Exploration biochimique
du remodelage osseux
Said Kamel, Didier Borderie
1, Physiologie et biologie normale du tissu osseux
1.1, Remodelage osseux physiologique
1.2, Structure et composition du tissu osseux
1.3. Contréle du remodelage osseux
2. Remodelage osseux pathologique et ostéoporose
2.1. Définitions et épidémiologie des ostéoporoses
2.2.Physiopathologie des ostéoporoses
3.Principaux marqueurs biochimiques
3.1. Marqueurs biochimiques de la résorption osseuse
3.2. Marqueurs biochimiques de la formation osseuse
4. Principales sources de variabilité des marqueurs et valeurs de référence
4.1. Facteurs de variabilité contrélables
4.2. Facteurs de variabilité non contrélables
43.Etablissement des valeurs de référence
5.Utilité clinique des marqueurs du remodelage osseux dans l'ostéoporose
5.1. Diagnostic de lostéoporose
5.2.Estimation du risque fracturaire et aide a la décision thérapeutique
5,3, Suivi des traitements anti-ostéoporotiques
6.Conelusion(MBM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE
Le remodelage osseux, alternance de phases de résorp-
tion et de formation osseuse, constitue un processus bio-
logique indispensable au maintien de lintégrité du sque-
leite, Plusieurs situations physiopathologiques peuvent
saccompagner de déséquilibres du remodelage osseux au.
premier rang desquels lostéoporose.
Les marqueurs classiques du remodelage osseux
‘comme l'activité phosphatase alcaline et hydroxyproline
urinaire sont sujets a une extréme variabilité et manquent
de sensibilité. Leur utilité clinique est limitée a des patho-
logies saccompagnant d'une trés forte augmentation du
remodelage osseux. Des marqueurs biochimiques plus
spécifiques et plus sensibles sont actuellement utilisés en
pratique courante, mais leur interprétation reste difficile
en raison d'une variabilité intra-individuelle importante.
Le respect d'un certain nombre de critéres de qualité dans,
le dosage et la standardisation des conditions de préléve-
‘ment permettent néanmoins de diminuer 'impact de la
variabilité,facilitant l'utilisation et l'interprétation de ces,
marqueurs.
A ata aS
DU TISSU OSSEUX
HE Remodelage osseux physiologique
Letissu osseux constitue un réservoir unique pourl’or-
‘ganisme, contenant approximativement 99 % des réserves
de calcium et 90 % des réserves de phosphates, deux ions
‘minéraux indispensables a la vie. Des échanges perma-
nents ont lieu entre le squelette, le rein et l'intestin pour
assurer la mise en réserve et la mise & disposition de ces,
deux ions (voirchapitre 12). On estime que chaque année,
10% du squelette adulte est renouvelé.
Ce processus biologique fondamental implique trois
sortes de cellules:
~ les ostéoclastes qui assurent la dégradation de l'os
au cours de la résorption osseuse ;
= les ostéoblastes en charge de la formation et de la
minéralisation osseuse ;
~ les ostéocytes, véritables chefs d’orchestre dans le
controle du remodelage osseux. Ils représentent la
composante cellulaire majoritaire retrouvée dans la
matrice osseuse (plus de 95 % de la totalité des cel-
lules).
Les activités cellulaires du remodelage osseux sont étroi-
tementcouplées dans espace et le temps, et des interactions
entre ostéoblastes et ostéoclastes sont indispensables au.
bon déroulement de ce processus.
