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Exploration biochimique du remodelage osseux Said Kamel, Didier Borderie 1, Physiologie et biologie normale du tissu osseux 1.1, Remodelage osseux physiologique 1.2, Structure et composition du tissu osseux 1.3. Contréle du remodelage osseux 2. Remodelage osseux pathologique et ostéoporose 2.1. Définitions et épidémiologie des ostéoporoses 2.2.Physiopathologie des ostéoporoses 3.Principaux marqueurs biochimiques 3.1. Marqueurs biochimiques de la résorption osseuse 3.2. Marqueurs biochimiques de la formation osseuse 4. Principales sources de variabilité des marqueurs et valeurs de référence 4.1. Facteurs de variabilité contrélables 4.2. Facteurs de variabilité non contrélables 43.Etablissement des valeurs de référence 5.Utilité clinique des marqueurs du remodelage osseux dans l'ostéoporose 5.1. Diagnostic de lostéoporose 5.2.Estimation du risque fracturaire et aide a la décision thérapeutique 5,3, Suivi des traitements anti-ostéoporotiques 6.Conelusion (MBM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE Le remodelage osseux, alternance de phases de résorp- tion et de formation osseuse, constitue un processus bio- logique indispensable au maintien de lintégrité du sque- leite, Plusieurs situations physiopathologiques peuvent saccompagner de déséquilibres du remodelage osseux au. premier rang desquels lostéoporose. Les marqueurs classiques du remodelage osseux ‘comme l'activité phosphatase alcaline et hydroxyproline urinaire sont sujets a une extréme variabilité et manquent de sensibilité. Leur utilité clinique est limitée a des patho- logies saccompagnant d'une trés forte augmentation du remodelage osseux. Des marqueurs biochimiques plus spécifiques et plus sensibles sont actuellement utilisés en pratique courante, mais leur interprétation reste difficile en raison d'une variabilité intra-individuelle importante. Le respect d'un certain nombre de critéres de qualité dans, le dosage et la standardisation des conditions de préléve- ‘ment permettent néanmoins de diminuer 'impact de la variabilité,facilitant l'utilisation et l'interprétation de ces, marqueurs. A ata aS DU TISSU OSSEUX HE Remodelage osseux physiologique Letissu osseux constitue un réservoir unique pourl’or- ‘ganisme, contenant approximativement 99 % des réserves de calcium et 90 % des réserves de phosphates, deux ions ‘minéraux indispensables a la vie. Des échanges perma- nents ont lieu entre le squelette, le rein et l'intestin pour assurer la mise en réserve et la mise & disposition de ces, deux ions (voirchapitre 12). On estime que chaque année, 10% du squelette adulte est renouvelé. Ce processus biologique fondamental implique trois sortes de cellules: ~ les ostéoclastes qui assurent la dégradation de l'os au cours de la résorption osseuse ; = les ostéoblastes en charge de la formation et de la minéralisation osseuse ; ~ les ostéocytes, véritables chefs d’orchestre dans le controle du remodelage osseux. Ils représentent la composante cellulaire majoritaire retrouvée dans la matrice osseuse (plus de 95 % de la totalité des cel- lules). Les activités cellulaires du remodelage osseux sont étroi- tementcouplées dans espace et le temps, et des interactions entre ostéoblastes et ostéoclastes sont indispensables au. bon déroulement de ce processus. 194 Le remodelage osseux procéde de différentes phases qui sont toujours les mémes (figure 13-1): ~ la surface de Ios est tout dabord recouverte de cel- lules quiescentes inactives ou cellules bordantes qui sont en fait des ostéoblastes en stade terminal de différenciation. Du fait de leur nature et de leur localisation, ces cellules sont directement impli- quées dans engagement de la premiere étape du remodelage osseux dite phase d'activation, au cours de laquelle des précurseurs ostéoclastiques mono- nucléés sont recrutés a partir de cellules souches hématopoiétiques pluripotentes résidant dans la moelle osseuse ; ~ ces précurseurs se différencient en ostéoclastes ma- tures capables de dégraderla matrice minéralisée au cours de ’étape de résorption osseuse qui dure ap- proximativement 12 jours; = aprés disparition des ostéoclastes par apoptose, des cellules mononucléées probablement de na- ture macrophagique apparaissent au niveau de la lacune : est la