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Anesthésie Du Veillard Dalens
Anesthésie Du Veillard Dalens
1
Anesthésie du sujet âgé
Frédérique Servin, Philippe Juvin
(juin 2002)
Abréviations Sommaire
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens
IMPORTANCE DE L’ÂGE « PHYSIOLOGIQUE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
AIVOC : anesthésie intraveineuse à objectif
de concentration CONSULTATION PRÉ-ANESTHÉSIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
ALR : anesthésie locorégionale PRÉPARATION À L’INTERVENTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
BIS : indice bispectral CHOIX DE LA TECHNIQUE D’ANESTHÉSIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
CAM : concentration alvéolaire minimale ANESTHÉSIE GÉNÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
INSEE : Institut National de la Statistique ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
et des Études Économiques
RÉANIMATION PEROPÉRATOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
ECG : électrocardiogramme
EEG : électroencéphalogramme PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE IMMÉDIATE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
ANESTHÉSIE AMBULATOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
© Groupe Liaisons SA, juin 2002. La photocopie non autorisée est un délit.
Introduction
La population française vieillit. Près de 6,5 millions de français ont plus de 70 ans, 2,1 millions ont plus de 80 ans et quatre cent mille ont
plus de 90 ans. Les Français âgés de plus de 65 ans représentaient 12,6 % de la population en 1968, 13,9 % en 1990 et 15,6 % en 1998. La
sur-représentation des femmes dans les classes d’âge apparaît tôt, dès 60 ans et devient franche à 75 ans: elles représentent 60 % de la
classe d’âge des 75-79 ans et 75 % des plus de 90 ans. Parmi les personnes âgées, les classes d’âge les plus avancées sont de plus en plus
représentées (source INSEE). En 1996, un tiers des anesthésies était pratiqué chez des patients âgés de plus de 60 ans [1]. Ce chiffre est en
nette augmentation par rapport à la période 1978-1982, où les plus de 60 ans représentaient moins de 20% des opérés. Après l’âge de
75 ans, le taux annuel d’anesthésies pour les femmes (hors endoscopie) (16,8 anesthésies pour 100 habitants) est inférieur à celui des
hommes (19,6). Après 85 ans, un patient anesthésié sur deux (hors endoscopie et chirurgie ambulatoire) est classé ASA 3 à 5 [1].
Les sujets âgés représentent une fraction importante de la population hospitalière, et dans le même temps, le nombre de sujets âgés qui se
présentent pour un acte chirurgical en pleine possession de leurs moyens intellectuels grandit également. Le rôle de l’équipe chirurgicale
n’est pas seulement de leur faire franchir le cap de l’acte chirurgical lui-même, mais aussi de leur assurer la meilleure prestation possible
pour leur permettre de retrouver, voire d’améliorer, leur autonomie.
Par rapport à la période 1976-1982, l’augmentation du nombre d’anesthésies chez le sujet âgé s’est essentiellement faite au bénéfice de
l’endoscopie digestive, de l’orthopédie et de l’ophtalmologie. Actuellement, entre 75 et 84 ans, 30 % des anesthésies (hors endoscopie) concer-
nent l’ophtalmologie, 24 % l’orthopédie, 13 % la chirurgie digestive et 11 % la chirurgie urologique. Après 85 ans, 29 % des anesthésies
sont des anesthésies locorégionales [2], et 20 % des anesthésies sont réalisées en urgence (moins de 10 % entre 45 et 55 ans) [3].
