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Revue Interventions économiques


Se a rch 39 | 2009 : Organisations et acteurs en contexte de réorganisation

Index

Authors Réingénierie des processus opérationnels et organisations


Ke ywords
Éric Alsène
Full text issues
Abstra ct | Inde x | O utline | Te x t | Bibliogra phy | Note s | Illustra tions | R e fe re nce s | About the a uthor
61 | 2019
The P a st a nd P re se nt of
the Fra nc Zone

60 | 2018 Abstracts
Mode ls of O rga niza tion
a nd C olla bora tion in the
Digita l Age
Fra nça is English
59 | 2018
The Socia l Na ture of These last y ears, m any firm s hav e innov ated by rev ising their operational
Mone y. The ore tica l
C ha lle nge s a nd processes, to m odernize them and elim inate the activ ities that produced no
Institutiona l Issue s v alue. How ev er, w e now know that this needs to be accom panied by a rev ision of
58 | 2017 w ork organization and structures of the firm . In 1 9 9 6 , Michael Ham m er
Gre y Zone s of W ork
dev eloped som e radical ideas on this (takeov er by process team s, w ith poly v alent
57 | 2017 em ploy ees; creation of a process counsel to coordinate and integrate the v arious
C ulture , ca rriè re s e t
industrie s cré a tive s processes and team s, etc.). Our paper is a case study , in w hich w e tried to v erify
if these ideas w ere used by the actors w ithin firm s or if they rem ained only
56 | 2016
Dé ve loppe m e nt e t utopic and theoretical ideas.
inclusion. Le gra nd
cha ntie r de s iné ga lité s,
de la pa uvre té
Index terms
55 | 2016
D'un ré giona lism e à
l'a utre : inté gra tion ou Mots-clés : processus, Michael Hammer, équipes, modernisation
inte rconne x ion ?

54 | 2016 Keywords : processes, Michael Hammer, teamwork, modernisation


Économ ie socia le e t
solida ire : se s
é cosystè m e s Outline
53 | 2015
W ork -fa m ily a rticula tion:
a conte m pora ry pa ra dox Introduction

52 | 2015 Cas étudié et méthodologie


L’Éta t socia l à l’é pre uve
de la crise fina nciè re de Résultats
2008
P ourquoi l’a usté rité ?
Discussion
P e rspe ctive s com pa ré e s Conclusion
51 | 2014
Remerciements
Be twe e n C ontinuity a nd
C ha nge : P olitica l
Econom y of ‘C a re ’ a nd
Dom e stic La bor

50 | 2014
Innova tion socia le e t
lutte contre la pa uvre té : Full text
m odè le s de gouve rna nce
e t de dé ve loppe m e nt
te rritoria l

49 | 2014 Send
Gouve rna nce globa le du
tra va il

48 | 2013 Introduction
Mé dia tions ou
inte rm é dia tions da ns le s 1 Ces dernières années, nombreuses sont les entreprises qui ont innové en
dyna m ique s m é ta -
orga nisa tionne lle s révisant de fond en comble certains de leurs processus opérationnels, ou
processus d’affaires, à la fois pour les moderniser et pour éliminer les
47 | 2013
Em ploi e t iné ga lité s activités qui ne produisaient pas de valeur. On sait toutefois aujourd’hui
socia le s que ces innovations ne portent véritablement fruit que si, entre autres, les
46 | 2012 entreprises révisent en parallèle leur structure organisationnelle et leur
Innova tion e t
organisation du travail (Neilson et al., 2004). Un fonctionnement plus
dé ve loppe m e nt che z
Schum pe te r horizontal que vertical s’accommode mal en effet, notamment, de la
45 | 2012 structure organisationnelle fonctionnelle classique (cf. Figure 1), avec ses
Hors thè m e divers départements qui sont autant de silos cloisonnés les uns en regard
44 | 2012 des autres (Davenport, 1993 ; Hammer et Champy, 1993 ; Ostroff, 1999).
Économ ie politique du
Q ué be c conte m pora in.
Une pe rspe ctive
se ctorie lle Figure 1 : Exemple de structure fonctionnelle
43 | 2011
P ra tique s, a na lyse s e t
e nje ux de la re che rche
pa rte na ria le

