
● Figure 2 Clampage du pédicule hépatique (clampage en masse de l’artère ron 10 % du débit cardiaque, associée à une élévation de 20 % à
hépatique, du tronc porte et de la voie biliaire principale) 30 % de la pression artérielle systémique.
• L’exclusion vasculaire du foie entraîne une diminution de 50 %
du débit cardiaque, avec de grandes variations interindividuelles ;
l’augmentation de la fréquence cardiaque et des résistances vas-
culaires systémiques permettent habituellement de maintenir une
pression artérielle moyenne stable.
• Le clampage de l’aorte sus-cœliaque associé à l’exclusion vas-
culaire du foie a peu d’indications et est souvent assez mal toléré.

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ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
Outre la recherche et l’évaluation non spécifiques de comorbidités
incompatibles avec une chirurgie majeure, l’évaluation préopératoire
comporte essentiellement : a) le recueil des informations sur le geste
envisagé et son contexte, b) l’évaluation de l’état du parenchyme
hépatique non tumoral, c) l’évaluation de la probabilité d’une
transfusion.

■ Indication chirurgicale et son contexte


Le motif de la résection a des implications pour la prise en charge
périopératoire. La majorité des résections sont motivées par des
tumeurs. Il peut s’agir :
– de tumeurs bénignes (angiomes, adénomes) permettant d’envisa-
ger une technique de transfusion autologue peropératoire ;
● Figure 3 Exclusion vasculaire du foie : technique un clampage sous et – de métastases de cancers digestifs, où la résection peut avoir été
sus-hépatique de la veine cave inférieure au clampage du pédicule hépatique précédée de traitements anticancéreux ;
– d’un carcinome hépatocellulaire, faisant suspecter une maladie
et l’état circulatoire tend à se dégrader régulièrement. Il est alors hépatique chronique sous-jacente (cirrhose, hépatite chronique).
impératif de vérifier qu’une veine (habituellement surrénalienne droite D’autres résections sont motivées par des situations plus rares
ou diaphragmatique) ne s’abouche pas entre les deux clamps caves (donneur vivant pour greffe de foie, tumeurs rares, lésions infec-
dont il faudra alors modifier la position. tieuses…).

4 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
Le terme générique de « résection hépatique » regroupe des inter- récupération des pertes sanguines dans le champ opératoire peut
ventions très différentes par leurs conséquences per- et post- être proposée en cas de résection pour tumeur bénigne à haut risque
opératoires. Il est donc de la plus grande importance pour hémorragique (notamment dans les volumineux angiomes), mais son
l’anesthésiste-réanimateur d’avoir des informations précises sur le utilisation est controversée en cas de tumeur maligne. L’aprotinine
geste planifié par l’opérateur et sur ses incertitudes. Le bilan morpho- peut réduire les besoins transfusionnels au cours des résections
logique préopératoire repose sur l’échographie, l’artériographie, la hépatiques majeures, mais ses inconvénients (notamment le risque
tomodensitométrie et, si nécessaire, l’imagerie par résonance de sensibilisation et d’accident allergique) font que son utilisation doit
magnétique ; il permet la localisation de la tumeur et l’étude de ses être réservée à des situations particulières [7].
rapports avec la vascularisation hépatique. Ce bilan morphologique
prévoit également la nécessité d’un geste chirurgical associé suscep-
tible de prolonger l’intervention et d’accroître les pertes sanguines : Évaluation préopératoire
libération d’adhérences, exérèse d’un organe du voisinage, dés- avant résection hépatique
obstruction ou résection vasculaire [1].
• Indication opératoire : tumeur bénigne, métastase de cancer
digestif, carcinome hépatocellulaire.
■ Évaluation de l’état du parenchyme hépatique non tumoral • Nature du geste chirurgical, localisation de la tumeur et étude
L’existence d’une maladie hépatique sous-jacente nécessite un de ses rapports avec la vascularisation hépatique (échographie,
bilan spécifique (envisagé dans la section « anesthésie et insuffisance artériographie, tomodensitométrie, imagerie par résonance
hépatique »). Le plus souvent, il s’agit d’une cirrhose ou d’une hépatite magnétique).
chronique. Cette situation expose le patient à un risque létal par • Évaluation de l’état du parenchyme hépatique non tumoral : cir-
défaillance hépatique majeure (suivie de complications infectieuses et rhose, hépatite chronique, classification de Child-Pugh, transami-
de défaillance multiviscérale) et d’ascite postopératoires. Seuls les nases (l’élévation a une signification péjorative).
patients entrant dans la classe A de Child-Pugh (voir plus loin) • Bilan prétransfusionnel et anticipation des pertes sanguines :
peuvent éventuellement être candidats à une résection hépatique. – 60 % des résections hépatiques ne sont pas transfusées ;
L’élévation préopératoire des transaminases a une signification – 80 % des patients transfusés reçoivent moins de 6 culots de
pronostique péjorative [2]. La sélection rigoureuse de ce type de globules rouges ;
patients doit permettre, aujourd’hui, aux équipes chirurgicales d’obte- – 2 % des patients transfusés reçoivent plus de 10 CGR.
nir des résultats satisfaisants. • La place des techniques d’épargne sanguine est limitée.

■ Probabilité d’une transfusion ANESTHÉSIE ET RÉANIMATION PEROPÉRATOIRE


Quel que soit le cas de figure, la nécessité d’un bilan prétransfu-
sionnel s’impose naturellement avant ce type d’intervention. Les
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pertes sanguines sont très variables en chirurgie de résection hépati- ■ Techniques d’anesthésie
que. Les besoins transfusionnels sont loin d’être stéréotypés et facile- La résection hépatique programmée nécessite une anesthésie
ment prédictibles à l’échelle individuelle. Les grandes séries actuelles générale obéissant aux contraintes de la chirurgie abdominale par
de résections hépatiques effectuées en services spécialisés présentent laparotomie (hypnose, myorelaxation, analgésie). Aucun agent anes-
des résultats concordants : 60 % des résections hépatiques ne sont thésique n’a prouvé sa supériorité. Il est classique et raisonnable de
pas transfusées, 80 % des patients transfusés reçoivent moins de déconsidérer l’halothane qui a des effets défavorables singuliers sur
6 concentrés de globules rouges (CGR) et 2 % des patients transfusés le débit sanguin hépatique. Une insuffisance hépatocellulaire (IHC)
reçoivent plus de 10 CGR. La probabilité d’une transfusion augmente grave, qui proscrirait certains agents, est un facteur d’exclusion de
si le chiffre d’hémoglobine préopératoire est bas et si la résection est cette chirurgie. Des études expérimentales montrent que les halo-
étendue. L’existence d’une maladie hépatique sous-jacente n’apparaît génés (notamment l’isoflurane) et le propofol ont des effets favora-
plus comme un facteur de risque hémorragique, sans doute du fait bles sur les conséquences de l’ischémie-reperfusion [8]. L’utilisation
d’une sélection plus pertinente des patients. de protoxyde d’azote fait l’objet d’opinions divergentes dans cette
La place des techniques d’épargne de la transfusion homologue chirurgie où le risque d’embolie gazeuse est classique.
est difficile à situer et est à discuter au cas par cas. La transfusion Les techniques d’anesthésie périmédullaire, dont on pourrait atten-
autologue programmée se prête mal à un type de chirurgie où la pré- dre un bénéfice sur le débit sanguin hépatique et l’analgésie postopé-
vision des pertes sanguines est malaisée et où elle sera souvent inu- ratoire, ont des inconvénients faisant qu’elles n’ont pas de place. Le
tile. Il en est de même de l’érythropoïétine humaine recombinante qui bloc sympathique est un désavantage en cas de perturbation circula-
n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (en France) dans cette toire brutale. Une altération postopératoire du métabolisme hépa-
indication ; elle aurait toutefois une place quand une anémie tique de la lidocaïne avec augmentation progressive des
modérée préopératoire est le facteur déterminant d’une perspective concentrations plasmatiques a été mise en évidence, suggérant que le
de transfusion, notamment en cas de tumeur maligne. Le pouvoir risque de toxicité est plus difficile à maîtriser [9]. Enfin, la baisse post-
d’épargne transfusionnelle de l’hémodilution isovolémique n’est pas opératoire des facteurs de coagulation peut être incompatible avec la
validé dans ce type d’intervention et est sans doute modeste. La gestion d’un cathéter épidural [10].

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 5


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

■ Monitorage et mesures de sécurité durant la section parenchymateuse sont essentiellement d’origine


Deux voies veineuses de bon calibre, autorisant un débit élevé de veineuse. Il a été montré que leur abondance peut être corrélée à la
perfusion, sont mises en place, ainsi qu’un dispositif de réchauffe- valeur de la PVC [12]. Les problèmes circulatoires sont moins mena-
ment corporel et d’accélération-réchauffement des liquides perfusés. çants que par le passé :
Le monitorage hémodynamique pour les résections hépatiques tend – hémorragie. En milieu spécialisé, elle est moins abondante, moins
actuellement à être simplifié en raison des progrès techniques fréquente, et moins menaçante que par le passé. Les situations à
chirurgicaux : haut risque de pertes sanguines peuvent être anticipées par un
– la surveillance continue de la pression artérielle sanglante par un bilan préopératoire soigneux : adhérences péritonéales ou
cathéter artériel périphérique est indiquée pour la prise en charge diaphragmatiques, tumeurs de 10 cm ou plus, localisation tumo-
des interventions de longue durée et/ou lorsqu’une situation expo- rale proche du confluent cavo-sus-hépatique, nécessité d’un geste
sant à une instabilité circulatoire peropératoire est prévue. Il permet associé sur la VCI ou sur la veine porte (résection ou
des prélèvements sanguins répétés et l’amplitude des variations désobstruction), hypertension portale ;
respiratoires du pouls peut être un indicateur utile de réduction du – mobilisation peropératoire du foie. Elle peut comprimer la VCI et
retour veineux ; causer une baisse importante du débit cardiaque. Toute chute bru-
– la surveillance systématique de la pression veineuse centrale (PVC) tale et inexpliquée de la pression artérielle systémique, précédée
est aléatoire au cours des résections hépatiques. Les écarteurs par une chute inexpliquée du CO2 expiré durant la chirurgie, doit
chirurgicaux accroissent la pression intrathoracique et donc la PVC. faire envisager rapidement cette hypothèse et doit être signalée au
Les cathéters veineux centraux, plus longs que les cathéters vei- chirurgien ;
neux périphériques, opposent une résistance plus importante à – conséquences des interruptions vasculaires chirurgicales. Durant le
l’écoulement des solutés et sont moins utiles que ces derniers pour CPH, l’augmentation de la postcharge du ventricule gauche peut
une transfusion rapide. La mesure de la PVC n’est pas nécessaire accroître les contraintes exercées sur un myocarde fonctionnelle-
pour limiter les apports liquidiens durant la phase de section ment précaire. Il est alors prudent d’élever la concentration des gaz
parenchymateuse. Enfin, en cas d’hémorragie majeure, la restaura- halogénés si on les utilise pour conduire l’AG, afin de profiter de
tion de la PVC est un critère moins fiable de restauration leur effet vasodilatateur. L’EVF doit être installée progressivement,
volémique que la restauration de la pression artérielle systémique au mieux après avoir effectué un test d’EVF de 5 minutes. La fonc-
et du niveau du CO2 expiré ; tion cardiaque doit être au mieux de ses possibilités (réduction des
– l’intérêt d’un cathéter de Swan-Ganz est douteux [11]. Les consé- halogénés éventuellement utilisés). Il faut aussi veiller à prévenir
quences circulatoires transitoires de l’EVF, ou une instabilité hémo- toute gêne au retour veineux : si la table d’opération était en pro-
dynamique, causées par une bactériémie au cours de la clive, elle est remise en position horizontale stricte. Après la mise en
manipulation chirurgicale d’une voie biliaire infectée, sont stéréoty- place des clamps, la tolérance à l’EVF se juge sur un ensemble
pées et peuvent être traitées empiriquement par une expansion d’éléments parmi lesquels prédomine le relatif maintien de la pres-
volémique et des amines vasopressives. La mise en place d’un tel sion artérielle moyenne. Le test est précédé par une expansion