Importance de l’âge ● Tableau 1 Principales causes de décès aux États-Unis, chez les sujets de
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plus de 75 ans
« physiologique »
Cause de décès Hommes (%) Femmes (%)
ÂGE CHRONOLOGIQUE ET ÂGE PHYSIOLOGIQUE Pathologies cardiaques 40 42
La morbidité et la mortalité périopératoires augmentent avec l’âge Cancer 21 15
[4]. Pourtant, les taux de morbidité et de mortalité périopératoires ne
sont pas plus élevés chez les octogénaires en bonne condition phy- Maladies pulmonaires 10,9 8,4
sique que chez les adultes jeunes devant bénéficier du même type Maladies cérébrovasculaires 7,7 10,8
d’intervention chirurgicale [5, 6]. Il est habituel d’affirmer que, plus
que l’âge chronologique, c’est l’âge physiologique, et donc l’état de Traumatologie 1,9 1,6
santé préopératoire, qu’il faut prendre en compte, d’où l’importance
Diabète 1,7 2,3
de l’évaluation préopératoire. En fait, le vieillissement physiologique
se traduit par une très grande difficulté de l’organisme à faire face à Artérite 1,5 –
des situations de stress [7]. Une personne âgée n’est pas seulement
Insuffisance rénale 1,3 1,2
un malade, c’est un individu physiologiquement différent et ces diffé-
rences doivent être prises en compte. Athérosclérose 1,2 1,8
Septicémie – 1,2
FRÉQUENCE DES CO-MORBIDITÉS ASSOCIÉES
Dans nos sociétés occidentales, les pathologies les plus fréquem-
ment retrouvées chez les sujets âgés sont les pathologies cardiovas- la pathologie la plus fréquemment retrouvée, tous âges confondus
culaires responsables chaque année de 47 % des décès aux [9], chez les sujets âgés, la cardiopathie hypertensive sera au premier
États-Unis (Tableau 1, d’après [8]). Si l’hypertension artérielle isolée est plan. Plus de 8 % des patients de plus de 65 ans sont porteurs d’une
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directement avec le patient pour recueillir son opinion, le dialogue vés [35]. Ces plaintes doivent attirer l’attention sur d’autres facteurs
direct représentant déjà, par lui-même, un facteur anxiolytique. comme un syndrome dépressif fréquent à cet âge [36]. Un remplis-
sage systématique avant anesthésie rachidienne, sans prévenir la
survenue d’hypotensions et sans diminuer la consommation en
INFORMATION DU PATIENT vasopresseurs [37], peut être responsable de rétentions urinaires ou
Les sujets âgés conscients qui ne sont pas sous tutelle ont évidem- favoriser une décompensation d’insuffisance cardiaque [38]. Enfin, la
ment droit à la même information que les autres patients, et leur notion que l’anesthésie rachidienne diminue de façon marginale le
consentement a la même valeur. risque thromboembolique [39] ne doit en aucun cas faire remettre en
cause les protocoles établis de prophylaxie de la thrombose veineuse
Choix de la technique d’anesthésie périopératoire.
par ailleurs elle n’est pas modifiée par la décérébration, et semble cor- moitié par rapport à un sujet plus jeune, et les posologies d’entretien
respondre à une action médullaire de l’agent [60]. Or si la sensibilité réduites des deux tiers [71]. Ainsi seront évitées les modifications
aux hypnotiques intraveineux d’action principalement corticale est hémodynamiques parfois observées. Par ailleurs, le délai d’action des
peu modifiée par l’âge, la sensibilité aux morphiniques, d’action sur- morphiniques est augmenté dans cette population.
tout médullaire, elle, est comme nous le verrons, considérablement
accrue.
Particularités des agents anesthésiques
CURARES chez le sujet âgé
• Thiopental : distribution initiale ralentie ; réduire les doses de
Les sujets âgés ont souvent besoin de moins de curares que les 75 % et injecter lentement.
sujets jeunes, et ils se décurarisent moins vite. Ceci n’est pas dû à une • Propofol : besoins réduits (0,9 mg/kg ou moins) mais élimina-
modification pharmacodynamique : quel que soit l’agent, les concen- tion inchangée et effets hémodynamiques retardés :
trations efficaces sont les mêmes [61-64]. L’élimination des curares – réduire la dose et vitesse d’administration à l’induction ;
est le plus souvent ralentie, ce qui explique que les réinjections ou le – concentration cible inchangée mais prendre garde à l’absence
débit de perfusion doivent être modifiés davantage que la dose ini- de pondération avec certains systèmes d’AIVOC) (Diprifusor) :
tiale. À partir d’un même niveau de curarisation, la récupération sera changements lents, par titration, pendant l’induction ou l’appro-
plus lente chez le sujet âgé. Ce phénomène, très marqué avec les fondissement de l’anesthésie car les concentrations calculées ne
curares d’élimination enzymatique, est moins net bien que persistant reflètent pas les concentrations réelles à la phase initiale de l’aug-
avec l’atracurium [63] et le cisatracurium [65]. Il est à rapprocher d’un mentation de concentration ;
allongement du délai d’action des curares, probablement dû à un – absence de retard de réveil chez le sujet âgé.
ralentissement du transfert au site d’action de ces molécules [65]. • Étomidate : peu d’effets hémodynamiques ; ralentissement de
Ainsi, 5 minutes sont nécessaires pour obtenir une curarisation la distribution initiale (réduire les posologies d’induction et
permettant l’intubation dans de bonnes conditions, après l’adminis- injecter lentement).
tration de 0,1 mg/kg de vécuronium. Une réinjection avant ces • Halogénés : allongement du délai d’action, CAM diminuées.