phase d’inversion. Ces cellules sont rapidement remplacées par des précurseurs os- téoblastiques provenant de cellulessouches pluri- potentes mésenchymateuses également présentes dans la moelle osseuse ; ~ ces précurseurs sont attirés dans la lacune de ré- sorption, proliferent rapidement et se différencient en ostéoblastes matures qui assurent I'étape de for- mation osseuse au cours de laquelle une nouvelle matrice protéique est produite qui sera secondaire- ment minéralisée. La quantité d'os les ostéoblastes est équivalente a celle dégradée par les ostéoclastes et le processus de formation dure ap- proximativement 3 mois; ~ Alla surface osseuse réapparaissent alors des cellules bordantes inactives et une partie des ostéoblastes se transforment en ostéocytes. Dans des conditions physiologiques, ce processus est régulé de facon a assurer un équilibre parfaitentre résorption et formation osseuse, équilibre qui, a 'ige adulte est indis- pensable au maintien de larchitecture et de la masse osseuse. ‘Tout déréglement dans les processus de contrdle aura donc des répercussions sur cet équilibre,conduisant une balance négative responsable d'une perte de masse osseuse. A Structure et composition du tissu osseux Sur le plan histologique, le tissu osseux se compose de Pos cortical et de 'os trabéculaire: = los cortical forme une couche fine et dense de tis: su calcifié et compose I'essentiel de la diaphyse des CHAPITRE 13 Ml EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX [I Cellules bordantes Ostéoclastes CLOcceoD ACTIVATION oo Matrice > a osseuse gs , > Ostéocytes QUIESCENCE 1 RESORPTION Ostéoblastes Os calcifié nouveau Ostéoclastes actifs Os caleitié ancien 4 & Durée : Durée 3 mois ~ 12 jours serunoe Figure 13-1. Les différentes phases du remodelage osseux. 9 os longs. Quatre-vingt-cing 4 90 % du squelette est constitué par de l'os cortical. Il remplit principale- ment une fonction mécanique de protectio ~ Vos trabéculaire (environ 15 % du squelette, ver tres, poignet, extrémité supérieure du fémur), en- core appelé os spongieux, présente une plus grande surface de contact entre le tissu hématopoiétique et les cellules osseuses. II joue un role prépondérant dans les échanges métaboliques contribuant effica- cement l’équilibre phosphocalcique. Los trabéculaire subit un renouvellement plus fré- quent que I’os cortical (approximativement 5 fois plus), et, cela aura pour conséquence de le rendre plus fragile en cas, de déséquilibre. La matrice osseuse extracellulaire comporte une frac- tion minérale (70 %) et une fraction organique (30 %). Cette derniére est constituée 4 90 % par du collagéne de type l.Les 10% restants érant constitués par des collagénes, mineurs et des protéines non collagéniques. Les molécules de collagéne sont constituées de trois chaines polypeptidiques. Chaque chaine présente une conformation en hélice, et lassociation des trois chaines de la molécule forme une « super hélice » (Figure 13-2). La biosynthése de ces chaines a lieu dans le réticulum endoplasmique granuleux sous forme de précurseurs appelés procollagéne. La molécule comporte alors deux domaines globulaires situés aux extrémités N et C termi- nales appelées respectivement les propeptides N et C ter minaux (PINP et PICP) qui sont clivés par des protéases dans le milieu extracellulaire. Les molécules de collagéne wna ainsi produites comportent une longue région hélicoidale entre deux régions non hélicoidales, les télopeptides N et, C terminaux. Dans le milieu extracellulaire, elles s'asso- cient spontanément pour former des fibrlles, stabilisées par la formation de pontages intra- et intermoléculaires ou cross-links »(voir figure 13-2) qui contribuent ala rigi- dité et aux propriétés mécaniques de I'os. Ce processus de pontage, sous dépendance de la lysyl oxydase, aboutit a la formation de molécules trivalentes, la pyridinoline (HP, Pyr ou Pyd) et la désoxypyridinoline (LP, Dpyr ou Dpd). La matrice osseuse renferme également de nom- breuses protéines non collagéniques: ~ Fostéocalcine, qui esta plusimportante des Gla-pro- téines, protéines contenant dans leur séquence des résidus dacide ycarboxyglutamique (Gla) qui ré& sulte d'une modification post-traductionnelle des résidus glutamate opérée par une gamma-carboxy- lase vitamine