42 | 2010
Actua lité de John
C om m ons

41 | 2010
Em ploi e t fa m ille :
nouve a ux e nje ux ,
nouve lle s stra té gie s

40 | 2009
Form a tion, com pé te nce s
e t orga nisa tion du tra va il

39 | 2009
O rga nisa tions e t a cte urs
e n conte x te de
ré orga nisa tion
Zoom O riginal (png, 9 2 3 oc tets )
38 | 2008
Le re nouve a u de la
pe nsé e pola nyie nne
2 Quelques auteurs se sont penchés sur cette question des formes de
37 | 2008
La com pé titivité urba ine structure organisationnelle et d’organisation du travail qui seraient le mieux
e t la qua lité de vie
adaptées à un fonctionnement centré sur les processus opérationnels.
36 | 2007 Ainsi, Davenport (1993) suggère aux entreprises d’opter pour une structure
P e rtine nce s e t
im pe rtine nce s de
matricielle, composée d’une hiérarchie fonctionnelle classique à laquelle
Thorste in Ve ble n : s’additionnent des responsabilités transversales sur les divers processus –
Hé rita ge e t nouve lle s
pe rspe ctive s pour le s
cf. Figure 2.
scie nce s socia le s
3 Hammer (1996) propose quant à lui que les processus (et éventuellement
35 | 2007
W ork orga niza tion a nd leurs sous-processus) au sein d’une entreprise soient pris en charge par
socia l cha lle nge s des équipes de travail, dénommées "équipes de processus", composées
34 | 2006 d’employés polyvalents et responsabilisés, et chacune conduites et
Té lé tra va il, tra va il
animées – mais non supervisées et contrôlées – par un "responsable de
nom a de , e -work e t tra va il
à dom icile : le s e nje ux processus". Par ailleurs, si un processus est divisé en plusieurs processus
a ctue ls
assumés chacun par une équipe, alors Hammer préconise que soit mise en
33 | 2006 place une "équipe des responsables de processus", cette équipe ayant la
Sociologie é conom ique :
Q uoi de ne uf?
responsabilité d’assumer collectivement le processus qu’est la
responsabilité de processus. Finalement, pour la coordination et
32 | 2005
L’é conom ie socia le : un l’intégration entre les divers processus et les diverses équipes qui les
bila n de s re che rche s e t prennent en charge, Hammer suggère l’instauration d’un "conseil des
de s pra tique s a u Q ué be c
processus" (cf.
31 | 2003
Te m ps socia ux , te m ps
de tra va il
Figure 2 : Exemple de structure matricielle
30 | 2003
Le dé ve loppe m e nt loca l :
nouve lle s pe rspe ctive s

29 | 2002
Y-a -t-il un m odè le
qué bé cois? Dé fis e t
pe rspe ctive s

28 | 2002
Le s ré gions à l'he ure de
la m é tropolisa tion

Hors-série

Hors-série.
Transformations | 2017
L'Afrique e st-e lle pa rtie ?
Bila n e t pe rspe ctive s de Zoom O riginal (png, 1 .5 k)
l'inté gra tion a frica ine

Hors-série.
Transformations | 2014
Un m onde e n « C e serait tragique si les silos fonctionnels étaient remplacés par des
tra nsform a tion: tunnels de processus, si l’ancienne fragmentation en duchés
P e rspe ctive s
é conom ique s e t départementaux faisait simplement place à des protectorats de processus,
re com positions défendus avec la même jalousie. Une entreprise n’est pas juste un
ré giona le s de puis la crise
regroupement de processus, c’est un système de processus qui doivent
de 2007-2008
interagir pour créer tous les résultats dont les consommateurs ont besoin.
Sans le développement des produits, le traitement des commandes n’a rien
All issues à livrer, et sans le traitement des commandes, les résultats du
développement des produits restent sur les tablettes. Il est très important
Call for paper que les processus individuels soient intégrés, que leurs frontières
s’agencent harmonieusement, qu’ils coopèrent plutôt qu’ils n’entrent en
Appe ls à contribution conflit. Le conseil des processus est le mécanisme pour obtenir cela. »
Appe ls clos (Hammer, 1996, pp. 86-87)