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cathéter peut être envisagée en cas de cardiopathie, quand une volémique (1 à 2 litres de substituts colloïdes du plasma). En fait,
défaillance circulatoire peropératoire complexe, résultant de causes on ne s’obstinera plus, aujourd’hui, à élever à tout prix, par une
intriquées, ne pourra être facilement analysée et stabilisée par un expansion volémique majeure, les indices de précharge du ventri-
traitement symptomatique empirique (expansion volémique et cule gauche avant l’EVF. La courte durée de l’EVF autorise le
amines pressives). L’échocardiographie transœsophagienne est la recours rapide à un support hémodynamique pharmacologique,
technique la plus fiable pour apprécier le remplissage des cavités idéalement la noradrénaline pour son effet vasopresseur et toni-
cardiaques gauches, et/ou un régime de fonctionnement hypo ou cardiaque, après l’expansion volémique modérée initiale ;
hyperkinétique. L’intérêt du Doppler œsophagien paraît limité dans – embolie gazeuse. Annoncée par une chute brutale du CO2 expiré,
les situations d’urgence en chirurgie digestive majeure. En effet, les elle est un accident anecdotique. Il n’est pas démontré qu’une
manipulations chirurgicales et les changements de position répétés pression positive de fin d’expiration soit une mesure préventive
de l’opéré nécessitent de très fréquents repositionnements de la efficace.
sonde.
Au total, la décision de recourir à une surveillance hémodyna- ■ Antibiothérapie
mique invasive pour la prise en charge anesthésique d’une résection L’antibioprophylaxie est celle d’une « chirurgie propre » (classe 1
hépatique ne doit pas être systématique, mais tiendra compte non d’Altemeier) lorsque la résection hépatique intéresse une tumeur
seulement des éléments du bilan préopératoire prédictifs d’une insta- bénigne ou maligne non compliquée, développée sur un parenchyme
bilité hémodynamique, mais aussi de l’expérience et des habitudes de hépatique sain ou cirrhotique. L’administration de céfazoline (2 g lors
l’équipe chirurgiens - anesthésistes. de l’induction de l’anesthésie générale suivie de 1 g toutes les
4 heures durant la chirurgie) est alors recommandée. Une obstruc-
■ Gestion des apports liquidiens tion des voies biliaires, avec ou sans ictère, et/ou l’existence d’un syn-
et des problèmes circulatoires drome infectieux, doit conduire à administrer une antibiothérapie
Les apports liquidiens doivent être limités jusqu’à la fin de la sec- curative, pipéracilline ou pipéracilline + tazobactam, associée à un
tion parenchymateuse. En effet, les pertes sanguines observées aminoside ou à une fluoroquinolone.

6 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
La suite du traitement sera adaptée sur les résultats des prélève- qu’apparaissent des signes évocateurs d’hypovolémie (oligurie,
ments de bile peropératoire. L’évolution clinique guidera la durée de tachycardie) après résection hépatique majeure, palliera à ces consé-
ce traitement. La présence d’une ascite chez un cirrhotique expose au quences circulatoires. Le recours à une solution d’albumine n’est,
risque d’infection périopératoire, essentiellement par des entéro- habituellement, pas nécessaire dans cette situation transitoire.
bactéries d’origine digestive (voie hématogène ou translocation bac-
térienne). Une prophylaxie de 24 heures, par une céphalosporine de ● Parenchyme cirrhotique
3e génération ou une fluoroquinolone, est justifiée.
En cas de cirrhose, les pertes ascitiques sont fréquentes et peuvent
être abondantes. Il n’est pas démontré que la restriction volémique
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE INITIALE per- et/ou postopératoire prévienne l’apparition d’une ascite post-
Elle doit également tenir compte de données spécifiques dont les opératoire chez le cirrhotique. L’intérêt de la correction d’une hypo-
principales sont listées ci-après. albuminémie par des apports parentéraux, afin de maintenir la
pression oncotique, est l’objet d’une controverse. L’ascite se constitue
aux dépens du volume sanguin circulant. La conséquence directe de
■ Analgésie postopératoire l’apparition d’une ascite sera donc une baisse du débit sanguin rénal
La douleur postopératoire a été efficacement traitée, sans compli- et du débit de filtration glomérulaire. Une insuffisance rénale fonc-
cations publiées, par de multiples protocoles d’analgésie épidurale et tionnelle peut en résulter ; non traitée à temps, elle peut évoluer vers
intrathécale après résection hépatique. Les analgésies rachidiennes le syndrome hépatorénal, de très mauvais pronostic.
font toutefois redouter des complications hémorragiques locales L’objectif premier de la réanimation postopératoire du cirrhotique
liées : est de maintenir une pression de perfusion rénale optimale et une
– à l’activation peropératoire constante de la fibrinolyse ; diurèse suffisante [14]. Les apports en eau et en sel seront maintenus
– et à la chute précoce du taux des facteurs du complexe prothrom- à la limite inférieure des apports habituels. Si une oligurie ou des
binique par dilution, consommation, et défaut immédiat de signes d’hypovolémie (baisse de la pression artérielle, tachycardie,
synthèse proportionnelle au volume du parenchyme hépatique soif) apparaissent, des substituts colloïdes du plasma ou de l’albu-
réséqué [7, 10]. mine seront perfusés. Le plus souvent, à ce stade, l’administration de
La cinétique d’élimination du paracétamol n’a jamais été évaluée furosémide, selon des posologies empiriquement titrées sur la
après résection hépatique. Par ailleurs, les signes d’appel de l’hépatite diurèse, est nécessaire. La persistance d’une oligurie et la baisse de la
causée par le paracétamol (asthénie, somnolence, nausées, vomisse- pression artérielle, en dépit des mesures précédemment conseillées,
ments, douleurs du flanc droit, subictère, élévation des transaminases, évoque l’aggravation postopératoire du syndrome hyperkinétique
insuffisance rénale modérée) ne sont pas spécifiques et risquent de ne associé à la cirrhose et autorise l’administration précoce de noradré-
pas attirer l’attention dans les suites immédiates d’une résection naline, dont le débit sera titré sur la pression artérielle systémique et
hépatique [13]. Le paracétamol doit donc être prescrit avec prudence la diurèse [14].
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et pour une durée courte après résection hépatique étendue [13].


La morphine est l’analgésique à privilégier après résection hépati-
que, en respectant les précautions d’usage chez les patients porteurs ■ La fonction hépatocellulaire
d’une IHC. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) potentia- La concentration des transaminases ASAT et ALAT est le témoin
lisent l’effet analgésique de la morphine. Ils seront évités chez le cir- biologique de la cytolyse hépatique. Elle est en relation avec la durée
rhotique du fait du risque d’insuffisance rénale fonctionnelle que les de l’ischémie hépatique liée à l’interruption peropératoire de la vascu-
AINS peuvent aggraver chez lui. larisation. Elle présente un pic le premier jour et se normalise en 7 à
10 jours. Cette concentration doit baisser de façon continue en post-
opératoire. Une ré-ascension brutale des transaminases peut être
■ Pertes et apports liquidiens postopératoires due à une complication vasculaire (thrombose de l’artère hépatique
Les pertes, et donc les apports, sont variables avec l’étendue de la ou du tronc porte, syndrome de Budd-Chiari aigu) ; un examen écho-
résection et l’état du parenchyme hépatique non tumoral, éléments graphique Doppler fait en urgence peut permettre le diagnostic de
déterminant des suites opératoires. ces complications. Les taux de prothrombine et de facteur V baissent
immédiatement après l’intervention. Cette baisse peut être très
● Parenchyme sain marquée, avec un taux à 30-40 %. Les taux de prothrombine et de
Une ascite peut apparaître dans les suites immédiates d’une résec- facteur V sont des indicateurs sensibles de la fonction hépatique et
tion hépatique majeure même lorsque le parenchyme hépatique sont corrélés à la quantité de parenchyme fonctionnel restant. Ils se
restant est sain [1]. Cette ascite est exsudative et habituellement stabi- normalisent progressivement. La bilirubinémie augmente
lisée au bout de 2 à 5 jours. Elle se développe néanmoins aux dépens secondairement ; elle est aussi un indicateur sensible de la fonction
du volume sanguin circulant. La restriction hydrosodée et les diuré- hépatique, mais peut être influencée par l’importance des trans-
tiques sont peu efficaces sur cette ascite, mais peuvent aggraver fusions périopératoires.
l’hypovolémie qui lui est associée s’ils sont prescrits de façon inap- Une insuffisance hépatocellulaire complique 1 à 3 % des résections
propriée. L’administration de substituts colloïdes du plasma, soit pré- hépatiques sur parenchyme sain [1]. Elle demande les mesures habi-
ventivement durant les premiers jours postopératoires, soit dès tuelles de réanimation symptomatique et la recherche d’une cause

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 7


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

déclenchante, principalement une complication infectieuse ou une


obstruction vasculaire. L’IHC est plus fréquente lorsqu’un ictère par Gestion anesthésique d’une résection hépatique
obstruction tumorale des voies biliaires préexiste à la chirurgie, et • Anesthésie générale privilégiant plutôt propofol et isoflurane, et
surtout en cas de cirrhose. récusant halothane ainsi que le recours aux anesthésies loco-
régionales rachidiennes.
TECHNIQUES ÉMERGENTES • Conditionnement : 2 voies veineuses de bon calibre, dispositif
de réchauffement corporel et d’accélération/réchauffement des
liquides perfusés.
■ La cœliochirurgie
• Monitorage hémodynamique : pression artérielle sanglante,
La cœliochirurgie est de plus en plus souvent proposée à des parfois Doppler œsophagien mais pression veineuse centrale
patients bien sélectionnés pour l’exérèse de tumeurs distales, (peu fiable) et cathéter de Swan-Ganz (mauvais rapport bénéfice/
bénignes ou malignes, de 5 cm ou moins, développées sur un paren- risque) n’ont que peu d’indications.
chyme hépatique sain ou cirrhotique, ou pour effectuer un prélève- • Apports liquidiens : les limiter jusqu’à la fin de la section paren-
ment de foie en vue d’une transplantation à partir d’un donneur chymateuse.
vivant [15, 16]. Elle répond aux mêmes règles que la chirurgie hépa- • Risques circulatoires :
tique réalisée par laparotomie. Le retentissement du pneumopéritoine – risque hémorragique, moindre que par le passé : adhérences,
effectué avec du CO2 n’a pas de spécificité. Le recours à la laparos- tumeurs volumineuses, siège proche du confluent cavo-sus-
copie comporte, pour l’opérateur, une phase d’apprentissage qui peut hépatique, geste sur la veine cave, hypertension portale ;
prolonger les temps opératoires et majorer les risques d’aléas – baisse du débit cardiaque à la mobilisation du foie par
techniques. compression de la veine cave inférieure ;
– conséquences des clampages vasculaires : approfondir l’anes-
■ La radiofréquence thésie, prévenir toute gêne au retour veineux (supprimer position
Les ondes de radiofréquence, administrées au centre de petites proclive), installer progressivement l’exclusion vasculaire du foie
tumeurs sous contrôle échographique, détruisent le parenchyme après expansion volémique (1 à 2 L de colloïdes) ;
avoisinant par agitation ionique [17]. L’interruption du flux sanguin – embolie gazeuse : rare, annoncée par une chute brutale du
hépatique accroît l’efficacité de cette technique en conservant l’éner- CO2 expiré, prévenue par l’application d’une pression positive de
gie libérée in situ. L’énergie générée élève transitoirement la tempéra- fin d’expiration.
ture du patient de 1 °C à 2 °C durant la chirurgie. La morbidité • Antibioprophylaxie :
spécifique est très faible, bien que des complications diverses aient – tumeur bénigne ou maligne non compliquée : antibioprophy-
été rapportées [18]. laxie de « chirurgie propre » (céfazoline 2 g à l’induction, puis 1 g
toutes les 4 heures) ;
CHIRURGIE DU KYSTE HYDATIQUE DU FOIE – obstruction des voies biliaires (avec ou sans ictère), syndrome