K-dépendante; ~ les protéines a séquence RGD telles que l'ostéopon- tine; ~ de nombreux facteurs de croissance, parmi lesquels les insulin-like groweh factors I et II (IGF et -I), le fibroblast growth factor (FGE), et surtout les transfor- ‘ming growth factors beta 1 et 2(TGEB, et-B). Aprés sa synthase, la matrice protéique osseuse se minéralise progressivement. Un phosphate de calcium apparenté 4 hydroxyapatite ({Cajq (PO4), (OH),]) se dépose entre les fibrilles de collagene. La phosphatase alcaline osseuse synthétisée par les ostéoblastes joue un réle important dans le processus de minéralisation. eo? 195, (MMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE N-Protéase C-Protéase Hl | Télopeptides non hélicoidaux ra 1 Nt N-Propeptide Triple hélice -Propeptide Molécule de pro-collagéne 4 Clivage des propeptides EropaptiieiN] Domaine hélicoidal Propeptide terminal (PINP) ft terminal (PICP) ‘Télopeptide N ee e temunal | Ponase intermoléculaire a at a a ears" ours Liaisons croisées ecides 3 c2-830 ‘ou cross links S037 ROH) pontage l’extrémité N terminale Figure 13-2. Structure et pontage du collagene de type | Contréle du remodelage osseux Le tissu osseux est un des organes cibles des deux prin- cipales hormones qui régulent la caleémie : = hormone parathyroidienne ou parathormone (PTH); ~ lecalcitriol ou 1,25(OH), vitamine D. Certaines hormones stéroides - les cestrogenes et les «glucocorticoides ~ jouent également un réle sur le remo- delage osseux. Ces facteurs systémiques agissent directement par Vintermédiaire de récepteurs spécifiques présents au niveau des cellules osseuses, mais également par l'inter- médiaire de facteurs produits localement. Ces facteurs ocaux, essentiellement des facteurs de croissance ou des cytokines, sont synthétisés par les cellules osseuses elles-mémes ou par des cellules voisines présentes dans le microenvironnement osseux et sont pour beaucoup stockés au niveau de la matrice osseuse. IIs sont indispen- sables: 196 “Hp! ( pontage & I'extrémité C terminale ~ au recrutement et au maintien de l'état différencié des ostéoclastes et des ostéoblastes; ~ ala communication entre les ostéoblastes et les os- téoclastes lors des séquences du remodelage osseux. Le contréle hormonal et local du remodelage osseux au cours de la vie adulte permet obtention d'un équilibre physiologique fondamental entre les activités de résorp- tion et de formation osseuse. 1.3.1. Contréle de la résorption osseuse : la triade RANK/RANKL/OPG (igure 13-3) Le receptor activator of nuclear factor kappa B (RANK) est un facteur protéique transmembranaire appartenant 4 la famille des récepteurs au tumor necrosis factor (TNF) et présent a la surface des précurseurs ostéoclastiques mononucléés présents dans la moelle. Il est capable de lier Je RANKligand, une autre molécule transmembranaire apparentée également a la famille des récepteurs au TNF CHAPITRE 13 17B-cestradio! Ostéoclaste activé Figure 13-3. Role de la trade RANK/RANKLIOPG dans la réso' et présente a la surface des ostéoblastes ou des cellules stromales médullaires. Cette interaction est nécessaire et, avec le M-CSF, suffisante pour permettre la différenciation, ostéoclastique. Lostéoprotégérine (OPG) est également apparentée au récepteur du TNF, mais sécrétée car ne comportant pas de domaine transmembranaire. L'OPG a la capacité de se fixer sur le RANKL, agissant ainsi comme un récepteur leurre rendant impossible toute interaction entre RANK et, RANKL et bloquant ainsi la différenciation ostéoclastique et done la résorption osseuse. Les facteurs hyperrésorbants comme le calcitriol, la PTH et les glucocorticoides agissent soit en augmentant la production de RANKL, soit en diminuant la production OPG. Inversement les facteurs hyporésorbants, comme le 17B-cestradiol, agissent soit en augmentant la produc: tion d'OPG, soit en diminuant la production de RANKL. Lactivité de résorption est donc étroitement dépen- re entre RANKL et 'OPG. 1.3.2. Contréle de 1a formation osseuse La formation osseuse est également régulée par des facteurs hormonaux et locaux. L'’étape d'engagement dans la voie de différenciation ostéoblastique nécessite activation d'un facteur de transcription spécifique des ostéoblastes, le facteur Cbfal (core binding factor alpha 1) EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX I Calcitriol Parathormone Précurseur RANK ostéoclastique <—— LD ret Survie, fusion et différenciation et activation Pré-ostéoclastes rption osseuse. également appelée Runx2. La différenciation des progé- niteurs ostéoblastiques en ostéoblastes matures implique ‘une voie prépondérante la voie canonique Wnt}f-caténine. La sclérostine est une protéine sécrétée presque exclusive: ‘ment par l'ostéocyte et constitue un puissant inhibiteur dela voie Wat. Il est a noter ici Pimportance de l'interven- tion de facteurs de croissance comme les bone morphogene- tic proteins (BMP), le TGFB, les IGF1 et Il, et le FGF comme agents stimulant activité ostéoblastique. Pre a Caw Semele Cel a Sih 3 EAE Définitions et épidémiologie des ostéoporoses Lostéoporose est classiquement définie comme étant « une maladie systémique du squelette caractérisée par ‘une masse osseuse basse et une détérioration de larchitec- ture osseuse ayant pour conséquence une fragilité osseuse accrue pouvant conduire a des fractures » (définition de Organisation mondiale de la santé [OMS}). Comme le montre la figure 13-4, la masse osseuse aug: ‘mente rapidement pendant la croissance. Cette phase qui correspond a une phase intense de modelage osseux est 197 (MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE Masse osseuse Ménopause 20 40 — Hommes — Femmes | Risque accru | de fractures 60 80 Figure 13-4. Evolution de la masse osseuse en fonction de age chez homme et la femme caractérisée par une forte activité ostéoblastique condui- santa.un gain de masse osseuse. Ala fin de cette phase, vers ge de 20 ans, un capital osseux maximal est atteint cor. respondant au pic de masse osseuse sous la dépendance de facteurs génétiques et environnementaux notamment nutritionnels. Aprés ceite premiére période apparait une seconde phase au cours de laquelle la masse osseuse reste stable, jusqu’a Pge de 50 ans chez la ferme et un peu plus, tardivement chez homme. Cette stabilité est lige 4 un équilibre entre les phases de résorption et de formation osseuse. Au-dela, une perte osseuse survient dont la rapidité varie selon les sujets et selon les sites anatomiques du squelette. Chez la femme, dans certaines conditions, cette perte osseuse est accen- tuée en période péri- et postménopausique, avec une phase rapide durant les 5 premiéres années suivant la ménopauise. Au-dela de 65 ans, la perte osseuse peut perdu rer avecun rythme plus lent, phénoméne qui ‘observe éga- Jement chez "homme. Labaissement de la masse osseuse en deca de la zone de risque définit alors 'ostéoporose. Prés de 250 millions de personnes sont atteintes de cette maladie dans le monde, ce qui fait de lostéoporose une des pathologies chroniques les plus fréquentes. Mala- die lige au vieillissement, on estime en France que 30% des femmes Agées de plus de 60 ans et que 50% de celles agées de plus de 70 ans seraient atteintes. Bien que ce soit une pathologie a prédominance féminine, on estime que pres de 14% des hommes de plus de 50 ans feront de 'ostéo- porose. La principale manifestation clinique de l'ostéoporose est constituée par la survenue de fractures dont la localisa- tion squelettique est fonction de lage: ~ fractures de l'extrémité inférieure du radius ou frac- tures de Pouteau-Colles vers lage de 55 ans; 198 ~ tassements vertébraux qui peuvent saccompagner de fractures vers lige de 65 ans; ~ fractures du col du fémur au-dela de Définition densitométrique de l'ostéoporose Le diagnostic d’ostéoporase repose sur une mesure de la masse osseuse. L'évaluation du contenu minéral osseux ‘ou densité minérale osseuse (DMO) donne un reflet précis et fiable de la masse osseuse, Actuellement la méthode de référence reconnue au plan international pour mesurer la DMO est l'absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DEXA, pour dual energy X-ray absorptiometry). Générale- ment, la mesure est réalisée au niveau de la hanche et de la colonne vertébrale (L2 & L4). Les résultats sont donnés en glcm? et exprimés en T score, qui évalue la différence en nombre d'écart-type (ou déviation standard, DS) entre la mesure du patient et la moyenne obtenue dans une popu- lation de référence constituée d'adultes jeunes. Cet indice apprécie la diminution de la masse osseuse. L'OMS a