The journal
Figure 3 : Composé du leader de l’entreprise, des responsables de
processus et des chefs des groupes de support
P re se nta tion of the
journa l

Subm it a n Article

P rinte d copie s

Te a m

Instructions for re vie we rs

Sta tistique s de visite s

Information

C onta ct

P a rte na ire s fina ncie rs e t


cré dits Zoom O riginal (png, 3 .1 k)

P ublishing policie s Figure 3. Structure proposée par Hammer (1996)

Follow us
4 Ostroff (1999) avance pour sa part qu’une structure horizontale articulée
autour de ses processus clés constitue la solution idéale pour toute
entreprise soucieuse d’optimiser sa compétitivité. À la base de cette
structure (cf. Figure 4), on trouve des "équipes", rassemblant des employés
Newsletters polyvalents et aux compétences complémentaires par rapport à une
mission dont ils sont conjointement responsables. Ces équipes sont
Papers in Political rassemblées elles-mêmes dans des "groupes de processus", qui sont sous
Economy’s ne wsle tte r
l’autorité d’un "responsable de processus" ou d’une "équipe responsable
O pe nEdition Ne wsle tte r
du processus". Les responsables de processus, pour leur part, sont des
managers qui se rapportent à la haute direction de l’entreprise.

Figure 4 : Entreprise horizontale dotée d’un seul groupe de processus


(d’après Ostroff, 1999)

Zoom O riginal (png, 2 .6 k)

5 Finalement, Neilson et al. (2004) distinguent quelque quatre formes


organisationnelles qui sont appropriés pour la gouvernance de processus :

La structure centrée sur les processus, où des responsables de processus


gèrent les activités propres à chaque processus (Figure 5) ;
La structure articulée autour des processus et des fonctions, où certaines
fonctions subsistent pour maintenir des économies d’échelle (Figure 6) ;
La structure fonctionnelle avec des gestionnaires fonctionnels, qui
agissent à titre de responsables de processus interfonctionnels (Figure
7) ;
La structure fonctionnelle avec des conseils de processus, qui sont des
comités permanents qui ont pour but d’échanger sur les meilleures
pratiques, et qui regroupent divers gestionnaires fonctionnels (qui ne
sont pas des responsables de processus) (Figure 8).

Figure 5 : Structure centrée sur les processus (d’après Neilson et al.,


2004)

Zoom O riginal (png, 1 .5 k)

Figure 6 : Structure articulée autour des processus et des fonctions


(d’après Neilson et al., 2004)

Zoom O riginal (png, 3 .4 k)

Figure 7 : Structure fonctionnelle avec des gestionnaires responsables


de processus (d’après Neilson et al., 2004
Zoom O riginal (png, 4 .5 k)

Figure 8 : Structure fonctionnelle avec conseil de processus (d’après


Neilson et al., 2004)

Zoom O riginal (png, 3 .4 k)

6 Au-delà de ce manque de consensus parmi les auteurs, il apparaît 1 D’a ucuns pourra ie nt
indéniablement que les idées mises de l’avant par Michael Hammer en 1996 fa ire re m a rque r que
l’idé e de s "é quipe s de
représentent une rupture assez importante et radicale par rapport à la proce ssus" n’e st pa s
pensée en matière d’organisation des entreprises. En effet, d’une part, il sa ns ra ppe le r (...)
n’est clairement plus question que l’unité de base dans une entreprise
centrée sur les processus soit un département fonctionnel, composé
d’employés qui font à peu près le même genre de travail, mais une équipe
de travail multidisciplinaire, composée à la fois d’individus relevant de
diverses spécialités se complétant, et d’individus relativement polyvalents.
D’autre part, la structure hiérarchique n’existe plus : il n’y a plus de
supérieurs hiérarchiques, plus de ligne hiérarchique. À la place, il y a des
comités, constitués des porte-parole des équipes de processus et des
groupes de support. Les responsables de processus ne sont, quant à eux,
plus des patrons, mais des coachs, des guides, des facilitateurs 1.