194
Le remodelage osseux procéde de différentes phases
qui sont toujours les mémes (figure 13-1):
~ la surface de Ios est tout dabord recouverte de cel-
lules quiescentes inactives ou cellules bordantes
qui sont en fait des ostéoblastes en stade terminal
de différenciation. Du fait de leur nature et de leur
localisation, ces cellules sont directement impli-
quées dans engagement de la premiere étape du
remodelage osseux dite phase d'activation, au cours
de laquelle des précurseurs ostéoclastiques mono-
nucléés sont recrutés a partir de cellules souches
hématopoiétiques pluripotentes résidant dans la
moelle osseuse ;
~ ces précurseurs se différencient en ostéoclastes ma-
tures capables de dégraderla matrice minéralisée au
cours de ’étape de résorption osseuse qui dure ap-
proximativement 12 jours;
= aprés disparition des ostéoclastes par apoptose,
des cellules mononucléées probablement de na-
ture macrophagique apparaissent au niveau de la
lacune : est la phase d’inversion. Ces cellules sont
rapidement remplacées par des précurseurs os-
téoblastiques provenant de cellulessouches pluri-
potentes mésenchymateuses également présentes
dans la moelle osseuse ;
~ ces précurseurs sont attirés dans la lacune de ré-
sorption, proliferent rapidement et se différencient
en ostéoblastes matures qui assurent I'étape de for-
mation osseuse au cours de laquelle une nouvelle
matrice protéique est produite qui sera secondaire-
ment minéralisée. La quantité d'os
les ostéoblastes est équivalente a celle dégradée par
les ostéoclastes et le processus de formation dure ap-
proximativement 3 mois;
~ Alla surface osseuse réapparaissent alors des cellules
bordantes inactives et une partie des ostéoblastes se
transforment en ostéocytes.
Dans des conditions physiologiques, ce processus est
régulé de facon a assurer un équilibre parfaitentre résorption
et formation osseuse, équilibre qui, a 'ige adulte est indis-
pensable au maintien de larchitecture et de la masse osseuse.
‘Tout déréglement dans les processus de contrdle aura donc
des répercussions sur cet équilibre,conduisant une balance
négative responsable d'une perte de masse osseuse.
A Structure et composition du tissu osseux
Sur le plan histologique, le tissu osseux se compose de
Pos cortical et de 'os trabéculaire:
= los cortical forme une couche fine et dense de tis:
su calcifié et compose I'essentiel de la diaphyse desCHAPITRE 13 Ml EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX [I
Cellules bordantes Ostéoclastes
CLOcceoD
ACTIVATION oo
Matrice > a
osseuse gs , >
Ostéocytes
QUIESCENCE 1 RESORPTION
Ostéoblastes Os calcifié nouveau Ostéoclastes actifs
Os caleitié ancien 4 &
Durée : Durée
3 mois ~ 12 jours
serunoe
Figure 13-1. Les différentes phases du remodelage osseux.
9
os longs. Quatre-vingt-cing 4 90 % du squelette est
constitué par de l'os cortical. Il remplit principale-
ment une fonction mécanique de protectio
~ Vos trabéculaire (environ 15 % du squelette, ver
tres, poignet, extrémité supérieure du fémur), en-
core appelé os spongieux, présente une plus grande
surface de contact entre le tissu hématopoiétique et
les cellules osseuses. II joue un role prépondérant
dans les échanges métaboliques contribuant effica-
cement l’équilibre phosphocalcique.
Los trabéculaire subit un renouvellement plus fré-
quent que I’os cortical (approximativement 5 fois plus), et,
cela aura pour conséquence de le rendre plus fragile en cas,
de déséquilibre.
La matrice osseuse extracellulaire comporte une frac-
tion minérale (70 %) et une fraction organique (30 %).
Cette derniére est constituée 4 90 % par du collagéne de
type l.Les 10% restants érant constitués par des collagénes,
mineurs et des protéines non collagéniques.
Les molécules de collagéne sont constituées de trois
chaines polypeptidiques. Chaque chaine présente une
conformation en hélice, et lassociation des trois chaines
de la molécule forme une « super hélice » (Figure 13-2).