5 minutes exposerait à un risque de surdosage et de curarisation très • Curares : doses réduites (réinjections notamment), décurarisa-
prolongée [66]. tion ralentie, doses nécessaires d’anticholinestérasiques aug-
Compte tenu de la prolongation des effets des curares non dépo- mentées.
larisants, la prudence recommande donc de minorer les doses lors • Morphiniques : sensibilité, délai et durée d’action accrus ? :
des réinjections, de monitorer la curarisation et d’utiliser largement réduire les doses.
les anticholinestérasiques. Par ailleurs, les doses de néostigmine
nécessaires à la décurarisation semblent augmentées chez les sujets
âgés par rapport aux adultes jeunes : après 0,08 mg/kg de vécuro-
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nium, 0,31 mg/kg de néostigmine sont nécessaires pour décurariser Anesthésie locorégionale
des patients de 78 ans, alors que 0,19 mg/kg suffisent pour des
patients de 32 ans [67].
Comme nous l’avons vu plus haut, l’anesthésie locorégionale péri-
phérique est une indication de choix chez le sujet âgé dès lors que
MORPHINOMIMÉTIQUES son état de conscience lui permet de bien comprendre la procédure
et les consignes qui lui sont données. Les blocs centraux restent
Les posologies de morphinomimétiques doivent être réduites chez davantage une question de sensibilité et d’expérience personnelle.
le sujet âgé [68]. Chez le sujet âgé, la demi-vie d’élimination de la Parmi les indications privilégiées de l’ALR, on retrouve la chirurgie
morphine est allongée et, pour une même quantité de morphine urologique, en particulier par voie endoscopique, où la position opé-
administrée, les concentrations plasmatiques mesurées sont aug- ratoire « gynécologique » minimise le retentissement hémodyna-
mentées [69]. De fait, l’intensité et la durée d’action de la morphine mique de l’anesthésie rachidienne, la chirurgie orthopédique
sont plus importantes chez les sujets âgés. Les concentrations de fen- périphérique et bien sûr la chirurgie ophtalmologique, en particulier
tanyl et d’alfentanil nécessaires pour obtenir un même effet élec- de la cataracte, dont nous avons vu la fréquence chez le sujet âgé.
troencéphalographique (EEG) sont plus faibles chez le sujet âgé que Cependant, des difficultés techniques inhérentes aux modifications
chez le sujet jeune sans que l’âge n’ait pourtant d’influence significa- des repères et aux altérations du système locomoteur peuvent impo-
tive sur la pharmacocinétique de ces produits [68]. La situation est ser des techniques et voies d’abord différentes chez le sujet âgé. La
similaire pour le sufentanil [70]. posture doit être soigneusement étudiée pour être confortable aussi
Pour le rémifentanil, bien que le volume du compartiment central et bien pour la réalisation du bloc que pour la chirurgie, et ceci peut
la clairance diminuent, ce sont aussi surtout des modifications phar- prendre du temps, et faire proposer une sédation associée. L’indica-
macodynamiques (diminution de l’EC50 et du keo) qui rendent tion d’une telle sédation doit être d’autant plus prudente que le sujet
compte de la nécessité de diminuer les posologies chez le sujet âgé est plus âgé. Des doses réduites de morphiniques peuvent améliorer
[71]. Dans cette population, les doses initiales doivent être réduites de la tolérance à la mise en place du bloc, et des techniques de sédation
modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques ainsi thermique, hypoxémique et sous l’influence de l’effet résiduel des
que l’augmentation de la variabilité interindividuelle doivent induire à agents anesthésiques, tous éléments qui aggravent le risque de
monitorer chaque fois que possible les effets des médicaments (cura- régurgitation et d’inhalation du contenu gastrique. C’est dire l’impor-
mètres, BIS™…) tance de la surveillance continue de la saturation par l’oxymétrie de
pouls, et les larges indications de l’oxygénothérapie. Le réchauffe-
REMPLISSAGE VASCULAIRE ment va démasquer une hypovolémie relative mal tolérée, et la dou-
leur risque de provoquer une hypertension artérielle systolique qui
À l’arrivée au bloc opératoire, les sujets âgés sont souvent hypovo- ne devra être traitée par les vasodilatateurs qu’après rétablissement
lémiques du fait du jeûne, de la perte de la soif, de la diminution du de la volémie, et en procédant par titration prudente.