7 Notre recherche a consisté à faire une étude de cas dans une entreprise
dans le but de voir si ces idées particulièrement originales de Hammer
arrivent à infiltrer le milieu industriel, à être reprises par les acteurs de
terrain, ou bien si ces mêmes idées demeurent des références plutôt
théoriques et utopiques, complètement négligées ou presque par les
responsables au sein des organisations.

Cas étudié et méthodologie


8 L’entreprise étudiée était une entreprise canadienne de conception et de
fabrication de produits destinés à la jeunesse. Elle comptait en 2004
environ 1100 employés, et son chiffre d’affaires était de 235 millions de
dollars canadiens.

9 Cette entreprise a été retenue à cause de sa réputation dans le domaine


de la réingénierie de ses processus d’affaires, notamment de son
processus de développement de produits. La recherche s’est d’ailleurs
surtout concentrée sur la structure organisationnelle ayant la charge de ce
processus.

10 La collecte de données s’est étalée sur quelque 4 mois (septembre-


décembre 2005) et a consisté à examiner la documentation interne
pertinente et à effectuer des entrevues plus ou moins formelles auprès de
divers cadres de l’entreprise, de divers niveaux hiérarchiques.

11 Il est apparu ainsi que le processus de développement de produits de


l’entreprise avait été complètement révisé en 2000, avec l’aide de
consultants externes. Un nouveau processus, comportant formellement
diverses étapes (de travail productif) et diverses portes (de prise de
décision), a alors été instauré (cf. Tableau 1).

12 Peu de temps après, la structure organisationnelle de l’entreprise a été


modifiée – cette fois-ci sans l’apport de consultants externes. Cette
nouvelle structure a connu par la suite quelques ajustements. L’analyse a
consisté à comparer la structure organisationnelle rodée, en place en 2005,
avec celle en vigueur en 1999, avant l’instauration du nouveau processus
de développement de produits.

Tableau 1. Processus de développement de produits


adopté par l’entreprise

Étapes Portes Acteurs (en 2005)

0. Idéation Gestionnaire de
marque

Marketing

Design préliminaire

0. Filtrage des idées Vice-président


exécutif

Vice-président
Produits
1. Investigation Gestionnaire de
préliminaire marque

Marketing

Design préliminaire

1. Décision d’investiguer Vice-président


exécutif

Vice-président
Produits

Vice-président
Design

2. Investigation Gestionnaire de
détaillée marque

Gestionnaire de
projet

Marketing

Design préliminaire

Design

2. Décision de concevoir Vice-président


exécutif

Vice-président
Produits

Vice-président
Design

3. Conception Gestionnaire de
marque

Gestionnaire de
projet

Design

Ingénierie

Design graphique

3. Décision de développer Vice-président


exécutif

Vice-président
Produits

Vice-président
Design

Vice-président
Opérations

4. Développement Gestionnaire de
marque

Gestionnaire de
projet

Design

Ingénierie

Design graphique

Planification

4. Décision d’accorder des Président


contrats
Vice-président
exécutif

Vice-président
Produits

Vice-président
Design

Vice-président
Opérations
5. Pré-production Gestionnaire de
marque

Gestionnaire de
projet

Design

Ingénierie

Design graphique

Planification

Achats

Production

5. Décision d’entrer en Président


production
Vice-président
exécutif

Vice-président
Produits

Vice-président
Design

Vice-président
Opérations

6. Fermeture du projet Gestionnaire de


marque

Gestionnaire de
projet

Design

Ingénierie

Design graphique

Production

Résultats
13 En 1999, c’était essentiellement la vice-présidence Marketing qui était en
charge au sein de l’entreprise du développement des produits. Grosso
modo, la structure de cette vice-présidence était de type fonctionnel (cf.
Figure 9). Les unités de base étaient découpées selon quatre sous-
fonctions : le marketing, le design préliminaire, le design et le design
graphique. Deux particularités étaient toutefois notables :