La biosynthése de ces chaines a lieu dans le réticulum
endoplasmique granuleux sous forme de précurseurs
appelés procollagéne. La molécule comporte alors deux
domaines globulaires situés aux extrémités N et C termi-
nales appelées respectivement les propeptides N et C ter
minaux (PINP et PICP) qui sont clivés par des protéases
dans le milieu extracellulaire. Les molécules de collagéne
wna
ainsi produites comportent une longue région hélicoidale
entre deux régions non hélicoidales, les télopeptides N et,
C terminaux. Dans le milieu extracellulaire, elles s'asso-
cient spontanément pour former des fibrlles, stabilisées
par la formation de pontages intra- et intermoléculaires
ou cross-links »(voir figure 13-2) qui contribuent ala rigi-
dité et aux propriétés mécaniques de I'os. Ce processus de
pontage, sous dépendance de la lysyl oxydase, aboutit a la
formation de molécules trivalentes, la pyridinoline (HP,
Pyr ou Pyd) et la désoxypyridinoline (LP, Dpyr ou Dpd).
La matrice osseuse renferme également de nom-
breuses protéines non collagéniques:
~ Fostéocalcine, qui esta plusimportante des Gla-pro-
téines, protéines contenant dans leur séquence des
résidus dacide ycarboxyglutamique (Gla) qui ré&
sulte d'une modification post-traductionnelle des
résidus glutamate opérée par une gamma-carboxy-
lase vitamine K-dépendante;
~ les protéines a séquence RGD telles que l'ostéopon-
tine;
~ de nombreux facteurs de croissance, parmi lesquels
les insulin-like groweh factors I et II (IGF et -I), le
fibroblast growth factor (FGE), et surtout les transfor-
‘ming growth factors beta 1 et 2(TGEB, et-B).
Aprés sa synthase, la matrice protéique osseuse se
minéralise progressivement. Un phosphate de calcium
apparenté 4 hydroxyapatite ({Cajq (PO4), (OH),]) se
dépose entre les fibrilles de collagene. La phosphatase
alcaline osseuse synthétisée par les ostéoblastes joue un
réle important dans le processus de minéralisation.
eo?
195,(MMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE
N-Protéase
C-Protéase
Hl
| Télopeptides non hélicoidaux
ra 1 Nt
N-Propeptide Triple hélice -Propeptide
Molécule de pro-collagéne
4 Clivage des propeptides
EropaptiieiN] Domaine hélicoidal Propeptide
terminal (PINP) ft terminal (PICP)
‘Télopeptide N ee e
temunal | Ponase intermoléculaire
a at
a a
ears"
ours Liaisons croisées ecides
3 c2-830 ‘ou cross links S037
ROH)
pontage l’extrémité N terminale
Figure 13-2. Structure et pontage du collagene de type |
Contréle du remodelage osseux
Le tissu osseux est un des organes cibles des deux prin-
cipales hormones qui régulent la caleémie :
= hormone parathyroidienne ou parathormone
(PTH);
~ lecalcitriol ou 1,25(OH), vitamine D.
Certaines hormones stéroides - les cestrogenes et les
«glucocorticoides ~ jouent également un réle sur le remo-
delage osseux.
Ces facteurs systémiques agissent directement par
Vintermédiaire de récepteurs spécifiques présents au
niveau des cellules osseuses, mais également par l'inter-
médiaire de facteurs produits localement. Ces facteurs
ocaux, essentiellement des facteurs de croissance ou
des cytokines, sont synthétisés par les cellules osseuses
elles-mémes ou par des cellules voisines présentes dans
le microenvironnement osseux et sont pour beaucoup
stockés au niveau de la matrice osseuse. IIs sont indispen-
sables:
196
“Hp!
(
pontage & I'extrémité C terminale
~ au recrutement et au maintien de l'état différencié
des ostéoclastes et des ostéoblastes;
~ ala communication entre les ostéoblastes et les os-
téoclastes lors des séquences du remodelage osseux.
Le contréle hormonal et local du remodelage osseux
au cours de la vie adulte permet obtention d'un équilibre
physiologique fondamental entre les activités de résorp-
tion et de formation osseuse.
