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Lorenzo Ramero

Dernière mise-à-jour : 14 Mai 2016

LES PRESSES INSOUMISES


To the great Variety of Readers.

From the most able, to him that can but spell : there you are number’d. We had
rather you were weighed ; especially, when the fate of all bookes depends upon your
capacities and not of your heads alone, but of your purses. Well ! It is now publique,
& you wil stand for your priviledges wee know : to read, and censure. Do so, but
buy it first. That doth best commend a Booke, the Stationer saies. Then, how odde
soever your braines be, or your wisedomes, make your licence the same, and spare
not. Judge your six-pen’orth, your shillings worth, your five shillings worth at a
time, or higher, so you rise to the just rates, and welcome. But, whatever you do,
Buy. Censure will not drive a Trade, or make the Jacke go. And though you be a
Magistrate of wit, and sit on the Stage at Black-Friers, or the Cock-pit, to arraigne
Playes dailie, know, these Playes have had their triall alreadie, and stood out all
Appeales ; and do now come forth quitted rather by a Decree of Court, then any
purchased letters of commendation.

[from the preface of the First Folio, the first collected edition of Shakespeare’s
plays, published posthumously in London, in 1623]
Table des matières
Invocation des ténèbres 5
1. Bélier à 8
1.1. Anneaux, idéaux, modules 8
1.2. Fonctions continues sur un espace topologique 11
1.3. Le spectre maximal est non vide 15
1.4. Le spectre premier 18
1.5. Le langage catégoriel 21
1.6. Solutions aux exercices et problèmes 30
2. Taureau á 40
2.1. Intersections et réunions d’idéaux 40
2.2. Le lemme de Yoneda 42
2.3. Technique de localisation 49
2.4. Espaces spectraux 53
2.5. Premiers pas dans l’algèbre homologique 62
2.6. Solutions aux exercices et problèmes 64
3. Gémeaux â 74
3.1. Limites et colimites 74
3.2. Foncteurs exacts 84
3.3. Limites et foncteurs adjoints 88
3.4. Faisceaux 95
3.5. Le lemme du serpent 104
3.6. Solutions aux exercices et problèmes 110
4. Cancer ã 129
4.1. Produit tensoriel de modules 129
4.2. Restriction et extension des scalaires 135
4.3. Produit tensoriel d’algèbres 142
4.4. Le lemme de Nakayama 147
4.5. Modules plats et algèbres plates 151
4.6. Solutions aux exercices et problèmes 162
5. Lion ä 180
5.1. Modules projectifs et modules injectifs 181
5.2. Groupes de Picard et anneaux factoriels 189
5.3. Fibrés vectoriels et théorème de Swan 194
5.4. Homotopies et résolutions 203
5.5. Schémas 212
5.6. Solutions aux exercices et problèmes 229
6. Vierge å 252
6.1. Extensions entières d’anneaux 253
6.2. Homomorphismes quasi-finis et “Main Theorem” de Zariski 262
6.3. Anneaux noethériens 269
6.4. Variétés normales et normalisation 275
6.5. Platitude générique et théorème de Chevalley 284
6.6. Solutions aux exercices et problèmes 289
7. Balance æ 309
7.1. Idéaux premiers associés à un module 309
7.2. Décomposition primaire 314
7.3. Anneaux noethériens de dimension zéro et un 317
7.4. Un exemple géométrique 324
7.5. Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 328
7.6. Solutions aux exercices et problèmes 340
8. Scorpion ç 358
4 Table des Matières

8.1. Valuations sur les anneaux 358


8.2. Ordres sur les anneaux et corps formellement réels 367
8.3. Le spectre valuatif 379
8.4. Complexes doubles 387
8.5. Solutions aux exercices et problèmes 395
9. Sagittaire è 408
9.1. Anneaux et modules topologiques 408
9.2. Technique de complétion 411
9.3. Complétion et limites inverses 417
9.4. Solutions aux exercices et problèmes 420
10. Capricorne é 423
10.1. Le lemme d’Artin-Rees 423
10.2. Complétions d’anneaux noethériens 425
10.3. Le complexe de Koszul 431
10.4. Solutions aux exercices et problèmes 433
11. Verseau ê 435
11.1. Modules de longueur finie 435
11.2. Série de Hilbert-Poincaré d’un module gradué 437
11.3. Modules filtrés et polynôme de Samuel 440
11.4. Théorie de la dimension des anneaux locaux noethériens 443
11.5. Solutions aux exercices 447
12. Poissons ë 450
12.1. Systèmes de paramètres 450
12.2. Anneaux locaux réguliers 451
12.3. Dimension homologique 452
12.4. Le théorème de Serre 455
Références 457
Index 458
La quête de l’esprit tournait en cercle. A Bâle jadis, et
en bien d’autres lieux, il avait passé par la même nuit.
Les mêmes vérités avaient été réapprises plusieurs fois.
Mais l’experience était cumulative : le pas à la longue
se faisait plus sûr ; l’œil voyait plus loin dans certaines
ténèbres ; l’esprit constatait au moins certaines lois.
Marguerite Yourcenar – L’Œuvre au Noir

Invocation des ténèbres

Si vous cherchez une Bible de l’algèbre commutative – un survol complet et


systématique d’un territoire des mathématiques bien démarqué – mon texte n’est
pas pour vous. Ce que je vous propose, c’est plutôt un apprentissage expérimental,
dans un atelier d’alambics et chaudrons bouillonnants, où les outils proprement
algébriques en côtoient des autres, récupérés des champs de l’analyse réelle ou
complexe, de la topologie générale, de la théorie des nombres, voire même de la
théorie des représentations.
En fait, le caractère hybride de notre sujet se manifestera dès la première leçon,
et nous fournira un motif conducteur inépuisable : car d’un côté, un effet collaté-
ral de nombreuses investigations mathématiques est la production d’une quantité
importante d’anneaux, de modules, d’homomorphismes... et les efforts visant à ana-
lyser et interpréter ces données n’ont jamais cessé de stimuler le développement de
l’algèbre commutative. Ainsi, un théorème de Gelfand nous montre que tout espace
topologique compact et séparé est déterminé, à homéomorphisme près, par l’anneau
des ses fonctions continues à valeurs réels. De même, si C est une surface de Rie-
mann complexe compacte, et P ∈ C un point arbitraire, les fonctions holomorphes
sur C \ {P } et méromorphes en P forment une C-algèbre de type fini qui encode
fidèlement la géométrie de C ; à l’aide de cet anneau, on peut plonger C dans un
espace projectif, et donc la munir d’une structure intrinsèque de courbe algébrique.
Voici un autre exemple avec une longue histoire, sur lequel on se penchera : pour
tout corps K et toute représentation d’un groupe G sur un K-espace vectoriel V ,
on peut considérer l’anneau K[V ]G des fonctions polynomiales sur V qui sont in-
variantes sous l’action induite de G, et maints problèmes de théorie des invariants
se ramènent à des questions sur les propriétés de cet anneau ; en particulier, le cé-
lèbre XIVème problème de Hilbert porte sur les conditions que l’on doit imposer
sur G, afin d’assurer que K[V ]G soit une K-algèbre de type fini, quel que soit V de
K-dimension finie.
De l’autre côté, un des buts principaux de ce cours est l’explication de certains
procédés pour transmuter tout anneau (commutatif, associatif et unitaire) en un
6 Invocation des Ténèbres

objet géométrique : cela nous permettra d’étudier des questions algébriques par des
méthodes géométriques (mais aussi, réciproquement, des questions géométriques
par des moyens algébriques). Le prototype – et jusqu’à nos jours, l’exemple le plus
important – est l’opération qui consiste à associer à chaque anneau son spectre
premier, i.e. l’ensemble des ses idéaux premiers, muni d’une topologie convenable,
appelée souvent topologie de Zariski, du nom du premier mathématicien qui a mis
en évidence l’utilité de cette construction. En effet, la notion de spectre premier,
et celle de schéma affine qui en dérive naturellement, constituent les piliers sur
lesquels se fonde la géométrie algébrique telle qu’elle est conçue aujourd’hui. Mais on
s’intéressera aussi aux spectres valuatifs et aux spectres réels des anneaux, qui depuis
une vingtaine d’années jouent un rôle analogue respectivement pour la géométrie
analytique non-archimédienne, et la géométrie semi-algébrique réelle.
Tout au long du parcours, la collaboration du lecteur sera sollicitée, car une
proportion importante du matériel présenté ici, y paraît sous forme d’exercices et
problèmes de niveaux assez variables, les deuxièmes étant en général plus difficiles
que les premiers ; en fait, certains problèmes sont probablement trop durs pour les
débutants auxquels ce cours s’adresse en priorité : si vous n’aimez pas les bouquins
qui vous interpellent et vous défient de temps en temps, mon texte n’est pas pour
vous non plus. D’autre part, pour presque tout problème et exercice je propose des
solutions détaillées ; on peut ainsi moduler à souhait son degré d’implication : d’une
consultation modérée des solutions pour un entraînement plus sportif, jusqu’à la
balade touristique pour les vacanciers de l’algèbre.
Ce Grimoire est l’aboutissement imparfait d’une longue et, en bonne partie,
accidentelle gestation : il s’est d’abord matérialisé sous forme d’un recueil de notes
manuscrites, pour des cours au niveau de la deuxième année de Maîtrise que j’ai
eu occasion d’enseigner à plusieurs reprises à Bordeaux et plus tard à Lille. Son
format trahit la cadence hebdomadaire des ses origines orales, avec ses contraintes
de temps et les choix pédagogiques que j’ai infligés à mes différents auditeurs ; c’est
pourquoi il n’est pas organisé en chapitres (terminologie qui évoque un découpage
en unités thématiques), mais plutôt en leçons qui suivent un tracé approximatif, à
partir d’une dotation légère de quelques questions initiales, revisitées et enrichies
en route, à la lumière des techniques et des théorèmes appris chemin faisant.
Ma référence principale était le classique [1] de Atiyah-Macdonald, et j’avais
aussi utilisé le livre [21] de Matsumura comme source secondaire ; même après de
nombreux réaménagements, des ajouts et suppressions, je crois que l’on peut encore
apercevoir en filigrane l’influence atavique de ces deux textes (surtout du premier).
En particulier, le cœur du cours reste toujours la théorie des anneaux noethériens,
dans son articulation classique, canonisée au début des années 60 : d’abord les
résultats fondateurs de Hilbert (théorème de la base et Nullstellensatz), puis la
décomposition primaire de Noether, l’étude détaillée en dimension zéro (anneaux
artiniens) et un (anneaux de Dedekind), les topologies adiques et la technique de
complétion, la théorie de la dimension, pour conclure avec les anneaux locaux régu-
liers et leur caractérisation homologique (théorème de Serre). L’algèbre homologique
dont on se sert est développée ab ovo, d’un style minimaliste mais tout à fait rigou-
reux ; pour la rendre plus digeste, elle est administrée en pilules : en moyenne, une
section par leçon, mêlée à du contenu plus appétissant. Autour de ce noyau, j’ai
ajouté un assortiment de sujets détachés : en premier lieu des éléments de théorie
des valuations, un sujet assez ancien – son origine remonte au travaux de Krull
des années 30 – dont les cotations dans la bourse des valeurs algébriques ont étés,
pendant longtemps, assez volatiles : aux années 40 elle était au centre des intérêts
de Zariski, qui y voyait la clef pour son programme de désingularisation des variétés
algébriques ; reléguée, dès les années 60, au deuxième plan à la suite de la percée de
Invocation des ténèbres 7

Hironaka, établissant la désingularisation en caractéristique zéro par des idées et


avec un langage différents, entièrement basés sur la nouvelle théorie des schémas ;
récupérée aux années 90 pour l’étude des variétés analytiques définies sur les corps
ultramétriques. Un autre sujet récurrent sera l’algèbre des fonctions continues à va-
leurs réels sur un espace topologique : il s’agit d’une classe d’anneaux très éloignés
de ceux que l’on rencontre lors de l’étude de la géométrie algébrique, dans lesquels
on retrouve pourtant des échos étonnants de la théorie noethérienne. Par exemple,
le théorème de Gelfand cité ci-dessus peut se voir comme une contrepartie du Null-
stellensatz ; aussi, l’analyse du spectre premier d’une algèbre de fonctions continues
révèle d’un côté des analogies avec les anneaux des valuations, et de l’autre côté
conduit naturellement à la découverte de toute une panoplie de structures d’intérêt
général : notamment, les filtres premiers et les ultrafiltres, les anneaux ordonnés, et
enfin la notion de spectre réel d’un anneau.
Les prérequis sont assez modestes : une familiarité avec les notions de base sur
anneaux et idéaux, et plus généralement, l’algèbre élémentaire du niveau de la li-
cence ; quelques uns des problèmes proposés demandent toutefois des connaissances
de théorie de Galois.
Suggestions, corrections et remarques sont bienvenues !
Je remercie Benjamin Beutin, Luther Blissett, Niels Borne, Jean-François Bur-
nol, Pietro Corvaja, Mladen Dimitrov, Michel Emsalem, Barbara Fantechi, Ofer
Gabber, Hana Hancinova, Mohamed Rafik Mammeri, Pietro Majer, William D.
Montoya, Maxime Oger, Pierre-Antoine Oria, Maëva Ostermann, Giulia Pilli et
Andrei Zinovyev pour des nombreuses observations très utiles et intéressantes. Mes
remerciements aussi à Marie-Claude Vergne pour son assistance avec Photoshop.
L’image de couverture est basée sur le pentagramme inversé contenu dans le livre
“La Clef de la Magie Noire” de l’occultiste francais Stanislas de Guaita (1861–1897).
Les signes astrologiques qui ouvrent chaque leçon sont empruntés (à l’exception près
du Bélier, Capricorne et Poissons) à une collection d’images numériques réalisées par
une équipe du Hubble Space Telescope Institute, à partir de l’ouvrage “Firmamen-
tum Sobiescianum sive Uranographia” de l’astronome polonais Johannes Hevelius
(1611–1687). Les autres signes proviennent du “Liber Astronomiae” de l’astrologue
italien Guido Bonatti (XIII siècle). Les deux petits diables qui entourent le logo des
Presses Insoumises sont dus au célèbre dessinateur pour enfants A.Grothendieck,
et sont conservés à l’Université de Bielefeld, en Allemagne. Ces images sont dans le
domaine public.
Pour finir, ce cours a été rédigé avec l’éditeur de textes LYX, une interface gra-
phique pour le logiciel LATEX.
1. Bélier à

1.1. Anneaux, idéaux, modules. Le lecteur aura déjà rencontré les concepts ba-
siques de l’algèbre dans les cours et les textes du niveau de la Licence ; notamment,
les notions d’anneau, d’idéal, de module, de homomorphisme d’anneaux, que l’on
ne reproduira pas ici. Néanmoins, ajoutons que – sauf mention contraire – dans ce
cours, tout anneau A sera :
— commutatif : x · y = y · x pour tout x, y ∈ A
— associatif : x(yz) = (xy)z pour tout x, y, z ∈ A
— unitaire : il existe 1 ∈ A tel que 1 · x = x pour tout x ∈ A.
Aussi, tout homomorphisme d’anneaux f : A → B préserve les unités : f (1) = 1.
On notera A× le groupe multiplicatif des éléments inversibles de A. On dira qu’un
élément a ∈ A est :
— nilpotent, s’il existe n ∈ N tel que an = 0 dans A.
— diviseur de zéro, s’il existe b ∈ A \ {0} tel que ab = 0.
— régulier, si a 6= 0 et il n’est pas diviseur de zéro.
On dit que A est intègre (resp. est un corps) si A 6= {0} et tout élément non nul de
A est régulier (resp. inversible). On notera Z l’anneau des entiers, N l’ensemble des
entiers non-négatifs, Q, R et C les corps des nombres rationnels, réels et complexes.
Un idéal I ⊂ A est principal s’il existe a ∈ A tel que I = Aa := {ab | b ∈ A} ; on
dit que I est de type fini, s’il existe a1 , . . . , an ∈ A (pour quelque n ∈ A) tels que
I = Aa1 + · · · + Aan . On dit que A est principal si tous ses idéaux sont principaux.

Exemple 1.1. (i) L’anneau Z est principal ; rappelons la preuve : on doit montrer
que tout idéal I ⊂ Z est principal ; si I = 0, l’assertion est triviale, et sinon, soit
a ∈ I le plus petit élément > 0. Pour tout b ∈ I il existe q, r ∈ Z tels que b = aq + r
et 0 ≤ r < a ; il s’ensuit que r ∈ I, donc r = 0, par la minimalité de a, d’où I = aZ.
(ii) Si K est un corps, le même argument s’applique à l’anneau des polynômes
K[X] : pour tout idéal non nul I ⊂ K[X] on choisit p(X) ∈ I non nul de degré
minimal ; si b(X) ∈ I, la division euclidienne nous donne q(X), r(X) ∈ K[X] tels
que b(X) = p(X) · q(X) + r(X) avec soit r(X) = 0, soit degX r(X) < degX p(X).
Mais r(X) ∈ I, donc finalement r(X) = 0 par la minimalité de degX p(X), d’où
I = p(X) · K[X]. (Voir le problème 5.34 pour une généralisation.)

1.1.1. Algèbres. Une A-algèbre est une donnée (B, f ) constituée d’un anneau B et
un homomorphisme d’anneaux f : A → B, appelé le morphisme structurel de B.
Si le contexte ne donne pas lieu à des ambiguités, on notera souvent une A-algèbre
simplement par son anneau sous-jacent B. Un homomorphisme de A-algèbres

g : (B, f ) → (B ′ , f ′ )
§ 1.1: Idéaux premiers et maximaux 9

est un homomorphisme d’anneaux g : B → B ′ qui fait commuter le diagramme :


A❊
f ③③ ❊❊ f ′
③③③ ❊❊
❊❊ i.e. f ′ = g ◦ f .
}③
③ g "
B / B′
Evidemment, la composition de deux homomorphismes de A-algèbres g : B → B ′
et g ′ : B ′ → B ′′ est un homomorphisme de A-algèbres g ′ ◦ g : B → B ′′ . On notera
HomA−Alg (B, B ′ )
l’ensemble des homomorphismes de A-algèbres B → B ′ . Par exemple, pour tout
n ∈ N, l’anneau des polynômes de n variables A[X1 , . . . , Xn ] à coefficients dans
A est muni d’une structure canonique de A-algèbre, dont le morphisme structurel
est l’inclusion naturelle A → A[X1 , . . . , Xn ] qui identifie A avec le sous-anneau des
polynômes de degré total 0. Aussi, pour tout idéal I ⊂ A, la projection canonique
A → A/I munit l’anneau quotient A/I d’une structure naturelle de A-algèbre.
Remarque 1.2. (i) Tout anneau A admet un unique homomorphisme Z → A, donc
tout anneau est canoniquement une Z-algèbre.
(ii) Soit A un anneau, B une A-algèbre, et n ∈ N un entier. Noter que pour
toute suite (b1 , . . . , bn ) ∈ B n il existe un unique homomorphisme de A-algèbres
f : A[X1 , . . . , Xn ] → B tel que f (Xi ) = bi pour i = 1, . . . , n : en effet, cet homo-
morphisme est défini par
f (P ) := P (b1 , . . . , bn ) ∀P ∈ A[X1 , . . . , Xn ].
Autrement dit, pour toute A-algèbre B et tout n ∈ N il existe une bijection naturelle

B n → HomA−Alg (A[X1 , . . . , Xn ], B).
On verra dans la section 2.2 comment cette propriété caractérise A[X1 , . . . , Xn ] à
isomorphisme canonique près.
On dit qu’une A-algèbre B est de type fini, s’il existe un homomorphisme surjectif
de A-algèbres π : A[X1 , . . . , Xn ] → B, pour quelque n ∈ N. Au vu de la remarque
1.2(ii), cela revient à dire qu’il existe un système fini b• := (b1 , . . . , bn ) d’éléments
de B tel que tout b ∈ B s’écrit sous la forme b = P (b1 , . . . , bn ) pour quelque
polynôme P ∈ A[X1 , . . . , Xn ] ; on dit que b• est un système fini de générateurs de
la A-algèbre B, et on écrit aussi B = A[b1 , . . . , bn ]. On dit que B est une A-algèbre
de présentation finie, si on peut trouver une surjection π comme ci-dessus, dont le
noyau π −1 (0) soit un idéal de type fini ; dans ce cas B est isomorphe à un quotient
A[X1 , . . . , Xn ]/I, avec I ⊂ A[X1 , . . . , Xn ] un idéal de type fini.
1.1.2. Idéaux premiers et maximaux. On rappelle qu’un idéal I ⊂ A est dit :
— premier si 1 ∈/ I et x, y ∈
/ I ⇒ xy ∈ / I pour tout x, y ∈ A.
— maximal si 1 ∈ / I et les seuls idéaux de A qui contiennent I sont I et A.
Proposition 1.3. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal. On a :
(i) I est premier si et seulement si A/I est un anneau intègre.
(ii) I est maximal si et seulement si A/I est un corps.
Démonstration. (i) : Soient x, y ∈ A, et notons x̄, ȳ ∈ A/I les classes de x et y.
Si x̄, ȳ 6= 0, on a x, y ∈/ I ; si maintenant I est premier, on déduit xy ∈ / I, et donc
x̄ · ȳ 6= 0, ce qui montre que A/I est intègre. D’autre part, si A/I est intègre, on a
x̄ · ȳ 6= 0, donc xy ∈/ I, d’où l’on voit que I est premier.
(ii) : Soit x ∈ A tel que x ∈ / I, donc x̄ 6= 0. Si A/I est un corps, il existe y ∈ A tel
que x̄ · ȳ = 1 dans A/I, donc xy − 1 ∈ I, d’où I + Ax = A ; comme x est arbitraire,
on déduit que les seuls idéaux qui contiennent I sont I et A, i.e. I est maximal.
10 à Bélier

D’autre part, si I est maximal, l’hypothèse x ∈


/ I implique que l’on a I + Ax = A,
donc il existe a ∈ I, y ∈ A tel que xy + a = 1, d’où x̄ · ȳ = 1, ce qui montre que
A/I est un corps. 
La proposition implique notamment que tout idéal maximal est premier. On note :
— Max A l’ensemble des idéaux maximaux de A (spectre maximal de A)
— Spec A l’ensemble des idéaux premiers de A (spectre premier de A)
Un des objectifs de ce cours est d’expliquer pourquoi Max A et Spec A sont des
“objets géométriques”. Par ce qui précède, on a :
Max A ⊂ Spec A.
Lemme 1.4. Si I ⊂ A est un idéal, on a une bijection canonique :
{idéaux J de A tels que I ⊂ J} ←→ {idéaux de A/I}
qui associe à tout idéal J de A qui contient I, l’idéal J/I de A/I. Cette bijection
induit par restriction des bijections :
{p ∈ Spec A | I ⊂ p} ←→ Spec A/I
{m ∈ Max A | I ⊂ m} ←→ Max A/I.
Démonstration. Si π : A → A/I est la projection canonique, la bijection réciproque
associe à l’idéal J de A/I, l’idéal π −1 (J) ⊂ A. Si p est un idéal de A et I ⊂ p,
on a A/p = (A/I)/(p/I), donc A/p est intègre (resp. un corps) si et seulement
si (A/I)/(p/I) est intègre (resp. un corps), et avec la proposition 1.3 l’on déduit
que p est premier (resp. maximal) dans A si et seulement si p/I est premier (resp.
maximal) dans A/I. 
1.1.3. Modules. Rappelons aussi quelques notations et terminologies standard con-
cernant les A-modules. Si M, N sont deux A-modules, un homomorphisme de A-
modules f : M → N est une application A-linéaire de M dans N , et on notera
Ker(f ) := f −1 (0) ⊂ M (le noyau de f )
Im(f ) := f (M ) ⊂ N (l’image de f )
Coker(f ) := N/f (M ) (le conoyau de f ).
Rappelons que f est injectif (resp. surjectif) si et seulement si Ker f = 0 (resp.
Coker f = 0). On dit que f est un isomorphisme de A-modules s’il est bijectif, le
cas échéant l’application réciproque f −1 : N → M est un homomorphisme de A-
modules. Si M est un A-module et I ⊂ A un idéal, on note IM ⊂ M le sous-module
engendré par {am | a ∈ I, m ∈ M }. L’annulateur du module M est l’idéal de A
AnnA (M ) := {a ∈ A | ax = 0 ∀x ∈ M }.
On dit que M est fidèle, si AnnA (M ) = 0. L’annulateur d’un élémént x ∈ M , noté
AnnA (x)
est l’annulateur du sous-module Ax ⊂ M : i.e. l’idéal {a ∈ A | ax = 0}. On dit que
M est sans torsion, si AnnA (x) = 0 pour tout x ∈ M \ {0}.
Exemple 1.5. Soit Λ un ensemble, (Mλ | λ ∈ Λ) une famille de A-modules.
(i) Le produit direct Y

λ∈Λ
est l’ensemble des suites (mλ | λ ∈ Λ) avec mλ ∈ Mλ pour tout λ ∈ Λ. Il est
muni d’une structure de A-module naturelle : à savoir, si m• := (mλ |λ ∈ Λ) et
m′• := (m′λ | λ ∈ Λ) sont deux suites, et a ∈ A un élément, on pose
m• + m′• := (mλ + m′λ | λ ∈ Λ) a · m• := (a · mλ | λ ∈ Λ).
§ 1.2: Fonctions continues sur un espace topologique 11

Le Λ-support de (mλ | λ ∈ Λ) est la partie {λ ∈ Λ |Q


mλ 6= 0}.
(ii) La somme directe est le A-sous-module de λ∈Λ Mλ noté
M

λ∈Λ
et constitué des suites dont le Λ-support est un ensemble fini.
(iii) Si Mλ = M pour tout λ ∈ Λ, on écrit aussi M Λ et M (Λ) pour le produit
direct et respectivement la somme directe de la famille (Mλ | λ ∈ Λ). Noter que M Λ
n’est rien d’autre que l’ensemble des applications Λ → M , et sa loi d’addition est
donnée par la somme d’applications : pour f, g : Λ → M et tout λ ∈ Λ on pose
(f + g)(λ) := f (λ) + g(λ) ; de même, (a · f )(λ) := a · f (λ) pour tout a ∈ A.
(iv) En particulier, A(Λ) est le A-module libre sur l’ensemble Λ ; il admet un
système de générateurs (eλ• | λ ∈ Λ) appelé la base canonique de A(Λ) : à savoir,
pour tout λ ∈ Λ, la suite eλ• est l’unique dont le Λ-support est {λ} et avec eλλ = 1.
Définition 1.6. Soit M un A-module. On dit que M est :
— de type fini, s’il est engendré par un système fini {m1 , . . . , mk } d’éléments.
Donc, tout m ∈ M s’ecrit sous la forme
m = a 1 m1 + · · · + a k mk pour certains a1 , . . . , ak ∈ A
— cyclique, s’il est isomorphe à A/I, pour un idéal I ⊂ A

— libre de rang fini, s’il existe n ∈ N et un isomorphisme An → M de A-modules
— de présentation finie, s’il est isomorphe au conoyau d’une application A-
linéaire L → L′ avec L et L′ libres de rang fini.
Remarque 1.7. (i) Evidemment, un A-module est de type fini si et seulement s’il
est isomorphe à un quotient d’un A-module libre de rang fini.
(ii) Pour tout A-modules M et N , on notera
HomA (M, N )
l’ensemble des applications A-linéaires M → N . Il est contenu dans le A-module
N M de l’exemple 1.5(iii), et on voit aisément qu’il est même un sous-module de ce
dernier. On munira HomA (M, N ) de la structure de A-module hérité de N M .
(iii) Si (Mλ | λ ∈ Λ) est une famille de A-modules, on a l’identification naturelle
Y M 

HomA (Mλ , N ) → HomA Mλ , N pour tout A-module N
λ∈Λ λ∈Λ

qui associe à toute suite (φλ : MλP→ N | λ ∈ Λ) l’homomorphisme de A-modules


L
λ∈Λ Mλ → N : (mλ | λ ∈ Λ) 7→ λ∈Λ φλ (mλ ) pour toute suite (mλ | λ ∈ Λ) dont
le Λ-support est fini. Cette bijection est même un isomorphisme de A-modules.
(iv) Si M ′ et M ′′ sont deux sous-modules du A-module M , la partie
M ′ + M ′′ := {x′ + x′′ | x′ ∈ M ′ , x′′ ∈ M ′′ }
est le plus petit sous-module de M contenant M ′ ∪ M ′′ . De plus, la projection natu-
relle M ′ +M ′′ → (M ′ +M ′′ )/M ′′ se restreint en une surjection M ′ → (M ′ +M ′′ )/M ′′
dont le noyau est M ′ ∩ M ′′ , d’où un isomorphisme canonique de A-modules :
M′ ∼ M +M
′ ′′
→ .
M ′ ∩ M ′′ M ′′
1.2. Fonctions continues sur un espace topologique. La définition ci-dessous
et l’exemple suivant ont le but de rappeler les notions de base de la topologie
élémentaire, et d’en fixer les notations et la terminologie qui seront d’usage constant
dans tout le cours.
Définition 1.8. (i) Une topologie sur un ensemble T est la donnée d’une famille
T de parties de T soumise aux conditions suivantes :
12 à Bélier

— ∅, T ∈ T . S
— Pour toute partie U ⊂ T , on a U∈UTU ∈ T .
— Pour toute partie finie U ⊂ T , on a U∈U U ∈ T .
(ii) Un espace topologique est la donnée (T, T ) d’un ensemble T et une topologie
T sur T . Les points de T sont les éléments de T , et les éléments de T s’appellent
parties ouvertes de T ; une partie F de T est fermée, si T \ F est ouverte. Une partie
fermée Z est réductible, si elle est la réunion des deux parties fermées strictement
contenues dans Z ; on dit que Z 6= ∅ est irréductible, si elle n’est pas réductible.
(iii) On dit que (T, T ) est disconnexe, s’il est la réunion disjointe T = U ⊔U ′ de
parties ouvertes U, U ′ 6= ∅. On dit que (T, T ) est connexe s’il n’est pas disconnexe.
(iv) Soit S ⊂ T une partie ; on appelle l’adhérence de S dans T la plus petite
partie fermée de T qui contient S. L’intérieur de S est la plus grande partie ouverte
de T contenue dans S (donc, l’adhérence de T \ S est égale au complémentaire de
l’intérieur de S). La partie S est un voisinage d’un point t ∈ T , si t appartient à
l’intérieur de S. On dit que S est dense dans T , si l’adhérence de S est T .
(v) Soient (T, T ) et (T ′ , T ′ ) deux espaces topologiques, et f : T → T ′ une
application. On dit que f est :
— continue si pour toute partie ouverte U ⊂ T ′ , la partie f −1 U ⊂ T est ouverte
— ouverte (resp. fermée) si pour toute partie ouverte (resp. fermée) X de T , la
partie f (X) est ouverte (resp. fermée) dans T ′
— un homéomorphisme si f est continue, bijective et sa réciproque f −1 : T ′ → T
est continue. Donc, f induit une bijection

T →T′ : U 7→ f (U ).
(vi) Si T et T ′ sont deux topologies sur un ensemble T , on dit que T est plus
fine que T ′ si T ′ ⊂ T (auquel cas, on dit aussi que T ′ est moins fine que T ).
Exemple 1.9. (i) Soit (T, T ) un espace topologique, E un ensemble, et g : E → T
une application. La topologie TE := {g −1 U | U ∈ T } est la moins fine des topologies
T ′ sur E telles que g : (E, T ′ ) → (T, T ) soit une application continue. On appelle
TE la topologie induite par T via g (ou simplement, la topologie induite par T ).
(ii) Soient T , T ′ deux espaces topologiques. On dit que T ′ est un sous-espace de
T si T ′ ⊂ T et la topologie de T ′ est induite par celle de T via l’inclusion T ′ → T .
(iii) De même, si h : T → E est une application, alors TE := {U ⊂ E | h−1 U ∈
T } est la plus fine des topologies T ′ sur E telle que h : (T, T ) → (E, T ′ ) soit une
application continue. On appelle TE la topologie de E induite par T via h.
(iv) Soit T un ensemble, et B une famille de parties de T . Alors l’intersection
TB de toutes les topologies de T qui contiennent B est évidemment la moins fine
des topologies contenant B. Pour décrire TB explicitement, notons d’abord B + la
famille des intersections finies d’élémentsTde B : i.e. X ∈ B + si et seulement s’il
existe une partie finie B ′ ⊂ B avec X = U∈B′ U . Avec cette notation, S une partie
U de T est dans TB si et seulement s’il existe B ′ ⊂ B + tel que U = U ′ ∈B′ U ′
(détails laissés aux soins du lecteur). Dans ce cas, on dit que B engendre TB , et
aussi que B est une prebase de TB . Si tout élément de TB s’écrit déjà comme
réunion d’une famille d’éléments de B, on dit que B est une base de TB : pour
cela, il suffit que tout X ∈ B + s’écrive comme réunion d’éléments de B.
(v) Pour tout ensemble S, l’ensemble PS des parties de S est une topologie
appelée topologie discrète de S. Elle est évidemment la topologie la plus fine sur S.
Exercice 1.10. Soient T et S deux espaces topologiques, f : T → S une application
localement continue, i.e. pour tout t ∈ T il existe des voisinages ouverts Ut ⊂ T de
t et Vt ⊂ S de f (t) tels que la restriction ft : Ut → Vt de f est continue pour les
topologies de Ut et Vt induites par T et S. Montrer que f est continue.
§ 1.2: Fonctions continues sur un espace topologique 13

Dans ce cours on munira toujours l’ensemble R de sa topologie standard, en-


gendrée par la base {]a, b[ | a, b ∈ R, a < b}. Pour tout espace topologique (T, T ),
l’ensemble des fonctions continues à valeurs réels T → R est un anneau noté
C (T )
car l’addition et le produit de deux fonctions continues sont continues (exercice !).
Soit t ∈ T ; l’idéal de C (T )
mt := {f ∈ C (T ) | f (t) = 0}
est le noyau de l’homomorphisme d’évaluation
εt : C (T ) → R f 7→ f (t)

qui est évidemment surjectif, et donc induit un isomorphisme C (T )/mt → R ; il
s’ensuit que mt est maximal, par la proposition 1.3(ii). On a ainsi une application
φT : T → Max(C (T )) t 7→ mt .
Exercice 1.11. Montrer que C (T ) = {f ∈ C (T ) | f (t) 6= 0 pour tout t ∈ T }.
×

Remarque 1.12. (i) L’application φT n’est pas forcément injective. Par exemple,
soit T := {a, b} et T := {∅, T, {a}}. On voit aisément que toute fonction continue
T → R est constante, donc C (T ) = R, et évidemment Max(R) contient un seul
élément, à savoir l’idéal trivial {0}.
(ii) L’application φT n’est pas non plus surjective pour un espace topologique
T arbitraire. Pour obtenir un résultat positif, rappelons les définitions suivantes :
− On dit que (T, T ) est séparé s’il satisfait la condition suivante. Pour tout
x, y ∈ T distincts il existe des parties ouvertes Ux , Uy de T telles que
x ∈ Ux y ∈ Uy Ux ∩ Uy = ∅.
− On dit que (T, ST ) est compact si pour toute famille (Ui | i ∈ S I) de parties
ouvertes de T avec i∈I Ui = T , il existe une partie finie J ⊂ I avec i∈J Ui = T .
− On dit que (T, T ) est normal s’il est séparé et pour tout couple de parties
fermées Z, Z ′ ⊂ T avec Z ∩ Z ′ = ∅ il existe des parties ouvertes U, U ′ de T avec
Z⊂U Z′ ⊂ U ′ U ∩ U ′ = ∅.
Exercice 1.13. (i) (Propriété de l’intersection finie) Soit T un espace topologique.
Montrer l’équivalence des conditions suivantes :
(a) T est compact.
T
(b) Pour toute famille (Zλ | λ ∈ Λ) de parties
T fermées de T , telle que λ∈Λ′ Zλ 6=
∅ pour toute partie finie Λ′ ⊂ Λ, on a λ∈Λ Zλ 6= ∅.
(ii) Soient T, T ′ deux espaces topologiques, f : T → T ′ une application continue,
Z ⊂ T une partie. On munit Z et f (Z) des topologies induite par les inclusions
dans T et respectivement T ′ . Montrer les assertions suivantes :
(a) Si T est séparé et Z est compact, alors Z est une partie fermée de T .
(b) Si T est compact et Z est une partie fermée de T , alors Z est compact.
(c) Si Z est compact, alors f (Z) est compact.
(iii) Montrer que toute application continue bijective f : X → Y d’un espace
topologique compact X sur un espace séparé Y est un homéomorphisme.
(iv) Soient f, g : T → S deux applications continues d’un espace T vers l’espace
séparé (S, TS ). Montrer que Z := {t ∈ T | f (t) = g(t)} est une partie fermée de T .
(v) Montrer que tout espace topologique T compact et séparé est normal.
On utilisera le résultat fondamental suivant :
14 à Bélier

Lemme 1.14. (Urysohn) Un espace topologique (T, T ) est normal si et seulement


s’il est séparé et pour tout couple de parties fermées A, B ⊂ T telles que A ∩ B = ∅
il existe une fonction continue f : T → [0, 1] telle que f (A) = {0} et f (B) = {1}.
Démonstration. Soient A, B ⊂ T deux parties fermées disjointes ; si une telle f
est donnée, les parties ouvertes f −1 ([0, 1/2[) et f −1 (]1/2, 1]) sont disjointes et
contiennent A et respectivement B ; cela montre que T est normal.
Réciproquement,
S soit T normal ; on pose Λn := {k/2 | k = 0, . . . , 2 } pour tout
n n

n ∈ N et Λ := n∈N Λn . Pour toute partie S ⊂ T on dénote par S l’adhérence de


S dans T . On va construire une application U : Λ → T telle que :
A ⊂ U (0) B ∩ U (1) = ∅ U (λ) ⊂ U (λ′ ) ∀λ, λ ∈ Λ avec λ < λ′ .
On définit la restriction de U à Λn par récurrence sur n ∈ N. Pour n = 0 on pose
U (1) := T \ B ; la normalité de T implique qu’il existe V ∈ T tel que A ⊂ V ⊂ V ⊂
U (1) et on pose U (0) := V . Ensuite, soit n ∈ N, et on suppose que la restriction de
U à Λn est déjà connue. Donc pour k = 0, . . . , 2n − 1 on a U (k/2n ) ⊂ U ((k + 1)/2n),
et par normalité de T on trouve V ∈ T tel que U (k/2n ) ⊂ V ⊂ V ⊂ U ((k +1)/2n ) ;
on pose U ((2k + 1)/2n+1) := V . Cela achève la construction de U . Ensuite, on pose
U ′ (λ) := U (λ) pour λ ∈ Λ \ {1} et U ′ (1) := T ; on définit :
f (t) := inf{λ ∈ Λ | t ∈ U ′ (λ)} ∀t ∈ T.
Evidemment f (A) = 0 et f (B) = 1. Il reste à vérifier la continuité de f . Pour
cela, soit t ∈ T , r := f (t) et ε ∈]0, 1] ; il suffit de montrer que f −1 (]r − ε, r + ε[)
contient un voisinage de t dans T . Or, si r = 0 on a t ∈ U (λ) ⊂ f −1 ([0, ε[) pour tout
λ ∈ Λ∩]0, ε[ ; si r = 1 on a t ∈ T \ U (λ) ⊂ f −1 (]1 − ε, 1]) pour tout λ ∈ Λ ∩ [1 − ε, 1[.
Si 0 < r < 1, choisissons λ, λ′ ∈ Λ tels que r − ε < λ < r < λ′ < r + ε ; il vient
t ∈ U (λ′ ) \ U (λ) ⊂ f −1 (]r − ε, r + ε[), d’où l’assertion. 

On peut alors énoncer le théorème suivant :


Théorème 1.15. (Gelfand-Naimark) Si (T, T ) est un espace topologique compact
et séparé, l’application φT est bijective.

Démonstration. Soit m ∈ Max(C (T )). Notons


V (m) := {t ∈ T | f (t) = 0 pour tout f ∈ m}.
Vérifions que V (m) est non vide : sinon, pour tout t ∈ T il existe ft ∈ m tel que
ft (t) 6= 0. Posons Ut := ft−1 (R
S \ {0}) ; la partie Ut est ouverte dans T pour tout
t ∈ T , et évidemment on a t∈T Ut = T . Comme T est compact, il existe une
S P
partie finie S ⊂ T tel que t∈S Ut = T . Soit g := t∈S ft2 . On voit aisément que
g(t) > 0 pour tout t ∈ T , donc g est inversible dans C (T ) (exercice 1.11). Mais par
construction g ∈ m, contradiction.
Or, si t ∈ V (m) on a m ⊂ φT (t), donc m = φT (t) car ces deux idéaux sont
maximaux. Cela montre que φT est surjective. Pour l’injectivité on applique le
lemme de Urysohn : si x, y ∈ T sont deux points distincts, il existe f ∈ C (T ) telle
que f ∈ φT (x) mais f ∈ / φT (y), d’où φT (x) 6= φT (y). 

On peut faire encore mieux : à partir de l’anneau C (T ) on peut même récupérer


la topologie T de T ! En fait, soit f ∈ C (T ), et notons
D(f ) := {m ∈ Max C (T ) | f ∈
/ m}.
On voit que pour tout t ∈ T , on a mt ∈ D(f ) si et seulement si f (t) 6= 0. C’est à
dire, φ−1
T D(f ) = f
−1
(R \ {0}) est une partie ouverte de T . Le lemme de Urysohn
§ 1.3: Le spectre maximal est non vide 15

implique que la famille (φ−1


T D(f ) | f ∈ C (T )) engendre la topologie T . On munira
donc Max C (T ) de la topologie de Zariski TT,Zar , i.e. la topologie engendrée par
(D(f ) | f ∈ C (T )).
Avec cette topologie, l’application φT est un homéomorphisme

(T, T ) → (Max C (T ), TT,Zar ).
Problème 1.16. (i) Donner un exemple d’un espace topologique T tel que φT ne
soit pas surjective. Noter que la preuve du théorème 1.15 montre qu’un tel espace
doit forcément être non compact.
(ii) Soit T := [0, 1] muni de sa topologie standard, induite par l’inclusion dans
l’espace topologique R des nombres réels. Donc T est un espace séparé et compact,
et le théorème 1.15 nous donne une bijection canonique [0, 1] ≃ Max C ([0, 1]).
Question (difficile !) : l’anneau C ([0, 1]) a-t-il des idéaux premiers non maximaux ?
Exercice 1.17. Soient T et T ′ deux espaces topologiques, f : T → T ′ une appli-
cation continue ; évidemment f induit un homomorphisme de R-algèbres
f ∗ : C (T ′ ) → C (T ) g 7→ g ◦ f.
Pour T et T séparés et compacts, compléter la discussion de cette section de la

façon suivante. Soit ψ : C (T ′ ) → C (T ) un homomorphisme de R-algèbres.


(i) Montrer que ψ induit une application continue
Max ψ : (Max C (T ), TT,Zar ) → (Max C (T ′ ), TT ′ ,Zar ) m 7→ ψ −1 (m).
(ii) Montrer que l’on a un diagramme commutatif
f
T / T′
φT φT ′
 Max (f ∗ ) 
Max C (T ) / Max C (T ′ ).

Autrement dit, tout homomorphisme ψ de R-algèbres comme ci-dessus “provient


d’une (unique) application continue” d’espaces topologiques T → T ′ . Noter que,
d’autre part, tout homomorphisme d’anneaux qui provient de cette façon d’une
application continue T → T ′ est forcément unitaire ; donc, notre condition ψ(1) = 1
pour les homomorphismes d’anneaux, qui peut paraître anodine d’un point de vue
algébrique, en fait caractérise les homomorphismes “d’origine géométrique”.
1.3. Le spectre maximal est non vide. Le théorème 1.15 montre aussi trivia-
lement que le spectre maximal de C (T ) est vide si et seulement si T = ∅, et cela
est aussi équivalent à la condition C (T ) = 0 (il y a exactement une application
de l’ensemble vide vers n’importe quel autre ensemble). En fait, il s’agit là d’une
propriété tout à fait générale : le spectre maximal de tout anneau A 6= 0 est non
vide. Pour la preuve, il nous faudra quelques notions standards de la théorie des
ensembles. Tout d’abord, on rappelle la définition suivante :
Définition 1.18. Un ensemble partiellement ordonné (E, ≤) est la donnée d’un
ensemble E et d’une relation d’ordre ≤ sur E, i.e. une relation binaire telle que :
— (reflexivité) x ≤ x pour tout x ∈ E.
— (antisymétrie) x ≤ y et y ≤ x ⇒ x = y pour tout x, y ∈ E.
— (transitivité) x ≤ y et y ≤ z ⇒ x ≤ z pour tout x, y, z ∈ E.
On dit que (E, ≤) est un ensemble totalement ordonné, si la relation d’ordre ≤
satisfait aussi la condition suivante :
— pour tout x, y ∈ E on a soit x ≤ y, soit y ≤ x.
16 à Bélier

Un élément e ∈ E est dit maximal, si le seul élément e′ ∈ E avec e ≤ e′ est e.


Un morphisme d’ensembles partiellement ordonnés φ : (E, ≤) → (E ′ , ≤) est la
donnée d’une application d’ensembles φ : E → E ′ telle que
x ≤ y ⇒ φ(x) ≤ φ(y) ∀x, y ∈ E.

Remarque 1.19. Soit (E, ≤) un ensemble partiellement ordonné.


(i) Noter qu’un élément maximal e de E n’est pas forcément “le plus grand
élément de E”, c’est à dire on n’a pas nécessairement e′ ≤ e pour tout e′ ∈ E.
(ii) Si on “renverse la relation d’ordre” de E, on obtient un nouveau ensemble
partiellement ordonné (E op , ≤op ), tel que E op = E et
x ≤op y ⇔ y ≤ x ∀x, y ∈ E.
On appelle (E op , ≤op ) l’opposé de l’ensemble partiellement ordonné (E, ≤).

Lemme 1.20. (Zorn) Soit (E, ≤) un ensemble partiellement ordonné non vide,
vérifiant la condition suivante. Pour toute partie E ′ ⊂ E totalement ordonnée il
existe e ∈ E tel que e′ ≤ e pour tout e′ ∈ E ′ . Alors, E a un élément maximal. 

On n’essayera pas ici de démontrer le lemme de Zorn ; toute preuve de ce lemme


utilise une forme ou autre de l’axiome du choix, i.e. l’assertion suivante :
— Pour toute famille (Xi | i ∈ I) d’ensembles
Q non vides (indexés par un en-
semble arbitraire I), le produit cartésien i∈I Xi est non vide.
Ce dernier est un axiome standard dans la plupart des théories axiomatiques des
ensembles d’usage courant ; mais dans ces théories, on peut aussi montrer que le
lemme de Zorn a en fait la même force que l’axiome du choix, i.e. dans la liste des
axiomes de la plupart des théories axiomatiques des ensembles, on peut remplacer
l’axiome du choix par l’énoncé du lemme de Zorn, et ainsi faisant on obtiendra
une théorie équivalente (l’axiome du choix deviendra un théorème dans ce nouveau
système axiomatique). Donc, on peut tout simplement décider que pour nous le
lemme de Zorn est un axiome.
On est maintenant prêt pour montrer le résultat annoncé :

Théorème 1.21. Pour tout anneau A 6= 0 on a Max A 6= ∅.

Démonstration. Soit E l’ensemble des idéaux I ⊂ A tels que 1 ∈ / I. On munit E


de la relation d’ordre donné par l’inclusion : I ≤ J ⇔ I ⊂ J, for every I, J ∈ E.
Si (Iλ | λ ∈ Λ) est une famille totalement ordonnée d’éléments de E, on pose I :=
S
λ∈Λ Iλ ; on a I ∈ E et Iλ ≤ I pour tout λ ∈ Λ, donc le lemme de Zorn nous assure
que E admet un élément maximal. Mais évidemment, tout élément maximal de E
est un idéal maximal de A. 

Corollaire 1.22. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal tel que 1 ∈


/ I. Alors, il existe
un idéal maximal de A qui contient I.

Démonstration. On applique le théorème 1.21 à l’anneau A/I qui est non nul, car
/ I. Si m est n’importe quel idéal maximal de A/I, l’image réciproque de m dans
1∈
A est un idéal maximal de A qui contient I (voir le lemme 1.4). 

Corollaire 1.23. Soit A un anneau, f ∈ A un élément non inversible. Alors il


existe un idéal maximal de A qui contient f .

Démonstration. Soit I := Af ; comme f n’est pas inversible, 1 ∈


/ I, donc il suffit
d’appliquer le corollaire 1.22 à l’idéal I. 
§ 1.3: Le spectre maximal est non vide 17

1.3.1. Anneaux de type fini sur un corps. Les anneaux que l’on trouve dans l’étude
de la géométrie algébrique sont parmi les plus intéressants pour nous. Ils sont sur-
tout des K-algèbres de présentation finie, avec K un corps arbitraire.
Pour simplifier, on supposera ici que K soit algébriquement clos, et on considère
la K-algèbre A := K[X1 , . . . , Xn ]. Tout f ∈ A peut se voir comme une fonction
algébrique définie sur le K-espace affine n-dimensionnel
f : Kn → K (a1 , . . . , an ) 7→ f (a1 , . . . , an ).
Soit a := (a1 , . . . , an ) ∈ K ; on peut définir comme dans la section précédente :
n

ma := {f ∈ A | f (a) = 0}
et le même argument montre que ma est un idéal maximal de A. Un des théorèmes
importants que l’on démontrera dans ce cours est le Nullstellensatz de Hilbert, qui
est l’analogue algébrique suivant du théorème 1.15 :
Théorème 1.24. Avec les notations et hypothèses ci-dessus, l’application
K n → Max A a 7→ ma
est une bijection. 
En particulier, cela donne une interpretation géométrique de l’ensemble Max A.
On peut se démander s’il y a une interpretation géométrique plus généralement
pour les idéaux premiers, ou même pour les idéaux tout court. Ci dessous je vais
expliquer à grandes lignes la situation générale : on y reviendra plus tard en détail.
Soit I ⊂ A := K[X1 , . . . , Xn ] un idéal ; on associe à I l’ensemble
V (I) := {a ∈ K n | f (a) = 0 ∀f ∈ I}.
D’autre part, à toute partie S ⊂ K n on peut associer l’idéal de A :
I(S) := {f ∈ A | f (a) = 0 ∀a ∈ S}.
Avec cette notation, on a l’identité suivante :
I(V (I)) = rad(I) := {f ∈ A | ∃n ∈ N tel que f n ∈ I}.
En particulier, la partie rad(I) est un idéal de A, appelé le radical de I. L’inclusion
rad(I) ⊂ I(V (I)) est triviale, car si f n (a) = 0 pour tout a ∈ V (I), on a évidemment
déjà f (a) = 0 pour tout a ∈ V (I). L’inclusion inverse est dure, et donne une forme
forte du Nullstellensatz.
Un sous-ensemble de K n du type V (I) pour un idéal I ⊂ A est dit algébrique.
Notons que si (fλ | λ ∈ Λ) est une famille de générateurs de l’idéal I, on a aussi
V (I) = {a ∈ K n | fλ (a) = 0 ∀λ ∈ Λ}.
P
En effet, tout élément de I s’ecrit sous la forme g = λ∈Λ′ Pλ · fλ pour une partie
finie Λ′ ⊂ Λ et un système P de polynômes (Pλ | λ ∈ Λ ), et si fλ (a) = 0 pour tout

λ ∈ Λ, on obtient g(a) = λ∈Λ′ Pλ (a) · fλ (a) = 0, i.e. a ∈ V (I).


On montrera aussi que tout idéal de A est engendré par un nombre fini de po-
lynômes (il s’agit d’un autre théorème de Hilbert, appelé théorème de la base).
Donc, les sous-ensembles algébriques de K n sont précisément les parties qui peuvent
s’écrire comme lieux des zéros d’un nombre fini de polynômes de A. Par ce qui pré-
cède, les sous-ensembles algébriques sont en bijections avec les les idéaux radicaux,
c’est à dire, les idéaux I ⊂ A tels que I = rad(I). Remarquons aussi que
rad(rad(I)) = rad(I) pour tout idéal I ⊂ A
donc le radical de n’importe quel idéal est un idéal radical (exercice !). Quel est le
rôle des idéaux premiers dans cette description ? On verra que tout sous-ensemble
algébrique de K n peut se décomposer de façon unique comme réunion finie de sous-
ensembles algébriques irréductibles : ces derniers sont les sous-ensembles algébriques
18 à Bélier

qui ne se décomposent davantage de cette façon. Or, l’idéal I(Z) d’un sous-ensemble
algébrique Z ⊂ K n est premier si et seulement si Z est irréductible.
Par analogie avec la situation topologique de la section 1.2, il convient d’intro-
duire une topologie sur K n : les parties fermées sont les sous-ensembles algébriques.
Donc, les ouverts sont réunions finies de parties de la forme
D(f ) := {a ∈ K n | f (a) 6= 0} ∀f ∈ A
et les sous-ensembles algébriques irréductibles seront précisément les parties fermées
irréductibles de K n .
Exercice 1.25. Montrer que deux parties ouvertes non vides de K n ont toujours
une intersection non vide. Donc, en contraste avec le cas topologique, la topologie
de Zariski sur K n n’est pas séparée.
Si maintenant A est un anneau arbitraire, on peut s’inspirer par ce qui précède
pour introduire de la même façon une topologie de Zariski sur Max A : à savoir,
celle engendrée par les parties
D(f ) := {m ∈ Max A | f ∈
/ m} ∀f ∈ A.
De même, tout idéal I de A définit une partie fermée de Max A notée :
V (I) = {m ∈ Max A | I ⊂ m}
comme tout à l’heure. Notre discussion montre que cette topologie n’est pas, en
général, séparée ; d’autre part, on a :
Proposition 1.26. La topologie de Zariski de Max A est compacte.
Démonstration. Soit (Uλ | λ ∈ Λ) une famille de parties ouvertes de Max A dont
la réunion est S Max A. Il faut montrer qu’il existe une partie finie Λ′ ⊂ Λ telle
que Max A = λ∈Λ′ Uλ . Pour cela, on se ramène aisément au cas où, pour tout
λ ∈ Λ il existe fλ ∈ A tel que Uλ = D(fλ ). Donc, pourP tout m ∈ Max A il existe
λ ∈ Λ tel que fλ ∈ / m. On déduit que l’idéal I := λ∈Λ Afλ n’est contenu dans
aucun idéalP maximal, et donc I = A, par le corollaire 1.22. D’où, une identité de la
forme 1 = λ∈Λ′ aλ fλ pour quelque partie finie Λ′ ⊂ Λ et un système d’éléments
(aλ | λ ∈ Λ′ ) de A. On voit aisément que ce Λ′ convient. 
1.4. Le spectre premier. La discussion précédente s’applique aussi bien au spec-
tre premier Spec A. En particulier, le théorème 1.21 implique trivialement que le
spectre premier d’un anneau A est vide si et seulement si A = 0. On a aussi une
topologie de Zariski sur Spec A, engendrée par les parties ouvertes de la forme
D(f ) := {p ∈ Spec A | f ∈
/ p} pour tout f ∈ A
et la preuve de la proposition 1.26 montre aussi bien que la topologie de Zariski de
Spec A est compacte. Si l’on s’intéressait seulement aux anneaux de type fini sur
un corps, on pourrait négliger le spectre premier, et ne considérer que le spectre
maximal, dont les points ont une interpretation géométrique directe, grâce au Null-
stellensatz. Toutefois, même pour l’étude des variétés algébriques définies sur un
corps algébriquement clos K, on a souvent à faire avec des anneaux qui ne sont
pas des K-algèbres de type fini, et pour manipuler des tels anneaux, le spectre
premier resulte être un outil plus efficace. Notamment, on peut remarquer que tout
homomorphisme d’anneaux f : A → B induit une application
Spec f : Spec B → Spec A p 7→ f −1 p.
En effet, si p ⊂ B est n’importe quel idéal, f induit un homomorphisme injectif
d’anneaux A/f −1 p → B/p ; or, si p est premier, B/p est intègre (voir le lemme 1.4),
donc A/f −1 p est intègre aussi (trivialement, un sous-anneau d’un anneau intègre
§ 1.4: Le spectre premier 19

est intègre), ce qui montre que f −1 p est bien un idéal premier de A. De plus, on
voit aisément que pour tout a ∈ A on a l’identité :
(Spec f )−1 D(a) = D(f (a))
(exercice !) donc Spec f est une application continue de Spec B dans Spec A. Par
contre, l’image réciproque d’un idéal maximal de B n’est pas nécessairement un
idéal maximal de A (bien qu’il soit, bien entendu, un idéal premier de A) : e.g. soit
f : Z → Q l’inclusion naturelle ; l’idéal {0} est maximal dans Q, mais son image
réciproque f −1 (0) = {0} n’est pas maximale dans Z.
Remarque 1.27. (i) Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal ; la projection canonique
π : A → A/I induit une application continue
Spec π : Spec A/I → Spec A.
Le lemme 1.4 nous dit que Spec π est injective, et son image est la partie fermée
V (I) := {p ∈ Spec A | I ⊂ p}. Plus précisément, la topologie de Zariski sur Spec A/I
coïncide avec la topologie induite par Spec A via l’application Spec π. En effet, toute
partie ouverte de Spec A/I est réunion de parties de la forme D(ā), avec ā ∈ A/I
la classe d’un élément a ∈ A ; on voit aisément que D(ā) = (Spec π)−1 (D(a)), donc
toute partie ouverte U de Spec A/I est image réciproque d’une partie ouverte de
Spec A. Autrement dit, l’espace topologique Spec A/I s’identifie canoniquement au
sous-espace fermé V (I) de Spec A.
(ii) Soit g : A → B un homomorphisme arbitraire d’anneaux, I ⊂ A un idéal ;
on dénote par IB ⊂ B l’idéal engendré par la partie g(I), et par ḡ : A/I → B/IB
l’homomorphisme d’anneaux induit par g de la façon évidente. Noter que
V (IB) = {p ∈ Spec B | f (I) ⊂ p} = (Spec g)−1 V (I)

et l’homéomorphisme canonique V (IB) → Spec B/IB de (i) identifie aussi Spec ḡ :
Spec B/IB → Spec A/I à la restriction V (IB) → V (I) de Spec g.
(iii) On a vu que g n’induit pas en général une application
Max g : Max B → Max A.
Toutefois, si g est surjective, Max g existe : en effet, dans ce cas l’image réci-
proque g −1 m d’un idéal maximal de B est bien un idéal maximal de A, car l’ap-
plication induite A/g −1 m → B/m est bijective, donc A/g −1 m est un corps si et
seulement si B/m est un corps (proposition 1.3(ii)). En raisonnant comme dans
(i), on voit aisément que dans ce cas Max g identifie Max B au sous-espace fermé
{m ∈ Max A | g −1 (0) ⊂ m} de Max A : les détails seront laissés aux soins du lecteur.
Exercice 1.28. (i) Déterminer Spec Z (avec sa topologie).
(ii) Soit K un corps algébriquement clos. Donner une description de l’espace
topologique Spec K[T ].
(iii) Plus généralement, décrire Spec K[T ] si K est un corps parfait.
(iv) Soit K un corps, E une extension algébrique purement inséparable de K.
Montrer que l’inclusion i : K[T ] → E[T ] induit un homéomorphisme

Spec i : Spec E[T ] → Spec K[T ].
Exercice 1.29. Soit K un corps algébriquement clos, et
f : K[X1 , . . . , Xn ] → K[Y1 , . . . , Ym ]
un homomorphisme de K-algèbres. Donc f (a) = a pour toute constante a ∈ K, et
f est déterminé par les polynômes
Pi (Y1 , . . . , Ym ) := f (Xi ) i = 1, . . . , n.
20 à Bélier

(i) Montrer que, malgré la discussion précédente, l’application Spec f se restreint


en une application
Max f : Max K[Y1 , . . . , Ym ] → Max K[X1 , . . . , Xn ] m 7→ f −1 m.
(ii) Les identifications K n ≃ Max K[X1 , . . . , Xn ] et K m ≃ Max K[Y1 , . . . , Ym ] don-
nées par le Nullstellensatz permettent d’interpréter Max f comme une application
φ : K m → K n . Montrer que
φ(a) = (P1 (a), . . . , Pn (a)) ∀a := (a1 , . . . , am ) ∈ K m .
Définition 1.30. (i) Soit A un anneau. Les idéaux
\ \
J (A) := m et N (A) := p
m∈Max A p∈Spec A

sont appelés respectivement le radical de Jacobson et le radical nilpotent (ou nilra-


dical ) de A. (Si A = {0}, on pose J (A) = N (A) = {0}.)
(ii) On dit que A est réduit si N (A) = 0.
Exemple 1.31. Si A = C (T ) avec T un espace topologique compact et séparé,
le théorème 1.15 montre qu’un élément f ∈ A appartient à J (A) si et seulement
si f (t) = 0 pour tout t ∈ T , i.e. si et seulement si f = 0, donc J (A) = 0 (et a
fortiori, aussi N (A) = 0).
On a les caractérisations générales suivantes :
Théorème 1.32. Soit A 6= 0 un anneau, f ∈ A un élément. Alors :
(i) f ∈ J (A) si et seulement si 1 − af ∈ A× pour tout a ∈ A.
(ii) N (A) est l’ensemble des éléments nilpotents de A.
Démonstration. (i) : Si f ∈ J (A) et a ∈ A, l’élément 1 − af n’est contenu dans
aucun idéal maximal (car si m ∈ Max A et 1 − af ∈ m, on aurait 1 = (1 − af )+ af ∈
m, ce qui est absurde). Par le corollaire 1.23 on déduit que 1 − af est inversible.
D’autre part, supposons que m soit un idéal maximal et f ∈ A un élément qui
n’appartient pas à m ; donc la classe f¯ ∈ A/m est 6= 0, et comme A/m est un corps
(proposition 1.3(ii)), il existe a ∈ A dont la classe ā ∈ A/m satisfait f¯ · ā = 1̄. Cela
veut dire que 1 − af ∈ m, en particulier, 1 − af n’est pas inversible dans A.
(ii) : Si f ∈ A est un élément nilpotent, il existe n ∈ N tel que f n = 0, donc
f ∈ p pour tout idéal premier p de A, d’où f ∈ p aussi.
n

D’autre part, supposons que f ∈ A ne soit pas nilpotent, et notons


Sf := {f n | n ∈ N}.
Soit E l’ensemble des idéaux I ⊂ A tels que I ∩ Sf = ∅. On munit E de la
relation d’ordre donnée par inclusion d’idéaux. Comme 0 ∈ / Sf , on a {0} ∈ E,
donc ES6= ∅. Si (Iλ | λ ∈ Λ) est une famille totalement ordonnée d’éléments de E,
l’idéal λ∈Λ Iλ est aussi un élément de E. Par le lemme de Zorn, on déduit que
E possède un élément maximal I. Montrons que I est un idéal premier de A. En
effet, soient x, y ∈ A \ I ; par maximalité de I on a I + Ax, I + Ay ∈ / E, i.e. il
existe n, m ∈ N, a, a′ ∈ A et b, b′ ∈ I tels que f n = ax + b, f m = a′ y + b′ . Donc,
f m+n = aa′ xy + axb′ + ba′ y + bb′ ∈/ I . Il s’ensuit que aa′ xy ∈
/ I, et alors xy ∈
/ I,
d’où l’assertion. Par construction, f ∈/ I, et on conclut que f ∈ / N (A). 
Corollaire 1.33. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, et π : A → A/I la projection
canonique. Alors on a :
(i) L’application induite Spec π : Spec A/I → Spec A est un homéomorphisme si
et seulement si I ⊂ N (A).
§ 1.5: Le langage catégoriel 21

(ii) L’application induite Max π : Max A/I → Max A est un homéomorphisme si


et seulement si I ⊂ J (A).
Démonstration. Cela se déduit immédiatement de la remarque 1.27(i,iii). 
Exercice 1.34. Soit A un anneau, n ∈ N un entier.
(i) Soit aussi P (T ) := a0 + a1 T + · · · + ak T k ∈ A[T ] un polynôme. Montrer que P
est inversible dans A[T ] si et seulement si a0 ∈ A× et a1 , . . . , ak ∈ N (A).
(ii) Pour tout idéal I ⊂ A, soit I[T1 , . . . , Tn ] := I · A[T1 , . . . , Tn ]. Déduire de (i) que
J (A[T1 , . . . , Tn ]) = N (A[T1 , . . . , Tn ]) = N (A)[T1 , . . . , Tn ].
Donc, J (A[T1 , . . . , Tn ]) = 0 si N (A) = 0 (voir aussi les exercices 6.23 et 6.87).
1.5. Le langage catégoriel. Bien que la théorie des catégories soit un domaine
autonome des mathématiques, avec des théorèmes profonds et sa provision de pro-
blèmes ouverts qui alimentent une recherche vive, le but primaire de cette section
n’est pas de démontrer des résultats nouveaux, mais plutôt de nous doter d’un
langage très souple et pratique, qui gagnera des économies importantes pour notre
exposition, et nous permettra parfois de déceler des correspondances remarquables
entre objets algébriques divers, qui resteraient autrement cachées, faute d’un voca-
bulaire adéquat pour les exprimer.
1.5.1. Catégories. Tout d’abord, une catégorie C est la donnée de :
— un ensemble Ob(C ) dont les éléments sont appelés les objets de C
— pour tout X, Y ∈ Ob(C ), un ensemble C (X, Y ) dont les éléments sont appelés
les morphismes de X vers Y ; un morphisme f ∈ C (X, Y ) est noté par une
flèche f : X → Y , et on dit que X est la source et Y le but de f
— pour tout X, Y, Z ∈ Ob(C ), une application
C (X, Y ) × C (Y, Z) → C (X, Z) (f, g) 7→ g ◦ f
appelé loi de composition de C .
Cette donnée doit remplir les conditions suivantes :
— pour tout X ∈ Ob(C ) il existe un morphisme identique 1X : X → X qui est
neutre par la composition, i.e. tel que
1X ◦ f = f et g ◦ 1X = g ∀Y ∈ Ob(C ), ∀f ∈ C (Y, X), ∀g ∈ C (X, Y )
(évidemment, ces identités déterminent 1X parmi les éléments de C (X, X))
— la composition est associative, i.e. pour tout X, Y, Z, W ∈ Ob(C ) on a
h ◦ (g ◦ f ) = (h ◦ g) ◦ f ∀f : X → Y, ∀g : Y → Z, ∀h : Z → W.
Exemple 1.35. Voici quelques exemples de catégories :
(i) La catégorie Ens des ensembles a pour objets tous les ensembles, et les mor-
phismes sont les applications ensemblistes. Evidemment, le morphisme identique
d’un ensemble X est l’identité usuelle de X.
(ii) Les espaces topologiques sont les objets d’une catégorie
Top
dont les morphismes sont les applications continues.
(iii) Les anneaux (resp. les groupes abéliens) sont les objets d’une catégorie,
dont les morphismes sont les homomorphismes d’anneaux (resp. de groupes).
(iv) Soit A un anneau. Les A-algèbres (resp. les A-modules) sont les objets d’une
catégorie
A − Alg (resp. A − Mod)
dont les morphismes sont les homomorphismes de A-algèbres (resp. de A-modules).
Pour A = Z on retrouve essentiellement les catégories de (iii) : en effet, la donnée
d’une Z-algèbre est équivalente à celle d’un anneau (voir la remarque 1.2(i)), et
22 à Bélier

un Z-module n’est rien d’autre qu’un groupe abélien. Donc dans la suite on notera
Z−Alg et Z−Mod les catégories des anneaux et respectivement des groupes abéliens.
(v) Les ensembles partiellement ordonnés sont les objets d’une catégorie

PoEns

avec les morphismes donnés par la définition 1.18.