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infectieux : antibiothérapie curative pipéracilline ou pipéracilline +
Le kyste hydatique, ou échinococcose hydatique, est dû au déve-
tazobactam, associée à un aminoside ou à une fluoroquinolone.
loppement chez l’homme de la forme larvaire d’un parasite de la
• Analgésie postopératoire : privilégier la morphine.
famille des cestodes, Echinococcus granulosus. L’embryon ingéré
traverse la paroi digestive pour migrer par le système porte et gagner
le foie. Le plus souvent, il s’y fixe pour former une hydatide, kyste qui
se développe lentement pour atteindre parfois une taille considérable.
Anesthésie et cirrhose
Le kyste hydatique génère des complications mécaniques (compres- Les malades atteints de cirrhose peuvent être confrontés à tous les
sion des voies biliaires, du tronc porte) et peut se rompre, notamment types de chirurgie. Quelques interventions sont quasi-spécifiques
dans les voies biliaires ou la cavité péritonéale. Les kystes contiennent (dérivations portosystémiques ou péritonéojugulaires, résection de
des scolex (têtes de parasite) susceptibles d’induire des hydatides carcinome hépatocellulaire, transplantation hépatique), ou sont
filles reproduisant le même schéma. particulièrement fréquentes sur ce terrain (traitement chirurgical de
L’efficacité des traitements médicaux antiparasitaires (albendazole) cancers digestifs favorisés par l’alcoolisme chronique, de lithiase
est mal documentée. Une intervention chirurgicale est nécessaire en biliaire, de hernie ombilicale, endoscopies digestives diagnostiques
cas de kyste volumineux et/ou compliqué, et de kyste superficiel à ou thérapeutiques). L’existence d’une insuffisance hépatocellulaire
risque de rupture. Le geste peut être radical (exérèse) ou, souvent s’accompagne d’une morbidité et d’une mortalité opératoire élevées
conservateur (par exemple résection du dôme saillant) après stérilisa- [22].
tion du kyste [19]. Les agents scolicides utilisables sont variés. L’irriga-
tion des kystes au sérum salé hypertonique est très pratiquée,
efficace, mais peut induire un stress osmotique avec hypernatrémie ÉVALUATION PRÉ-ANESTHÉSIQUE
aiguë génératrice de complications neurologiques [20]. La sur- L’évaluation pré-anesthésique a pour but de quantifier la sévérité
veillance peropératoire de la natrémie est donc indiquée en cas d’uti- de la maladie hépatique, d’identifier et de traiter une complication de
lisation de ce scolicide. Par ailleurs, la rupture peropératoire de kystes la maladie, et, enfin, d’estimer le risque opératoire en fonction de
hydatiques est susceptible d’entraîner un choc anaphylactique [21]. l’acte chirurgical.

8 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
■ Évaluation de la gravité de la cirrhose tives ou rénales). L’encéphalopathie traduit l’existence d’une insuffi-
Aucun examen ne peut à lui seul rendre compte de la gravité de la sance hépatique d’autant plus sévère qu’elle est permanente. Elle peut
cirrhose. En fait, cette gravité est globalement évaluée grâce à des être transitoire et apparaître sous l’influence de facteurs déclenchants
indices composites, dont le plus utilisé est la classification de Child, qui doivent être recherchés :
revue par Pugh. Elle repose sur un système de scores de cinq para- – hémorragie digestive ;
mètres, cliniques et biologiques (Tableau 1). Initialement destiné à – infection ;
l’évaluation pronostique de la chirurgie de l’hypertension portale, ce – insuffisance rénale ;
score a connu un élargissement de son utilisation, en dépit du carac- – prise de sédatifs.
tère peu objectif de l’appréciation de certaines de ses composantes, Elle peut être la complication d’une dérivation portosystémique
aucune autre méthode d’évaluation globale de la gravité et du pro- antérieure. L’ictère résulte de l’altération de l’excrétion de la bilirubine,
nostic de la cirrhose n’étant supérieure [23]. la conjugaison restant assez bien conservée. L’allongement du temps
L’ascite témoigne de la rétention hydrosodée. Elle suppose la de Quick est principalement lié à l’altération de la fonction de syn-
conjonction d’une hypertension portale (HTP) et d’une insuffisance thèse des facteurs de coagulation (en l’absence de complication).
hépatocellulaire. Elle est détectable par l’échographie dès que son
volume atteint 100 à 200 mL. Elle se complique d’un hydrothorax ■ Évaluation des anomalies systémiques associées
communiquant avec l’ascite dans 5 % des cas. En soi, l’ascite expose
à plusieurs risques. Au plan circulatoire, elle peut entraîner, quand elle ● Perturbations de la coagulation
est abondante, une compression de la VCI responsable d’une dimi- Les anomalies peuvent concerner l’hémostase primaire, la coagu-
nution du débit cardiaque. Elle peut participer à l’aggravation de la lation et la fibrinolyse. Elles sont d’autant plus profondes que la fonc-
fonction rénale et à l’altération de la circulation splanchnique. Elle tion hépatique est altérée et qu’il existe une HTP. Une thrombopénie
expose au risque de désunion des anastomoses digestives et surtout par hypersplénisme et/ou par défaut de production médullaire est
de surinfection. Une ascite tendue peut entraîner une élévation des retrouvée dans 30 à 80 % des cas. Occasionnellement, une thrombo-
coupoles diaphragmatiques, une gêne mécanique à la ventilation et pénie profonde peut accompagner une maladie hépatique liée au
des altérations des rapports ventilation/perfusion, surtout si elle virus de l’hépatite C. De plus, une dysfonction plaquettaire avec allon-
s’accompagne d’épanchements pleuraux. gement du temps de saignement existe en cas d’insuffisance hépati-
L’albuminémie reflète le degré et l’ancienneté de l’altération des que sévère ou en cas d’insuffisance rénale associée.
fonctions de synthèse, bien que d’autres causes puissent participer à Une diminution du taux des facteurs de coagulation (n’affectant
son abaissement (dénutrition, syndrome inflammatoire, pertes diges- pas les facteurs VIII et Willebrand) est essentiellement liée à une
réduction de la synthèse protéique. Deux autres mécanismes, la
● Tableau 1 Classification de Child selon le Score de Pugh. séquestration dans l’ascite et une consommation, peuvent y contri-
Chacun des cinq critères est affecté d’un score de 1, 2 ou 3 selon la gravité. buer dans les cirrhoses décompensées. Il existe une susceptibilité
La cotation totalisant les points (de 5 à 15) est convertie en une classification
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particulière au développement rapide d’une coagulation intravascu-


en 3 grades A (5 ou 6 points), B (7 à 9 points) et C (10 à 15 points). laire disséminée en cas de complication infectieuse ou d’insuffisance
Les deux peuvent être combinés pour une désignation précise de la gravité circulatoire. La fibrinolyse tend à être accélérée.
de l’insuffisance hépatique décrite, par exemple, comme Child’s Pugh A6, B7, Il convient toutefois de souligner que « cirrhose » n’est pas syno-
C10, etc. nyme d’« hypocoagulabilité », et que certaines maladies, comme les
cirrhoses biliaires, primitives ou secondaires, s’accompagnent volon-
Critère Points attribués tiers d’un profil biologique d’« hypercoagulabilité » [24, 25].
1 2 3
● Anomalies circulatoires
Ascite modérée
absente importante La cirrhose s’accompagne d’une hypercinésie circulatoire qui est, en
(lame)
règle, d’autant plus marquée que l’insuffisance hépatique est sévère.
Albuminémie (g/L) > 35 30-35 < 30 Cet état se traduit par une fréquence et un index cardiaques élevés,
une pression artérielle et des résistances vasculaires systémiques
Encéphalopathie absente modérée sévère
basses, et une différence artérioveineuse en oxygène pincée. La vaso-
Bilirubinémie (μmol/L) < 34 34-51 > 51 dilatation intéresse la plupart des territoires à l’exception notable du
cortex rénal. Elle concerne aussi le système veineux dont la compliance
Temps de Quick (%) > 56 45-56 < 45
est augmentée [26]. L’origine de la vasodilatation, qui coexiste avec
une concentration élevée de catécholamines circulantes, reste mal élu-
Score Grade Risque opératoire Mortalité selon Pugh cidée. La vasodilatation, la séquestration sanguine splanchnique et la
baisse du volume circulant efficace seraient à l’origine de l’augmenta-
5-6 A Bon 5% tion de l’activité du système nerveux sympathique. Plusieurs remar-
7-9 B Modéré 10 % ques sont pertinentes dans un environnement chirurgical :
– l’hypercinésie circulatoire ne doit pas laisser supposer une marge
10 - 15 C Mauvais > 50 % de sécurité en termes de transport tissulaire d’oxygène. En effet, on

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 9


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

ne peut exclure qu’elle soit associée à des anomalies de l’extraction diurétique agressif). Il s’agit habituellement une insuffisance rénale
tissulaire d’oxygène en cas de cirrhose sévère. L’évaluation de fonctionnelle oligurique avec réduction extrême de la natriurèse.
l’oxygénation tissulaire à partir de l’interprétation isolée des chiffres La correction d’une contraction volémique peut alors permettre
d’index cardiaque et de saturation en oxygène du sang veineux l’amélioration de la fonction rénale. Le tableau du syndrome hépato-
mêlé, est donc malaisée ; rénal se traduit par une insuffisance rénale fonctionnelle ne régres-
– les anomalies de la réactivité vasculaire systémique réduisent la sant pas après expansion volémique et sans autre cause évidente
réponse vasopressive lors de l’administration d’amines qu’une insuffisance hépatocellulaire sévère [32]. Sa physiopathologie,
sympathomimétiques ; mal connue, fait intervenir une vasoconstriction rénale intense avec
– en dépit d’une hypercinésie circulatoire basale, il existe des altéra- ischémie corticale. L’insuffisance rénale fonctionnelle tend à s’aggra-
tions bien documentées de la fonction inotrope myocardique dans ver inexorablement en l’absence d’amélioration de la fonction hépati-
la cirrhose (quelle qu’en soit la cause) difficilement détectables en que. Des améliorations temporaires, en apparence paradoxales, ont
préopératoire [27]. Les conséquences cliniques de cette pu être obtenues avec la perfusion prudente d’agents vasoconstric-
« cardiomyopathie cirrhotique » peuvent se manifester dans teurs tels que des dérivés de la vasopressine.
certaines circonstances de contrainte circulatoire observées dans la Le cirrhotique en milieu chirurgical est également exposé au risque
chirurgie spécifique du cirrhotique ; de tubulopathie interstitielle, infectieuse ou médicamenteuse. La
– contrairement à une idée répandue, une coronaropathie est fré- néphrotoxicité d’agents tels que les aminoglycosides et produits de
quente en cas d’hépatopathie chronique chez les sujets de plus de contraste iodés est particulièrement intense en cas de cirrhose : leur
50 ans, notamment en cas de diabète [28]. Or, la co-existence d’un emploi doit être évité ou limité aux cas d’absolue nécessité. La perfu-
diabète est fréquente [29] ; sion rénale est très dépendante de la sécrétion de prostaglandines, et
– il existe, en cas de cirrhose de grade C de Child-Pugh, une aug- l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens risque de pré-
mentation de la compliance veineuse réduisant l’efficacité du rem- cipiter l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë.
plissage vasculaire [26] ;
● Perturbations respiratoires
– dans environ 1-2 % des cas de cirrhose avec HTP, il existe une
hypertension artérielle pulmonaire de pathogénie inconnue [30]. Les perturbations de la fonction respiratoire sont fréquentes et
Une dérivation portosystémique peut être un facteur favorisant. variées chez les cirrhotiques. Les maladies respiratoires sont aspécifi-
Bien que peu spécifique dans un conteste d’hépatopathie sévère, ques (bronchite chronique chez les patients alcooliques et fumeurs)
une dyspnée d’effort, symptôme présent dans environ 90 % des ou particulières à certaines variétés étiologiques de cirrhose.
cas, doit attirer l’attention, de même qu’une saillie de l’arc moyen Une hypoxémie modérée existe dans 15 à 45 % des cas [33]. Elle
gauche sur la radiographie de thorax ou des signes électrocardio- relève d’inhomogénéités du rapport ventilation/perfusion liées à une
graphiques d’hypertrophie ventriculaire droite. L’échocardio- ascite abondante, à un épanchement pleural ou à des anomalies de
graphie bidimensionnelle couplée au Doppler fournit une vasomotricité pulmonaire. Une hypoxémie modérée ne nécessite pas