pouvoir de concentration des urines ou des traitements diurétiques
prescrits de première intention pour le traitement de l’hypertension ANALGÉSIE POSTOPÉRATOIRE
artérielle [81]. La perte liquidienne, qu’elle soit posturale ou hémorra-
gique entraîne, dans cette situation, une chute tensionnelle beaucoup Dans une étude réalisée dans un hôpital universitaire, seulement
importante que chez des sujets jeunes hypovolémiques ou que chez 19 % des patients âgés de plus de 80 ans recevaient des antalgiques
des sujets âgés normovolémiques [82]. L’anesthésie, qu’elle soit (contre 50 % des patients âgés de 18 à 45 ans). Dans un très faible
générale ou rachidienne, entraîne le plus souvent une vasodilatation nombre de cas (20 %) ces antalgiques étaient des antalgiques
très mal tolérée chez le sujet âgé hypovolémique. Seule l’induction de majeurs (contre 88 % dans le groupe des 18-45 ans) [87]. Une autre
l’anesthésie générale par l’étomidate évite cet écueil [83]. Cependant étude a confirmé que la fréquence de prescription d’antalgiques dans
le remplissage, en particulier celui réalisé pour compenser une vaso- la période postopératoire était inversement proportionnelle à l’âge
dilatation, est souvent mal toléré au réveil lorsque la vasodilatation [88]. Même si ces travaux sont relativement anciens, il est probable
disparaît. Ainsi, le remplissage vasculaire chez le sujet âgé, au mieux que les praticiens continuent encore à méconnaître la douleur post-
guidé sur le monitorage, doit rester prudent. L’association à des opératoire chez le sujet âgé. Une notion déjà ancienne selon laquelle
vasopresseurs peut être utile [84]. les sujets âgés seraient plus tolérants à la douleur [89], le fait que
l’expression de la douleur par le patient soit minorée en cas de dété- certes transitoire (première heure) mais précieux, puisqu’il se mani-
rioration intellectuelle [90] et la crainte d’effets secondaires des antal- feste au moment où les effets rémanents des morphinomimétiques et
giques expliquent cette attitude. des curares sont, théoriquement, maximaux.
En fait, l’évaluation et l’expression de la douleur sont plus difficiles L’âge en soi ne semble pas être un facteur de risque de survenue
chez les sujets âgés. Des handicaps sensoriels (surdité, troubles de la de complications respiratoires postopératoires [99] alors qu’il est un
vue, déficits intellectuels) peuvent rendre inefficaces l’utilisation facteur prédictif de survenue de complications coronariennes en
d’échelles de mesure de la douleur, surtout dans la période postopé- chirurgie non cardiaque [15]. En chirurgie cardiaque, des besoins
ratoire où se mêlent à ces déficits les effets rémanents de l’anesthésie. transfusionnels supérieurs à 10 culots globulaires, une durée de cir-
Concernant la crainte de survenue de complications graves de type culation extracorporelle supérieure à 140 minutes et une anémie
dépression respiratoire dans la période postopératoire, l’administra- postopératoire sont des facteurs prédictifs de mortalité et de morbi-
tion de 10 mg de morphine entraîne effectivement plus d’apnées chez dité cardiovasculaire chez le sujet de plus de 75 ans [86].
le sujet âgé que chez le sujet jeune [91]. Toutefois, cette observation
n’est pas surprenante compte tenu des modifications pharmaco- Les épisodes confusionnels postopératoires sont fréquents chez le
logiques décrites plus haut. La morphine reste indiquée dans la sujet âgé, même sans pathologie associée (7 à 72 % des cas selon les
période postopératoire mais doit faire l’objet d’une réduction et d’une études) [100]. Certains terrains (syndrome dépressif préopératoire,
titration des doses. maladie neurologique évolutive (maladie de Parkinson, démence),
Toutes les méthodes d’administration de la morphine sont utilisa- alcoolisme, traitements anticholinergiques, troubles de l’audition ou
bles, même l’analgésie autocontrôlée (PCA), bien qu’en pratique plus de la vue) peuvent y exposer [101]. Un facteur favorisant per- ou post-
d’un patient âgé sur deux ne l’utilise pas correctement [92]. Une sur- opératoire peut parfois être incriminé [100], en particulier la douleur
veillance attentive permet cependant de bénéficier de tous les avan- postopératoire [102], les troubles du sommeil [101] (favorisés par un
tages de cette technique [93]. L’utilisation de la PCA est évidemment environnement inadéquat ou un sevrage en benzodiazépines),
déconseillée chez le sujet âgé confus. Les techniques d’analgésie l’hypoxémie, l’hypothermie, les infections, les troubles métaboliques,
morphinique par voie rachidienne, en association ou non avec des les médicaments, le sevrage en alcool et les rétentions urinaires [100].