(vi) On peut associer à tout ensemble S une catégorie CS dont les objets sont les
éléments de S, avec les morphismes définis de la façon suivante. Pour tout x ∈ S, il
existe un unique morphisme x → x (il doit donc être le morphisme identique 1x ) et
si x, y ∈ S sont deux éléments distincts, on a CS (x, y) = ∅. On voit trivialement que
pour tout x, y, z ∈ S il existe une application unique CS (x, y)×CS (y, z) → CS (x, z),
et le système de ces applications fournit une loi de composition qui fait de CS une
catégorie. Une catégorie de cette forme est appelée discrète. Donc, une catégorie
est discrète si et seulement si tous ses morphismes sont identiques.
(vii) On peut associer à tout ensemble partiellement ordonné (E, ≤) une ca-
tégorie CE , dont les objets sont les éléments de E, et dont les morphismes sont
définis de la façon suivante. Pour tout x, y ∈ E l’ensemble CE (x, y) est vide, sauf si
x ≤ y, auquel cas il contient un unique morphisme φx,y : x → y (et donc φx,x = 1x
pour tout x ∈ E) ; autrement dit, les morphismes de CE sont les couples (x, y)
d’éléments de E avec x ≤ y. Comme dans (vi) ci-dessus, on voit aisément que pour
tout x, y, z ∈ E il existe une unique application CE (x, y) × CE (y, z) → CE (x, z), et
le système de ces applications forme une loi de composition pour la catégorie CE .

Remarque 1.36. (i) Il est bien connu que lorsqu’on essaie de manipuler naivement
des collections “très grosses”, comme par exemple “l’ensemble de tous les ensem-
bles”, on frôle inévitablement des paradoxes logiques ; pour s’en sortir, les théories
axiomatiques des ensembles imposent des bornes à la taille des ensembles que l’on
peut former légitimement : par exemple, certains cadres axiomatiques introduisent
une distinction entre classes et ensembles, et la collection de tous les ensembles est
alors une classe (et non pas un ensemble) ; d’autres encore postulent une hiérarchie
croissante d’ensembles “très gros” appelés univers : si on adopte cette croyance, on
imagine toujours de travailler à l’interieur d’un univers fixé, tenant lieu d’ensemble
de tous les ensembles, mais qui n’est, à son tour, qu’un élément d’un univers en-
core plus grand. Il s’ensuit que, afin de justifier pleinement notre exemple 1.35(i),
il faudrait, soit modifier la définition de catégorie : dans ce cas, on dira plutôt que
Ob(C ) est une classe ; soit préciser que l’on considère l’ensemble de tous les en-
sembles contenus dans un univers fixé. Des remarques analogues s’appliquent aux
cas (ii), (iii), (iv) et (v) de l’exemple 1.35.
(ii) Un moment de reflexion suffit pour constater que la structure de catégorie est
parmi les plus répandues : on pourrait évidemment prolonger la liste de l’exemple
1.35 ad infinitum, parcourant pratiquement tous les champs des mathématiques.
En raison de cette ubiquité, la théorie des catégories a même été proposée comme
base d’une nouvelle réorganisation conceptuelle des fondements des mathématiques,
alternative à la théorie des ensembles : notablement, les paradoxes auxquels on
fait allusion dans (i) ci-dessus disparaissent dans un contexte purement catégoriel,
essentiellement car la relation “X est un objet de la catégorie C ” n’a pas le même
statut logique que la relation “X est un élément de l’ensemble C ” : voir [14, Chap.8].

Rappelons que à tout ensemble partiellement ordonné (E, ≤) on a associé son op-
posé (E op , ≤op ) (voir la remarque 1.19(ii)) ; on en déduit une catégorie CE op que
l’on peut décrire directement à partir de CE : il s’agit de la catégorie qui a les
mêmes objets que CE , mais dont tous les morphismes “changent de direction”. Il
s’agit d’un cas particulier d’une construction tout à fait générale : si C est une
§ 1.5: Le langage catégoriel 23

catégorie arbitraire, on obtient une catégorie opposée


C op
dont les objets sont les objets de C , et avec C op (X, Y ) := C (Y, X) pour tout
X, Y ∈ Ob(C ). Si X est un objet de C , on peut utiliser la notation X op pour signaler
que l’on regarde X comme un élément de Ob(C op ) ; de même, tout morphisme
f : X → Y de C correspond à un morphisme f op : Y op → X op de C op , et la loi de
composition de C op est déterminée par l’identité :
f op ◦ g op := (g ◦ f )op ∀f : X → Y, ∀g : Y → Z dans C .
En particulier, noter que 1X op = (1X )op pour tout X ∈ Ob(C ). Avec cette termi-
nologie, on voit que CEop = CE op pour tout ensemble partiellement ordonné (E, ≤).
Définition 1.37. Souvent on sélectionne des objets et/ou des morphismes d’une
catégorie donnée C pour définir une nouvelle catégorie : on dit qu’un catégorie D
est une sous-catégorie de C si
Ob(D) ⊂ Ob(C ) et D(X, Y ) ⊂ C (X, Y ) ∀X, Y ∈ Ob(D)
et la loi de composition de D est la restriction de celle de C . Si de plus on a
D(X, Y ) = C (X, Y ) pour tout X, Y ∈ Ob(D), on dit que D est une sous-catégorie
pleine de C .
Exemple 1.38. (i) Evidemment, pour spécifier une sous-catégorie pleine de C il
suffira d’indiquer l’ensemble de ses objets, et à toute partie de Ob(C ) correspond
une et une seule sous-catégorie pleine de C . Par exemple, les espaces topologiques
compacts forment une sous-catégorie pleine de Top.
(ii) Un exemple de sous-catégorie non pleine de Ens est la catégorie
injEns
dont les objets sont les ensembles, et les morphismes sont les applications injectives.
(iii) Si S est un ensemble, et S ′ ⊂ S une partie, évidemment CS ′ est une sous-
catégorie pleine de CS (notation de l’exemple 1.35(vi)).
(iv) De même, si (E, ≤) est un ensemble partiellement ordonné, et E ′ ⊂ E une
partie, on peut munir E ′ de l’ordre partiel induit par celui de E, et évidemment
CE ′ est une sous-catégorie pleine de CE (notation de l’exemple 1.35(vii)).
1.5.2. Isomorphismes, monomorphismes, épimorphismes. Soit C une catégorie, et
f : X → Y un morphisme de C ; il est naturel d’appeler f un isomorphisme de C ,
s’il existe des morphismes g, h : Y → X tels que
(∗) g ◦ f = 1X et f ◦ h = 1Y .
Par exemple, évidemment, les isomorphismes de la catégorie Ens sont les appli-
cations bijectives, et ceux de la catégorie Top sont les homéomorphismes. Tout
morphisme identique de C est trivialement un isomorphisme, et en particulier tout
morphisme de la catégorie CS de l’exemple 1.35(vi) est trivialement un isomor-
phisme. De même, en raison de la propriété antisymetrique des relations d’ordre,
les seuls isomorphismes de la catégorie CE de l’exemple 1.35(vii) sont les mor-
phismes identiques. La notion d’isomorphisme est ainsi le premier exemple d’un
concept purement catégoriel, car il peut s’exprimer avec le langage des morphismes
et des lois de composition, et les propriétés des isomorphismes qui peuvent se dé-
duire à partir des axiomes énoncés ci-dessus pour les lois de composition sont alors
vraies dans toute catégorie. Par exemple, montrons que si f est un isomorphisme,
on a g = h dans (∗) ; en effet, on peut calculer :
g = g ◦ 1Y = g ◦ (f ◦ h) = (g ◦ f ) ◦ h = 1X ◦ h = h.
24 à Bélier

Remarquons aussi que dans la catégorie Ens, l’existence d’une inverse à gauche g
(resp. à droite h) pour f est équivalente à l’injectivité (resp. la surjectivité) de f ;
d’autre part, dans la catégorie Top il existe des applications injectives qui n’ad-
mettent aucune inverse (continue) à gauche. On peut alors se demander si l’injecti-
vité est une propriété catégorielle des morphismes de la catégorie Top. Autrement
dit, est-il possible caractériser les applications continues injectives d’espaces topolo-
giques avec le langage des morphismes et composition de morphismes ? La réponse
est fournie par la première partie de la définition suivante.
Définition 1.39. Soit C une catégorie, f : X → Y un morphisme de C .
— On dit que f est un monomorphisme, si pour tout objet Z de C , l’application
C (Z, X) → C (Z, Y ) (h : Z → X) 7→ (f ◦ h : Z → Y )
est injective.
— On dit que f est un épimorphisme, si pour tout objet Z de C , l’application
C (Y, Z) → C (X, Z) (g : Y → Z) 7→ (g ◦ f : X → Z)
est injective.
Exercice 1.40. (i) Avec la notation de la définition 1.39, montrer que si f admet
une inverse à gauche (resp. à droite), alors f est un monomorphisme (resp. un
épimorphisme).
(ii) Montrer que les monomorphismes de la catégorie Ens (resp. Top) sont les
applications injectives (resp. les applications continues injectives).
(iii) Montrer que les épimorphismes de la catégorie Ens (resp. Top) sont les
applications surjectives (resp. les applications continues surjectives).
(iv) On dit qu’un espace topologique est complètement régulier, s’il est séparé,
et pour toute partie fermée Z et tout t ∈ T \ Z il existe une fonction continue
f : T → [0, 1] telle que f (Z) = 0 et f (t) = 1. Par exemple, grâce au lemme de
Urysohn et l’exercice 1.13(v), tout espace compact et séparé, et plus généralement,
tout espace normal est complètement régulier. Notons par
crTop
la sous-catégorie pleine de Top dont les objets sont les espaces topologiques com-
plètement réguliers. Montrer que les épimorphismes de crTop sont les applications
continues f : X → Y telles que f (X) est une partie dense de Y .
(v) Soit A un anneau. Montrer que les monomorphismes de la catégorie A −
Alg (resp. A − Mod) sont les homomorphismes injectifs de A-algèbres (resp. les
homomorphismes injectifs de A-modules). Montrer aussi que les épimorphismes de
A − Mod sont les homomorphismes surjectifs de A-modules.
Remarque 1.41. (i) D’autre part, on trouvera dans la leçon suivante des homomor-
phismes non surjectifs de A-algèbres qui sont des épimorphismes de A − Alg.
(ii) Noter que tout morphisme de la catégorie CE de l’exemple 1.35(vii) est à la
fois un monomorphisme et un épimorphisme.
(iii) Noter aussi qu’un morphisme f d’une catégorie C est un monomorphisme si
et seulement si f op est un épimorphisme de la catégorie C op : c’est une illustration
d’un principe général de la théorie des catégories : tout concept (et tout théorème)
catégoriel admet un dual, obtenu simplement renversant les directions des flèches.
(iv) Comme déjà vu pour les isomorphismes, on peut déduire certaines propriétés
des monomorphismes et épimorphismes à partir des axiomes catégoriels, et ces
propriétés sont alors valables dans toute catégorie. Une telle propriété est donnée
par l’exercice 1.40(i) ; un autre exemple est l’observation que la composition de
deux monomorphismes f : X → Y et g : Y → Z est toujours un monomorphisme
g ◦ f . De même pour la composition d’épimorphismes ; d’ailleurs, l’assertion pour
§ 1.5: Le langage catégoriel 25

les épimorphismes se déduit de celle pour les monomorphismes, grâce au principe


de dualité signalé en (iii) ci-dessus.
1.5.3. Foncteurs. L’ensemble (ou la classe : voir la remarque 1.36(i)) des tous les
catégories est elle aussi une catégorie ! Si C et C ′ sont deux catégories, un mor-
phisme F : C → C ′ est appelé traditionellement un foncteur de C dans C ′ . Ce
dernier est la donnée de :
— une application F : Ob(C ) → Ob(C ′ )
— pour tout X, Y ∈ Ob(C ) une application FXY : C (X, Y ) → C ′ (F X, F Y )
soumise aux conditions suivantes :
— pour tout X ∈ Ob(C ) on a FXX (1X ) = 1F X
— pour tout X, Y, Z ∈ Ob(C ) et tout f ∈ C (X, Y ), g ∈ C (Y, Z) on a
FY Z (g) ◦ FXY (f ) = FXZ (g ◦ f ).
On dit que F est fidèle (resp. plein) si FXY est une injection (resp. une surjection)
pour tout X, Y ∈ Ob(C ). Dans la suite, on omettra généralement le souscrit dans
la notation FXY , et on écrira plus simplement F f pour tout morphisme f de C .
Exemple 1.42. Voici quelques exemples de foncteurs :
(i) Toute catégorie C admet un foncteur identique 1C : C → C , tel que 1C X :=
X et 1C f := f pour tout objet X et tout morphisme f de C . Notons aussi que si
F : C → C ′ et G : C ′ → C ′′ sont deux foncteurs, on obtient une composition
G◦F : C → C ′′ X 7→ G(F X) (f : X → Y ) 7→ (G(F f ) : G(F X) → G(F Y ))
et cette loi de composition est évidemment associative. Cela justifie notre asser-
tion ci-dessus sur l’existence de la catégorie des catégories (on glissera ici sur les
difficultés logiques qu’une telle construction entraîne : brièvement, la catégorie des
catégories contenues dans un univers fixé U ne sera pas un élément de U , mais il
faudra la placer dans un univers plus gros...).
(ii) Soit A un anneau. A tout ensemble Λ on a associé le A-module libre A(Λ)
(voir l’exemple 1.5(iv)) ; on peut prolonger cette association en un foncteur fidèle
A(−) : Ens → A − Mod Λ 7→ A(Λ) .
Pour cela, on doit associer à toute application φ : Λ → Λ′ une application A-linéaire

A(φ) : A(Λ) → A(Λ ) , de telle façon que A(1Λ ) = 1A(Λ) pour tout ensemble Λ, et
′ ′
A(φ ) ◦ A(φ) = A(φ ◦φ) pour toutes applications φ : Λ → Λ′ et φ′ : Λ′ → Λ′′ . Soient

(eλ | λ ∈ Λ) et (e′λ′ | λ′ ∈ Λ′ ) les bases canoniques de A(Λ) et respectivement A(Λ ) ;
pour définir A il suffit d’expliciter les images des eλ , et on pose
(φ)

A(φ) (eλ ) := e′φ(λ) ∀λ ∈ Λ.


Avec cette définition, les conditions requises sont trivialement vérifiées.
(iii) D’autre part, on a aussi associé à chaque ensemble Λ le produit direct AΛ ,
mais on ne peut pas prolonger fonctoriellement cette association sur la catégorie
des ensembles (du moins, il n’y a aucune façon naturelle ou simple pour obtenir un
tel prolongement). Toutefois, on peut définir un foncteur fidèle
A− : injEns → A − Mod Λ 7→ AΛ
(notation de l’exemple 1.38(ii)). En effet, à toute application injective φ : Λ → Λ′
on associe l’application A-linéaire

Aφ : AΛ → AΛ (aλ | λ ∈ Λ) 7→ (a′λ′ | λ′ ∈ Λ′ )
où a′φ(λ) := aλ pour tout λ ∈ Λ, et a′λ′ := 0, si λ′ ∈
/ φ(Λ).
(iv) A toute application d’ensembles φ : S → S ′ on peut associer un foncteur
Cφ : CS → CS ′ (notation de l’exemple 1.35(vi)). Pour cela, on pose Cφ (x) := φ(x)
et évidemment C (1x ) := 1φ(x) pour tout x ∈ S = Ob(CS ).
26 à Bélier

(v) De même, à tout morphisme φ : (E, ≤) → (E ′ , ≤) d’ensembles partiellement


ordonnés on peut associer un foncteur Cφ : CE → CE ′ tel que Cφ (x) := φ(x) pour
tout x ∈ E, et Cφ (x → y) := (φ(x) → φ(y)) pour tout x, y ∈ E avec x ≤ y (notation
de l’exemple 1.35(vii)).
(vi) A tout espace topologique T on a associé l’anneau C (T ) des fonctions
continues sur T à valeurs réels, et à toute application continue f : T → T ′ on a
associé aussi un homomorphisme d’anneaux, mais dont la direction est renversée,
car f ∗ est plutôt une application C (T ′ ) → C (T ) : voir l’exercice 1.17. De plus,
on vérifie aisément que (g ◦ f )∗ = f ∗ ◦ g ∗ si f : T → T ′ et g : T ′ → T ′′ sont
deux applications continues arbitraires. On voit alors que l’on peut interpréter les
associations T 7→ C (T ) et f 7→ f ∗ comme la donnée d’un foncteur
Topop → R − Alg.
En général, si C et D sont deux catégories, un foncteur C op → D est aussi appelé
un foncteur contravariant de C dans D. (Noter que décider si un foncteur soit
contravariant est surtout une question de perspective : car (C op )op = C , donc tout
foncteur C → D peut se voir comme un foncteur contravariant de C op dans D.)
(vii) Notons csTop la sous-catégorie pleine de Top dont les objets sont les espaces
topologiques compacts et séparés. On obtient un foncteur
csTopop → R − Alg
par restriction du foncteur de (vi) ci-dessus, et l’exercice 1.17(ii) nous dit que ce
foncteur est plein et fidèle.
(viii) A tout anneau A on a associé l’espace topologique Spec A, et à tout
homomorphisme d’anneau f : A → B on a associé l’application continue Specf :
Spec B → Spec A (voir la section 1.4) ; on a donc un foncteur
Spec : Z − Algop → Top.
(ix) D’autre part, on a remarqué que l’association A 7→ Max A n’est pas foncto-
rielle sur toute la catégorie des anneaux. Néanmoins, le spectre maximal donne un
foncteur contravariant sur :
— la sous-catégorie pleine de K − Alg dont les objets sont les K-algèbres de type
fini, pour tout corps K algébriquement clos (voir l’exercice 1.29(i))
— la sous-catégorie de Z − Alg dont les objets sont tous les anneaux, et les mor-
phismes sont les homomorphismes surjectifs d’anneaux (remarque 1.27(iii)).
Remarque 1.43. Soit F : C → C ′ un foncteur.
(i) Si on inverse la direction des flèches de C et C ′ , on obtient le foncteur opposé
F op : C op → C ′op
tel que F op (X op ) := (F X)op et F op (f op ) := (F f )op pour tout X ∈ Ob(C ) et tout
morphisme f de C .
(ii) Evidemment, F est un isomorphisme de catégories si et seulement si l’appli-
cation correspondante Ob(C ) → Ob(C ′ ) est bijective, et FXY est une bijection pour
tout X, Y ∈ Ob(C ). Toutefois, dans des nombreuses situations – surtout quand il
s’agit de “grosses” catégories comme Ens ou Top – cette condition est trop restrictive
pour être utile ; la notion vraiment intéressante est son assouplissement suivant :
Définition 1.44. Soient C et C ′ deux catégories.
(i) On dit qu’un foncteur F : C → C ′ est une équivalence s’il est plein et fidèle,

et pour tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) il existe X ∈ Ob(C ) et un isomorphisme F X → X ′ .
(ii) On dit que C est équivalente à C ′ s’il existe une équivalence C → C ′ .
Noter que l’application Ob(C ) → Ob(C ′ ) correspondante à une équivalence
C → C ′ n’est pas forcément injective, ni surjective ; néanmoins, pour plusieurs
§ 1.5: Le langage catégoriel 27

questions l’existence d’une équivalence de C vers C ′ rend ces catégories virtuelle-


ment interchangeables ; par exemple, on a :
Exercice 1.45. (i) Soit F : C → C ′ un foncteur, f : X → Y un morphisme de C .
Montrer les assertion suivantes :
(a) Si F est plein et fidèle, alors f est un isomorphisme de C si et seulement si
F f est un isomorphisme de C ′ .
(b) Si F est une équivalence, alors f est un monomorphisme (resp. un epimor-
phisme) si et seulement si F f jouit de la même propriété.
(ii) Soient F : C → C ′ et G : C ′ → C ′′ deux équivalences de catégories. Montrer
que G ◦ F : C → C ′′ est une équivalence.
Exemple 1.46. Soit A un anneau ; pour tout A-module M , le dual de M est le
A-module des formes A-linéaires M → A, noté
M ∨ := HomA (M, A).
Toute application A-linéaire f : M → N induit un homomorphisme transposé
φ φ◦f
f∨ : M∨ → N∨ (N −
→ A) 7→ (M −−→ A).
Evidemment (IdM )∨ = IdM ∨ pour tout A-module M , et (g ◦ f )∨ = f ∨ ◦ g ∨ pour
toute couple d’applications A-linéaires f : M → N et g : N → P . On a donc un
foncteur contravariant bien défini
(−)∨ : (A − Mod)op → A − Mod.
Notons aussi A − Modltf la sous-catégorie pleine de A − Mod dont les objets sont les
A-modules libres de type fini. Si L est un A-module libre de rang r ∈ N, le dual L∨
est aussi libre de rang r : en effet, toute base e1 , . . . , er de L induit une base duale
e∗1 , . . . , e∗r de L∨ telle que e∗i (ei ) = 1 et e∗i (ej ) = 0 pour tout i 6= j (les vérifications
sont laissées aux soins du lecteur) ; i.e. (−)∨ induit par restriction un foncteur
(−)∨ : (A − Modltf)op → A − Modltf.
Montrons que ce dernier est une équivalence. En effet, évidemment tout A-module
libre L de rang fini est isomorphe à L∨ ; l’assertion revient donc à voir que pour
tout A-module libre L et L′ de rang fini on a un isomorphisme :

HomA (L, L′ ) → HomA (L′∨ , L∨ ) f 7→ f ∨
Pour cela, fixons des bases e1 , . . . , er et e′1 , . . . , e′s de L et respectivement L′ ; la
donnée d’une application A-linéaire f : L → L′ est équivalente à celle de la matrice
r
X
(aji | i = 1, . . . , r; j = 1, . . . , s) telle que f (ei ) = aji e′j ∀i ≤ r.
j=1

et f ∨ correspond
Pr à la matrice transposée (aij | j = 1, . . . , s; i = 1, . . . , r), i.e.
f ∨ (e′∗ j ) = i=1 aij e∗i pour tout j = 1, . . . , s. L’assertion s’ensuit aussitôt. Dans cet
exemple, le foncteur (−)∨ est donné par une application injective et non surjective
Ob((A − Modltf)op ) → Ob(A − Modltf).
1.5.4. Transformations naturelles. Si C , C ′ sont deux catégories, l’ensemble des
foncteurs de C dans C ′ est à son tour une catégorie. En effet, si F, G : C → C ′
sont deux foncteurs, une transformation naturelle de F dans G, notée
F
✤✤ ✤✤ ' ′
C  ω 8 C ou simplement ω:F →G
G
28 à Bélier

est la donnée d’un système de morphismes de la catégorie C ′


ωX : F X → GX ∀X ∈ Ob(C )
tels que pour tout morphisme f : X → Y de C , on a un diagramme commutatif
ωX
FX / GX

Ff Gf
 ωY 
FY / GY.

Remarque 1.47. (i) Tout foncteur F : C → C ′ admet une transformation identique


1F : F → F X 7→ 1F X ∀X ∈ Ob(C ).
(ii) Les transformations naturelles peuvent être composées : si H : C → C ′ est un
autre foncteur, et τ : G → H une autre transformation naturelle, on définit
τ ◦ω :F →H X 7→ (τX ◦ ωX : F X → HX).
(iii) Un isomorphisme de foncteurs est bien sur une transformation naturelle ω
inversible à gauche et à droite ; cela revient à dire que ωX est un isomorphisme pour
tout X ∈ Ob(C ) : en effet, dans ce cas on obtient une transformation réciproque
ω −1 : G → F X 7→ (ωX )−1 : GX → F X
et évidemment ω −1 ◦ ω = 1F , ω ◦ ω −1 = 1G . On notera
Cat Fun(C , C ′ ) et Nat(F, G)
respectivement la catégorie des catégories, la catégorie des foncteurs C → C ′ et
l’ensemble des transformations naturelles F → G. Donc, C , C ′ ∈ Ob(Cat), et on
a Cat(C , C ′ ) := Ob(Fun(C , C ′ )), et pour tout F, G ∈ Ob(Fun(C , C ′ )), l’ensemble
Nat(F, G) est aussi l’ensemble des morphismes F → G dans la catégorie Fun(C , C ′ ).
(iv) Noter aussi que si ω : F → G est une transformation naturelle, renversant
la direction des flèches on obtient une transformation opposée
op
ω op : Gop → F op X op 7→ (ωX : (GX)op → (F X)op ).
Exemple 1.48. (i) Soit C une catégorie, et on dénote
E(C ) := Nat(1C , 1C )
i.e. l’ensemble des endomorphismes du foncteur identique de C . Munissons E(C )
de l’opération E(C ) × E(C ) → E(C ) donnée par composition d’endomorphismes.
Cette opération est associative, et admet un élément neutre : l’endomorphisme
identique du foncteur identique ; de plus, cette opération est commutative, car si
η, η ′ ∈ E(C ), on a par définition f ◦ ηX = ηY ◦ f pour tout morphisme f : X → Y
de C , et si on choisit f := ηX

: X → X on trouve η ′ ◦ η = η ◦ η ′ . Donc (E(C ), ◦)
est un monoïde commutatif. La partie E(C )× des automorphismes de 1C est un
groupe abélien.
(ii) Si on prend C = A − Mod pour un anneau donné A, on peut aussi définir
une loi d’addition sur E(A − Mod) : en effet, si η, η ′ sont deux endomorphismes du
foncteur identique de A − Mod, on obtient une transformation naturelle η + η ′ :
1A−Mod → 1A−Mod si on pose
(η + η ′ )M := ηM + ηM

:M →M ∀M ∈ Ob(A − Mod)
(détails laissés aux soins du lecteur). On vérifie aisément que (E(A − Mod), ◦, +)
est un anneau (commutatif et associatif).
(iii) De plus, il existe un isomorphisme canonique d’anneaux

ω : A → E(A − Mod).
§ 1.5: Le langage catégoriel 29

Donc, l’anneau A peut être reconstitué à partir de la catégorie des A-modules. En


effet, à tout a ∈ A on peut associer la tranformation naturelle ωa ∈ E(A − Mod)
telle que ωa,M := a·IdM pour tout A-module M . Soit maintenant η ∈ E(A−Mod) ;
alors il existe un élément a ∈ A unique tel que ηA = a · IdA , et il suffit de montrer
que η = ωa . Pour cela, soit M un A-module, et x ∈ M un élément ; soit aussi
f : A → M l’unique application A-linéaire telle que f (1) = x. On a :
ηM (x) = ηM ◦ f (1) = f ◦ ηA (1) = f (a) = ax.
Comme x est arbitraire, cela montre que ηM = a · IdM , CQFD.
Exercice 1.49. Il existe une deuxième loi de composition pour transformations
naturelles, appelée produit de Godement, qui s’applique aux diagrammes du type :
F F′
✤✤ ✤✤ ' ′ ✤✤ ✤✤ ′ ) ′′
C  ω 8 C  ω 7 C .
G G′

A savoir, on pose
(ω ′ ∗ ω)X := ωGX

◦ F ′ (ωX ) ∀X ∈ Ob(C ).
Montrer que :
(i) (ω ′ ∗ ω)X = G′ (ωX ) ◦ ωF′ X pour tout X ∈ Ob(C ).
(ii) Le système ((ω ′ ∗ ω)X | X ∈ Ob(C )) définit une transformation naturelle
ω ′ ∗ ω : F ′ ◦ F → G′ ◦ G.
Si F = G et ω = 1F , on écrit aussi ω ′ ∗ F au lieu de ω ∗ 1F , et de même, si F ′ = G′
et ω ′ = 1F ′ , on écrit F ′ ∗ ω plutôt que 1F ′ ∗ ω. Donc :
(ω ′ ∗ F )X = ωF′ X et (F ′ ∗ ω)X = F ′ (ωX ) ∀X ∈ Ob(C ).
(iii) Les deux lois de composition sont liées de la façon suivante. Considérons un
diagramme de six foncteurs et quatre transformations naturelles :

F F′
✤✤ ✤✤
ω # ✤✤ ✤✤ ′ $
 / C′  ω / C ′′ .
C G✤✤
✤✤ < G✤✤ ✤✤ ′ <
τ ′
  τ
H H′

Montrer la relation d’échange :


(τ ′ ◦ ω ′ ) ∗ (τ ◦ ω) = (τ ′ ∗ τ ) ◦ (ω ′ ∗ ω).
En particulier, si F = G = H et ω = τ = 1F , on a (τ ′ ◦ ω ′ ) ∗ F = (τ ′ ∗ F ) ◦ (ω ′ ∗ F ).
De même, si F ′ = G′ = H ′ et ω ′ = τ ′ = 1F ′ , on a F ′ ∗ (τ ◦ ω) = (F ′ ∗ τ ) ◦ (F ′ ∗ ω).
(iii) Montrer aussi que le produit de Godement est associatif : si C ′′′ est une
quatrième catégorie, F ′′ , G′′ : C ′′ → C ′′′ deux foncteurs, et ω ′′ : F ′′ → G′′ une
troisième transformation naturelle, on a :
ω ′′ ∗ (ω ′ ∗ ω) = (ω ′′ ∗ ω ′ ) ∗ ω.
Problème 1.50. Soient C , C ′ deux catégories, F : C → C ′ un foncteur.
(i) Montrer que F est une équivalence si et seulement s’il admet un quasi-inverse,
i.e. un foncteur G : C ′ → C avec des isomorphismes de foncteurs
∼ ∼
ε : G ◦ F → 1C et η : F ◦ G → 1C ′
vérifiant les identités triangulaires (notation de l’exercice 1.49(ii))
η∗F =F ∗ε et ε ∗ G = G ∗ η.
30 à Bélier

(ii) Déduire de (i) que la relation “C est équivalente à C ′ ” est une relation
d’équivalence sur l’ensemble des catégories.
Exemple 1.51. Revenons au foncteur (−)∨ : (A−Mod)op → A−Mod de l’exemple
1.46 ; pour tout A-module M on a une application canonique de bidualité
βM : M → (M ∨ )∨ m 7→ (φ 7→ φ(m))
telle que f ∨∨
◦ βM = βN ◦ f pour tout f ∈ HomA (M, N ), d’où une transformation
naturelle
β : 1A−Mod → (−)∨∨ .
On voit aisément que si L est un A-module libre de rang r ∈ N et e1 , . . . , er est
une base de L, l’application βL est l’isomorphisme tel que ei 7→ e∗∗ i pour tout

i = 1, . . . , r. En particulier, βL∨ : L∨ → L∨∨∨ est l’isomorphisme tel que e∗i 7→ e∗∗∗
i
pour i = 1, . . . , r ; d’autre part, βL∨ (e∗∗∗ ∗∗∗ ∗∗∗ ∗∗ ∗
i )(ej ) = ei (βL (ej )) = ei (ej ) = ei (ej )
pour tout i, j = 1, . . . , r ; d’où :
βL∨ = βL−1
∨.

Donc les isomorphismes de bidualité définissent des isomorphismes de foncteurs


∼ ∼
1A−Modltf → (−)∨op ◦ (−)∨ 1(A−Modltf)op → (−)∨ ◦ (−)∨op
vérifiant les identités triangulaires. Compte tenu du problème 1.50(i), on retrouve
ainsi que (−)∨ est une équivalence, et (−)∨op est un quasi-inverse pour (−)∨ .
1.6. Solutions aux exercices et problèmes. Cette dernière section contient des
solutions pour les problèmes et exercices proposés dans la leçon.
Exercice 1.10 : Soit W ⊂ S une partie ouverte ; par définition, W t := W ∩ Vt
est une partie ouverte de Vt pour tout t ∈ T , donc ft−1 Wt est une partie ouverte
de Ut ; mais toute partie
S ouverte de Ut est aussi une partie ouverte de T , donc de
même pour f −1 W = t∈T ft−1 Wt .

Exercice 1.11 : Evidemment, si f ∈ C (T ) est inversible, on a f (t) 6= 0 pour tout


t ∈ T . Pour la réciproque, notons que l’application i : R \ {0} → R \ {0} telle que
x 7→ 1/x est continue (pour la topologie de R \ {0} induite par l’inclusion dans R) ;
si f (T ) ⊂ R \ {0}, la composition i ◦ f = 1/f est alors continue, et donc f ∈ C (T )× .

Exercice 1.13, partie (i) : Pour toute famille (Zλ | λ ∈ Λ) de parties S fermées et
tout λ ∈ Λ posons Uλ := T \Zλ . La condition (b) S revient à dire que si λ∈Λ Uλ = T ,
alors il existe une partie finie Λ′ ⊂ Λ telle que λ∈Λ′ Uλ = T , et cela pour toute
famille (Uλ | λ ∈ Λ) de parties ouvertes de T . Mais cette dernière condition est
précisément la définition d’espace compact.
Partie (ii.a) : Il suffit de montrer que pour tout y ∈ T \ Z il existe une partie
ouverte U telle que y ∈ U et U ∩ Z = ∅. Or, comme T est séparé, pour tout z ∈ Z
il existe des parties
S ouvertes Uz , Vz telles que y ∈ Uz , z ∈ Vz et Uz ∩ Vz = ∅.
Evidemment z∈Z (Z ∩ Vz ) = Z, et chaque partie Z ∩ Vz est ouverte par rapport à
la topologie de Z induite par celle de T ; comme Z est compact avec cette topologie,
il s’ensuit qu’il existe z1 , . . . , zk ∈ Z tels que Z ⊂ Vz1 ∪ · · · ∪ Vzk , et on peut alors
choisir U := Uz1 ∩ · · · ∩ Uzk .
S (ii.b) : Soit (Ui | i ∈ I)Sune famille de parties ouvertes de T telles que
Partie
Z ⊂ i∈I Ui ; alors
S T = (T \ Z) ∪S i∈I Ui , donc il existe une partie finie J ⊂ I avec
T = (T \ Z) ∪ i∈J Ui , i.e. Z ⊂ i∈J Uj , d’où l’assertion.
PartieS(ii.c) : Soit (Ui | i ∈SI) une famille de parties ouvertes de T ′ telles que
f (Z) ⊂ i∈I Ui ; donc Z ⊂ i∈I f −1 Ui , et par la compacité de Z il existe une
S S
partie finie J ⊂ I avec Z ⊂ i∈J f −1 Ui , donc f (Z) ⊂ i∈J Ui , d’où l’assertion.
Partie (iii) : Soit U ⊂ X une partie ouverte ; il faut montrer que f (U ) est ouvert
dans Y , ou de façon équivalente, que Y \ f (U ) = f (X \ U ) est fermé. Mais X \ U
§ 1.6: Solutions 31

est compact, car c’est une partie fermée d’un espace compact, et donc f (X \ U ) est
compact dans Y , par (ii.c). L’assertion suit maintenant de (ii.a).
Partie (iv) : Soit ∆S := {(s, s) | s ∈ S}, la diagonale de S × S, notons par
h : T → S × S l’application telle que h(t) := (f (t), g(t)) pour tout t ∈ T , et
munissons S ×S de la topologie du produit, engendrée par {U ×V | U, V ∈ TS }. Avec
cette topologie, h est un application continue, car h−1 (U × V ) = f −1 (U ) ∩ g −1 (V )
pour tout U, V ∈ TS . Evidemment Z = h−1 ∆, et on est ramené à montrer que ∆
est une partie fermée de S × S. Soit donc (x, y) ∈ S × S avec x 6= y ; comme S
est séparé, il existe des voisinages ouverts U, V de x et respectivement y tels que
U ∩ V = ∅, d’où un voisinage ouvert U × V de (x, y) avec ∆ ∩ (U × V ) = ∅, et
l’assertion s’ensuit.
Partie (iv) : Soient Z, Z ′ ⊂ T deux parties fermées disjointes ; on doit exhi-
ber deux parties ouvertes disjointes U, U ′ ⊂ T avec Z ⊂ U , Z ′ ⊂ U ′ . Soit d’abord
Z = {t} pour quelque t ∈ T . Par hypothèse, pour tout z ∈ Z ′ il existe des voisinages
ouverts disjoints Uz de t et Uz′ de z ; or,
S Z est′ compact par (ii.b),Tdonc il existe une

partie finie S ⊂ Z avec Z ⊂ U := z∈S Uz et on prend U := z∈S Uz . Ensuite,


′ ′ ′

soient Z, Z ′ arbitraires ; par ce qui précède on peut trouver pour tout z ∈ Z des
parties ouvertes disjointes Uz , Uz′ avec z ∈ U
Sz et Z ⊂ Uz . Comme ′Z est
′ ′
T compact,
on a une partie finie S ⊂ Z avec Z ⊂ U := z∈S Uz et on prend U := z∈S Uz′ .

Problème 1.16, partie (i) : Munissons l’ensemble N de sa topologie discrète (voir


l’exemple 1.9(v)). Evidemment, N n’est pas compact avec cette topologie, et toute
fonction N → R est continue. Pour tout n ∈ N, soit δn : N → R l’application telle
que δn (n) = 1 et δn (k) = 0 pour tout k 6= n. On voit aisément que l’idéal maximal
φN (n) est engendré par 1 − δn . En particulier, φN : N → Max C (N) est injective.
De plus, la topologie de N coïncide avec la topologie induite par la topologie de
Zariski de Max C (N) via φN : en effet, on a φ−1 D(δn ) = {n} pour tout n ∈ N.
Cela implique immédiatement que φN ne peut pas être surjective, car on sait que
Max C (N) est compact (théorème 1.21).
Partie (ii) : On va montrer que A := C ([0, 1]) admet des idéaux premiers non
maximaux, mais la preuve ne sera pas tout à fait constructive. Avant d’aborder la
preuve, il est utile de faire quelques considérations préliminaires : soit donc I un
idéal de A ; pour tout f ∈ A on pose
V (f ) := f −1 (0) ⊂ [0, 1]
et on définit Z (I) := {V (f ) | f ∈ I}. On voit que :
— si 1 ∈ / I, on a V (f ) 6= ∅ pour tout f ∈ I, car si V (f ) = ∅, f serait inversible,
ce qui est absurde ; donc ∅ ∈ / Z (I).
— si f ∈ I et Z ′ ⊂ [0, 1] est une partie fermée qui contient Z(f ), on a Z ′ ∈ ZI ;
en fait, on peut trouver une fonction continue g : [0, 1] → R telle que V (g) =
Z ′ , d’où V (f g) = Z ′ , et donc Z ′ ∈ Z (I). (Si Z ′ 6= ∅, une telle g s’obtient
par g(t) := dist(t, Z ′ ) := min(|t − z| | z ∈ Z ′ ) pour tout t ∈ [0, 1]). Autrement
dit, si Z ∈ Z (I) et Z ⊂ Z ′ avec Z ′ fermée dans [0, 1], on a Z ′ ∈ Z (I).
— Si Z, Z ′ ∈ Z (I), on a aussi Z ∩Z ′ ∈ Z (I). En fait, si Z = V (f ) et Z ′ = V (g),
avec f, g ∈ I, on a V (f 2 + g 2 ) = Z ∩ Z ′ .
On va étudier un peu plus systématiquement les familles avec ces propriétés ; tout
d’abord, on extrait leurs propriétés caractéristiques dans la définition suivante :
Définition 1.52. Soit T un espace topologique ; un filtre de T est une famille F
de parties fermées de T qui satisfait les conditions suivantes :
(a) ∅ ∈/ F et T ∈ F
(b) Si Z ⊂ Z ′ sont des parties fermées de T avec Z ∈ F , on a aussi Z ′ ∈ F
(c) Si Z, Z ′ ∈ F , on a aussi Z ∩ Z ′ ∈ F .
32 à Bélier

L’ensemble E des filtres de T est partiellement ordonné par l’inclusion de filtres.


Un ultrafiltre de T est un élément maximal de E. On dit qu’un filtre F de T est
premier, s’il satisfait aussi à la condition suivante :
(d) Si Z, Z ′ ⊂ T sont des parties fermées et Z ∪ Z ′ ∈
/ F , on a Z, Z ′ ∈
/ F.
Lemme 1.53. Soit T un espace topologique, F un filtre de T . Alors il existe un
ultrafiltre de T qui contient F .
Démonstration. L’ensemble E des filtres de T contenant F est partiellement or-
donné par inclusion. De plus, si (Fi | S
i ∈ I) est une famille non vide totalement
ordonnée d’éléments de E, la réunion i∈I Fi est un élément de E. Par le lemme
de Zorn, E contient un élément maximal, qui est évidemment un ultrafiltre. 
Exemple 1.54. Soit T un espace topologique, t ∈ T un point.
(i) La famille des parties fermées qui contiennent t est trivialement un ultrafiltre
Ft . Les ultrafiltres de ce type sont appelés ultrafiltres principaux.
(ii) Soit G une famille de parties fermées de T qui satisfait la condition suivante.
Pour tout k ∈ N et tout Z1 , . . . , Zk ∈ G on a Z1 ∩ · · · ∩ Zk 6= ∅. Alors, l’ensemble
des filtres de T qui contiennent G n’est pas vide, et il admet un élément minimal
F . En fait, soit d’abord G ′ la famille des intersections finies d’éléments de G ; la
condition sur G implique que G ′ satisfait aux conditions (a) et (c) de la définition
1.52, et F est la famille des parties fermées de T qui contiennent un élément de
G ′ . On appelle G ′ le filtre de T engendré par G .
(iii) Soit T ′ un autre espace topologique, f : T ′ → T une application continue,
et F un filtre de T ′ . On pose G := {f (Z) | Z ∈ F }, où f (Z) denote l’adhérence
de f (Z) dans T . Evidemment f (Z1 ∩ Z2 ) ⊂ f (Z1 ) ∩ f (Z2 ) pour tout Z1 , Z2 ∈ F ,
donc la famille G satisfait la condition de (ii), et G engendre un filtre de T qu’on
appelera l’image directe de F suivant f , et on notera
f∗ F .
(iv) On va montrer que si F est un filtre premier de T ′ , le filtre f∗ F est aussi
premier. Pour cela, soit X ∈ f∗ F tel que X = Y ∪ Z, avec Y, Z deux parties
fermées de T ; il faut vérifier que l’une des deux est dans f∗ F . Par définition, X
contient une intersection finie f (Z1 ) ∩ · · · ∩ f (Zk ) avec Z1 , . . . , Zk ∈ F ; on pose
W := Z1 ∩ · · · ∩ Zk , et on remarque que W ∈ F et f (W ) ⊂ f (Z1 ) ∩ · · · ∩ f (Zk ). Il
suffit de montrer que l’une des parties Y ′ := f (W ) ∩ Y ou Z ′ := f (W ) ∩ Z est dans
f∗ F . Or, on a W ⊂ f −1 (X), donc (W ∩ f −1 Y ) ∪ (W ∩ f −1 Z) = W ∩ f −1 (X) = W .
Comme F est premier, soit W ∩ f −1 (Y ) ∈ F , soit W ∩ f −1 (Z) ∈ F . Disons que
W ∩ f −1 (Y ) ∈ F ; il vient f (W ∩ f −1 Y ) = Y ′ ∈ f∗ F , CQFD.
Proposition 1.55. Soit T un espace topologique. On a :
(i) T est compact si et seulement si tout ultrafiltre de T est principal.
(ii) Tout ultrafiltre de T est premier.
T
Démonstration. (i) : Si T est compact et F est un ultrafiltre, posons X := Z∈F Z.
Evidemment S X est une partie fermée de T . De plus, X est non vide, car sinon on
aurait T = Z∈F (T \ Z) ; mais T \ Z est une partie ouverte de T pour tout Z ∈ F ,
et T est compact
S par hypothèse,
T donc il existerait une partie finie F ⊂ F telle

que T = Z∈F ′ (T \ Z), i.e. Z∈F ′ Z = ∅ ; or, toute intersection finie d’éléments
de F appartient à F ; mais ∅ ∈ / F , contradiction. Soit donc x ∈ X ; évidemment
F ⊂ Fx , et donc F = Fx , car par hypothèse F est maximal. Réciproquement,
supposons que tout ultrafiltre de T S est principal, et soit (Uλ | λ ∈ Λ) une famille
de parties ouvertes de T telle queS λ∈Λ Uλ = T . On doit montrer qu’il existe
une partie finie Λ′ ⊂ Λ telle que λ∈Λ′ Uλ = T . Supposons pour l’absurde qu’une
§ 1.6: Solutions 33

telle partie Λ′ n’existe pas, et posons Zλ := T \ Uλ pour tout λ ∈ Λ ; il s’ensuit


que la famille (Zλ | λ ∈ Λ) satisfait la condition de l’exemple 1.54(ii), et donc elle
engendre un filtre F . Par le lemme 1.53 on trouve un ultrafiltre
T F ′ contenant F ,
et par hypothèse F est principal ; cela est absurde, car λ∈Λ Zλ = ∅.

(ii) : Soit F un ultrafiltre, et supposons par l’absurde qu’il existe des parties
fermées Z, Z ′ de T avec Z ∪Z ′ ∈ F mais Z, Z ′ ∈/ F . Notons F ′ := {Z ∩X | X ∈ F } ;
on voit aisément que la famille F ′ satisfait la condition (c) de la définition 1.52, et
on va montrer que aussi la condition (a) est satisfaite : car sinon il existe X ∈ F
tel que X ∩ Z = ∅, d’où Z ′ ∩ X = (Z ∪ Z ′ ) ∩ X ∈ F , mais dans ce cas Z ′ ∈ F ,
contradiction. Donc, soit F ′′ le filtre engendré par F ′ ; évidemment F ⊂ F ′′ , et
par maximalité de F , on déduit que F ′′ = F , en particulier Z ∈ F . 

Soient maintenant T un espace topologique, F un filtre de T et J un idéal propre


de C (T ) (i.e. 1 ∈
/ J) ; on pose :
I(F ) := {f ∈ C (T ) | f −1 (0) ∈ F } Z (J) := {f −1 (0) | f ∈ J}.
Lemme 1.56. Avec la notation ci-dessus, supposons que T soit métrisable. On a :
(i) I(F ) est un idéal de C (T ) et Z (J) est un filtre de T .
(ii) F est un filtre premier si et seulement si I(F ) est un idéal premier.
(iii) Si I est un idéal premier, F est un filtre premier.
(iv) F = Z (I(F )).
Démonstration. (i) : On voit aisément que I(F ) est un idéal de C (T ), et l’assertion
concernant Z (J) a déjà été remarquée ci-haut, du moins pour T = [0, 1], mais on
voit aisément que l’argument s’applique plus généralement si T est métrisable.
(ii) : On suppose d’abord que F est premier, et on montre que I(F ) est un
idéal premier. En effet, soient f, g ∈ C (T ) tels que f · g ∈ I(F ) ; cela veut dire que
f −1 (0) ∪ g −1 (0) = (f · g)−1 (0) ∈ F . Or, si f ∈ / F , on doit avoir
/ I(F ), i.e. f −1 (0) ∈
g (0) ∈ F , d’où g ∈ I(F ). Réciproquement, supposons que I(F ) soit premier, et
−1

soient Z, Z ′ ⊂ T deux parties fermées non vides avec Z ∪ Z ′ ∈ F ; on pose


f (t) := dist(t, Z) g(t) := dist(t, Z ′ ) ∀t ∈ T.
Evidemment f, g ∈ C (T ) et f · g ∈ I(F ), d’où f ∈ I(F ) ou g ∈ I(F ) ; dans le
premier cas on déduit Z = f −1 (0) ∈ F , et dans le deuxième cas on a Z ′ ∈ F , ce
qui achève de montrer que F est premier.
(iii) : Soient k ∈ I et X, Y ⊂ T deux parties fermées telles que X ∪ Y = k −1 (0).
Comme |k|2 = k 2 et comme I est premier, on a aussi |k| ∈ I, on peut donc supposer
k ≥ 0. Choisissons f, g ∈ C (T ) avec X = f −1 (0) et Y = g −1 (0); on peut aussi
supposer que f (t), g(t) ≥ 0 pour tout t ∈ [0, 1]. Comme
max(f − g, 0) · min(f − g, 0) = 0 ∈ I
on a soit max(f − g, 0) ∈ I soit min(f − g, 0) ∈ I. Supposons le premier cas réalisé
et soit h := max(f − g, 0). Pour tout t ∈ [0, 1] on vérifie sans peine :
f (t) = 0 ⇔ (h + f · g)(t) = 0 ⇔ (h + k)(t) = 0
et par construction à la fois h et k sont dans I donc X ∈ F (I). On montrerait de
même Y ∈ F (I) si min(f − g, 0) ∈ I.
(iv) : Evidemment Z (I(F )) ⊂ F . D’autre part, si Z ∈ F , la fonction t 7→
dist(t, Z) est continue et son lieu de zéros est Z, d’où l’inclusion opposée. 

Donc, pour résoudre notre problème, il suffira d’exhiber un filtre premier non
principal de l’espace topologique [0, 1]. Or, fixons un point t ∈ [0, 1], notons T ′ :=
34 à Bélier

[0, 1] \ {t}, jt : T ′ → [0, 1] l’inclusion, et soit U la famille de tous les voisinages de


t dans [0, 1] ; posons
G := {U ∩ T ′ | U ∈ U }
(où U denote l’adhérence de U dans [0, 1]). On voit aisément que la famille G
satisfait les conditions (a) et (c) de la définition 1.52 : en effet, si U, V sont deux
voisinages de t dans [0, 1], aussi U ∩ V est un voisinage de t, et on a (U ∩ T ′ ) ∩
(V ∩ T ′ ) = (U ∩ V ) ∩ T ′ ∈ G . Soit donc G ′ le filtre de T ′ engendré par G ; par le
lemme 1.53, il existe un ultrafiltre G ′′ de T ′ contenant G ′ . La proposition 1.55(ii)
et l’exemple 1.54(iv) nous fournissent le filtre premier de [0, 1]
F := jt∗ G ′′ .
Pour conclure, on est ainsi ramené à montrer que F n’est pas principal ; mais, d’un
côté, pour tout t′ ∈ [0, 1] avec t′ 6= t il existe Z ∈ U tel que t′ ∈
/ Z, d’où Z ∈ F et
/ Z. Si F était principal, il serait donc égal à Ft . Mais de l’autre côté, on voit
t′ ∈
aussi que pour tout élément W ∈ F il existe Z ∈ G ′′ tel que Z ⊂ W ; en particulier,
W ∩ T ′ 6= ∅, donc la partie fermée {t} ne peut pas appartenir à F , CQFD.
Remarque 1.57. (i) On verra plus tard qu’il existe des idéaux premiers de C ([0, 1])
(ou plus généralement, de C (T ), pour un espace compact et séparé T ) qui ne sont
pas de la forme IZ comme ci-dessus. De plus, il existe des chaînes strictement
décroissantes de longueur infinie de filtres premiers de [0, 1] : voir l’exemple 2.2, et
surtout le paragraphe 8.2.
(ii) Si l’on est prêt à se servir de l’analyse non-standard, on peut donner une
construction très agréable d’un idéal premier non maximal de C ([0, 1]), comme suit.
Rappelons que l’analyse non-standard plonge le corps réel R dans un corps ordonné

R de nombres hyper-réels, qui contient des infinitésimaux, i.e. des éléments ε > 0
qui sont plus petits que tout nombre réel strictement positif. De plus, toute fonction
f : [0, 1] → R admet un prolongement canonique

f : ∗ [0, 1] := {x ∈ ∗ R | 0 ≤ x ≤ 1} → ∗ R.
Si f est continue, son prolongement ∗f l’est aussi, au sens que pour tout x, y ∈ ∗ R
dont la distance est infinitésimale, la distance entre ∗f (x) et ∗f (y) l’est aussi. Or,
fixons un nombre hyper-réel infinitesimal ε > 0, et notons p ⊂ C ([0, 1]) la partie
des fonctions continues f : [0, 1] → R telles que ∗f (ε) = 0. On voit aisément que
p est un idéal premier ; pour f ∈ p, le nombre réel f (0) est infinitésimalement
proche à ∗f (ε) = 0, donc f (0) = 0, i.e. p ⊂ m0 . D’autre part, ∗Id[0,1] = Id∗ [0,1] ;
en particulier Id[0,1] ∈ m0 \ p. Noter que la construction des hyper-réels s’effectue
à l’aide de certains ultrafiltres ; cette description hyper-réelle de l’idéal p a en fait
inspiré nos constructions par ultrafiltres.
Exercice 1.17, partie (i) : Soit m ∈ Max C (T ) ; on sait qu’il existe t ∈ T tel que
m = Ker εt , où εt : C (T ) → R est l’homomorphisme d’anneaux tel que εt (g) :=
g(t) pour tout g ∈ C (T ). Il s’ensuit que ψ −1 (m) = Ker εt ◦ ψ. Comme R est un
corps, pour montrer que Ker εt ◦ ψ est maximal, il suffit de vérifier que εt ◦ ψ est
surjectif. Pour cela, on remarque que C (T ′ ) contient le sous-anneau R des fonctions
constantes, et comme ψ est un homomorphisme de R-algèbres, la restriction de εt ◦ψ
à R est IdR , d’où l’assertion. Pour montrer que Max ψ est une application continue,
il suffit d’observer que (Max ψ)−1 (D(h)) = D(ψ(h)) pour tout h ∈ C (T ′ ). En effet :
m ∈ (Max ψ)−1 (D(h)) ⇔ h ∈ / ψ −1 (m) ⇔ ψ(h) ∈
/ (Max ψ)(m) ⇔ h ∈ / m ⇔ m ∈ D(ψ(h)).
Partie (ii) : Soit t ∈ T , et mt ∈ Max C (T ), mf (t) ∈ Max C (T ′ ) les idéaux maxi-
maux correspondants à t et f (t). Avec la notation ci-dessus, on a (Max f ∗ )(mt ) =
Ker εt ◦ f ∗ . L’assertion suit maintenant de la chaîne d’équivalences suivantes :
h ∈ Ker εt ◦ f ∗ ⇔ εt ◦ f ∗ (h) = 0 ⇔ εt (h ◦ f ) = 0 ⇔ h ◦ f (t) = 0 ⇔ h ∈ mf (t) .
§ 1.6: Solutions 35

Exercice 1.25 : Soient f, g ∈ K[X1 , . . . , Xn ] tels que D(f ), D(g) 6= ∅ ; évidem-


ment, il suffit de montrer que D(f ) ∩ D(g) 6= ∅. Pour cela, choisissons a ∈ D(f ),
b ∈ D(g), et soit φ : K → K n l’unique application affine telle que φ(a) = 0 et
φ(1) = b ; donc φ est donnée par une suite (φ1 (T ), . . . , φn (T )) d’éléments de K[T ]
de degré ≤ 1. Posons P := f ◦ φ et Q := g ◦ φ ; on a P, Q ∈ K[T ] et 0 ∈ D(P ),
1 ∈ D(Q) et on est ramené à exhiber x ∈ K tel que f (φ(x)), g(φ(x)) 6= 0, i.e.
x ∈ D(P ) ∩ D(Q). Mais l’existence de x est évidente, car P et Q n’ont qu’un
nombre fini de zéros, alors que K est infini.

Exercice 1.28, partie (i) : On sait que Z est principal (exemple 1.1(i)), et un
idéal nZ avec n > 0 est premier si et seulement n est un nombre premier ; de plus,
si p est un nombre premier, l’idéal pZ est évidemment maximal. Donc, Max Z est en
bijection naturelle avec les nombres premiers (positifs), et Spec Z = Max Z ∪ {{0}}.
La topologie de Spec Z est engendrée par les parties D(n), avec n ∈ Z : si p1 , . . . , pk
sont les diviseurs premiers de n, on a D(n) = Spec Z\{p1 Z, . . . , pk Z}. En conclusion,
les parties fermées de Spec Z sont Spec Z et les parties finies de Max Z.
Partie (ii) : En vertue de l’exemple 1.1(ii), la même discussion s’applique, muta-
tis mutandis, à l’anneau K[T ], pour K un corps quelconque. A savoir, Spec K[T ] =
Max K[T ] ∪ {{0}} et Max K[T ] est en bijection naturelle avec les polynômes irré-
ductibles unitaires de K[T ]. Les parties fermées sont Spec K[T ] et les parties finies
de Max K[T ]. Si, de plus, K est algébriquement clos, les polynômes irréductibles
unitaires sont tous et seuls ceux de la forme T −a, avec a ∈ K un élément arbitraire.
Donc, dans ce cas, l’application
φ : K → Max K[T ] a 7→ (T − a) · K[T ]
est une bijection naturelle. Cela donne un cas élémentaire du Nullstellensatz.
Partie (iii) : Si K est parfait, la clôture algébrique K alg de K est une exten-
sion galoisienne de K, donc soit G := Gal(K alg /K) (le groupe de Galois des K-
automorphismes de K alg ) ; les polynômes irreductibles unitaires de K[T ] sont en
bijection naturelle avec K alg /G (l’ensemble des orbites de l’action de G sur K alg ).
Donc, Spec K[T ] s’identifie naturellement à {{0}} ∪ (K alg /G), avec la topologie
expliquée ci-dessus. Par exemple, on a une identification naturelle

Max R[T ] → {z ∈ C | ℑ(z) ≥ 0}
du spectre maximal de R[T ] avec le démi-plan supérieur complexe.
Partie (iv) : Soit p > 0 la caractéristique de K. Si P (T ) est un polynôme de
k
E[T ], il existe k ∈ N tel que P (T )p ∈ K[T ] ; notons donc
n(P ) := min{n ∈ N \ {0} | P n ∈ K[T ]}.
Si maintenant P est irréductible dans E[T ], le polynôme Q := P n(P ) est irréduc-
tible dans K[T ] : en effet, supposons que Q = Q1 · Q2 , avec Q1 , Q2 deux polynômes
de K[T ] de degrés > 0 ; il s’ensuit que Q1 = P r et Q2 = P s pour des entiers
r, s > 0 avec r + s = n(P ). En particulier, P r ∈ K[T ] et r < n(P ), contradiction.
Or, l’idéal mP := P · E[T ] est maximal dans E[T ] et P n(P ) ∈ mP ∩ K[T ], d’où
mP ∩ K[T ] = mP n(P ) := P n(P ) · K[T ]. Cela donne une déscription explicite de l’ap-
plication Spec i. On déduit immédiatement que Spec i est injective. Ensuite, soit
Q un polynôme irréductible unitaire de K[T ] ; alors il existe un unique polynôme
unitaire irréductible P de E[T ] tel que P n(P ) = Q. En effet, soit P un facteur
irréductible unitaire de Q dans E[T ]. Evidemment P n(P ) divise Qn(P ) dans K[T ] ;
mais on a vu que P n(P ) est irréductible dans K[T ], donc P n(P ) divise Q, et comme
Q est irréductible, on déduit que Q = P n(P ) . Cela montre que Spec i est une bijec-
tion. Or, la description des topologies de Spec K[T ] et Spec E[T ] obtenue ci-dessus
36 à Bélier

implique aisément que Spec i est même un homéomorphisme.