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quasi-confirmation de l’hypertension artérielle pulmonaire, évalue d’explorations particulières. Plus rarement, une hypoxémie artérielle
son retentissement sur la fonction ventriculaire droite et peut esti- marquée (< 70 mmHg) nécessite des investigations complémentaires.
mer la pression systolique. La détection d’une telle hypertension En l’absence de maladie cardiopulmonaire, l’association cyanose,
est d’une importance capitale en raison du risque majeur auquel hippocratisme digital et platypnée suggère l’existence d’un
elle expose dans un contexte périopératoire, notamment en cas « syndrome hépatopulmonaire » [33]. Lié à l’existence de vasodilata-
d’intervention impliquant une instabilité circulatoire. tions majeures précapillaires et de shunts intrapulmonaires, il paraît
plus fréquent chez les patients ayant des angiomes stellaires et un
● Anomalies de la fonction rénale syndrome hyperkinétique systémique marqué. En cas d’hypoxémie
La rétention hydrosodée est très marquée chez le patient porteur notable, un shunt intrapulmonaire vrai doit être recherché par une
d’une cirrhose sévère. La rétention d’eau excède souvent celle de épreuve d’hyperoxie : si l’élévation de la PaO2 est faible, le risque
sodium, et une hyponatrémie chronique est fréquente. De nombreux d’aggravation postopératoire de l’hypoxémie est majeur, notamment
éléments inhérents à l’environnement chirurgical vont accroître la en cas de chirurgie abdominale. Les traitements pharmacologiques
rétention sodée, favoriser la décompensation de la cirrhose et une sont, pour l’instant, décevants dans le syndrome hépatopulmonaire
altération de la fonction rénale. dont le seul traitement reconnu, inconstamment efficace, est la trans-
La fonction rénale chez les patients présentant une cirrhose plantation hépatique.
décompensée est difficile à évaluer. Son altération est fréquemment
sous-estimée, la synthèse de l’urée et la masse musculaire étant
● État nutritionnel et risque infectieux
réduites en cas de cirrhose sévère. La filtration glomérulaire peut être La dénutrition avec carence vitaminique est fréquente en cas de cir-
très diminuée avec une créatininémie normale et le calcul de la clai- rhose sévère. L’alcoolisme actif contribue à une malabsorption des
rance de la créatinine surestime toujours la filtration glomérulaire [31]. nutriments. Les infections chez le malade cirrhotique sont fréquentes,
Chez un cirrhotique en milieu chirurgical, la survenue d’une insuffi- à début souvent paucisymptomatique, et s’accompagnent d’une mor-
sance rénale est souvent liée à un facteur d’hypovolémie (pertes san- talité élevée. Hors contexte chirurgical, une infection du liquide d’ascite
guines ou liquidiennes, évacuation abondante d’ascite, traitement survient dans 15-20 % des cirrhoses avec ascite, une septicémie chez

10 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
10-20 % des cirrhoses alcooliques, une infection urinaire basse dans ● Tableau 2 Mortalité et morbidité postopératoires chez les malades
50 % des cas. Les facteurs favorisant ces infections sont, notamment : atteints de cirrhose, toutes chirurgies confondues, d’après Ziser et coll.
– la survenue d’une hémorragie digestive (surtout en cas d’insuffi-
sance circulatoire) ; Mortalité Mortalité
Morbidité
Facteurs de risque à 30 jours à 6 mois
– une ascite à faible concentration de protides ; (%)
(%) (%)
– la présence de cathéters.
Le risque d’infection du liquide d’ascite augmente si la concentra- Score de Pugh ≥ 7 42 15 31
tion en protéines du liquide est basse, inférieure à 10 g/L. Un taux de
Ascite 48 20 39
polynucléaires neutrophiles supérieur à 250/mm3 est évocateur d’une
telle infection, même si des bactéries ne sont pas observées à l’exa- Créatininémie élevée 42 21 36
men direct, et implique une antibiothérapie probabiliste. Dans 1/3 des
cas, l’origine de l’infection est un foyer localisé, en particulier urinaire. Bronchopathie chronique 41 18 29
Dans 2/3 des cas, le germe est d’origine digestive (translocation ou Infection préopératoire 74 49 60
diffusion hématogène). Les infections du liquide d’ascite sont dues :
– 75 fois sur 100 à des bactéries à Gram négatif (le plus souvent Hémorragie digestive haute 70 12 23
E. coli) ;
Classe ASA 4 ou 5 68 32 52
– 10 fois sur 100 à des coques à Gram positif (essentiellement pneu-
mocoque, streptocoque) ; Chirurgie majeure 39 12 23
– et 3 fois sur 100 à des bactéries anaérobies.
Hypotension peropératoire 45 15 26

■ Risque interventionnel en cas de cirrhose Cause autre que cirrhose


33 14 24
biliaire primitive
Le risque interventionnel fait intervenir la gravité de la maladie,
l’acte chirurgical et l’existence d’anomalies systémiques associées.
Plusieurs études mettent en évidence une différence majeure dans la une hyperthermie à 38˚ - 38˚5 non expliquée. La corticothérapie a fait
mortalité entre les grades A et B d’une part, C d’autre part. Dans ce la preuve de son efficacité sur la survie dans les formes graves.
dernier groupe, la mortalité globale est souvent proche de 50 % en Par ailleurs, la mortalité des cirrhotiques opérés en urgence est
chirurgie abdominale. supérieure à la mortalité attendue en traumatologie et pour le traite-
D’autres facteurs ont une signification pronostique péjorative ment d’une pathologie abdominale aiguë.
établie : le type de chirurgie (chirurgie thoracique, chirurgie des voies En revanche, des cirrhotiques sans ascite, sans IHC, sans hépatite
biliaires, interventions septiques sur le tube digestif), une créatininé- alcoolique aiguë et avec un temps de Quick normal ont pu subir une
mie élevée, la co-existence d’une bronchopneumopathie chronique intervention chirurgicale majeure avec une mortalité proche de celle
© Groupe Liaisons SA, février 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

obstructive. de malades non cirrhotiques ayant la même pathologie.


Une analyse multivariée récente a identifié 8 facteurs associés à
une très lourde mortalité postopératoire chez le cirrhotique [22]
■ Préparation à l’intervention
(Tableau 2) :
Une préparation préopératoire soigneuse des malades cirrhoti-
– sexe masculin ;
ques permet probablement de réduire mortalité et morbidité. Elle est
– score de Child-Pugh élevé ;
conduite en collaboration avec l’hépatologue et le chirurgien. La
– présence d’une ascite ; dynamique de l’évolution de la maladie est une notion importante.
– cirrhose d’étiologie indéterminée ; Une aggravation récente incite à rechercher des facteurs accessibles à
– créatininémie élevée ; un traitement spécifique (hémorragie digestive, infection), un ajuste-
– infection préexistant à la chirurgie ; ment thérapeutique (diurétiques, sédatifs), un délai (hépatite alcooli-
– score ASA élevé ; que, hépatite chronique en poussée) ou une révision de l’indication
– chirurgie thoracique. opératoire (thrombose porte, carcinome hépatocellulaire).
Dans cette étude, la sommation des facteurs de risque accroît le Il est souhaitable d’obtenir, si possible, un « assèchement » d’une
risque. L’élévation préopératoire des transaminases, témoin d’un fac- ascite par restriction hydrosodée et des diurétiques. En cas d’ascite
teur inflammatoire d’agressivité (hépatite alcoolique ou hépatite abondante, une paracentèse permet une augmentation transitoire du
chronique active), identifiée comme facteur de mauvais pronostic débit cardiaque et des débits sanguins régionaux. L’amélioration est
dans plusieurs études, doit faire discuter le report d’une intervention toutefois transitoire, et les paracentèses abondantes (> 5 L) non
n’ayant pas de caractère urgent. compensées par l’administration d’albumine peuvent conduire, en
La gravité de l’hépatite alcoolique aiguë est au mieux évaluée par la quelques heures, à des modifications circulatoires en sens inverse,
biopsie hépatique. Elle comporte, selon le stade histologique, une une activation des réponses vasoconstrictrices et une détérioration
mortalité spontanée de 10 à 70 %. Elle sera évoquée systématique- de la fonction rénale. L’apparition d’une insuffisance rénale constitue
ment au cours de l’alcoolisme chronique devant des douleurs de le facteur limitant du contrôle de l’ascite. L’assèchement de l’ascite
l’hypocondre droit et/ou une élévation des enzymes hépatiques et/ou doit être prudent, sous surveillance de la fonction rénale. D’éventuels

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 11


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

désordres électrolytiques (hyponatrémie, dyskaliémie) induits par les ANESTHÉSIE ET RÉANIMATION PEROPÉRATOIRE
diurétiques doivent également être recherchés et corrigés.
Volontiers paucisymptomatique (l’absence de fièvre est fréquente),
une infection doit être recherchée systématiquement et suspectée sur
■ Conséquences pharmacologiques de la cirrhose
des manifestations peu spécifiques (asthénie, hyperleucocytose, ● Modifications pharmacocinétiques
détérioration de la fonction rénale). Le traitement repose sur des
agents ayant une bonne diffusion dans l’ascite : pénicillines, cépha- Plusieurs facteurs, présents à un degré variable selon la nature et la
losporines de 3e génération, fluoroquinolones. Une antibiothérapie gravité de l’hépatopathie, peuvent avoir une influence sur la pharma-
préventive est indiquée en cas d’hémorragie digestive chez les cocinétique des médicaments.
patients cirrhotique de grade C de la classification de Child-Pugh et  Clairance hépatique des médicaments
en cas de récidive hémorragique.
La clairance hépatique (Clh) est variable selon les médicaments à
En dehors d’un contexte chirurgical, il a été montré qu’un support
métabolisme hépatique. Trois variables indépendantes interviennent :
nutritionnel entéral entraîne une diminution de la mortalité hospita-
– l’efficacité des systèmes enzymatiques métabolisant le
lière à court terme, une augmentation de l’albuminémie et une amé-
médicament : c’est la clairance intrinsèque (Cint) ;
lioration du score de Pugh. Une diminution de la mortalité après ·
– le débit sanguin hépatique (Q h) ;
résection de carcinome hépatocellulaire a été obtenue avec une renu-
– la proportion de médicament non liée aux protéines plasmatiques,
trition préopératoire [34]. Ces résultats laissent supposer qu’une
ou fraction libre (fu).
renutrition préopératoire avec complément vitaminique est souhaita-
Au total, ces variables sont reliées entre elles par l’équation
ble quand elle est possible. Sa mise en route nécessite d’être surveillée
suivante :
car elle expose au risque d’inflation hydrosodée, d’intolérance aux
hydrates de carbone et à l’aggravation d’une encéphalopathie Clh = Q̇ h × [ Cint × fu / Q̇ h + Cint × fu ]
préexistante par une surcharge azotée. Les réserves en oligo-
éléments et en vitamines, surtout les vitamines du groupe B, doivent Le dernier terme entre parenthèses représente le coefficient
être l’objet d’une attention soigneuse, des carences pouvant se d’extraction hépatique noté Eh et l’on peut écrire :
démasquer lors d’une agression.
Clh = Q̇ h × Eh