pro- posé de classerI'échelle de diminution de la masse osseuse fen quatre niveaux : normal : T score > -1 ; ~ ostéopénie : -2,5 -2 et, S-I, ou encore en absence de fracture et un Tscore entre ~Det-3. Plusieurs facteurs de risque indépendants de la DMO ont été également identifiés (tableau 13:1), Parmi ceux-ci figure laugmentation du remodelage osseux, qui consti- tue Tun des déterminants majeurs de la perte osseuse, qurelle soit observée a la ménopause ou a distance de celle-ci, L’élévation des marqueurs de résorption (CTX sérique et TRAP 5b sérique) et des marqueurs de formation, (PAO, PINP) au-dessus de la limite supérieure des valeurs observées chez les femmes non ménopausées (moyenne + 2 DS) est associée a un doublement du risque de fracture de la hanche, de fractures vertébrales ou non vertébrales, et cela indépendamment de la DMO. En dautres termes, bien que la masse osseuse soit un déterminant essentiel de Vostéoporose il n’est pas exclusif, et certains déterminants évalués par les marqueurs de la résorption osseuse, proba- blement la microarchitecture osseuse et la qualité de l'os, trabéculaire, constituent des facteurs de risque tout aussi importants. La combinaison d'une DMO basse et d'une concen- tration de marqueurs de résorption élevée permet de cumuler la prédiction du risque. En théorie, devant une Tableau 13-Il Place des marqueurs biochimiques du remodelage osseux parmi les facteurs de risque susceptibles d'étre pris en considération pour estimation du risque de fracture et la décision thérapeutique. Fa Re urs ind Age Antécédents personnels de fractures. Corticothérapie ancienne ou actuelle Antécédent de fracture de l'extrémité supérieure du fémur cchez les parents du 1* degré Diminution de V'acuite visuelle Insuffisance de masse corporelle (IMC < 19) Troubles neuromusculaires ou orthopédiques Tabagisme Mauvais état de santé ; plus de 3 maladies chroniques Hyperthyroidie Polyarthrite rhumatoide Cancer du sein ‘Augmentation du remodelage osseux : élévation des marqueurs biologiques oon oMo ‘Menopause précoce ‘Aménorrhée primaire ou secondaire Immobilisation prolongée Carence vitamino-caleique DMO : densité minérale osseuse, IMC: indice de masse corporele. difficulté de décision thérapeutique sur les seules valeurs, de DMO, il peut étre utile de doser un marqueur de résorp- tion osseuse pour apprécier le risque fracturaire et done décider de la mise en route d'un traitement anti-ostéopo- rotique. Ce lien entre risque de fracture et élévation des, marqueurs du remodelage a été mis en évidence dans de nombreuses études cliniques sur la base d'analyse de cohortes. A l’échelon individuel, il reste cependant plus difficile & affirmer, et a l'heure actuelle, l'utilisation des ‘marqueurs du remodelage dans cette indication n'est pas, recommandée. Suivi des traitements anti-ostéoporotiques 5.3.1. Effet des traitements sur les marqueurs Pour le traitement de lostéoporose, on dispose aujourd'hui: + dagents antiostéoclastiques résorption osseuse : ~ des bisphosphonates; ~ des modulateurs sélectifs des récepteurs aux oestro- agénes (ou SERM) tels que le raloxiféne; = des traitements hormonaux de la ménopause (THM); ~ et, plus récemment, du dénosumab, un anticorps ca- pable de bloquer RANKL; + dagents anaboliques stimulant lactivité ostéoblas- tique, et donc la formation osseuse ~ le tériparatide; ~ dans les mois a venir, le romosozumab, un anticorps anti-sclérostine, Le but du traitement est de ralentir la perte osseuse et de prévenir la survenue de fractures dans les 5 a 10 ans. Labsence d'événements fracturaires, en particulier dans, les premigres années du traitement, ne représente pas nécessairement un indice d'efficacité. II est donc indis: pensable de disposer de marqueurs intermédiaires pour suivre et évaluer Vefficacité du traitement. utilisation de la DMO pour évaluer le gain de masse osseuse sous traitement et évaluer Pefficacité de celui-ci présente plusieurs limitations. En effet, le gain de masse osseuse aprés un an de traitement est souvent modéré et niexcéde pas 25 % au rachis et 1 43%8 la hanche.Verreur, de reproductibilité pour la mesure de la DMO par DXA étant de ordre de 1 a 1,5 % une période de 2 ans environ est souvent nécessaire pour évaluer lefficacité du traite- ‘ment par une nouvelle mesure