Exercice 1.29 : On admettra le Nullstellensatz (dont la preuve sera vue plus loin
dans le cours), qui nous dit que tout idéal maximal de K[Y1 , . . . , Ym ] est de la forme
ma , pour quelque a := (a1 , . . . , am ) ∈ K m . Cela acquis, on peut raisonner comme
pour l’exercice 1.17 : en effet, ma est le noyau de l’homomorphisme d’évaluation au
point a, i.e. l’homomorphisme de K-algèbres
εa : K[Y1 , . . . , Ym ] → K P 7→ P (a).
D’où, Spec f (ma ) = f −1 (ma ) = Ker(εa ◦ f ). Mais si Q ∈ K[X1 , . . . , Xn ], on a
εa ◦ f (Q) = εa (Q(f (X1 ), . . . , f (Xn )) = εa (Q(P1 , . . . , Pn ))
= Q(P1 (a), . . . , Pn (a))
= εφ(a) (Q)
où εφ(a) : K[X1 , . . . , Xn ] → K est l’analogue homomorphisme de K-algèbres qui
évalue tout Q ∈ K[X1 , . . . Xn ] au point φ(a) ∈ K n . Mais Ker(εφ(a) ) = mφ(a) , ce qui
implique toutes les assertions de l’exercice.

Exercice 1.34, partie (i) : Supposons que a0 ∈ A× et a1 , . . . , ak ∈ N (A) ; dans


ce cas, b := a−1
0 · (a1 T + · · · + ak T ) ∈ N (A[T ]) ⊂ J (A[T ]), d’où 1 + b ∈ A[T ] ,
k ×

par le théorème 1.32(i), et donc P = a0 · (1 + b) est inversible dans A[T ].


Réciproquement, supposons P ∈ A[T ]× , et pour tout p ∈ Spec A, notons
πp : A[T ] → A[T ]/pA[T ] = (A/p)[T ]
la projection canonique ; il vient πp (P ) ∈ (A/p)[T ]× . Comme A/p est intègre, cela
veut dire que πp (P ) est un polynôme constant non nul, i.e. a1 , . . . , ak ∈ p et a0 ∈/p
pour tout idéal premier p de A ; par le théorème 1.32(ii) il s’ensuit que a1 , . . . , ak ∈
N (A), et a0 ∈ A× , par le corollaire 1.23.
Partie (ii) : En raisonnant par récurrence sur n, et en écrivant
A[T1 , . . . , Tn ] = A[T1 , . . . , Tn−1 ][Tn ]
on est ramené aisément au cas n = 1. Evidemment N (A)[T ] ⊂ N (A[T ]) ⊂
J (A[T ]). D’autre part, soit P := a0 + a1 T + · · · + ak T k ∈ J (A[T ]) ; par le
théorème 1.32(i), cela implique que 1 + P ∈ A[T ]× , d’où a1 , . . . ak ∈ N (A),
grâce à la partie (i), et donc Q := a1 T + · · · + ak T k ∈ N (A)[T ]. Il s’ensuit que
a0 = P − Q ∈ J (A[T ]) ; si on applique à nouveau le théorème 1.32(i), on déduit
que 1 + a0 T ∈ A[T ]× , et finalement, a0 ∈ N (A), encore par la partie (i) ; cela
achève de montrer que P ∈ N (A)[T ].

Exercice 1.40, partie (i) : En effet, soit g : Y → X un morphisme de C tel que


g ◦ f = 1X , et h1 , h2 : Z → X deux morphismes avec f ◦ h1 = f ◦ h2 ; il s’ensuit que
h1 = 1X ◦ h1 = (g ◦ f ) ◦ h1 = g ◦ (f ◦ h1 ) = g ◦ (f ◦ h2 ) = (g ◦ f ) ◦ h2 = 1X ◦ h2 = h2 .
Le cas où f admet un inverse à droite est analogue.
Partie (ii) : On considère d’abord la catégorie Ens : si f : X → Y est une
application injective d’ensembles, on sait que f admet une inverse à gauche, donc
f est un monomorphisme, par (i). Réciproquement, si f est un monomorphisme,
supposons qu’il existe x1 , x2 ∈ X avec f (x1 ) = f (x2 ) ; soit aussi Z un ensemble
qui a un seul élément z, et on considère les applications h1 , h2 : Z → X telles que
hi (z) := xi pour i = 1, 2. Evidemment f ◦ h1 = f ◦ h2 , d’où h1 = h2 , et donc
x1 = x2 , i.e. f est injective. Le cas de la catégorie Top est analogue : si f est
une application continue injective d’espace topologiques X → Y , il est clair que f
est un monomorphisme, car f est même un monomorphisme pour la catégorie des
§ 1.6: Solutions 37

ensembles, par ce qui précède. Si f est un monomorphisme de Top et f (x1 ) = f (x2 )


pour des points x1 , x2 ∈ X, soit Z et h1 , h2 comme ci-dessus ; évidemment il existe
une topologie unique sur Z, et h1 et h2 sont trivialement des applications continues
telles que f ◦ h1 = f ◦ h2 , d’où h1 = h2 , d’où à nouveau l’injectivité de f .
Partie (iii) : On considère d’abord la catégorie Ens : si f est surjective, f admet
une inverse à droite, donc f est un épimorphisme, grâce à (i). Réciproquement, si f
est un epimorphisme, notons g1 : Y → {0, 1} l’application telle que g1 (y) = 1 pour
tout y ∈ Y , et g2 : Y → {0, 1} la fonction caractéristique de f (X), i.e. g2 (y) = 1
si y ∈ f (X) et g2 (y) = 0 sinon. Evidemment g1 ◦ f = g2 ◦ f , d’où g1 = g2 , i.e. f
est surjective. Pour le cas de la catégorie Top, on voit immédiatement que si f est
surjective, alors f est un épimorphisme, car f est déjà un épimorphisme dans la
catégorie Ens. Réciproquement, si f est un épimorphisme de Top, on munit {0, 1}
de la topologie telle que ∅ et {0, 1} soient les seules parties ouvertes ; évidemment
les applications g1 , g2 : Y → {0, 1} définies ci-dessus sont continues pour cette
topologie, et on déduit à nouveau que g1 = g2 , donc f est surjective.
Partie (iv) : Soient f : X → Y et g, h : Y → Z des applications continues
d’espaces complètement réguliers, avec g ◦ f = h ◦ f , et supposons que f (X) soit
une partie dense de Y . Par l’exercice 1.13 page 13(iv) il s’ensuit que la partie
Y ′ := {y ∈ Y | g(y) = h(y)} est dense et fermée dans Y , i.e. Y ′ = Y , d’où g = h, et
donc f est un épimorphisme. De l’autre côté, si f (X) n’est pas une partie dense de
Y , soit Y ′ l’adhérence de f (X) dans Y , et choisissons y0 ∈ Y \ Y ′ ; par hypothèse,
l’on trouve une fonction continue g : Y → [0, 1] telle que g(Y ′ ) = 0 et g(y0 ) = 1.
Soit h : Y → [0, 1] l’application continue telle que h(y) = 0 pour tout y ∈ Y ;
évidemment g ◦ f = g ◦ h, mais g 6= h, donc f n’est pas un épimorphisme.
Partie (v) : On considère d’abord la catégorie A − Alg : si f : B → B ′ est
un homomorphisme injectif de A-algèbres, alors f est un monomorphisme, car f
est déjà un monomorphisme dans la catégorie Ens. Réciproquement, si f est un
monomorphisme et b1 , b2 ∈ B sont des éléments tels que f (b1 ) = f (b2 ), on considère
la A-algèbre A[X], et les uniques homomorphismes de A-algèbres h1 , h2 : A[X] → B
tels que hi (X) := bi pour i = 1, 2. Evidemment f ◦h1 = f ◦h2 , d’où h1 = h2 , donc f
est injectif. Le cas de la catégorie A − Mod est analogue : on voit comme d’habitude
que si f : M → N est un homomorphisme injectif de A-modules, alors f est
un monomorphisme. Réciproquement, supposons que f soit un monomorphisme et
f (x1 ) = f (x2 ) pour certains x1 , x2 ∈ M ; on considère les uniques homomorphismes
de A-modules h1 , h2 : A → M tels que hi (1) := xi pour i = 1, 2. On a f ◦h1 = f ◦h2 ,
d’où h1 = h2 , ce qui montre que f est injectif.
Il reste à montrer que les épimorphismes de A − Mod sont les applications A-
linéaires surjectives. Mais on voit aisément que toute application A-linéaire surjec-
tive est un épimorphisme. Pour la réciproque, soit f : M → N un epimorphisme de
A − Mod, et on pose C := Coker f . On dénote π1 : N → C la projection canonique,
et π2 : N → C l’application nulle (avec π2 (x) := 0 pour tout x ∈ N ). Evidemment
π1 ◦ f = π2 ◦ f , d’où π1 = π2 et donc C = 0, i.e. f est bien surjective.

Exercice 1.45, partie (i.a) : Si f est un isomorphisme, il en est de même pour F f ,


pour tout foncteur F , car si g ◦ f = 1X et f ◦ g = 1Y , on a F g ◦ F f = F 1X = 1F X
et F f ◦ F g = 1F Y . Soit F plein et fidèle et F f un isomorphisme ; alors il existe
g ′ : F Y → F X tel que g ′ ◦ F f = 1F X et F f ◦ g ′ = 1F Y . Mais comme F est plein, il
existe g : X → Y avec F g = g ′ , d’où F (g ◦ f ) = F 1X et F (f ◦ g) = F 1Y . Comme F
est aussi fidèle, on déduit que g ◦ f = 1X et f ◦ g = 1Y , donc f est un isomorphisme.
Partie (i.b) : S upposons que f soit un monomorphisme, et soit Z ′ ∈ Ob(C ′ ) ;
soient aussi h′1 , h′2 : Z ′ → F X tels que F f ◦ h′1 = F f ◦ h′2 . Par hypothèse, il existe

Z ∈ Ob(C ) avec un isomorphisme t : F Z → Z ′ , et comme F est plein, on trouve
38 à Bélier

h1 , h2 : Z → X tels que F hi = h′i ◦ t pour i = 1, 2. Il s’ensuit que


F (f ◦ h1 ) = F f ◦ F h1 = F f ◦ h′1 ◦ t = F f ◦ h′2 ◦ t = F f ◦ F h2 = F (f ◦ h2 ).
Mais F est fidèle, donc f ◦ h1 = f ◦ h2 , d’où h1 = h2 , car f est un monomorphisme.
Il s’ensuit que h′1 ◦ t = h′2 ◦ t, et finalement h′1 = h′2 , car t est un isomorphisme. Cela
achève de montrer que F f est un monomorphisme. Réciproquement, supposons que
F f soit un monomorphisme, et soit Z ∈ Ob(C ), h1 , h2 : Z → X deux morphismes
tels que f ◦ h1 = f ◦ h2 ; il s’ensuit que F f ◦ F h1 = F f ◦ F h2 , d’où F h1 = F h2 , et
donc h1 = h2 , car F est fidèle. Donc, f est un monomorphisme.
L’assertion concernant les épimorphismes peut s’établir directement par des rai-
sonnements analogues ; alternativement, on peut appliquer le principe de dualité
de la façon suivante. D’abord, on vérifie aisément que F est une équivalence si
et seulement si F op est une équivalence (notation de la remarque 1.43(i)). Par ce
qui précède, un morphisme f op est un monomorphisme de C op si et seulement
si F op (f op ) est un monomorphisme de C ′op ; mais on a déjà observé que les mo-
nomorphismes de C op sont les épimorphismes de C (et de même pour C ′ ), d’où
l’assertion.
Partie (ii) : Evidemment, une composition de foncteurs fidèles (resp. pleins) est
fidèle (resp. plein). Ensuite, soit Z ′′ ∈ Ob(C ′′ ) ; par hypothèse il existe Z ′ ∈ Ob(C ′ )

et un isomorphisme f ′ : Z ′′ → GZ ′ , ainsi qu’un objet Z de C et un isomorphisme
′ ∼ ∼
f : Z → F Z. D’où un isomorphisme Gf ◦ f ′ : Z ′′ → GF Z.

Exercice 1.49, partie (i) : Pour tout morphisme f ′ : Y ′ → GX de C ′ on a



ωGX ◦ F ′ f ′ = G′ f ′ ◦ ωY′ . L’identité souhaitée suit pour f ′ := ωX : F X → GX.
Partie (ii) : Pour tout morphisme f : X → Y de C on a le diagramme

F ′ (ωX ) ωGX
F ′F X / F ′ GX / G′ GX
F ′F f F ′ Gf G′ Gf
 F ′ (ωY )  ′
ωGY 
F ′F Y / F ′ GY / G′ GY
dont les deux carrés sont évidemment commutatifs ; l’assertion en découle aussitôt.
Partie (iii) : C’est un calcul direct : pour tout X ∈ Ob(C ) on a
((τ ′ ◦ ω ′ ) ∗ (τ ◦ ω))X = (τHX
′ ′
◦ ωHX ) ◦ F ′ (τX ◦ ωX )
′ ′
= τHX ◦ ωHX ◦ F ′ (τX ) ◦ F ′ (ωX )

= τHX ◦ G′ (τX ) ◦ ωGX

◦ F ′ (ωX )
= (τ ′ ∗ τ )X ◦ (ω ′ ∗ ω)X
où la troisième égalité suit de l’identité de (i) ci-dessus.

Problème 1.50, partie (i) : Supposons que F soit une équivalence. Dans ce cas,
pour tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) on peut choisir un objet X de C avec un isomorphisme

ηX ′ : F X → X ′ et on pose GX ′ := X. Soit maintenant f ′ : X ′ → Y ′ un morphisme
de C ′ ; comme F est plein et fidèle, il existe un unique morphisme f : GX ′ → GY ′
qui fait commuter le diagramme
Ff
F GX ′ / F GY ′
ηX ′ ηY ′
 f′

X′ / Y′
et on pose Gf ′ := f . Pour vérifier que G1X ′ = 1GX ′ , il suffit alors de montrer que
ηX ′ ◦ F 1GX ′ = 1X ′ ◦ ηX ′ .
§ 1.6: Solutions 39

Mais cette identite est claire, car F 1GX ′ = 1F GX ′ . De même, pour tous morphismes
f : X ′ → Y ′ et g ′ : Y ′ → Z ′ de C ′ il faut vérifier que G(g ′ ◦ f ′ ) = Gg ′ ◦ Gf ′ , et par
la propriété d’unicité de G(g ′ ◦ f ′ ), cela revient à montrer que
ηZ ′ ◦ F (Gg ′ ◦ Gf ′ ) = g ′ ◦ f ′ ◦ ηX ′ .
C’est un calcul direct : ηZ ′ ◦ F (Gg ′ ◦ Gf ′ ) = ηZ ′ ◦ F Gg ′ ◦ F Gf ′ = g ′ ◦ ηY ′ ◦ F Gf ′ =
g ′ ◦ f ′ ◦ ηX ′ . On a donc obtenu un foncteur G : C ′ → C , et il est clair que le système

(ηX ′ | X ′ ∈ Ob(C ′ )) définit un isomorphisme de foncteurs η : F G → 1C ′ . Il reste

à définir un isomorphisme ε : GF → 1C vérifiant les identités triangulaires. Pour
cela, on remarque que pour tout X ∈ Ob(C ) il existe un unique morphisme εX :

GF X → X de C tel que F (εX ) = ηF X : F GF X → F X, car F est plein et fidèle ;
de plus, on sait que εX est un isomorphisme, grâce à l’exercice 1.45(i). Pour montrer
que ε est une transformation naturelle, on doit vérifier que f ◦ εX = εY ◦ GF (f )
pour tout morphisme f : X → Y de C ; d’autre part, on a
F (f ◦εX ) = F f ◦F (εX ) = F f ◦ηF X = ηF Y ◦F GF f = F (εY )◦F GF f = F (εY ◦GF f )
d’où l’assertion, car F est fidèle. La première identité triangulaire suit directement
de la construction de ε. Il reste à vérifier que εGX ′ = GηX ′ pour tout X ′ ∈ Ob(C ′ ),
et comme F est fidèle, il suffit de montrer que F εGX ′ = F GηX ′ , ou de façon équi-
valente, que ηF GX ′ = F GηX ′ . Mais pas définition, on a un diagramme commutatif
ηF GX ′
F G(F GX ′ ) / F GX ′
F G(ηX ′ ) ηX ′
 ηX ′ 
F GX ′ / X′
d’où l’assertion, car ηX ′ est un isomorphisme.
Réciproquement, supposons qu’il existe un foncteur G et des isomorphismes de
foncteurs ε et η comme dans (i). En particulier, pour tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) on a

l’isomorphisme ηX ′ : F GX ′ → X ′ . Montrons ensuite que F est fidèle : en effet, si
f, f ′ : X → Y sont deux morphismes de C avec F f = F f ′ , on déduit
f = εY ◦ GF f ◦ ε−1 ′ −1 ′
X = εY ◦ GF f ◦ εX = f .
Pour montrer que F est plein, soit g : F X → F Y un morphisme de C ′ ; on a
g = ηF Y ◦ F Gg ◦ ηF−1X = F εY ◦ F Gg ◦ (F εX )−1 = F (εY ◦ Gg ◦ ε−1
X )
d’où l’assertion.
Partie (ii) : Cette relation est réflexive, et par l’exercice 1.45(ii) elle est transitive.
Pour montrer que la relation est symétrique, soit F : C → C ′ une équivalence, et
choisissons un foncteur G : C ′ → C vérifiant la condition de (i) ci-dessus ; notons
que si dans la condition de (i) on échange les rôles de F et G, on obtient encore la
même condition. Donc, G est elle aussi une équivalence, d’où l’assertion.
Partie (iii) : C’est un calcul direct ; en effet, pour tout X ∈ Ob(C ) on a
(ω ′′ ∗ (ω ′ ∗ ω))X = ωG
′′ ′′ ′ ′ ′′ ′′ ′ ′′ ′ ′
′ GX ◦ F (ωGX ◦ F ωX ) = ωG′ GX ◦ F (ωGX ) ◦ F F (ωX )

= (ω ′′ ∗ ω ′ )GX ◦ F ′′ F ′ (ωX

)
= ((ω ′′ ∗ ω ′ ) ∗ ω)X .
2. Taureau á

Dans cette leçon on commence à bâtir l’infrastructure de notre édifice algébrique.


On n’est pas pressé : en effet, des premières cinq sections, seulement deux peuvent
s’inscrire à plein titre dans l’algèbre commutative, à savoir la première, qui contribue
des renseignements élémentaires sur les idéaux des anneaux, et la troisième, dédiée
à l’importante technique de localisation des anneaux. Quant au reste : la deuxième
section est un prolongement du thème catégoriel débuté par la section 1.5 ; son but
principal est d’introduire l’important concept de foncteur représentable, et celui
voisin de couple de foncteurs adjoints ; le message sous-jacent est un paradigme de
l’algèbre et la géométrie modernes : un objet algébrique ou géométrique est intéres-
sant ou utile s’il représente un foncteur intéressant, et les propriétés algébriques ou
géométriques de l’objet en question correspondent aux propriétés catégorielles du
foncteur qu’il représente ; cette interaction mutuelle illumine les deux à la fois, et
permet d’étudier l’un par le biais de l’autre. La quatrième section est une longue di-
gression topologique portant sur les parties constructibles des spectres premiers, et
les topologies qui s’en déduisent. En dernier lieu, la section 2.5 est le point de départ
de nos petites incursions intermittentes dans l’algèbre homologique : on reprendra
ces balades dans les leçons à suivre, jusqu’à la fin du cours.

2.1. Intersections et réunions d’idéaux. On démarre avec un corollaire du


théorème 1.32 de la leçon précédente. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal ; on rappelle
la définition (déjà mentionnée au paragraphe 1.3.1) du radical de I :
rad(I) := {f ∈ A | ∃n ∈ N tel que f n ∈ I}.
Il s’agit d’un idéal de A : P
en effet, soient f, g ∈ A et n ∈ N tels que f n , g n ∈ I ; il
2n−1 2n−1 k 2n−k−1
s’ensuit que (f + g)2n−1
= k=0 k f g ∈ I, car max(k, 2n− 1 − k) ≥ n.
Corollaire 2.1. Avec les notations ci-dessus, rad(I) est l’intersection des idéaux
premiers de A qui contiennent I.
Démonstration. Soit π : A → A/I la projection canonique ; on voit aisément que
rad(I)
T = π −1 N (A/I). Compte tenu du théorème 1.32(ii), on déduit que rad(I) =
p∈Spec A/I π
−1
p. Mais {π −1 p | p ∈ Spec A/I} est précisément l’ensemble des idéaux
premiers de A qui contiennent I (voir le lemme 1.4), d’où l’assertion. 

Exemple 2.2. Pour tout t ∈ [0, 1], soit It ⊂ C ([0, 1]) l’ensemble des fonctions
f : [0, 1] → R telles que f −1 (0) est un voisinage de t. Evidemment It est un idéal de
C ([0, 1]), et on voit aisément que rad(It ) = I t . Par le corollaire 2.1, il s’ensuit que
It est l’intersection des idéaux premiers qui le contiennent ; d’autre part, il est clair
que le seul idéal maximal qui contient It est l’idéal mt des fonctions qui s’annulent
au point t, et évidemment It ( mt . On conclut qu’il existe des idéaux premiers p
§ 2.1: Intersections et réunions d’idéaux 41

de C ([0, 1]) tels que It ⊂ p ⊂ mt . Cela fournit une solution rapide au problème
1.16(ii), qui pourtant nous renseigne rien sur la nature de ces idéaux premiers p.
Lemme 2.3. Soit A un anneau, I1 , . . . , Ik ⊂ A des idéaux, p ⊂ A un idéal premier
Tk
tel que i=1 Ii ⊂ p. Alors il existe i ∈ {1, . . . , k} tel que Ii ⊂ p.
Démonstration. Supposons par l’absurde, que Ii * p pour tout i = 1, . . . , k ; dans
Tk
ce cas, on peut choisir ai ∈ Ii \ p pour chaque idéal Ii , d’où a1 · · · ak ∈ i=1 Ii \ p,
car p est premier. 
Remarque 2.4. Le lemme 2.3 nous permet de justifier quelques unes des assertions
géométriques mentionnées dans la leçon précédente :
(i) D’abord, à tout idéal I ⊂ A on a associé la partie fermée
V (I) := {p ∈ Spec A | I ⊂ p}
et toute partie fermée de Spec A est de cette forme (comparer avec la notation du
paragraphe 1.3.1). Evidemment, on a
I⊂J ⇒ V (J) ⊂ V (I).
(ii) Pour toute suite finie I1 , . . . , Ik d’idéaux de A, on déduit que
k
[ \
k 
V (Ii ) = V Ii .
i=1 i=1
Tk
En effet, l’inclusion V (Ij ) ⊂ V ( i=1 Ii ) pour tout j = 1, . . . , k suit aussitôt de (i) ;
Tk Tk
réciproquement, soit p ∈ V ( i=1 Ii ) ; cela veut dire que i=1 Ii ⊂ p, et le lemme
2.3 implique qu’il existe i ∈ {1, . . . , k} tel que Ii ⊂ p, i.e. p ∈ V (Ii ).
(iii) Notons aussi que si p ⊂ A est un idéal premier et p ∈ V (I), on a I ⊂ p,
d’où V (p) ⊂ V (I) ; donc, toute partie fermée de Spec A qui contient p contient
aussi V (p), i.e. V (p) est l’adhérence de {p} dans Spec A. Il s’ensuit que V (p) est
irréductible : en fait, si Z1 et Z2 sont deux parties fermées de Spec A telles que
V (p) = Z1 ∪ Z2 , on a soit p ∈ Z1 , soit p ∈ Z2 , d’où, soit V (p) ⊂ Z1 , soit V (p) ⊂ Z2 .
(iv) Plus précisément, le corollaire 2.1 implique que V (I) = V (rad(I)), et V (I)
est une partie irréductible de Spec A si et seulement si rad(I) est un idéal premier.
En effet, (iii) nous montre que la condition est suffisante. De l’autre côté, soient
f, g ∈ A deux éléments tels que f g ∈ rad(I) ; il s’ensuit que
V (I) ⊂ V (Af g) = V (Af ) ∪ V (Ag).
Si maintenant V (I) est irréductible, il est contenu déjà dans V (Af ) ou V (Ag) ;
disons V (I) ⊂ V (Af ) ; donc, f appartient à tout idéal premier qui contient I, d’où
f ∈ rad(I), par le corollaire 2.1, ce qui achève de montrer que rad(I) est premier.
(v) Soient I, J ⊂ A deux idéaux ; noter que (I ∩ J)2 ⊂ IJ ⊂ I ∩ J. Au vu du
lemme 2.3 et du corollaire 2.1 il vient :
rad(I) ∩ rad(J) = rad(I ∩ J) = rad(IJ).
Cela peut se montrer aussi aisément par un argument direct (exercice !).
Proposition 2.5. Soit A un S anneau, I, p1 , p2 , . . . , pn ⊂ A des idéaux (n ≥ 2), avec
p3 , . . . , pn ∈ Spec A et I ⊂ ni=1 pi . Alors il existe i ∈ {1, . . . , n} tel que I ⊂ pi .
Démonstration. On peut supposer qu’il n’y a pas d’inclusions parmi les pi , i.e.
pi * pj pour iS6= j. Supposons que I * pi pour i = 1, . . . , n, et on montrera qu’il
n
existe x ∈ I \ i=1 pi . On raisonne par récurrence sur n.
Si n = 2, l’hypothèse veut dire qu’il existe x1 ∈ I \ p1 et x2 ∈ I \ p2 ; or, si
/ p2 , on peut prendre x := x1 , et si x2 ∈
x1 ∈ / p1 , on peut prendre x := x2 . Si x1 ∈ p2
et x2 ∈ p1 , on peut prendre x := x1 + x2 .
42 á Taureau

Sn−1
Soit n > 2 ; par récurrence on sait déjà qu’il existe y ∈ I \ i=1 pi , et comme
I, p1 , . . . , pn−1 * pn , on trouve z1 , . . . , zn ∈ A avec zi ∈ pi \ pn pour i = 1, . . . , n − 1,
et zn ∈ I \ pn . On pose z := z1 · · · zn ; on a z ∈ I ∩ p1 ∩ · · · ∩ pn−1 \ pn car pn est
premier. Or, si y ∈ / pn , on prendra x := y, et si y ∈ pn , on prendra x := y + z. 

Lemme 2.6. (Lemme des chinois) Soit A un anneau, I1 , . . . , Ik ⊂ A des idéaux


tels que Ii + Ij = A pour tout i 6= j. Alors l’application naturelle
φ : A/(I1 ∩ · · · ∩ Ik ) → A/I1 × · · · × A/Ik
est un isomorphisme d’anneaux. De plus, on a
(∗) I1 ∩ · · · ∩ Ik = I1 · · · Ik .
Démonstration. L’injectivité de φ est immédiate. Pour tout i = 1, . . . , k, notons
Qk
ei := (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0) l’élément de i=1 A/Ii dont les composantes sont tous
nulles, sauf la i-ème, qui est égale à 1 ; pour vérifier la surjectivité de φ, il suffit
de montrer que ei ∈ Im(φ) pour tout i = 1, . . . , k. Or, pour chaque Q j 6= i il existe
xj ∈ Ii et yj ∈ Ij tels que xj + yj = 1. On voit aisément que φ( j6=i yj ) = ei .
Ensuite, remarquons que si J1 , J2 , J3 ⊂ A sont trois idéaux tels que Ji + Jj = A
pour tout 1 ≤ i < j ≤ 3, alors J1 + J2 J3 = A ; en effet, on a :
A = (J1 + J2 ) · (J1 + J3 ) ⊂ J1 + J2 J3 ⊂ A.
On vérifie l’identité (∗) par récurrence sur k ≥ 2. Si k = 2, par hypothèse il existe
a ∈ I1 et b ∈ I2 tels que a+b = 1 ; or, si x ∈ I1 ∩I2 il vient x = x·(a+b) = xa+xb ∈
I1 I2 , d’où I1 ∩I2 ⊂ I1 I2 , et l’inclusion réciproque est triviale. Soit maintenant k ≥ 2,
supposons que l’identité (∗) soit connue pour toute suite d’idéaux I1 , . . . , Ik ⊂ A
tels que Ii + Ij = A pour tout i 6= j, et soit I1 , . . . , Ik+1 ⊂ A une suite d’idéaux
vérifiant la même condition. On pose Ij′ := Ij pour j = 1, . . . , k − 1 et Ik′ := Ik Ik+1 .
Par l’observation ci-dessus, on a encore Ii′ + Ij′ = A pour tout 1 ≤ i < j ≤ k, et on
vient de voir aussi que Ik′ = Ik ∩ Ik+1 . Par hypothèse de récurrence, il s’ensuit que
I1 ∩ · · · ∩ Ik+1 = I1′ ∩ · · · Ik−1

∩ Ik′ = I1′ · · · Ik′ = I1 · · · Ik+1
et la preuve est achévée. 

Exercice 2.7. Soit A un anneau ; on munit Spec A de l’ordre partiel défini par
l’inclusion : p ≤ q si et seulement p ⊂ q, pour tous idéaux premiers p, q de A.
(i) Montrer que Spec A admet des éléments minimaux.
(ii) Plus précisément, montrer que tout idéal premier p de A contient un idéal
premier minimal.
2.2. Le lemme de Yoneda. Soit C une catégorie ; à tout objet X de C on peut
associer un foncteur
hX : C → Ens Y 7→ C (X, Y )
qui fait correspondre à tout morphisme f : Y → Y ′ de C l’application
hX (f ) : C (X, Y ) → C (X, Y ′ ) g 7→ f ◦ g.
Proposition 2.8. (Lemme de Yoneda) Soit C une catégorie, F : C → Ens un
foncteur. Pour tout X ∈ Ob(C ) il existe une bijection naturelle

F X → Nat(hX , F ).

Démonstration. Soit a ∈ F X ; pour tout Y ∈ Ob(C ) on considère l’application


ωa,Y : C (X, Y ) → F Y g 7→ F (g)(a)
§ 2.2: Le lemme de Yoneda 43

et on va montrer que le système (ωa,Y | Y ∈ Ob(C )) définit une transformation


naturelle ωa : hX → F . Pour cela, soit f : Y → Y ′ un morphisme de C ; il faut
vérifier la commutativité du diagramme
ωa,Y
C (X, Y ) / FY

hX (f ) Ff
 ωa,Y ′ 
C (X, Y ′ ) / F Y ′.

Mais si g : X → Y est un élément de C (X, Y ), on calcule


F f (ωa,Y (g)) = F f (F (g)(a)) = F (f ◦ g)(a) = ωa,Y ′ (f ◦ g) = ωa,Y ′ (hX (f )(g)).
On est donc ramené à vérifier que l’application F X → Nat(hX , F ) : a 7→ ωa est
bijective. Pour l’injectivité, il suffit de noter que ωa,X (1X ) = F 1X (a) = 1F X (a) = a
pour tout a ∈ F X. Ensuite, soit η : hX → F une transformation naturelle ; on pose
a(η) := ηX (1X ).
On doit vérifier que η = ωa(η) . Or, soit Y ∈ Ob(C ) ; pour tout g ∈ hX (Y ) on a
ηY (g) = ηY (g ◦ 1X ) = ηY ◦ hX (g)(1X ) = F g ◦ ηX (1X ) = F (g)(a(η)) = ωa(η),Y (g)
d’où l’assertion. 
Exemple 2.9. (i) Soit Y ∈ Ob(C ) ; si dans la proposition 2.8 on prend F := hY ,
on trouve une bijection naturelle

C (Y, X) → Nat(hX , hY ) (f : Y → X) 7→ (hf : hX → hY ).
Donc hf est l’unique transformation naturelle η : hX → hY telle que η(1X ) = f .
(ii) Soient f : Y → X et g : Z → Y deux morphismes de C ; il s’ensuit que
hg ◦ hf = hf ◦g
car hg ◦ hf (1X ) = hg (f ) = f ◦ g = hf ◦g (1X ). Evidemment h1X = 1hX pour tout
X ∈ Ob(C ). On a donc un foncteur de Yoneda qui est plein et fidèle :
hC : C op → Fun(C , Ens) X op 7→ hX (f op : X op → Y op ) 7→ hf .
Définition 2.10. Un foncteur F : C → Ens est dit représentable, s’il est isomorphe
à hX , pour un objet X de C . Dans ce cas, on dit aussi que X représente F .
Si F : C → Ens est représentable, l’objet X de C représentant F n’est pas, en
général, unique, mais il est unique à isomorphisme près. Plus précisément, la donnée

η : hX → F d’un isomorphisme de foncteurs détermine X à isomorphisme canonique

près. En effet, soit X ′ un deuxième objet représentant F , et η ′ : hX ′ → F un autre
isomorphisme ; par l’exemple 2.9(i), il existe un morphisme unique g : X → X ′

de C tel que hg = η −1 ◦ η ′ : hX ′ → hX , et comme hC est un foncteur plein et
fidèle (exemple 2.9(ii)), l’exercice 1.45(i.a) nous dit que g est un isomorphisme. De
plus, grâce au lemme de Yoneda, η est aussi équivalent à la donnée de l’élément
a := ηX (1X ) ∈ F X ; résumant, on voit que montrer la représentabilité de F équi-
vaut à exhiber un couple universel (X, a) constitué d’un objet X de C et un élément
universel a ∈ F X, jouissant de la propriété universelle suivante :
— Pour tout Y ∈ Ob(C ) et tout b ∈ F Y , il existe un morphisme f : X → Y
unique de C tel que b = F f (a).
Lemme 2.11. Soit F : C → Ens un foncteur, (X, a) un couple universel pour F .
(i) Soit aussi (X ′ , a′ ) un autre couple avec X ∈ Ob(C ) et a′ ∈ F X ′ . Alors
(X ′ , a′ ) est universel pour F si et seulement s’il existe un isomorphisme g :

X → X ′ (forcément unique) tel que F g(a) = a′ .
44 á Taureau


(ii) Soit G : C → Ens un autre foncteur, et η : F → G un isomorphisme de
foncteurs. Alors le couple (X, ηX (a)) est universel pour le foncteur G.
Démonstration. (i) : L’existence et unicité de g suivent formellement de la discus-
sion précédente ; on peut aussi les déduire directement des propriétés universelles :
en effet, la propriété universelle de (X, a) implique qu’il existe un morphisme unique
g : X → X ′ tel que F g(a) = a′ , et celle de (X ′ , a′ ) implique qu’il existe un mor-
phisme unique g ′ : X ′ → X tel que F g ′ (a′ ) = a. Il vient :
F (g ′ ◦ g)(a) = F g ′ ◦ F g(a) = a et F (g ◦ g ′ )(a′ ) = F g ◦ F g ′ (a′ ) = a′ .
De l’autre côté, on a aussi F (1X )(a) = a et F (1X ′ )(a′ ) = a′ ; mais alors, les
propriétés universelles impliquent que g ′ ◦ g = 1X et g ′ ◦ g = 1X ′ , i.e. g est un
isomorphisme.
Réciproquement, supposons que l’unique morphisme g : X → X ′ avec F g(a) = a′
soit un isomorphisme ; soit aussi Y ∈ Ob(C ) et b ∈ F Y , et notons par f : X → Y
l’unique morphisme de C tel que F f (a) = a′ . Alors h := f ◦ g −1 : X ′ → Y est
l’unique morphisme tel que F h(a′ ) = b, d’où l’universalité du couple (X ′ , a′ ).
(ii) : Soit Y ∈ Ob(C ) et c ∈ GY ; il existe un unique b ∈ F Y tel que ηY (b) = c,
et un unique morphisme g : X → Y de C tel que F g(a) = b ; alors g est aussi
l’unique morphisme tel que Gg(ηX (a)) = c. 
Ces considérations assez abstraites sont à la base d’une méthode générale pour la
construction d’objets algébriques, qui nous permettra de vérifier de façon uniforme
l’unicité (toujours à isomorphisme canonique près) de ces objets, et de démontrer
rapidement leurs propriétés remarquables.
Exemple 2.12. Soit Λ un ensemble, et A un anneau. Le foncteur
(−)Λ : A − Mod → Ens M 7→ M Λ := Ens(Λ, M )
associe à tout A-module M l’ensemble des applications ensemblistes Λ → M , et à
tout homomorphisme f : M → N de A-modules l’application
MΛ → NΛ (φ : Λ → M ) 7→ (f ◦ φ : Λ → N ).
Montrons que le A-module libre A(Λ) représente ce foncteur. En effet, si (eλ | λ ∈ Λ)
est la base canonique de A(Λ) (voir l’exemple 1.5(iv)), on a une bijection naturelle

ηM : HomA (A(Λ) , M ) → M Λ ∀M ∈ Ob(A − Mod)
qui associe à tout homomorphisme de A-modules f : A(Λ) → M l’application
ηM (f ) : Λ → M λ 7→ f (eλ ).
On voit aisément que la donnée (ηM | M ∈ Ob(A−Mod)) définit un isomorphisme de

foncteurs η : hA(Λ) → (−)Λ . L’élément universel correspondant à η est l’application
eΛ := ηA(Λ) (1A(Λ) ) : Λ → A(Λ) telle que eΛ (λ) = eλ ∀λ ∈ Λ.
Donc, pour toute application φ : Λ → M il existe un unique homomorphisme de
A-modules gφ : A(Λ) → M tel que gφ ◦ eΛ = φ, i.e. gφ (eλ ) = φ(λ) pour tout λ ∈ Λ.
Par ce qui précède, le couple (A(Λ) , eΛ ) est déterminé par ces conditions : si (L, l)
est un couple formé d’un A-module L et une application universelle l : Λ → L, il

existe un unique isomorphisme de A-modules g : A(Λ) → L tel que g ◦ eΛ = l, i.e.
tel que g(eλ ) = l(λ) pour tout λ ∈ Λ.
Exemple 2.13. Si dans l’exemple 2.12 on remplace la catégorie A−Mod par A−Alg
on obtient un deuxième foncteur représentable :
[−]Λ : A − Alg → Ens B 7→ B Λ .
§ 2.2: Le lemme de Yoneda 45

• En effet, prenons d’abord Λ = {1, . . . , n} pour un entier n ∈ N, de telle


façon que B Λ = B n pour toute A-algèbre B ; la remarque 1.2(ii) nous fournit une
bijection naturelle

ηB : HomA−Alg (A[X1 , . . . , Xn ], B) → B n f 7→ (f (X1 ), . . . , f (Xn )).
On voit aisément que le système (ηB | B ∈ Ob(A − Alg)) définit un isomorphisme

de foncteurs η : hA[X1 ,...,Xn ] → [−]n , i.e. le foncteur [−]n : A − Alg → Ens est
représenté par la A-algèbre de polynômes A[X1 , . . . , Xn ].
• Ensuite, si Λ est un ensemble fini de cardinalité n ∈ N, évidemment le foncteur
[−]n est isomorphe à [−]Λ , et donc A[X1 , . . . , Xn ] représente aussi ce dernier ; plus

précisément, toute bijection ω : Λ → {1, . . . , n} induit un isomorphisme de foncteurs

ω ∗ : [−]n → [−]Λ défini par :
∗ ∼
ωB : Bn → BΛ (φ : {1, . . . , n} → B) 7→ (φ ◦ ω : Λ → B) ∀B ∈ Ob(A − Alg)

d’où un isomorphisme de foncteurs ω ◦ η : hA[X1 ,...,Xn ] → [−] . L’élément universel
∗ Λ

associé à cet isomorphisme est l’application


Xω : Λ → A[X1 , . . . , Xn ] λ 7→ Xω(λ) .
On peut se passer du choix de ω à l’aide de la description plus intrinsèque suivante.
On indexe les variables directement par les éléments de Λ ; donc, pour tout λ ∈ Λ
on notera Xλ la variable correspondante, et on considère l’algèbre de polynômes
A[XΛ ] := A[Xλ | λ ∈ Λ] : il s’agit du A-module libre A(Σ) , où Σ est l’ensemble des
Q ν(λ)
monômes de la forme λ∈Λ Xλ , pour toute application ν : Λ → N, et l’on mul-
tiplie ces monômes de la façon évidente, par addition des exposants. Evidemment,
la bijection ω induit aussi un isomorphisme de A-algèbres

g : A[X1 , . . . , Xn ] → A[XΛ ] Xi 7→ Xω−1 (i) .
Par le lemme 2.11(i), le couple (A[XΛ ], χΛ ) avec
χΛ := g ◦ Xω : Λ → A[XΛ ] λ 7→ Xλ
est aussi universel pour [−] , et noter que ce nouveau couple ne dépend plus de ω.
Λ

• Soit maintenant Λ un ensemble arbitraire, et notons par F l’ensembles des


parties finies de Λ. Pour tout Λ′ ∈ F , on a construit la A-algèbre A[XΛ′ ], avec son
application universelle χΛ′ : Λ′ → A[XΛ′ ] ; notons que si Λ′′ ⊂ Λ′ , on a A[XΛ′′ ] ⊂
A[XΛ′ ], et χΛ′′ est alors la restriction de χΛ′ . On peut donc poser
[
A[XΛ ] := A[XΛ′ ]
Λ′ ∈F

et il existe une unique application χΛ : Λ → A[XΛ ] dont la restriction à A[XΛ′ ]


coïncide avec χΛ′ , pour tout Λ′ ∈ F . De plus, il existe une unique structure de
A-algèbre sur A[XΛ ] telle que l’inclusion A[XΛ′ ] → A[XΛ ] soit un homomorphisme
de A-algèbres pour tout Λ′ ∈ F : en effet, si P, Q ∈ A[XΛ ], il existe Λ′ , Λ′′ ∈ F
tels que P ∈ A[XΛ′ ], Q ∈ A[XΛ′′ ], et donc P + Q et P · Q sont bien définis dans
A[XΛ′ ∪Λ′′ ]. Vérifions que le couple (A[XΛ ], χΛ ) est universel pour le foncteur [−]Λ .
En effet, soit B une A-algèbre, et φ : Λ → B une application ; on a vu que pour tout
Λ′ ∈ F , il existe un homomorphisme unique gΛ′ : A[XΛ′ ] → B de A-algèbres tel que
gΛ′ ◦ χΛ′ = φ|Λ′ . Il s’ensuit que la restriction de gΛ′ à la sous-algèbre A[XΛ′′ ] doit
coïncider avec gΛ′′ , pour tout Λ′′ ⊂ Λ′ . Il existe donc un homomorphisme unique
de A-algèbres g : A[XΛ ] → B dont la restriction à A[XΛ′ ] coïncide avec gΛ′ , pour
tout Λ′ ∈ F , et évidemment g ◦ χΛ = φ.
Exercice 2.14. (Sous-foncteurs) Soient C une catégorie et F, F ′ : C → Ens deux
foncteurs ; on dit que F est un sous-foncteur de F ′ si l’on a :
— F X ⊂ F ′ X pour tout X ∈ Ob(C )
46 á Taureau

— F f : F X → F Y est la restriction de F ′ f : F ′ X → F ′ Y , pour tout X, Y ∈


Ob(C ) et tout morphisme f : X → Y de C .
(i) Soit X ∈ Ob(C ), et F : C → Ens un sous-foncteur de hX : C → Ens. Montrer
que F est représentable si et seulement s’il existe un épimorphisme f : X → X ′ tel
que, pour tout Y ∈ Ob(C ), la partie F Y est l’ensemble des morphismes g : X → Y
de C qui se factorisent à travers f (i.e. tels qu’il existe h : X ′ → Y avec g = h ◦ f ;
noter qu’il existe au plus une telle factorisation, car f est un épimorphisme). Dans
ce cas, (X ′ , f ) est un couple universel pour F .
(ii) Soit (X ′ , f ) un couple universel pour F , et f ′ : X → X ′′ un épimorphisme ;
on dit que f est équivalent à f ′ s’il existe un isomorphisme (forcément unique)

g : X ′ → X ′′ tel que g ◦ f = f ′ . Montrer que le couple (X ′′ , f ′ ) est universel
pour le foncteur F si et seulement f est équivalent à f ′ . Donc les sous-foncteurs
représentables de hX sont en correspondance bijective avec les classes d’équivalence
d’épimorphismes de source X.
(iii) Par exemple, soit A un idéal, I ⊂ A un idéal, π : A → A/I la projection
canonique ; on considère le sous-foncteur F de hA : Z − Alg → Ens défini par :
F B := {g : A → B | g(I) = 0} ⊂ HomZ−Alg (A, B).
Montrer que F est représentable, et que (A/I, π) est un couple universel pour F .
(iv) Voici un exemple contravariant : on considère un espace topologique (T, T ),
et une partie S ⊂ T . L’objet T op de la catégorie opposée Topop induit un foncteur
hT op : Topop → Ens X op 7→ Top(X, T )
qui associe à toute application continue f : X ′ → X l’application ensembliste
hT op (f op ) : Top(X, T ) → Top(X ′ , T ) g 7→ g ◦ f.
Pour tout espace topologique X, notons maintenant
FS (X) := {g ∈ Top(X, T ) | g(X) ⊂ S}.
Evidemment, si g ∈ FS (X), on a g ◦ f ∈ FS (X ′ ) pour tout espace topologique X ′
et toute application continue f : X ′ → X, i.e. FS est un sous-foncteur de hT op .
Montrer que FS est représentable, et exhiber un couple universel pour FS .
Problème 2.15. (Foncteurs adjoints) Soient C , C ′ deux catégories, F : C ′ → C
un foncteur, et supposons que pour tout X ∈ Ob(C ) le foncteur
hX ◦ F : C ′ → Ens X ′ 7→ C (X, F X ′ )
soit représentable.
(i) Montrer qu’il existe un foncteur G : C → C ′ , avec une adjonction pour le
couple (G, F ), i.e. un système d’isomorphismes de foncteurs

ω X : hX ◦ F → hGX ∀X ∈ Ob(C )
qui font commuter les diagrammes de transformations naturelles :
ωY / hGY
hY ◦ F
hf ∗F hGf
 ωX

hX ◦ F / hGX

pour tout morphisme f : X → Y de C (ici hf est la transformation naturelle


associée à f comme dans l’exemple 2.9, et hf ∗ F est le produit de Godement de
l’exercice 1.49). Autrement dit, on a un système de bijections
X ′ ∼ ′ ′
ωX ′ : C (X, F X ) → C (GX, X ) ∀X ∈ Ob(C ), ∀X ′ ∈ Ob(C ′ )
§ 2.2: Le lemme de Yoneda 47

qui est naturel par rapport aux deux variables X, X ′ , i.e.


ωYX′ (F h ◦ g ◦ f ) = h ◦ ωX
Y
′ (g) ◦ Gf ∀g : Y → F X ′ , ∀f : X → Y, ∀h : X ′ → Y ′ .
On dit que G est adjoint à gauche de F , ou que F est adjoint à droite de G.
(ii) Par exemple, soit A un anneau ; on considère le foncteur d’oubli
F : A − Mod → Ens
qui associe à tout A-module M l’ensemble sous-jacent M (ainsi, F “oublie” la struc-
ture de module de M ), et à tout homomorphisme f : M → M ′ de A-modules, la
même application f de l’ensemble M dans l’ensemble M ′ . Montrer que F admet
un adjoint à gauche, et décrire explicitement un tel foncteur adjoint.
(iii) De même, soit
F ′ : A − Alg → Ens
le foncteur d’oubli qui associe à toute A-algèbre B son ensemble B sous-jacent.
Montrer que F ′ admet un adjoint à gauche, et en donner une construction explicite.
(iv) On a aussi un foncteur d’oubli
Ob : Cat → Ens C 7→ Ob(C )
qui associe à toute catégorie l’ensemble des ses objets, et à tout foncteur F : C → C ′
l’application sous-jacente Ob(C ) → Ob(C ′ ) : X 7→ F X. Montrer que Ob admet un
adjoint à gauche et en donner une description explicite.
Remarque 2.16. On peut interpréter l’adjonction ω du problème 2.15 comme un
isomorphisme de foncteurs. Pour cela, notons que les associations : X 7→ hGX et
(f : X → Y ) 7→ hGf sont précisément celles qui définissent le foncteur

hC ◦ Gop : C op → Fun(C ′ , Ens)
(notation de l’exemple 2.9(ii)). Ensuite, notons que F induit un foncteur
F ∗ : Fun(C , Ens) → Fun(C ′ , Ens) (H : C → Ens) 7→ H ◦F (η : H → H ′ ) 7→ η ∗F.
Avec cette notation, les associations : X 7→ hX ◦ F et (f : X → Y ) 7→ hf ∗ F sont
celles qui définissent le foncteur
F ∗ ◦ hC : C op → Fun(C ′ , Ens)
et finalement, la donnée (ω X | X ∈ Ob(C )) est un isomorphisme de foncteurs
∼ ′
ω : F ∗ ◦ hC → hC ◦ Gop .
Exercice 2.17. (i) Avec la notation de la remarque 2.16, montrer que l’adjonction
ω détermine l’adjoint à gauche G de F à isomorphisme unique près : à savoir, soit
H : C → C ′ un deuxième foncteur avec une adjonction
∼ ′
ϑ : F ∗ ◦ hC → hC ◦ H op .

Alors il existe un isomorphisme de foncteurs unique φ : G → H tel que

ϑ = (hC ∗ φop ) ◦ ω.
(ii) Pour tout X ∈ Ob(C ) et tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) notons
′ ∼
(ω op )X X −1
X := (ωX ′ ) : C ′op (X ′ , Gop X) → C op (F op X ′ , X).
Montrer que ω op est une adjonction pour le couple (F op , Gop ). Compte tenu de
(i), on conclut que les composantes F et G d’un couple de foncteurs adjoints se
déterminent l’une l’autre à isomorphisme près.
48 á Taureau

Problème 2.18. (Unité et counité d’une adjonction) Soient F : C ′ → C un


foncteur, G : C → C ′ un foncteur adjoint à gauche de F , et ω une adjonction pour
le couple (G, F ). Pour tout X ∈ Ob(C ) et tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) on pose

X −1 FX ′ ′
ηX := ωGX (1GX ) : X → F GX εX ′ := ωX ′ (1F X ′ ) : GF X → X .

(i) Montrer que les systèmes (ηX | X ∈ Ob(C )) et (εX ′ | X ′ ∈ Ob(C ′ )) définissent
des transformations naturelles
η : 1C → F ◦ G ε : G ◦ F → 1C ′ .
(ii) On appelle η l’unité et ε la counité de l’adjonction ω. Montrer que η et ε sont
reliées par les identités triangulaires exprimées par les diagrammes commutatifs :
η∗F G∗η
F ❊ / F GF G❊ / GF G
❊❊ ❊❊
❊❊ ❊❊
❊ F ∗ε ❊ ε∗G
1F ❊❊❊  1G ❊❊ 
" "
F G.
(iii) Réciproquement, soient F : C ′ → C et G : C → C ′ deux foncteurs, et
η : 1C → F ◦ G, ε : G ◦ F → 1C ′ deux transformations naturelles satisfaisant les
identités triangulaires de (ii). Montrer que η et ε sont respectivement l’unité et la
counité d’une et une seule adjonction ω pour le couple (G, F ).
(iv) Pour chacune des adjonctions obtenues dans les parties (ii), (iii) et (iv) du
problème 2.15, écrire les unités et counités correspondantes.
Remarque 2.19. (i) Avec la notation du problème 2.18, noter que
(η ∗ F )op = η op ∗ F op et (F ∗ ε)op = F op ∗ εop
et de même pour (G ∗ η)op et (ε ∗ G)op . On en déduit les identités :
(η op ∗ F op ) ◦ (F op ∗ εop ) = 1F op (Gop ∗ η op ) ◦ (εop ∗ Gop ) = 1Gop .
Grâce à la partie (iii) du problème 2.18, il s’ensuit qu’il existe une adjonction unique
pour le couple (F op , Gop ) dont l’unité et counité sont respectivement εop et η op . Il
s’agit évidemment de l’adjonction ω op de l’exercice 2.17(ii).
(ii) Soit F : C ′ → C une équivalence de catégorie et G : C → C ′ un quasi-
inverse pour F . Compte tenu des problèmes 1.50(i) et 2.18(iii), on voit que G est à
la fois adjoint à gauche et à droite de F : détails laissés au lecteur.
Proposition 2.20. Dans la situation du problème 2.18, on a :
(i) F (resp. G) est fidèle si et seulement si εX ′ (resp. ηX ) est un épimorphisme
pour tout X ′ ∈ Ob(C ′ ) (resp. un monomorphisme pour tout X ∈ Ob(C )).
(ii) F (resp. G) est plein et fidèle si et seulement si ε (resp. η) est un isomor-
phisme de foncteurs.
Démonstration. Compte tenu de la remarque 2.19(i), il suffit de vérifier les as-
sertions concernant ε. Pour (i), supposons que εX ′ soit un épimorphisme pour
tout X ′ ∈ Ob(C ′ ), et soient f1 , f2 : X ′ → Y ′ deux morphismes de C ′ tels que
F f1 = F f2 ; il vient : f1 ◦ εX ′ = εY ′ ◦ GF f1 = εY ′ ◦ GF f2 = f2 ◦ εX ′ , d’où f1 = f2 ,
ce qui montre que F est fidèle. Réciproquement, si F est fidèle, supposons que
f1 ◦ εX ′ = f2 ◦ εX ′ ; grâce aux identités triangulaires on déduit :
F fi = F (εY ′ ) ◦ F GF (fi ) ◦ ηF X ′ = F (εY ′ ◦ GF fi ) ◦ ηF X ′ = F (fi ◦ εX ′ ) ◦ ηF X ′
d’où F f1 = F f2 , et finalement f1 = f2 . Cela montre que εX ′ est un épimorphisme.
(ii) : Supposons que ε soit un isomorphisme de foncteurs ; compte tenu de (i),
on doit montrer que F est plein. Donc, soit g : F X → F Y un morphisme de C ; on
pose f := εY ◦ Gg ◦ ε−1
X : X → Y , et on vérifie que F f = g. En effet, d’un côté on a :
F (εY )−1 ◦F f = F Gg◦F (εX )−1 , et de l’autre côté les identités triangulaires donnent
§ 2.3: Technique de localisation 49

F (εX )−1 = ηF X et F (εY )−1 = ηF Y , donc ηF Y ◦ F f = F Gg ◦ ηF X = ηF Y ◦ g, d’où


l’assertion. Réciproquement, supposons que F soit plein et fidèle ; alors, pour tout
X ∈ Ob(C ′ ) il existe un morphisme βX : X → GF X avec F βX = ηF X . Grâce aux
identités triangulaires, on déduit : F (εX ◦ βX ) = F εX ◦ F βX = F εX ◦ ηF X = F 1X ,
d’où εX ◦ βX = 1X , car F est fidèle. Ensuite :
F X −1 F X −1
ωGF X (βX ◦ εX ) = F (βX ◦ εX ) ◦ ηF X = ηF X ◦ F εX ◦ ηF X = ηF X = ωGF X (1GF X )
(comparer avec la solution du problème 2.18(iii)) d’où βX ◦ εX = 1GF X ; donc εX
est un isomorphisme. 
Exercice 2.21. Soient C , C ′ , C ′′ trois catégories, et (G : C → C ′ , F : C ′ → C ),
(G′ : C ′ → C ′′ , F ′ : C ′′ → C ′ ) deux couples de foncteurs adjoints. Montrer que
(G′ ◦ G, F ◦ F ′ ) est un couple de foncteurs adjoints.
2.3. Technique de localisation. La remarque 1.27(i) montre que toute partie
fermée Z du spectre premier d’un anneau A s’identifie au spectre d’une certaine
A-algèbre A′ (à l’occurence, un quotient de A), et l’application d’inclusion Z ⊂
Spec A s’identifie à Spec π : Spec A′ → Spec A, où π : A → A′ est le morphisme
structurel de la A-algèbre A′ . Par contre, les parties ouvertes de Spec A ne peuvent
pas toujours être réalisées de cette façon. Toutefois, cela reste vrai du moins pour
les parties ouvertes de la forme D(f ) : on peut associer naturellement à toute partie
de cette forme une A-algèbre A′ , telle que l’application correspondante Spec A′ →

Spec A se factorise à travers un homéomorphisme Spec A′ → D(f ). C’est l’objet de
la présente section sur la technique de localisation des anneaux.
Le prototype des localisations est la construction du corps des fractions d’un
anneau intègre A, qui “rend inversible” tout élément non nul de A dans une ex-
tension canonique Frac(A) de A. En général, la localisation construit une solution
universelle d’un certain problème d’extension d’anneaux et morphismes d’anneaux.
La proposition suivante formalise ce problème (et fournit sa solution) :
Proposition 2.22. Soit A un anneau, S ⊂ A une partie. Il existe une A-algèbre
(S −1 A, j)
caracterisée à isomorphisme unique près par la propriété suivante :
— Si f : A → B est un homomorphisme d’anneau, alors f se factorise à travers
j si et seulement si f (S) ⊂ B × :
f
A /B
②<

j ②

② f
S −1 A
et cette factorisation est unique.
L’homomorphisme j : A → S −1 A est appelé application de localisation.
Démonstration. Unicité de (S −1 A, j) à isomorphisme unique près : pour tout an-
neau B, soit F B ⊂ HomZ−Alg (A, B) la partie des homomorphismes g : A → B tels
que g(S) ⊂ B × . Evidemment, si g ∈ F B, on a h ◦ g ∈ F B ′ pour tout anneau B ′ et
tout homomorphisme d’anneaux h : B → B ′ ; cela veut dire que
F : Z − Alg − Ens
est un sous-foncteur de hA . On voit donc que l’existence de (S −1 A, j) équivaut à la
représentabilité de F , et l’assertion est un cas particulier de l’exercice 2.14.
Existence de (S −1 A, j) : d’abord, soit Se ⊂ A la partie des produits s1 · · · sk
de longeur arbitraire k, d’éléments de S ; on voit aisément que si f : A → B est
un homomorphisme d’anneaux, on a f (S) ⊂ B × ⇔ f (S) e ⊂ B × . Donc, le couple
50 á Taureau

(S −1 A, j) existe si et seulement le couple correspondant (Se−1 A, j̃) existe, et par


ce qui précède ils sont canoniquement isomorphes, car couples universels pour le
même sous-foncteur F de hA . Résumant, on peut remplacer S par S, e et supposer
que S soit une partie multiplicative de A, i.e. une partie telle que :
— 1 ∈ S et s, t ∈ S ⇒ s · t ∈ S pour tout s, t ∈ S.
On introduit sur l’ensemble S × A la relation binaire ∼ définie par :
— (s, a) ∼ (t, b) ⇔ ∃u ∈ S tel que usb = uta.
On vérifie que ∼ est une relation d’équivalence : si (s, a) ∼ (t, b) ∼ (v, c), il existe
u, u′ ∈ S tels que usb = uta et u′ tc = u′ vb, d’où uu′ tsc = uu′ vsb = uu′ tva ; comme
uu′ t ∈ S, on déduit (s, a) ∼ (v, c), d’où l’assertion. La classe d’équivalence de (s, a)
sera notée par la fraction :
a
s
et on pose S −1 A := (S × A)/ ∼. On définit une opération :
(S × A) × (S × A) → S × A (s, a) + (t, b) := (st, at + bs)
et on vérifie que cette application induit une addition + : S −1 A × S −1 A → S −1 A,
i.e. si (s, a) ∼ (s′ , a′ ) et (t, b) ∼ (t′ , b′ ), on a (s, a) + (t, b) ∼ (s′ , a′ ) + (t′ , b′ ). En
effet : par hypothèse il existe u, v ∈ S tel que usa′ = us′ a et vtb′ = vt′ b, donc
uvst(a′ t′ + b′ s′ ) = uvs′ t′ (at + bs) et uv ∈ S.
De même, on définit une opération :
(S × A) × (S × A) → S × A (s, a) · (t, b) := (st, ab)
et on vérifie aisément que cette application induit une multiplication sur S −1 A,
et la donnée (S −1 , +, ·) est un anneau (exercice !) En particulier, l’élément neutre
de l’addition est la fraction 0/1, et celui de la multiplication est 1/1, donc toute
fraction s/1 avec s ∈ S admet l’inverse 1/s dans S −1 A. L’homomorphisme j est
défini par :
a
j : A → S −1 A a 7→ ∀a ∈ A.
1
Si f : A → B est un homomorphisme tel que f (s) ∈ B × , on définit
a
f : S −1 A → B 7→ f (s)−1 · f (a).
s
On vérifie aisément que f est bien défini : supposons que a/s = b/t, de telle façon
que uat = ubs pour quelque u ∈ S ; on déduit
f (a) f (a) · f (ut) f (aut) f (ubs) f (b) · f (us) f (b)
= = = = = .
f (s) f (s) · f (ut) f (ust) f (ust) f (t) · f (us) f (t)
De plus, f est l’unique homomorphisme d’anneaux tel que f ◦ j = f (exercice !). De
l’autre côté, si f se factorise à travers j et un homomorphisme f : S −1 A → B, on
voit que f (s) = f (s/1), donc f (s) admet l’inverse f (1/s) dans B. 
Exemple 2.23. Soit A un anneau.
(i) Si A est intègre, posons S := A \ {0} ; alors Frac(A) := S −1 A est le corps
des fractions de A.
(ii) Si p ⊂ A est un idéal premier, on remarque que Sp := A \ p est une partie
multiplicative de A. La localisation Sp−1 A sera notée :
Ap
et appelée la localisation de A en l’idéal premier p.
(iii) Si f ∈ A est un élément arbitraire, posons Sf := {f } ; on notéra :
Af := Sf−1 A.
§ 2.3: Technique de localisation 51

(iv) Soit A := K[X1 , . . . , Xn ], avec K un corps algébriquement clos, et Q ∈ A


un polynôme arbitraire. La localisation AQ définie comme dans (iii) ci-dessus, est
l’anneau des fractions P/Qn avec P ∈ A et n ∈ N arbitraires. Toute fraction de ce
type détermine une application ensembliste :
D(Q) → K a := (a1 , . . . , an ) 7→ P (a)/Q(a)n
(où D(Q) ⊂ Max A ≃ K n est défini comme au paragraphe 1.3.1).
Remarque 2.24. (i) Soit A un anneau, S ⊂ A une partie multiplicative, et a/s ∈
S −1 A un élément arbitraire ; la construction de S −1 A montre que l’on a a/s = 0/1
dans S −1 A si et seulement s’il existe t ∈ S tel que ta = 0 dans A. En particulier,
un élément a ∈ A est dans le noyau de l’application de localisation j : A → S −1 A
si et seulement s’il existe t ∈ A tel que ta = 0. Donc, j est injective si et seulement
si tout élément de S est régulier dans A.
(ii) D’autre part, j est rarement surjective, mais – par l’exercice 2.14(i) – elle
est toujours un épimorphisme de la catégorie des anneaux.
Exemple 2.25. Soient A, B deux anneaux, et C := A × B leur produit cartesien,
muni de l’addition et multiplication usuels : (a, b) + (a′ , b′ ) := (a + a′ , b + b′ ) et
(a, b) · (a′ , b′ ) := (aa′ , bb′ ) pour tout a, a′ ∈ A et b, b′ ∈ B. En particulier, l’unité de
la multiplication de C est le couple (1, 1). Notons s := (1, 0) ; on voit que sn = s
pour tout n > 0, donc S := {(1, 1), s} est une partie multiplicative de C, et la
remarque 2.24 nous dit que le noyau de la localisation j : C → S −1 C est l’idéal
{0} × B ⊂ C. Autrement dit, j se factorise à travers la projection π : C → A :
(a, b) 7→ a, et un homomorphisme injectif d’anneaux
(a, 0)
j ′ : A → S −1 C a 7→ .
(1, 1)
Mais cette application est aussi surjective : en effet, tout élément de S −1 C est soit
(a,b)
une fraction de la forme (1,1) , soit de la forme (a,b) (a,b) (a,0)
s , mais on a (1,1) = (1,1) = s
(a,b)

car (a, b) · s = (a, 0) · s pour tout a, b ∈ S. Donc, j ′ est un isomorphisme. On conclut


que dans ce cas, l’opération de localisation coïncide, à isomorphisme unique près,
avec l’opération de projection sur le facteur A de C.
On peut arriver à la même conclusion à l’aide de la propriété universelle de S −1 C.
En effet, soit f : C → R un homomorphisme d’anneaux tel que f (s) ∈ R× . On a
s · (0, b) = (0, 0) pour tout b ∈ B, d’où 0 = f (0, 0) = f (s) · f (0, b), et on conclut que
f (0, b) = 0 pour tout b ∈ B, ce qui montre que f se factorise, de façon évidemment
unique, à travers la projection π. Réciproquement, s’il existe un homomorphisme
d’anneaux f¯ : A → R tel que f = f ◦ π, on a f (s) = f ◦ π(s) = f (1) = 1 ∈ R× .
On voit donc que π est solution universelle du même problème de factorisation qui
caractérise S −1 C, et il est donc canoniquement isomorphe à ce dernier.
Exercice 2.26. Soit A un anneau, S, T ⊂ A deux parties, et jS : A → S −1 A
l’application de localisation. On pose T := jS (T ) ; montrer qu’il existe un unique

isomorphisme (S ∪ T )−1 A → T −1 (S −1 A) de A-algèbres.
2.3.1. Idéaux des anneaux localisés. Soit A un anneau, S ⊂ A une partie multi-
plicative, I ⊂ A un idéal, et notons j : A → S −1 A l’application canonique de
localisation ; on voit aisément que la partie
S −1 I := {a/s ∈ S −1 A | a ∈ I, s ∈ S}
est un idéal de S −1 A. Montrons que tout idéal de S −1 A est de cette forme :
Lemme 2.27. Pour tout idéal J ⊂ S −1 A on a J = S −1 (j −1 J).
Démonstration. Si a/s ∈ J, on a a/1 = (a/s) · (s/1) ∈ J, donc a ∈ j −1 J, d’où
a/s ∈ S −1 (j −1 J). L’inclusion S −1 (j −1 J) ⊂ J est immédiate. 
52 á Taureau