Évaluation du risque anesthésique Cette équation est à la base d’une classification des médicaments
chez le cirrhotique en fonction de leur coefficient d’extraction hépatique et de leur frac-
tion libre chez le sujet normal (Tableau 3), ce qui permet de prévoir
• Gravité de la cirrhose : classification de Child-Pugh, présence l’influence des maladies du foie sur la pharmacocinétique d’un
d’une ascite (témoin d’une hypertension portale et d’une insuffi- médicament :
sance hépatocellulaire), albuminémie (reflet de l’altération des – certains médicaments ont un coefficient d’extraction hépatique

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fonctions de synthèse), encéphalopathie, ictère. faible et leur élimination est déterminée par l’activité des enzymes
• Anomalies systémiques associées : anomalies de l’hémostase de biotransformation. Leur élimination est peu influencée par le
primaire, la coagulation et/ou la fibrinolyse. débit sanguin hépatique. Absorbés par voie orale, ces médica-
• Anomalies circulatoires : hypercinésie circulatoire associée à la ments sont peu affectés par leur premier passage hépatique et leur
sévérité de l’insuffisance hépatique (fréquence et index cardiaques biodisponibilité est donc excellente. Pour ce type de médicaments,
élevés, pression artérielle et résistances vasculaires systémiques la fraction libre joue un rôle important dans la clairance hépatique ;
basses, différence artérioveineuse en oxygène pincée, vasodilata- – à l’inverse, les médicaments ayant un coefficient d’extraction hépa-
tion veineuse). tique élevé ont une clairance essentiellement dépendante du débit
• Anomalies rénales : rétention hydrosodée, filtration gloméru- sanguin hépatique. Absorbés par voie orale, ces médicaments con-
laire parfois très diminuée (surestimée par le calcul de la clairance naissent un effet de premier passage hépatique important ;
de la créatinine), risques de syndrome hépatorénal et de tubulo- – entre ces deux extrêmes, des médicaments ont une clairance
pathie interstitielle (infectieuse ou médicamenteuse). dépendante à la fois de l’extraction et du débit sanguin hépatiques.
• Anomalies respiratoires fréquentes et non spécifiques : hypoxé-
Plusieurs facteurs conduisent à une réduction de la clairance hépa-
mie modérée par anomalie du rapport ventilation/perfusion, syn-
tique en cas de cirrhose :
drome hépatopulmonaire (cyanose, hippocratisme digital et
– la diminution du débit sanguin hépatique, et surtout du débit fonc-
platypnée).
tionnel directement en contact avec les hépatocytes (il existe, en
• État nutritionnel et risque infectieux : dénutrition avec carence
effet, des shunts intrahépatiques). C’est le mécanisme dominant,
vitaminique fréquente (cirrhose sévère), infections fréquentes et
qui a surtout des conséquences sur les substances dites « à forte
paucisymptomatiques (liquide d’ascite notamment).
extraction » ;
• Huit risques d’aggravation majeure du risque interventionnel :
– l’existence de shunts portosystémiques (porto-cave) spontanés ou
sexe masculin, score de Child-Pugh élevé, présence d’une ascite,
chirurgicaux aggrave le phénomène précédent et réduit l’effet de
cirrhose d’étiologie indéterminée, créatininémie élevée, infection
premier passage hépatique des médicaments absorbés par voie
préexistant à la chirurgie, score ASA élevé, chirurgie thoracique.
orale ;

12 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
● Tableau 3 Conséquences de la cirrhose et de l’insuffisance hépatique sur les agents de l’anesthésie (d’après F. Servin) :
valeurs fournies à titre indicatif, pouvant varier selon les publications

· Liaison protéine
Agent Clh (mL/min) / Eh (%) Dépendance du Qh Voie métabolique Métabolite actif
% Molécule
CYP450 : oxydation
Thiopental 210 / 15 Non 86 Albumine Pentobarbital (3 %)
++ désulfuration
Propofol 1 800 / 100 Oui Conjugaison ++ 98 Albumine non
Hydrolyse par des
Etomidate 1 500 / 100 Oui 94 Albumine non
estérases hépatiques
Kétamine 1 260 / 90 Oui CYP450 < 30 ? Norkétamine
α OH midazolam +
Midazolam 500 / 41 ± CYP450 96 Albumine
conjugué
Diazépam 30 / 2 Non CYP450 99 Albumine N desméthyldiazépam
Flumazénil 1 300 / 100 Oui CYP450 50 Albumine Non
Morphine 1 000 / 90 Oui Conjugaison 25 Albumine Morphine 6 G
Fentanyl 900 / 50 Oui CYP450 84 α1GPA Non
Sufentanil 900 / 72 Oui CYP450 93 α1GPA Non
Alfentanil 300 / 40 ± CYP450 92 α1GPA Non
G190291 : pas
Rémifentanil 4000 / - - Estérases tissulaires 70 α1GPA
d’importance clinique
Rein 65 % /bile 10 % /
Pancuronium - CYP450 30 - 3OH pancuronium
métabolisme 25 %
Rein 25 % /bile 40 % /
Vécuronium - CYP450 30 - 3OH vécuronium
métabolisme 35 %
Rein 35 % /bile 60 % /
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Rocuronium - CYP450 30 - Non


métabolisme 5 %
Estérases + réaction
Atracurium 420 / - - 50 Laudanosine
d’Hofmann
Mivacurium 5 000 / - - Cholinestérases Non
Cisatracurium 350 / - - Réaction d’Hofmann 50 Laudanosine
Succinylcholine ?/- - Cholinestérases Choline
·
Clh : clairance hépatique ; Eh : extraction hépatique ; Qh : Débit sanguin hépatique ; CYP : cytochrome P ; α1GPA : α1 glycoprotéine acide.

– la diminution de la quantité d’hépatocytes disponibles pour capter conjugaison, est préservée en cas de cirrhose alors qu’elle est très
et métaboliser les médicaments. L’altération de la capacité de clai- altérée pour d’autres benzodiazépines.
rance est toutefois loin d’être identique pour tous les médica-
ments. Il apparaît que l’atteinte des différentes formes de  Liaison aux protéines
biotransformation n’est pas uniforme. Ce fait est probablement lié Le défaut, quantitatif ou qualitatif, de synthèse de protéines plas-
à l’hétérogénéité fonctionnelle des hépatocytes au sein du lobule. matiques dites « de liaison » peut entraîner une augmentation de la
Ainsi, les biotransformations de type II (notamment la glucurono- concentration de la fraction libre pharmacologiquement active de
conjugaison) prédominant dans les zones périportales, sont certains médicaments. Il en est ainsi de l’albumine, quantitativement
atteintes plus tardivement que les biotransformations de type II la plus importante de ces protéines de liaison, qui transporte préfé-
prédominant dans les zones centrolobulaires. Ce fait explique que rentiellement les substances acides. L’α1-glycoprotéine acide (ou
la clairance du lorazépam, dont la biotransformation se fait par orosomucoïde), qui accepte préférentiellement les substances

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 13


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

basiques, a une concentration plasmatique diminuée en cas de cir- notablement modifiés en cas de cirrhose avec insuffisance hépatocel-
rhose évoluée. De plus, il existe de nombreuses évidences d’anoma- lulaire modérée [35]. Il en résulte que la demi-vie d’élimination n’est
lies structurelles de cette glycoprotéine en cas de cirrhose. D’autres que modérément augmentée.
facteurs peuvent contribuer à une diminution de la liaison aux pro- Propofol. Son élimination hépatique quasi-exclusive fait intervenir
téines (hyperbilirubinémie, altération de la fonction rénale). une biotransformation de type II. Chez des sujets ayant une cirrhose
compensée, les modifications sont mineures après une injection
 Volume de distribution unique [36]. Après une perfusion continue, le délai de réveil est signi-
L’augmentation du volume de distribution en cas de cirrhose peut ficativement allongé par rapport à des malades témoins, et les con-
être liée à la diminution de la liaison aux protéines plasmatiques, mais centrations sanguines à l’ouverture des yeux ne sont pas différentes
apparaît surtout liée à la rétention hydrosodée. Les médicaments de celle des témoins [37].
hydrophiles sont particulièrement concernés. Étomidate. En cas de cirrhose, cet agent connaît une clairance
diminuée, les conséquences devenant perceptibles en perfusion con-
 Autres facteurs tinue [38]. En revanche, l’inhibition du cytochrome P450 induite par
La cholestase réduit l’excrétion biliaire des médicaments. L’exis- l’étomidate retarde l’élimination des agents à clairance dépendante de
tence d’une insuffisance hépatique sévère s’accompagne fréquem- l’activité enzymatique (alfentanil notamment).
ment d’une altération de la fonction rénale. Cette dernière est souvent Kétamine. Il existe très peu d’informations sur la kétamine qui
sous-estimée par le chiffre de créatininémie en cas d’hépatopathie connaît un métabolisme hépatique et qui, chez le rat, tend à réduire le
chronique avec dénutrition.
·
Q h chez le cirrhotique alors qu’elle n’a pas cet effet en l’absence de
cirrhose.
● Altérations pharmacodynamiques Midazolam. Il est lié à 96-98 % aux protéines plasmatiques et est
Indépendamment de considérations pharmacocinétiques, une éliminé quasi exclusivement par biotransformation hépatique de type
sensibilité accrue à tous les dépresseurs du système nerveux central I. En cas de cirrhose modérément sévère, il y a une augmentation
est vraisemblable en cas d’insuffisance hépatocellulaire sévère. L’utili- significative de la fraction libre, une réduction significative de la clai-
sation de tels médicaments, en cas de cirrhose, est susceptible de pré- rance plasmatique responsable d’une augmentation, légère mais
cipiter l’apparition de troubles de vigilance et d’un tableau significative, de la demi-vie d’élimination par rapport à des sujets non
d’encéphalopathie hépatique. cirrhotiques [39]. Ces tendances sont beaucoup plus marquées
quand la maladie hépatique est plus sévère. C’est essentiellement lors
● Applications aux médicaments de l’anesthésie d’injections répétées ou continues que ces modifications pharmaco-
cinétiques revêtiront toute leur importance clinique.
On peut globalement considérer que la pharmacocinétique des
agents très hydrosolubles est influencée par la rétention hydrosodée
● Tranquillisants
et que leur volume de distribution est augmenté. En théorie, il en
Lorazépam. Le métabolisme de cet agent, couramment utilisé en