1.3.1. Contréle de la résorption osseuse : la triade
RANK/RANKL/OPG (igure 13-3)
Le receptor activator of nuclear factor kappa B (RANK)
est un facteur protéique transmembranaire appartenant
4 la famille des récepteurs au tumor necrosis factor (TNF)
et présent a la surface des précurseurs ostéoclastiques
mononucléés présents dans la moelle. Il est capable de lier
Je RANKligand, une autre molécule transmembranaire
apparentée également a la famille des récepteurs au TNFCHAPITRE 13
17B-cestradio!
Ostéoclaste activé
Figure 13-3. Role de la trade RANK/RANKLIOPG dans la réso'
et présente a la surface des ostéoblastes ou des cellules
stromales médullaires. Cette interaction est nécessaire et,
avec le M-CSF, suffisante pour permettre la différenciation,
ostéoclastique.
Lostéoprotégérine (OPG) est également apparentée
au récepteur du TNF, mais sécrétée car ne comportant pas
de domaine transmembranaire. L'OPG a la capacité de se
fixer sur le RANKL, agissant ainsi comme un récepteur
leurre rendant impossible toute interaction entre RANK et,
RANKL et bloquant ainsi la différenciation ostéoclastique
et done la résorption osseuse.
Les facteurs hyperrésorbants comme le calcitriol, la
PTH et les glucocorticoides agissent soit en augmentant
la production de RANKL, soit en diminuant la production
OPG. Inversement les facteurs hyporésorbants, comme
le 17B-cestradiol, agissent soit en augmentant la produc:
tion d'OPG, soit en diminuant la production de RANKL.
Lactivité de résorption est donc étroitement dépen-
re entre RANKL et 'OPG.
1.3.2. Contréle de 1a formation osseuse
La formation osseuse est également régulée par des
facteurs hormonaux et locaux. L'’étape d'engagement
dans la voie de différenciation ostéoblastique nécessite
activation d'un facteur de transcription spécifique des
ostéoblastes, le facteur Cbfal (core binding factor alpha 1)
EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX I
Calcitriol
Parathormone
Précurseur
RANK ostéoclastique
<—— LD ret
Survie, fusion et différenciation
et activation
Pré-ostéoclastes
rption osseuse.
également appelée Runx2. La différenciation des progé-
niteurs ostéoblastiques en ostéoblastes matures implique
‘une voie prépondérante la voie canonique Wnt}f-caténine.
La sclérostine est une protéine sécrétée presque exclusive:
‘ment par l'ostéocyte et constitue un puissant inhibiteur
dela voie Wat. Il est a noter ici Pimportance de l'interven-
tion de facteurs de croissance comme les bone morphogene-
tic proteins (BMP), le TGFB, les IGF1 et Il, et le FGF comme
agents stimulant activité ostéoblastique.
Pre a Caw Semele Cel
a Sih 3
EAE Définitions et épidémiologie
des ostéoporoses
Lostéoporose est classiquement définie comme étant
« une maladie systémique du squelette caractérisée par
‘une masse osseuse basse et une détérioration de larchitec-
ture osseuse ayant pour conséquence une fragilité osseuse
accrue pouvant conduire a des fractures » (définition de
Organisation mondiale de la santé [OMS}).
Comme le montre la figure 13-4, la masse osseuse aug:
‘mente rapidement pendant la croissance. Cette phase qui
correspond a une phase intense de modelage osseux est
197(MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE
Masse osseuse
Ménopause
20 40
— Hommes
— Femmes
| Risque accru
| de fractures
60 80
Figure 13-4. Evolution de la masse osseuse en fonction de age chez homme et la femme
caractérisée par une forte activité ostéoblastique condui-
santa.un gain de masse osseuse. Ala fin de cette phase, vers
ge de 20 ans, un capital osseux maximal est atteint cor.
respondant au pic de masse osseuse sous la dépendance
de facteurs génétiques et environnementaux notamment
nutritionnels. Aprés ceite premiére période apparait une
seconde phase au cours de laquelle la masse osseuse reste
stable, jusqu’a Pge de 50 ans chez la ferme et un peu plus,
tardivement chez homme.