Proposition 2.28. L’application


Spec j : Spec S −1 A → Spec A
est injective, et son image est la partie {p ∈ Spec A | p ∩ S = ∅}.
Démonstration. L’injectivité de Spec j se déduit directement du lemme 2.27.
Soit q ∈ Spec S −1 A et p := j −1 q ; si t ∈ S ∩ p, on obtient 1 = t/t ∈ S −1 p = q,
contradiction. Donc, S ∩ p = ∅. De l’autre côté, soit p ∈ Spec A tel que S ∩ p = ∅.
Alors, S −1 p est un idéal premier : en effet, si (a/s) · (b/t) ∈ S −1 p, on obtient
ab/(st) = c/u dans S −1 A pour quelque c ∈ p, u ∈ S ; d’où, abuv = cstv dans A,
pour quelque v ∈ S, et donc abuv ∈ p. Mais uv ∈ S, donc ab ∈ p, et on déduit que
soit a/s ∈ S −1 p, soit b/t ∈ S −1 p. De plus, 1 ∈
/ S −1 p, car sinon on aurait 1/1 = c/u
pour quelque c ∈ p et u ∈ S, d’où uv = cv dans A pour quelque v ∈ S, ce qui est
absurde, car uv ∈ S et par hypothèse S ∩ p = ∅. 
Exemple 2.29. (i) Soit A un anneau, f ∈ A un élément, et S ⊂ A la partie
multiplicative {f n | n ∈ N}. Donc, S −1 A = Af (notation de l’exemple 2.23(iii)), et
la proposition 2.28 nous dit que Spec j induit une identification naturelle :
Spec Af ≃ D(f ).
Plus précisément, la topologie de Spec Af coïncide avec la topologie induite par
Spec A via l’application injective Spec j. La preuve de cette dernière assertion est
analogue à celle de la remarque 1.27(i) : il suffit de noter que pour tout a/f n ∈ Af
on a D(a/f n ) = D(a/1) = (Spec j)−1 D(a).
(ii) Plus généralement, pour toute partie multiplicative S, le même argument
montre que la topologie de Spec S −1 A coïncide avec la topologie induite par Spec A
via l’application Spec j.
(iii) Soit p ⊂ A un idéal premier. La proposition 2.28 montre aussi que l’appli-
cation de localisation A → Ap induit une identification canonique
Spec Ap ≃ {q ∈ Spec A | q ⊂ p}
(ici, Ap est la localisation au premier p : voir l’exemple 2.23(ii)). En particulier, on
voit que l’idéal Sp−1 p ⊂ Ap est le plus grand idéal premier de Ap ; donc, il est l’unique
idéal maximal de Ap . Un anneau qui ne possède qu’un unique idéal maximal est
dit un anneau local, et on écrira aussi parfois
(R, m)
pour dénoter le couple d’un anneau local R et de son idéal maximal m.
Remarque 2.30. On peut aussi utiliser la proposition 2.28 pour fournir une ca-
ractérisation purement topologique de l’application de localisation. Pour cela, soit
plus généralement U ⊂ Spec A une partie arbitraire ; pour tout anneau B, no-
tons par FU B ⊂ HomZ−Alg (A, B) l’ensemble des homomorphismes f : A → B
tels que l’image de Spec f : Spec B → Spec A soit contenue dans U . Evidemment,
si f ∈ FU B, on a g ◦ f ∈ FU B ′ pour tout anneau B ′ et tout homomorphisme
d’anneaux g : B → B ′ ; on a donc un sous-foncteur du foncteur hA
FU : Z − Alg → Ens.
On dira que U est représentable si FU est représentable. Si (AU , jU : A → AU )
est un couple universel pour FU , on dira aussi que jU (ou AU ) représente U. Par
l’exercice 2.14, jU est alors un épimorphisme d’anneaux, et la A-algèbre AU est
déterminée à isomorphisme unique près. Avec cette terminologie, on a :
Exercice 2.31. Soit S ⊂ A une partie, et on pose U := {p ∈ Spec A | p ∩ S = ∅}.
Montrer que la partie U de Spec A est représentable par la A-algèbre S −1 A.
§ 2.4: Espaces spectraux 53

En général, la question de décider si une partie donnée de Spec A soit représenta-


ble est assez subtile (et dépasse les moyens de ce cours). Nous nous contentons ici de
proposer le problème suivant (voir aussi le problème 10.25 pour une généralisation) :
Problème 2.32. Soit K un corps ; on pose A := K[X, Y ], et on dénote m ⊂ A
l’idéal maximal engendré par X et Y . Montrer que U := Spec A \ {m} n’est pas
une partie représentable (noter que si K est algébriquement clos, Max A \ {m}
correspond au plan K 2 privé de son origine (0, 0), suivant la bijection canonique
fournie par le Nullstellensatz).
Exercice 2.33. Soit B un anneau, A ⊂ B un sous-anneau. Montrer que l’applica-
tion φ : Spec B → Spec A induite par l’inclusion i : A → B a image dense.
Exercice 2.34. Soit A un anneau, I, J ⊂ A des idéaux, S ⊂ A une partie. Montrer :
S −1 (I + J) = S −1 I + S −1 J
S −1 (I · J) = (S −1 I) · (S −1 J)
S −1 (I ∩ J) = (S −1 I) ∩ (S −1 J)
rad(S −1 I) = S −1 (rad(I))
N (S −1 A) = S −1 N (A).
Exercice 2.35. Soit K un corps, n ∈ N un entier, et p1 ⊂ · · · ⊂ pk une suite finie
d’inclusions strictes d’idéaux premiers de K[T1 , . . . , Tn ]. Montrer que k ≤ 2n .
2.4. Espaces spectraux. L’exemple 2.29(i) implique, en particulier, que D(f ) est
une partie compacte de Spec A, pour tout f ∈ A. Notons aussi que
(∗) D(f ) ∩ D(g) = D(f g) ∀f, g ∈ A.
Dans sa thèse doctorale (voir [15]), l’algébriste M.Hochster s’est servi de ces pro-
priétés afin de caractériser en termes purement topologiques les spectres premiers
des anneaux ; pour cela il a introduit la définition suivante.
Définition 2.36. On dit qu’un espace topologique T est spectral, si :
— T est compact
— T admet une base d’ouverts compacts et stable par intersections finies
— toute partie fermée irréductible Z de T est l’adhérence d’un point unique
z ∈ Z, qu’on appelle le point générique de Z.
Or, (∗) montre que la base (D(f ) | f ∈ A) de Spec A est stable par intersections
finies ; de plus, si Z = V (p) pour un idéal premier p, le point générique unique de Z
est p, donc Spec A est un espace topologique spectral. Réciproquement, Hochster a
démontré que tout espace spectral est homéomorphe au spectre d’un anneau. Nous
n’utiliserons pas ce résultat, qui serait probablement relégué aujourd’hui au rang
d’une curiosité mathématique : avec le recul, on peut dire que la vraie contribution
de [15] a été de mettre en évidence une nouvelle classe d’espaces topologiques, qui
ont fait depuis leur apparition dans plusieurs questions différentes, assez éloignées de
celle qui leur a donné naissance. L’ubiquité et vitalité des espaces spectraux est im-
putable en bonne mesure aux agréables propriétés des leurs parties constructibles :
surtout, les parties constructibles d’un espace spectral engendrent une topologie
compacte et séparée. Dans cette section on expliquera ce théorème dû à Hochs-
ter, ainsi que quelques uns des ses nombreux corollaires, et quelques applications.
On verra plus tard que les spectres premiers ne sont pas la seule source d’espaces
spectraux : notamment, les spectres valuatifs et les spectres réels des anneaux nous
fourniront des nouveaux exemples remarquables.
54 á Taureau

Définition 2.37. Soit T := (T, TT ) un espace spectral.


(i) On dit qu’une partie X ⊂ T est constructible, si elle s’écrit comme réunion
finie de parties de la forme U \ V , avec U et V ouverts et compacts dans T (en
particulier, X est compact pour la topologie induite par l’inclusion dans T ).
(ii) La topologie constructible de T est la topologie TTc engendrée par la famille
des parties constructibles de T . On notera T c l’ensemble T muni de la topologie
TTc . Noter que TTc est plus fine que la topologie TT . Une partie X ⊂ T est dite
pro-constructible (resp. ind-constructible) si elle est fermée (resp. ouverte) dans T c ;
i.e. X est une intersection (resp. une réunion) de parties constructibles de T .
Remarque 2.38. Soit T un espace spectral, et B une base d’ouverts compacts de
T , stable par intersections finies.
(i) Notons que si U, U ′ ⊂ T sont deux parties ouvertes compactes, U ∩ U ′ et
U ∪ U ′ sont aussi ouverts et compacts. En effet, cela est clair pour U ∪ U ′ (et même
pour tout espace topologique T ) ; pour voir que U ∩ U ′ est compact, on remarque
que – de leur compacité – U et U ′ s’écrivent comme réunions finies d’éléments de
B ; l’on est donc ramené au cas U, U ′ ∈ B, où l’assertion est vérifiée par hypothèse.
(ii) Evidemment, toute réunion finie de partiesSconstructibles est constructible.
Sm
n
De même pour les intersections finies : car si X = i=1 Ui \ Vi et X ′ = j=1 Uj′ \ Vj′ ,
S n S m S n S m
on a X ∩ X ′ = i=1 j=1 (Ui \ Vi ) ∩ (Uj′ \ Vj′ ) = i=1 j=1 (Ui ∩ Uj′ ) \ (Vi ∪ Vj′ ), et
d’après (i), chaque partie Ui ∩Uj et Vi ∪Vj est ouverte et compacte, d’où l’assertion.
′ ′

En particulier, les parties constructibles de T forment une base de TTc .


(iii) De plus, le complémentaire
Sn T \ X d’une partie Tnconstructible X est aussi
constructible. En effet, si X = i=1 Ui \Vi , on a T \X = i=1 (T \(Ui \Vi )), et d’après
(ii) on est ramené à montrer que si U, V sont des parties ouvertes et compactes de T ,
alors T \ (U \ V ) est constructible ; mais T \ (U \ V ) = T \ (U ∩(T \ V )) = (T \ U )∪V ,
d’où l’assertion.
(iv) Remarquons aussi que T est un espace topologique de type T0 . Rappelons
que cette dernière condition veut dire que pour tout x, y ∈ T distincts il existe soit
une partie ouverte U ⊂ T avec x ∈ U et y ∈ / U , soit une partie ouverte U ′ ⊂ T avec
y ∈ U et x ∈ / U . En effet, soit Zy l’adhérence de {y} dans T ; comme y est l’unique
point générique de Zy , quitte à échanger les rôles de x et y on peut supposer que
x∈ / Zy , et alors T \ Zy est une partie ouverte contenant x et ne contenant pas y.
2.4.1. Fonctions continues à valeurs discrètes. Soit F2 le corps à deux éléments,
que l’on munit de sa topologie discrète, et pour tout espace topologique T notons
C (T, F2 )
l’anneau des fonctions continues à valeurs dans F2 . Tout comme dans la section 1.2,
on a une application canonique
φT : T → Max C (T, F2 )
qui associe à tout t ∈ T l’idéal maximal mt := {f ∈ C (T, F2 ) | f (t) = 0}, et on voit
aisément que φT est continue pour la topologie de Zariski de Max C (T, F2 ).
Remarque 2.39. (i) Noter que si f : T → F2 est continue, la partie V (f ) := f −1 (0)
est ouverte et fermée dans T , car {0} est une partie ouverte et fermée de F2 .
Réciproquement, si Z ⊂ T est une partie ouverte et fermée, l’unique application
−1
gZ : T → F2 avec gZ (0) = Z est continue. Donc, la donnée d’un élément de
C (T, F2 ) est équivalente à celle d’une partie ouverte et fermée de T .
(ii) Soit m ∈ Max C (T, F2 ) ; on peut s’inpirer de la solution du problème 1.16(ii)
pour définir l’ensemble
Z (m) := {V (f ) | f ∈ m}
qui est un ultrafiltre de parties ouvertes et fermées de T ; en effet :
§ 2.4: Espaces spectraux 55

(a) ∅ ∈
/ Z (m), car g∅ = 1
(b) si Z ∈ Z (m) et Z ′ est une partie ouverte et fermée de T avec Z ⊂ Z ′ , alors
Z ′ ∈ Z (m), car gZ ′ = gZ ′ · gZ ∈ m
(c) si Z, Z ′ ∈ Z (m), alors Z ∩ Z ′ ∈ Z (m), car Z ∩ Z ′ = V (gZ + gZ ′ + gZ · gZ ′ )
(d) Z (m) est maximal avec ces propriétés (a)–(c), car si Z ′ est une famille de
parties ouvertes et fermées de T contenant strictement Z (m) et vérifiant (b)
et (c), soit Z ∈ Z ′ \ Z (m) ; on a gZ ∈
/ m, et comme m est maximal, on peut
trouver f ∈ C (T, F2 ) et h ∈ m tels que f ·gZ +h = 1, d’où ∅ = Z ∩V (h) ∈ Z ′ .
(iii) Noter aussi que pour tout espace topologique T on a :
Max C (T, F2 ) = Spec C (T, F2 ).
En particulier, Max C (T, F2 ) est un espace spectral. En effet, soit p ⊂ C (T, F2 )
un idéal premier ; pour tout h ∈ C (T, F2 ) on a h2 − h = 0, donc la classe h de h
dans C (T, F2 )/p doit être soit 0, soit 1. Autrement dit, C (T, F2 )/p = F2 pour tout
p ∈ Spec C (T, F2 ), d’où l’assertion, grâce à la proposition 1.3.
Le résultat suivant – un analogue combinatoire du théorème de Gelfand-Naimark
– est la clef de la théorie des espaces spectraux :
Théorème 2.40. Soit (T, TT ) un espace spectral. Alors :
(i) L’application φT c : T c → Max C (T c , F2 ) est un homéomorphisme.
(ii) (Hochster) En particulier, T c est un espace topologique compact et séparé.
Démonstration. On dira qu’une fonction f : T → F2 est constructible si f −1 (0)
est une partie constructible de T ; compte tenu de la remarque 2.38(ii,iii), on voit
aisément que l’ensemble
Cons(T, F2 )
des fonctions constructibles est un sous-anneau de C (T c , F2 ), et l’argument de la
remarque 2.39(iii) montre de même que Spec Cons(T, F2 ) = Max Cons(T, F2 ) ; si
i : Cons(T, F2 ) → C (T c , F2 ) est l’inclusion, on a donc l’application continue
φ′T := Max(i) ◦ φT : T c → Max Cons(T, F2 )
et on montrera d’abord que φ′T est un homéomorphisme. Pour voir que φ′T est
injective, on considère deux points distincts x, y ∈ T et il suffit de trouver une
fonction constructible f : T → F2 avec f (x) = 1 et f (y) = 0. Cela revient à exhiber
une partie constructible X de T telle que x ∈ X et y ∈ / X, car on pourra alors
−1
prendre l’unique l’application fX : T c → F2 avec fX (1) = X. Cela montrera au
même temps que T c est séparé.
Or, par la remarque 2.38(iv), on peut trouver soit une partie ouverte U avec
x ∈ U et y ∈/ U , soit une partie ouverte U ′ telle que y ∈ U ′ et x ∈
/ U ′ ; évidemment,
dans le premier cas on peut aussi supposer que U soit compacte, et l’on prendra
alors X := U . Dans le deuxième cas, on peut de même supposer U ′ compacte, et
l’on prendra alors X := T \ U ′ .
Ensuite, on remarque que la topologie de T c coïncide avec celle induite par
Max Cons(T, F2 ) via l’application φ′T : en effet, pour toute partie constructible X
de T , soit fX : T c → F2 la fonction continue définie comme ci-dessus ; évidem-
ment φ′−1
T (D(fX )) = X, d’où l’assertion. Pour conclure, il ne reste qu’à montrer
la surjectivité de φ′T . Soit donc m ∈ Max Cons(T, F2 ) ; raisonnant comme dans la
remarque 2.39(ii), on voit que Z (m) := {V (f ) | f ∈ m} est un ultrafiltre de parties
constructibles de T . Pour tout f ∈ m, on munit V (f ) de la topologie induite par T ;
on rappelle que V (f ) est compact pour cette topologie, et on considère la famille F
des systèmes Z• := (Zf | f ∈ m) de parties de T , soumises aux conditions suivantes :
— Zf est une partie fermée non vide de V (f ) pour tout f ∈ m
56 á Taureau

— Zg ⊂ Zf pour tout f, g ∈ m tels que V (g) ⊂ V (f ).


On munit F de l’ordre partiel tel que Z• ≤ Z•′ si et seulement si Zf ⊂ Zf′ pour
tout f ∈ m. Evidemment l’ultrafiltre Z (m) est un élément de F , donc F =6 ∅. De
plus, si (Z•λ | λ ∈ Λ) est une partie totalement ordonnée de F , posons
\
Cf := Zfλ ∀f ∈ m.
λ∈Λ

Affirmation 2.41. (Cf | f ∈ m) ∈ F .


Preuve : Il est clair que Cg ⊂ Cf si V (g) ⊂ V (f ). Il reste à montrer que Cf 6= ∅
pour tout f ∈ m. Mais T observons que toute partie finie Λ′ ⊂ Λ admet un élément
minimal λ0 , et on a λ∈Λ′ Zf = Zfλ0 6= ∅ ; l’assertion vient alors de la compacité
λ

de V (f ) et de la propriété de l’intersection finie (voir l’exercice 1.13(i)). ♦


Compte tenu de l’observation 2.41, le lemme de Zorn nous dit que F admet un
élément minimal M• , et pour tout f ∈ m soit M f l’adhérence de Mf dans T .
Affirmation 2.42. (a) Mf est irréductible pour tout f ∈ m.
(b) M g = M f pour tout f, g ∈ m.
(c) Soit t le point générique commun des M f . On a t ∈ V (f ) pour tout f ∈ m.
Preuve. (a) : Supposons, par l’absurde, qu’il existe f ∈ m et deux parties fermées
Z1 , Z2 6= ∅ strictement contenues dans Mf , telles que Mf = Z1 ∪ Z2 . On définit
des systèmes M 1• et M•2 par :
(
i Zi ∩ Mg si V (g) ⊂ V (f )
M g := (i = 1, 2).
Mg sinon.
La minimalité de M• implique que M•1 , M•2 ∈ / F , donc il existe g, g ′ ∈ m tels que
Mg1 = Mg2′ = ∅. Posons h := g + g ′ + g · g ′ , de telle façon que V (h) = V (g) ∩ V (g ′ ) ;
il vient Mh = Mh1 ∪ Mh2 ⊂ Mg1 ∪ Mg2′ = ∅, contradiction.
(b) : Supposons, par l’absurde, qu’il existe f, g ∈ m tels que M g 6= M f ; quitte à
échanger éventuellement les rôles de f et g, et remplacer g par g + f + g · f , on peut
supposer que V (g) ⊂ V (f ), et donc M g ⊂ M f . On définit un système M•′ par :
(
′ M g ∩ Mh si V (h) ⊂ V (f )
Mh :=
Mh sinon.
Noter que M h+g+h·g ⊂ Mh′ pour tout h ∈ m ; il s’ensuit que M•′ ∈ F , ce qui
contredit la minimalité de M• .
(c) : Supposons, par l’absurde, que t ∈
S / V (f ) pour quelque f ∈ m. On écrit V (f ) =
n
i=1 (U i \ U ′
i ) pour certaines parties ouvertes U1 , U1′ , . . . , Un , Un′ de T , et disons que
t ∈ U1 ∩ · · · ∩ Uk et t ∈ / Uk+1 ∪ · · · ∪ Un . Dans ce cas, on a Mf = M f ∩ V (f ) =
Sk
M f ∩ i=1 (Ui \ Ui′ ), et t ∈ U ′ := U1′ ∩ · · · ∩ Uk′ . Posons N := M f \ U ′ ; il s’ensuit
que Mf ⊂ N ⊂ M f . Mais N est une partie fermée de M f qui ne contient pas t,
contradiction. ♦
L’observation 2.42(c) implique que Z (m) est contenu dans le filtre Z (φ′T (t)) des
parties constructibles de T contenant t ; mais on a observé que Z (m) est maximal,
donc Z (m) = Z (φ′T (t)), et finalement m = φ′T (t).
(ii) : On a déjà observé que T c est séparé, et comme on vient de montrer que φ′T
est un homéomorphisme, la compacité vient de la proposition 1.26.
(i) : Il ne reste qu’à montrer que Cons(T, F2 ) = C (T c , F2 ) ; cela revient à dire
que pour tout f ∈ C (T c , F2 ) la partie Z := f −1 (0) est constructible ; mais Z est
ouverte et fermée dans l’espace compact T c , i.e. Z est une partie ouverte compacte
de T c, donc réunion finie de parties constructibles de T , d’où l’assertion. 
Voici un simple critère qui est parfois utile pour construire des espaces spectraux :
§ 2.4: Espaces spectraux 57

Proposition 2.43. Soit (T, T ) un espace topologique compact et séparé, U une


famille de parties ouvertes et fermées de T , et notons par TU la topologie sur T
engendrée par U . Alors, les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) (T, TU ) est de type T0 .
(b) (T, TU ) est spectral.
De plus, si ces conditions sont vérifiées, on a (T, TU )c = (T, T ).
Démonstration. On sait déjà que (b) ⇒ (a), grâce à la remarque 2.38(iv).
Supposons donc que (T, TU ) soit de type T0 , et notons par U ′ l’ensemble des
intersections finies arbitraires d’éléments de U . Evidemment tout U ∈ U ′ est une
partie ouverte et fermée de (T, T ), donc U est une partie compacte de (T, T ), et
a fortiori, U est compact par rapport à la topologie TU (qui est moins fine de
T ). Donc, U ′ est une base de TU qui est stable par intersections finies et dont les
éléments sont des parties compactes. Pour montrer que (T, TU ) est spectral, il ne
reste ainsi qu’à vérifier que toute partie fermée irréductible Z de (T, TU ) admet un
point générique unique. Pour cela, on pose
\
UZ := {U ∈ U | U ∩ Z 6= ∅} Z ′ := Z ∩ U.
U∈UZ

La propriété T0 de (T, TU ) implique aisément que Z contient au plus un point, et


il suffit de montrer que Z ′ 6= ∅. Or, notons que Z est aussi fermée dans la topologie
T , donc de même pour toute intersection finie Z ∩U1 ∩· · ·∩Uk avec U1 , . . . , Uk ∈ UZ
(pour tout entier k ∈ N) ; par la propriété de l’intersection finie (exercice 1.13(i)),
on est donc ramené à montrer que chaque intersection finie de ce type est non vide.
On raisonne par l’absurde : si U1 , . . . , Uk ∈ UZ et Z ∩ U1 ∩ · · · ∩ Uk = ∅, posons
Vi := Z \ Ui pour i = 1, . . . , k ; il s’ensuit que Z = V1 ∪ · · · ∪ Vk , et comme Z est
irréductible, on doit avoir Z = Vi pour quelque i ≤ k, i.e. Z ∩Ui = ∅, contradiction.
En dernier lieu, montrons que si (T, TU ) est spectral, (T, T ) est la topologie
constructible de (T, TU ) ; pour cela, remarquons d’abord que l’application iden-
tique (T, T ) → (T, TU )c est continue. L’assertion revient à dire que toute partie
constructible X de T est ouverte dans la topologie T , et on est ramené aisément
au cas où X est de la forme U \ V , pour U, V deux ouverts compacts de TU . Mais
alors U et V sont réunions finies d’éléments de U ′ , en particulier U et V sont des
parties ouvertes et fermées de (T, T ), et finalement U \ V est de même ouverte
(et fermée) dans (T, T ), comme souhaité. L’assertion suit maintenant du théorème
2.40(ii) et de l’exercice 1.13(iii). 

Exemple 2.44. Soit T un espace spectral, et Z ⊂ T une partie pro-constructible,


munie de la topologie TZ induite par l’inclusion dans T . Alors Z est un espace
spectral. En effet, soit TZ′ la topologie induite sur Z par la topologie de T c ; or, T c
est compact et séparé, et Z est une partie fermée de T c , donc TZ′ est compacte et
séparée. De plus, TZ est de type T0 (car T est de type T0 ) et engendrée par une
famille de parties ouvertes et fermées de T c . L’assertion suit donc aussitôt de la
proposition 2.43, qui nous montre aussi que TZ′ est la topologie constructible de Z.
Remarque 2.45. (i) Une application continue f : T → S entre deux espaces spec-
traux n’est pas forcément continue pour les topologies constructibles de T et S.
(ii) Toutefois, si f est compacte, i.e. si pour toute partie ouverte compacte
U ⊂ S, l’image inverse f −1 U ⊂ T est ouverte et compacte, alors f est aussi une
application continue compacte T c → S c : en effet, les parties ouvertes et compactes
de S c sont les parties constructibles de S, donc l’assertion revient à dire que si
Z ⊂ S est une partie constructible, alors f −1 Z est constructible dans T . Pour
cela, on se ramène aisement au cas où Z = U \ U ′ avec U, U ′ des parties ouvertes
58 á Taureau

compactes de S ; mais dans ce cas f −1 Z = (f −1 U ) \ (f −1 U ′ ) est la différence de


deux parties ouvertes compactes, donc constructible.
(iii) Par exemple, si g : A → B est un homomorphisme d’anneaux quel-
conque, l’application continue Spec g : Spec B → Spec A est compacte, car on a
(Spec g)−1 D(a) = D(g(a)) pour tout a ∈ A.
Définition 2.46. (i) Soit T un espace topologique, x, y ∈ T deux points. On dit
que x est une spécialisation de y, si x appartient à l’adhérence de {y} dans T . Dans
ce cas, on dit aussi que y est une générisation de x. La spécialisation x de y est
stricte, si x 6= y ; dans ce cas, on dira aussi que y est une générisation stricte de x.
(ii) Soient T, S deux espaces topologiques et f : T → S une application continue.
On dit que f est générisante (resp. spécialisante) si pour tout t ∈ T et toute
générisation (resp. toute spécialisation) s de f (t) il existe une générisation (resp.
une spécialisation) t′ ∈ T de t telle que f (t′ ) = s.
Remarque 2.47. (i) Pour tout espace topologique T on obtient une relation ≤
réflexive et transitive sur T par :
x≤y ⇔ x est une spécialisation de y.
Si T est spectral, cette relation est aussi antisymétrique, car si x ≤ y et y ≤ x, les
adhérences de {x} et {y} coïncident, d’où x = y. Donc, à tout T spectral on associe
ainsi un ensemble partiellement ordonné (T, ≤). On notera
Max T et Min T
les ensembles des points maximaux et respectivement minimaux de (T, ≤).
(ii) Noter aussi que toute application continue f : T → S entre espaces spectraux
est aussi un morphisme d’ensembles partiellement ordonnés
f : (T, ≤) → (S, ≤).
En effet, si x ≤ y dans T , notons Z l’adhérence de {f (y)} dans S ; la partie f −1 Z
est fermée dans T et contient y, donc x ∈ f −1 Z, d’où f (x) ≤ f (y).
Définition 2.48. Soit T un espace spectral. La dimension (de Krull) de T , notée
dim T
est le supremum des longueurs k des chaines de spécialisations strictes
x0 < x1 < · · · < xk .
de points de T . On pose dim ∅ := −∞.
Exemple 2.49. (i) Soit T un espace spectral, et t ∈ T un point. La partie
T (t) := {s ∈ T | s ≥ t}
est pro-constructible, car l’intersection de tous les voisinages ouverts compacts de
t dans T . En particulier, T (t) est spectral, pour la topologie induite par l’inclusion
dans T (voir l’exemple 2.44), et on définit la hauteur de t
ht (t) := dim T (t)
i.e. ht (t) est le supremum des longueurs des chaînes de générisations strictes de t.
(ii) Soit A un anneau, et prennons T := Spec A ; on voit que pour p, q ∈ T on
a p ≤ q si et seulement si V (p) ⊂ V (q), si et seulement si q ⊂ p. Donc l’ordre de
(T, ≤) est l’opposé de l’ordre défini par l’inclusion d’idéaux premiers. La dimension
de T est aussi appelée la dimension de A, et notée
dim A.
Il s’agit donc du supremum des longueurs k des chaînes strictement croissantes
p0 p1 · · · pk d’idéaux premiers de A. Pour tout p ∈ T on a T (p) = Spec Ap
§ 2.4: Espaces spectraux 59

(voir l’exemple 2.29(iii)). En particulier, Spec Ap est une partie pro-constructible


de Spec A. Noter aussi que l’on a dim A = −∞ si et seulement si A = {0}.
(iii) Soit K un corps. L’exercice 2.35 montre que dim K[T1 , . . . , Tk ] < 2k , et en
fait on verra dans la suite de ce cours que dim K[T1 , . . . , Tk ] = k. Voir l’exercice
4.33 pour une généralisation. L’anneau Z a évidemment dimension 1, et Z/nZ a
dimension 0 pour tout entier n > 1.
Corollaire 2.50. Soit T un espace spectral, X ⊂ T une partie pro-constructible,
Y ⊂ T une partie ind-constructible, et notons X l’adhérence de X dans T . On a :
(i) X est l’ensemble de toutes les spécialisations des points de X.
(ii) Y est ouverte dans T si et seulement si elle contient toutes les générisations
des ses points.
Démonstration. (i) : Evidemment, X contient l’ensemble X s des spécialisations des
points de X. D’autre part, soit x ∈ T \ X s , et notons par F la famille des parties
ouvertes compactes de T contenant x. Comme x ∈ / X s , on a
\
(W ∩ X) = ∅.
W ∈F

Or, tout élément de F , ainsi que X, est fermé dans T c ; par le théorème 2.40(ii) et
l’exercice 1.13(i), il s’ensuit qu’il existe W1 , . . . , Wk ∈ F tels que W1 ∩· · ·∩Wk ∩T =
∅. Mais W1 ∩ · · · ∩ Wk est une partie ouverte de T contenant x, d’où x ∈ / X.
(ii) se déduit aisément de (i). 
Corollaire 2.51. Soit f : T → S une application continue entre deux espaces
spectraux, X ⊂ T et Y ⊂ S deux parties pro-constructibles. On a :
(i) Si f est compacte, f (X) est pro-constructible dans S.
(ii) Si f est générisante, l’adhérence de f −1 Y dans T est l’image inverse de
l’adhérence de Y dans S.
Démonstration. (i) : X est une partie fermée de T c , donc X est compacte, par le
théorème 2.40(ii) ; compte tenu la remarque 2.45(ii) et de l’exercice 1.13(ii.c), il
s’ensuit que f (X) est une partie compacte de S c , et donc f (X) est fermée dans S c ,
encore grâce au théorème 2.40(ii) et l’exercice 1.13(ii.a).
(ii) : Soit Y l’adhérence de Y dans S ; évidemment l’adhérence de f −1 Y est
contenue dans f −1 Y , donc il suffit de montrer l’inclusion opposée. Soit ainsi x ∈
f −1 Y ; par le corollaire 2.50(i), le point f (x) admet une générisation y ∈ Y , et
comme f est générisante, on trouve une générisation t ∈ T de x telle que f (t) = y,
i.e. x est une spécialisation d’un point de f −1 Y , d’où l’assertion. 
Proposition 2.52. Soient T, S deux espaces spectraux, f : T → S une application
continue et compacte. On a :
(i) Si f est spécialisante, alors f est fermée (voir la définition 1.8(v)).
(ii) Si f est surjective et soit spécialisante, soit générisante, alors la topologie de
S coïncide avec la topologie induite par T via f .
Démonstration. (i) : Soit X ⊂ T une partie fermée ; en particulier, X est pro-
constructible dans T , donc f (X) est pro-constructible dans S (corollaire 2.51(i)),
et grâce au corollaire 2.50(i) on est ramené à vérifier que pour tout s ∈ f (X) et
toute spécialisation s′ de s dans S, on a s′ ∈ f (X). Or, soit x ∈ X tel que s = f (x) ;
comme f est spécialisante, il existe une spécialisation x′ de x avec f (x′ ) = s′ , et
x′ ∈ X, car X est fermée, d’où l’assertion.
(ii) : Soit X ⊂ S une partie telle que f −1 X est fermée dans T ; on doit vérifier que
X est fermée dans S. Or, f (f −1 X) = X car f est surjective ; si f est spécialisante
l’assertion se déduit alors de (i).
60 á Taureau

On suppose ensuite que f soit générisante, et notons X l’adhérence de X dans


S. Remarquons que X = f (f −1 X) est une partie pro-constructible de S, par le
corollaire 2.51(i) ; compte tenu du corollaire 2.51(ii) on déduit que f −1 X = f −1 X,
et comme f est surjective, il vient X = X, d’où, à nouveau, l’assertion. 
Exercice 2.53. (Involution de Hochster) Soit (T, T ) un espace spectral, et notons
par (T, ≤) l’ensemble T partiellement ordonné par spécialisation (remarque 2.47(i)).
(i) Montrer qu’il existe une topologie T ∗ sur T telle que
T ∗ := (T, T ∗ )
soit un espace spectral avec (T ∗ , ≤) = (T, ≤)op et (T ∗ )c = T c .
(ii) Montrer que ((T, T )∗ )∗ = (T, T ).
(iii) Soit f : T → S une application continue et compacte d’espaces spectraux.
Montrer que f : T ∗ → S ∗ est aussi continue et compacte.
L’exercice 2.53 admet le corollaire suivant, qui redémontre à la fois la proposition
1.26 et l’exercice 2.7 par une voie purement topologique :
Corollaire 2.54. Soit T un espace spectral. On a :
(i) Tout t ∈ T a une spécialisation t′ ∈ Min T et une générisation t′′ ∈ Max T .
(ii) La topologie de T induit une topologie compacte sur la partie Min T .
Démonstration. (i) : Vérifions d’abord l’existence de t′ ; pour cela, grâce à l’exemple
2.44 on peut remplacer T par l’adhérence de {t}, et on est ramené à montrer
que Min T 6= ∅ si T 6= ∅. Soit F la famille des parties fermées non vides de T ,
partiellement
T ordonnée par inclusion ; si G ⊂ F est une partie totalement ordonnée,
on a X∈G X ∈ F , par la propriété de l’intersection finie (exercice 1.13(i)). Par le
lemme de Zorn, F admet alors un élément minimal Z, et il suffit de montrer que Z
contient un seul point. Pour cela, soient t′′ , t′ deux points de Z, et notons Z ′ et Z ′′
les adhérences de {t′ } et {t′′ } dans T ; évidemment Z ′ , Z ′′ ⊂ Z, donc Z ′ = Z = Z ′′ ,
par minimalité de Z, d’où finalement t′ = t′′ est l’unique point générique de Z.
Ensuite, pour voir que t admet une générisation maximale t′′ , on peut remplacer
T par l’espace spectral T ∗ de l’exercice 2.53, et t′′ devient alors une spécialisation
minimal de t, dont l’existence est connue par ce qui précède.
S (ii) : Soit (Ui | i ∈ I) une famille de parties ouvertes
S de T telle que Min T ⊂
i∈I U i ; compte tenu de (i), on voit aisémentS que i∈I i = T , et comme T est
U
compact, il existe une partie finie J ⊂ I avec i∈J Ui = T , d’où l’assertion. 
Problème 2.55. (Compactifications canoniques) On dit qu’un espace topologique
(T, T ) est totalement disconnexe, s’il est séparé et la famille des parties ouvertes
et fermées de T est une base de T . Notons
TDisc et cTDisc
les sous-catégories pleines de Top dont les objets sont respectivement les espaces
totalement disconnexes et les espaces totalement disconnexes et compacts ; on a un
foncteur d’inclusion naturel i : cTDisc → TDisc. On dénote
φT : T → α(T ) := Max C (T, F2 )
l’application continue naturelle (voir le paragraphe 2.4.1).
(i) Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) T est un espace topologique compact et totalement disconnexe
(b) T est un espace spectral séparé
(c) T est un espace spectral avec dim T = 0
et si ces conditions sont remplies, alors T = T c . En déduire que α(X) est totalement
disconnexe et compact, pour tout espace topologique X.
§ 2.4: Espaces spectraux 61

(ii) Soit T un espace totalement disconnexe. Montrer que :


(a) l’image de φT est dense dans α(T )
(b) la topologie de T coïncide avec celle induite par α(T ) via φT
(c) toute application continue f : T → S avec S totalement disconnexe, induit
une application continue α(f ) : α(T ) → α(S), de telle façon que les associations
T 7→ α(T ) et f 7→ α(T ) définissent un foncteur α : TDisc → cTDisc, et les associa-
tions T 7→ φT définissent une transformation naturelle φ : 1TDisc → i ◦ α.
(d) Conclure que α est adjoint à gauche de i.
On a vu (exemple 2.44) que toute partie pro-constructible d’un espace spectral
T est aussi spectrale, pour la topologie induite par l’inclusion dans T . Toutefois,
en certaines applications on trouve des parties d’un espace spectral qui ne sont pas
forcément pro-constructibles. Pour ces cas, le critère suivant est parfois utile :
Problème 2.56. Soit T un espace spectral, S ⊂ T × T un ensemble de spécialisa-
tions de T , i.e. pour tout (x, y) ∈ S on a x ≤ y. On dira que x est une spécialisation
S -admissible de y si (x, y) ∈ S . On dira aussi qu’une partie X ⊂ T est S -fermée,
si X contient toutes les spécialisations S -admissibles de tous ses points. On pose
S := {t ∈ T | t n’admet aucune spécialisation S -admissible stricte}
que l’on munit de la topologie induite par l’inclusion dans T . On suppose que :
(S1) pour tout s ∈ S et tout voisinage U de s dans T il existe une partie
U ′ ⊂ U ouverte, constructible et S -fermée contenant s
(S2) tout t ∈ T admet une spécialisation S -admissible s ∈ S.
(i) Montrer que tout t ∈ T admet une unique spécialisation S -admissible r(t) ∈ S.
(ii) Montrer que S est un espace spectral, et la rétraction r : T → S est une
application continue et compacte.
(iii) Plus précisément, montrer qu’une partie Z ⊂ S est constructible dans S si et
seulement si r−1 Z est constructible dans T .
Dans le même esprit, signalons le résultat suivant :
Corollaire 2.57. Soit T un espace spectral. On munit Min T de la topologie induite
par T . Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) Tout point de T admet une spécialisation unique dans Min T .
(b) Il existe une rétraction continue r : T → Min T .
De plus, si ces conditions sont vérifiées, Min T est séparé.
Démonstration. (b)⇒(a) : Soit t ∈ T , et u ∈ Min T une spécialisation de t ; il
s’ensuit que u = r(u) ≤ r(t) (voir la remarque 2.47(ii)), d’où u = r(t).
(a)⇒(b) : Evidemment, pour tout t ∈ T , l’image r(t) doit être l’unique spéciali-
sation minimale de t, et il reste à vérifier que l’application ainsi définie est continue.
Pour cela, soit U une partie ouverte de T ; on pose Z := (Min T ) \ U , et notons
aussi par Z ′ l’ensemble de toutes les générisations des points de Z ; on remarque :
Affirmation 2.58. Z ′ est une partie fermée de T .
Preuve : Notons d’abord que Z ′ contient toutes les spécialisations de tous ses points ;
en effet, si t ∈ Z ′ et t′ ≤ t, par construction il existe s ∈ Z tel que s ≤ t ; soit
maintenant s′ ∈ Min T l’unique spécialisation minimale de t′ ; donc s′ ≤ t, d’où
s = s′ , et finalement t′ ∈ Z ′ . Compte tenu du corollaire 2.50(i), on est alors ramené
à montrer que Z ′ est pro-constructible. Pour cela, on montre plus précisément
que Z ′ est l’intersection de tous les parties ouvertes compactes de T contenant Z.
En effet, évidemment Z ′ est contenu dans cette intersection. D’un autre côté, si
t ∈ T \ Z ′ , soit l’adhérence W de {t} dans T ; on voit aisément que W ∩ Z = ∅.
62 á Taureau

Donc, tout z ∈ Z admet un voisinage ouvert et compact Uz avec Uz ∩ W = ∅ ;


comme Min T est compact (corollaireS2.54(ii)), Z l’est aussi, donc il existe une
partie finie X ⊂ Z telle que Z ⊂ U := z∈X Uz . Par construction, W ∩ U = ∅, en
particulier t ∈
/ U , d’où l’assertion. ♦
Soit maintenant U ′ := U \ Z ′ ; il s’ensuit que U ′ est une partie ouverte de T , et
par construction on a U ′ = r−1 (U ∩ Min T ), d’où l’assertion.
En dernier lieu, montrons que Min T est séparé si (b) est vérifiée. Pour tout
t ∈ Min T on dénote Ut la familleT des voisinages ouverts compacts de t dans T ; par
l’exemple 2.49(i), on a r−1 (t) = U∈Ut U . Soient t, t′ ∈ Min T deux points distincts ;
T
il vient U∈Ut ∪Ut′ U = r−1 (t)∩r−1 (t′ ) = ∅. De l’autre côté, les éléments de Ut ∪Ut′
sont des parties fermées de l’espace compact T c ; par la propriété de l’intersection
finie, il existe donc U ∈ Ut et U ′ ∈ Ut′ avec U ∩ U ′ = ∅, d’où l’assertion. 
Remarque 2.59. La situation contemplée dans le corollaire 2.57 apparaît notable-
ment dans la théorie des anneaux w-locaux, développée dans l’article recent [4] de
B.Bhatt et P.Scholze. Voir le problème 8.38 pour une application de ce corollaire.
2.5. Premiers pas dans l’algèbre homologique. On termine cette leçon avec
une revue des premières notions d’algèbre homologique.
Définition 2.60. (i) Soit A un anneau ; un complexe de A-modules est une suite
di−1 i d di+1
(M• , d• ) : · · · −−−→ Mi −→ Mi+1 −−−→ · · ·
constituée de A-modules (Mi | i ∈ Z) et d’applications A-linéaires di : Mi → Mi+1
appelées les différentiels du complexe M• , et telles que :
di ◦ di−1 = 0 ∀i ∈ Z.
De façon équivalente : Im(di−1 ) ⊂ Ker(di ) pour tout i ∈ Z.
(ii) Si on a Im(di−1 ) = Ker(di ) pour un indice i, on dit que le complexe M• est
exact en degré i (ou acyclique en degré i). Si M• est exact en tout degré, on dit que
M• est exact (ou acyclique).
(iii) Soit (M•′ , d′• ) un autre complexe de A-modules ; un morphisme de complexes
φ• : M• → M•′
est la donnée d’un système (φi : Mi → Mi′ | i ∈ Z) d’applications A-linéaires qui
font commuter les diagrammes :
di
Mi / Mi+1

φi φi+1 ∀i ∈ Z.
 d′i 
Mi′ / M′
i+1

Remarque 2.61. (i) Souvent on considère des complexes dont les termes Mi sont
nuls pour tout indice i plus petits d’un indice imin (resp. pour tout indice plus grand
d’un indice imax ) ; on dit qu’un tel complexe est borné inférieurement (resp. borné
supérieurement). Dans ces cas, on définira d’habitude seulement les Mi en degrés
i ≥ imin (resp. i ≤ imax ), les autres terms devront donc s’entendre implicitement
comme étant nuls. Un complexe borné inférieurement et supérieurement est dit
simplement borné. On aura à discuter spécialement du cas particulier des suites
exactes courtes, qui sont les complexes exacts dont les termes sont nuls, sauf qu’aux
degrés 0, 1, 2 (ou i, i + 1, i + 2 pour un certain indice i ∈ Z fixé).
(ii) A tout A-module M et tout j ∈ Z, on associe un complexe
M [j]•
§ 2.5: Premiers pas dans l’algèbre homologique 63

avec M [j]i := 0 si i 6= j et M [j]j := M (les différentiels de ce complexe sont alors


tous nuls). Plus généralement, si (M• , d• ) est un complexe de A-modules, on dénote
M• [j]
le j-décalage de M• , qui est le complexe de A-modules avec Mk [j] := Mk−j et dont
le différentiel en degré k est dk−j : Mk−j → Mk−j+1 , pour tout k ∈ Z.
(iii) Un complexe du type
d di−1
i
· · · → 0 → M −→ N → ··· (resp. · · · → N −−−→ M → 0 → · · · )
avec M placé en degré i et Mi−1 = 0 (resp. Mi+1 = 0), est exact en degré i si et
seulement si di est injectif (resp. si et seulement si di−1 est surjectif).
(iv) Une suite de A-modules
f g
0 → M′ − → M ′′ → 0
→M −
est une suite exacte courte si et seulement si f est injectif, g est surjectif, et g induit
un isomorphisme Coker(f ) ≃ M ′′ .
(v) Tout homomorphisme de A-modules φ : M → N donne lieu à un diagramme
commutatif constitué de deux suites exactes courtes entrelacées
0 ❋❋ :0
❋❋
❋" ✉✉✉✉✉

Ker φ❍ Coker
:t φ
❍❍❍
❍ tt
i # φ tt π′
M❋ /N
❋❋❋
②②②<
π ❋# ②② i′
Im φ
①; ❋❋
❋❋
①①① ❋"

0 0
où i et i′ sont les deux inclusions canoniques et π, π ′ les projections canoniques.
(vi) Si φ• : (M• , d• ) → (M•′ , d′• ) et ψ• : (M•′ , d′• ) → (M•′′ , d′′• ) sont deux mor-
phismes de complexes de A-modules, on obtient un morphisme évident
(ψ ◦ φ)• : M• → M•′′ avec (ψ ◦ φ)i := ψi ◦ φi ∀i ∈ Z.
Avec cette loi de composition, les complexes de A-modules forment une catégorie
C(A)
qui peut être vue comme une sous-catégorie pleine de la catégorie Fun(CZ , A−Mod),
où CZ est la catégorie associée à l’ensemble (Z, ≤) des nombres entiers munis de
l’ordre standard (notation de l’exemple 1.35(vii)) : en effet, un foncteur M : CZ →
A − Mod est la donnée d’un système de A-modules (Mi | i ∈ Z) et d’un système
d’applications A-linéaires (fij : Mi → Mj | i, j ∈ Z, i ≤ j) soumises aux conditions :
fjk ◦ fij = fik ∀i ≤ j ≤ k.
En particulier, fij = fj−1,j ◦ fj−2,j−1 ◦ · · · ◦ fi,i+1 pour tout i ≤ j, i.e. M est
déterminé par le système d’appications (gn := fn,n+1 | i ∈ Z) ; réciproquement, si
(Mn , gn : Mn → Mn+1 | n ∈ Z) est une famille arbitraire de A-modules et ap-
plications A-linéaires, l’on obtient un foncteur M : CZ → A − Mod en posant
M (n) := Mn pour tout n ∈ Z, et fij := gj−1 ◦ gj−2 ◦ · · · ◦ gi pour tout i ≤ j. De
même, si (Mn , gn | n ∈ Z) et (Mn′ , gn′ | n ∈ Z) sont deux familles comme ci-dessus, et
M , M ′ les objets correspondants de Fun(CZ , A − Mod), la donnée d’un morphisme
ω : M → M ′ de Fun(CZ , A − Mod) revient à celle d’un système d’applications A-
linéaires (ωn : Mn → Mn′ | n ∈ Z) telles que gn′ ◦ ωn = ωn+1 ◦ gn pour tout n ∈ Z.
On voit donc que C(A) s’identifie à la sous-catégorie pleine de Fun(CZ , A − Mod)
64 á Taureau

dont les objets correspondent aux familles (Mn , gn | n ∈ Z) comme ci-dessus, telles
que gn+1 ◦ gn = 0 pour tout n ∈ Z.
Toute application linéaire u : M ′ → M induit des homomorphismes
u∗ : HomA (M, N ) → HomA (M ′ , N ) f 7→ f ◦ u

u∗ : HomA (N, M ) → HomA (N, M ) f 7→ u ◦ f
pour tout A-module N .
Proposition 2.62. Soit une suite d’homomorphismes de A-modules :
f g
(∗) M′ − → M ′′ → 0.
→M −
Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) La suite (∗) est exacte.
(b) Tout A-module N induit une suite exacte :
g∗ f∗
0 → HomA (M ′′ , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M ′ , N ).
Démonstration. (a)⇒(b) : Montrons d’abord que g ∗ est injective. En effet, si u :
M ′′ → N est dans le noyau de g ∗ , on a u ◦ g = 0 ; mais g est surjective, donc u = 0.
Ensuite, f ∗ ◦ g ∗ = (g ◦ f )∗ = 0. Il reste à montrer que Ker(f ∗ ) ⊂ Im(g ∗ ) ; pour
cela, soit v : M → N dans le noyau de f ∗ , i.e. tel que v◦f = 0, donc Im(f ) ⊂ Ker(v).
Comme (∗) est exacte, on déduit aisément qu’il existe une application v̄ : M ′′ → N
telle que v̄ ◦ g = v (voir la remarque 2.61(iv)).
(b)⇒(a) : Pour montrer que g est surjective, on choisit N := Coker(g), et soit
π : M ′′ → N la projection canonique ; on a évidemment g ∗ (π) = 0, d’où π = 0, car
g ∗ est injective, donc N = 0, d’où l’assertion.
Ensuite, on choisit N := M ′′ , et on trouve g ◦ f = f ∗ ◦ g ∗ (IdM ′′ ) = 0. Il
reste à montrer que Ker(g) ⊂ Im(f ) ; pour cela, on prend N := Coker(f ), et soit
π : M → N la projection canonique. On a f ∗ (π) = 0, donc il existe π̄ : M ′′ → N
telle que π̄ ◦ g = g ∗ (π̄) = π, d’où Ker(g) ⊂ Ker(π) = Im(f ). 

Exercice 2.63. Montrer qu’une suite d’homomorphismes de A-modules :


f g
(∗) 0 → M′ − → M ′′
→M −
est exacte si et seulement si elle induit, pour tout A-module N , une suite exacte :
f∗ g∗
0 → HomA (N, M ′ ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M ′′ ).
2.6. Solutions aux exercices et problèmes.
Exercice 2.7 : Il suffit de considérer (ii). Or, soit (pλ | λ ∈ Λ) une famille d’idéaux
premiers de A, totalement ordonnée par inclusion, et avec pλ ⊂ p pour tout
λ ∈ Λ ; par le lemme de Zorn (appliqué à l’ensemble
T partiellement ordonné op-
posé (Spec A)op ), il suffit de montrer que p := λ∈Λ pλ est un idéal premier. Soient
donc x, y ∈ A avec xy ∈ p ; si y ∈
/ p, il existe λ ∈ Λ tel que y ∈ / pλ , d’où x ∈ pµ pour
tout pµ ⊂ pλ (et donc x ∈ pµ pour tout µ ∈ Λ), i.e. x ∈ p, comme souhaité.

Exercice 2.14, partie (i) : On a vu que F est représentable si et seulement


s’il admet un couple universel (X ′ , f ), et noter que f ∈ F X ′ ⊂ hX (X ′ ), donc
f : X → X ′ est un morphisme de C . D’autre part, un couple (X ′ , f ) est universel
pour F si et seulement si, pour tout Y ∈ Ob(C ) et tout g ∈ F Y il existe un unique
morphisme h : X ′ → Y de C tel que F h(f ) = hX (h)(f ) = g, i.e. tel que h ◦ f = g.
L’unicité de h veut dire précisément que f est un épimorphisme, d’où l’assertion.
Partie (ii) : L’assertion n’est rien d’autre que la traduction du lemme 2.11(i).
§ 2.6: Solutions 65

Partie (iii) : Evidemment un homomorphisme d’anneaux g : A → B se factorise


à travers π si et seulement si g(I) = 0, et la factorisation est unique, donc l’assertion
est une application immédiate de (i) ci-dessus.
Partie (iv) : Munissons S de la topologie TS induite par l’inclusion i : S → T
(voir l’exemple 1.9(i)) ; alors i : (S, TS ) → (T, T ) est continue, et on va montrer
que ((S, TS ), i) est un couple universel pour FS . En effet, si X est un espace topo-
logique, et g : X → T un élément de FS (X), l’application g se factorise de façon
unique à travers i et une application ensembliste g ′ : X → S, et il reste à vérifier
que g ′ est continue pour la topologie TS . Donc, soit U ∈ TS ; cela veut dire qu’il
existe une partie ouverte U ′ de T avec U = S ∩ U ′ , et g ′−1 U = g ′−1 (S ∩ U ′ ) = g −1 U
est une partie ouverte de X, car g est continue, CQFD.

Problème 2.15, partie (i) : Soit X ∈ Ob(C ) ; par hypothèse, on peut choisir

X ∈ Ob(C ′ ) avec un isomorphisme de foncteurs ω X : hX ◦ F → hX ′ , et on pose

GX := X ′ . Ensuite, soit f : X → Y un morphisme de C ; évidemment il existe une


unique transformation naturelle η qui fait commuter le diagramme
ωY / hGY
hY ◦ F
hf ∗F η
 ω X 
hX ◦ F / hGX .

Par l’exemple 2.9(i), il existe un morphisme unique f ′ : GX → GY tel que η = hf ′ ,


et on pose Gf := f ′ . Si f = 1X , la transformation naturelle η est l’automorphisme
identique de hGX , et donc G1X = 1GX . Il reste à montrer que Gg ◦ Gf = G(g ◦ f )
pour tout morphisme f : X → Y et g : Y → Z de C . Mais on a
hGf ◦ hGg = (ω X ◦ (hf ∗ F ) ◦ ω Y −1
) ◦ (ω Y ◦ (hg ∗ F ) ◦ ω Z −1 )
= ω X ◦ (hf ∗ F ) ◦ (hg ∗ F ) ◦ ω Z −1
= ω X ◦ ((hf ◦ hg ) ∗ F ) ◦ ω Z −1 = ω X ◦ (hg◦f ∗ F ) ◦ ω Z −1 = hG(g◦f )
où la troisième égalité suit de la relation d’échange (exercice 1.49(ii)), et la qua-
trième suit de l’exemple 2.9(ii). D’où l’assertion, au vu de l’exemple 2.9(i,ii).
Partie (ii) : On a vu (exemple 2.12) que pour tout ensemble Λ, le foncteur
(−)Λ = hΛ ◦ F : A − Mod → Ens est représentable par le A-module libre A(Λ) ,
et plus précisément, il existe un couple universel canonique (A(Λ) , eΛ : Λ → A(Λ) )
pour ce foncteur. Par la partie (i), on en déduit un foncteur
A(−) : Ens → A − Mod Λ 7→ A(Λ)
et une adjonction canonique entre F et A(−) :

ω Λ : hΛ ◦ F → hA(Λ) telle que Λ
ωA (Λ) (eΛ ) = 1A(Λ) ∀Λ ∈ Ob(Ens).
Soit φ : Λ → Λ′ une application d’ensembles, et explicitons l’application A-linéaire

A(φ) : A(Λ) → A(Λ ) correspondante. Suivant la partie (i), A(φ) est l’unique homo-
morphisme de A-modules tel que

hA(φ) = ω Λ ◦ (hφ ∗ F ) ◦ ω Λ −1
.
Il s’ensuit que

Λ −1
A(φ) = hA(φ) ,A(Λ′ ) (1A(Λ′ ) ) = ωA
Λ
(Λ′ ) ◦ (hφ ∗ F )A(Λ′ ) ◦ ω (Λ′ ) (1A(Λ′ ) )
A
Λ
= ωA (Λ′ ) ◦ (hφ ∗ F )A(Λ′ ) (eΛ′ )

Λ
= ωA (Λ′ ) (eΛ′ ◦ φ).
66 á Taureau

Cela revient à dire que A(φ) est l’unique homomorphisme tel que A(φ) ◦ eΛ = eΛ′ ◦ φ,
i.e. tel que A(φ) (eλ ) = e′φ(λ) pour tout λ ∈ Λ (ici on a noté (eλ | λ ∈ Λ) et (e′λ′ | λ′ ∈

Λ′ ) les bases canoniques de A(Λ) et respectivement A(Λ ) ). Autrement dit, A(−) est
le foncteur considére dans l’exemple 1.42(ii).
Partie (iii) : On a vu dans l’exemple 2.13 que pour tout ensemble Λ, le foncteur
[−]Λ = hΛ ◦ F ′ : A − Alg → Ens est représentable par l’algèbre de polynômes A[XΛ ],
et plus précisément, on a exhibé un couple universel canonique (A[XΛ ], χΛ ) pour
ce foncteur. Par la partie (i), on en déduit un foncteur
A[−] : Ens → A − Alg Λ 7→ A[XΛ ]
et une adjonction canonique entre F ′ et A[−] :

ω Λ : hΛ ◦ F ′ → hA[XΛ ] telle que ωA[XΛ ] (χΛ ) = 1A[XΛ ] ∀Λ ∈ Ob(Ens).
Un calcul comme dans la partie (ii) permet d’expliciter l’homomorphisme de A-
algèbres A[φ] : A[XΛ ] → A[XΛ′ ] correspondant à toute application φ : Λ → Λ′ . On
obtient que A[φ] est l’unique homomorphisme tel que Xλ 7→ Xφ(λ) pour tout λ ∈ Λ
(détails laissés aux soins du lecteur).
Partie (iv) : Soient S un ensemble, C une catégorie, φ : S → Ob(C ) une appli-
cation. On obtient un foncteur bien défini Fφ : CS → C de la catégorie discrète CS
vers C , par Fφ (x) := φ(x) et Fφ (1x ) := 1φ(x) pour tout x ∈ S. Réciproquement,
tout foncteur CS → C est évidemment de la forme Fφ pour une unique telle appli-
cation φ. De plus, pour tout foncteur F : C → C ′ on a FOb(F )◦φ = F ◦ Fφ . Cela
montre que le système d’applications
Ens(S, Ob(C )) → Cat(CS , C ) φ 7→ Fφ ∀C ∈ Ob(Cat)

définit un isomorphisme de foncteurs F S : hS ◦ Ob → hCS . On déduit déjà que Ob
admet un adjoint à gauche
C : Ens → Cat S 7→ CS .
Pour décrire C complètement, il reste à expliciter le foncteur C (f ) : CS → CT
associé à toute application d’ensembles f : S → T . Mais par (i) ci-dessus on sait
que C (f ) est caractérisé par l’identité
hC (f ) = F S ◦ (hf ∗ Ob) ◦ F T −1 .

D’où C (f ) = hC (f ),CT (1CT ) = FCST ◦ (hf ∗ Ob)CT (1T ) = FCST (f ) = Cf , avec


Cf : CS → CT le foncteur associé à f comme dans l’exemple 1.42(iv).

Exercice 2.17, partie (i) : Pour tout X ∈ Ob(C ) on a l’isomorphisme de foncteurs



ω X ◦ ϑX −1 : hHX → hGX . Par le lemme de Yoneda, ce dernier est de la forme hφX

pour un isomorphisme unique φX : GX → HX. Il reste à montrer que Hf ◦ φX =
φY ◦ Gf pour tout morphisme f : X → Y de C . Pour cela, grâce à l’exemple 2.9(ii),
il suffit de vérifier que hφX ◦ hHf = hGf ◦ hφY . Mais cela est clair, car par définition

hGf = ω X ◦ (hf ∗ F ) ◦ ω Y −1
hHf = ϑX ◦ (hf ∗ F ) ◦ ϑY −1
.
Partie (ii) : L’assertion revient à dire que l’on a
′ ′
(∗) (ω op )X op op Y op
Y (G h ◦ g ◦ f ) = h ◦ (ω )X (g) ◦ F f

pour tout morphisme g : Y ′ → Gop X, f : X ′ → Y ′ de C ′op et h : X → Y de C .