Tout d’abord, il existait non pas une, mais deux équipes de design, et
celles-ci étaient séparées sur la base des deux types de clientèle que la
compagnie visait pour ses produits (en l’occurrence, deux catégories de
jeunes) ;
Ensuite, si la vice-présidence avait tendance à considérer ses unités de
base comme des équipes de travail, deux de celles-ci – soit les deux
équipes de design – en avaient effectivement certaines caractéristiques :
elles rassemblaient divers spécialistes de la conception de produits
(designers, modélisateurs, ingénieurs de produit, etc.), et avaient à leur
tête non des superviseurs, mais des coordonnateurs, qui agissaient
essentiellement comme des gestionnaires de projet.

Figure 9 : Organigramme partiel de la compagnie (1999)

Zoom O riginal (png, 1 .8 k)

14 En 2005, c’était toujours le même vice-président qui chapeautait le


processus de développement de produits. Par contre, celui-ci était devenu
vice-président exécutif, et avait sous son autorité plusieurs vice-présidents
(cf. Figure 10). La structure de sa vice-présidence était par ailleurs devenue
hybride : on y trouvait un découpage par fonctions (marketing,
commercialisation, produits, design, ventes) et un découpage par clientèle
(clientèle A, clientèle B). Mais surtout, au niveau de chacune des divisions
par clientèle, ressortait une structure matricielle pour les unités de base.
Cette structure matricielle était de surcroît complexe :

D’une part, il y avait des gestionnaires de marque, qui supervisaient


l’ensemble du processus de développement des produits pour les lignes
de produits dont ils avaient la responsabilité, et qui coordonnaient le
travail des différents spécialistes durant les toutes premières étapes du
processus de développement des produits ;
D’autre part, il y avait des gestionnaires de projet, qui s’occupaient de la
gestion des étapes subséquentes du processus de développement des
produits pour certaines lignes de produits, une fois que la décision d’aller
de l’avant dans la conception (porte 2) avait été prise.

Discussion
15 On peut tout d’abord relever qu’une nouvelle structure, de type matriciel, a
été mise en place dans l’entreprise étudiée en accompagnement du
nouveau processus de développement de produits qui y a été instauré.
Cette structure correspond au type de révision de la structure
organisationnelle en contexte de réingénierie des processus d’affaires que
certains recommandent (cf. Davenport, 1993). Indéniablement, une
meilleure coordination horizontale a été mise en place par cette
restructuration. Au moment de l’enquête, une, voire deux personnes (un
gestionnaire de marque et un gestionnaire de projet), supervisaient et
coordonnaient le développement de chaque produit, alors qu’auparavant,
personne ne coordonnait vraiment, d’un bout à l’autre, le processus. La
plupart des personnes interrogées s’entendaient pour dire que la situation
était alors passablement chaotique.

16 Cela dit, on ne peut que constater que les idées de Hammer (1996) n’ont 2 Nous pa rlons ici e n
guère été reprises par l’entreprise étudiée 2. Pire, il semble bien que te rm e s de ré sulta ts
fina ux obse rva ble s,
l’entreprise soit allée dans une direction complètement opposée à celles-ci. sa ns ré fé re nce à une
En effet, d’une part, elle a démantelé ses deux équipes de travail conna issa nce a nté (...)
multidisciplinaires et fortement responsabilisées pour les remplacer par des
départements fonctionnels spécialisés : alors qu’auparavant, il y avait une
équipe de design pour la clientèle B qui comprenait divers spécialistes
(designers, modélisateurs, ingénieurs de produit, etc.) et qui était conduite
par un coordonnateur, il y avait, au moment de l’enquête, pour cette même
clientèle, trois départements spécialisés (design, modélisation, ingénierie)
dirigés par des superviseurs. D’autre part, la hiérarchie a été renforcée : le
vice-président Marketing est devenu vice-président exécutif, les directeurs
ont fait place à des vice-présidents, et l’encadrement de premier niveau est
devenue l’affaire de trois catégories de gestionnaires (superviseurs,
gestionnaires de marque et gestionnaires de projet) plutôt que d’une seule
(chef d’équipe/coordonnateur).