anesthésiques locaux, sont, elles aussi, utilisables chez le sujet âgé Si elle se poursuit, la confusion postopératoire est, elle-même, source
[94]. Cependant, la voie épidurale expose aussi à des dépressions res- de complications (chute du patient, traitements sédatifs ou neurolep-
piratoires [95] et à des épisodes de rétention urinaire [96]. tiques inadaptés) et peut être responsable d’une prolongation de la
Le paracétamol est largement utilisé dans le traitement de la durée d’hospitalisation [100]. En fait, la confusion postopératoire est
douleur postopératoire. La quasi-absence d’effets secondaires est plurifactorielle et sa prévention passe par l’identification des sujets à
précieuse chez le sujet âgé. Le délai d’action long (jusqu’à une heure risque et la prévention des facteurs le plus souvent en cause. L’oxygé-
après administration intraveineuse de propacétamol) justifie l’admi- nothérapie postopératoire, le réchauffement, la prescription d’antal-
nistration précoce du traitement, en peropératoire. giques, une salle de réveil silencieuse, la mise à disposition des
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens exposent à des lunettes ou des prothèses auditives dès le réveil permettent de dimi-
nuer la fréquence et la gravité des épisodes confusionnels chez le
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complications : hémorragie digestive et insuffisance rénale. L’insuffi-
sance rénale est d’autant plus à craindre que la fonction rénale de patient âgé [100, 101].
base est souvent altérée, que les patients sont souvent déshydratés
ou hypovolémiques, ou reçoivent déjà des médicaments néphrotoxi- COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES
ques. Cependant, les AINS sont efficaces sur des douleurs postopéra-
toires modérées chez le sujet âgé [23, 97, 98]. Compte tenu de
L’hospitalisation d’une personne âgée représente souvent une rup-
l’existence d’alternatives thérapeutiques, les AINS ne sont donc pas
ture dans son existence. Près du tiers des patients très âgés, hospita-
conseillés chez le sujet très âgé au décours d’une chirurgie majeure
lisés pour une maladie aiguë et venant de leur domicile, développent
surtout s’il présente par ailleurs une insuffisance cardiaque.
une altération de leur vie de relation à leur sortie de l’hôpital. La moi-
tié de d’entre eux gardera un handicap définitif : impossibilité de se
RÉVEIL POSTOPÉRATOIRE laver, de s’habiller ou de se déplacer seul en dehors de son domicile
En fin d’intervention, le sujet âgé est souvent hypothermique, [103]. La pathologie induite par l’hôpital est plurifactorielle. La poly-
hypoxique et sous les effets résiduels des agents utilisés pour l’anes- médication et l’absence de lever précoce durant l’hospitalisation sont
thésie. Il est essentiel d’assurer une surveillance continue de sa satu- des facteurs de risque très fortement générateurs de l’apparition d’un
ration et de recourir largement à l’oxygénothérapie. Comme cela a déficit à la sortie de l’hôpital [104]. Une des préoccupations des pra-
déjà été signalé, le réchauffement peut décompenser une hypovolé- ticiens dans la période postopératoire devra être de favoriser le lever
mie relative et la douleur provoquer une hypertension artérielle dont précoce et la mobilisation des patients, et de réévaluer régulièrement
le premier traitement est l’analgésie avant de recourir à des vasodila- tous les traitements, afin d’éliminer ceux qui seraient devenus inutiles.
tateurs qui ne seront administrés qu’après restauration de la volémie La priorité de l’équipe médicochirurgicale doit être le retour rapide du
et sous couvert d’une titration prudente. sujet dans son environnement habituel, avec le moins possible de
L’utilisation de médicaments peu liposolubles (desflurane), surtout pertes fonctionnelles. La connaissance des conditions habituelles de
si l’anesthésie est prolongée, permet un réveil plus rapide et de vie, de l’entourage familial et du voisinage permet d’évaluer les possi-
meilleure qualité chez le sujet âgé [54]. L’avantage du desflurane est bilités de prise en charge après la sortie de l’hôpital.
interventions à celles qui ne nécessitent pas de soins postopératoires erly: How Does it Differ From the Younger Population? Am J Geriatr Cardiol
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