Cette stabilité est lige 4 un équilibre entre les phases
de résorption et de formation osseuse. Au-dela, une perte
osseuse survient dont la rapidité varie selon les sujets et
selon les sites anatomiques du squelette. Chez la femme,
dans certaines conditions, cette perte osseuse est accen-
tuée en période péri- et postménopausique, avec une
phase rapide durant les 5 premiéres années suivant la
ménopauise. Au-dela de 65 ans, la perte osseuse peut perdu
rer avecun rythme plus lent, phénoméne qui ‘observe éga-
Jement chez "homme. Labaissement de la masse osseuse
en deca de la zone de risque définit alors 'ostéoporose.
Prés de 250 millions de personnes sont atteintes de
cette maladie dans le monde, ce qui fait de lostéoporose
une des pathologies chroniques les plus fréquentes. Mala-
die lige au vieillissement, on estime en France que 30% des
femmes Agées de plus de 60 ans et que 50% de celles agées
de plus de 70 ans seraient atteintes. Bien que ce soit une
pathologie a prédominance féminine, on estime que pres
de 14% des hommes de plus de 50 ans feront de 'ostéo-
porose.
La principale manifestation clinique de l'ostéoporose
est constituée par la survenue de fractures dont la localisa-
tion squelettique est fonction de lage:
~ fractures de l'extrémité inférieure du radius ou frac-
tures de Pouteau-Colles vers lage de 55 ans;
198
~ tassements vertébraux qui peuvent saccompagner
de fractures vers lige de 65 ans;
~ fractures du col du fémur au-dela de
Définition densitométrique de l'ostéoporose
Le diagnostic d’ostéoporase repose sur une mesure de la
masse osseuse. L'évaluation du contenu minéral osseux
‘ou densité minérale osseuse (DMO) donne un reflet précis
et fiable de la masse osseuse, Actuellement la méthode
de référence reconnue au plan international pour mesurer
la DMO est l'absorptiométrie biphotonique aux rayons X
(DEXA, pour dual energy X-ray absorptiometry). Générale-
ment, la mesure est réalisée au niveau de la hanche et de
la colonne vertébrale (L2 & L4). Les résultats sont donnés
en glcm? et exprimés en T score, qui évalue la différence
en nombre d'écart-type (ou déviation standard, DS) entre la
mesure du patient et la moyenne obtenue dans une popu-
lation de référence constituée d'adultes jeunes. Cet indice
apprécie la diminution de la masse osseuse. L'OMS a pro-
posé de classerI'échelle de diminution de la masse osseuse
fen quatre niveaux :
normal : T score > -1 ;
~ ostéopénie : -2,5 -2 et,
S-I, ou encore en absence de fracture et un Tscore entre
~Det-3.
Plusieurs facteurs de risque indépendants de la DMO
ont été également identifiés (tableau 13:1), Parmi ceux-ci
figure laugmentation du remodelage osseux, qui consti-
tue Tun des déterminants majeurs de la perte osseuse,
qurelle soit observée a la ménopause ou a distance de
celle-ci, L’élévation des marqueurs de résorption (CTX
sérique et TRAP 5b sérique) et des marqueurs de formation,
(PAO, PINP) au-dessus de la limite supérieure des valeurs
observées chez les femmes non ménopausées (moyenne +
2 DS) est associée a un doublement du risque de fracture
de la hanche, de fractures vertébrales ou non vertébrales,
et cela indépendamment de la DMO. En dautres termes,
bien que la masse osseuse soit un déterminant essentiel de
Vostéoporose il n’est pas exclusif, et certains déterminants
évalués par les marqueurs de la résorption osseuse, proba-
blement la microarchitecture osseuse et la qualité de l'os,
trabéculaire, constituent des facteurs de risque tout aussi
importants.
La combinaison d'une DMO basse et d'une concen-
tration de marqueurs de résorption élevée permet de
cumuler la prédiction du risque. En théorie, devant une
Tableau 13-Il Place des marqueurs biochimiques du
remodelage osseux parmi les facteurs de risque susceptibles
d'étre pris en considération pour estimation du risque de
fracture et la décision thérapeutique.