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résulte que la dose initiale à administrer pour avoir la concentration
désirée doit être plus importante. Pour la même raison, la durée prémédication, fait intervenir une biotransformation de type II. Ce fait
d’action est prolongée, surtout si une insuffisance rénale réduit leur explique que sa clairance ne soit pas modifiée en cas de cirrhose. De
élimination urinaire. plus, un métabolisme extrahépatique est possible. Toutefois, en cas
Par ailleurs, il est important de garder en mémoire que l’effet phar- de cirrhose, sa demi-vie d’élimination est allongée du fait d’une aug-
macologique des agents anesthésiques très liposolubles (thiopental, mentation de son volume de distribution, elle-même liée à une aug-
fentanyl) est essentiellement dépendant de leur redistribution. La pre- mentation de sa fraction libre.
mière administration n’entraînera vraisemblablement pas d’effet Diazépam. Il est métabolisé par biotransformation de type I. En
pharmacologique prolongé ; ce sera surtout en cas d’administration injection IV, sa clairance hépatique est réduite et sa demi-vie d’élimi-
continue ou lors des réinjections que le ralentissement de leur élimi- nation allongée en cas de cirrhose, notamment avec ascite.
nation risque d’avoir des conséquences. Si la dose initiale peut être la
même, il est donc important de réduire la dose des réinjections ou ● Morphiniques
d’espacer l’intervalle entre les réinjections. Morphine. En cas de cirrhose, la clairance hépatique de la mor-
phine a été décrite comme normale ou abaissée [40]. Ces discordan-
 Agents hypnotiques ces sont probablement liées à des degrés différents de gravité de la
Thiopental. En cas d’injection unique, le fait essentiel est l’aug- maladie hépatique selon les études. Notons que la fonction rénale
mentation de la fraction libre du thiopental en raison de l’hypoalbu- des malades ayant une cirrhose sévère est fréquemment altérée, ce
minémie [35]. Il est donc possible d’assister à un accroissement de qui peut réduire l’élimination des métabolites hépatiques de la mor-
l’effet d’une dose unique de cet agent d’induction qui doit être admi- phine pharmacologiquement actifs.
nistré de façon prudente (titration). L’intensité de l’effet pharmaco- Fentanyl. Son métabolisme fait intervenir une biotransformation
logique du thiopental reste mal prévisible. La durée d’action du hépatique de type I. Les modifications de la pharmacocinétique du
thiopental est déterminée par la redistribution tissulaire. Le métabo- fentanyl (clairance diminuée, demi-vie d’élimination allongée) sont
lisme du thiopental fait intervenir le cytochrome P450. La clairance peu importantes chez des malades ayant une insuffisance hépato-
hépatique et le volume de distribution du thiopental ne sont pas cellulaire modérée [41]. On sait que pour cette substance hautement

14 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
liposoluble, la durée d’action d’une injection unique est déterminée Atracurium et cisatracurium. Ces molécules sont les myo-
par des phénomènes de redistribution. Les conséquences cliniques relaxants de choix chez l’insuffisant hépatique en raison d’une élimi-
du ralentissement des processus d’élimination ne seront donc atten- nation indépendante du foie. Le mode d’élimination de ces curares,
dues qu’en cas d’utilisation de doses importantes ou répétées chez faisant intervenir une dégradation par la voie de Hofmann, leur con-
des malades ayant une insuffisance hépatocellulaire sévère. fère un avantage théorique. En cas de cirrhose, la clairance de l’atra-
Sufentanil. Sa pharmacocinétique est peu modifiée en cas de cir- curium n’est pas réduite. Toutefois, l’augmentation éventuelle du
rhose avec insuffisance hépatocellulaire modérée [42]. volume de distribution est susceptible de jouer un rôle. Ce fait peut
Alfentanil. Cet agent, très lié à l’α1 glycoprotéine acide et ayant expliquer que l’injection initiale d’une dose d’atracurium peut être
une élimination hépatique quasi exclusive par biotransformation au moins « active » chez un cirrhotique que chez un non-cirrhotique et
niveau du cytochrome P450, est un des opiacés dont les caractéristi- que le délai d’action puisse tendre à être discrètement augmenté,
ques pharmacocinétiques sont le plus altérées en cas de cirrhose [43, notamment en cas de réinjections.
44]. Son extraction hépatique modérée (30 à 50 %) fait que sa clai- Mivacurium. Ce produit est métabolisé par les cholinestérases
rance est à la fois dépendante du débit sanguin et du métabolisme plasmatiques synthétisées par le foie. Son délai d’action est inchangé
hépatiques. En cas de cirrhose, sa fraction libre est augmentée, pro- mais sa durée d’action est notablement allongée chez les patients
bablement par modification structurelle de sa protéine de transport atteints de cirrhose. Ce délai est d’autant plus long que la cirrhose est
plutôt que par diminution de sa concentration. Sa clairance plasma- plus sévère. Cette action prolongée repose sur une diminution de la
tique est significativement réduite et sa demi-vie d’élimination très clairance de deux des trois isomères constituant le mivacurium.
allongée. Il existe une grande variabilité interindividuelle des Rocuronium. Il existe de nombreux arguments montrant qu’il
altérations pharmacocinétiques [44]. Des retards d’élimination sont connaît un métabolisme hépatique. Son volume de distribution est
donc à craindre avec cet agent, surtout en cas d’atteinte hépatique augmenté. Sa clairance tend à être réduite. Il en résulte un délai
sévère. d’action et une durée d’action prolongés. De grandes variations inter-
Rémifentanil. C’est le seul morphinique dont l’élimination est individuelles soulignent la nécessité d’un monitorage de la curarisa-
complètement indépendante du foie. Les doses doivent cependant tion [45].
être réduites en raison d’une sensibilité accrue.
Modifications pharmacologiques
● Curares induites par l’état de cirrhose
Le foie métabolise, et à un moindre degré excrète, de nombreux • Il existe une grande variabilité interindividuelle en cas d’atteinte
agents bloquant la jonction neuromusculaire. D’autres myorelaxants hépatique.
non dépolarisants (atracurium, cisatracurium), ou dépolarisants (suc- • Les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynami-
cinylcholine) n’ont pas de métabolisme hépatique mais leur pharma- ques observées chez les cirrhotiques obéissent à des mécanismes
cocinétique et leur pharmacodynamie peuvent toutefois être affectées multiples dont les intensités respectives ne sont pas obligatoire-
© Groupe Liaisons SA, février 2003. La photocopie non autorisée est un délit.

en cas de cirrhose. ment parallèles.


Succinylcholine (suxaméthonium). Elle est hydrolysée par les • Pour les agents anesthésiques, la baisse des liaisons protéiques
cholinestérases plasmatiques synthétisées par le foie. Une diminution et les modifications des compartiments hydriques jouent souvent
de la concentration de ces cholinestérases n’a été observée que chez un rôle plus important que l’altération de la clairance.
des patients atteints de dysfonction hépatique chronique sévère. Il • L’effet d’une dose donnée d’agent anesthésique reste mal pré-
peut être retenu que la quantité de succinylcholine nécessaire pour visible.
obtenir de bonnes conditions d’intubation chez un cirrhotique n’est • Hypnotiques : le thiopental doit être administré de façon pru-
pas modifiée, et que, si la durée d’action peut être variable, une légère dente (titration), les effets du propofol sont peu modifiés après
prolongation de l’action d’une injection unique ne devrait pas avoir injection unique (mais le délai de réveil est prolongé – modéré-
de conséquences cliniques notables. En revanche, l’utilisation de ment - en cas de perfusion continue).
doses importantes en perfusion continue est à éviter. • Morphiniques : morphine, fentanyl et, surtout, sufentanil sont
Pancuronium : Il est très peu lié aux protéines plasmatiques et est peu modifiés, à l’inverse de l’alfentanil ; l’élimination du rémifenta-
partiellement métabolisé par le foie. Les demi-vies de distribution et nil est indépendante du foie mais le cirrhotique y présente une
d’élimination sont toutes deux doublées chez les cirrhotiques. La rai- sensibilité accrue.
son majeure en est une augmentation du volume de distribution de • Curares : atracurium et cisatracurium sont les curares non
cet agent. La clairance plasmatique est diminuée de 22 %. Les deux dépolarisants ayant la pharmacocinétique et la pharmacodynami-
conséquences cliniques sont a) la nécessité éventuelle d’augmenter la que la moins modifiée et donc la plus prédictible.
dose initiale pour obtenir un relâchement musculaire acceptable, et • Une grande prudence s’impose dans le maniement des agents
b) un risque de prolongation de la durée de son action. anesthésiques et la surveillance de l’intensité et la durée de leurs
effets, notamment s’ils font l’objet de réinjections multiples ou
Vécuronium. Son métabolisme et son élimination sont essentiel-
d’une administration continue.
lement hépatiques. Chez le cirrhotique, il a été montré que la clairance
• Il est souhaitable, quand c’est possible, de monitorer les effets
plasmatique est fortement diminuée et que la demi-vie d’élimination
des agents utilisés.
est allongée.

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 15


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

■ Choix d’une technique anesthésique l’halothane étant identiques dans les deux groupes, la différence
apparaît liée à des effets circulatoires plus marqués de l’halothane sur
● Intérêt d’une prémédication un foie cirrhotique. Utilisant ce modèle, le même investigateur cons-
tate que l’isoflurane n’entraîne pas de détérioration similaire des
Les conséquences pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
fonctions hépatiques [46]. Sur un modèle de cirrhose chez le rat en
de la cirrhose expliquent que l’effet des tranquillisants, sédatifs ou
normo- et hypovolémie, l’isoflurane et la kétamine préservent mieux
morphiniques, souvent utilisés en prémédication, peuvent entraîner
le débit sanguin et l’oxygénation hépatiques que l’halothane et
des troubles intenses et prolongés de la vigilance. L’utilité de la pré-
l’enflurane [47].
médication doit donc être pesée en regard des conséquences poten-
À l’exception de l’halothane qui a des effets originaux sur la circu-
tiellement néfastes qu’elle peut avoir, tout particulièrement chez les
lation hépatique, les effets des agents anesthésiques sur les rapports
malades ayant une cirrhose sévère (grades B et C de Child-Pugh) ou
transport/consommation hépatique d’oxygène sont dépendants de
ayant une dérivation portosystémique. Elle est inutile et dangereuse
leurs conséquences circulatoires systémiques. La diminution du débit
chez les malades sujets à des épisodes d’encéphalopathie. Si une pré-
sanguin hépatique est grossièrement parallèle à celle du débit cardia-
médication anxiolytique est jugée utile chez un malade ayant une cir-
que et/ou de la pression artérielle systémique. De ce point de vue, la
rhose compensée, le lorazépam constitue un bon choix.
manière de les administrer est aussi importante que leur nature. Là
encore, la titration des agents anesthésiques est souhaitable.
● Place de l’anesthésie locorégionale
D’une façon générale, l’indication des techniques d’anesthésie
locorégionale est limitée par l’existence de troubles de l’hémostase. ■ Réanimation peropératoire
Leur indication peut être retenue en cas de cirrhose peu sévère, sans
désordres de l’hémostase, dans les situations où elles apportent un ● Monitorage peropératoire
bénéfice clairement identifié figurant dans le dossier d’anesthésie. Évidemment adapté au type d’intervention, le monitorage peropé-
ratoire, éventuellement invasif, doit répondre à l’exigence du maintien
● Modalités de l’induction anesthésique d’un état circulatoire satisfaisant les besoins tissulaires en oxygène,
Une prévention de l’inhalation du contenu gastrique avec tout particulièrement au niveau des territoires hépatosplanchnique et
séquence d’induction rapide et intubation trachéale est conseillée en rénal. Les interventions supposant des fluctuations majeures du
cas d’ascite volumineuse. Une ascite tendue expose au risque de retour veineux demandent une vigilance particulière en raison de la
régurgitation par incompétence du sphincter du bas œsophage. Des possibilité d’altérations de la fonction inotrope en cas de cirrhose
précautions de protection des voies aériennes sont impératives en évoluée. L’hypotension artérielle est associée à une augmentation de
cas de procédure endoscopique, diagnostique et/ou thérapeutique, la mortalité périopératoire [22]. La préservation de la fonction rénale
en situation d’hémorragie digestive haute. Les études sur la vidange passe essentiellement par le maintien d’un état circulatoire systémi-
gastrique du cirrhotique exempt de diabète donnent des résultats que et d’une pression artérielle moyenne satisfaisants. Le reste de la