Mais (∗) est évidemment équivalente à l’identité correspondante pour ω.
§ 2.6: Solutions 67

Problème 2.18, partie (i) : Soit f : X → Y un morphisme de C . On calcule :


X −1 X −1
F G(f ) ◦ ηX = F G(f ) ◦ ωGX (1GX ) = ωGY (Gf ◦ 1GX )
X −1
= ωGY (1GY ◦ Gf )
Y −1
= ωGY (1GY ) ◦ f
= ηY ◦ f
d’où l’assertion pour η. Un calcul analogue montre l’assertion pour ε.
Partie (ii) : Par définition, on a des diagrammes commutatifs
ηX Gg
X❊ / F GX GY ❍ / GF Y ′
❊❊ ❍❍
❊❊ ❍❍
❊❊ Ff ❍❍ εY ′
X −1 Y
ωX ′ (f ) ❊"  ωY ′ (g) ❍❍# 
F X′ Y′
pour tout morphisme f : GX → X ′ de C ′ et g : Y → F Y ′ de C . Si on fait
X := F X ′ et f := εX ′ dans le premier diagramme, et Y ′ := GY , g := ηY dans le
deuxième, on obtient les identités triangulaires.
Partie (iii) : Compte tenu de la partie (ii) ci-dessus, on voit qu’il faut poser
ωYY ′ (g) := εY ′ ◦ Gg ∀Y ∈ Ob(Y ), ∀Y ′ ∈ Ob(C ′ ), ∀g ∈ C (Y, F Y ′ ).
Il reste à montrer que cette définition donne effectivement une adjonction. Vérifions
d’abord que ωYY ′ : C (Y, F Y ′ ) → C ′ (GY, Y ′ ) est une bijection. Pour cela, remarquons
que la partie (i) fournit aussi une expression explicite pour l’application inverse, i.e.
on devrait avoir : ωYY ′−1 (f ) = F f ◦ ηY pour tout f : GY → Y ′ ; en effet, on calcule
F (ωYY ′ (g)) ◦ ηY = F (εY ′ ◦ Gg) ◦ ηY = (F ∗ ε)Y ′ ◦ F Gg ◦ ηY
= (F ∗ ε)Y ′ ◦ ηF Y ′ ◦ g
= (F ∗ ε)Y ′ ◦ (η ∗ F )Y ′ ◦ g
=g
où la dernière égalité suit de la première identité triangulaire. Un calcul analogue
montre de même que ωYY ′ (F f ◦ ηY ) = f pour tout f : GY → Y ′ , d’où l’assertion. Il
reste à vérifier que ωYY ′ est naturel par rapport aux variables Y et Y ′ . Soient donc
g : Y → F X ′ , f : X → Y et h : X ′ → Y ′ trois morphismes ; on calcule :
ωYY ′ (F h ◦ g) ◦ Gf = εY ′ ◦ G(F h ◦ g) ◦ Gf = εY ′ ◦ GF h ◦ G(g ◦ f )
= h ◦ εX ′ ◦ G(g ◦ f )
X
= h ◦ ωX ′ (g ◦ f )

d’où l’assertion.
Partie (iv) : Soit donc F : A − Mod → Ens le foncteur d’oubli ; on a vu que
son adjoint à gauche est le foncteur A(−) qui associe à tout ensemble Λ le A-
module libre A(Λ) , et par inspection directe de l’adjonction canonique ω établie
pour cette couple de foncteurs on voit que l’unité Λ → A(Λ) correspondante est
l’application eΛ : λ 7→ eλ (où (eλ | λ ∈ Λ) est, comme d’habitude, la base canonique
de A(Λ) ). Ensuite, soit M un A-module ; par définition la counité εM : A(M) → M

est l’application A-linéaire ωAM
(M ) (1M ). Or, ω
M
: hM ◦F → hA(M ) est l’isomorphisme
déduit du couple universel (A(M) , eM ) ; si l’on décode cette description, on trouve
que εM est l’unique application A-linéaire telle que εM ◦ eM = 1M . Autrement dit,
si (ex | x ∈ M ) est la base canonique de A(M) , on a εM (ex ) = x pour tout x ∈ M .
Pour le foncteur d’oubli F ′ : A − Alg → Ens on raisonne analoguement : son
adjoint à gauche est le foncteur qui associe à tout ensemble Λ la A-algèbre libre
A[XΛ ], et on a exhibé une adjonction canonique pour cette couple de foncteurs ;
68 á Taureau

son unité est l’application notée χΛ : Λ → A[XΛ ] dans l’exemple 2.13. La cou-
nité se calcule comme dans le cas précédent : pour toute A-algèbre B, il s’agit de
l’homomorphisme de A-algèbres εB : A[XB ] → B avec εB (Xb ) = b pour tout b ∈ B.
En dernier lieu, l’adjoint à gauche du foncteur Ob : Cat → Ens associe à
tout ensemble S la catégorie discrète CS , et on a encore une adjonction cano-
nique pour cette couple de foncteurs ; un calcul directe montre alors que l’unité
ηS : S → Ob(CS ) est l’application identique IdS , et pour toute catégorie B,
la counité εB est l’unique foncteur COb(B) → B dont l’application sous-jacente
Ob(COb(B) ) → Ob(B) est l’application identique IdOb(B) .

Exercice 2.21 : Soient ϑ et ϑ′ des adjonctions pour (G, F ) et respectivement


(G , F ′ ) ; pour tout X ∈ Ob(C ) et Y ′′ ∈ Ob(C ′′ ) on dénote par τYX′′ la composition

ϑX′ ′′ ϑ′GX
′′
C (X, F F ′ Y ′′ ) −−F−−
Y
−→ C ′ (GX, F ′ Y ′′ ) −−Y−−→ C ′′ (G′ GX, Y ′′ )
et on vérifie aisément que le système (τYX′′ | X ∈ Ob(C ), Y ′′ ∈ Ob(C ′′ )) est une
adjonction pour (G′ G, F F ′ ) : les détails seront laissés aux soins du lecteur.

Exercice 2.26 : Soient jT : S −1 A → T −1 (S −1 A) et jS∪T : A → (S ∪ T )−1 A les


localisations ; tout anneau B induit applications injectives :
φ ψ
HomZ−Alg (T −1 (S −1 A), B) −
→ HomZ−Alg (S −1 A, B) −
→ HomZ−Alg (A, B)
telles que φ(f ) := f ◦ jT et ψ(g) := g ◦ jS pour tout f : T −1 (S −1 A) → B et
g : S −1 A → B. L’image de φ (resp. ψ) est l’ensemble des homomorphismes d’an-
neaux g : S −1 A → B (resp. h : A → B) avec g(T ) ⊂ B × (resp. h(S) ⊂ B × ). Donc
ψ ◦ φ est injective, et son image est l’ensemble des homomorphismes h : A → B
avec h(S ∪ T ) ⊂ B × ; i.e. les couples (T −1 (S −1 A), jT ◦ jS ) et ((S ∪ T )−1 A, jS∪T )
sont universels pour le même foncteur, et il suffit alors d’invoquer le lemme 2.11(i).

Exercice 2.31 : Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux. D’abord, la pro-


position 2.28 montre que si f se factorise à travers jS : A → S −1 A, alors l’image
de Spec f est contenue dans U . De plus, la proposition 2.22 nous dit que si une
telle factorisation existe, elle est unique. Il reste à montrer que, réciproquement, si
l’image de Spec f est contenue dans U , alors f se factorise à travers jS . Pour cela,
grâce à la proposition 2.22, il suffit de montrer que f (s) ∈ B × pour tout s ∈ S. On
raisonne par l’absurde : si f (s) n’est pas inversible dans B, il existe p ∈ Spec B tel
que f (s) ∈ p (corollaire 1.23) ; d’où, s ∈ f −1 p = Spec f (p). Mais par hypothèse on
a S ∩ q = ∅ pour tout q dans l’image de Spec f , contradiction.

Problème 2.32 : On raisonne par l’absurde ; supposons donc que jU : A → AU


représente la partie U . En particulier, jU se factorise trivialement à travers AU ,
donc la propriété universel de jU nous dit que
(∗) jU−1 (p) = (Spec jU )(p) ∈ U ∀p ∈ Spec AU .
De plus, comme l’image U de Spec A[X ] dans Spec A ne contient pas m, la
′ −1

localisation jU ′ : A → A[X −1 ] se factorise à travers jU ; comme jU ′ est injective, il


s’ensuit que jU l’est aussi, et on peut donc voir A comme un sous-anneau de AU .
Lemme 2.64. Soit a ∈ AU et on suppose qu’il existe n, m ∈ N tels que X n a =
Y m a = 0. Alors a est un élément nilpotent de AU .
Démonstration. Grâce au théorème 1.32(ii), il suffit de montrer que a est contenu
dans tout idéal premier de AU . On raisonne par l’absurde : si p est un tel idéal
/ p, on doit forcement avoir X, Y ∈ p. Il s’ensuit que X, Y ∈ jU−1 (p),
premier, et a ∈
−1
donc jU (p) = m, ce qui contredit (∗). 
§ 2.6: Solutions 69

Ensuite, notons jU ′ |U : AU → AU [X −1 ] la localisation ; on remarque :


Lemme 2.65. Si AU existe, il existe aussi un unique isomorphisme de A-algèbres

ωX : A[X −1 ] → AU [X −1 ] tel que ωX ◦ jU ′ = jU ′ |U ◦ jU .
Démonstration. Il suffit de montrer que la composition jU ′ |U ◦ jU : A → AU [X −1 ]
représente la partie U ′ , car on sait déjà que jU ′ représente U ′ (exercice 2.31), et
car cette propriété détermine A[X −1 ] à isomorphisme unique de A-algèbres près.
Or, soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux qui admet une factorisation
f = f ◦ jU ′ |U ◦ jU ; il faut montrer que cette factorisation est unique et que l’image
de Spec f est contenue dans U ′ . Pour cela, notons g := f ◦jU ′ |U ; comme f = g◦jU , la
propriété universelle de jU nous dit que g est l’unique homomorphisme AU → B qui
factorise f , et l’image de Spec f dans Spec A est contenue dans U . Ensuite, l’exercice
2.31 nous dit que f est l’unique homomorphisme AU [X −1 ] → B qui factorise g, et
l’image de Spec g est contenue dans {p ∈ Spec AU | X ∈ / p}. Cela montre déjà
l’unicité de f , et on voit aussi que pour tout p ∈ Spec B on a f −1 (p) = jU−1 (g −1 p)
et comme X ∈ / g −1 (p), on déduit que X ∈/ f −1 (p). En conclusion, on a montré que
l’image de Spec f est contenue dans l’intersection U ∩ {p ∈ Spec A | X ∈ / p} = U ′ ,
comme souhaité.
Réciproquement, si f : A → B est un homomorphisme tel que l’image de Spec f
soit contenue dans U ′ , alors en particulier cette image est contenue dans U , et donc
f se factorise à travers jU et un homomorphisme g : AU → B ; de l’autre côté, f
se factorise à travers A[X −1 ] (encore grâce à l’exercice 2.31), et donc f (X) ∈ B × ,
d’où g(X) ∈ B × , et finalement g se factorise à travers AU [X −1 ]. 
De la même façon on obtient aussi un unique isomorphisme de A-algèbres

ωY : A[Y −1 ] → AU [Y −1 ].
Or, soit b ∈ AU ; par ce qui précède, on peut trouver a, a′ ∈ A et m, n ∈ N tels que
b a′ b a′′
= n dans AU [X −1 ] et = m dans AU [Y −1 ].
1 X 1 Y
Donc, il existe p, q ∈ N tels que
X n+p b = X p a′ et Y m+q b = Y q a′′ dans AU .
D’où : Y m+q p ′
X a = X n+p
Y a dans AU . Mais on a déjà remarqué que jU est
q ′′

injective, donc cette identité est déjà vérifiée dans le sous-anneau A de AU , et il


s’ensuit qu’il existe c ∈ A tel que a′ = X n c et a′′ = Y m c. On conclut que :
b−c b−c
= 0 dans AU [X −1 ] et = 0 dans AU [Y −1 ].
1 1
Cela veut dire qu’il existe r, s ∈ N tels que X r · (b − c) = Y s · (b − c) = 0 dans AU .
Par le lemme 2.64, on déduit finalement que b − c est nilpotent dans AU .
Or, soit N le radical nilpotent de AU ; évidemment jU−1 N = 0, car A ne
contient aucun élément nilpotent. Donc, la composition φ : A → AU /N de jU
avec la projection AU → AU /N est toujours injective ; d’autre part, on vient
de voir que tout b ∈ A s’ecrit de la forme c + x avec x ∈ N et c ∈ A. On
conclut que φ est aussi surjective, et elle est donc un isomorphisme ; en particulier,
Spec φ : Spec AU /N → Spec A doit être bijective. Mais évidemment Spec φ se fac-
torise à travers Spec jU , donc son image est contenue dans celle de cette dernière ;
cela contredit (∗) et achève la solution du problème.

Exercice 2.33 : Il faut montrer que toute partie ouverte U 6= ∅ de Spec A ren-
contre l’image de Spec B, et évidemment il suffit de considérer le cas où U = D(f )
pour un élément f ∈ A ; on est donc ramené à vérifier que φ−1 (D(f )) = D(i(f )) 6=
70 á Taureau

∅. Mais on a vu que D(i(f )) est l’image de Spec Bi(f ) dans Spec B (par l’exemple
2.29(i)), donc il suffit de montrer que Bi(f ) 6= 0 (par le théorème 1.21). Or, d’un
côté, la construction de la localisation montre aisément que Af est un sous-anneau
de Bi(f ) ; de l’autre côté, on doit avoir forcément Af 6= 0, car l’image de Spec Af
dans Spec A est l’ensemble non vide D(f ).

Exercice 2.34 : On peut supposer que S soit une partie multiplicative. Evidem-
ment S −1 (I + J) ⊂ S −1 I + S −1 J ; réciproquement, si x ∈ S −1 I + S −1 J, il existe
a ∈ I, b ∈ J et s, t ∈ S tels que x = (a/s) + (b/t) = (at + bs)/st et as + bt ∈ I + J,
d’où l’inclusion opposée. La deuxième identité suit aussitôt des définitions. Ensuite,
on a trivialement S −1 (I ∩ J) ⊂ (S −1 I) ∩ (S −1 J). Pour voir l’inclusion opposée, sup-
posons que a/s = b/t pour quelque a ∈ I, b ∈ J et s, t ∈ S ; il s’ensuit que atu = bsu
pour quelque u ∈ S, et donc atu ∈ I ∩ J, d’où a/s = (atu)/(su) ∈ S −1 (I ∩ J).
En dernier lieu, on voit aisément que S −1 (rad(I)) ⊂ rad(S −1 I) ; d’autre part, si
(a/s)n ∈ S −1 I pour quelque a ∈ A, quelque s ∈ S et n ∈ N, il existe b ∈ I et s ∈ S
avec an /sn = b/t, d’où an tu = bsn u pour quelque u ∈ S, donc (atu)n ∈ I, et fina-
lement a/s = (atu)/(stu) ∈ S −1 (rad(I)). On a N (A) = rad(0) (théorème 1.32(i)),
et de même pour N (S −1 A), donc la cinquième identité suit de la précédente.

Exercice 2.35 : On raisonne par récurrence sur n. Si n = 0, l’assertion est triviale,


et si n = 1, l’assertion suit de l’exercice 1.28(ii). Donc, soit n ≥ 2, et notons
j : K[Tn ] → K[T1 , . . . , Tn ] l’inclusion. On va étudier les fibres de l’application
φ := Spec j : Spec K[T1 , . . . , Tn ] → Spec K[Tn ].
D’abord, si m ⊂ K[Tn ] est un idéal maximal, soit P ∈ K[Tn ] l’unique polynôme
irréductible unitaire qui engendre m ; donc E := K[Tn ]/P · K[Tn ] est une extension
algébrique finie de K (de degré égal au degré de P ). Or, soit p ⊂ K[T1 , . . . , Tn ] un
idéal premier tel que m ⊂ p ; comme m est maximal, on déduit que m = p ∩ K[Tn ] =
φ(p). Autrement dit, φ−1 (m) est l’ensemble des idéaux premiers de K[T1 , . . . , Tn ] qui
contiennent m. Par la bijection du lemme 1.4, ce dernier est identifié naturellement
avec Spec K[T1 , . . . , Tn ]/mK[T1, . . . , Tn ] = Spec E[T1 , . . . , Tn−1 ]. Par l’hypothèse
de récurrence, on voit que toute chaîne strictement croissante d’idéaux premiers de
φ−1 (p) est de longueur ≤ 2n−1 .
Ensuite, soit q := {0}, le point générique de Spec K[Tn ]. La fibre φ−1 (q) est
l’ensemble des idéaux premiers p de K[T1 , . . . , Tn ] tels que p ∩ K[Tn ] = {0} ; si on
pose S := K[Tn ] \ {0}, on a S −1 K[Tn ] = K(Tn ), le corps des fractions de K[Tn ], et
on peut aussi dire que
φ−1 (q) = {p ∈ Spec K[T1 , . . . , Tn ] | p ∩ S = ∅}.
Par la proposition 2.28, ce dernier est identifié naturellement avec
Spec S −1 K[T1 , . . . , Tn ] = Spec K(Tn )[T1 , . . . , Tn−1 ].
Par l’hypothèse de récurrence, on déduit que, aussi dans ce cas, toute chaîne stric-
tement croissante dans φ−1 (q) est de longueur bornée par 2n−1 .
Soit maintenant p1 ⊂ · · · ⊂ pk une suite strictement croissante d’idéaux premiers
de K[T1 , . . . , Tn ] ; on déduit une suite φ(p1 ) ⊂ · · · ⊂ φ(pk ) d’idéaux premiers de
K[Tn ]. Si cette dernière suite est constante, on voit que la suite des pi est contenue
dans φ−1 (φ(p1 )), d’où k ≤ 2n−1 . On peut donc supposer que φ(p1 ) = {0} et m :=
φ(pk ) est un idéal maximal. Dans ce cas, la suite des pi est contenue dans φ−1 ({0})∪
φ−1 (m), et donc sa longueur est ≤ 2n−1 + 2n−1 = 2n .
Remarque 2.66. L’estimation fournie par l’exercice 2.35 est loin d’être optimale :
en fait, on peut montrer que toute suite strictement croissante d’idéaux premiers
§ 2.6: Solutions 71

de K[T1 , . . . , Tn ] est de longueur ≤ n + 1, mais la preuve n’est pas si simple. On


étudiera ces questions dans la section 11.4.
Exercice 2.53, partie (i) : Soit F l’ensemble des parties fermées constructibles
de T , et T ∗ la topologie sur T engendrée par F . Evidemment F est un ensemble
de parties ouvertes et fermées de T c ; noter aussi que la topologie T est engendrée
par la famille {T \ X | X ∈ F }, et comme T est un espace de type T0 , il s’ensuit
aisément que T ∗ := (T, T ∗ ) est aussi de type T0 : détails laissés aux soins du
lecteur. Grâce à la proposition 2.43 et au théorème 2.40(ii), on conclut que T ∗ est
un espace spectral et (T ∗ )c = T c . Ensuite, soient x, y ∈ T ; évidemment, x est une
spécialisation de y (par rapport à la topologie T ) si et seulement si tout voisinage
ouvert compact de x contient y. De façon équivalente : si X ∈ F et y ∈ X, alors
x ∈ X, i.e. y est une spécialisation de x par rapport à la topologie T ∗ . La partie
(ii) de l’exercice est maintenant claire, par inspection de la construction de T ∗ .
Partie (iii) : Soit X ⊂ S une partie constructible fermée ; on voit aisément que
f −1 S est constructible et fermée dans T , d’où l’assertion.

Problème 2.55, Partie (i) : Si T est compact et totalement disconnexe, l’ensemble


des parties ouvertes de T forme une base de la topologie de T stable par intersections
finies ; de plus, si T est séparé, les seules parties fermées irreductibles de T sont celles
de la forme {t}, pour t ∈ T arbitraire, donc (a) ⇒ (b) ⇒ (c). Réciproquement, si
T est spectral de dimension 0, soit t ∈ T , et U un voisinage ouvert et compact de
t dans T ; par le corollaire 2.50(i), il s’ensuit que l’adhérence U de U dans T est
l’ensemble des spécialisations des points de T . Mais comme dim T = 0, cela revient
à dire que U = U , donc T est totalement disconnexe, et on déduit aussitôt que toute
partie constructible de T est ouverte, d’où T = T c . Ensuite, la remarque 2.39(iii)
nous dit que α(X) est spectral pour tout espace topologique X, et évidemment
dim α(X) = 0, donc la deuxième assertion suit de la première.
Partie (ii.a) : Soit Z l’image de φT , et f : T → F2 une fonction continue telle
que Z ⊂ V (f ) = {m ∈ α(T ) | f ∈ m}. Cela veut dire que f (t) = 0 pour tout t ∈ T ,
donc f = 0 et V (f ) = α(T ), d’où l’assertion.
Partie (ii.b) : Soit t ∈ T , et U ⊂ T un voisinage ouvert et fermé de t dans T ;
l’unique application f : T → F2 avec f −1 (1) = U est continue, et évidemment
φ−1
T (D(f )) = U . Mais par hypothèse, tout voisinage ouvert de t dant T contient un
voisinage ouvert et fermé de t, d’où l’assertion.
Partie (ii.c) : En effet, à toute application continue f : T → S on peut associer
d’abord un homomorphisme de F2 -algèbres
f ∗ : C (S, F2 ) → C (T, F2 ) g 7→ g ◦ f
et ensuite, compte tenu de la remarque 2.39(iii), une application continue
α(f ) := Max f ∗ = Spec f ∗ : α(T ) → α(S) m 7→ (f ∗ )−1 (m).
Compte tenu de la partie (i) on conclut que les associations T 7→ α(T ) et f 7→ α(f )
définissent un foncteur α : TDisc → cTDisc, et on vérifie comme dans la solution de
l’exercice 1.17(ii) que le diagramme suivant commute :
φT
T / α(T )

f α(f )
 φS

S / α(S)

i.e. l’association T 7→ φT est une transformation naturelle.


Partie (ii.d) : On va montrer plus précisément que φT est l’unité d’une adjonc-
tion pour le couple de foncteurs (α, i). Grâce à (i) et au théorème 2.40(i), on sait
72 á Taureau

que l’application φT : T → α(T ) est un isomorphisme pour tout T compact et


totalement disconnexe ; posons ψT := φ−1 T . Compte tenu de la partie (iii) ci-dessus,
il s’ensuit que l’association T 7→ ψT est un isomorphisme de foncteurs

ψ : α ◦ i → 1cTDisc .

On est donc ramené à vérifier que le couple de transformations naturelles (φ, ψ)


satisfait les identités triangulaires du problème 2.18(iii) ; or, la commutativité de
φ∗i
i ●● / i◦α◦i
●●
●● i∗ψ

1i ●●
●# 
i
vient directement des constructions. Pour la deuxième identité triangulaire on
adopte une méthode indirecte, qui nous évitera des calculs un peu laborieux :
pour tout t ∈ T la partie {t} est trivialement un espace totalement disconnexe
et compact, et on a le diagramme commutatif
α(φ{t} ) ψα({t})
α({t}) / α ◦ i ◦ α({t}) / α({t})

α(j) α◦i◦α(j) α(j)


 α(φT )  ψα(T ) 
α(T ) / α ◦ i ◦ α(T ) / α(T )

où j : {t} → T est l’inclusion. On remarque que α({t}) contient un seul point,


donc la composition des deux flèches horizontales en haut est trivialement l’iden-
tité ; de plus, l’image de α(j) est évidemment le point φT (t) de α(T ). On conclut
que ψα(T ) ◦ α(φT ) se restreint à l’identité sur le sous-espace φT (T ) ⊂ α(T ). Compte
tenu de la partie (i) ci-dessus, il suffit alors d’invoquer l’exercice 1.13(iv).

Problème 2.56, partie (i) : Soit t ∈ T , et on suppose par l’absurde que s, s′ ∈ S


sont deux spécialisations S -admissibles distinctes de t. Quitte à échanger les rôles
de s et s′ , on peut supposer qu’il existe un voisinage U de s dans T qui ne contient
pas s′ . Compte tenu de la condition (S1), on trouve alors une partie U ′ ⊂ U ouverte
dans T et S -fermée avec s ∈ U ′ ; évidemment t ∈ U ′ , mais comme U ′ est S -fermée,
il s’ensuit que s′ ∈ U ′ , contradiction.
Partie (ii) : Notons par C (resp. par U ) l’ensemble des parties U ⊂ S telles
que r−1 U soit constructible (resp. constructible et ouverte) dans T . On remarque
d’abord que U est une base de la topologie de S : en effet, pour toute partie U
de S on a U = S ∩ r−1 U (détails laissés aux soins du lecteur), en particulier tout
U ∈ U est une partie ouverte de S ; et d’autre part, (S1) implique que pour tout
s ∈ S et tout voisinage V ⊂ S de s il existe U ∈ U avec s ∈ U et U ⊂ V , d’où
l’assertion. Ensuite, soit TC la topologie sur S engendrée par C : on voit aisément
que TC est séparée, et tout élément de U est une partie ouverte
S et fermée dans la
topologie TC . De plus, TC est compacte : en effet, si S = i∈I Ui pour une famille
S
(Ui | i ∈ I) de parties ouvertes pour la topologie TC , on a T = i∈I r−1 Ui , et par
construction, chaque partie r−1 Ui est ind-constructible dans T ;Spar le théorème
S il s’ensuit qu’il existe une partie finie J ⊂ I telle que T = i∈J r Ui , donc
2.40(ii), −1

S = i∈J Ui , d’où l’assertion. On voit ainsi que toutes les conditions sont remplies
pour pouvoir appliquer la proposition 2.43, et l’on obtient que S est spectral et TC
est sa topologie constructible.
En dernier lieu, par ce qui précède il est clair que r est continue. De plus, tout
U ∈ U est fermé pour la topologie compacte TC , en particulier U est compact dans
§ 2.6: Solutions 73

TC , et a fortiori, aussi dans la topologie de S ; de l’autre côté, r−1 U est compact


dans T . Cela montre que r est une application compacte.
Partie (iii) : Vérifions d’abord que Z est constructible dans S, alors r−1 Z est
constructible dans T . Pour cela, on est ramené aisément au cas où Z = U \ V pour
deux ouverts compacts U, V de S, donc r−1 Z = (r−1 U ) \ (r−1 V ) et on sait déjà
que r−1 U et r−1 V sont compacts dans T , d’où l’assertion. Ensuite, supposons que
r−1 Z soit constructible dans T ; alors, r−1 (S \ Z) est de même constructible, donc
Z, S \ Z ∈ C , et par la partie (ii) il s’ensuit que Z et S \ Z sont des parties ouvertes
de S c ; i.e. Z est ouvert et fermé dans l’espace compact S c , et l’on déduit aisément
que Z est constructible dans S.

Exercice 2.63 : Montrons que (a) ⇒ (b). En effet, l’injectivité de f∗ se déduit


aussitôt de celle de f . Ensuite, comme g ◦ f = 0, on a g∗ ◦ f∗ = (g ◦ f )∗ = 0. Il reste à
montrer que Ker g∗ ⊂ Im f∗ . Soit donc u : N → M tel que g ◦ u = 0 ; cela veut dire
que Im u ⊂ Ker g = Im f , et comme f est injective, il existe un homomorphisme de
A-modules unique v : N → M ′ avec u = f ◦ v, d’où l’assertion.
(b) ⇒ (a) : Si on prend N := A, on a un isomorphisme naturel

HomA (N, M ) → M (u : N → M ) 7→ u(1)
et de même pour M et M . Ces isomorphismes identifient f∗ et g∗ respectivement
′ ′′

avec f et g, d’où l’assertion.


3. Gémeaux â

Cette leçon est presque entièrement consacrée à la notion de limite d’un foncteur
(et à la notion duale de colimite), un sujet majeur de la théorie des catégories, et
un outil efficace dans des nombreuses questions d’algèbre et géométrie, dont on
faira à vrai dire, dans ce cours, un usage plutôt modéré : les limites projectives
sont certainement d’importance cruciale pour l’étude des complétions adiques des
anneaux et des modules, et les limites directes (filtrées) interviennent, entre autres,
dans la caractérisation des modules plats, mais ces exemples et les autres que l’on
rencontrera par la suite ne justifieraient pas, en soi, le déploiement d’un arsenal
catégoriel sophistiqué. Néanmoins, j’ai choisi de présenter une version assez générale
et abstraite de cette théorie, confiant en la tolérance du lecteur, et dans l’espoir,
peut être, de sa future reconnaissance. En guise de remerciement, je peux offrir
d’ores et déjà au moins un résultat intéressant : le théorème 3.28, qui montre que
la classe d’isomorphisme d’un anneau (commutatif) est complètement déterminée
par la classe d’équivalence de sa catégorie de modules.
La section 3.4 est une exposition des aspects élémentaires de la théorie des fais-
ceaux. Ce formalisme, à la confluence de la topologie générale et du thème catégoriel
des premières trois sections, trouve ses racines dans des travaux d’analyse fonctio-
nelle de Leray, concernant la monodromie locale des solutions de certaines équations
différentielles non linéaires ; depuis – surtout sous l’impulsion de Cartan, Grothen-
dieck et Serre – il a grandement élargi son domain d’application et il est aujourd’hui
une sorte de lingua franca, d’aide inestimable dans toute question où il s’agit de l’in-
teraction entre structure locale et propriétés globales d’objets géométriques. Bien
qu’extrêmement important, il est pour nous un sujet plutôt périphérique : on y
reviendra à la section 5.5, lors de notre discussion des schémas.
On conclut avec une section centrée autour du lemme du serpent, et on en pro-
fite pour expliquer quelques propriétés structurelles de la catégorie des complexes
de modules, vis-à-vis du calcul des limites. On trouvera aussi dans les exercices
quelques applications du lemme du serpent, mais pour apprécier pleinement sa si-
gnification il faudra attendre nos prochaines explorations de l’algèbre homologique.

3.1. Limites et colimites. Soient I et C deux catégories, X ∈ Ob(C ) un objet.


Le foncteur constant sur I de valeur X est le foncteur cX : I → C avec
cX (i) = X et cX (φ) = 1X pour tout i ∈ Ob(I) et tout morphisme φ de I.
Tout morphisme f : X → X de C induit une transformation naturelle évidente

cf : cX → cY i 7→ f ∀i ∈ Ob(C ).
Définition 3.1. Dans la situation ci-dessus, soit aussi F : I → C un foncteur.
§ 3.1: Limites et colimites 75

(i) Un cône de sommet X et base F est une transformation naturelle


cX
✤✤ ✤✤ '
I  η
8C.
F

Autrement dit, c’est un système (ηi : X → F i | i ∈ I) de morphismes de C tels que


ηj = F φ ◦ ηi pour tout morphisme φ : i → j de I.
(ii) La limite de F est le foncteur
lim F : C op → Ens
I

qui associe à tout X ∈ Ob(C ) l’ensemble limI F (X) des cônes cX → F de base F
et sommet X, et à tout morphisme f : X → X ′ de C , l’application
lim F (f ) : lim F (X ′ ) → lim F (X) (η : cX ′ → F ) 7→ (η ◦ cf : cX → F ).
I I I

Si limI F est représentable et (L, η) est un couple universel pour ce foncteur, on


appelle aussi l’objet L une limite de F , et on dit que η est un cône universel.
Donc, on voit qu’un cône (ηi : L → F i | i ∈ Ob(I)) est universel pour F si
et seulement s’il vérifie la condition suivante. Pour tout X ∈ Ob(C ) et tout cône
(ψi : X → F i | i ∈ Ob(I)) de base F et sommet X, il existe un morphisme unique
ψ : X → L de C tel que ψi = ηi ◦ ψ pour tout i ∈ Ob(I).
La notion catégorielle abstraite de limite englobe plusieurs concepts plus fa-
miliers, incarnés par des objets mathématiques “concrets” différents, suivant les
catégories particulières où on les considère. Voici quelques exemples :
Exemple 3.2. (i) D’abord, supposons que I soit une catégorie discrète (voir
l’exemple 1.35(vi)). Dans ce cas, I est complètement déterminée par son ensemble
d’objets, et peut être identifiée avec ce dernier par un abus inoffensif de notation.
Alors, un foncteur F : I → C n’est rien d’autre que la donnée d’une famille arbi-
traire (Fi | i ∈ I) d’objets de C indexée par les éléments de I. De même, un cône
ψ : cX → F est la donnée d’une famille arbitraire de morphismes (ψi : X → Fi | i ∈
I). La limite d’un tel foncteur F est appelée aussi le produit de la famille d’objets
(Fi | i ∈ I), et elle est souvent notée
Y
Fi .
i∈I

(ii) Pour justifier cette terminologie, montrons que pour C = Ens, le produit
– tel qu’il a été défini en (i) ci-dessus – d’une familleQd’ensembles (Si | i ∈ I) est
représentable par le produit cartésien standard S := i∈I Si , et le cône universel
correspondant est le système des projections canoniques (πi : S → Si | i ∈ I).
En effet, si X est un ensemble quelconque, et (ψi : X → Si | i ∈ I) un système
arbitraire d’applications ensemblistes, il existe une unique application ψ : X → S
telle que πi ◦ ψ = ψi pour tout i ∈ I : bien sur, il s’agit de l’application telle que
ψ(x) := (ψi (x) | i ∈ I) ∈ S pour tout x ∈ X.
(iii) Considérons ensuite le cas où C = Top, et montrons que le produit de toute
famille T• :=Q((Ti , Ti ) | i ∈ I) d’espaces topologiques est représentable. En effet,
notons T := i∈I Ti , le produit (cartésien) des ensembles Ti ; on dit qu’une partie
U ⊂ T est un ouvert fondamental, s’il existe une partie finie J de I et pour tout
j ∈ J une partie ouverte Uj ∈ Tj telles que
Y Y
U= Uj × Ti .
j∈J i∈I\J
76 â Gémeaux

Soit TT la topologie sur T engendrée par les ouverts fondamentaux. Alors (T, TT )
est un produit de la famille T• , dont le cône universel est formé par les projections
canoniques (T → Ti | i ∈ I) : les vérifications seront laissés aux soins du lecteur.
(iv) Soit A un anneau. On voit aisément que le produit catégoriel d’uneQfamille
(Mi | i ∈ I) de A-modules est représentable par le produit direct M := i∈I Mi
de l’exemple 1.5(i) (et le système des projections canoniques M → Mi donne un
cône universel). De même, le produit d’une famille ((Bi , ji Q : A → Bi ) | i ∈ I) de
A-algèbres est représentable par le produit cartésien B := i∈I Bi muni des lois
d’addition et multiplication “terme à terme”, i.e. telles que
b• + b′• := (bi + b′i | i ∈ I) b• · b′• := (bi b′i | i ∈ I)
pour tout b• := (bi | i ∈ I), b′• := (b′i | i ∈ I) ∈ B. L’homomorphisme structurel est :
j:A→B a 7→ (ji (a) | i ∈ I).
Encore une fois, le cône universel est donnée par les projections canoniques B → Bi .
(v) Aussi le produit de toute famille C• := (Ci | i ∈ I) de catégories est repré-
sentable dans la catégorie Cat ! En effet, notons par C la catégorie avec
Y Y
Ob(C ) := Ob(Ci ) et C (X• , Y• ) := Ci (Xi , Yi ) ∀X• , Y• ∈ Ob(C ).
i∈I i∈I

La loi de composition de C est “terme à terme” : si f• := (fi : Xi → Yi | i ∈ I) et


g• := (gi : Yi → Zi | i ∈ I) sont deux morphismes de C (X• , Y• ) et C (Y• , Z• ), on
pose g• ◦ f• := (gi ◦ fi : Xi → Zi | i ∈ I). On a des foncteurs de projection évidents
C → Ci pour tout i ∈ I, qui constituent un cône universel pour le produit de la
famille C• : les vérifications détaillées seront laissées en exercice au lecteur.
Exemple 3.3. (i) Un autre cas intéressant pour des nombreuses applications
s’obtient en prenant I := CΛ , la catégorie associée à un ensemble partiellement
ordonné (Λ, ≤) (voir l’exemple 1.35(vii)). Pour toute catégorie B, un foncteur CΛ →
B est un système d’objets de B indexé par Λ, i.e. une donnée
(X• , f•• ) := (Xλ , fλµ | λ, µ ∈ Λ, λ ≤ µ)
qui consiste de :
— un objet Xλ de B, pour tout λ ∈ Λ
— un morphisme de B, dit morphisme de transition
fλµ : Xλ → Xµ pour tout λ, µ ∈ Λ tels que λ ≤ µ
vérifiant les identités : fλλ = IdXλ et fµν ◦ fλµ = fλν pour tout λ ≤ µ ≤ ν.
Noter que cette situation inclut comme cas particulier celle de l’exemple 3.2 : en
effet, il suffit de faire Λ := E, muni de l’ordre trivial tel que pour tout x, y ∈ E on
a x ≤ y si et seulement si x = y. La limite d’un tel foncteur est aussi appelée limite
inverse du système X• , et elle est plus souvent notée
lim
←−
Xλ .
λ∈Λ

Si (X•′ , f••

) est un deuxième système d’objets de B indexé par Λ, un morphisme
de systèmes indexés ω• : (X• , f•• ) → (X•′ , f••

) est la donnée d’une transformation
naturelle entre les foncteurs correspondants CΛ → B ; il s’agit donc d’une famille
de morphismes (ωλ : Xλ → Xλ′ | λ ∈ Λ) de B tels que fλµ ′
◦ ωλ = ωµ ◦ fλµ pour tout
λ, µ ∈ Λ avec λ ≤ µ.
(ii) Par exemple, soit B := Ens, et montrons que la limite inverse de tout
systèmeQ d’ensembles (S• , f•• ) indexé par Λ est représentable. En effet, soit L ⊂
S := λ∈Λ Sλ la partie des suites cohérentes, i.e. les suites (xλ | λ ∈ Λ) telles que
xµ = fλµ (xλ ) pour tout λ, µ ∈ Λ avec λ < µ. Pour tout λ ∈ Λ, la projection
pλ : S → Sλ se restreint en une application vλ : S → Sλ et la construction implique
§ 3.1: Limites et colimites 77

immédiatement que fλµ ◦ vλ = vµ pour tout λ < µ. On a donc un cône v• : S → S•


de sommet S et base (S• , f•• ). Or, soit X un ensemble et (hλ : X → Sλ | λ ∈ Λ) un
cône arbitraire de sommet X et base (S• , f•• ) ; on déduit une application unique
X → S telle que pλ ◦ h = hλ pour tout λ ∈ Λ. Il reste à montrer que l’image de h
est contenue dans L, mais cela est clair, car cette condition est équivalente à dire
que h est un cône de base (S• , f•• ).
(iii) Soit B := A−Mod, pour un anneau A quelconque, et montrons que la limite
inverse de tout systèmeQde A-modules (M• , f•• ) indexé par Λ est représentable. En
effet, soit L ⊂ M := λ∈Λ Mλ la partie des suites cohérentes comme en (i). On
voit aisément que L est un sous-module de M , et pour tout λ ∈ Λ, la restriction
vλ : L → Mλ de la projection M → Mλ est une application A-linéaire. On a donc
un cône v• : L → M• de sommet L et base (M• , f•• ), et raisonnant comme (i) on
voit aisément que v• est un cône universel.
(iv) De même, prenons Q B := A − Alg, et soit (B• , f•• ) un système de A-algèbres
indexé par Λ. Soit B := λ∈Λ Bλ le produit de la famille de A-algèbres (Bλ | λ ∈ Λ)
(donc, avec la structure de A-algèbre donnée par l’exemple 3.2(iv)), et notons à
nouveau pλ : B → Bλ la projection canonique pour tout λ ∈ Λ, et L ⊂ B la partie
des suites cohérentes. On voit aisément que L est une A-sous-algèbre de B. De plus,
si C est une A-algèbre et (h : C → Bλ | λ ∈ Λ) un cône arbitraire de sommet C et
base (B• , f•• ), on a un unique homomorphisme de A-algèbres h : C → B tel que
pλ ◦ h = hλ pour tout λ ∈ Λ, et comme dans (ii), on voit aussitôt que l’image de h
est contenue dans L. On conclut que L représente la limite inverse du système B• ,
avec cône universel donné par les restrictions L → Bλ des projections pλ .
Exemple 3.4. (i) Le cas particulier suivant de l’exemple 3.3 est souvent utile.
On considère l’ensemble partiellement ordonné (Λ, ≤) tel que Λ = {a, b, c} et avec
a > b, c mais b ≮ c et c ≮ b. Un foncteur F : CΛ → B est alors la donnée de trois
objets X, Y, Z de B et d’un couple de morphismes f : Y → X, g : Z → X. La
limite de F est appelée le produit fibré de Y et Z sur X, et notée :
Y ×(f,g) Z
ou simplement Y ×X Z, si la notation n’est pas ambigue. Un cône universel pour
F est la donnée d’un objet L de B et deux morphismes p : L → Y , q : L → Z
vérifiant la condition suivante. Pour tout T ∈ Ob(B) et tout couple de morphismes
h : T → Y , k : T → Z de B tels que f ◦ h = g ◦ k, il existe un morphisme unique
t : T → L de B qui fait commuter le diagramme
T ❉ h
❉❉ t
❉❉
❉❉ 
! p
L /Y
k
q f
%  g 
Z / X.
(ii) Par exemple, si B = Ens, l’exemple 3.3(ii) nous dit que Y ×X Z est repré-
sentable par la partie {(y, z) ∈ Y × Z | f (y) = g(z)}, avec le cône universel donné
par les restrictions des projections canoniques Y ← Y × Z → Z. Pour les produits
fibrés de A − Mod (resp. de A − Alg) on a la même description, d’après l’exemple
3.3(iii,iv), et Y ×X Z est un sous-module de Y ⊕Z (resp. une sous-algèbre de Y ×Z).
Problème 3.5. Q (i) Soit (Ti | i ∈ I) une famille d’espaces topologiques non vides ;
on pose T := i∈I Ti et pour tout i ∈ I on dénote par pi : T → Ti la projection
canonique. Soit aussi F un ultrafiltre de T ; montrer que F est principal si et
seulement si pour tout i ∈ I le filtre pi∗ F est contenu dans un ultrafiltre principal
(voir la définition 1.52 et l’exemple 1.54(i)).
78 â Gémeaux

(ii) Déduire de (i) le théorème de Tychonoff : T est compact si et seulement si


Ti est compact pour tout i ∈ I.
(iii) Soit Λ un ensemble partiellement ordonné, T• := (Tλ , fλµ | λ, µ ∈ Λ, λ ≤ µ)
un système d’espaces topologiques indexé par Λ. Montrer que la limite inverse de
T• est représentable par un espace topologique L, et que si Tλ est compact et séparé
pour tout λ ∈ Λ, alors L est compact et séparé.
3.1.1. Colimites. La notion duale est aussi utile : si F : I → C est un foncteur
et X ∈ Ob(C ), on appelle co-cône de base F et sommet X la donnée d’un cône
η op : cX op → F op de base F op : I op → C op et sommet X op ∈ Ob(C op ) ; il s’agit
donc d’une transformation naturelle η : F → cX , i.e. un système de morphismes
ηi : F i → X de C tels que ηj ◦ Fφ = ηi pour tout morphisme φ : i → j de I. La
colimite de F est le foncteur
colim F := lim
op
F op : C → Ens
I I

qui associe à tout X ∈ Ob(C ), l’ensemble colimI F (X) des co-cônes de base F et
sommet X, et à tout morphisme f : X → X ′ de C , l’application
colim F (X) → colim F (X ′ ) (η : F → cX ) 7→ (cf ◦ η : F → cX ′ ).
I I

Si (C, η : F → cC ) est un couple universel pour ce foncteur, on dit aussi que C est
une colimite de F , et on appelle η un co-cône universel pour F . Cette condition se
traduit évidemment par une proprieté universelle que le lecteur est invité à épeler.
Remarque 3.6. Avec la notation ci-dessus, noter en particulier qu’un objet L de
C représente la limite de F si et seulement si l’objet Lop de C op représente la
colimite de F op (et le cônes et co-cônes universels de F et respectivement F op se
correspondent de même).
Exemple 3.7. Revenons au cas où I est une catégorie discrète ; F : I → C est
alors une famille d’objets F• := (Fi | i ∈ I) de C , et la colimite de F est aussi
appelée la somme directe (ou le coproduit ) de la famille F• , et elle est notée
a
Fi .
i∈I

(i) Par exemple, si C = Ens, la somme directe d’une famille (Si | i ∈ I) d’en-
sembles est représentable par la réunion disjointe
[
S := Si × {i}
i∈I

et le co-cône universel est donné par les inclusions ji : Si → S : x 7→ (x, i). En effet,
si (ψi : Si → X) est un système arbitraire d’applications d’ensembles, il existe une
application unique ψ : S → X avec ψ ◦ji = ψi pour tout i ∈ I : il s’agit évidemment
de l’application telle que ψ(x, i) := ψi (x) pour tout i ∈ I et tout x ∈ Xi .
(ii) Si A est un anneau et C = A − Mod, on déduit aisément de la remarque
1.7(iii) que la somme directe d’une familleL(Mi | i ∈ I) de A-modules est représen-
table par la somme directe usuelle M := i∈I Mi (voir l’exemple 1.5 (ii)), et son
co-cône universel est constitué par les injections canoniques Mi → M .
(iii) Plus généralement, soit (Λ, ≤) un ensemble partiellement ordonné, (X• , f•• )
un système d’objets de C indexé par Λ. La colimite d’un tel foncteur est aussi
appelée limite directe de (X• , f•• ), généralement notée
lim
−→
Xλ .
λ∈Λ

(iv) Par exemple, soit M un A-module, M• := (Mλ | λ ∈ Λ) la famille des ses


A-sous-modules de type fini, partiellement ordonnés par inclusion : λ ≤ µ ⇔ Mλ ⊂
§ 3.1: Limites et colimites 79

Mµ pour tout λ, µ ∈ Λ, et on note iλ : Mλ → M l’inclusion, pour tout λ ∈ Λ. Avec


cette notation, M est une limite directe du système M• , et le système (iλ | λ ∈ Λ)
est le co-cône universel correspondant. En effet, si N est un A-module, un co-cône
de sommet N et base M• est la donné d’un système d’applications A-linéaires
(gλ : Mλ → N | λ ∈ Λ) telles que (gµ )|Mλ = gλ pour tout Mλ ⊂ MµS; évidemment,
un tel système induit une application A-linéaire unique g : M = λ∈Λ Mλ → N
telle que g|Mλ = gλ pour tout λ ∈ Λ, d’où l’assertion.
Remarque 3.8. (i) Avec la notation de l’exemple 3.7, prenons pour I la catégorie
discrète C∅ (notation de l’exemple 1.35(vi)) ; dans ce cas F• est une famille vide
d’objets de C , et pour tout X ∈ Ob(C ) il existe un unique co-cône F → cX , i.e.
le co-cône vide. La colimite de F est alors le coproduit vide, i.e. l’unique foncteur
C → Ens tel que : X 7→ ∅ pour tout X ∈ Ob(C ). Un objet C de C représente cette
colimite si et seulement si pour tout X ∈ Ob(C ) il existe un unique morphisme
C → X dans C ; tout C vérifiant cette condition est appelé un objet initial de C .
(ii) Dualement, le produit vide, i.e. le produit de la même famille vide est
représenté par tout objet final de C , i.e. tout L ∈ Ob(C ) tel que pour tout X ∈
Ob(C ) il existe un morphisme unique X → C.
(iii) Noter aussi que si C et C ′ sont deux objets initaux, les morphismes uniques
φ : C → C ′ et ψ : C ′ → C sont des isomorphismes, car φ ◦ ψ et ψ ◦ φ doivent
être respectivement IdC ′ et IdC . De même pour les objets finaux de C ; d’ailleurs,
évidemment les objets finaux de C sont les objets initiaux de C op .
(iv) Pour tout anneau A, le A-module nul 0 est à la fois un objet initial et un
objet final de la catégorie A − Mod. Dans la catégorie A − Mod, les objets initiaux
et finaux sont isomorphes, mais dans une catégorie générale, ce n’est pas forcément
le cas : par exemple, l’objet initial de la catégorie Ens des ensembles est l’ensemble
vide ∅, alors que tout ensemble de cardinalité un est un objet final (un choix naturel
est l’ensemble {∅}). De même, on voit que la catégorie discrète C∅ est un objet
initial de la catégorie Cat (voir l’exemple 1.35(vi)), alors que C{∅} est un objet final.
Proposition 3.9. Soit A un anneau, (Λ, ≤) un ensemble partiellement ordonné,
(M• , f•• ) et (B• , g•• ) des systèmes de A-modules et respectivement de A-algèbres,
indexés par Λ. Alors :
(i) La limite directe de (M• , f•• ) est représentable dans la catégorie A − Mod.
(ii) La limite directe de (B• , g•• ) est représentable dans la catégorie A − Alg.
L
Démonstration. (i) : Soit P := λ∈Λ Mλ , et pour tout λ, µ ∈ Λ avec λ < µ notons
Qλµ := {(xν | ν ∈ Λ) ∈ P | xν = 0 ∀ν 6= λ, µ et xµ = −fλµ (xλ )}.
S
Soit aussi Q le A-sous-module de P engendré par λ<µ Qλµ , et on pose L := P/Q.
Pour tout λ ∈ Λ, la composition de l’inclusion naturelle iλ : Mλ → P avec la
projection P → L est un homomorphisme de A-modules uλ : Mλ → L. On a
uµ ◦ fλµ (x) = uλ (x) ∀λ < µ, ∀x ∈ Mλ
donc le système (uλ | λ ∈ Λ) est un co-cône de base (M• , f•• ) et sommet L. Soit
maintenant N un A-module, et (gλ : Mλ → N | λ ∈ Λ) un autre co-cône de sommet
N . On déduit une unique application A-linéaire g ′ : P → N telle que g ′ ◦ iλ = gλ
pour tout λ ∈ Λ, et il reste à montrer que g ′ se factorise à travers L. Mais pour
tout λ, µ ∈ Λ avec λ < µ et tout x ∈ Mλ on a
g ′ (iµ ◦ fλµ (x) − iλ (x)) = gµ ◦ fλµ (x) − gλ (x) = 0
d’où l’assertion.
(ii) : Pour tout λ ∈ Λ, on choisit une famille de générateurs (bλ,i | i ∈ Iλ ) de la
A-algèbre Bλ , de telle façon que l’on ait un homomorphisme surjectif
πλ : Eλ := A[Xλ,i | i ∈ Iλ ] → Bλ Xλ,i 7→ bλ,i ∀i ∈ Iλ
80 â Gémeaux

et on pose Jλ := Ker πλ pour tout λ ∈ Λ. Soit aussi E := A[Xλ,i | λ ∈ Λ, i ∈ Iλ ] ;


pour tout λ, λ′ ∈ Λ avec λ′ > λ, on choisit un homomorphisme de A-algèbres
φλλ′ : Eλ → Eλ′ qui relève gλλ′ , i.e. qui fait commuter le diagramme
φλλ′
Eλ / Eλ′
πλ π λ′
 gλλ′ 
Bλ / Bλ′

et on dénote par Jλλ′ ⊂ E l’idéal engendré par le système (Xλ,i −φλλ′ (Xλ,i ) | i ∈ Iλ ).
Soit aussi J ⊂ E le plus petit idéal contenant tous les idéaux Jλ et Jλ,λ′ , pour chaque
λ, λ′ ∈ Λ avec λ′ > λ, et on définit D := E/J. On voit aisément que l’application
naturelle ψλ : Eλ → E → D se factorise à travers un homomorphisme unique
uλ : Bλ → D de A-algèbres, pour tout λ ∈ Λ. De même, par construction on a
ψλ = ψλ′ ◦ φλλ′ ∀λ, λ′ ∈ Λ avec λ′ ≥ λ
d’où uλ = uλ′ ◦ gλλ′ pour tout λ, λ′ ∈ Λ avec λ′ ≥ λ ; i.e. le système (uλ | λ ∈ Λ)
définit un co-cône de sommet D et base (B• , g•• ). Or, si (kλ : Bλ → C | λ ∈ Λ) est
un autre co-cône de base (B• , g•• ), on a d’abord l’homomorphisme de A-algèbres
k:E→C Xλ,i 7→ kλ ◦ πλ (Xλ,i ) ∀λ ∈ Λ, ∀i ∈ Iλ .
Par construction, la restriction de k à Eλ se factorise à travers Bλ , donc Jλ ⊂ Ker k
pour tout λ ∈ Λ. De même, pour λ′ > λ et tout i ∈ Iλ , on a
k(Xλ,i − φλλ′ (Xλ,i )) = kλ ◦ πλ (Xλ,i ) − kλ′ ◦ πλ′ ◦ φλλ′ (Xλ,i )
= kλ ◦ πλ (Xλ,i ) − kλ′ ◦ gλλ′ ◦ πλ (Xλ,i )
= kλ ◦ πλ (Xλ,i ) − kλ ◦ πλ (Xλ,i )
=0
ce qui montre que Jλλ′ ⊂ Ker k. On conclut que k se factorise à travers un ho-
momorphisme unique S k̄ : D → C de A-algèbres. Evidemment k̄ ◦ uλ = kλ pour
tout λ ∈ Λ, et comme λ∈Λ uλ (Bλ ) engendre la A-algèbre D, il est clair que k̄ est
l’unique homomorphisme satisfaisant cette condition. Cela achève de montrer que
D est une limite directe de (B• , g•• ), avec le co-cône universel (uλ | λ ∈ Λ). 

Remarque 3.10. (i) Soient F : I → C , F ′ : I ′ → C et φ : I → I ′ trois foncteurs, et


ω : F → F′ ◦ φ
une transformation naturelle. Soient aussi (C, η : F → cC ) et (C ′ , η ′ : F ′ → cC ′ )
des couples universels pour les colimites de F et respectivement F ′ . On déduit une
transformation naturelle (notation de l’exercice 1.49)
(η ′ ∗ φ) ◦ ω : F → cC ′ ◦ φ.
Mais cC ′ ◦ φ : I → C est évidemment le foncteur constant sur I de valeur C ′ . Par
la proprieté universelle de (C, η), il existe alors un morphisme unique f : C → C ′
de C tel que cf ◦ η = (η ′ ∗ φ) ◦ ω. On appelle f la colimite de ω, et on le dénote
colim ω : colim F → colim

F ′.
φ I I

(Noter le petit abus de notation : ici colimI F dénote l’objet C de C qui représente
la colimite de F , et non pas la foncteur colimite, et de même pour colimI ′ F ′ .)
Explicitement, c’est l’unique morphisme f : C → C ′ tel que

f ◦ ηi = ηφ(i) ◦ ωi ∀i ∈ Ob(I).
§ 3.1: Limites et colimites 81

(ii) De même, si (L, µ : cL → F ) et (L′ , µ′ : cL′ → F ′ ) sont des couples universels


pour les limites de F et F ′ , on obtient un morphisme limite de ω bien défini

lim ω : lim F → lim



F′
φ I I

(avec le même abus de notation : limI F dénote L et limI ′ F ′ dénote L′ ). A savoir,


c’est l’unique morphisme g : L → L′ tel que µ′φ(i) ◦ g = ωi ◦ µi pour tout i ∈ Ob(I).
Si I = I ′ et φ = 1I , on écrira plus simplement limI ω et colimI ω pour la limite et
respectivement la colimite de ω.
(iii) Par exemple, soit (Λ, ≤) un ensemble partiellement ordonné, B une ca-
tégorie, (X• , f•• ) et (X•′ , f••

) deux systèmes d’objets de B indexés par Λ, et
ω• : (X• , f•• ) → (X• , f•• ) un morphisme de systèmes indexés (voir l’exemple
′ ′

3.3(i)). On obtient alors des morphismes naturels :

lim
−→
ωλ : lim
−→
Xλ → lim
−→
Xλ′ lim
←−
ωλ : lim
←−
Xλ → lim
←−
Xλ′
λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ

caractérisés comme dans (i) et (ii), pourvu que ces limites directes et inverses soient
représentables dans B.
(iv) Notamment, si B = Ens, et ω• : (S• , f•• ) → (S•′ , f•• ′
) est un morphisme
de systèmes d’ensembles indexés par Λ, on a vu que les limites inverses Q de S• et
S•′ sont représentables
Q par les parties des suites cohérentes L ⊂ S := λ∈Λ Sλ
et L′ ⊂ S ′ := λ∈Λ Sλ′ , et les cônes universels respectives sont donnés par les
restrictions L → Sλ et L′ → Sλ′ des projections canoniques ; avec ces représentants,
l’application limite inverse limλ∈Λ ωλ : L → L′ est la restriction de l’application :

S → S′ (xλ | λ ∈ Λ) 7→ (ωλ (xλ ) | λ ∈ Λ).

Pour B = Top ou B = A − Mod ou B = A − Alg (avec un anneau A quelconque),


la même description du morphisme limite inverse s’applique.
(v) De même, si (Ci | i ∈ I) et (Ci′ | i ∈ I) sont deux familles de catégories, toute
famille de foncteurs (Fi : Ci → Ci′ | i ∈ I) induit un foncteur bien défini
Y Y Y
F := Fi : Ci → Ci′ tel que p′j ◦ F = Fj ◦ pj ∀j ∈ I
i∈I i∈I i∈I
Q Q
où pj : i∈I Ci → Cj et p′j : i∈I Ci′ → Cj′ sont les projections, pour tout j ∈ I.
(vi) Dans la situation générale de (i), comme d’habitude, le morphisme colimite
f : C → C ′ de ω dépend des choix des objets C et C ′ représentant les colimites
de F et F ′ , ainsi que des choix des co-cônes universels η et η ′ pour ces objects.
D’autre part, f est indépendent à isomorphisme unique près de tous ces choix :
car, si (D, ν) et (D′ , ν ′ ) sont des autres choix de couples universels pour F et F ′ ,
le lemme 2.11(i) nous dit qu’il existe des isomorphismes uniques de B :
∼ ∼
h:C→D h′ : C ′ → D ′ tels que ch ◦ η = ν ch ′ ◦ η ′ = ν ′ .

Or, si g : D → D′ est l’unique colimite de ω correspondant aux couples (D, ν) et


(D′ , ν ′ ), on a un diagramme commutatif

f
C / C′
h h′
 g

D / D′ .
82 â Gémeaux

En effet, g est caractérisé par la condition : cg ◦ ν = (ν ′ ∗ φ) ◦ ω, donc


cg◦h ◦ η = cg ◦ ch ◦ η = cg ◦ ν = (ν ′ ∗ φ) ◦ ω = ((ch′ ◦ η ′ ) ∗ φ) ◦ ω
= (ch′ ∗ φ) ◦ (η ′ ∗ φ) ◦ ω
= (ch′ ∗ φ) ◦ cf ◦ η
= ch′ ◦f ◦ η
d’où g ◦ h = h′ ◦ f , par l’universalité de η. En particulier, les propriétés catégorielles
de la limite de ω sont intrinsèques, i.e. elles sont détérminées uniquement par ω
(et ne dépendent pas des couples universels choisis) ; par exemple, f est un mo-
nomorphisme (resp. un épimorphisme, resp. un isomorphisme) si et seulement si g
satisfait la même condition. Par dualité, des considérations analogues sont valables
pour le morphisme colimite de ω, dans la situation de (ii).
Exercice 3.11. (i) Soit C une catégorie. Pour tout couple (X op , Y ), (X ′op , Y ′ )
d’objets de la catégorie C op ×C , et tout morphisme (f op , g) : (X op , Y ) → (X ′op , Y ′ )
de C op × C on considère l’application
C (f, g) : C (X, Y ) → C (X ′ , Y ′ ) (h : X → Y ) 7→ (g ◦ h ◦ f : X ′ → Y ′ ).
Montrer que les associations (X op , Y ) 7→ C (X, Y ) et (f op , g) 7→ C (f, g) définissent
un foncteur
C (−, −) : C op × C → Ens.
(ii) Soient C , C ′ deux catégories, et (G : C → C ′ , F : C ′ → C ) un couple de
foncteurs adjoints (voir le problème 2.15). On définit :
C (−, F ) := C (−, −) ◦ (1C op × F ) C ′ (G, −) := C ′ (−, −) ◦ (Gop × 1C ′ ).
Montrer que la donnée d’une adjonction pour le couple (G, F ) est équivalente à
celle d’un isomorphisme de foncteurs
C (−,F )

op ′
✤✤ ✤✤ (
C ×C  ϑ 6 Ens.
C ′ (G,−)

3.1.2. Ensembles filtrés et cofiltrés. La construction de la limite directe d’un sys-


tème de A-algèbres fournie par la proposition 3.9(ii) n’est pas très maniable en
général, et il est difficile d’y extraire des renseignements utiles. On peut faire mieux
si on impose des restrictions sur l’ensemble d’indices Λ. C’est notamment le cas si
Λ est filtré, i.e. si Λ 6= ∅ et pour tout λ, λ′ ∈ Λ il existe λ′′ ∈ Λ tel que λ′′ ≥ λ, λ′ .
En effet, on a :
Exercice 3.12. (i) Soit (S• , f•• ) un système d’ensembles indexés par un ensemble
filtré (Λ, ≤). Notons par S la réunion disjointe de la famille (Sλ | λ ∈ Λ) (voir
l’exemple 3.7(i)), et on considère la relation ∼ sur S telle que
(x, λ) ∼ (x′ , λ′ ) ⇔ ∃λ′′ ≥ λ, λ′ tel que fλλ′′ (x) = fλ′ λ′′ (x′ ).
Montrer que ∼ est une relation d’équivalence sur S.
(ii) On pose C := S/ ∼, et notons [x, λ] ∈ C la classe d’équivalence de tout
(x, λ) ∈ S. Pour tout λ ∈ Λ on considère aussi l’application
jλ′ : Sλ → C x 7→ [x, λ].
Montrer que C est une limite directe du système (S• , f•• ), et (jλ′ | λ ∈ Λ) est le
co-cône universel correspondant.
(iii) Soit A un anneau, (M• , f•• ) un système de A-modules indexé par un en-
semble filtré (Λ, ≤), et notons par L′ la limite directe du système d’ensembles sous-
jacents, construit comme dans (i) ci-dessus, avec son co-cône universel (u′ λ : Mλ →
§ 3.1: Limites et colimites 83

L′ | λ ∈ Λ). Montrer qu’il existe une structure unique de A-module sur L′ telle que
chaque u′λ soit une application A-linéaire, et L′ est une limite directe du système
(M• , f•• ), avec le co-cône universel (u′ λ | λ ∈ Λ).
(iv) Soit maintenant (B• , g•• ) un système de A-algèbres, toujours indexé par
un ensemble Λ filtré. On considère à nouveau la limite directe B du système d’en-
sembles sous-jacents, et son co-cône universel (u′λ : Bλ → B | λ ∈ Λ). Montrer qu’il
existe une structure unique de A-algèbre sur B telle que les applications u′λ sont des
homomorphismes de A-algèbres, et B est la limite directe du système de A-algèbres
B• , avec co-cône universel donné par les u′λ .
Exemple 3.13. Soit T un espace topologique, t ∈ T un point, Ut l’ensemble des
voisinages ouverts de t dans T . Pour tout U ∈ Ut , soit AU l’anneau des fonctions
continues U → R ; en particulier, AT = C (T ) (notation du paragraphe 1.2). Si
U ′ ⊂ U est une inclusion de voisinages ouverts de t, l’application de restriction
ρUU ′ : AU → AU ′ f 7→ f|U ′
est évidemment un homomorphisme de R-algèbres. De plus,
ρU ′ U ′′ ◦ ρUU ′ = ρUU ′′
pour chaque chaîne d’inclusions U ′′ ⊂ U ′ ⊂ U de voisinages ouverts de t. Donc, si
on munit Ut de l’ordre partiel qui renverse l’inclusion (i.e. U ′ ≥ U ⇔ U ′ ⊂ U ) on
peut interpréter la donnée (AU , ρUU ′ | U, U ′ ∈ Ut ) comme un système de R-algèbres
indexé par Ut . La limite directe
OT,t := lim
−→
AU
U∈Ut

est appelée l’anneau des germes des fonctions continues autour de t. Remarquons
que Ut est filtré : en effet, si U, U ′ ∈ Ut , on a U ′′ := U ∩ U ′ ∈ Ut , et évidemment
U ′′ ≥ U, U ′ . Grâce à l’exercice 3.12(iv), on peut donc identifier OT,t avec l’anneau
des classes d’équivalence [U, f ] des couples (U, f ) où U ∈ Ut et f ∈ AU , par la
relation d’équivalence telle que (U, f ) ∼ (U ′ , f ′ ) si et seulement si f et f ′ coïncident
sur un voisinage de t contenu dans U ∩U ′ . De plus, on a un homomorphisme naturel
C (T ) → OT,t f 7→ [T, f ]
qui associe à toute fonction continue f : T → R son germe au point t.
Exercice 3.14. (i) Avec la notation de l’exemple 3.13, soit T complètement ré-
gulier (voir l’exercice 1.40(iv)), et m ⊂ C (T ) l’idéal maximal des fonctions qui
s’annulent en t. Montrer qu’il existe un isomorphisme unique de C (T )-algèbres

C (T )m → OT,t .
(ii) Soit A un anneau, S ⊂ A une partie ; notons par S l’ensemble des parties finies
S ′ ⊂ S, partiellement ordonnée par l’inclusion : S1 ≤ S2 si et seulement si S1 ⊂ S2 .
La propriété universelle des localisations implique que pour tout S1 , S2 ∈ S avec
S1 ≤ S2 , il existe un unique morphisme de A-algèbres jS1 S2 : S1−1 A → S2−1 A ; l’on
obtient donc un système directe de A-algèbres (S ′−1 A | S ′ ∈ S ) indexé par (S , ≤),
ainsi qu’un co-cône (jS ′ : S ′−1 A → S −1 A | S ′ ∈ S ). Montrer que le co-cône j• est
universel ; en particulier, on a un isomorphisme canonique :

lim
−→
S ′−1 A → S −1 A.
S ′ ∈S

Problème 3.15. Soit Λ un ensemble partiellement ordonné cofiltré, i.e. tel que Λop
est filtré. Soit aussi (Tλ , fλµ | λ, µ ∈ Λ, λ < µ) un système d’espaces topologiques
compacts et séparés, indexé par Λ, et notons par L la limite de (T• , f•• ) (par le
problème 3.5(iii), l’espace L est compact et séparé).
(i) Montrer que L 6= ∅ si et seulement si Tλ 6= ∅ pour tout λ ∈ Λ.
84 â Gémeaux

(ii) Soit (T•′ , f••



) un deuxième système d’espaces topologiques compacts et sé-
parés, indexé par Λ, et φ• := (φλ : Tλ → Tλ′ | λ ∈ Λ) un morphisme de systèmes
indexés d’espaces topologiques. Notons par L′ la limite inverse de (T•′ , f••

), et par
φ : L → L la limite inverse de φ• , définies par la remarque 3.10(ii). Montrer que si

φλ est une application surjective pour tout λ ∈ Λ, alors φ est surjective.