Figure 10. Organigramme partiel de la compagnie (2005)

Zoom O riginal (png, 6 .0 k)

17 Il aurait pourtant été possible d’étendre la notion d’équipes


multidisciplinaires à l’ensemble du processus de développement de
produits : par exemple, pour la clientèle A, une équipe composée de
spécialistes du marketing, du design préliminaire et du design aurait pu
être désignée pour prendre en charge les tâches des étapes 0 (idéation), 1
(investigation préliminaire) et 2 (investigation détaillée) du processus ; une
autre équipe, comprenant des spécialistes du design, de l’ingénierie, du
design graphique et de la planification, aurait pu être nommée responsable
des tâches des étapes 3 (conception) et 4 (développement) ; et finalement,
une équipe avec des spécialistes du design, de l’ingénierie, du design
graphique, de la planification, des achats et de la production aurait pu être
constituée pour s’occuper des tâches des étapes 5 (pré-production) et 6
(fermeture de projet). De surcroît, étant donné qu’au moment de l’enquête,
un gestionnaire de projet travaillait sur quelque 20-25 projets à la fois, il
aurait été possible de maintenir occupée chacune ces équipes tout au long
de l’année.

18 En définitive, il ne semble pas faux de dire que, avec l’orientation qu’elle a


prise, l’entreprise a complètement négligé l’idée fondamentale de Hammer
– à savoir qu’elle a investi dans la coordination de postes de travail
spécialisés, plutôt que dans la redéfinition des postes de travail vers une
plus grande complexité, cette plus grande complexité appelant moins de
coordination :

« Le travail sans valeur ajoutée [est le travail] qui ne crée pas de valeur
pour le client mais qui est requis pour que le travail à valeur ajoutée soit
fait. […]

Le travail sans valeur ajoutée est la colle qui relie ensemble les activités à
valeur ajoutée dans les processus conventionnels. C ’est tout le travail
administratif – faire rapport, vérifier, superviser, contrôler, passer en
revue, assurer des liaisons. C ’est le travail qui est nécessaire pour faire
fonctionner les processus conventionnels, mais c’est aussi une source
d’erreurs, de délais, d’inflexibilité et de rigidité. C ’est ce qui ajoute des
coûts et de la complexité aux processus, et ce qui les rend propices aux
erreurs et difficiles à comprendre ou à changer. […]

La seule façon d’éviter l’utilisation de tant de colle est de commencer avec


des fragments plus gros – en d’autres mots, avec des tâches plus grosses.
C eci est le cœur de la centration sur les processus. Une focalisation sur les
processus change les frontières des postes de travail traditionnels, en
agrandissant leur portée et leur envergure, de telle sorte que moins de
travail sans valeur ajoutée soit nécessaire pour en faire un tout. »
(Hammer, 1996, pp. 33, 34 et 35)

19 Plusieurs raisons peuvent expliquer cette orientation de l’entreprise


étudiée vers davantage de spécialisation et de coordination, plutôt que
vers plus de responsabilisation et moins de coordination. Au nombre de
celles-ci, on peut citer les difficultés d’implantation depuis longtemps
connues des approches responsabilisantes et participatives en Amérique
du Nord (Trist, 1981).

20 Cela dit, il est un facteur qui mérite à notre avis d’être souligné, à savoir
celui des finalités poursuivies lors de l’instauration du nouveau processus
de développement de produits. Définitivement, le but principal dans le cas
étudié était de mettre de l’ordre dans le développement des produits, de
clarifier les étapes d’évolution de ceux-ci, et de préciser les moments et les
critères des prises de décision. À la limite, il s’agissait plus d’améliorer les
différentes prises de décision faisant partie du processus de
développement des produits que le processus de développement des
produits lui-même. Ce qui fait qu’aucune véritable refonte de la manière
d’accomplir le processus n’a été effectuée. Les tâches fragmentaires
assumées par les divers spécialistes en place sont demeurées la base de
référence. À partir d’elles, les responsables de la réingénierie ont élaboré
une structure fonctionnelle, qu’ils ont tout simplement fluidifiée en la
doublant d’une structure projet – avec des gestionnaires de projet et des
gestionnaires de marque.