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contradictoires. Il est possible que les troubles de la motricité soient surveillance ne comporte guère de spécificités.
aggravés par la coexistence d’un diabète, éventualité fréquente en cas
de cirrhose. ● Gestion des pertes sanguines et liquidiennes
Lors d’une chirurgie périphérique ou mineure, les apports hydro-
● Conséquences des agents anesthésiques électrolytiques de base ne méritent pas de mention spéciale par rap-
sur la maladie hépatique port au sujet sain, avec le souci d’éviter une inflation hydrosodée
L’objectif est de préserver au mieux le débit sanguin hépatique. postopératoire. En cas de laparotomie ou de thoracotomie, le pro-
L’influence de la technique anesthésique sur la mortalité n’a jamais blème est différent. L’existence d’une HTP est responsable d’une
été étudiée et il est donc impossible d’affirmer qu’un mode d’anesthé- transsudation péritonéale permanente avec pertes séreuses souvent
sie est plus délétère qu’un autre. Chez un malade ayant une réserve très abondantes. De plus, la présence de veines dilatées, à haute pres-
fonctionnelle hépatocytaire réduite, il est souhaitable de minimiser sion, est responsable de difficultés chirurgicales et de pertes sangui-
toute lésion hépatique surajoutée. Dans l’environnement chirurgical, nes. Les pertes sanguines et leur corollaire, les transfusions, sont un
ce sont des lésions de nature hypoxique qui doivent être redoutées et facteur clairement associé à une mortalité/morbidité accrue. Une
prévenues. attention particulière doit donc être portée à la prévention de l’hypo-
Les intervenants « périopératoires » autres que les agents anesthé- volémie. Il est prématuré d’instituer en peropératoire une restriction
siques (site opératoire, modalités de ventilation, volémie) occupent hydrosodée préventive de l’ascite postopératoire. Les apports sont
une place sans doute très importante. Quelques données expérimen- difficilement codifiables et doivent être guidés par la quantification
tales existent. L’administration d’halothane aurait des conséquences des pertes, les données biologiques et, surtout, les indicateurs
particulièrement néfastes en cas de cirrhose. En comparant à des rats d’hypovolémie.
normaux des rats rendus cirrhotiques par le tétrachlorure de car- Le schéma de compensation des pertes sanguines et liquidiennes
bone, les auteurs constatent que l’exposition à l’halothane entraîne fait appel aux cristalloïdes, aux substituts colloïdaux du plasma et aux
une élévation significativement plus importante des transaminases en produits sanguins. Il n’existe pas d’évidence que la concentration
cas de cirrhose ; les concentrations sériques des métabolites de d’hémoglobine minimale tolérable des malades cirrhotiques soit

16 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
différente de celle des sujets non cirrhotiques. Suspectes d’accumula- En l’absence d’ascite, aucune étude ne justifie une antibiothérapie
tion intrahépatique, les solutions d’hydroxyéthylamidons (HEA) sont prophylactique spécifique en chirurgie. En revanche, l’existence d’une
déconseillées chez le cirrhotique. ascite au moment de la chirurgie implique une antibiothérapie pro-
Le traitement des saignements microvasculaires en relation avec phylactique spécifique même pour un geste chirurgical non abdomi-
des désordres toujours complexes de l’hémostase est mal codifié. nal. Une particularité réside dans l’adaptation des doses et la mise à
L’habitude la plus répandue répond au souci de maintenir les seuils l’écart, de première intention, des agents néphrotoxiques comme les
minimaux de facteurs hémostatiques habituellement recommandés aminosides ou la vancomycine [48].
dans le domaine de la transfusion massive (TP > 35-40 %, plaquettes
> 50 000/mm3, fibrinogène > 0,8 g/L). L’apport des facteurs défi-
cients est assuré par la transfusion d’unités de plasma frais congelé et
Anesthésie pour chirurgie
de concentrés de plaquettes. L’utilisation d’antifibrinolytiques (aproti- de l’hypertension portale
nine) peut être indiquée en cas de saignement anormal avec signes
biologiques de fibrinolyse. La prévention de l’hypothermie et de La chirurgie de l’hypertension portale consiste essentiellement en
l’insuffisance circulatoire contribue sans doute à la préservation des la chirurgie préventive ou curative des complications de l’hyperten-
compétences hémostatiques. sion portale (HTP). Ces interventions sont habituellement (mais pas
En chirurgie abdominale, la diminution pharmacologique de la exclusivement) effectuées chez des malades atteints de cirrhose.
pression portale par la vasopressine ou ses analogues a été utilisée L’évaluation préopératoire de ces malades doit prendre en compte
pour réduire les pertes sanguines. Le rapport bénéfice/risque n’en les spécificités du cirrhotique et nécessite la connaissance des divers
ayant pas été évalué, cette approche ne peut être actuellement traitements de l’HTP qui ont connu de nombreuses évolutions au
recommandée. cours des vingt dernières années.

● Antibiothérapie prophylactique RAPPELS ANATOMIQUES


Dans les situations s’accompagnant de bas débit splanchnique, ET PHYSIOPATHOLOGIQUES
lors des scléroses de varices œsophagiennes en urgence par exem- Le tronc porte est issu de la confluence des veines splénique,
ple, une antibioprophylaxie visant les germes digestifs est indiquée. mésentérique supérieure et mésentérique inférieure (1). Au niveau du
L’antibioprophylaxie pour les scléroses préventives est discutée, mais hile du foie, il se divise en deux branches qui pénètrent dans le paren-
la fréquence des inhalations motive la prophylaxie vis-à-vis des chyme hépatique et donnent naissance à des ramifications successi-
germes digestifs. Les gestes de radiologie interventionnelle transhé- ves. Ces ramifications portales associées à des canaux biliaires et à
patique (cholangiographie, drainages) requièrent une antibiothérapie. des vaisseaux lymphatiques cheminent dans les espaces portes, éma-
nations de la capsule de Glisson. Les veinules portes terminales don-
Choix d’une technique anesthésique nent naissance aux sinusoïdes hépatiques. Les sinusoïdes se drainent
dans des veinules sus-hépatiques (appelées aussi centrolobulaires)
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chez le cirrhotique
qui convergent pour former les veines sus-hépatiques, habituelle-
• Prémédication discutable ; inutile et dangereuse en présence ment au nombre de trois. Les veines sus-hépatiques quittent le foie
d’épisodes d’encéphalopathie. pour se jeter dans la veine cave inférieure.
• Indications limitées des techniques d’anesthésie locorégionale L’hypertension portale résulte d’un obstacle à l’écoulement du
en raison de troubles de l’hémostase. sang veineux splanchnique associé à un accroissement secondaire
• Prophylaxie de l’inhalation du contenu gastrique recommandée. du débit sanguin portal. Elle est définie par un gradient de pression
• Éviter l’halothane et veiller à administrer les agents anesthési- de plus de 5 millimètres de mercure entre la veine porte et la veine
ques par titration prudente. cave inférieure. L’obstacle peut siéger sur :
• L’hypotension artérielle est associée à une augmentation de la – les veines sus-hépatiques, la veine porte ou une de ses branches. Il
mortalité périopératoire. résulte alors d’une thrombose, d’une compression extrinsèque ou
• L’existence d’une HTP entraîne une transsudation péritonéale d’un envahissement tumoral ;
avec pertes séreuses abondantes : il faut prévenir l’hypovolémie – les vaisseaux qui cheminent dans le parenchyme hépatique : (a) en
(cristalloïdes, colloïdes et produits sanguins). France, le plus souvent bloc intrahépatique des cirrhoses alcooli-
• Correction des troubles de l’hémostase : plasma frais congelé, ques et post-hépatitiques B et C associées à une insuffisance hépa-
concentrés de plaquettes, antifibrinolytiques (aprotinine), préven- tocellulaire (IHC) de degré variable, (b) plus rarement, bloc
tion de l’hypothermie et de l’insuffisance circulatoire. présinusoïdal des fibroses ou de la bilharziose, sans IHC associée.
• Antibiotiques :
– antibioprophylaxie en cas d’ascite mais discutée pour les sclé- COMPLICATIONS DE L’HYPERTENSION PORTALE
roses préventives ;
– antibiothérapie pour la radiologie interventionnelle transhépa- ■ Les dérivations porto-systémiques (DPS)
tique (cholangiographie, drainages) ;
ou anastomoses porto-cave spontanées
– adaptation des doses et éviction des agents néphrotoxiques
Le développement des anastomoses porto-cave spontanées est la
(aminosides, vancomycine).
conséquence hémodynamique directe de l’HTP. Ces anastomoses

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 17


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

sont surtout préoccupantes par la constitution de varices œsopha- L’association dérivés nitrés - vasopressine diminue les effets
giennes et cardiotubérositaires [49]. Ces dernières sont à l’origine secondaires de la vasopressine et potentialise son effet sur la pres-
d’hémorragies digestives menaçantes, dont la prévention rend sion portale. La terlipressine et la somatostatine ont une efficacité
compte de la majorité des indications de chirurgie de dérivation por- similaire sur le saignement et la survie. Les sondes de tamponnement
tosystémique. La prévalence des varices œsophagiennes est de 40 à sont moins efficaces que les agents vasoactifs sur le contrôle de
90 % au cours de l’HTP. Une fibroscopie digestive haute fait donc l’hémorragie et sur la mortalité associée aux hémorragies digestives.
partie du bilan d’une HTP. Des varices de taille supérieure à 5 mm Elles sont à l’origine de 17 % de complications majeures : fausses
et/ou porteuses de papules érythémateuses ou de phlyctènes hémor- routes, asphyxie ou compression de l’oreillette droite par migration
ragiques s’inscrivent 80 à 100 fois sur 100 dans un contexte hémor- de la sonde, lésions œsophagiennes.
ragique. Le traitement des hémorragies variqueuses recherche un
contrôle optimal du saignement et la prévention des récidives ■ Autres complications
hémorragiques précoces. En effet, le bas débit associé à l’hémorragie
digestive dégrade la fonction hépatique. L’ascite est le résultat d’une rétention hydrosodée intra-
péritonéale. Elle est associée à une HTP avec ou sans IHC. Au cours
Les recommandations du club francophone pour le traitement de
des blocs préhépatiques elle est habituellement (mais non constam-
l’HTP sont réactualisées régulièrement et peuvent être consultées sur
ment) peu abondante et accompagne le plus souvent une hémorra-
le site web :
gie digestive. Elle complique surtout les blocs postsinusoïdaux. La
http://www.club.med.univ-angers.fr/invite/chtp cirrhose est la cause la plus fréquente d’ascite en Europe. Dans les
Pour la prévention des hémorragies digestives par rupture de vari- blocs supra-hépatiques (syndrome de Budd Chiari) le taux des pro-
ces œsophagiennes : tides dans le liquide d’ascite est habituellement supérieur à 30 g/L.
– les β-bloquants (propranolol LP 160 mg/24 h) diminuent l’inci- Une gastropathie congestive est fréquemment associée à l’HTP.
dence de la première hémorragie digestive et probablement la Les saignements provoqués par la gastropathie de l’HTP ne sont pas
mortalité ; menaçants habituellement. Aucune intervention thérapeutique n’a fait
– un dérivé nitré (isosorbide 20 à 40 mg/12 h) améliore l’efficacité la preuve de son efficacité à la phase aiguë du saignement provenant
des bêtabloquants ; d’une gastropathie associée à une HTP. La gastropathie tend à dispa-
– la sclérothérapie diminue significativement l’incidence de la raître avec la baisse de la pression portale par les β-bloquants ou par
1re hémorragie et la mortalité chez les malades à haut risque dérivation portosystémique.
hémorragique ; Des voies de dérivation portosystémiques se développent partout
– la ligature des varices semble le traitement le plus efficace sur l’inci- où des organes intra-abdominaux sont en contact avec la paroi abdo-
dence de la 1re hémorragie et la mortalité. minale ou le rétropéritoine. En cas d’intervention chirurgicale abdomi-
Pour la prévention de la récidive des hémorragies digestives, le nale antérieure, des voies veineuses de dérivation se développent dans
choix peut être la ligature élastique ou les β-bloquants. Une dériva- les adhérences. Ceci explique le caractère volontiers hémorragique de