Fa Re
urs ind
Age
Antécédents personnels de fractures.
Corticothérapie ancienne ou actuelle
Antécédent de fracture de l'extrémité supérieure du fémur
cchez les parents du 1* degré
Diminution de V'acuite visuelle
Insuffisance de masse corporelle (IMC < 19)
Troubles neuromusculaires ou orthopédiques
Tabagisme
Mauvais état de santé ; plus de 3 maladies chroniques
Hyperthyroidie
Polyarthrite rhumatoide
Cancer du sein
‘Augmentation du remodelage osseux : élévation des
marqueurs biologiques
oon
oMo
‘Menopause précoce
‘Aménorrhée primaire ou secondaire
Immobilisation prolongée
Carence vitamino-caleique
DMO : densité minérale osseuse, IMC: indice de masse corporele.
difficulté de décision thérapeutique sur les seules valeurs,
de DMO, il peut étre utile de doser un marqueur de résorp-
tion osseuse pour apprécier le risque fracturaire et done
décider de la mise en route d'un traitement anti-ostéopo-
rotique. Ce lien entre risque de fracture et élévation des,
marqueurs du remodelage a été mis en évidence dans
de nombreuses études cliniques sur la base d'analyse de
cohortes. A l’échelon individuel, il reste cependant plus
difficile & affirmer, et a l'heure actuelle, l'utilisation des
‘marqueurs du remodelage dans cette indication n'est pas,
recommandée.
Suivi des traitements
anti-ostéoporotiques
5.3.1. Effet des traitements sur les marqueurs
Pour le traitement de lostéoporose, on dispose
aujourd'hui:
+ dagents antiostéoclastiques
résorption osseuse :
~ des bisphosphonates;
~ des modulateurs sélectifs des récepteurs aux oestro-
agénes (ou SERM) tels que le raloxiféne;
= des traitements hormonaux de la ménopause
(THM);
~ et, plus récemment, du dénosumab, un anticorps ca-
pable de bloquer RANKL;
+ dagents anaboliques stimulant lactivité ostéoblas-
tique, et donc la formation osseuse
~ le tériparatide;
~ dans les mois a venir, le romosozumab, un anticorps
anti-sclérostine,
Le but du traitement est de ralentir la perte osseuse et
de prévenir la survenue de fractures dans les 5 a 10 ans.
Labsence d'événements fracturaires, en particulier dans,
les premigres années du traitement, ne représente pas
nécessairement un indice d'efficacité. II est donc indis:
pensable de disposer de marqueurs intermédiaires pour
suivre et évaluer Vefficacité du traitement.
utilisation de la DMO pour évaluer le gain de masse
osseuse sous traitement et évaluer Pefficacité de celui-ci
présente plusieurs limitations. En effet, le gain de masse
osseuse aprés un an de traitement est souvent modéré et
niexcéde pas 25 % au rachis et 1 43%8 la hanche.Verreur,
de reproductibilité pour la mesure de la DMO par DXA
étant de ordre de 1 a 1,5 % une période de 2 ans environ
est souvent nécessaire pour évaluer lefficacité du traite-
‘ment par une nouvelle mesure de DMO (figure 13-9),
En revanche, les marqueurs du remodelage osseux
diminuent rapidement sous leffet des traitements anti-
hhibiteurs de la
207(MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE
DMO (% de variation)
Traitement
Placebo
tan
2ans
Zone d’erreur de mesure
Marqueurs du remodelage osseux
(% de variation)
Placebo
Marqueur
de formation
sous traitement
‘Marqueur
de résorption
sous traitement
Figure 13-9. Représentation schématique des variations au cours du temps de la densité minérale osseuse (DMO) et des
marqueurs du remodelage osseux aprés traitement.
ostéoporotiques et représentent la méthode de choix pour
suivre lefficacité du traitement. Les traitements anti-ré-
sorptifs entrainent une diminution rapide des marqueurs,
derésorption, qui survient dans les premiéres semaines de
traitement avec un plateau aprés 3.8 6 mois. Pour les mar-
{queurs de formation, la diminution est plus lente, avec un,
plateau aprés 6 12 mois.Les traitements ostéoformateurs,
induisent une rapide augmentation des marqueurs de for-
mation osseuse.