de DMO (figure 13-9), En revanche, les marqueurs du remodelage osseux diminuent rapidement sous leffet des traitements anti- hhibiteurs de la 207 (MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE DMO (% de variation) Traitement Placebo tan 2ans Zone d’erreur de mesure Marqueurs du remodelage osseux (% de variation) Placebo Marqueur de formation sous traitement ‘Marqueur de résorption sous traitement Figure 13-9. Représentation schématique des variations au cours du temps de la densité minérale osseuse (DMO) et des marqueurs du remodelage osseux aprés traitement. ostéoporotiques et représentent la méthode de choix pour suivre lefficacité du traitement. Les traitements anti-ré- sorptifs entrainent une diminution rapide des marqueurs, derésorption, qui survient dans les premiéres semaines de traitement avec un plateau aprés 3.8 6 mois. Pour les mar- {queurs de formation, la diminution est plus lente, avec un, plateau aprés 6 12 mois.Les traitements ostéoformateurs, induisent une rapide augmentation des marqueurs de for- mation osseuse. Les effets des traitements sur les marqueurs ne sont en stir, tous identiques. Pour les traitements inhibi- pas, teurs de la résorption osseuse, les plus fortes diminution sont obtenues avec le dénosumab, les bisphosphonates et le THM. Elle est moindre avec les SERM. De méme, tous, les marqueurs du remodelage osseux ne donnent pas la méme réponse aux traitements, Avec les bisphosphonates, ce sont le NIX et le CTX qui présentent les diminutions les, plus fortes. Pour les traitements stimulant la formation osseuse, 'amplitude la plus importante est obtenue avec la ‘mesure du PINP sérique. 5.3.2. Prédiction de l’efficacité anti-fracturaire du traitement Tous les traitements utilisés actuellement dans l'ostéo- porose sont capables de réduire le risque de fracture d'en- viron 30 8 50%. Le véritable intérét d'un marqueur de suivi des traitements anti-ostéoporotiques est donc de pouvoir prédire Pefficacité clinique du traitement, Cest-acdire la réduction du risque de fracture. 208 Dans ce contexte, la mesure de la DMO n'apparait pas comme le marqueur de choix. En effet,certains traitements, comme le raloxiféne, bien qu’induisant des réductions de 30a 50% du risque de fracture, sont a origine d’une faible augmentation de la DMO, suggérant que les variations densitométriques n’expliquent qu'une part négligeable de effet antifracturaire des traitements. En revanche, les marqueurs biochimiques du remo- delage osseux, en apportant une information différente, savérent plus intéressants que la DMO pour évaluer lef ficacité clinique d’un traitement. Ainsi les variations des ‘marqueurs de résorption observées aprés 3 et 6 mois de traitement par un bisphosphonate sont significativement. associées au risque de fracture évalué aprés 1 et 3 ans. Les variations des marqueurs du remodelage osseux expliqueraient 50 4 70 % de efficacité du traitement sur les fractures vertébrales et 54 4 74 % sur les fractures non vertébrales. En pratique, le suivi thérapeutique néces- site le dosage d’un marqueur du remodelage (idéalement un marqueur de résorption et un marqueur de formation) avant la mise en route du traitement, puis une premiere évaluation biochimique avec les mémes marqueurs apres, 6 8 12 mois de traitement. Les décisions de maintenir ou au contraire de modifier le traitement seront prises en. fonction de la diminution ou non des marqueurs dans cet intervalle de temps (figure 13-10) 5.3.3. Adhérence des patients au traitement Lefficacité des traitements des affections chroniques comme lostéoporose est lige en premier Ii su dune stricte CHAPITRE 13 Ml EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX Sm Biochimie avant traitement = dosage d'un marqueur de résorption : CTX sanguin, = dosage d’un marqueur de formation : PINP sanguin I chimie aprés 6-9 mois de traitement - dosage d’un marqueur de résorption : CTX sanguin ~ dosage d'un marqueur de formation : PINP sanguin Expression des résultats en pourcentage par rapport ’état basal : diminution supérieure aux seuils de modification fournis par le laboratoire Résultat en valeur absolue : retour aux normes des femmes non ménopausées ution des marqueurs + Critére positf d’etficaci poursuite du traitement Absence de diminution des marqueurs * Verification de l'observance, poursuite du traitement et contréle & 3 mois Diminution des marqueurs mene | ‘Absence de diminution des marqueurs : ¥ Critére positif d'etficacité : ‘Changement poursuite du traitement de traitement Figure 13-10, Arbre décisionnel pour evaluation des traitements inhibiteurs de la résorption par les marqueurs du remodelage osseux. Les marqueurs du remodelage osseux en pratique clinique IWnexiste pas & l'heure actuelle de consensus quant a I'uti- lisation clinique des marqueurs du remodelage osseux dans ostéoporose. is n'ont pas d’utilté & l'étape du diagnos- tic. Leur principale indication est aujourd'hui le suivi des traitements anti-ostéoporotiques atin d'estimer le bénéfice ‘antisracturaire de ces traitements. Le choix du marqueur dans ces différentes indications n'a pas non plus encore fait l'objet d'un consensus. Récemment, un groupe d'ex- perts sous I'égide de "International osteoporosis fundation (IOF) et de I'Intemational federation of clinical chemistry (IFOC) a recommandé utilisation du CTX comme marqueur de résorption de référence et le PINP comme marqueur de formation de référence. Les dosages du CTX doivent impéra- tivement étre réalisés sur un prélevement sanguin recueilli le matin aprés une période de 12 heures de jedne. Le sérum cu le plasma peuvent étre utiisés avec cependant une pré- ference pour le plasma recueilli sur EDTA qui offre une plus ‘grande stabilité. Le dosage du PINP est moins sensible aux Conditions du prélevement et le sérum ou le plasma peut tre utilisé avec une performance équivalente. observance du traitement. Les traitements qui ne per ‘mettent pas d’objectiver une amélioration clinique rapide comme les traitements de l'ostéoporose, qui rappelons-le encore une fois, visent a diminuer l'incidence des frac tures dans les 5 a 10 ans, jérement la non-observance. L'annonce au patient d'un résultat biolo- sgique positif par le médecin (réduction d’un marqueur de résorption aprés 3 et 6 mois de traitement) améliore lad: hérence au traitement et observance thérapeutique. STS Les troubles du remodelage osseux constituent l'un des déterminants physiopathologiques majeurs de los téoporose, une des pathologies chroniques les plus répan- dues dans le monde. La prise en charge efficace de cette 209 MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE maladie nécessite de pouvoir disposer d'indices capables, de poser le diagnostic d'ostéoporose, d'estimer le risque de fracture a 5 ou 10 ans chez les patients atteints, et 'éva- luer lefficacité anti-fracturaire des traitement. ‘Au cours de ces derniéres années, des progres signifi- catifs ont été réalisés dans le développement de plusieurs marqueurs biochimiques capables de refléter avec préci- sion et sensibilité la résorption et la formation osseuse. Ces marqueurs, bien que nvayant aucun intérét pour le dia~ _gnostic, qui repose essentiellement sur une mesure de la DMO, se sont avérés des outils trés utiles pour suivre 'eff- cacité des traitements. Un large consensus a vu le jour pour, préconiser leur utilisation dans cette indication. L'estima- tion du risque de fractures chez un patient présentant une ostéoporose est une donnée essentielle pour le clinicien, dans sa décision thérapeutique. Des algorithmes comme Je FRAX permettent aujourd'hui de calculer ce risque avec, une précision plus ou moins fable. Les marqueurs biochimiques du remodelage osseux ne sont pas actuellement utilisés pour évaluer le risque de fracture, et cela en dépit des nombreuses études cliniques qui ont pourtant démontré a échelle de cohortes de patients le lien entre le niveau du remodelage osseux éva- Iué par les marqueurs et le risque de fracture. A Péchelon, individuel, ce lien est plus ténu, en raison notamment du ‘manque de standardisation dans l'utilisation de ces mar- queurs. Tout lenjeu dans ces prochaines années porte sur tune meilleure standardisation de ces dosages ce qui per- 210 mettra d'introduire les marqueurs dans les algorithmes, estimation du risque de fractures, élargissant ainsi leur utilité clinique. POUR EN SAVOIR PLUS ‘Armas LA, Recker RR. Pathophysiology of osteoporosis: new mechanistic insights. Endocrinol Metab Clin North Am. 2012;41:475-86, Eastell R,Szule P. 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