Remarque 3.16. (i) Soit Λ comme dans le problème 3.15, et (S• , g•• ) un système
d’ensembles finis et non vides, indexé par Λ, dont on dénote par S la limite in-
verse. On peut munir chaque Sλ de la topologie discrète Tλ ; l’on obtient ainsi un
système ((S• , T• ), g•• ) d’espaces topologiques compacts et séparés (noter que les
applications gλµ : (Sλ , Tλ ) → (Sµ , Tµ ) sont continues, pour tout λ ≤ µ). De plus,
on sait qu’il existe une topologie T sur S telle que (S, T ) est la limite inverse de ce
dernier système (voir la solution du problème 3.5(iii)). Compte tenu du problème
3.15(i), on conclut que S 6= ∅. De même, si (S•′ , g••

) est un deuxième système d’en-
sembles finis indexé par Λ, S son limite inverse, et g• := (gλ : Sλ → Sλ′ | λ ∈ Λ)

un morphisme de systèmes indexés, consistant d’applications surjectives, alors la


limite inverse g : S → S ′ de g• est surjective.
(ii) Pour apprécier ces observations, signalons que les assertions (i) et (ii) du
problème 3.15 peuvent faillir pour des systèmes d’espaces non séparés, ou non com-
pacts, ou si Λ n’est pas cofiltré. De même, les conclusions de la partie (i) ci dessus
ne sont plus assurées si les ensembles Sλ sont infinis ou si Λ n’est pas cofiltré. De
l’autre côté, on a les résultats généraux suivants :
Exercice 3.17. Soient I, C deux catégories, F, F ′ : I → C deux foncteurs, et
ω : F → F ′ une transformation naturelle. Montrer les assertions suivantes :
(i) Supposons que les limites de F et F ′ soient représentables par des objets L
et L′ de C , de telle façon que la limite g : L → L′ de ω est définie (voir la remarque
3.10(ii)). Supposons de plus que ωi : Fi → Fi′ soit un monomorphisme pour tout
i ∈ Ob(I). Alors g est un monomorphisme.
(ii) Dualement, supposons que les colimites de F et F ′ soient représentables par
C, C ′ ∈ Ob(C ), et soit f : C → C ′ la colimite de ω. Supposons de plus que ωi soit
un épimorphisme pour tout i ∈ Ob(I). Alors f est un épimorphisme.
Exercice 3.18. (Parties cofinales) Soit (Λ, ≤) un ensemble partiellement ordonné,
Λ′ ⊂ Λ une partie. On dit que Λ′ est cofinale dans (Λ, ≤) si pour tout λ ∈ Λ il
existe λ′ ∈ Λ′ tel que λ′ ≥ λ. On dit que Λ′ est finale dans (Λ, ≤) si elle est cofinale
dans (Λop , ≤op ), i.e. pour tout λ ∈ Λ il existe λ′ ∈ Λ′ tel que λ′ ≤ λ.
(i) Soit Λ′ une partie cofinale de (Λ, ≤), et munissons Λ′ de l’ordre partiel induit
par Λ. Montrer que (Λ, ≤) est filtré si et seulement (Λ′ , ≤) est filtré.
(ii) Soient (Λ, ≤) et Λ′ comme dans (i), et B une catégorie. On dénote par CΛ
et CΛ′ les catégories associées à (Λ, ≤) et (Λ′ , ≤), de telle façon que CΛ′ est une
sous-catégorie pleine de CΛ . Soit aussi F : CΛ → B un foncteur, et F ′ : CΛ′ → B
sa restriction à CΛ′ . Montrer que la colimite de F est représentable si et seulement
si la colimite de CΛ′ l’est.
(iii) Plus précisément, soit g• := (gλ : F λ → C | λ ∈ Λ) un co-cône de base F ;
par restriction l’on obtient un co-cône g•′ := (gλ′ : F ′ λ → C | λ ∈ Λ′ ) de base F ′ , et
g• est universel si et seulement si g•′ l’est.
(iv) Dualement, si Λ′ est finale dans Λ, alors (Λ, ≤) est cofiltré si et seulement
si (Λ′ , ≤) est cofiltré, et si ces conditions sont vérifiées, la limite de tout foncteur F
comme dans (ii) est isomorphe à la limite de sa restriction F ′ , et tout cône universel
pour F induit, par restriction comme dans (iii), un cône universel pour F ′ .
3.2. Foncteurs exacts. Soient I, C , C ′ trois catégories, φ : I → C et F : C → C ′
deux foncteurs, et (L, η) un couple universel pour la limite de φ. Donc, η est un
cône universel (ηi : L → φ(i) | i ∈ Ob(I)). On dit que F commute avec la limite de
§ 3.2: Foncteurs exacts 85

φ, si le couple (F L, F ∗ η) est universel pour la limite de F ◦ φ : I → C ′ . Rappelons


que F ∗ η est le cône tel que (F ∗ η)i = F (ηi ) : F L → F ◦ φ(i) pour tout i ∈ Ob(I)
(voir l’exercice 1.49(ii)). En particulier, F L représente la limite de F ◦ φ, et avec
un petit abus de notation on peut donc écrire :

F lim φ = lim F ◦ φ.
I I

De même, si (C, τ ) est un co-cône universel pour φ, on dit que F commute avec la
colimite de φ, si (F C, F∗τ ) est un co-cône universel pour F ◦ φ, auquel cas on aura :
F colim φ) = colim F ◦ φ.
I I

Remarque 3.19. La commutativité de F avec la limite de φ est une propriété intrin-


sèque de F , i.e. elle ne dépend pas du choix du couple universel (L, η) : si (L′ , η ′ )
est un deuxième couple universel pour φ, alors (F L, F ∗ η) est un couple universel
pour F ∗ φ si et seulement s’il en est de même pour le couple (F L′ , F ∗ η ′ ). En effet,

grâce au lemme 2.11(i) on sait qu’il existe un isomorphisme unique ω : L → L′ tel
que cω ◦ η = η, d’où cF (ω) ◦ (F ∗ η ) = F ∗ η. Mais F (ω) est un isomorphisme de C ′ ,
′ ′

d’où l’assertion, toujours par le lemme 2.11(i). Le même raisonnement montre que
la commutativité de F avec la colimite de φ est une propriété intrinsèque de F .
Exemple 3.20. (i) Soit ∆1 la catégorie avec Ob(∆1 ) = {0, 1} et dont les mor-
phismes sont donnés par le graphe suivante (qui omet les identités 10 et 11 ) :
a
0 // 1.
b

Donc, un foncteur φ : ∆1 → C n’est rien d’autre que la donnée d’un couple


(φ(0), φ(1)) d’objets de C et d’un couple de morphismes (φ(a), φ(b) : φ(0) → φ(1)).
Un cône de base φ est la donnée d’un objet X de C et de morphismes fi : X → φ(i)
(i = 0, 1) de C tels que φ(a) ◦ f0 = f1 = φ(b) ◦ f0 ; autrement dit, c’est la donnée
d’un morphisme f : X → φ(0) tel que φ(a) ◦ f = φ(b) ◦ f . Un cône universel pour
φ est aussi appelé un équaliseur des morphismes φ(a) et φ(b).
De même, un co-cône de base φ est la donnée d’un objet Y de C et un morphisme
g : φ(1) → Y tel que g ◦φ(a) = g ◦φ(b). Un co-cône universel pour φ est aussi appelé
un coéqualiseur de φ(a) et φ(b). Si F : C → C ′ est un foncteur qui commute avec la
limite (resp. la colimite) de φ, on dira brièvement que F commute avec l’équaliseur
(resp. avec le coéqualiseur ) de φ(a) et φ(b).
(ii) Par exemple, prenons C := A − Mod, pour un anneau arbitraire A, et soient
h, k : M → N deux homomorphismes de A-modules. On pose E := Ker(h − k), et
on dénote par i : E → M l’inclusion ; montrons que (E, i) est un équaliseur de h et
k. En effet, l’assertion revient à dire que si t : Q → M est un homomorphisme de
A-modules avec h ◦ t = k ◦ t, il existe une unique application A-linéaire s : Q → E
telle que t = i ◦ s ; mais comme (h − k) ◦ t = 0, cela est clair. En particulier, on
voit que pour toute application A-linéaire h : M → N , le A-module Ker h est un
équaliseur de h et de l’application nulle 0M,N : M → N .
(iii) De même, dans la situation de (ii) ci-dessus, le coéqualiseur de h et k est
représenté par Coker(h − k), et en particulier, pour toute application A-linéaire
h : M → N , le A-module Coker h est un coéqualiseur de h et 0M,N (les détails sont
laissés aux soins du lecteur).
(iv) Soit B un autre anneau, et F : A − Mod → B − Mod un foncteur tel que :
— F commute avec les équaliseurs, i.e. avec la limite de tout φ : ∆1 → A − Mod
— F preserve les homomorphismes nuls, i.e.
(∗) F (0M,N ) = 0F M,F N ∀M, N ∈ Ob(A − Mod).
86 â Gémeaux

Dans ce cas, il s’ensuit de (ii) que F commute avec les noyaux, i.e. pour toute
application A-linéaire h : M → N il existe un isomorphisme de B-modules

ωh : F (Ker h) → Ker F h.
Plus précisément, soient ih : Ker h → M et iF h : Ker F h → F M les inclusions ;
par hypothèse, (F (Ker h), F ih ) est un équaliseur de F h et 0F M,F N , et le lemme
2.11(i) nous fournit un isomorphisme unique ωh tel que iF h ◦ ωh = F ih . De plus,
tout diagramme commutatif de A-modules
h /N
M
f g
 
h′
M′ / N′
induit un diagramme commutatif de B-modules
ωh
F (Ker h) / Ker F h
Ft s
 ωh′ 
F (Ker h′ ) / Ker F h′

où t : Ker h → Ker h′ est la restriction de f , et s est la restriction de F f . En effet,


on a les identités évidentes ih′ ◦ t = f ◦ ih et iF h′ ◦ s = F f ◦ iF h , d’ou il vient :
iF h′ ◦ ωh′ ◦ F t = F ih′ ◦ F t = F (ih′ ◦ t) = F (f ◦ ih ) = F f ◦ F ih
= F f ◦ iF h ◦ ωh
= i F h′ ◦ s ◦ ω h .
Par l’universalité du couple (Ker F h′ , iF h′ ) (ou plus simplement, car iF h′ est un
monomorphisme), il s’ensuit que ωh′ ◦ F t = s ◦ ωh , comme souhaité.
(v) De même, si F commute avec les coéqualiseurs et preserve les homomor-
phismes nuls, il s’ensuit que F commute avec les conoyaux, i.e. pour toute applica-
tion A-linéaire h : M → N on a un isomorphisme naturel

F (Coker h) → Coker F h
caractérisé comme dans (iv) : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
(vi) Examinons maintenant la condition (∗) de (iv) d’un point de vue catégoriel.
• Notons d’abord que 0M,N est caractérisé comme l’unique homomorphisme
M → N qui se factorise à travers 0, le A-module nul (et en fait, cette factori-
sation est unique), et d’après la remarque 3.8(iv) le module nul est caractérisé à
isomorphisme près à son tour comme l’objet initial et final de A − Mod.
• Ensuite, notons que F preserve les homomorphismes nuls si et seulement si
F (0) = 0, i.e. si et seulement s’il preserve les objets initiaux (ou les objets finaux).
En effet, la condition est évidemment suffisante ; de l’autre côté, si F preserve les
homomorphismes nuls, on a en particulier F (00,0 ) = 0F 0,F 0 , mais aussi 00,0 = 10 ,
d’où F (00,0 ) = 1F 0 , et l’identité 0F 0,F 0 = 1F 0 implique évidemment que F (0) = 0.
• Résumant, on voit que notre foncteur F vérifie la condition (∗) de (iv) si et
seulement s’il commute avec le produit vide. On conclut que si F commute avec
les équaliseurs et avec le produit vide, alors il commute aussi avec les noyaux ;
dualement, si F commute avec les coéqualiseurs et avec le coproduit vide, alors il
commute aussi avec les conoyaux. La définition suivante fournit un cadre générale
pour l’étude des foncteurs vérifiant ces conditions.
Définition 3.21. (i) Soient I et C deux catégories ; on dit que C est I-complète,
si la limite de tout foncteur I → C est représentable dans C . Dualement, on dit
que C est I-cocomplète, si C op est I op -complète, i.e. si la colimite de tout foncteur
I → C est représentable dans C .
§ 3.2: Foncteurs exacts 87

(ii) On dit que la catégorie I est finie, si Ob(I) est un ensemble fini, et I(x, y)
est un ensemble fini pour tout x, y ∈ Ob(I). On dit que la catégorie C est finiement
complète (resp. complète) si elle est I-complète pour toute catégorie finie I (resp.
pour toute catégorie I). Dualement, C est finiement cocomplète (resp. cocomplète),
si elle est I-cocomplète pour toute catégorie finie I (resp. pour toute catégorie I).
(iii) Soient C , C ′ deux catégories finiement complètes (resp. finiement cocom-
plètes), et F : C → C ′ un foncteur ; on dit que F est exact à gauche (resp. exact à
droite), si F commute avec les limites finies (resp. avec les colimites finies), i.e. avec
la limite (resp. colimite) de tout foncteur I → C avec I catégorie finie arbitraire.
On dit que F est exact, s’il est exact à la fois à gauche et à droite.
Avant de pouvoir utiliser ces concepts, il nous faudra évidemment des critères
pour, d’un côté, reconnaître les catégories complètes ou finiement complètes, et de
l’autre côté, vérifier l’exactitude à gauche ou à droite des foncteurs. Concernant la
première question, on a le résultat suivant :
Proposition 3.22. Soit C une catégorie, et on suppose que :
(a) l’équaliseur de tout couple de morphismes est représentable dans C
(b) tout produit (resp. tout produit fini) est représentable dans C .
Alors C est complète (resp. finiement complète). Dualement, si tous les coéquali-
seurs et toutes les sommes directes (resp. les sommes directes finies) sont représen-
tables dans C , alors C est cocomplète (resp. finiement cocomplète).
Démonstration. Soit I une catégorie arbitraire (resp. une catégorie finie), φ : I → C
un foncteur ; on dénote par M l’ensemble des morphismes de I, i.e. les éléments de
M sont les données (i, j, f ) avec i, j ∈ Ob(I) et f ∈ I(i, j) (noter que M est un
ensemble fini, si I est finie). On considère les familles d’objets de C :
(Pi := φ(i) | i ∈ Ob(I)) (Q(i,j,f ) := φ(j) | (i, j, f ) ∈ M ).
Par hypothèse, les produits de ces familles sont représentables dans C par des objets
P , respectivement Q, et choisissons des cônes universels (πiP : P → Pi | i ∈ Ob(I))
Q
et (π(i,j,f ) : Q → Q(i,j,f ) | (i, j, f ) ∈ M ) pour ces produits. Il existe alors deux
morphismes uniques α, β : P → Q tels que
Q P Q P
π(i,j,f ) ◦ α = πj π(i,j,f ) ◦ β = φ(f ) ◦ πi ∀(i, j, f ) ∈ M.
Soit ensuite (E, ε : E → P ) un équaliseur de α et β, et vérifions que E représente
la limite de φ. En effet, pour tout X ∈ Ob(C ), la donnée d’un morphisme X → E
est équivalente à celle d’un morphisme γ : X → P tel que α ◦ γ = β ◦ γ, et si on
pose γi := πiP ◦ γ pour tout i ∈ Ob(I), cette dernière condition se traduit par le
système d’identités
Q Q P
γj = π(i,j,f ) ◦ α ◦ γ = π(i,j,f ) ◦ β ◦ γ = φ(f ) ◦ πi ◦ γ = φ(f ) ◦ γi ∀(i, j, f ) ∈ M.
Résumant, on a ainsi établi une bijection naturelle entre C (X, E) et l’ensemble des
cônes cX → φ de base φ et sommet X, qui associe à tout h ∈ C (X, E) le cône
γ•h := (πiP ◦ ε ◦ h : X → φ(i) | i ∈ Ob(I)) ; i.e. le cône (πiP ◦ ε : E → φ(i) | i ∈ Ob(I))
est universel. Cela achève de montrer que C est complète (resp. finiement complète).
L’assertion duale s’ensuit aussitôt, en considérant la catégorie duale C op . 
Exercice 3.23. Soit C une catégorie finiement complète, et F : C → C ′ un
foncteur ; déduire de la proposition 3.22 que F est exact à gauche s’il commute avec
les équaliseurs et avec les produits finis, i.e. pour toute famille X• := (Xi | i ∈ I)
indexée par un ensemble fini I quelconque, on a un isomorphisme
Y  Y

ω:F Xi → F Xi tel que p′j ◦ ω = F pj ∀j ∈ I
i∈I i∈I
88 â Gémeaux

Q Q
où l’on a noté (pj : i∈I Xi → Xj | j ∈ I) et (p′j : i∈I F Xi → F Xj | j ∈ I)
les cônes universels. De même, si C est finiement cocomplète, alors F est exact à
droite s’il commute avec les coéqualiseurs et les sommes directes finies, i.e. pour
X• comme ci-dessus on a un isomorphisme
a  a

ω′ : F Xi → F Xi tel que ω ′ ◦ F ej = e′j ∀j ∈ I
i∈I i∈I
L L
où l’on a noté (ej : Xj → i∈I Xi | j ∈ I) et (e′j : F Xj → i∈I F Xi | j ∈ I) les
co-cônes universels.
Exemple 3.24. Prenons C := A − Mod et C ′ := B − Mod pour deux anneaux
arbitraires A et B ; la proposition 3.22 et l’exemple 3.20(ii,iii) impliquent que ces
catégories sont complètes et cocomplètes. Compte tenu de l’exercice 3.23, il s’ensuit
qu’un foncteur F : A − Mod → B − Mod sera exact à gauche (resp. à droite) si et
seulement s’il commute avec les équaliseurs (resp. les coéqualiseurs) de A − Mod,
et avec le produit (resp. la somme directe) de toute famille finie M• := (Mi | i ∈ I)
de A-modules ; évidemment le produit et la somme directe de M• sont le même A-
module ; seulement changent les caractérisations des isomorphismes ω et ω ′ fournis
par l’exercice 3.23 : en terme des projections canoniques pour ce premier, et des
injections canoniques pour le deuxième. En dernier lieu, la discussion de l’exemple
3.20 nous dit que si F est exact à gauche (resp. à droite), alors F commute avec le
noyau (resp. le conoyau) de toute application A-linéaire M → N .
3.3. Limites et foncteurs adjoints. L’exercice 3.23 est souvent utile pour vérifier
l’exactitude à gauche ou à droite d’un foncteur ; un autre critère important est
expliqué par la proposition suivante :
Proposition 3.25. Soient C et C ′ deux catégories, F : C → C ′ un foncteur qui
admet un adjoint à gauche G : C ′ → C (voir le problème 2.15). Alors on a :
(i) F commute avec toute limite représentable de C .
(ii) Dualement, G commute avec toute colimite représentable de C ′ .
Démonstration. Par dualité, il suffit de montrer (i). Pour cela, fixons une adjonction
ϑ pour le couple (G, F ). Soit X un objet de C ′ et g• := (gi : X → F φ(i) | i ∈ Ob(I))
un cône de sommet X et base F ◦ φ : I → C ′ ; on en déduit un morphisme ϑX φ(i) (gi ) :
GX → φ(i) pour tout i ∈ Ob(I), et on a
φ(f ) ◦ ϑX X X
φ(i) (gi ) = ϑφ(j) (F φ(f ) ◦ gi ) = ϑφ(j) (gj ) ∀i, j ∈ Ob(I), ∀f ∈ I(i, j)

φ (g• ) := (ϑφ(i) (gi ) | i ∈ Ob(I)) est un cône de sommet GX et


i.e. la donnée ϑX X

base φ. Supposons maintenant que la limite de φ soit représentable par un objet


L de C , et soit (ηi : L → φ(i) | i ∈ Ob(I)) un cône universel ; on a alors un
morphisme unique h : GX → L tel que ηi ◦ h = ϑX φ(i) (gi ) pour tout i ∈ Ob(I).
Posons k := ϑX
L
−1
(h) : X → F L ; il vient
X −1
F (ηi ) ◦ k = ϑφ(i) (ηi ◦ h) = gi ∀i ∈ Ob(I).
De l’autre côté, si k ′ : X → F L est un morphisme de C ′ tel que F (ηi ) ◦ k ′ = gi pour
tout i ∈ Ob(I), il s’ensuit que ηi ◦ ϑX L (k ) = ϑφ(i) (F (ηi ) ◦ k ) = ϑL (gi ) pour tout
′ X ′ X

i ∈ Ob(I), d’où ϑX L (k ) = h. Cela achève de montrer que F L représente la limite


de F ◦ φ, et (F ηi | i ∈ Ob(I)) est un cône universel, comme souhaité. 


Exemple 3.26. Soit A un anneau ; on a déjà montré que les foncteurs d’oubli
A− Mod → Ens et A− Alg → Ens admettent des adjoints à gauche (voir le problème
2.15(ii,iii)). Compte tenu de la proposition 3.25(i), il s’ensuit que ces foncteurs
commutent avec toute limite de A − Mod et respectivement A − Alg. Ces foncteurs
§ 3.3: Limites et foncteurs adjoints 89

ne commutent pas avec toutes les colimites (par exemples, ils ne commutent pas
avec les sommes directes finies) ; toutefois, l’exercice 3.12 montre qu’ils commutent
avec les colimites filtrées, i.e. avec la colimite de tout système de A-modules (resp.
de A-algèbres) indexé par un ensemble partiellement ordonné filtré quelconque.
Problème 3.27. (i) Montrer que les catégories Ens et Top sont complètes et
cocomplètes. Montrer ensuite que le foncteur d’oubli
Ou : Top → Ens (X, T ) 7→ X
admet des adjoints à gauche et à droite, et en donner des descriptions explicites.
Grâce à la proposition 3.25, il s’ensuit que le foncteur d’oubli commute avec les
limites et les colimites de Top, i.e. si φ : I → Top : i 7→ (φ(i), Ti ) est un foncteur
quelconque, et (T, TT ) représente la limite (resp. la colimite) de φ, alors l’ensemble
sous-jacent T représente aussi la limite (resp. la colimite) du foncteur I → Ens :
i 7→ φ(i). Pour le cas des produits et des limites inverses, cela était déjà évident par
inspection des constructions proposées dans l’exemple 3.2(iii) et le problème 3.5(iii) ;
nous avons donc généralisé ce constat aux limites et colimites de tout foncteur φ,
et nous en avons fourni une explication catégorielle.
(ii) Montrer que le foncteur Spec : Z − Algop → Top commute avec les limites
cofiltrées, i.e. avec la limite inverse de tout système (Aop λ | λ ∈ Λ) d’objets de la
catégorie Z − Algop indexé par un ensemble partiellement ordonné (Λ, ≤) cofiltré
quelconque (voir les exemples 3.3(i) et 1.42(viii)). Noter que la limite inverse de Aop

est représentable par la limite directe du système d’anneaux (Aλ | λ ∈ Λ) indexé
par l’ensemble partiellement ordonné filtré (Λ, ≤)op (voir la remarque 3.6), donc on
obtiendra un homéomorphisme naturel
 

Spec lim
−→
Aλ → lim
←−
Spec Aλ .
λ∈Λop λ∈Λ

On va illustrer ces considérations par le théorème suivant, qui – conjoint avec


l’exemple 1.48 – montre que l’on peut reconstruir (à isomorphisme près) un anneau
à partir de la classe d’équivalence de sa catégorie de modules :
Théorème 3.28. Soient A et B deux anneaux. Alors A est isomorphe à B si et
seulement si les catégories A − Mod et B − Mod sont équivalentes.

Démonstration. Si f : A → B est un isomorphisme d’anneaux, à tout B-module M
on associe le A-module M[f ] dont l’ensemble sous-jacent est M , et dont la multipli-
cation A × M → M est donnée par restriction de scalaires : a · m := f (a) · m. Evi-
demment, toute application B-linéaire M → M ′ induit une application A-linéaire
] , donc on obtient ainsi un isomorphisme de catégories

M[f ] → M[f

(−)[f ] : B − Mod → A − Mod.
Pour la réciproque, considérons d’abord plus généralement une catégorie C arbi-
traire, et soit (E(C ), ◦) le monoïde commutatif associé à C comme dans l’exemple
1.48 ; soit aussi F : C → C ′ un foncteur qui admet un adjoint à gauche plein et
fidèle G : C ′ → C , et η : 1C ′ → F ◦ G, ε : G ◦ F → 1C des transformations natu-
relles vérifiant les identités triangulaires, de telle façon que η est un isomorphisme,
grâce à la proposition 2.20(ii). Compte tenu de la relation d’échange de l’exercice
1.49(iii), on voit aisément que l’application
Φ : E(C ) → E(C ′ ) ω 7→ η −1 ◦ (F ∗ ω ∗ G) ◦ η
est un morphisme de monoïdes, i.e. Φ(ω◦ω ′ ) = Φ(ω)◦Φ(ω ′ ) pour tout ω, ω ′ ∈ E(C ).
En particulier, les hypothèses sont remplies si F est une équivalence de catégories,
car dans ce cas F admet un foncteur quasi-inverse G : C ′ → C qui est à la fois une
équivalence et un adjoint à gauche (et à droite) de F (voir la remarque 2.19(ii)).
90 â Gémeaux

Affirmation 3.29. Si F est une équivalence, Φ est un isomorphisme de monoïdes.


Preuve : Si F et G sont des équivalences, ε est un isomorphisme de foncteurs, encore
par la proposition 2.20(ii), d’où aussi analoguement le morphisme de monoïdes
Ψ : E(C ′ ) → E(C ) τ 7→ ε ◦ (G ∗ τ ∗ F ) ◦ ε−1 .
On va montrer plus précisément que Ψ ◦ Φ = IdE(C ) et Φ ◦ Ψ = IdE(C ′ ) . En effet,
pour tout ω ∈ E(C ) on a
Ψ ◦ Φ(ω) = ε ◦ (G ∗ η −1 ∗ F ) ◦ (GF ∗ ω ∗ GF ) ◦ (G ∗ η ∗ F ) ◦ ε−1
= ε ◦ (GF ∗ ε) ◦ (GF ∗ ω ∗ GF ) ◦ (GF ∗ ε−1 ) ◦ ε−1
= ε ◦ (GF ∗ 1C ∗ ε) ◦ (GF ∗ ω ∗ GF ) ◦ (GF ∗ 1C ∗ ε−1 ) ◦ ε−1
= ε ◦ (GF ∗ ω ∗ (ε ◦ ε−1 )) ◦ ε−1
= ε ◦ (GF ∗ ω) ◦ ε−1
= (ε ∗ 1C ) ◦ (GF ∗ ω) ◦ (ε−1 ∗ 1C )
= (ε ◦ ε−1 ) ∗ ω

où la deuxième égalité suit des identités triangulaires, et les autres égalités suivent
par plusieurs applications de la relation d’échange. La preuve de l’autre identité est
analogue. ♦
Soit maintenant F : A − Mod → B − Mod une équivalence, et choisissons un
quasi-inverse G : B − Mod → A − Mod pour F , ainsi qu’une adjonction pour le

couple (G, F ) ; on en déduit un isomorphisme Φ : E(A − Mod) → E(B − Mod)
de monoïdes. Dans l’exemple 1.48(ii,iii) on a muni E(A − Mod) d’une structure

naturelle d’anneau, et on a exhibé un isomorphisme d’anneaux A → E(A − Mod)
pour tout anneau A ; compte tenu de l’observation 3.29, on est donc ramené à
montrer que Φ est un homomorphisme d’anneaux, i.e. que Φ(ω + τ ) = Φ(ω) + Φ(τ )
pour tout ω, τ ∈ E(A − Mod). Cela revient aux identités
F (ωGM + τGM ) = F (ωGM ) + F (τGM ) ∀M ∈ Ob(A − Mod).
Or, la proposition 3.25 implique que F est un foncteur exact, donc pour conclure
il suffira de montrer l’assertion plus générale suivante :
Affirmation 3.30. Soient A, B deux anneaux, H : A − Mod → B − Mod un foncteur
qui est exact à droite ou à gauche. Alors on a H(f1 + f2 ) = Hf1 + Hf2 pour tout
M, N ∈ Ob(A − Mod) et tout f1 , f2 ∈ HomA (M, N ).
Preuve : Pour i = 1, 2, soient ei : N → N ⊕ N et πi : N ⊕ N → N respectivement
les inclusions et projections canoniques. Noter que
(∗) πi ◦ ej = δij · 1N ∀i, j ∈ {1, 2}
avec δij := 1 si i = j et δij := 0 si i 6= j. De plus, les identités (∗) caractérisent
ces applications : en effet, le système (ej | j = 1, 2) est un co-cône universel, donc
pour i = 1, 2 il existe un homomorphisme de A-modules unique πi vérifiant (∗),
et de l’autre côté, (πi | i = 1, 2) est un cône universel, donc pour j = 1, 2 il existe
un homomorphisme unique ej vérifiant les mêmes identités. Supposons maintenant
que H soit exact à gauche ; en particulier, il existe un isomorphisme de B-modules :

ω : HN ⊕ HN → H(N ⊕ N ) tel que H(πi ) ◦ ω = πi′ ∀i ∈ {1, 2}
où l’on a noté : HN ⊕ HN → HN la projection canonique, pour i = 1, 2. Posons
πi′
e′j := ω −1 ◦ H(ej ) : HN → HN ⊕ HN pour j = 1, 2 ; il s’ensuit que
πi′ ◦ e′j = H(πi ) ◦ H(ej ) = H(πi ◦ ej ) = δij · 1HN ∀i, j ∈ {1, 2}.
§ 3.3: Limites et foncteurs adjoints 91

En effet, la dernière égalité est immediate pour i = j, et pour i 6= j elle suit de


la discussion de l’exemple 3.20(vi). En raisonnant comme ci-dessus, on conclut que
e′j est précisément l’inclusion canonique dans le j-ème facteur du produit HN ⊕
HN . Or, soient f1 , f2 : M → N deux applications A-linéaires ; on en déduit une
application A-linéaire unique f : M → N ⊕ N telle que πi ◦ f = fi pour i = 1, 2.
Ensuite, soit Σ : N ⊕ N → N l’unique application A-linéaire telle que Σ ◦ ej = 1N
pour j = 1, 2 (donc, Σ est l’addition du groupe abélien N ), et noter que
f1 + f2 = Σ ◦ f : M → N.
Posons aussi f := ω ′ −1
◦ Hf : HM → HN ⊕ HN , et noter que
πi′ ′
◦ f = H(πi ) ◦ H(f ) = H(πi ◦ f ) = Hfi ∀i ∈ {1, 2}.
En dernier lieu, notons par Σ : HN ⊕ HN → HN l’addition du groupe abélien

HN , qui est bien entendu caractérisé par les identités Σ′ ◦ e′j = 1HN pour j = 1, 2.
Noter que
1HN = H(Σ) ◦ H(ej ) = H(Σ) ◦ ω ◦ e′j ∀j ∈ {1, 2}
d’où H(Σ) ◦ ω = Σ′ . Finalement, on calcule :
Hf1 + Hf2 = Σ′ ◦ f ′ = H(Σ) ◦ Hf = H(Σ ◦ f ) = H(f1 + f2 )
comme souhaité. La preuve est analogue si H est exact à droite : dans ce cas
l’isomorphisme ω est plutôt caractérisé par les identités ω ◦e′j = H(ej ) pour j = 1, 2
et H preserve toujours les homomorphismes nuls, car il preserve l’objet final ; l’on
déduira que πi′ = H(πi ) ◦ ω, et des identités similaires pour Hf et H(Σ) : les détails
seront laissés aux soins du lecteur. 
Remarque 3.31. Un des aspects les plus intéressants du théorème 3.28 est qu’il
devient faux pour des anneaux non-commutatifs. L’on obtient ainsi une relation
d’équivalence ∼ non-triviale sur l’ensemble des (classes d’isomorphisme) des an-
neaux associatifs et unitaires, en posant :
A∼B ⇔ A − Mod est équivalente à B − Mod.
L’étude de cette relation est l’objet de la théorie de Morita : voir, e.g. [25, Chap.9].
3.3.1. Permutation de limites. Considérons deux catégories I, C et supposons que
C soit I-complète ; on a un foncteur évident
cI : C → Fun(I, C ) X 7→ cX (f : X → Y ) 7→ (cf : cX → cY )
(où cX : I → C dénote le foncteur constant de valeur X : notation de 3.1). Tout
d’abord, on va exhiber un adjoint à droite pour cI , comme suit. Pour tout foncteur
φ : I → C on fixe un objet Lφ de C représentant limI φ, ainsi qu’un cône universel
(εφi : Lφ → φ(i) | i ∈ Ob(C )). Soit φ′ : I → C un autre foncteur ; suivant la
remarque 3.10(ii), toute transformation naturelle ω : φ → φ′ induit un morphisme
′ ′
limite limI ω : Lφ → Lφ caractérisé par les identités : εφi ◦limI ω = ωi ◦εφi pour tout
i ∈ Ob(I). Il s’ensuit aisément que limI 1φ = 1Lφ pour tout foncteur φ : I → C , et
si ω ′ : φ′ → φ′′ est une deuxième transformation naturelle, on a
 
lim(ω ′ ◦ ω) = lim ω ′ ◦ lim ω
I I I
′′ ′
car εφi ′
◦ (limI ω ) ◦ (limI ω) = ωi′ ◦ εφi
◦ (limI ω) = ωi′ ◦ ωi ◦ εφi pour tout i ∈ Ob(I).
Les associations φ 7→ L et (ω : φ → φ′ ) 7→ limI ω définissent donc un foncteur
φ

Lim : Fun(I, C ) → C
I
et il nous reste à vérifier qu’il s’agit d’un adjoint à droite de cI . Mais par construction
on a des bijections naturelles

ϑX φ
φ : C (X, L ) → Nat(cX , φ) f 7→ εφ ◦ cf ∀X ∈ Ob(C ), ∀φ : I → C
92 â Gémeaux

et l’on voit aisément que ϑYφ′ ((limI ω) ◦ f ◦ g) = ω ◦ ϑX


φ (f ) ◦ cg pour toute transfor-
mation naturelle ω : φ → φ′ et tout morphisme g : Y → X de C , d’où l’assertion.
Remarque 3.32. (i) Compte tenu de la proposition 3.25(i), il s’ensuit que le foncteur
LimI commute avec toute limite représentable de Fun(I, C ).
(ii) La discussion ci-dessus montre plus précisément que le foncteur constant
cI admet un adjoint à droite si et seulement si C est I-complète ; en effet, si
L : Fun(I, C ) → C est n’importe quel adjoint à droite de cI , et ϑ̃ est une adjonction
arbitraire pour le couple (cI , L), alors Lφ représente limI φ, pour tout φ : I → C ,
et la counité ε̃φ : cLφ → φ de ϑ̃ est un cône universel. Remarquons maintenant :
Lemme 3.33. Soient I, J, C trois catégories. On a :
(i) Il existe des isomorphismes de catégories :
∼ ∼
Fun(I, Fun(J, C )) ← Fun(I × J, C ) → Fun(J, Fun(I, C )) F ′ ←p F 7→ F ′′ .
(ii) Si C est J-complète, alors Fun(I, C ) est J-complète, et le foncteur constant

c′I : Fun(I, C ) → Fun(J, Fun(I, C )) → Fun(I × J, C ) admet l’adjoint à droite
Fun(I × J, C ) → Fun(I, C ) F 7→ Lim ◦ F ′ (ω : F → G) 7→ Lim ∗ ω ′
J J
′ ′ ′ ′′ ′′ ′′
(ici, ω : F → G et ω : F → G sont les transformations naturelles déduites,
grâce à (i), d’une transformation naturelle ω : F → G entre F, G : I × J → C ).
Démonstration. (i) : Soit F : K := I ×J → C un foncteur ; rappelons que Ob(K) =
Ob(I) × Ob(J), et K((i, j), (i′ , j ′ )) = I(i, i′ ) × J(j, j ′ ) pour tout (i, j), (i′ , j ′ ) ∈
Ob(K) (voir l’exemple 3.2(v)). Pour tout i ∈ Ob(I) on obtient alors un foncteur
F ′ (i) : J → C par
F ′ (i)(j) := F (i, j) F ′ (i)(g) := F (1i , g) ∀j, j ′ ∈ Ob(J), ∀g ∈ J(j, j ′ ).
De plus, tout morphisme f : i → i′ de I induit une transformation naturelle F ′ (f ) :
F ′ (i) → F ′ (i′ ) avec F ′ (f )j := F (f, 1j ) pour tout j ∈ Ob(J) (détails laissés aux
soins du lecteur) ; donc, les associations i 7→ F ′ (i) et f 7→ F ′ (f ) définissent un
foncteur F ′ : I → Fun(J, C ). Ensuite, à toute transformation naturelle ω : F → G
de foncteurs F, G : K → C et tout i ∈ Ob(I) on associe une transformation
naturelle ωi′ : F ′ i → G′ i en posant ωi,j ′
:= ω(i,j) pour tout j ∈ Ob(J) ; on voit
aisément que G f ◦ ωi = ωi′ ◦ F f pour tout morphisme f : i → i′ de I, donc
′ ′ ′ ′

l’association i 7→ ωi′ fournit une transformation naturelle ω ′ : F ′ → G′ bien définie.


En dernier lieu, si H : K → C est un troisième foncteur, et τ : G → H une
deuxième transformation naturelle, on voit sans peine que (τ ◦ ω)′ = τ ′ ◦ ω ′ ; cela
achève la construction du foncteur souhaité Fun(K, C ) → Fun(I, Fun(J, C )).
Réciproquement, si F ′ : I → Fun(J, C ) est un foncteur donné, on obtient un
foncteur F : K → C en posant F (i, j) := F ′ (i)(j) pour tout (i, j) ∈ Ob(K)
et F (f, g) := F ′ (i′ )(g) ◦ F ′ (f )j pour tout (f, g) ∈ K((i, i′ ), (j, j ′ )) ; de même, si
ω ′ : F ′ → G′ est une transformation naturelle de foncteurs F ′ , G′ : I → Fun(J, C ),
on obtient une transformation naturelle ω : F → G en posant ω(i,j) := ωi,j ′
pour
tout (i, j) ∈ Ob(K) : les vérification détaillées seront confiées au lecteur. On voit ai-
sément que l’association F ′ 7→ F définit un foncteur Fun(I, Fun(J, C )) → Fun(K, C )
qui est évidemment l’inverse du foncteur précédent. En échangeant les rôles de I et

J on obtient de même l’isomorphisme Fun(K, C ) → Fun(J, Fun(I, C )).
(ii) : Soit F : J → Fun(I, C ) un foncteur ; suivant (i), on associe à F ′′ un
′′

foncteur F ′ : I → Fun(J, C ) tel que F ′′ (j)(i) = F ′ (i)(j) pour tout (i, j) ∈ Ob(I ×J).
Comme C est J-complète, le foncteur LimJ : Fun(J, C ) → C est bien défini ; on pose
L := Lim ◦F ′ : I → C .
J
§ 3.3: Limites et foncteurs adjoints 93


Par construction on a un cône universel (εF
j
i
: Li → F ′ (i)(j) | j ∈ Ob(J)) pour tout
i ∈ Ob(I), et pour tout morphisme f : i → i de I, le morphisme Lf : Li → Li′ est

caractérisé par les identités


′ ′ ′
εF
j
i
◦ Lf = F ′ (f )j ◦ εjF i
∀j ∈ Ob(J).
Comme F (f )j = F (j)(f ), ces identités nous disent que le système de morphismes
′ ′′
′ ′
(εjF i : Li → F ′′ (j)(i) | i ∈ Ob(I)) est une transformation naturelle εF ′′
j : L → F (j),
pour tout j ∈ Ob(J), d’où un cône bien défini
′ ′
εF := (εF ′′
j : L → F (j) | j ∈ Ob(J)).

Montrons que L représente la limite de F ′′ et que εF est un cône universel. En
effet, soit G : I → C un autre foncteur, et (τj : G → F ′′ (j) | j ∈ Ob(J)) un
cône de sommet G et base F ′′ ; pour tout i ∈ Ob(I) on en déduit un système
(τj,i : Gi → F ′ (i)(j) | j ∈ Ob(J)) de morphismes de C , qui est évidemment une
transformation naturelle τ•,i : cGi → F ′ (i). L’adjonction ϑ exhibé ci-dessus pour le
Gi −1
couple (cJ , LimJ ) associe à τ•,i un morphisme ti := ϑF ′ (i) (τ•,i ) : Gi → Li tel que

εjF i ◦ ti = τj,i pour tout j ∈ Ob(J). De plus, une inspection directe montre que
tout morphisme f : i → i′ de I induit un diagramme commutatif
τ•,i
cGi / F ′ (i)

cGf F ′ (f )
 τ•,i′ 
cGi′ / F ′ (i′ )
Gi −1 Gi −1
d’où ti′ ◦ Gf = ϑF ′ (i′ ) (τ•,i′ ◦ cGf ) = ϑF ′ (i′ ) (F (f ) ◦ τ•,i ) = L(f ) ◦ ti . Autrement

dit, le système (ti | i ∈ Ob(I)) est une transformation naturelle t : G → L telle que

j ◦ t = τj pour tout j ∈ Ob(J), d’où l’assertion.
εF
En dernier lieu, par ce qui précède on voit déjà que le foncteur c′I admet un
adjoint à droite Lim′′J : Fun(I × J, C ) → Fun(I, C ) tel que :
— Lim′′J (F ) = LimJ ◦F ′ pour tout foncteur F : I × J → C
— pour toute transformation naturelle ω : F → G entre foncteurs F, G : I ×J →
C , la transformation Lim′′J (ω) : Lim′′J (F ) → Lim′′J (G) est caractérisée par les
′ ′′ F′
identités : εGj ◦ LimJ (ω) = ωj ◦ εj pour tout j ∈ Ob(J).
′′

D’autre part, on a (LimJ ∗ω ′ )i = LimJ (ωi′ ) et ωj,i ′′ ′


= ωi,j pour tout i ∈ Ob(I) et
tout j ∈ Ob(J), donc pour conclure il suffit de remarquer les identités évidentes :
′ ′
εjG i ◦ LimJ (ωi′ ) = ωi,j

◦ εjF i pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J). 
Remarque 3.34. Soient I, J et C trois catégories ; pour tout i ∈ Ob(I) on a un
foncteur d’évaluation
evi : Fun(I, C ) → C F 7→ F i (ψ : F → G) 7→ (ψi : F i → Gi)
et avec une simple inspection on constate que la preuve du lemme 3.33(ii) montre
aussi le résultat suivant : si C est J-complète, chaque foncteur evi commute avec
la limite de tout foncteur J → Fun(I, C ). Autrement dit, les limites de la catégorie
Fun(I, C ) se calculent terme à terme.
Soient maintenant I, J, C trois catégories, et supposons que C soit I-complète
et J-complète, de telle façon que l’on a des foncteurs bien définis
Lim : Fun(I, C ) → C Lim : Fun(J, C ) → C .
I J
De plus, grâce au lemme 3.33(ii), aussi Fun(I, C ) et Fun(J, C ) sont respectivement
J-complète et I-complète, donc les foncteurs limites correspondantes
Lim ′ : Fun(I × J, C ) → Fun(J, C ) Lim ′′ : Fun(I × J, C ) → Fun(I, C )
I J
94 â Gémeaux

son bien définis à leurs tours. On peut ainsi énoncer :


Proposition 3.35. Dans la situation ci-dessus, on a :
(i) la catégorie C est aussi (I × J)-complète, et on a des isomorphismes de
foncteurs :
∼ ∼
Lim ◦ Lim ′′ ← Lim → Lim ◦ Lim ′ .
I J I×J J I
(ii) En particulier, pour tout F : I × J → C on a des isomorphismes naturels
 ∼ ∼ 
lim lim F ′′ ← lim F → lim lim F ′ .
I J I×J J I

Démonstration. Evidemment, (ii) suit aussitôt de (i). Or, LimI et LimJ sont adjoints
à droite des foncteurs constants cI : C → Fun(I, C ) et cJ : C → Fun(J, C ), et de
même Lim′I et Lim′′J sont adjoints à droite des foncteurs constants
c′I : Fun(J, C ) → Fun(I × J, C ) et c′′J : Fun(I, C ) → Fun(I × J, C ).
De plus, c′ I ◦ cJ = cI×J = c′′J ◦ cI , où cI×J : C → Fun(I × J, C ) dénote aussi le
foncteur constant. L’assertion suit maintenant des exercices 2.17(i) et 2.21, et de la
remarque 3.32(ii). 
Remarque 3.36. (i) Dualement, si C est un catégorie I-cocomplète, le foncteur
constant cI : C → Fun(I, C ) admet un adjoint à gauche
Colim : Fun(I, C ) → C .
I
Compte tenu de l’isomorphisme naturel

Fun(I op , C op ) → Fun(I, C )op (F : I op → C op ) 7→ (F op : I → C )
(qui associe à toute transformation naturelle ω : F → G la transformation opposée
ω op : Gop → F op ; voir la remarque 1.47(iv)), on peut le définir en posant
op
Colim := Limop
.
I I
(ii) En particulier, l’objet ColimI F représente la colimite de tout F : I → C .
De plus, si C est J-cocomplète, on voit de même que Fun(I, C ) est J-cocomplète,
et les foncteurs evi de la remarque 3.34 commutent aussi avec la colimite de tout
foncteur J → Fun(I, C ) ; i.e. les colimites de Fun(I, C ) se calculent terme à terme.
(iii) La proposition 3.35 se dualise elle aussi : si C est I-cocomplète et J-
cocomplète, l’on obtient des isomorphismes de permutation des colimites
∼ ∼
Colim ◦ Colim ′′ ← Colim → Colim ◦ Colim ′
I J I×J J I

avec Colim′I : Fun(I × J, C ) → Fun(J, C ) et Colim′′J


: Fun(I × J, C ) → Fun(I, C )
définis analoguement aux foncteurs limites correspondantes ci-dessus : les détails
sont laissés au lecteur.
(iv) D’autre part, en général les limites ne commutent pas avec les colimites ;
toutefois, on a les résultats suivants :
Problème 3.37. (i) Avec la notation ci-dessus, soient η • l’unité d’une adjonction
choisie pour le couple (ColimJ , cJ ) et ε• la counité d’une adjonction pour (cI , LimI ) ;
soient de même η̃ • l’unité d’une adjonction pour (Colim′′J , c′′J ) et ε̃• la counité d’une
adjonction pour (cI , Lim′I ). Exhiber une transformation naturelle :
τ : Colim ◦ Lim ′ → Lim ◦ Colim ′′
J I I J
caractérisée, pour tout F : I × J → C , par les identités :
Colim′′
J F Lim ′I F F
εi ◦ τF ◦ ηj = η̃ji ◦ ε̃F
ij ∀(i, j) ∈ Ob(I × J).
(ii) Prenons pour C une des catégories Ens, A − Mod ou A − Alg (avec A un
anneau quelconque), et supposons vérifiées les deux conditions suivantes :
§ 3.4: Faisceaux 95

— I est une catégorie finie


— J est une catégorie de la forme CE , associée à un ensemble partiellement
ordonné filtré (E, ≤) suivant l’exemple 1.35(vii).
Montrer que dans ce cas la transformation naturelle de (i) est un isomorphisme.
Exercice 3.38. (i) Soit C une catégorie finiement complète, f : Y → X un
morphisme de C , et on considère le produit fibré Y ×X Y := Y ×(f,f ) Y avec son
p1 p2
cône universel Y ←− Y ×X Y −→ Y (voir l’exemple 3.4(i)) ; le morphisme diagonal
∆Y /X : Y → Y ×X Y
est l’unique morphisme de C tel que pi ◦ ∆Y /X = IdY pour i = 1, 2. Montrer que
f est un monomorphisme si et seulement si ∆Y /X est un isomorphisme.
(ii) Soit C comme dans (i), f : Y → X un monomorphisme de C , et F : C → C ′
un foncteur exact à gauche. Montrer que F f est un monomorphisme de C ′ .
(iii) Soit C une catégorie finiement cocomplète, et f : X → Y , g : X →
Z deux morphismes de C ; la somme amalgamée de f et g est le produit fibré
Y op ×(f op ,gop ) Z op de C op , qui sera noté Y ∐(f,g) Z, ou simplement Y ∐X Z si cela
ne donne pas lieu à des ambiguités. Donc, un co-cône universel pour cette colimite
iY i
est la donnée de morphismes Y −→ Y ∐X Z ←Z− Z vérifiant la condition suivante.
Pour tout T ∈ Ob(C ) et tout couple de morphismes h : Y → T , k : Z → T de C
avec h ◦ f = k ◦ g, il existe un morphisme unique t : Y ∐X Z → T tel que t ◦ iY = h
et t ◦ iZ = k. En particulier, il existe un unique morphisme codiagonal
∇X/Y : Y ∐(f,f ) Y → Y tel que ∇X/Y ◦ ij = IdY ∀j = 1, 2
où (ij : Y → Y ∐(f,f ) Y | j = 1, 2) dénote le co-cône universel. Montrer que f est
un épimorphisme si et seulement si ∇X/Y est un isomorphisme de C .
(iv) Soit C une catégorie finiement complète (resp. finiement cocomplète), I
une autre catégorie, F, G : I → C deux foncteurs et β : F → G une transfor-
mation naturelle. Montrer que β est un monomorphisme (resp. un épimorphisme)
de Fun(I, C ) si et seulement si βi : F i → Gi est un monomorphisme (resp. un
épimorphisme) de C pour tout i ∈ Ob(C ).
3.4. Faisceaux. Soit (T, T ) un espace topologique ; à toute partie ouverte U ⊂ T
on a associé l’anneau C (U ) des fonctions à valeurs réelles sur U (voir la section 1.2),
et toute inclusion U ′ ⊂ U de parties ouvertes induit une application de restriction
ρUU ′ : C (U ) → C (U ′ ) s 7→ sU ′ .
Evidemment l’on a ρUU ′′ = ρU ′ U ′′ ◦ρUU ′ si U ⊂ U est une troisième partie ouverte,
′′ ′

et ρUU = IdC (U) pour toute partie ouverte U . L’on reconnaît ici les identités
définissant un foncteur sur une catégorie naturellement associée à l’espace T : en
effet, munissons la topologie T de l’ordre partiel défini par l’inclusion, i.e. tel que
U ′ ≤ U si et seulement si U ′ ⊂ U ; à cet ensemble partiellement ordonné (T , ≤) on
associe comme dans l’exemple 1.35(vii) une catégorie que l’on notera :
Ouv(T ).
Donc, Ob(Ouv(T )) = T , et pour U, U ′ ∈ T , l’ensemble HomOuv(T ) (U ′ , U ) est vide
si U ′ 6⊂ U , alors que si U ′ ⊂ U , l’inclusion U ′ → U est l’unique morphisme de U ′
vers U dans la catégorie Ouv(T ). Avec cette notation, les associations : U 7→ C (U )
pour tout U ∈ T , et (U, U ′ ) 7→ ρUU ′ pour U ′ ⊂ U fournissent un foncteur de
Ouv(T )op vers la catégorie des R-algèbres.
Considérons
S ensuite une famille arbitraire U ⊂ T de parties ouvertes de T , et
soit U := V ∈U V ; soit aussi s• := (sV | V ∈ U ) une famille avec sV ∈ C (V ) pour
tout V ∈ U , et vérifiant la condition de recollement :

(∗) (sV )V ∩V ′ = (sV )V ∩V ′ ∀V, V ′ ∈ U .
96 â Gémeaux

On peut associer à s• une suite cohérente au sens de l’exemple 3.3(ii) : pour cela,
munissons l’ensemble
U ×T U := {V ∩ V ′ | V, V ′ ∈ U }
de l’ordre partiel défini par l’inclusion, de telle façon que (U ×T U , ≤) est un sous-
ensemble partiellement ordonné de (T , ≤) ; noter que U ⊂ U ×T U . Pour tout

V, V ′ ∈ U posons sV ∩V := (sV )V ∩V ′ . Remarquons que cette définition ne dépend
que de la famille s• et de l’intersection Q := V ∩ V ′ : en effet, si Q = W ∩ W ′ pour
un autre couple W, W ′ d’élements de U , l’on a Q ⊂ V ∩ W , et avec (∗) l’on déduit :
(sV )Q = ((sV )V ∩W )Q = ((sW )V ∩W )Q = (sW )Q .

De même, si Q, Q′ ∈ U ×T U et Q′ ⊂ Q, l’on vérifie aisément que (sQ )Q′ = sQ .
Ainsi la famille C (U ×T U ) := (C (Q) | Q ∈ U ×T U ) est un système de R-algèbres
indexé par (U ×T U , ≤)op , dont les morphismes de transition sont les applications
de restriction ρQQ′ pour tout Q′ ⊂ Q, et la famille de sections s• induit une suite
cohérente (sQ | Q ∈ U ×T U ) d’éléments du système C (U ×T U ).
De l’autre côté, d’après l’exercice 1.10 il existe une unique fonction continue
s : U → R dont la restriction coïncide avec sQ pour tout Q ∈ U ×T U ; on dit que
s est obtenue par recollement de la famille s• . En résumant : toute suite cohérente
d’éléments du système C (U ×T U ) se recolle en une unique fonction continue sur U ;
cela revient à dire que le cône (ρU,Q : C (U ) → C (Q) | Q ∈ U ×T U ) est universel ;
en particulier les restrictions ρU,Q induisent un isomorphisme de R-algèbres

C (U ) → lim
←−
C (Q).
Q∈(U ×T U )op

Définition 3.39. Soit (T, T ) un espace topologique, et U ⊂ T une partie ouverte.