Les effets des traitements sur les marqueurs ne sont
en stir, tous identiques. Pour les traitements inhibi-
pas,
teurs de la résorption osseuse, les plus fortes diminution
sont obtenues avec le dénosumab, les bisphosphonates
et le THM. Elle est moindre avec les SERM. De méme, tous,
les marqueurs du remodelage osseux ne donnent pas la
méme réponse aux traitements, Avec les bisphosphonates,
ce sont le NIX et le CTX qui présentent les diminutions les,
plus fortes. Pour les traitements stimulant la formation
osseuse, 'amplitude la plus importante est obtenue avec la
‘mesure du PINP sérique.
5.3.2. Prédiction de l’efficacité anti-fracturaire
du traitement
Tous les traitements utilisés actuellement dans l'ostéo-
porose sont capables de réduire le risque de fracture d'en-
viron 30 8 50%. Le véritable intérét d'un marqueur de suivi
des traitements anti-ostéoporotiques est donc de pouvoir
prédire Pefficacité clinique du traitement, Cest-acdire la
réduction du risque de fracture.
208
Dans ce contexte, la mesure de la DMO n'apparait pas
comme le marqueur de choix. En effet,certains traitements,
comme le raloxiféne, bien qu’induisant des réductions de
30a 50% du risque de fracture, sont a origine d’une faible
augmentation de la DMO, suggérant que les variations
densitométriques n’expliquent qu'une part négligeable
de effet antifracturaire des traitements.
En revanche, les marqueurs biochimiques du remo-
delage osseux, en apportant une information différente,
savérent plus intéressants que la DMO pour évaluer lef
ficacité clinique d’un traitement. Ainsi les variations des
‘marqueurs de résorption observées aprés 3 et 6 mois de
traitement par un bisphosphonate sont significativement.
associées au risque de fracture évalué aprés 1 et 3 ans.
Les variations des marqueurs du remodelage osseux
expliqueraient 50 4 70 % de efficacité du traitement
sur les fractures vertébrales et 54 4 74 % sur les fractures
non vertébrales. En pratique, le suivi thérapeutique néces-
site le dosage d’un marqueur du remodelage (idéalement
un marqueur de résorption et un marqueur de formation)
avant la mise en route du traitement, puis une premiere
évaluation biochimique avec les mémes marqueurs apres,
6 8 12 mois de traitement. Les décisions de maintenir ou
au contraire de modifier le traitement seront prises en.
fonction de la diminution ou non des marqueurs dans cet
intervalle de temps (figure 13-10)
5.3.3. Adhérence des patients au traitement
Lefficacité des traitements des affections chroniques
comme lostéoporose est lige en premier Ii
su dune stricteCHAPITRE 13 Ml EXPLORATION BIOCHIMIQUE DU REMODELAGE OSSEUX Sm
Biochimie avant traitement
= dosage d'un marqueur de résorption : CTX sanguin,
= dosage d’un marqueur de formation : PINP sanguin
I
chimie aprés 6-9 mois de traitement
- dosage d’un marqueur de résorption : CTX sanguin
~ dosage d'un marqueur de formation : PINP sanguin
Expression des résultats en pourcentage par rapport
’état basal : diminution supérieure aux seuils
de modification fournis par le laboratoire
Résultat en valeur absolue : retour aux normes
des femmes non ménopausées
ution des marqueurs
+
Critére positf d’etficaci
poursuite du traitement
Absence de diminution des marqueurs
*
Verification de l'observance, poursuite
du traitement et contréle & 3 mois
Diminution des marqueurs
mene |
‘Absence de diminution
des marqueurs
:
¥
Critére positif d'etficacité : ‘Changement
poursuite du traitement de traitement
Figure 13-10, Arbre décisionnel pour evaluation des traitements inhibiteurs de la résorption par les marqueurs du
remodelage osseux.