Conclusion
21 L’objectif de notre recherche était d’explorer le degré de pénétration des
idées de Michael Hammer en matière de réorganisation des entreprises
dans un contexte de réingénierie des processus. Il s’avère que, dans le cas
que nous avons étudié, cette pénétration a été inexistante. Pire,
l’entreprise a fait des choix organisationnels allant complètement à l’opposé
de ceux préconisés par Hammer.

22 Certes, rien ne prouve que ce cas soit représentatif des pratiques de


réorganisation des entreprises qui ont révisé leurs processus
opérationnels. Il n’en reste pas moins que celui-ci montre assez bien tout le
chemin qu’il reste à parcourir avant que les idées de Hammer ne se
répandent dans certaines entreprises. Il tend aussi à montrer que, pour
plus d’une entreprise, ces idées demeureront une cible passablement
théorique et utopique, comme l’ont déjà avancé certains auteurs – cf.
McCabe et Knights (2000).

Remerciements
L’auteur tient à remercier Irina Durlut pour son travail de
collecte de données.

Bibliography

Notes

1 D’aucuns pourraient faire remarquer que l’idée des "équipes de processus"


n’est pas sans rappeler celle, émise depuis longtemps déjà, et chère à l’école
socio-technique, des "groupes semi-autonomes" (Trist et al., 1963). Il demeure
toutefois que jamais, à notre connaissance, les groupes semi-autonomes n’ont été
pensés à l’intérieur d’une structure globale complètement révisée de l’entreprise.

2 Nous parlons ici en termes de résultats finaux observables, sans référence à


une connaissance antérieure plus ou moins approfondie des écrits de Hammer par
des membres de l’entreprise – et ce, même si nous savons que certains d’entre
eux étaient relativement familiers avec ceux-ci.

List of illustrations

Title Figure 1 : Exemple de structure fonctionnelle

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
1.png

File image/png, 923 octets

Title Figure 2 : Exemple de structure matricielle

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
2.png

File image/png, 1.5k

Title Figure 3 : Composé du leader de l’entreprise, des responsables de


processus et des chefs des groupes de support

C aption Figure 3. Structure proposée par Hammer (1996)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
3.png

File image/png, 3.1k

Title Figure 4 : Entreprise horizontale dotée d’un seul groupe de processus


(d’après Ostroff, 1999)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
4.png

File image/png, 2.6k

Title Figure 5 : Structure centrée sur les processus (d’après Neilson et al., 2004)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
5.png

File image/png, 1.5k

Title Figure 6 : Structure articulée autour des processus et des fonctions


(d’après Neilson et al., 2004)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
6.png

File image/png, 3.4k

Title Figure 7 : Structure fonctionnelle avec des gestionnaires responsables de


processus (d’après Neilson et al., 2004

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
7.png

File image/png, 4.5k

Title Figure 8 : Structure fonctionnelle avec conseil de processus (d’après


Neilson et al., 2004)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
8.png
File image/png, 3.4k

Title Figure 9 : Organigramme partiel de la compagnie (1999)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
9.png

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Title Figure 10. Organigramme partiel de la compagnie (2005)

URL http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/docannexe/image/204/img-
10.png

File image/png, 6.0k

References

Electronic reference
Éric Alsène, « Réingénierie des processus opérationnels et organisations », Revue
Interventions économiques [Online], 39 | 2009, Online since 01 March 2009,
connection on 09 April 2019. URL :
http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/204

About the author

Éric Alsène
Éric Alsène est professeur titulaire au Département de mathématiques et de génie
industriel de l’École Polytechnique de Montréal. Il détient un Ph.D. en sociologie de
l’Université de Montréal. Ses champs d’intérêt en recherche sont : les impacts des
technologies dans les organisations ; la gestion du changement ; la coordination et
l’intégration des organisations ; les nouvelles formes d’organisation du travail.

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Ele ctronic ISSN 1710-7377

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