(i) Un prefaisceau (d’ensembles) sur T est un foncteur :
Ouv(T )op → Ens.
De même, un prefaisceau d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-modules, pour un
anneau A arbitraire) est un foncteur contravariant de Ouv(T ) dans la catégorie des
anneaux (resp. dans la catégories des groupes, resp. dans la catégorie A − Mod).
(ii) Pour tout prefaisceau F sur T , les éléments de F (U ) sont appelés les
sections de F au dessus de U , ou brièvement les U -sections de F . Pour toute
inclusion i : U ′ → U de parties ouvertes de T , l’application F (i) : F (U ) → F (U ′ )
est aussi appelée la restriction à U ′ des U -sections de F , et on utilise aussi la
notation s 7→ sU ′ pour l’action de cette application sur les sections s ∈ F (U ). On
appelle F (T ) l’ensemble des sections globales de F . S
(iii) Un recouvrement de U est une partie U ⊂ T telle que V ∈U V = U . On
dit que le prefaisceau F est séparé si pour tout U ∈ T et tout recouvrement U
de U , les restrictions induisent une application injective :
Y
F (U ) → F (V ) s 7→ (sV | V ∈ U ).
V ∈U

(iv) Un faisceau sur T est un prefaisceau F sur T tel que pour tout U ∈ T et
tout recouvrement U de U , le cône induit par les restrictions (F (U ) → F (Q) | Q ∈
U ×T U ) est universel. En particulier, noter que tout faisceau est un prefaisceau
séparé. De même, un faisceau d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-modules) sur
T est un prefaisceau d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-modules) sur T dont
le prefaisceau d’ensembles sous-jacent est un faisceau.
(v) Soient F et G deux prefaisceaux sur T ; un morphisme de prefaisceaux
α : F → G est une transformation naturelle de foncteurs, i.e. la donnée, pour
toute partie ouverte U ⊂ T d’une application αU : F (U ) → G (U ), telle que
(αU (s))U ′ = αU ′ (sU ′ ) pour tout s ∈ F (U ) et toute inclusion de parties ouvertes
§ 3.4: Faisceaux 97

U ′ ⊂ U . Si F et G sont des prefaisceaux d’anneaux (resp. de groupes, resp. de


A-modules), on dira que α est un morphisme de prefaisceaux d’anneaux (resp. de
groupes, resp. de A-modules), si αU est un homomorphisme d’anneaux (resp. de
groupes, resp. de A-modules) pour tout U ∈ T . Les prefaisceaux sur T avec leur
morphismes forment évidemment une catégorie que l’on notera :
Tb := Fun(Ouv(T )op , Ens).
L’on dénotera aussi par Te la sous-catégorie pleine de Tb dont les objets sont les
faisceaux sur T . On a un foncteur des sections globales :
φ φT
Γ : Tb → Ens F 7→ F (T ) → F ′ ) 7→ (F (T ) −−→ F ′ (T ))
(F −
dont la restriction à la sous-catégorie des faisceaux sera aussi notée Γ : Te → Ens.
Remarque 3.40. (i) Soit (T, T ) un espace topologique ; le foncteur
C : Ouv(T )op → R − Alg U 7→ C (U )
est donc un faisceau de R-algèbres sur T .
(ii) Soit U un recouvrement d’une partie ouverte U de T ; remarquons que
U représente dans la catégorie Ouv(T ) la limite directe du système partiellement
ordonné (U ×T U , ≤) : en effet, pour tout partie ouverte V de T , l’existence (et
unicité) d’un co-cône (Q → V | Q ∈ U ×T U ) équivaut à dire que Q ⊂ V pour
tout Q ∈ U ×T U , i.e. que U ⊂ V , et à son tour cela équivaut à l’existence (et
unicité) d’un morphisme U → V de Ouv(T ). Dans la catégorie opposé, l’on obtient
alors un cône universel (U op → Qop | Q ∈ U ×T U ) représentant la limite inverse
du foncteur d’inclusion de catégories
iop
U : (U ×T U )
op
→ Ouv(T )op .
On conclut que les fasceaux sur T sont précisément les prefaisceaux qui commutent
avec la limite des foncteurs d’inclusion iopU , pour toute famille U ⊂ T .
(iii) La partie vide ∅ de T est ouverte, et admet le recouvrement vide U∅ :=
∅. Si F est un prefaisceau sur T avec F (∅) = ∅, l’on doit avoir F (U ) = ∅
pour tout UQ ∈ T , car sinon on n’aurait aucune restriction F (U ) → F (∅). Noter
que X := V ∈U∅ F (V ) est un objet final de Ens, i.e. un ensemble avec un seul
élément (remarque 3.8(ii,iv)) ; si F est séparé, les restrictions induisent une injection
F (∅) → X, donc F (∅) a au plus un élément. Si F est un faisceau, cette même
injection doit être une bijection, donc F (∅) est un ensemble de cardinalité un.
(iv) Soit T = {t} un espace topologique avec un seul élément, de telle façon que
T = {∅, T }. Compte tenu de (iii), l’on voit aisément que tout faisceau F sur {t} est
déterminé à isomorphisme unique près par la donnée de F ({t}), et réciproquement,
pour tout ensemble E il existe un faisceau FE avec FE ({t}) = E. Plus précisément,
le foncteur des sections globales est une équivalence de catégories :
f → ∼
{t} Ens.
3.4.1. Cribles. Soit (T, T ) un espace topologique et U ∈ T . On dit qu’une partie
U ⊂ T est un crible de T couvrant U , si U est un recouvrement de U et la
condition suivante est vérifiée. Pour tout V ∈ U et toute partie ouverte V ′ ⊂ V ,
l’on a V ′ ∈ U . Noter que U ×T U = U pour tout crible U de T . On pose :
FU := lim
←−
F (V )
V ∈U op

pour tout crible U de T et tout prefaisceau F sur T . Ici on choisit pour FU le


représentant canonique explicité par l’exemple 3.3(ii) : donc tout s• ∈ FU est une
98 â Gémeaux


suite cohérente (sV | V ∈ U ) avec sV ∈ F (V ) pour tout V ∈ U , et (sV )V ′ = sV
pour tout couple de parties ouvertes V ′ ⊂ V dans U . Notons aussi par
Crib(U )
l’ensemble des cribles de T couvrant U , muni de l’ordre partiel induit par l’inclusion
de cribles. Noter que si U et U ′ sont deux cribles couvrant U , il en est de même
pour U ∩ U ′ , donc Crib(U ) est un ensemble cofiltré. Si U ′ ⊂ U sont deux cribles
de T , l’inclusion U ′ → U est un morphisme d’ensembles partiellement ordonnés,
induisant – d’après la remarque 3.10(ii) – une application naturelle
FU ,U ′ : FU → FU ′ (sQ | Q ∈ U ) 7→ (sQ | Q ∈ U ′ )
et évidemment FU ′ ,U ′′ ◦ FU ,U ′ = FU ,U ′′ si U ′′ ⊂ U ′ est un troisième crible.
L’on obtient ainsi pour toute partie ouverte U de T et tout prefaisceau F sur T un
système filtré bien défini (FU | U ∈ Crib(U )op ) dont les morphismes de transition
sont les applications FU ,U ′ , et on pose :
F + (U ) := lim
−→
FU .
U ∈Crib(U)op

Encore, on choisit pour F + (U ) le représentant canonique de la limite directe fourni


par l’exercice 3.12 : donc tout élément de F + (U ) est la classe d’équivalence [s• , U ]
d’un couple (s• , U ) avec U ∈ Crib(U ) et s• ∈ FU . Si i : U ′ → U est l’inclusion
d’une autre partie ouverte et U est un crible couvrant U , la partie
U ∧ U ′ := {V ∈ U | V ⊂ U ′ }
est évidemment un crible couvrant U ′ . L’on obtient donc un morphisme d’ensembles
partiellement ordonnés Crib(U ) → Crib(U ′ ) : U 7→ U ∧ U ′ , ainsi qu’un système
d’applications (FU ,U ∧U ′ : FU → FU ∧U ′ | U ∈ Crib(U )) qui est évidemment
compatible aux inclusions de cribles couvrant U . D’après la remarque 3.10(i), ces
données déterminent une application bien définie :
F + (i) : F + (U ) → F + (U ′ ) [s• , U ] 7→ [FU ,U ∧U ′ (s• ), U ∧ U ′ ].
Evidemment, si i′ : U ′′ → U ′ est une autre inclusion de parties ouvertes, l’on a
F + (i′ ) ◦ F + (i) = F + (i ◦ i′ ), donc les associations U 7→ F + (U ) et i 7→ F + (i)
définissent un prefaisceau F + . De plus, si φ : F → G est un morphisme de prefais-
ceaux, la remarque 3.10(ii) nous donne pour tout crible U de T une application
φU : FU → GU (sQ | Q ∈ U ) 7→ (φQ (sQ ) | Q ∈ U )
et si U ′ ⊂ U est un deuxième crible, l’on a évidemment φU ′ ◦FU ,U ′ = GU ,U ′ ◦φU .
D’après la remarque 3.10(i), l’on déduit une application naturelle
φ+ + +
U : F (U ) → G (U ) [s• , U ] 7→ [φU (s• ), U ]
et l’on voit aisément que l’association : U 7→ φ+U pour tout U ∈ T définit un
morphisme de prefaisceaux φ+ : F + → G + . En dernier lieu, à toute partie ouverte
U de T et toute U -section s de F l’on peut associer la suite cohérente s∗• :=
(sQ | Q ∈ T ∧ U ) ∈ FT ∧U , d’où une application
jF ,U : F (U ) → F + (U ) s 7→ [s∗• , T ∧ U ]
(noter que T ∧ U est l’ensemble de toutes les parties ouvertes de T contenues dans
U ). Il est clair que l’association U 7→ jF ,U pour tout U ∈ T définit un morphisme
de prefaisceaux jF : F → F + . Cela posé, on a :
Problème 3.41. Montrer les assertions suivantes :
(i) Pour tout prefaisceau F , le prefaisceau F + est séparé.
(ii) Si F est un prefaisceau séparé, F + est un faisceau.
§ 3.4: Faisceaux 99

(iii) Les associations :


F 7→ F a := (F + )+ (φ : F → G ) 7→ φa := (φ+ )+ : F a → G a
définissent un foncteur (−)a : Tb → Te adjoint à gauche de l’inclusion de catégories
iT : Te → Tb. Pour tout prefaisceau F on appelle F a le faisceau associé à F .
(iv) L’association : F 7→ uF := jF + ◦jF pour tout F ∈ Ob(Tb) est l’unité d’une
adjonction pour le couple de foncteurs ((−)a , iT ), et le foncteur (−)a est exact.
(v) Les catégories Tb et Te sont complètes et cocomplètes.
Remarque 3.42. Pour tout espace topologique T notons par
ZTb − Alg et ZTe − Alg
les catégories des prefaisceaux d’anneaux et respectivement des faisceaux d’anneaux
sur T . Soit aussi F un prefaisceau d’anneaux sur T , et notons par F0 le prefaisceau
d’ensembles obtenu en oubliant la loi d’anneau sur les sections de F . L’on voit
aisément que le prefaisceau F0+ hérite de F une structure naturelle de prefaisceau
d’anneaux ; il en est alors de même pour F0a , et ce dernier est ainsi un faisceau
d’anneaux que l’on notera F a . De même, si φ : F → G est un morphisme de
prefaisceaux d’anneaux, φa : F a → G a est un morphisme de faisceaux d’anneaux.
Au vu de l’exemple 3.26 l’on déduit que l’association F 7→ F a définit un adjoint à
gauche de l’inclusion ZTe − Alg → ZTb − Alg. De même l’on obtient des adjonctions
pour les catégories des prefaisceaux et faisceaux de groupes, respectivement de A-
modules, pour tout anneau A : les détails seront confiés aux soins du lecteur.
3.4.2. Images directes et inverses de prefaisceaux. Toute application continue f :
T → S d’espaces topologiques induit un foncteur évident :
Ouv(f ) : Ouv(S) → Ouv(T ) U 7→ f −1 U.
Pour tout prefaisceau F sur T ; on notera :
f∗ F := F ◦ Ouv(f )op .
Il s’agit donc du prefaisceau sur S tel que (f∗ F )(U ) := F (f −1 U ) pour toute
partie ouverte U ⊂ S ; si U ′ ⊂ U est une autre partie ouverte, la restriction des
(f −1 U )-sections F (f −1 U ) → F (f −1 U ′ ) définit évidemment la restriction à U ′ de
U -sections de f∗ F . On appelle f∗ F l’image directe de F suivant l’application f .
L’on voit aussitôt que si F est un faisceau sur T , alors f∗ F est un faisceau sur
S : la vérification détaillée sera laissée aux soins du lecteur. Il est aussi clair que
si F est un prefaisceau ou un faisceau d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-
modules pour un anneau A quelconque), il en est de même pour f∗ F . De plus, tout
morphisme de prefaisceaux φ : F → F ′ induit un morphisme f∗ φ : f∗ F → f∗ F ′ ;
à savoir, l’on pose (f∗ φ)U := φf −1 U : (f∗ F )(U ) → (f∗ F ′ )(U ) pour toute partie
ouverte U ⊂ S. L’association : F 7→ f∗ F définit donc deux foncteurs
fb∗ : Tb → Sb fe∗ : Te → Se
ainsi que des variantes respectives pour les catégories des prefaisceaux d’anneaux,
de groupes et de modules. Tous ces foncteurs admettent des adjoints à gauche, que
l’on va expliciter. D’abord, pour toute partie ouverte V ⊂ T notons par U(f, V )
l’ensemble des parties ouvertes U ⊂ S telles que f V ⊂ U ; il s’agit d’un ensemble
cofiltré pour l’ordre partiel défini par l’inclusion de parties ouvertes. On pose
(f −1 G )(V ) := lim G (U ) ∀G ∈ Ob(S)b
−→
U∈U(f,V )op

et à nouveau, l’on choisit pour cette colimite le représentant canonique de l’exercice


3.12. Si i : V ′ → V est une inclusion de parties ouvertes, l’inclusion U(f, V ′ ) ⊂
U(f, V ) induit une application naturelle (f −1 G )(i) : (f −1 G )(V ) → (f −1 G )(V ′ )
100 â Gémeaux

comme dans la remarque 3.10(i) : explicitement, tout élément de (f −1 G )(V ) est


la classe d’équivalence [s, U ] d’un couple (s, U ) avec U ∈ U(f, V ) et s ∈ G (U ),
et (f −1 G )(i)([s, U ]) est la classe d’équivalence dans (f −1 G )(V ′ ) du même couple
(s, U ). Il est alors clair que les associations V 7→ (f −1 G )(V ) et i 7→ (f −1 G )(i)
définissent un prefaisceau f −1 G sur T , qu’on appelle l’image inverse de G suivant
f . De plus, tout morphisme φ : G → G ′ de prefaisceaux sur S induit, d’après la
remarque 3.10(i), une application
(f −1 φ)(V ) : (f −1 G )(V ) → (f −1 G ′ )(V ) [s, U ] 7→ [φU (s), U ]
et l’on voit aussitôt que l’association : V 7→ (f −1 φ)(V ) pour toute partie ouverte
V ⊂ S, est un morphisme de prefaisceaux f −1 φ : f −1 G → f −1 G ′ .
• L’on a ainsi obtenu un foncteur bien défini
fb−1 : Sb → Tb.
Vérifions que fb−1 est adjoint à gauche de fb. Pour cela, on considère un morphisme
φ : G → f∗ F de prefaisceaux sur S, et on lui associe le morphisme φ′ : f −1 G → F
défini comme suit. Pour toute partie ouverte V ⊂ T , le système d’applications :
φU
cφ,U : G (U ) −−→ F (f −1 U ) → F (V ) ∀U ∈ U(f, V )
définit un co-cône cφ,• : U(f, V ) → Ens de sommet F (V ) ; il existe alors une
op

application unique φ′V : (f −1 G )(V ) → F (V ) telle que φ′V ◦ cV,U = cφ,U pour tout
U ∈ U(f, V ), où (cV,U : G (U ) → (f −1 G )(V ) | U ∈ U(f, V )) est le co-cône universel
canonique, tel que cV,U (s) = [s, U ] pour tout U ∈ U(f, V ) et tout s ∈ G (U ).
Explicitement, il vient φ′V ([s, U ]) = (φU (s))V pour tout [s, U ] ∈ (f −1 G )(V ). L’on
voit aussitôt que l’association : V 7→ φ′V pour toute partie ouverte V ⊂ T , définit un
morphisme de prefaisceaux φ′ : f −1 G → F . Réciproquement, soit ψ : f −1 G → F
un morphisme de prefaisceaux ; pour toute partie ouverte U ⊂ S l’on pose

ψU := ψf −1 U ◦ cf −1 U,U : G (U ) → (f −1 G )(f −1 U ) → F (f −1 U ) = (f∗ F )(U )

i.e. ψU (s) = ψf −1 U ([s, U ]) pour tout s ∈ G (U ). L’on voit aussitôt que l’association :
U 7→ ψU ′
définit un morphisme de prefaisceaux ψ ′ : G → f∗ F . Avec ces notations,
l’on vérifie aisément que (φ′ )′ = φ et (ψ ′ )′ = ψ pour tout φ et ψ comme ci-dessus ;
l’on a ainsi un système de bijections

HomSb(G , f∗ F ) → HomTb (f −1 G , F ) φ 7→ φ′ .
On vérifie aisément que ce système de bijections est naturel par rapport aux mor-
phismes G ′ → G de Sb et F → F ′ de Tb, i.e. il est une adjonction pour le couple
(fb−1 , fb∗ ) : les détails seront laissés aux soins du lecteur.
• L’on déduit aisément que le foncteur
fe−1 : Se → Te G 7→ (f −1 G )a
(i.e. la composition de l’inclusion iS : Se → Sb avec fb : Sb → Tb et (−)a : Tb → Te)
est adjoint à gauche de fe∗ : Te → Se : plus précisément, le couple (fe−1 , fe∗ ) admet
une adjonction canonique, qui associe à tout morphisme φ : G → f∗ F de faisceaux
e−1 G → F (où uF : F → ∼
sur S le morphisme u−1 ′ a
F ◦ (φ ) : f (iT F )a est l’unité de
l’adjonction pour le couple ((−) , iT ) fournie par le problème 3.41(iv), et φ 7→ φ′
a

est l’adjonction pour le couple (fb−1 , fb∗ ) exhibée ci-dessus).


• En dernier lieu, soit G un prefaisceau d’anneaux sur S, et notons par G0 le
prefaisceau d’ensembles obtenu après oubli de la loi d’anneau sur les sections de
G ; l’on voit aisément que f −1 G0 hérite de G une structure naturelle de prefaisceau
d’anneaux, que l’on notera f −1 G . Compte tenu de la remarque 3.42, si G est un
faisceau d’anneaux, l’on a de même sur fe−1 G0 une structure naturelle de faisceau
d’anneaux, que l’on désignera par fe−1 G . De plus, pour tout morphisme φ : G ′ →
§ 3.4: Faisceaux 101

G de prefaisceaux (resp. de faisceaux) d’anneaux, l’on voit aussitôt que fb−1 φ :


fb−1 G ′ → fb−1 G (resp. fe−1 φ : fe−1 G ′ → fe−1 G ) est un morphisme de prefaisceaux
(resp. de faisceaux) d’anneaux. On obtient ainsi deux foncteurs
fb−1 : ZSb − Alg → ZTb − Alg fe−1 : ZSe − Alg → ZTe − Alg
et au vu de l’exemple 3.26 l’on déduit que ces foncteurs sont adjoints à gauche
des respectifs foncteurs d’image directe fb∗ et fe∗ . On a de même des variantes de
ces adjonctions pour les catégories des prefaisceaux ou faisceaux de groupes et de
modules, que le lecteur industrieux n’omettra pas d’expliciter.
Exemple 3.43. Soit T un espace topologique, j : U → T l’inclusion d’une partie
ouverte de T , et G ∈ Ob(Tb). Noter que toute partie ouverte V ⊂ U est l’unique
élément minimal de l’ensemble partiellement ordonné U(j, V ) ; il s’ensuit que l’ap-
plication naturelle cV,V : G (V ) → (j −1 G )(V ) est bijective (exercice 3.18(iii)), et
évidemment cette bijection identifie la restriction (j −1 G )(V ) → (j −1 G )(V ′ ) avec la
restriction G (V ) → G (V ′ ), pour toute inclusion V ′ ⊂ V de parties ouvertes de U .
Autrement dit, l’on a un isomorphisme naturel de j −1 G avec la restriction G|U de
G à U , i.e. la restriction de G à la sous-catégorie pleine Ouv(U )op ⊂ Ouv(T )op .
Exercice 3.44. Soient T et S deux espaces topologiques, f : T → S une application
continue. Montrer que les foncteurs fb−1 : Sb → Tb et fe−1 : Se → Te sont exacts.
f g
Remarque 3.45. Soient T − → T′ − → T ′′ deux applications continues entre trois
espaces topologiques. Par inspection directe des définitions l’on voit que
\
(g ◦ f )∗ = gb∗ ◦ fb∗ et ^
(g ◦ f )∗ = ge∗ ◦ fe∗ .
Au vu des exercices 2.17(i) et 2.21, l’on déduit des isomorphismes de foncteurs :
∼ \ −1 ∼ ^ −1
bf,g : fb−1 ◦ gb−1 → (g
γ ◦ f) et ef,g : fe−1 ◦ e
γ g −1 → (g ◦ f) .
On obtient plus explicitement tels isomorphismes comme suit. Soit F un prefaisceau
sur T ′′ , et U ⊂ T une partie ouverte ; rappelons que (g ◦ f )−1 F (U ) est l’ensemble
des classes d’équivalence – qu’on notéra ici [s, W ]g◦f – des couples (s, W ) avec W ∈
U(g ◦ f, U ) et s ∈ F (W ). De même, f −1 g −1 F (U ) consiste des classes d’équivalence
[σ, V ]f des couples (σ, V ) avec V ∈ U(f, U ) et σ ∈ g −1 F (V ) ; la section σ est à
son tour la classe d’équivalence σ = [t, W ]g d’un couple (t, W ) avec W ∈ U(g, V ) et
t ∈ F (W ). Pour V ∈ U(f, U ) fixé, l’inclusion d’ensembles partiellement ordonnés
U(g, V ) ⊂ U(g ◦ f, U ) induit, d’après la remarque 3.10(i), une application
V
γF : g −1 F (V ) → (g ◦ f )−1 F (U ) [t, W ]g 7→ [t, W ]g◦f .
Evidemment, pour toute inclusion V ′ ⊂ V de parties V, V ′ ∈ U(f, U ) on a :

V V
γF (σ) = γF (σV ′ ) ∀σ ∈ g −1 F (V ).
Autrement dit, le système d’applications (γFV
| V ∈ U(f, U )) est un co-cône de
sommet (g ◦ f ) F (U ), induisant une application bien définie
−1

γF ,U : f −1 g −1 F (U ) → (g ◦ f )−1 F (U ) [[t, W ]g , V ]f 7→ [t, W ]g◦f .


L’on voit aussitôt que l’association : U 7→ γF ,U pour toute partie ouverte U ⊂ T ,
définit un morphisme de prefaisceaux γF : f −1 g −1 F → (g ◦ f )−1 F , et l’asso-
ciation : F 7→ γF pour tout F ∈ Ob(Tb′′ ), définit une transformation naturelle
bf,g : fb−1 ◦b
γ g−1 → (g \ ◦ f )−1 . Il est aussi clair que γF ,U est une application surjective,
pour toute telle U ; pour conclure, il ne reste qu’à vérifier l’injectivité de γF ,U . Soient
ainsi [σ, V ]f , [σ ′ , V ′ ]f ∈ f −1 g −1 F (U ) tels que γF ,U ([σ, V ]f ) = γF ,U ([σ ′ , V ′ ]f ) ; on
a [σ, V ]f = [σV ∩V ′ , V ∩ V ′ ]f et de même pour [σ ′ , V ′ ], donc quitte à remplacer
V et V ′ par V ∩ V ′ on peut supposer que V = V ′ . Disons que σ = [t, W ]g et
102 â Gémeaux

σ ′ = [t′ , W ′ ]g ; par hypothèse il vient [t, W ]g◦f = [t′ , W ′ ]g◦f , et cela veut dire qu’il
existe W ′′ ∈ U(g ◦ f, U ) avec W ′′ ⊂ W ∩ W ′ et tel que tW ′′ = t′W ′′ ; l’on déduit :
[σ, V ]f = [[tW ′′ , W ′′ ]g , V ∩ g −1 W ′′ ]f = [[t′W ′′ , W ′′ ]g , V ∩ g −1 W ′′ ]f = [σ ′ , V ]f
d’où l’assertion. Avec γ
bf,g l’on peut ensuite construire γ
ef,g : voir l’exercice 3.48(ii).
3.4.3. Fibres d’un prefaisceau. Soit (T, T ) un espace topologique et t ∈ T ; la
construction de l’anneau des germes des fonctions continues autour de t (voir
l’exemple 3.13) se généralise aux prefaisceaux. Pour cela, munissons l’ensemble {∅}
de son unique topologie T∅ := {∅, {∅}}, et soit jt : {∅} → T telle que jt (∅) := t ;
évidemment jt est continue pour les topologies T∅ et T , et on peut ainsi poser
Ft := Γ(jt−1 F ) ∀F ∈ Ob(Tb)
d → Ens est le foncteur des sections globales. On appelle Ft la fibre de
où Γ : {∅}
F au point t. De même, à tout morphisme de prefaisceaux φ : F → F ′ on associe
l’application φt := Γ(j −1 φ) : Ft → Ft′ . Explicitement, ce foncteur fibre
t −1 : Tb → Ens
(−)t := Γ ◦ b
peut se décrire comme suit. Notons par Ut l’ensemble des voisinages ouverts de t
dans T , muni de l’ordre partiel défini par l’inclusion de voisinages ; on déduit un
système d’ensembles (F (U ) | U ∈ Utop ) indexé par l’ensemble filtré Utop , dont les
morphismes de transition F (U ) → F (U ′ ) sont les restrictions, pour toute inclusion
U ′ ⊂ U de voisinages de t ; par inspection directe des définitions il vient :
Ft = lim
−→
F (U )
U∈Utop

(où cette colimite est représentée par les classes d’équivalence [s, U ] des (s, U ) avec
U ∈ Ut et s ∈ F (U ), suivant l’exercice 3.12(ii)). De même, φt est l’application :
lim
−→
φU : Ft → Ft′ [s, U ] 7→ [φU (s), U ].
U∈Utop

Il est aussi clair que si F est un prefaisceau d’anneaux (resp. de groupes, resp.
de A-module, pour un anneau A), alors Ft hérite de F une structure naturelle
d’anneau (resp. de groupe, resp. de A-module) ; l’on a ainsi un foncteur fibre (−)t :
ZTb − Alg → Z − Alg, et de même pour les autres variantes respectives.
Exercice 3.46. Soit T un espace topologique ; montrer les assertions suivantes :
(i) Soient F , G deux prefaisceaux séparés sur T , et φ, ψ : F → G deux mor-
phismes de prefaisceaux tels que φt = ψt pour tout t ∈ T . Alors φ = ψ.
(ii) L’unité d’adjonction uF : F → F a du problème 3.41(iv) induit une bijection

(uF )t : Ft → Fta pour tout prefaisceau F sur T et tout t ∈ T .
Théorème 3.47. Soit (T, T ) un espace topologique. On a :
(i) Un morphisme de Tb (resp. de Te) est un isomorphisme si et seulement s’il est
à la fois un monomorphisme et un épimorphisme.
(ii) Un morphisme φ de Te est un monomorphisme (resp. un épimorphisme, resp.
un isomorphisme) si et seulement si sa fibre φt est une injection (resp. une
surjection, resp. une bijection) pour tout t ∈ T .
Démonstration. On considère d’abord un monomorphisme (resp. épimorphisme)
φ : F → F ′ de prefaisceaux. L’exercice 3.38(iv), nous dit que φU : F (U ) → F ′ (U )
est un monomorphisme (resp. épimorphisme) d’ensembles pour tout U ∈ T , i.e.
il est une injection (resp. surjection) (exercice 1.40(ii,iii)). Si φ est à la fois un
monomorphisme et un épimorphisme, φU est alors bijectif pour tout U , donc φ est
un isomorphisme.
§ 3.4: Faisceaux 103

(ii) : Soient iT : Te → Tb l’inclusion de catégories, t ∈ T et jt : {t} → T l’inclusion.


D’après l’exercice 3.46(ii), on a une bijection naturelle Γ(b t −1 F ) pour
t −1 F ) → Γ(e
tout faisceau F de T . L’on déduit un isomorphisme de foncteurs :

t −1 ◦ iT → Γ ◦ e
(−)t ◦ iT = Γ ◦ b t −1 : Te → Ens.

f → Ens est une équivalence (remarque 3.40(iv)), et e


Or, Γ : {t} f est
t −1 : Te → {t}
exact (exercice 3.44) ; on conclut que tout foncteur fibre (−)t ◦ iT : Te → Ens est
exact. En particulier, si φ est un monomorphisme (resp. un épimorphisme, resp.
un isomorphisme), il en est de même pour chaque φt , grâce à l’exercice 3.38(ii)
et son dual. Réciproquement, soit φ : F → G un morphisme de Te tel que φt est
un monomorphisme pour tout t ∈ T , et soient ψ, ψ ′ : F ′ → F deux morphismes
de faisceaux sur T tels que φ ◦ ψ = φ ◦ ψ ′ ; il vient φt ◦ ψt = φt ◦ ψt′ , d’où ψt =
ψt′ pour tout t ∈ T , donc ψ = ψ ′ (exercice 3.46(i)) ; cela montre que φ est un
monomorphisme. De même l’on montre que si chaque φt est un épimorphisme, il
en est de même pour φ. En dernier lieu, si chaque φt est un isomorphisme, φ est
un monomorphisme par ce qui précède. Rappelons que l’inclusion de catégories
iT : Te → Tb est exacte à gauche, car elle admet un adjoint à gauche (proposition
3.25(i)) ; donc iT (φ) : iT (F ) → iT (F ′ ) est un monomorphisme de prefaisceaux
(exercice 3.38(ii)), i.e. φU : F (U ) → F ′ (U ) est une injection pour tout U ∈ T .
Pour un tel U , soit σ ∈ F ′ (U ) ; par hypothèse, pour tout t ∈ U le germe en t de
la section σ est dans φt (F t ). Cela veut dire qu’il existe un voisinage ouvert Ut de
t dans U et τ (t) ∈ F (Ut ) tel que φUt (τ (t) ) = σUt ; pour tout t, t′ ∈ U on a ainsi
(t) ′
φUt ∩Ut′ (τUt ∩Ut′ ) = (φUt (τ (t) ))Ut ∩Ut′ = σUt ∩Ut′ = (φUt′ (τ (t ) ))Ut ∩Ut′
(t′ )
= φUt ∩Ut′ (τUt ∩Ut′ )

(t) (t′ )
d’où τUt ∩Ut′ = τUt ∩Ut′ , par l’injectivité de φUt ∩Ut′ . Comme F est un faisceau, il
existe alors une unique section τ ∈ F (U ) avec τUt = τ (t) pour tout t ∈ U ; il
vient φ(τ )Ut = φUt (τUt ) = σUt pour tout t ∈ U , d’où φ(τ ) = σ, car F ′ est un
faisceau. Cela achève de montrer que φU est une bijection pour tout U ∈ T , i.e.
φ est un isomorphisme. On peut maintenant compléter aussi la preuve de (i) : en
effet, si φ est un morphisme de faisceaux qui est à la fois un monomorphisme et
un épimorphisme, l’on vient de voir que φt est à la fois injective et surjective, i.e.
bijective pour tout t ∈ T , et donc φ est un isomorphisme, par ce qui précède. 

Exercice 3.48. (i) Soient S, T deux espaces topologiques, f : T → S une appli-


b une bijection naturelle :
cation continue, et t ∈ T ; exhiber pour tout G ∈ Ob(S)
t ∼
ωf,G : (f −1 G )t → Gf (t)

i.e. un isomorphisme de foncteurs ω bft : (−)t ◦ fb−1 → (−)f (t) .
(ii) Notons encore par (−)t : Te → Ens la restriction du foncteur fibre du para-
graphe 3.4.3. Avec (i) et l’exercice 3.46(ii), l’on déduit un isomorphisme de foncteurs

t
ef,G
ω : (−)t ◦ fe−1 → (−)f (t) .

Soient ensuite U un troisième espace topologique et g : S → U une deuxième


application continue ; montrer qu’il existe un isomorphisme unique de foncteurs

ef,g : fe−1 ◦ e
γ
∼^
g−1 → (g ◦ f )−1
104 â Gémeaux

e) :
qui fait commuter le diagramme suivant pour tout t ∈ T et tout H ∈ Ob(U
γ f,g
(e H )t
(fe−1 ◦ e
g−1 H )t ^
/ ((g ◦ f )−1 H )t
(†) e tf,e
ω g−1 H
e tg◦f,H
ω
 ω
f (t)
e g,H 
g −1 H )f (t)
(e / Hg◦f (t) .

3.5. Le lemme du serpent. Soit A un anneau, et I une catégorie.


• Les sections précédentes ont mis en évidence certaines propriétés structurelles
de A − Mod qui sont héritées par la catégorie Fun(I, A − Mod) ; en particulier, cette
dernière est complète et cocomplète, et son objet initial est le foncteur constant
0 := c0 : I → A − Mod de valeur le A-module trivial. Remarquons de plus que 0 est
aussi un objet final de Fun(I, A − Mod).
• Pour une catégorie C arbitraire, on appelle objet zéro de C un objet, noté par
0C ou simplement par 0, qui est à la fois initial et final dans C ; toute catégorie
n’admet pas d’objet zéro, mais si un tel objet existe, il est évidemment unique à
isomorphisme unique près. Si 0C ∈ Ob(C ) est un objet zéro, pour tout X, Y ∈
Ob(C ) il existe un morphisme unique 0XY : X → Y qui se factorise à travers 0C ,
et l’unicité à isomorphisme près de 0C entraîne aisément que 0XY est indépendant
de l’objet zéro choisi ; on appelle 0XY le morphisme zéro (ou morphisme nul ) de
X vers Y . Noter que g ◦ 0XY = 0XZ et 0XY ◦ h = 0ZY pour tout Z ∈ Ob(C ), tout
g ∈ C (Y, Z) et tout h ∈ C (Z, X) : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
• Si C est aussi finiement complète (resp. finiement cocomplète), on peut alors
définir le noyau (resp. le conoyau) de tout morphisme f : X → Y , suivant la
discussion de l’exemple 3.20(ii) : à savoir, Ker f et Coker f seront respectivement
l’équaliseur et le coéqualiseur de f et 0XY , et le cône et co-cône universels reviennent
à la donnée de morphismes ιf : Ker f → X et πf : Y → Coker f correspondant aux
sous-foncteurs de hX op et respectivement hY suivants :
C op → Ens Z op 7→ {g ∈ C (Z, X) | f ◦ g = 0ZY }
C → Ens Z 7→ {g ∈ C (Y, Z) | g ◦ f = 0XZ }.
En particulier, ιf est un monomorphisme, et πf un épimorphisme (exercice 2.14(i)).
• On a vu aussi que les limites et colimites de Fun(I, A − Mod) se calculent
terme à terme (remarques 3.34 et 3.36(ii)), donc, il en est de même pour le calcul
des noyaux et conoyaux : si F, G : I → A − Mod sont deux foncteurs, et φ : F → G
une transformation naturelle, on a
(Ker φ)(i) = Ker φi (Coker φ)(i) = Coker φi ∀i ∈ Ob(I)
et les cônes et co-cônes universels Ker φ → F et G → Coker φ sont donnés terme
à terme par les inclusions et projections canoniques ιi : Ker φi → F i et πi : Gi →
Coker φi , pour chaque i ∈ Ob(I). Il s’ensuit que pour tout morphisme f : i → j
de I, le morphisme correspondant (Ker φ)(f ) : Ker φi → Ker φj est la restriction
de F f : F i → F j ; de même, le morphisme (Coker φ)(f ) : Coker φi → Coker φj est
caractérisé par l’identité : (Coker φ)(f ) ◦ πi = πj ◦ Gf .
• Dans le même esprit, on peut essayer de fournir une construction catégorielle
de l’image d’une application A-linéaire g : M → N . Il se trouve que l’on peut
procéder de deux façons différentes : on peut poser Im g := Ker (πg : N → Coker g),
et d’autre part on peut aussi définir Im g := Coker(ιg : Ker g → M ). Dans les deux
cas, l’on voit qu’il s’agit d’une opération hybride, faisant intervenir des limites et
des colimites à la fois ; or, si C est une catégorie finiement complète et finiement
cocomplète, avec un objet zéro, on définira de même, pour tout morphisme f : X → Y
de C l’image et la coimage de f , respectivement par :
Im f := Ker (πf : Y → Coker f ) Coim f := Coker (ιf : Ker f → X).
§ 3.5: Le lemme du serpent 105

Comme πf ◦ f est le morphisme nul, il existe un morphisme unique f : X → Im f


tel que ιπf ◦ f = f ; il s’ensuit que ιπf ◦ f ◦ ιf = f ◦ ιf est le morphisme nul. Comme
ιπf est un monomorphisme, l’on déduit que f ◦ ιf est déjà nul, et donc il existe un
morphisme unique βf : Coim f → Im f tel que f s’écrit comme la composition :
πιf βf ιπf
X −−−→ Coim f −−→ Im f −−→ Y.
• Dans une catégorie C générale (satisfaisant les conditions ci-dessus), le mor-
phisme βf n’est pas toujours un isomorphisme. Mais βf est bien entendu un iso-
morphisme si C = A − Mod, pour toute application A-linéaire f . Il s’ensuit aussitôt
que βφ est de même un isomorphisme pour tout morphisme φ : F → G de la caté-
gorie Fun(I, A − Mod), car évidemment l’image et la coimage de φ, ainsi que βφ se
calculent, à leurs tours, terme à terme.
• Ces considérations s’appliquent en particulier avec I = CZ , la catégorie associée
à l’ensemble (Z, ≤) muni de son ordre standard. Elles s’appliquent aussi à la sous-
catégorie pleine C(A) de Fun(CZ , A − Mod) (notation de la remarque 2.61(vi)) ; en
effet, tout morphisme (M• , d• ) → (M•′ , d′• ) de complexes de A-modules peut se voir
comme une transformation naturelle entre foncteurs M, M ′ : CZ → A − Mod et par
inspection directe on vérifie que le noyau et le conoyau de cette dernière sont encore
des complexes de A-modules. Plus généralement, on a :
Exercice 3.49. (i) Soit C une catégorie avec objet zéro, I et J deux catégories, F :
I ×J → C un foncteur, et f : i → i′ un morphisme de I tel que (F ′′ j)(f ) : F (i, j) →
F (i′ , j) soit le morphisme nul pour tout j ∈ Ob(J) (où F ′′ : J → Fun(I, C ) est le
foncteur déduit de F : notation du lemme 3.33). Supposons de plus que la limite
de F ′′ soit représentable par un foncteur L : I → C . Montrer que Lf = 0Li,Li′ .
(ii) Déduire de (i) que C(A) est complète et cocomplète, et le foncteur d’inclusion
i : C(A) → Fun(CZ , A − Mod)
commute avec toute limite et toute colimite. Autrement dit, les limites et colimites
de C(A) se calculent aussi terme à terme. Il s’ensuit que le complexe nul en tout
degré est un objet zéro de C(A), et le morphisme canonique Coim φ• → Im φ• est
un isomorphisme, pour tout morphisme de complexes φ• .
Remarque 3.50. (i) On peut prolonger fonctoriellement les opérations Ker et Coker,
de la façon suivante. Munissons l’ensemble {0, 1} de la relation d’ordre telle que
0 < 1, et soit C{0,1} la catégorie associée à cet ensemble ordonné ; pour toute
catégorie B on définit la catégorie des morphismes de B
Morph(B) := Fun(C{0,1} , B).
Noter que la donnée d’un objet de Morph(B) est équivalente à celle d’une suite
(X0 , X1 , f ) avec X0 , X1 ∈ Ob(B) et f ∈ B(X0 , X1 ) ; de même, un morphisme h :
(X0 , X1 , f ) → (Y0 , Y1 , g) de Morph(B) est la donnée d’un diagramme commutatif
f
X0 / X1

h0 h1
 g 
Y0 / Y1 .
Supposons maintenant que B soit finiement complète avec objet zéro, et soit
aussi ∆1 la catégorie définie comme dans l’exemple 3.20(i) ; on a un foncteur
β : Morph(B) → Fun(∆1 , B) qui associe à toute suite X := (X0 , X1 , f ) comme
ci-dessus le foncteur βX : ∆1 → B tel que βX (i) := Xi pour i = 0, 1, et βX (a) := f ,
βX (b) := 0X0 X1 . Le foncteur noyau est alors la composition
β 1 Lim∆
Ker : Morph(B) −→ Fun(∆1 , B) −−−−→ B.
106 â Gémeaux

De même, si B est finiement cocomplète avec objet zéro, on a le foncteur conoyau


β 1 Colim∆
Coker : Morph(B) −→ Fun(∆1 , B) −−−−−→ B.
(ii) On voit aisément que β commute avec toute limite et colimite représentable
de Morph(B) (en vertue de l’exercice 3.49(i) et de la calculabilité terme à terme
de ces limites et colimites) ; compte tenu de la proposition 3.35 et de la remarque
3.36(iii), il s’ensuit que le foncteur Ker (resp. Coker) commute avec toute limite
(resp. colimite) représentable de Morph(B).
Exercice 3.51. Soit A un anneau. Montrer que le foncteur Ker : Morph(A−Mod) →
A − Mod commute avec toute colimite filtrée.
Proposition 3.52. (Lemme du serpent) Soit un diagramme commutatif
d1 d2
M1 / M2 / M3 /0

φ1 φ2 φ3
 d′1  d′2 
0 / M′ / M′ / M′
1 2 3

de A-modules, dont les deux lignes horizontales sont exactes. Alors, il existe une
application A-linéaire appelée application de bord
∂ : Ker φ3 → Coker φ1
qui fournit une suite exacte d’applications A-linéaires :

Ker φ1 → Ker φ2 → Ker φ3 −
→ Coker φ1 → Coker φ2 → Coker φ3 .
Démonstration. Construction de ∂ : soit x3 ∈ Ker φ3 ; comme d2 est surjective, on
a x2 ∈ M2 tel que d2 (x2 ) = x3 , et on remarque que φ2 (x2 ) ∈ Ker d′2 = Im d′1 . Soit
donc x′1 ∈ M1′ avec d′1 (x′1 ) = φ2 (x2 ), et x̄′1 ∈ Coker φ1 la classe de x′1 ; on pose
∂(x3 ) := x̄′1 .
Il faut vérifier que x̄′1 ne dépend pas des choix : donc, supposons que y2 ∈ M2 soit
un autre element avec d2 (y2 ) = x3 ; d’où, x2 − y2 ∈ Ker d2 = Im d1 , et on peut
prendre z1 ∈ M1 avec d1 (z1 ) = x2 − y2 . Soit aussi y1′ ∈ M1′ tel que d′1 (y1′ ) = φ2 (y2 ) ;
on voit que d′1 ◦ φ1 (z1 ) = φ2 (x2 − y2 ) = d′1 (x′1 − y1′ ), et comme d′1 est injective, on
déduit que φ1 (z1 ) = x′1 − y1′ , donc les classes de x′1 et y1′ coïncident dans Coker φ1 ,
comme souhaité. La A-linéairité de ∂ se vérifie aisément : si y3 ∈ Ker φ3 et a ∈ A,
et d2 (y2 ) = y3 on voit que d2 (x2 + y2 ) = x3 + y3 et d2 (ax2 ) = ax3 ; de plus,
φ2 (x2 + y2 ) = φ2 (x2 ) + φ(y2 ), φ2 (ax2 ) = a · φ2 (x2 ), d’où ∂(x2 + y2 ) = ∂(x2 ) + ∂(x3 )
et ∂(ax3 ) = a · ∂(x3 ).
Exactitude au terme Ker φ2 : soit x2 ∈ Ker φ2 tel que x2 ∈ Ker d2 = Im d1 ; on
peut donc trouver x1 ∈ M1 avec d1 (x1 ) = x2 , et on a d′1 ◦ φ1 (x1 ) = φ2 ◦ d1 (x1 ) =
φ2 (x2 ) = 0. Comme d′1 est injective, on déduit que x1 ∈ Ker φ1 , d’où l’assertion.
Exactitude au terme Ker φ3 : soit x3 ∈ Ker φ3 tel que x3 ∈ Ker ∂ ; on choisit
x2 ∈ M2 tel que d2 (x2 ) = x3 , et soit x′1 ∈ M1′ tel que d′1 (x′1 ) = φ2 (x2 ). La condition
sur x3 veut dire que x′1 ∈ Im φ1 , disons x′1 = φ1 (x1 ) avec x1 ∈ M1 . Donc, φ2 ◦
d1 (x1 ) = d′1 ◦ φ1 (x1 ) = d′1 (x′1 ) = φ2 (x2 ) ; soit maintenant y2 := x2 − d1 (x1 ) ; on
déduit que y2 ∈ Ker φ2 et d2 (y2 ) = d2 (x2 ) − d2 ◦ d1 (x1 ) = x3 , d’où l’assertion.
Exactitude au terme Coker φ1 : soit x′1 ∈ M1′ et x̄′1 ∈ Coker φ1 la classe de x′1 ; on
suppose que x̄′1 soit dans le noyau de l’application d′1 : Coker φ1 → Coker φ2 induite
par d′1 , i.e. que d′1 (x′1 ) ∈ Im φ2 . Soit donc x2 ∈ M2 tel que φ2 (x2 ) = d′1 (x′1 ), et on
pose x3 := d2 (x2 ) ; on voit aisément que x3 ∈ Ker φ3 et ∂(x3 ) = x̄′1 .
Exactitude au terme Coker φ2 : soit x′2 ∈ M2′ et x̄′2 ∈ Coker φ2 la classe de x′2 ; on
suppose que x̄′2 soit dans le noyau de l’application d′2 : Coker φ2 → Coker φ3 induite
§ 3.5: Le lemme du serpent 107

par d′2 , i.e. que d′2 (x′2 ) ∈ Im φ3 . Soit donc x3 ∈ M3 tel que φ3 (x3 ) = d′2 (x′2 ) ; comme
d2 est surjective, il existe x2 ∈ M2 tel que d2 (x2 ) = x3 , et on a d′2 (x′2 − φ2 (x2 )) =
φ3 (x3 ) − φ3 ◦ d2 (x2 ) = 0, donc il existe x′1 ∈ M1′ tel que d′1 (x′1 ) = x′2 − φ2 (x2 ). Soit
x̄′1 ∈ Coker φ1 la classe de x′1 ; évidemment d′1 (x̄′1 ) = x̄′2 . 

Remarque 3.53. (i) On peut montrer que le lemme du serpent reste valable dans
toute catégorie finiement complète et finiement cocomplète, avec objet zéro, et
telle que le morphisme canonique Coim f → Im f soit un isomorphisme pour tout
morphisme f . Ces catégories ont étés isolées et baptisées catégories abéliennes par
Grothendieck dans son article fondateur [11], où il explique qu’elles fournissent un
cadre adéquat pour le développement de l’algèbre homologique. Notamment, cette
classe inclut les catégories des faisceaux abéliens que l’on rencontre dans l’étude de
la géométrie algébrique et différentielle ; au même temps, les catégories abéliennes
ressemblent à bien des égards aux catégories des modules sur les anneaux (qui en
sont des cas spéciaux) : en particulier, pour toute couple d’objet X, Y d’une caté-
gorie abélienne C , l’ensemble C (X, Y ) est muni d’une structure de groupe abélien
naturelle, définissant un foncteur C (−, −) : C op × C → Z − Mod. Les méthodes et
les calculs de l’algèbre linéaire peuvent être ainsi récupérés et généralisés en bonne
mésure aux catégories abéliennes arbitraires. Toutefois, la dérivation directe de ces
propriétés à partir des axiomes est assez fastidieuse (la preuve du lemme du serpent
et d’autres généralités de même nature est omise dans [11]). On peut contourner ces
difficultés à l’aide du théorème de Freyd-Mitchell, qui montre que pour toute caté-
gorie abélienne C il existe un anneau R, en général non-commutatif, et un foncteur
exact, plein et fidèle C → R − Mod ; bien sur, la preuve de ce théorème remarquable
est d’autre part loin d’être simple : voir [3, Chap.1].
(ii) Indiquons par exemple brièvement une preuve catégorielle de la partie “tri-
viale” du lemme du serpent, i.e. l’exactitude du segment Ker φ1 → Ker φ2 → Ker φ3
et du segment correspondant des conoyaux : pour ces assertions, l’application de
bord ne joue aucun rôle. L’argument s’applique à un diagramme commutatif d’ob-
jets et morphismes d’une catégorie abélienne C arbitraire, composé de deux lignes
exactes, et on suppose d’abord que la ligne en haut soit en fait exacte courte, i.e.
d1 est aussi un monomorphisme. Or, la donnée Xi := (Mi , Mi′ , φi ) pour i = 1, 2, 3
est un objet de Morph(C ), et les couples (di , d′i ) pour i = 1, 2 sont des morphismes
δi : Xi → Xi+1 . Nos hypothèses veulent dire que X1 est le noyau de δ2 , et δ1 est le
monomorphisme canonique ιδ2 . Dans cette situation, la suite des noyaux est :

Ker δ
1 2 Ker δ
0 → Ker X1 −−−−→ Ker X2 −−−−→ Ker X3

et elle est exacte, car Ker commute avec les limites (donc avec les noyaux). Pour le
cas général, soit (K, M1′ , φ′1 ) := Ker δ2 ; donc K est le noyau de d2 , et δ1 se factorise
à travers un épimorphisme δ 1 : X1 → (K, M1′ , φ′1 ). Par ce qui précède l’on a une
suite exacte Ker φ′1 = Ker(K, M1′ , φ′1 ) → Ker d2 → Ker d3 , et d’autre part on voit
aisément que le morphisme Ker δ 1 : Ker d1 → Ker φ′1 est un épimorphisme, d’où
l’assertion. Pour les conoyaux on procède de même : on se ramène d’abord au cas
où la ligne en bas du diagramme est une suite exacte courte, le cas échéant on
voit que X3 est le conoyau de δ1 , et δ2 est l’épimorphisme canonique πδ1 ; puis on
conclut, en rappelant que le foncteur Coker commute avec les colimites.
108 â Gémeaux

Exercice 3.54. (Lemme des cinq) Soient M• et N• deux complexes exacts de


A-modules de longueur 5, et φ• : M• → N• un morphisme de complexes :

dM,1 dM,2 dM,3 dM,4


M1 / M2 / M3 / M4 / M5

φ1 φ2 φ3 φ4 φ5
 dN,1  dN,2  dN,3  dN,4 
N1 / N2 / N3 / N4 / N5 .

On suppose que φ1 , φ2 , φ4 , φ5 soient des isomorphismes. Montrer que φ3 est aussi


un isomorphisme.

Exercice 3.55. (Suites exactes courtes et limites inverses) Soit Nop l’ensemble
N, muni de la relation d’ordre qui est l’opposé de l’ordre usuel (voir la remarque
1.19(ii)) ; on appelle système projectif de A-modules tout système de A-modules
indexé par Nop (voir l’exemple 3.3(i)).
(i) Soit A un anneau, et (M• , f•• ) un système projectif de A-modules. Montrer
que la donnée de f•• est équivalente à celle de la famille d’applications A-linéaires

(gn := fn+1,n : Mn+1 → Mn | n ∈ N).


Q
(ii) Pour (Mn , gn | n ∈ N) comme dans (i) ci-dessus, on pose M∞ := n∈N Mn ,
et on considère l’application A-linéaire

t : M∞ → M∞ (xn | n ∈ N) 7→ (xn − gn (xn+1 ) | n ∈ N).

Montrer qu’il existe un isomorphisme naturel de A-modules



Ker t → lim
←−
Mn .
n∈Nop

(iii) Soient maintenant une suite exacte courte de systèmes projectifs :


f• h
0 → (Mn′ , gn′ | n ∈ N) −→ (Mn , gn | n ∈ N) −→

(Mn′′ , gn′′ | n ∈ N) → 0

i.e. deux morphismes de systèmes projectifs (voir l’exemple 3.3(i)), tels que la suite
fn h
0 → Mn′ −→ Mn −−→
n
Mn′′ → 0

soit exacte courte pour tout n ∈ N. Montrer que la suite induite


f h
(∗) 0 → lim
←−
Mn′ −
→ lim
←−
Mn −
→ lim
←−
Mn′′
n∈Nop n∈Nop n∈Nop

est exacte (ici, f et h sont les limites inverses des morphismes f• et h• , définis
comme dans la remarque 3.10(iii)).
(iv) Dans la situation de (iii) ci-dessus, supposons que les homomorphismes de
transition gn′ soient surjectifs pour tout n ∈ N. Montrer qu’alors la suite (∗) est
exacte courte, i.e. que h est aussi surjectif, dans ce cas.
f g
Exercice 3.56. Soit 0 → M ′ − → M − → M ′′ → 0 une suite exacte courte de A-
modules. Montrer les assertions suivantes (voir aussi l’exercice 4.9) :
(i) Si M ′ et M ′′ sont de type fini, alors M est de type fini.
(ii) Si M ′ et M ′′ sont de présentation finie, alors M est de présentation finie.
(iii) Si M est de présentation finie et M ′ de type fini, M ′′ est de présentation finie.
(iv) Si M est de type fini et M ′′ de présentation finie, alors M ′ est de type fini.
§ 3.5: Le lemme du serpent 109

3.5.1. La suite exacte longue d’homologie. Soit (M• , d• ) un complexe de A-modules ;


pour tout i ∈ Z on définit :
— Zi (M• ) := Ker (di : Mi → Mi+1 ), le sous-module des cycles en degré i
— Bi (M• ) := Im (di−1 : Mi−1 → Mi ), le sous-module des bords en degré i.
Evidemment on a
Bi (M• ) ⊂ Zi (M• ) ⊂ Mi ∀i ∈ Z
et le A-module d’homologie de M• en degré i est le quotient
Hi (M• ) := Zi (M• )/Bi (M• ).
Evidemment M• est exact en degré i si et seulement si Hi (M• ) = 0. De plus, tout
morphisme de complexes φ• : M• → N• induit des applications A-linéaires
Zi (φ• ) : Zi (M• ) → Zi (N• )
Bi (φ• ) : Bi (M• ) → Bi (N• ) ∀i ∈ Z
Hi (φ• ) : Hi (M• ) → Hi (N• )
et on a ainsi, pour chaque i ∈ Z, trois foncteurs
Zi , Bi , Hi : C(A) → A − Mod.
Exercice 3.57. Montrer que pour tout i ∈ Z les foncteurs Zi et Hi commutent
avec les colimites filtrées.
On considère maintenant une suite exacte de complexes, i.e. une suite :
φ• ψ•
(∗) 0 → M•′ −→ M• −−→ M•′′ → 0
de morphismes de complexes tels que :
— Ker φ• = Coker ψ• = 0 (ici, on dénote par 0 le complexe trivial dont les
composantes en tout degré i ∈ Z sont le A-module 0)
— Im φ• = Ker ψ• .
Autrement dit, il s’agit d’un système de diagrammes commutatifs de A-modules :
φi ψi
0 / M′ / Mi / M ′′ /0
i i

d′i di d′′
i
 φi+1  ψi+1 
0 / M′ / Mi+1 / M ′′ /0
i+1 i+1

dont les lignes sont des suites exactes courtes, pour tout i ∈ Z. On en déduit des
autres diagrammes commutatifs :
Mi′ /Bi′ / Mi /Bi / M ′′ /B ′′
i i
/0

(∗∗)
  
0 / Z′ / Zi+1 / Z ′′
i+1 i+1

où Bi , Bi′ , Bi′′ sont les sous-modules des bords, respectivement de M• , M•′ , M•′′ , et
Zi , Zi′ , Zi′′ sont les sous-modules des cycles des ces mêmes complexes. Les flèches
verticales des diagrammes (∗∗) sont induites par d′i , di et d′′i . Le lemme du serpent
nous dit que les lignes des diagrammes (∗∗) sont aussi exactes. Donc, le lemme du
serpent s’applique aussi à ces derniers, et on obtient une suite exacte :
Hi (φ• ) Hi (ψ• ) ∂ Hi+1 (φ• )
Hi (M•′ ) −−−−→ Hi (M• ) −−−−→ Hi (M•′′ ) −→
i
Hi+1 (M•′ ) −−−−−−→ Hi+1 (M• )
pour tout i ∈ Z. Noter que ces suites “se collent” bout à bout, pour former un unique
complexe exact, appelé la suite exacte longue d’homologie associée à la suite exacte
courte de complexes (∗).
110 â Gémeaux

Remarque 3.58. Noter aussi que la suite exacte longue d’homologie est canonique,
au sens suivant. Considérons un diagramme commutatif de complexes :
0 / M•′ / M• / M•′′ /0

(∗ ∗ ∗) β•′ β• β•′′
  
0 / N•′ / N• / N•′′ /0

dont les lignes sont des suites exacts courtes de complexes. On déduit un diagramme
commutatif de A-modules :
/ Hi (M• ) / Hi (M•′′ ) ∂ / Hi+1 (M•′ ) / ···
···
Hi (β• ) Hi (β•′′ ) Hi+1 (β•′ )
  ∂

··· / Hi (N• ) / Hi (N•′′ ) / Hi+1 (N•′ ) / ···

dont les lignes sont les suites exactes longues d’homologie associée aux deux suites
courtes de (∗ ∗ ∗). La vérification détaillée sera laissée en exercice : le point essentiel
est la commutativité du segment de ce diagramme qui contient les applications de
bords ∂ : cela se vérifie par inspection directe de la construction de ∂, fournie dans
la preuve du lemme du serpent.
3.6. Solutions aux exercices et problèmes.
Problème 3.5, partie (i) : Evidemment, si F est principal, pi∗ F est contenu dans
un ultrafiltre principal pour tout i ∈ I. Réciproquement, supposons que pour tout
i ∈ I il existe ti ∈ Ti tel que le filtre pi∗ F soit contenu dans l’ultrafiltre principal
des parties fermées contenant ti ; on pose t := (ti | i ∈ I) ∈ T , et il suffit de montrer
que t ∈ Z pour tout Z ∈ F . Supposons par l’absurde que Z ∈ F et t ∈ / Z ; alors
il existe
Q un ouvert
Q fondamental
T U de T tel que t ∈ U et U ∩ Z = ∅. Disons que
U = j∈J Uj × i∈I\J Ti = j∈J p−1 j U j pour une partie finie J ⊂ I et des parties
ouvertes Uj ⊂ Tj pour chaque j ∈ J. Il vient tj ∈ Uj pour tout j ∈ J. D’autre part,
S
par hypothèse l’on a aussi Z ⊂ Z ′ := j∈J p−1 j (T \ Uj ), d’où Z ∈ F , et comme

−1
F est premier (proposition 1.55(i)), il s’ensuit que pj (T \ Uj ) ∈ F pour quelque
j ∈ J. Mais alors T \ Uj ∈ pj∗ F et tj ∈ / T \ Uj , contradiction.
Partie (ii) : Par l’axiome du choix (voir la section 1.3), les projections canoniques
T → Ti sont surjectives ; compte tenu de l’exercice 1.13(ii.c), il s’ensuit que si T est
compact, chaque Ti est compact. Réciproquement, supposons que chaque Ti soit
compact, et soit F un ultrafiltre de T ; par le lemme 1.53 et la proposition 1.55(i),
le filtre pi∗ F est contenu dans un ultrafiltre principal pour tout i ∈ I. Compte
tenu de (i), il s’ensuit que F est principal, et donc T est compact, encore grâce à
la proposition 1.55(i). Q
Partie (iii) : Soit L ⊂ T := λ∈Λ Tλ la partie des suites cohérentes, définies
comme dans l’exemple 3.3(ii) ; on munit L de la topologie induite par l’inclusion
dans T . Donc, la restriction vλ : L → Tλ de la projection canonique pλ : T → Tλ
est une application continue, et le système (vλ | λ ∈ Λ) définit un cône de base
(T• , f•• ) et sommet L. En raisonnant comme dans l’exemple 3.3(ii) on voit aisé-
ment qu’il s’agit d’un cône universel : détails laissées aux soins du lecteur. Ensuite,
pour tout λ, µ ∈ Λ avec λ < µ notons Zλµ ⊂ TT la partie des suites x• telles que
fλµ ◦ pλ (x• ) = pµ (x• ) ; par construction, L = λ<µ Zλµ . Or, si Tµ est séparé, la
partie Zλµ est fermée dans T , par l’exercice 1.13(iv) ; compte tenu de la partie (ii),
on conclut que si tous les espaces Tλ sont séparés et compacts, L est une partie
fermée de l’espace compact T , donc L est compact et séparé.

Exercice 3.11, partie (i) : L’assertion suit par inspection directe.


§ 3.6: Solutions 111


Partie (ii) : Un isomorphisme ϑ : C (−, F ) → C ′ (G, −) est la donnée d’un
système de bijections

ϑX,X ′ : C (X, F X ′ ) → C ′ (GX, X ′ ) ∀X ∈ Ob(C ), ∀X ′ ∈ Ob(C ′ )
qui font commuter le diagramme
ϑX,X ′
C (X, F X ′ ) / C (GX, X ′ )

C (f,F g) C ′ (Gf,g)
 ϑY,Y ′ 
C (Y, F Y ′ ) / C ′ (GY, Y ′ )

pour tout morphisme f : Y → X de C et g : X ′ → Y ′ de C ′ . On a déjà observé


(problème 2.15) qu’une telle donnée équivaut à celle d’une adjonction pour (G, F ).

Exercice 3.12, partie (i) : Evidemment la relation ∼ est réflexive et symétrique.


Supposons que (x, λ) ∼ (x′ , λ′ ) et (x′ , λ′ ) ∼ (x′′ , λ′′ ). On peut donc trouver µ ≥ λ, λ′
et µ′ ≥ λ′ , λ′′ tel que fλµ (x) = fλ′ µ (x′ ) et fλ′ µ′ (x′ ) = fλ′′ µ′ (x′′ ). Comme Λ est filtré,
on peut ensuite trouver µ′′ ≥ µ, µ′ , et il vient
fλµ′′ (x) = fµµ′′ ◦ fλµ (x) = fµµ′′ ◦ fλ′ µ (x′ ) = fλ′ µ′′ (x′ ) = fµ′ µ′′ ◦ fλ′ µ′ (x′ )
= fµ′ µ′′ ◦ fλ′′ µ′ (x′′ )
= fλ′′ µ′′ (x′′ )
qui achève de montrer la transitivité de ∼.
Partie (ii) : Soit X un ensemble, et (ψλ : Sλ → X | λ ∈ Λ) un co-cône de sommet
X et base (S• , f•• ) ; notons aussi par jλ : Sλ → S l’injection canonique, pour tout
λ ∈ Λ. Il existe une unique application ψ : S → X telle que ψ ◦ jλ = ψλ pour
tout λ ∈ Λ, et on doit vérifier que ψ se factorise à travers la projection canonique
S → C ; cela revient à montrer que ψ(x, λ) = ψ(x′ , λ′ ) pour tout (x, λ) ∼ (x′ , λ′ ).
Cette condition veut dire qu’il existe λ′′ ≥ λ, λ′ avec fλλ′′ (x) = fλ′ λ′′ (x′ ) ; d’où :
ψ(x, λ) = ψλ (x) = ψλ′′ ◦ fλλ′′ (x) = ψλ′′ ◦ fλ′ λ′′ (x′ ) = ψλ′ (x′ ) = ψ(x′ , λ′ ).
Partie (iii) : Reprenons` la notation de la preuve de la propositionL 3.9(i) ; on
peut voir l’ensemble N := λ∈Λ Mλ comme une partie de P := λ∈Λ Mλ , si on
identifie tout élément (m, λ) ∈ N avec la suite m• ∈ P telle que mλ = m et mµ = 0
si µ 6= λ. Avec cette identification, le sous-module Q est engendré par les éléments
de la forme (m, λ) − (fλµ (m), µ), pour tout paire d’indices λ < µ et tout m ∈ Mλ .
Or, si (m, λ) ∼ (m′ , λ′ ), il existe λ′′ ≥ λ, λ′ tel que fλλ′′ (m) = fλ′ λ′′ (m′ ), d’où
(∗) (m, λ) − (m′ , λ′ ) = (m, λ) − (fλλ′′ (m), λ′′ ) + (fλ′ λ′′ (m′ ), λ′′ ) − (m′ , λ′ ) ∈ Q.
Cela montre que l’inclusion N → P induit une application ω : L′ → L := P/Q
Pk
bien définie. De plus, tout élément de P est une somme finie m• = i=1 (mi , λi ) ;
par hypothèse, il existe λ ∈ Λ tel que λ ≥ λi pour tout i = 1, . . . , k, et compte
tenu de (∗) on voit aisément que la classe de m• dans L est égale à la classe
Pk
de ( i=1 fλi λ (mi ), λ). Cela montre que ω est surjective. Pour montrer que ω est
injective, soient (m, µ), (m′ , µ′ ) ∈ N , et on suppose que m• := (m, µ)−(m′ , µ′ ) ∈ Q ;
il faut exhiber λ ∈ Λ tel que fµλ (m) = fµ′ λ (m′ ). Choisissons d’abord µ′′ ≥ µ, µ′ , et
posons m′′ := fµ′ µ′′ (m′ ) − fµµ′′ (m) ; comme
m• + (m′′ , µ′′ ) = (m, µ) − (fµµ′′ (m), µ′′ ) + (fµ′ µ (m′ ), µ′′ ) − (m′ , µ′ ) ∈ Q
on déduit que (m′′ , µ′′ ) ∈ Q, et on est ramené à montrer qu’il existe λ ≥ µ′′ tel que
Pk
fµ′′ λ (m′′ ) = 0. Or, (m′′ , µ′′ ) est une somme finie i=1 (mi , λi ) − (fλi λ′i (mi ), λ′i ), et
112 â Gémeaux

on peut trouver λ ∈ Λ tel que λ ≥ µ′′ , λ′1 , . . . , λ′k . Il vient


k
X
(m′′ , µ′′ ) = (mi , λi ) − (fλi λ (mi ), λ) + (fλ′i λ ◦ fλi λ′i (mi ), λ) − (fλi λ′i (mi ), λ′i ).
i=1

Donc, on peut supposer que λ′i = λ pour tout i = 1, . . . , k. Evidemment, on peut


aussi supposer que λi < λ pour tout i = 1, . . . , k, et que λi 6= λj pour tout
1 ≤ i < j ≤ k. Dans cette situation, si m′′ = 0 on n’a rien à montrer ; si m′′ 6= 0,
on conclut que k = 1, λ1 = µ′′ , m′′ = m1 , et fλ1 λ (m1 ) = 0, d’où l’assertion.
Evidemment il existe une structure unique de A-module sur L′ , telle que ω soit
un isomorphisme de A-modules. Explicitement, l’addition est donnée par :
[λ, m] + [λ′ , m′ ] := [λ′′ , fλλ′′ (m) + fλ′ λ′′ (m′ )] ∀[λ, m], [λ′ , m′ ] ∈ L′
où λ′′ ≥ λ, λ′ est un choix arbitraire. De même, si a ∈ A, on a a · [λ, m] := [λ, am].
On voit aussi aisément que cette structure de A-module est l’unique sur L′ telle
que les u′λ soient tous A-linéaires, ce qui achève la preuve de (iii) (détails laissés
aux soins du lecteur). En dernier lieu, il est clair que ω ◦ u′λ : Mλ → L coïncide
avec l’homomorphisme uλ construit dans la preuve de la proposition 3.9(i), donc ω
identifie le système (u′λ | λ ∈ Λ) au co-cône universel (uλ | λ ∈ Λ).
Plus précisément, si P est un A-module et (gλ : Mλ → P | λ ∈ Λ) un co-cône de
base (M• , f•• ), une inspection directe montre que l’unique application A-linéaire
g : L′ → P avec g• = g ◦ u′• est déterminée par les identités :
g([λ, m]) = gλ (m) ∀(λ, m) ∈ N.
Partie (iv) : La partie (iii) ci-dessus nous a déjà fourni une structure de A-module
sur B. Ensuite, pour tout (λ, b), (λ′ , b′ ) ∈ N , choisissons µ ≥ λ, λ′ , et posons
(λ, b) · (λ′ , b′ ) := [µ, gλµ (b) · gλ′ µ (b′ )].
Montrons d’abord que cette définition ne dépend pas du choix de µ : en effet, si
µ′ ≥ λ, λ′ est un autre choix, on pourra trouver µ′′ ≥ µ, µ′ , et il suffira de montrer
que [µ, gλµ (b) · gλ′ µ (b′ )] et [µ′ , gλµ′ (b) · gλ′ µ′ (b′ )] sont égaux à [µ′′ , gλµ′′ (b) · gλ′ µ′′ (b′ )] ;
on peut donc supposer que µ′ ≥ µ, et dans ce cas on obtient
(µ, gλµ (b) · gλ′ µ (b′ )) ∼ (µ′ , gµµ′ (gλµ (b) · gλ′ µ (b′ ))) = (µ′ , gµµ′ gλµ (b) · gµµ′ gλ′ µ (b′ ))
= (µ′ , gλµ′ (b) · gλ′ µ′ (b′ ))
d’où l’assertion. Montrons ensuite que (λ, b) · (λ′ , b′ ) ne dépend que des classes de
(λ, b) et (λ′ , b′ ) dans B : en effet, si (λ, b) ∼ (λ′′ , b′′ ), on pourra choisir µ ≥ λ, λ′ , λ′′
et tel que gλµ (b) = gλ′′ µ (b′′ ) ; il vient immédiatement que (λ, b) · (λ′ , b′ ) = (λ′′ , b′′ ) ·
(λ′ , b′ ) ; le même raisonnement montre que le produit dépend seulement de la classe
de (λ′ , b′ ), et on a donc une loi de multiplication bien définie sur B. De plus, la
classe [λ, 1] (pour tout λ ∈ Λ) fournit une unité pour cette multiplication. Montrons
par exemple l’associativité de cette loi : si [λ, b], [λ′ , b′ ], [λ′′ , b′′ ] ∈ B, on peut trouver
µ ≥ λ, λ′ , λ′′ , et quitte à remplacer b, b′ , b′′ par gλµ (b), gλ′ µ (b′ ), gλ′′ µ (b′′ ), on peut
supposer que λ = λ′ = λ′′ = µ ; dans ce cas, on a
([µ, b] · [µ, b′ ]) · [µ, b′′ ] = [µ, bb′ ] · [µ, b′′ ] = [µ, bb′ b′′ ] = [µ, b] · ([µ′ , b′ ] · [µ, b′′ ])
comme souhaité. Des arguments analogues montrent la commutativité de la multi-
plication, ainsi que la propriété distributive par rapport à l’addition du A-module
B : les détails seront laissés aux soins du lecteur. Cela achève la construction de
la A-algèbre B. Dernièrement, il est clair que les applications u′λ : Bλ → B sont
des homomorphismes de A-algèbres. Or, soit C une A-algèbre, et k• := (kλ : Bλ →
C | λ ∈ Λ) un co-cône de base (B• , g•• ) (donc, chaque kλ est bien sur un homo-
morphisme de A-algèbres) ; en particulier, k• est aussi un co-cône dans la catégorie
des A-modules, et donc la partie (iii) nous dit qu’il existe un morphisme unique
§ 3.6: Solutions 113

k : B → C de A-modules tel que kλ = k ◦ u′λ pour tout λ ∈ Λ. Cela revient à dire


que k([λ, b]) = kλ (b) pour tout (λ, b) ∈ N , d’où l’on déduit aisément que k est un
homomorphisme de A-algèbres, et la preuve est achevée.