Les marqueurs du remodelage osseux en pratique clinique
IWnexiste pas & l'heure actuelle de consensus quant a I'uti-
lisation clinique des marqueurs du remodelage osseux dans
ostéoporose. is n'ont pas d’utilté & l'étape du diagnos-
tic. Leur principale indication est aujourd'hui le suivi des
traitements anti-ostéoporotiques atin d'estimer le bénéfice
‘antisracturaire de ces traitements. Le choix du marqueur
dans ces différentes indications n'a pas non plus encore
fait l'objet d'un consensus. Récemment, un groupe d'ex-
perts sous I'égide de "International osteoporosis fundation
(IOF) et de I'Intemational federation of clinical chemistry
(IFOC) a recommandé utilisation du CTX comme marqueur
de résorption de référence et le PINP comme marqueur de
formation de référence. Les dosages du CTX doivent impéra-
tivement étre réalisés sur un prélevement sanguin recueilli
le matin aprés une période de 12 heures de jedne. Le sérum
cu le plasma peuvent étre utiisés avec cependant une pré-
ference pour le plasma recueilli sur EDTA qui offre une plus
‘grande stabilité. Le dosage du PINP est moins sensible aux
Conditions du prélevement et le sérum ou le plasma peut
tre utilisé avec une performance équivalente.
observance du traitement. Les traitements qui ne per
‘mettent pas d’objectiver une amélioration clinique rapide
comme les traitements de l'ostéoporose, qui rappelons-le
encore une fois, visent a diminuer l'incidence des frac
tures dans les 5 a 10 ans, jérement la
non-observance. L'annonce au patient d'un résultat biolo-
sgique positif par le médecin (réduction d’un marqueur de
résorption aprés 3 et 6 mois de traitement) améliore lad:
hérence au traitement et observance thérapeutique.
STS
Les troubles du remodelage osseux constituent l'un
des déterminants physiopathologiques majeurs de los
téoporose, une des pathologies chroniques les plus répan-
dues dans le monde. La prise en charge efficace de cette
209MMMM EXPLORATIONS EN BIOCHIMIE MEDICALE
maladie nécessite de pouvoir disposer d'indices capables,
de poser le diagnostic d'ostéoporose, d'estimer le risque
de fracture a 5 ou 10 ans chez les patients atteints, et 'éva-
luer lefficacité anti-fracturaire des traitement.
‘Au cours de ces derniéres années, des progres signifi-
catifs ont été réalisés dans le développement de plusieurs
marqueurs biochimiques capables de refléter avec préci-
sion et sensibilité la résorption et la formation osseuse.
Ces marqueurs, bien que nvayant aucun intérét pour le dia~
_gnostic, qui repose essentiellement sur une mesure de la
DMO, se sont avérés des outils trés utiles pour suivre 'eff-
cacité des traitements. Un large consensus a vu le jour pour,
préconiser leur utilisation dans cette indication. L'estima-
tion du risque de fractures chez un patient présentant une
ostéoporose est une donnée essentielle pour le clinicien,
dans sa décision thérapeutique. Des algorithmes comme
Je FRAX permettent aujourd'hui de calculer ce risque avec,
une précision plus ou moins fable.
Les marqueurs biochimiques du remodelage osseux
ne sont pas actuellement utilisés pour évaluer le risque de
fracture, et cela en dépit des nombreuses études cliniques
qui ont pourtant démontré a échelle de cohortes de
patients le lien entre le niveau du remodelage osseux éva-
Iué par les marqueurs et le risque de fracture. A Péchelon,
individuel, ce lien est plus ténu, en raison notamment du
‘manque de standardisation dans l'utilisation de ces mar-
queurs. Tout lenjeu dans ces prochaines années porte sur
tune meilleure standardisation de ces dosages ce qui per-
210
mettra d'introduire les marqueurs dans les algorithmes,
estimation du risque de fractures, élargissant ainsi leur
utilité clinique.
POUR EN SAVOIR PLUS
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