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tion portosystémique (shunt porto-cave), intra-hépatique ou chirur- la chirurgie chez un malade ayant une hypertension portale.
gicale, peut être proposée, en cas d’inefficacité des mesures L’HTP entraîne une splénomégalie dont l’hypervascularisation est
précédentes, si le score de Child-Pugh est inférieur à 8. une source d’accroissement du débit sanguin portal et d’entretien de
En présence d’une d’hémorragie digestive aiguë par rupture de l’HTP. Un tableau hématologique d’hypersplénisme, avec thrombo-
varices œsophagiennes, la préférence va à une association précoce pénie, anémie modérée et leucopénie. La thrombopénie est habituel-
d’un traitement pharmacologique (vasopressine, somatostatine ou lement sans traduction clinique. La splénectomie corrige ces
dérivé) et endoscopique immédiat (éventuellement renouvelé). Un anomalies. Les DPS ne les corrigent qu’incomplètement.
shunt porto-cave intrahépatique est envisagé en cas d’échec des
mesures précédentes. La pose d’une sonde de tamponnement est DÉRIVATIONS PORTOSYSTÉMIQUES
indiquée en cas d’hémorragie abondante.
Les DPS ont pour but de réduire la pression portale et de prévenir
La vasopressine et son dérivé, la terlipressine, diminuent la pres-
les hémorragies variqueuses ou de traiter une ascite réfractaire. On
sion portale en augmentant les résistances vasculaires mésentéri-
peut distinguer les DPS chirurgicales et les shunts porto-systémiques
ques. Elles augmentent également les résistances vasculaires
intrahépatiques.
systémiques et entraînent des effets adverses de nature ischémique
qui imposent l’arrêt du traitement dans 20 % des cas : insuffisance
coronarienne, poussée hypertensive, douleurs abdominales. La ■ DPS extrahépatiques ou chirurgicales
somatostatine et son analogue retard, l’octréotide, diminuent le débit Il existe plusieurs types de DPS. Les DPS totales (anastomose
sanguin splanchnique et donc les pressions portale et azygos en porto-cave, terminolatérale ou latérolatérale, et mésentérico-cave)
inhibant des peptides intestinaux vasodilatateurs. Ils n’entraînent pas réduisent la pression portale mais aussi le débit hépatique en
d’effets secondaires majeurs. dérivant parfois en totalité le flux sanguin portal : l’encéphalopathie
Les dérivés nitrés, à doses diminuant la pression artérielle systémi- postopératoire est fréquente et peut être très invalidante. C’est pour
que de 20 %, entraînent une vasoconstriction splanchnique, ce qui tenter de diminuer ce risque en préservant un flux hépatique qu’ont
diminue la pression portale et le débit sanguin azygos. été développées les DPS dites sélectives (anastomoses splénorénale).

18 Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie


VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales 11
Les indications ont diminué avec le développement des traitements – l’absence d’accès facile à la tête du malade, le radiologue interve-
médicamenteux de l’hypertension portale, de la sclérothérapie des nant par la veine jugulaire interne ;
varices œsophagiennes, de la transplantation hépatique et récem- – une éventuelle complication hémorragique ;
ment, des shunts portosystémiques intrahépatiques mis en place par – un œdème pulmonaire, notamment au réveil de l’anesthésie.
voie transjugulaire. Toutefois, elles ont gardé une place dans la pré- De même qu’en cas de DPS chirurgicale, la mise en communication
vention des récidives hémorragiques chez les patients cirrhotiques soudaine d’une veine sus-hépatique et du territoire veineux tributaire
ayant une bonne fonction hépatique. du tronc porte, siège de pressions hydrostatiques élevées, entraîne
Les indications des DPS en urgence, pour traiter une hémorragie une augmentation brutale du retour veineux. La mise en place d’un
après échec d’autres moyens thérapeutiques, sont devenues très TIPSS induit une augmentation d’environ 10 à 20 % du débit cardia-
rares en raison de la mortalité élevée qu’elles génèrent. La décision que et, surtout, une augmentation importante des pressions hydro-
opératoire doit alors être rapide, avant l’aggravation de l’insuffisance statiques dans la circulation pulmonaire. Des œdèmes aigus
hépatocellulaire. pulmonaires ont été décrits après mise en place de TIPSS. Ces
Les difficultés peropératoires rencontrées sont très variables selon données invitent à la prudence et permettent de recommander la sur-
le contexte de l’intervention (urgence, état des fonctions hépatiques). veillance de ces pressions lors de la mise en place d’un TIPSS chez les
L’hémorragie périopératoire est le danger essentiel de cette interven- malades ayant une fonction cardiaque altérée ou traités par β-blo-
tion. Elle nécessite la mise en place de voies périphériques de gros quants. L’augmentation immédiate des résistances artérielles pulmo-
calibre. Le monitorage de la pression artérielle sanglante est recom- naires serait la caractéristique marquante de la mise en place de TIPSS
mandé. Le capteur de pression permet, par ailleurs, la mesure de la et résulterait de facteurs mécaniques ou humoraux [52].
pression portale avant et après constitution de la dérivation. La surveillance postopératoire immédiate doit être très attentive à
Lors de l’ouverture de la DPS, la redistribution du volume sanguin plusieurs fonctions : état de vigilance, fonction respiratoire (l’œdème
séquestré dans le territoire splanchnique entraîne une augmentation pulmonaire peut être retardé), fonction circulatoire et surveillance du
brutale du retour veineux et des pressions auriculaire droite et capil- taux d’hémoglobine (hémorragie intrapéritonéale, hémobilie). La
laire pulmonaire [50]. L’augmentation des pressions dans la circula- fonction rénale doit également être suivie. En effet, le TIPSS est habi-
tion pulmonaire pose rarement des problèmes, en dehors d’une tuellement couplé à une artériographie cœliaque et mésentérique
anomalie importante de la fonction cardiaque, et s’estompe en quel- supérieure, et l’administration totale de produits de contraste iodés
ques heures. Le débit cardiaque demeure plus élevé. En pratique, il peut être « généreuse » chez des malades à risque rénal
existe de grandes variations interindividuelles de l’état circulatoire.
■ Dérivations péritonéo-veineuses
■ DPS intrahépatiques L’objectif des dérivations péritonéo-veineuses est de traiter
L’abréviation anglo-saxonne consacrée par l’usage de cette tech- certaines ascites dites « réfractaires », chez des malades ayant une cir-
nique de radiologie interventionnelle est TIPSS (Transjugular Intra- rhose sans insuffisance hépatique trop sévère ni antécédent
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hepatic Porto-systemic Stent Shunt). Cette procédure délicate, parfois d’hémorragie variqueuse. Le plus souvent, il s’agit d’une dérivation
longue et ponctuellement douloureuse (mais ne laissant pas de dou- péritonéo-jugulaire avec une valve unidirectionnelle type Le Veen qui
leur postopératoire) gagne à être effectuée sous anesthésie générale. permet le passage du liquide d’ascite dans le compartiment vascu-
De plus, la présence d’un anesthésiste-réanimateur est également laire. Les risques et complications précoces de cette intervention sont
souhaitée en raison de la survenue de complications aiguës poten- liés à ce passage :
tiellement fatales dans 1 à 2 % des cas [51]: hémopéritoine, hémobilie, – surcharge volémique brutale avec œdème pulmonaire lors du drai-
septicémie, œdème pulmonaire. nage de l’ascite dans le secteur vasculaire [53] ;
L’intervention s’adresse, en général, à des malades ayant une cir- – coagulopathie de consommation [54] ;
rhose compliquée d’HTP avec hémorragies variqueuses récidivantes – embolie gazeuse ;
et/ou une ascite réfractaire. Dans certains cas, le malade a une affec- – et infection.
tion hématologique chronique (splénomégalie myéloïde) compliquée La mise en place d’une dérivation péritonéo-veineuse impose donc
d’HTP. Elle peut être effectuée en situation de semi-urgence chez un de s’assurer au préalable de l’absence d’infection du liquide d’ascite
malade ayant un saignement variqueux en cours. (taux de polynucléaires inférieur à 100/mm3) et d’insuffisance cardia-
Le protocole anesthésique est adapté à la situation et peut que susceptible d’être décompensée lors du drainage de l’ascite dans
nécessiter une induction en séquence rapide avec intubation orotra- la circulation générale.
chéale. Une anesthésie totale IV peut être effectuée, le rémifentanil Une partie des complications précoces peut être limitée par l’éva-
trouvant ici une indication potentielle en raison de l’absence de dou- cuation peropératoire de l’ascite et son remplacement partiel par du
leur postopératoire et de l’intérêt d’un agent ayant une demi-vie sérum physiologique. Le maintien peropératoire d’une ventilation
contextuelle brève et indépendante de la durée d’administration. Les spontanée et la mise en place postopératoire d’un dispositif de con-
difficultés potentielles pour l’équipe d’anesthésie sont donc : tention abdominale permettent de préserver un gradient de pression
– une induction chez un malade ayant un saignement digestif haut entre la cavité péritonéale et l’oreillette droite, favorisant le drainage et
situé en cours (risque d’inhalation de sang) ; permettant d’éviter l’obstruction précoce de la dérivation. En post-
– une induction chez un malade ayant une ascite tendue (risque opératoire, les apports liquidiens doivent être restreints et il est
d’inhalation de contenu gastrique) ; souvent prudent d’augmenter la diurèse horaire par l’administration

Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 19


11 VIII – 11 – Spécificités anesthésiques selon les spécialités chirurgicales

d’un diurétique de l’anse, type furosémide. La coagulopathie de con- [5] Lentschener C, Franco D, Bouaziz H, et al. Haemodynamic changes associ-
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devraient progressivement s’affirmer. Par ailleurs, l’hépatite C, dont by iatrogenic hypernatremia following rupture of a hydatid cyst of the liver
l’évolution est longtemps silencieuse, pourrait occuper dans l’avenir with an amnesic syndrome as sequela. Rev Neurol 2000;31:1033-5.
une place prépondérante au sein des maladies chroniques du foie [21] Khoury G, Jabbour-Khoury S, Soueidi A, et al. Anaphylactic shock compli-
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Chapitre 11 – Anesthésie pour chirurgie et maladies du foie 21

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