Exercice 3.14, partie (i) : Tout élément de C (T )m s’écrit comme une fraction
f /g, avec f, g : T → R continues, et g(t) 6= 0. Soit Ug := g −1 (R \ {0}) ; évidemment
Ug ∈ Ut et la fonction
φf,g : Ug → R x 7→ f (x)/g(x)
est continue. De plus, si f /g = f ′ /g ′ dans C (T )m , il existe h ∈ C (T ) \ m tel que
hg ′ f = hgf ′ , et il s’ensuit aisément que φf,g et φf ′ ,g′ coïncident sur Uhgg′ ⊂ Ug ∩Ug′ .
On obtient ainsi une application bien définie
ω : C (T )m → OT,t f /g 7→ [Ug , φf,g ]
et on voit aisément que ω est un homomorphisme de C (T )-algèbres. L’unicité de
ω est alors une consequence immédiate de la propriété universelle des localisations
(proposition 2.22). Pour montrer que ω est injective, soient f /g, f ′ /g ′ ∈ C (T )m
tels que ω(f /g) = ω(f ′ /g ′ ) ; cela revient à dire qu’il existe un voisinage ouvert
U ⊂ Ug ∩ Ug′ de t, tel que f (x) · g ′ (x) = f ′ (x) · g(x) pour tout x ∈ U . Comme T est
complètement régulier, on peut trouver une fonction continue h : T → [0, 1] telle
que h(t) = 1 et h(T \ U ) = 0 ; on voit aisément que h ∈ C (T ) \ m et hg ′ f = hgf ′
dans C (T ), d’où l’assertion.
Pour la surjectivité, soit [U, φ] un germe de fonction continue autour de t ; on
fabrique une fonction continue h : T → [0, 1] comme ci-dessus, de telle façon que
h(t) = 1 et h(T \ U ) = 0, et on pose
h′ (x) := min(1, max(0, 3h(x) − 1)) ∀x ∈ T.
Evidemment h′ est une fonction continue telle que h′−1 (1) est un voisinage de t et
il existe une partie ouverte U ′ de T avec T \ U ⊂ U ′ ⊂ h′−1 (0). Ensuite on pose
(
′ h′ (x) · φ(x) si x ∈ U
φ (x) :=
0 si x ∈ T \ U.

On voit aisément que φ′ est une fonction continue sur T , et [T, φ′ ] = [U, φ], d’où
l’assertion.
(ii) Soit (B, f : A → B) une A-algèbre, et (fS ′ : S ′−1 A → B | S ′ ∈ S ) un
co-cône de sommet B ; pour tout S ′ ∈ S , l’existence de l’homomorphisme de A-
algèbres fS ′ est équivalente à la condition : f (S ′ ) ⊂ B × . Il s’ensuit que f (S) ⊂ B × ,
d’où un unique homomorphisme fS : S −1 A → B de A-algèbres ; en particulier,
fS ′ = fS ◦ jS ′ pour tout S ′ ∈ S , d’où l’assertion.

Problème 3.15, partie (i) : Supposons qu’il existe λ ∈ Λ avec Tλ = ∅ ; pour tout
espace topologique X 6= ∅, on a alors Top(X, Tλ ) = ∅, et en particulier, il n’existe
aucun cône de base (T• , f•• ) et sommet X. Cela implique aisément que la limite de
(T• , f•• ) est représentable par l’ensemble vide, i.e. L = ∅.
Réciproquement, supposons par l’absurde que Q Tλ 6= ∅ pour tout λ ∈ Λ et L = ∅.
On définit les parties fermées Zλµ ⊂ T T:= λ∈Λ Tλ comme dans la solution du
problème 3.5(iii), de telle façon que L = λ<µ Zλµ ; on a vu (problème 3.5(ii)) que
T est compact, et par la propriété de l’intersection finie on déduit qu’il existe des
couples (λ1 , µ1 ), . . . , (λk , µk ) d’éléments de Λ avec λi < µi pour tout i = 1, . . . , k,
tels que Zλ1 µ1 ∩ · · · ∩ Zλk µk = ∅. Or, par l’axiome du choix on peut trouver t• ∈ T ;
comme Λ est cofiltré, on peut aussi trouver λ ∈ Λ tel que λ ≤ λ1 , . . . , λk . On
114 â Gémeaux

considère l’application
(
fλµ (x) si λ ≤ µ
φ : Tλ → T x 7→ (φµ (x) | µ ∈ Λ) avec φµ (x) :=
tµ sinon.

On voit aisément que φ(Tλ ) ⊂ Zλi µi pour tout i = 1, . . . , k ; contradiction.


Partie (ii) : Remarquons d’abord que la question est bien posée : en effet, bien
que l’application continue φ : L → L′ dépend des choix de L et L′ , ainsi que
des choix auxiliaires des cônes universels (vλ : L → Tλ | λ ∈ Λ) et (vλ′ : L′ →
Tλ′ | λ ∈ Λ), les propriétés catégorielles de φ sont indépendantes de ces choix : voir
la remarque 3.10(vi) (et rappelons aussi que les applications continues surjectives
sont précisément les Q épimorphismes de la catégorie Top). En particulier, on peut
supposer que L ⊂ λ∈Λ Tλ soit le sous-espace des suites cohérentes, et ν• soit le
cône universel fourni par la solution du problème 3.5(iii), et de même pour L′ et ν•′ .
Or, soit t• ∈ L′ une suite cohérente, et pour tout λ ∈ Λ munissons Zλ := φ−1 λ (tλ )
de la topologie induite par l’inclusion dans Tλ ; évidemment
Y
φ−1 (t• ) = L ∩ Zλ = lim
←−
Zλ .
λ∈Λ λ∈Λ

Mais par hypothèse, Zλ est un espace compact, séparé et non vide pour tout λ ∈ Λ,
donc φ−1 (t• ) 6= ∅, grâce à la partie (i).

Exercice 3.17, partie (i) : D’abord, on voit comme dans la solution du pro-
blème 3.15(ii) que la question est bien posée, i.e. les propriétés catégorielles de g ne
dépendent pas des choix auxiliaires nécessaires pour le définir, grâce à la remarque
3.10(vi). Ainsi, fixons arbitrairement des cônes universels µ• pour F de sommet L,
et µ′• pour F ′ de sommet L′ ; ensuite, soient X ∈ Ob(C ) et φ, ψ : X → L deux
morphismes tels que g ◦ φ = g ◦ ψ. Il vient
ωi ◦ µi ◦ φ = µ′i ◦ g ◦ φ = µ′i ◦ g ◦ ψ = ωi ◦ µi ◦ ψ ∀i ∈ Ob(I)
d’où µi ◦ φ = µi ◦ ψ pour tout i ∈ Ob(I), car tout ωi est un monomorphisme. Par
l’universalité du cône µ• , il s’ensuit que φ = ψ, d’où l’assertion.
Partie (ii) : Comme d’habitude, l’assertion duale admet la preuve duale. De
façon équivalente, la partie (ii) se déduit de la partie (i) : il suffit de considérer les
foncteurs F op , F ′op : I op → C op et la transformation naturelle ω op : F op → F ′op
(détails laissés aux soins du lecteur).

Exercice 3.18, partie (i) : Soient λ, λ′ ∈ Λ′ ; si Λ est filtré, il existe λ′′ ∈ Λ tel
que λ′′ ≥ λ, λ′ , et comme Λ′ est une partie cofinale, il existe aussi λ′′′ ∈ Λ′ tel
que λ′′′ ≥ λ′′ , donc Λ′ est filtré. Réciproquement, soit Λ′ filtré, et λ, λ′ ∈ Λ ; par
hypothèse il existe µ, µ′ ∈ Λ′ tels que µ ≥ λ et µ′ ≥ λ′ . Puis, on a aussi µ′′ ∈ Λ′ tel
que µ′′ ≥ µ, µ′ , d’où µ′′ ≥ λ, λ′ , i.e. Λ est filtré.
Partie (ii) : Soit h′• := (h′λ : F ′ λ → D | λ ∈ Λ′ ) un co-cône de base F ′ ; on va
prolonger h′• en un co-cône h• de base F et sommet D, comme suit. Evidemment,
on pose hλ := h′λ pour tout λ ∈ Λ′ ; ensuite, pour chaque λ ∈ Λ \ Λ′ on choisit
λ′ ∈ Λ′ tel que λ′ > λ, et on pose hλ := h′λ′ ◦ Fλλ′ , où Fλλ′ : F λ → F λ′ est le
morphisme de transition. Montrons que hλ ne dépend pas du choix de λ′ ; en effet,
si on a aussi λ′′ > λ pour un deuxième élément λ′′ ∈ Λ′ , la partie (i) nous dit
que l’on peut trouver λ′′′ ∈ Λ′ tel que λ′′′ ≥ λ′ , λ′′ , et on calcule : h′λ′ ◦ Fλλ′ =
h′λ′′′ ◦ Fλ′ λ′′′ ◦ Fλλ′ = h′λ′′′ ◦ Fλ′′′ . De même on voit que h′λ′′ ◦ Fλλ′′ = h′λ′′′ ◦ Fλ′′′ ,
d’où l’assertion. Il s’ensuit aussitôt que h• est bien un co-cône, et la construction
montre qu’il s’agit de l’unique co-cône de base F et sommet D qui prolonge h′• .
Autrement dit, l’association (hλ : F λ → D | λ ∈ Λ) 7→ (hλ : F ′ λ → D | λ ∈ Λ′ )
§ 3.6: Solutions 115

définit un isomorphisme de foncteurs



lim
−→
F → lim
−→
F′
λ∈Λ λ∈Λ′

d’où l’assertion. La partie (iii) suit par inspection de la construction de h• dans


(ii), et la partie (iv) se déduit aussitôt par dualité.

Exercice 3.23 : On reprend les notations de la preuve de la proposition 3.22, dans


laquelle on a exhibé un représentant E pour la limite de φ, avec son cône universel
(πiP ◦ ε : E → φ(i) | i ∈ Ob(I)). Par hypothèse, le couple (F E, F ε : F E → F P ) est
un équaliseur des morphismes F α, F β : F P → F Q. De plus, les couples
Q
(F P, (F πiP | i ∈ Ob(I))) et (F Q, (F π(i,j,f ) | (i, j, f ) ∈ M ))

sont universels pour les produits de la famille (F Pi | i ∈ Ob(I)) et respective-


ment (F Q(i,j,f ) | (i, j, f ) ∈ M ). Or, soit X ′ un objet arbitraire de C ′ ; raisonnant
comme dans la preuve de la proposition 3.22, on déduit aisément que la donnée
d’un morphisme f : X ′ → F E est équivalente à celle du cône (F (πiP ◦ ε) ◦ f :
X ′ → F φ(i) | i ∈ Ob(I)) de sommet X ′ et base F ◦ φ ; autrement dit, le cône
(F (πiP ◦ ε) : F E → F φ(i) | i ∈ Ob(I)) est universel, d’où l’assertion.

Problème 3.27, partie (i) : Soit


Dis : Ens → Top S 7→ (S, TSd )
le foncteur qui munit tout ensemble S de sa topologie discrète TSd , et associe à toute
application f : S → S ′ la même application f : (S, TSd ) → (S ′ , TSd′ ). Evidemment
S = Ou ◦ Dis(S) pour tout ensemble S, et on pose ηS := IdS : S → Ou ◦ Dis(S). De
plus, l’identité IdT est une application continue ε(T,T ) : Dis ◦ Ou(T, T ) → (T, T )
pour tout espace topologique (T, T ). Avec ces notations, on voit aisément que les
systèmes (ηS | S ∈ Ob(Ens)) et (ε(T,T ) | (T, T ) ∈ Ob(Top)) sont des transforma-
tions naturelles η : 1Ens → Ou ◦ Dis et respectivement ε : Dis ◦ Ou → 1Top , et
les identités triangulaires du problème 2.18 sont trivialement vérifiée ; le problème
2.18(iii) nous dit alors que Dis est adjoint à gauche de Ou. De même, soit
Ch : Ens → Top S 7→ (S, TSc )
le foncteur qui munit chaque ensemble S de sa topologie chaotique TSc := {∅, S}.
On pose ε′S := IdS : Ou ◦ Ch(S) → S pour tout ensemble S. De plus, l’identité
IdT est une application continue η(T,T ′
) : (T, T ) → Ch ◦ Ou(T, T ) pour tout
espace topologique (T, T ). En dernier lieu, on voit trivialement que les systèmes
(ε′S | S ∈ Ob(Ens)) et (η(T,T

) | (T, T ) ∈ Ob(Top)) définissent des transformations
naturelles ε : Ou ◦ Ch → 1Ens et η ′ : 1Top → Ch ◦ Ou, et le couple (η ′ , ε′ ) vérifie les

identités trianguliares du problème 2.18 ; donc, Ch est adjoint à droite de Ou.


Montrons ensuite que Ens est complète et cocomplète ; on sait déjà que les pro-
duits et les sommes directes de Ens sont représentables (voir les exemples 3.2(ii) et
3.7(i)), et grâce au critère de la proposition 3.22, il nous reste seulement à représen-
ter les équaliseurs et les coéqualiseurs de tout couple d’applications f, g : S → S ′ .
Pour cela, posons E := {s ∈ S | f (s) = g(s)}, et soit i : E → S l’inclusion ; on voit
aisément que (E, i) est un équaliseur de (f, g). Puis, soit C := S ′ /R, où R ⊂ S × S ′
dénote la plus petite relation d’équivalence contenant {(f (s), g(s)) | s ∈ S}, et no-
tons par π : S ′ → C la projection canonique ; on voit aisément que (C, π) est un
coéqualiseur de (f, g) : détails laissés aux soins du lecteur.
En dernier lieu, montrons que Top est complète et cocomplète. On a déjà repré-
senté les produits (exemple 3.2(iii)), donc il nous reste à représenter les sommes
directes, les équaliseurs et les coéqualiseurs de Top. Soit alors ((Ti , Ti ) | i ∈ I)
116 â Gémeaux

`
une famille d’espaces topologiques, notons par T := i∈I Ti , l’union disjointe des
ensembles sous-jacents, et par ji : Ti → T l’inclusion canonique, pour tout i ∈
I ; on a déjà remarqué que le foncteur d’oubli Top → Ens commute avec toute
colimite représentable de Top, donc si la somme directes des espaces (Ti , Ti ) est
représentable, on doit pouvoir trouver une topologie T sur T telle que (T, T )
représente cette somme directe, et de plus, les applications ji : (Ti , Ti ) → (T, T )
seront continues, et fourniront un co-cône universel. On voit aisément
S qu’il suffit de
prendre pour T la topologie de T engendrée par la base B := i∈I {ji U | U ∈ Ti } ;
les détails seront confiés aux soins du lecteur. De même, soient f, g : (S, T ) →
(S ′ , T ′ ) deux applications continues, et notons par (E, i) et (C, π) l’équaliseur et le
coéqualiseur des morphismes f, g : S → S ′ de Ens sous-jacents, exhibés ci-dessus ;
munissons E de la topologie TE induite par T via i, et C de la topologie TC
induite par T ′ via π ; on voit aisément que ((E, TE ), i) (resp. (C, TC ), π)) représente
l’équaliseur (resp. le coéqualiseur) de (f, g) dans Top.
Partie (ii) : Notons par A la limite directe du système d’anneaux (Aλ | λ ∈ Λ), et
par X la limite inverse du système d’espaces topologiques (Spec Aλ | λ ∈ Λ) ; suivant
l’exercice 3.12(iv), on peut représenter A par l’anneau des classes d’équivalence
[λ, a] des couples (λ, a) avec λ ∈ Λ et a ∈ Aλ , et soit aussi (jλ : Aλ → A | λ ∈ Λ)
le co-cône universel correspondant, i.e. jλ (a) := [λ, a] pour tout λ ∈ Λ et tout
a ∈ Aλ . D’autre part, X peut être représenté par l’ensemble des suites cohérentes
(pλ | λ ∈ Λ) avec pλ Q ∈ Spec Aλ pour tout λ ∈ Λ, muni de la topologie induite
par l’inclusion X → λ∈Λ Spec Aλ (voir le problème 3.5(iii)) ; le cône universel
correspondant est constitué des restrictions πλ : X → Spec Aλ des projections
naturelles, pour tout λ ∈ Λ. Le système d’application continues (Spec jλ | λ ∈ Λ)
est un cône de sommet Spec A, donc il existe une application continue unique
ω : Spec A → X telle que πλ ◦ ω = Spec jλ ∀λ ∈ Λ
et l’assertion revient à montrer que ω est un homéomorphisme. Vérifions d’abord la
surjectivité de ω : soit (pλ | λ ∈ Λ) ∈ X un suite cohérente d’idéaux premiers, donc
−1
si λ, µ ∈ Λ et λ ≤ µ, on a jλµ pµ = pλ , où jλµ : Aλ → Aµ dénote l’homomorphisme
d’anneaux correspondant ; notons par p ⊂ A l’ensemble de toutes les classes [λ, a]
avec λ ∈ Λ arbitraire et a ∈ pλ . On voit aisément que p est un idéal de A. Montrons
que p est un idéal premier : soient [λ, a], [λ′ , b] ∈ A avec [λ, a] · [λ′ , b] ∈ p, autrement
dit, il existe λ′′ ∈ Λ et c ∈ pλ′′ tels que λ′′ ≥ λ, λ′ et jλλ′′ (a) · jλ′ λ′′ (b) = c, d’où
jλλ′′ (a) ∈ pλ′′ ou jλ′ λ′′ (b) ∈ pλ′′ , i.e. [λ, a] ∈ p ou [λ′ , b] ∈ p, d’où l’assertion.
Montrons ensuite que jλ−1 p = pλ pour tout λ ∈ Λ : en effet, si a ∈ jλ−1 p, on a
[λ, a] ∈ p, donc il existe λ′ ≥ λ tel que jλλ′ (a) ∈ pλ′ , d’où l’assertion. Cela achève
de montrer la surjectivité de ω. Pour l’injectivité, soient p, p′ ∈ Spec A tels que
jλ−1 p = jλ−1 p′ pour tout λ ∈ Λ, et soit [λ, a] ∈ p ; cela veut dire que a ∈ jλ−1 p, donc
a ∈ jλ−1 p′ , i.e. [a, λ] ∈ p′ , d’où p ⊂ p′ , et en échangeant les rôles de p et p′ on obtient
de même l’inclusion réciproque. Donc p = p′ , d’où l’assertion.
Pour conclure, il reste à montrer que la topologie de Spec A est moins fine que
celle induite par X via ω. Pour cela, il suffit de vérifier l’identité :
D([λ, a]) = ω −1 (πλ−1 D(a)) ∀λ ∈ Λ, ∀a ∈ Aλ .

C’est un calcul direct : ω −1 (πλ−1 D(a)) = (Spec jλ )−1 D(a) = D(jλ (a)) = D([λ, a]).

Problème 3.37, partie (i) : Pour définir le foncteur ColimJ : Fun(J, C ) → C l’on
doit choisir pour tout foncteur φ : J → C un objet C φ de C représentant colimJ φ,
ainsi qu’un co-cône universel (ηjφ : φ(j) → C φ | j ∈ Ob(J)). Ensuite, le foncteur
Colim′′J : Fun(I × J, C ) → Fun(I, C ) est déterminé, mutatis mutandis, comme dans
la preuve du lemme 3.33. Toutefois, on va considérer ici plus généralement des
§ 3.6: Solutions 117

adjoints à gauche et respectivement à droite arbitraires des foncteurs c′′J et c′I :


C′′J : Fun(I × J, C ) → Fun(I, C ) L′I : Fun(I × J, C ) → Fun(J, C ).
Comme expliqué dans la (duale de la) remarque 3.32(ii), pour tout F : I × J → C ,
l’objet C′′J (F ) de Fun(I, C ) représente la colimite du foncteur F ′′ : J → Fun(I, C ),
et l’unité η̃ : 1Fun(I×J,C ) → c′′J ◦ C′′J d’une adjonction pour le couple (C′′J , c′′J ) fournit
un co-cône universel (η̃jF : F ′′ j → C′′J F | j ∈ Ob(J)). De même, L′I (F ) représente
la limite de F ′ : I → Fun(J, C ), et la counité ε̃ : c′I ◦ L′I → 1Fun(I×J,C ) d’une
adjonction pour (c′I , L′I ) fournit un cône universel (ε̃F ′ ′
i : LI F → F i | i ∈ Ob(I)).
Pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J) l’on en déduit morphismes η̃ji : F (i, j) → (C′′J F )(i) et
F

ij : (LI F )(j) → F (i, j). Avec cette notation, on pose :


ε̃F ′

t := η̃ ◦ ε̃ : c′I ◦ L′I → c′′J ◦ C′′J .


Pour tout foncteur F : I × J → C , l’adjonction canonique pour le couple (c′I , Lim′I )
exhibée dans la preuve du lemme 3.33 associe à tF une transformation naturelle
L′I (F ) → Lim ′ ◦ c′′J ◦ C′′J (F ) = cJ ◦ Lim ◦ C′′J (F ).
I I

A cette dernière, l’adjonction canonique pour (ColimJ , cJ ) associe un morphisme


τF : Colim ◦L′I (F ) → Lim ◦ C′′J (F ).
J I

Explicitement, τF est caractérisé par les identités :


C′′ F L′ F F
εi J ◦ τF ◦ ηj I = η̃ji ◦ ε̃F
ij ∀(i, j) ∈ Ob(I × J).
Il reste à montrer que l’association F 7→ τF définit une transformation naturelle.
Soit donc ω : F → G une transformation naturelle de foncteurs F, G : I × J → C ;
on doit vérifier la commutativité du diagramme
τF
ColimJ (L′I F ) / LimI (C′′ F )
J

ColimJ (L′I ω) LimI (C′′


J ω)
 τG

ColimJ (L′I G) / LimI (C′′ G).
J

Cela revient à prouver les identités suivantes, pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J) :
C′′ G L′ F C′′ G  L′ F
εi J ◦ Lim C′′J ω) ◦ τF ◦ ηj I = εi J ◦ τG ◦ Colim L′I ω ◦ ηj I .
I J

C’est un calcul direct :


C′′ G L′ F  C′′ F L′ F
εi J ◦ Lim C′′J ω) ◦ τF ◦ ηj I = C′′J ω i
◦ εi J ◦ τF ◦ ηj i
I

= C′′J ω i ◦ η̃ji
F
◦ ε̃F
ij
G ′′
= η̃ji ◦ ωji ◦ ε̃F
ij
G ′
= η̃ji ◦ ωij ◦ ε̃F
ij
G

= η̃ji ◦ ε̃G ′
ij ◦ LI ω j
C′′ G 
L′ F
= εi J ◦ L′I ω j
◦ τG ◦ ηj I
C′′ G  L′ F
= εi J ◦ τG ◦ Colim L′I ω ◦ ηj I .
J

Remarque 3.59. La construction de τ dépend, comme d’habitude, de plusieurs choix,


mais les propriétés catégorielles de τ sont intrinsèques : en effet, soient
Lim ∗ : Fun(I, C ) → C Colim ∗ : Fun(J, C ) → C
I J
118 â Gémeaux

des autres choix d’adjoint à droite de cI et respectivement à gauche de cJ , et soit


ϑ∗ une adjonction pour le couple (cI , Lim∗I ) ; la counité ε∗ de ϑ∗ fournit un choix
alternatif de cônes universels (ε∗F
i : Lim∗I F → F i | i ∈ Ob(I)), pour tout foncteur
F : I → C . Suivant l’exercice 2.17(i), il existe un isomorphisme de foncteurs unique

α : Lim∗I → LimI , tel que le diagramme
Nat(cX , F )
ϑ∗X
♥♥♥7 gPPP X
PPPϑF
♥♥♥♥
F
PPP
♥ ♥ PPP
♥♥ h X (αF )
∗ / C (X, LimI F )
C (X, LimI F )
commute pour tout X ∈ Ob(C ) et tout F : I → C . En prenant X := Lim∗I F , il
s’ensuit aisément que ε∗F
i = εF i ◦αF pour tout i ∈ Ob(I) (détails laissés aux soins du
lecteur). De même, l’unité η ∗ d’une adjonction pour le couple (Colim∗J , cJ ) donne
un système alternatif de co-cônes universels (ηj∗G : Gj → Colim∗J G | j ∈ Ob(J))

pour tout G : J → C , et il existe un isomorphisme β : ColimJ → Colim∗J tel que
ηj∗G = βG ◦ ηjG pour tout j ∈ Ob(J). Or, si dans la construction ci-dessus de τ l’on
remplace LimI et ColimJ par ces nouveaux foncteurs, l’on obtiendra une différente
transformation naturelle τ ∗ : Colim∗J ◦L′I → Lim∗I ◦C′′J , caractérisée par les identités :
∗C′′
JF ∗L′I F
◦ τF∗ ◦ ηj ij pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J). L’on conclut que
F
εi = η̃ji ◦ ε̃F
τF = αC′′J F ◦ τF∗ ◦ βL′I F .
De même, si l’on remplace plutôt L′I et C′′J par un autre adjoint à droite L∗′ I de
c′I et respectivement un autre adjoint à gauche C∗′′ J de c ′′
J , la counité ε̃ ∗
(resp.
l’unité η̃ ∗ ) d’une adjonction pour le couple (c′I , L∗′
I ) (resp. (CJ , cJ )) nous donne
∗′′ ′′

des choix alternatives de cônes universels (ε̃i : LI F → F i | i ∈ Ob(I)) (resp.


∗F ∗′ ′

J | j ∈ Ob(J))), et il existe des isomorphismes


co-cônes universels (η̃j∗F : F ′′ j → C∗′′
∗′ ∼ ′ ′′ ∼
de foncteurs γ : LI → LI et µ : CJ → C∗′′ J tels que ε̃i
∗F
i ◦ γF et η̃j
= ε̃F ∗F
= µF ◦ η̃jF
pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J). Si τ : ColimJ ◦ LI → LimI ◦ CJ est la transformation
∗ ∗′ ∗′′

naturelle correspondante, il s’ensuit que


C′′ F L′ F ∗′′ ∗′
η̃j∗F ◦ ε̃∗F
i = µF,i ◦ εi
J
◦ τF ◦ ηj I ◦ γF,j = εCJ F◦ (Lim ′ µF ) ◦ τF ◦ (Colim ′′ γF ) ◦ η LI F
I J

pour tout foncteur F : I × J → C , d’où :


τF∗ = (Lim ′ µF ) ◦ τF ◦ (Colim ′′ γF ).
I J

En tout cas, on voit que tout système alternatif de choix résulte en un nouveau
morphisme τF∗ qui diffère du précédent par composition à droite et à gauche avec des
isomorphismes ; en particulier, τF est un isomorphisme (resp. un monomorphisme,
resp. un épimorphisme) si et seulement si τF∗ jouit de la même propriété.
Partie (ii) : Notons d’abord que – grâce à la remarque 3.59 – la question est
bien posée, i.e. ne dépend pas des choix employés pour la construction de τ . Or,
on considère d’abord le cas où C = Ens ; soit donc
S : I × J → Ens (i, j) 7→ Sij
un foncteur. A tout morphisme f : i → i′ de I et tout j, j ′ ∈ E avec j ′ ≥ j, le
foncteur S associe une application que l’on notera Sf,jj ′ : Sij → Si′ j ′ ; si f = 1i
(resp. si j = j ′ ) on écrira plutôt Si,jj ′ (resp. Sf,j ) pour cette application. Rappelons
que pour tout i ∈ Ob(I) la limite directe du système d’ensembles (Sij | j ∈ E)
indexé `par l’ensemble partiellement ordonné E, est représentable par le quotient
Si′ := ( j∈E Sij )/ ∼ pour la plus petite relation d’équivalence ∼ telle que
(x, j) ∼ (Sijj ′ (x), j ′ ) pour tout j, j ′ ∈ E avec j ′ ≥ j et tout x ∈ Sij .
§ 3.6: Solutions 119

D’autre part, pour tout j ∈ E, la limite du foncteur I → Ens : i 7→ Q Sij est représen-
table par l’ensemble Sj′′ des suites cohérentes (xi | i ∈ Ob(I)) ∈ i∈Ob(I) Sij . Pour
tout j ∈ E, tout i ∈ Ob(I) et tout x ∈ Sij on notera [x, j] ∈ Si′ la classe de (x, j).
Tout morphisme f : i → i′ induit une application Sf′ : Si′ → Si′′ unique telle que
Sf′ [x, j] = [Sf,j x, j] pour tout [x, j] ∈ Si′ . De même, tout j, j ′ ∈ E avec j ′ ≥ j in-
duisent une application Sjj ′′
′ : Sj → Sj ′ telle que Sjj ′ (x• ) = (Si,jj ′ (xi ) | i ∈ Ob(I))
′′ ′′ ′′

pour toute suite cohérente x• := (xi | i ∈ Ob(I)) ∈ Sj′′ , et on notera par [x• , j]
la classe de (x• , j) dans la limite directe S ′′ du système d’ensembles (Sj′′ | j ∈ E)
indexé par E. Soit aussi S ′ la limite du foncteur I → Ens : i 7→ Si′ . Avec cette
notation, la transformation naturelle τS de (i) est l’application
S ′′ → S ′ [x• , j] 7→ ([xi , j] | i ∈ Ob(I)).
Montrons que τS est injective : en effet, soient [x• , j] et [y• , j ′ ] deux éléments de S ′′ ,
et supposons que [xi , j] = [yi , j ′ ] pour tout i ∈ Ob(I) ; comme Ob(I) est un ensemble
fini et E est filtré, il existe alors j ′′ ∈ E tel que j ′′ ≥ j, j ′ et zi := Si,jj ′′ (xi ) =
Si,j ′ j ′′ (yi ) pour tout i ∈ Ob(I). Il s’ensuit que [x• , j] = [z• , j ′′ ] = [y• , j ′ ], d’où
l’assertion. En dernier lieu, montrons que τQ S est surjective : en effet, soit [x• , j• ] :=
([xi , ji ] | i ∈ Ob(I)) une suite cohérente de i∈Ob(I) Si′ ; cela revient à dire que pour
`
tout morphisme f : i → i′ de I on a (Sf,ji (xi ), ji ) ∼ (xi′ , ji′ ). Mais i,i′ ∈Ob(I) I(i, i′ )
est un ensemble fini et E est filtré, donc on peut trouver k ∈ E tel que pour chaque
f : i → i′ on a Si′ ,ji k ◦ Sf,ji (xi ) = Si′ ,ji′ k (xi′ ). Posons yi := Si,ji k (xi ) pour tout
i ∈ Ob(I) ; évidemment [yi , k] = [xi , ji ] pour tout i ∈ Ob(I). D’autre part, on a
Sf,k (yi ) = Sf,k ◦ Si,ji k (xi ) = Si′ ,ji k ◦ Sf,ji (xi ) = yi′ ∀f : i → i′
i.e. la suite y• := (yi | i ∈ Ob(I)) est cohérente, et τS [y• , k] = [x• , j• ].
Ensuite prenons C = A − Mod, et soit F : I × J → A − Mod un foncteur ; on a
déjà remarqué que le foncteur d’oubli Ou : A−Mod → Ens commute avec toute coli-
mite filtrée et toute limite (voir l’exemple 3.26). Il s’ensuit que l’application Ou(τF )
coïncide avec l’application τOu◦F associée au foncteur Ou◦F : I ×J → Ens ; mais on
vient de montrer que cette dernière est une bijection, donc τF est un isomorphisme
de A-modules. Le même raisonnement s’applique pour C = A − Alg.

Exercice 3.38, partie (i) : Si f est un monomorphisme, l’identité f ◦ p1 = f ◦ p2


implique que p1 = p2 , et d’autre part l’on a p1 ◦ ∆Y /X = IdY . Il vient :
p1 ◦ ∆Y /X ◦ p1 = p1 = p1 ◦ IdY ×X Y et p2 ◦ ∆Y /X ◦ p1 = p2 = p2 ◦ IdY ×X Y
d’où ∆Y /X ◦ p1 = IdY ×X Y , car le cône (pi : Y ×X Y → Y | i = 1, 2) est universel.
Cela montre que ∆Y /X est un isomorphisme. Réciproquement, si ∆Y /X est un
isomorphisme, les identités pi ◦ ∆Y /X = IdY pour i = 1, 2 impliquent que p1 = p2 ;
or, si g1 , g2 : Z → Y sont deux morphismes de C tels que f ◦ g1 = f ◦ g2 , il existe un
unique morphisme h : Z → Y ×X Y tel que pi ◦ h = gi pour i = 1, 2, d’où g1 = g2 ,
et cela montre que f est un monomorphisme.
Partie (ii) : Par hypothèse le cône (F pi : F (Y ×X Y ) → F Y | i = 1, 2) est
toujours universel, i.e. F (Y ×X Y ) représente le produit fibré F Y ×F X F Y ; les
identités F pi ◦ F (∆Y /X ) = IdF Y pour i = 1, 2 montrent alors que F (∆Y /Y ) est le
morphisme diagonal ∆F Y /F X . D’après (i), ∆Y /X est un isomorphisme, donc il en
est de même pour ∆F Y /F X , et ainsi F f est un monomorphisme, encore d’après (i).
Partie (iii) : Cela se déduit de (i), par dualité.
Partie (iv) : D’après le lemme 3.33(ii) (resp. d’après la remarque 3.36(ii)), la
catégorie Fun(I, C ) est finiement complète (resp. finement cocomplète) et les fonc-
teurs d’évaluation evi sont exacts (remarque 3.34) ; au vu de (ii) (resp. de l’assertion
duale de (ii)), il s’ensuit que si β est un monomorphisme (resp. un épimorphisme),
il en est de même pour chaque βi . Pour la réciproque, considérons le morphisme
120 â Gémeaux

diagonal ∆F/G de β ; en raisonnant comme dans la preuve de (ii) l’on voit que
evi (∆F/G ) = ∆F i/Gi , le morphisme diagonal de βi , pour tout i ∈ Ob(I), et ce
dernier est un isomorphisme si βi est un monomorphisme, d’après (i). Donc, si tout
βi est un monomorphisme, ∆F/G est un isomorphisme, et alors β est un mono-
morphisme, toujours d’après (i). On raisonne de même si chaque βi est un épimor-
phisme, en invoquant (iii) plutôt que (i).

Problème 3.41, partie (i) : Soient U ∈ T et [s• , U ], [t• , U ′ ] ∈ F + (U ) ; noter que


[s , U ] = [FU ,U ∩U ′ (s• ), U ∩ U ′ ] et de même pour [t• , U ′ ], donc on peut supposer

que U = U ′ . Soit V un recouvrement de U tel que [FU ,U ∧V (s• ), U ∧ V ] =


[FU ,U ∧V (t• ), U ∧ V ] pour tout V ∈ V ; il faut montrer que [s• , U ] = [t• , U ].
L’hypothèse veut dire qu’il existe pour tout V ∈ V un crible UV ⊂ U S∩ V couvrant
V et tel que FU ,UV (s• ) = FU ,UV (t• ). Mais il est clair que V ′ := V ∈V UV est
un crible couvrant U , et il vient FU ,V ′ (s• ) = FU ,V ′ (t• ), d’où l’assertion.
Partie (ii) : Soit U un recouvrement d’une partie ouverte U ⊂ T , et
([sQ,• , UQ ] | Q ∈ U ×T U )
une suite cohérente de sections de F + ; donc [sQ,• , UQ ] ∈ F + (Q) pour tout Q ∈
U ×T U et si Q′ ⊂ Q sont deux éléments de U ×T U , la restriction de [sQ,• , UQ ]

à Q′ coïncide avec [sQ ,• , UQ′ ]. Cela veut dire que UQ est un crible couvrant Q
pour tout Q ∈ U ×T U , et sQ,• est à son tour un élément de FUQ , i.e. une suite
cohérente (sQ,V | V ∈ UQ ) de sections de F . Par hypothèse, pour Q′ ⊂ Q comme
ci-dessus il existe un crible V ⊂ UQ ∩ UQ′ couvrant Q′ tel que

(∗) FUQ ,V (sQ,• ) = FUQ′ ,V (sQ ,• ).
Soit V ∈ UQ ∩ UQ′ ; comme F est séparé par hypothèse, les restrictions induisent
une application injective
Y
F (V ) → F (W ).
W ∈V ∧V

D’autre côté, d’après (∗) il vient sQ,W
= sQ ,W pour tout W ∈ V ∧V ; il s’ensuit que

sQ,V = sQ ,V pour tout V ∈ UQ ∩ UQ′ , et cela pour tout couple S Q′ ⊂ Q d’éléments
de U ×T U . En rappelant que U ⊂ U ×T U , posons U := Q∈U UQ ; évidemment

U ′ est un crible couvrant U . Pour tout V ∈ U ′ choisissons Q ∈ U tel que V ∈ UQ ,


et posons tV := sQ,V ; par ce qui précède, la définition de tV ne dépend pas du choix
de Q, et il est clair que le système (tV | V ∈ U ′ ) est une suite cohérente, i.e. un
élément t• ∈ FU ′ , d’où la section [t• , U ′ ] de F + (U ). Evidemment la restriction de
[t• , U ′ ] à chaque partie ouverte Q ∈ U ×T U coïncide avec [sQ,• , UQ ], et comme
l’on sait déjà d’après (i) que F + est séparé, il existe au plus une section de F + (U )
avec cette propriété, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Soient F un faisceau et G un prefaisceau sur T ; montrons d’abord
que tout morphisme de prefaisceaux φ : G → F est la composition de jG : G → G +
et d’un unique morphisme de prefaisceaux φ∗ : G + → F . Pour cela, en considérant
le diagramme commutatif de prefaisceaux :
φ
G /F
jG jF
 φ+

G+ / F+
−1
on est ramené à vérifier que jF est un isomorphisme, car alors on aura φ∗ = jF ◦φ+ .
Or, pour toute partie ouverte U ⊂ T et tout crible U couvrant U , l’application
F (U ) → FU s 7→ (sV | V ∈ U )
§ 3.6: Solutions 121

est une bijection, car F est un faisceau ; il s’ensuit aisément que toutes les appli-
cations de transitions du système filtré (FU | U ∈ Crib(U )) sont des bijections, et
donc de même pour l’application jF ,U : F (U ) → F + (U ), comme souhaité.
De l’autre côté, (i) et (ii) impliquent que G a est un faisceau, pour tout prefaisceau
G ; il s’ensuit que φ est aussi la composition de uG : G → G a et d’un unique
morphisme de faisceaux φ∗∗ : G a → F . Ainsi, l’on obtient une bijection :

(∗∗) HomTb (G , iT (F )) → HomTe (G a , F ) φ 7→ φ∗∗
dont l’application réciproque est donnée par l’association ψ 7→ ψ ◦ uG . Il reste à
vérifier que (∗∗) est naturelle par rapport aux morphismes de prefaisceaux α : G ′ →
G et aux morphismes de faisceaux β : F → F ′ ; mais pour φ comme ci-dessus,
l’unicité de (φ◦α)∗∗ entraîne aussitôt que (φ◦α)∗∗ = φ∗∗ ◦αa (les détails sont confiés
au lecteur), et de même l’on voit aisément que (β ◦ φ)∗∗ = β ◦ φ∗∗ , d’où l’assertion.
Cela achève de montrer que le système de bijections (∗∗) est une adjonction pour
le couple ((−)a , iT ), et pour tout faisceau F la bijection réciproque associe à IdF
le morphisme uF , i.e. l’association F 7→ uF est bien l’unité de cette adjonction.
Partie (iv) : Par ce qui précède, il reste à montrer que le foncteur (−)a est exact,
et on sait déjà qu’il est exact à droite, car il admet un adjoint à droite (proposition
3.25(ii)). De même, le foncteur d’inclusion iTb : Te → Tb commute avec toute limite de
Te, et comme les limites se calculent terme à terme dans Tb (voir la remarque 3.34),
il s’ensuit qu’il en est de même pour les limites de Te. On est alors ramené à vérifier
que le foncteur (−)+ : Tb → Tb est exact à gauche. Pour cela, soit J une catégorie
finie, et F• : J → Tb un foncteur associant à tout j ∈ Ob(J) un prefaisceau Fj et
à tout morphisme φ : j → j ′ de J un morphisme de prefaisceaux Fφ : Fj → Fj ′ .
D’après le lemme 3.33(i) on a un isomorphisme naturel de catégories :

Fun(J, Tb) → Fun(J × Ouv(T )op , Ens)
qui fait correspondre à F• un foncteur
F : J × Ouv(T )op → Ens (j, U ) 7→ Fj (U ).
Pour tout crible U de T , soit aussi F|U : J × U op → Ens la restriction de F . Avec
cette notation et celle du paragraphe 3.3.1, le prefaisceau
L := Lim ′ F : Ouv(T )op → Ens
J

représente la limite de F• ; explicitement, pour tout U ∈ T , les U -sections de L


sont les données s• := (sj | j ∈ Ob(J)) avec sj ∈ Fj (U ) pour tout j ∈ Ob(J) et
sj ′ = Fφ,U (sj ) pour tout morphisme φ : j → j ′ de J. Le cône universel (cj : L →
Fj | j ∈ Ob(J)) est le système de morphismes tels que cj,U (s• ) = sj pour tout U et
s• comme ci-dessus, et tout j ∈ Ob(J). De même, on a une identification naturelle :

LU → Lim
op
Lim ′ (F|U ) pour tout crible U de T.
U J

D’autre part, on a aussi la bijection naturelle :


′′
 ∼
F (j, U ) := Lim
op
F|U (j) → Fj,U pour tout crible U de T
U

et pour tout morphisme φ : j → j ′ de J, cette bijection identifie l’application



Lim
op
′′
F|U (φ) : F (j, U ) → F (j ′ , U ) avec Fφ,U : Fj,U → Fj ′ ,U .
U

Au vu de la proposition 3.35(i), l’on déduit une identification naturelle :



(∗ ∗ ∗) LU → lim F•,U pour tout crible U de T
J
122 â Gémeaux

où F•,U : J → Ens est le foncteur tel que j 7→ Fj,U et φ 7→ Fφ,U pour tout
j ∈ Ob(J) et tout morphisme φ de J (notation du paragraphe 3.4.1). Considérons
alors pour tout U ∈ T aussi le foncteur
F•• : J × Crib(U )op → Ens (j, U ) 7→ Fj,U
qui associe à tout morphisme φ : j → j ′ de J et toute inclusion U ′ ⊂ U de cribles
couvrant U la composition
Fφ,U Fj′ ,U U ′
Fj,U −−−−→ Fj ′ ,U −−−−−−→ Fj ′ ,U ′ .
Soit d’autre part L• : Crib(U )op → Ens le foncteur tel que : U 7→ LU pour tout
crible U couvrant U , et qui associe à toute inclusion U ′ ⊂ U de cribles couvrant
U l’application LU U ′ : LU → LU ′ (notation du paragraphe 3.4.1). Par inspection
des définitions, l’on voit aisément que les identifications (∗ ∗ ∗) sont compatibles aux
inclusions de cribles U ′ ⊂ U , et l’on obtient ainsi un isomorphisme de foncteurs

L• → Lim ′ F••
J

d’où finalement, compte tenu du problème 3.37(ii), des bijections naturelles :


∼ ∼
L + (U ) → Colimop Lim ′ F•• → Lim Colimop′′ F•• = Lim(F•+ (U )) = (Lim F•+ )(U )
Crib(U) J J Crib(U) J J

avec F•+ := (−)+ ◦ F• : J → Tb. Explicitement, les U -sections de L + sont les


classes d’équivalence des couples (s•• , U ) avec U ∈ Crib(U ) et s•• = (sV• | V ∈ U )
une suite cohérente de sections sV• ∈ L (V ) pour chaque V ∈ U ; à son tour, sV• est
un système de sections sVj ∈ Fj (V ) pour chaque j ∈ Ob(J), tel que Fφ,V (sVj ) = sVj′
pour tout morphisme φ : j → j ′ de J. A une telle classe, la bijection ci-dessus associe
le système s∗,•
• := ([s∗,• ∗,•
j , U ] | j ∈ Ob(J)), où [sj , U ] est la classe d’équivalence
dans Fj+ (U ) du couple (s∗,•
j , U ) avec sj
∗,•
:= (sVj | V ∈ U ), pour tout j ∈ Ob(J).
Cette description montre que ces bijections sont compatibles aux inclusions U ′ ⊂
U de parties ouvertes, et définissent ainsi un isomorphisme de prefaisceaux

ω : L + → Lim F•+ .
J

De plus, le cône universel (c′j : LimJ F•+ → Fj+ | j ∈ Ob(J)) est le système de
morphismes de prefaisceaux tels que c′j,U (s∗,• ∗,• ∗,•
• ) = [sj , U ] pour tout U et s•
comme ci-dessus, et tout j ∈ Ob(J). Il s’ensuit que
c′j ◦ ω = (cj )+ : L + → Fj+ ∀j ∈ Ob(J)
où c• est le cône universel pour L explicité ci-dessus ; cela achève de montrer que
le foncteur (−)+ transforme le cône universel c• en un cône universel c+ • , CQFD.
Partie (v) : Comme la catégorie Ens est complète et cocomplète, il en est de
même pour la catégorie Tb (lemme 3.33(ii) et remarque 3.36(ii)). Ensuite, on a déjà
remarqué que les limites de Te se calculent terme à terme, donc Te est complète.
En dernier lieu, soit F• : I → Te un foncteur ; l’on voit aisément que le faisceau
(colimI iT (F• ))a représente la colimite de F• , et en particulier Te est cocomplète.

Exercice 3.44 : Compte tenu du problème 3.41, il suffit de montrer que fb−1
est exact, et on sait déjà qu’il est exact à droite, car il admet un adjoint à droite
(proposition 3.25(ii)). Soient donc I une catégorie finie, F• : I → Sb un foncteur, et
f −1 F• := fb◦F• : I → Tb ; rappelons que la limite L de F• se calcule terme à terme
(remarque 3.34), i.e. si (πi : L → Fi | i ∈ Ob(I)) est un cône universel, le cône
(πi : L (V ) → Fi (V ) | i ∈ Ob(I)) est universel pour toute partie ouverte V ⊂ S.
Donc L (V ) peut se représenter par l’ensemble des systèmes s• := (si | i ∈ Ob(I))
tels que si ∈ Fi (V ) pour tout i ∈ Ob(I), et si′ = Fφ,V (si ) pour tout morphisme
§ 3.6: Solutions 123

φ : i → i′ de I. Pour toute inclusion V ′ ⊂ V de parties ouvertes de S, la restriction


L (V ) → L (V ′ ) est ainsi complètement déterminée : il s’agit de l’application telle
que : s• 7→ ((si )V ′ | i ∈ Ob(I)) pour tout s• comme ci-dessus. D’après le problème
3.37(ii), on a pour toute partie ouverte U ⊂ T une bijection naturelle :
∼ ∼
ωU : f −1 L (U ) → lim
←−
lim
−→
Fi (V ) → lim(f −1 F• )(U ).
I
i∈Ob(I) V ∈U(f,U)

Explicitement, les U -sections de f −1 L sont les classes d’équivalence [s• , V ] des


couples (s• , V ) avec V ∈ U(f, U ) et s• ∈ L (V ), et ωU associe à une telle classe
le système ([si , V ] | i ∈ Ob(I)), où [si , V ] ∈ (f −1 Fi )(U ) dénote la classe du couple
(si , V ). Cette description implique aisément que l’association : U 7→ ωU pour toute
partie ouverte U ⊂ T , est un isomorphisme de prefaisceaux

ω : f −1 L → lim f −1 F• .
I

De plus, ω identifie le cône (f πi : f L → f −1 Fi | i ∈ Ob(I)) avec le cône


−1 −1

universel naturel pour la limite de f −1 F• , d’où l’assertion.

Exercice 3.46, partie (i) : Soit U ⊂ T une partie ouverte et s ∈ F (U ). Par


hypothèse on a φt ([s, U ]) = ψt ([s, U ]) pour tout t ∈ U , où – comme d’habitude –
l’on dénote par [s, U ] la classe de s dans Ft . D’après l’exercice 3.12(i), cela veut
dire que tout t ∈ U admet un voisinage ouvert Ut ⊂ U tel que φUt (sUt ) = ψUt (sUt ),
i.e. (φU (s))Ut = (ψU (s))Ut . Comme F et G sont séparés, il vient φU (s) = ψU (s),
d’où l’assertion.
Partie (ii) : On est ramené aussitôt à montrer que la transformation naturelle

jF : F → F + (notation du paragraphe 3.4.1) induit une bijection jF ,t : Ft → Ft+ .
+ +
Or, tout élément st de Ft est la classe d’équivalence d’un couple ([s , U ], U ) avec

U un voisinage ouvert de t dans T et [s• , U ] ∈ F + (U ) étant à son tour la classe


d’équivalence du couple consistant d’un crible U couvrant U et d’une suite cohé-
rente s• := (sV | V ∈ U ) de sections de F . Choisissons V ∈ U avec t ∈ V , et soit
st := [sV , V ] ∈ Ft ; il vient jF ,t (st ) = s+ t , d’où la surjectivité de jF ,t . Ensuite,
soient st , s′t ∈ Ft tels que jF ,t (st ) = jF ,t (s′t ) ; on trouve un voisinage ouvert U
de t dans T et s, s′ ∈ F (U ) avec st = [s, U ] et s′t = [s′ , U ]. Ainsi, jF ,t (st ) est la
classe du couple ([s∗• , T ∧ U ], U ), avec s∗• := (sV | V ∈ T ∧ U ), et de même pour
jF ,t (s′t ). L’hypothèse revient à dire qu’il existe un voisinage U ′ ⊂ U de t tel que les
classes [s∗• , T ∧ U ] et [s′∗
• , T ∧ U ] ont la même image dans F (U ). Cela veut dire
+ ′

qu’il existe un crible U de T couvrant U tel que sV = sV pour tout V ∈ U , d’où


′ ′

finalement st = s′t et cela achève de montrer l’injectivité de jF ,t .

Exercice 3.48, partie (i) : Evidemment f ◦ jt = jf (t) , avec la notation du para-


graphe 3.4.3 ; au vu de la remarque 3.45, l’on déduit un isomorphisme canonique

t −1 ◦ fb−1 → b
de foncteurs b f (t) −1 , d’où l’isomorphisme souhaité :

(∗) (−)t ◦ fb−1 = Γ ◦ b
t −1 ◦ fb−1 → Γ ◦ b
f (t) −1 = (−)f (t) .
La construction explicite de la remarque 3.45 fournit la description suivante de (∗).
Rappelons que tout élément de (f −1 G )t est la classe d’équivalence – qu’on notera
ici par [σ, U ]t – d’un couple (σ, U ) tel que U ⊂ T est un voisinage ouvert de t, et
σ ∈ f −1 G (U ) ; à son tour, σ = [s, V ]f est la classe d’équivalence d’un couple (s, V )
tel que V ∈ U(f, U ) et s ∈ G (V ). L’isomorphisme (∗) est alors l’application :
[[s, V ]f , U ]t 7→ [s, V ]f (t)
où [s, V ]f (t) dénote analoguement la classe dans Gf (t) du couple (s, V ).
124 â Gémeaux

Partie (ii) : D’après la remarque 3.45, l’on a un isomorphisme naturel de pre-


∼ \ −1
b−1 ◦ gb−1 H →
bf,g
faisceaux γ H :f (g ◦ f ) H , d’où un isomorphisme de faisceaux
∼ ^ −1
b−1 ◦ gb−1 H )a →
γ f,g
(b a
H ) : (f (g ◦ f ) H .
De l’autre côté, l’unité d’adjonction ubg−1 F : gb−1 H → ge−1 H du problème 3.41(iv)
induit un morphisme naturel de faisceaux
τH : (fb−1 ◦ ubg−1 H )a : (fb−1 ◦ b
g−1 H )a → fe−1 ◦ ge−1 H .
Vérifions que τH est un isomorphisme ; on considère le diagramme commutatif
fb−1 (ugb−1 H )
fb−1 ◦ gb−1 H / fb−1 ◦ e
g −1 H
D : ufb−1 ◦b
g−1 H
ufb−1 ◦e
g−1 H
 
τH
(fb−1 ◦ b
g−1 H )a / fe−1 ◦ ge−1 H .

Pour tout t ∈ T , en prenant terme à terme la fibre au point t dans le diagramme D,


l’on obtient un diagramme commutatif d’ensembles Dt dont les flèches verticales
sont des bijections (exercice 3.46(ii)) ; au vu du théorème 3.47(ii) on est alors ramené
à montrer que (fb−1 ◦ ubg−1 H )t : (fb−1 ◦ gb−1 H )t → (fb−1 ◦ ge−1 H )t est une bijection.
Mais d’après (i), cette application est naturellement identifiée avec (ubg −1 H )f (t) :
g −1 H )t → (e
(b g −1 H )f (t) , d’où l’assertion, par l’exercice 3.46(ii).
Il reste à vérifier la commutativité du diagramme (†). Pour cela, on considère
le diagramme suivant, où l’on a dénoté indifférement par u tous les morphismes
fournis par l’unité d’adjonction du problème 3.41(iv) :
(τH )−1 γ f,g
(b )a
(fe−1 e
g−1 H )t
t
/ (fb−1 gb−1 H )at H t
^
/ ((g ◦ f )−1 H )t

u−1
t u−1
t u−1
t
  
(fb−1 u)t γ f,g
(b H )t
(fb−1 e
g−1 H )t / (fb−1 gb−1 H )t \
/ ((g ◦ f )−1 H )t
t t t
ω
bf,eg −1 H
ω
bf,bg −1 H
ω
bg◦f,H
 u−1
f (t)
 ω
f (t)
bg,H 
g −1 H )f (t)
(e g −1 H )f (t)
/ (b / Hgf (t) .

Par construction, la composition des deux flèches horizontal en haut donne (e γ f,g
H )t ,
et celle des deux flèches verticales à droite donne ω e g◦f,H . De même, la composi-
t

tion des deux flèches verticales à gauche donne ω e tf,eg −1 H , et celle des deux flèches
f (t)
horizontales en bas donne ω e g,H . De plus, les deux sous-diagrammes carrés en haut
commutent par construction, et de même pour le carré en bas à gauche. Il suffit
donc de montrer la commutativité du sous-diagramme carré à droite ; mais cela
résulte aussitôt des descriptions explicites des bijections ω bf,g
b ••,• et γ H fournies par (i)
et par la remarque 3.45 : les détails seront confiés aux soins du lecteur. En dernier
lieu, compte tenu de l’exercice 3.46(i), il est clair que la commutativité de (†) pour
tout t ∈ T détermine l’isomorphisme γ ef,g
H .

Exercice 3.49, partie (i) : Soit (ηj : L → F ′′ j | j ∈ Ob(J)) un cône universel ; le


morphisme Lf est caractérisé par les identites : ηj,i′ ◦Lf = (F ′′ j)(f )◦ηj,i = 0L,F (i′ ,j)
pour tout (i, j) ∈ Ob(I × J). Mais 0Li,Li′ vérifie ces identités, donc Lf = 0Li,Li′ .
Partie (ii) : Remarquons d’abord, plus généralement :
Lemme 3.60. Soient I et C deux catégories, B une sous-catégorie pleine de C , et
F : I → B un foncteur. Notons par i : B → C le foncteur d’inclusion, et supposons
§ 3.6: Solutions 125

que la limite de i ◦ F soit représentable par un objet L de B. Alors L représente


aussi la limite de F , et i commute avec la limite de F .
Démonstration. (Evidemment, i est défini par i(X) := X et i(f ) := f pour tout
X ∈ Ob(B) et tout morphisme f de B). En effet, soit (ηi : L → F i | i ∈ Ob(I)) un
cône universel ; comme B est une sous-catégorie pleine, chaque ηi est un morphisme
de B, et on voit aussitôt que η• est un cône universel pour la limite de F . 
Soit maintenant F : J → C(A) un foncteur ; comme Fun(CZ , A − Mod) est com-
plète, la limite de i ◦ F est représentée par un foncteur L : CZ → A − Mod, et au vu
du lemme 3.60, on est ramené à vérifier que L ∈ Ob(C(A)). Or, pour tout n ∈ Z,
notons par φn l’unique élément de CZ (n, n + 2) ; notre foncteur i ◦ F est de la forme
G′′ pour un foncteur G : CZ × J → A − Mod tel que (G′′ j)(φn ) = 0 pour tout
j ∈ Ob(J) et tout n ∈ Z. Grâce à (i), il vient L(φn ) = 0 pour tout n ∈ Z, d’où
l’assertion. On raisonne de même pour montrer que C(A) est cocomplète, à l’aide
du dual de (i) et du dual du lemme ci-dessus.

Exercice 3.51 : Soit (Tλ := (Mλ , Nλ , fλ ) | λ ∈ Λ) un système de Morph(A − Mod)


indexé par l’ensemble partiellement ordonné filtré (Λ, ≤), et T := (M, N, f ) une
colimite de ce système ; un co-cône universel (ηλ : Tλ → T | λ ∈ Λ) pour cette
colimite est alors la donnée d’un système de diagrammes commutatifs
M
ηλ
Mλ /M
fλ f ∀λ ∈ Λ.
 N
ηλ 
Nλ /N
Notons aussi par ιλ : Ker fλ → Mλ et ι : Ker f → M les monomorphismes cano-
niques, soit K une colimite du système de A-modules (Ker(Tλ ) = Ker fλ | λ ∈ Λ),
et (η K
λ : Ker fλ → K | λ ∈ Λ) un co-cône universel ; selon le problème 3.37(ii), il
existe un isomorphisme unique de A-modules

τ : K → Ker f tel que ι ◦ τ ◦ ηλK = ηλM ◦ ιλ ∀λ ∈ Λ.
D’autre part, pour tout λ ∈ Λ le morphisme Ker(ηλ ) : Ker fλ → Ker f vérifie
l’identité ι ◦ Ker(ηλ ) = ηλM ◦ ιλ . Comme ι est un monomorphisme, il vient
Ker(ηλ ) = τ ◦ ηλM ∀λ ∈ Λ.
En dernier lieu, notons que le co-cône | λ ∈ Λ) est aussi universel, car les co-
(ηλM
limites de Morph(A − Mod) se calculent terme à terme ; on conclut que le co-cône
(Ker(ηλ ) | λ ∈ Λ) est universel, CQFD.

Exercice 3.54 : On voit aisément que φ2 se restreint en un isomorphisme



Im(dM,1 ) → Im(dN,1 )
donc induit un isomorphisme M2′ := Coker(dM,1 ) → N2′ := Coker(dN,1 ), et dM,2 et
dN,2 se factorisent à travers M2′ et N2′ respectivement. Quitte à remplacer M2 et N2
respectivement par M2′ et N2′ , on peut donc supposer du début que M1 = N1 = 0.
De même, on voit aisément que φ4 se restreint en un isomorphisme

M4′ := Ker(dM,4 ) → N4′ := Ker(dN,4 )
et les images de dM,3 et dN,3 sont contenues dans M4′ et N4′ respectivement. Quitte
à remplacer M4 et N4 par M4′ et N4′ , on peut donc aussi supposer que M5 = N5 = 0.
Or, l’assertion se déduit de la suite exacte suivante, fournie par le lemme du serpent :
0 → Ker(dM,3 ) → 0 → 0 → Coker(dM,3 ) → 0.
126 â Gémeaux

Exercice 3.55, partie (i) : On peut raisonner comme dans la remarque 2.61(vi) ;
les détails sont laissés aux soins du lecteur.
Partie (ii) : Dans l’exemple 3.3(iii), on a vu que la limite inverse du système
projectif M• est le sous-module des suites cohérentes de M∞ . Par ce qui précède,
on voit aisément qu’un élément (xn | n ∈ N) ∈ M∞ est une suite cohérente si et
seulement si gn (xn+1 ) = xn pour toutQ n ∈ N, d’où l’assertion.
Q
Partie (iii) : On pose M∞ ′
:= n∈N Mn′ et M∞ ′′
:= n∈N Mn′′ , et on définit
les endomorphismes correspondantes t′ et t′′ de ces modules comme dans (ii) ; les
systèmes d’applications A-linéaires f• et h• font commuter les diagrammes
fn+1 hn+1

/ Mn+1 / Mn+1 ′′
/ Mn+1 /0
0
(†) ′
gn gn ′′
gn
 fn  hn

0 / Mn′ / Mn / Mn′′ /0

pour tout n ∈ N ; on en déduit un diagramme commutatif


′ f∞ h∞ ′′
0 / M∞ / M∞ / M∞ /0
(††) t′ t t′′
 f∞  h∞

/ M∞ ′ / M∞ / M∞ ′′ / 0.
0
Q
avec f∞ := n∈∞ fn et pareil pour h∞ . Par hypothèse, les lignes des diagrammes
(†) sont tous exactes, donc aussi les lignes de (††) le sont. Dans cette situation, le
lemme du serpent nous donne une suite exacte
0 → Ker t′ → Ker t → Ker t′′ → Coker t′ .
Compte tenu de la partie (ii), on en déduit une suite exacte
(† † †) 0 → lim
←−
Mn′ → lim
←−
Mn → lim
←−
Mn′′ → Coker t′
n∈Nop n∈Nop n∈Nop

et une inspection directe des constructions montre aisément que le segment initial
de cette dernière coïncide avec la suite (∗), d’où l’assertion.
Partie (iv) : Au vu de la suite († † †), il suffit de montrer que t′ est surjectif,
si les homomorphismes gn′ sont tous surjectifs. Soit donc (xn | n ∈ N) ∈ M∞ ′
un
élément ; il faut exhiber une suite (yn | n ∈ N) ∈ M∞ ′
telle que yn − gn (yn+1 ) = xn
pour tout n ∈ N. On construit les yn par récurrence sur n : pour n = 0 on pose
y0 := 0 ; ensuite, si n ≥ 0 et on a déjà l’élément yn , on remarque que l’équation
gn (z) = yn −xn admet une solution z ∈ M ′ , car gn est surjectif, et on pose yn+1 := z.

Exercice 3.56, partie (i) : Par hypothèse, il existe n, m ∈ N et des applications A-


linéaires surjectives φ′ : An → M ′ , φ′′ : Am → M ′′ . Soit e′1 , . . . , e′n (resp. e′′1 , . . . , e′′m )
la base canonique de An resp. de Am , et pour tout i = 1, . . . , m choisissons mi ∈ M
tel que g(mi ) = φ′′ (e′′i ). On considère l’application A-linéaire φ : An ⊕ Am → M
telle que φ(e′i ) = f ◦ φ′ (e′i ) pour i = 1, . . . , n et φ(e′′j ) = mj pour j = 1, . . . , m ; avec
cette notation, on obtient un diagramme commutatif de A-modules dont les lignes
horizontales sont des suites exactes courtes :
i p
0 / An / An ⊕ Am / Am /0
′ ′′
φ φ φ
 f  g

0 / M′ /M / M ′′ /0
et où i et p sont respectivement l’injection et la projection canoniques. Or, le lemme
du serpent nous donne la suite exacte Coker φ′ = 0 → Coker φ → Coker φ′′ = 0, qui
montre que φ est surjective, d’où l’assertion.
§ 3.6: Solutions 127

Partie (ii) : Reprenons la notation de la partie (i) ci-dessus ; par hypothèse, on


peut choisir φ′ et φ′′ tels que Ker φ′ et Ker φ′′ soient de A-modules de type fini. Or,
le lemme du serpent nous donne aussi la suite exacte
0 → Ker φ′ → Ker φ → Ker φ′′ → Coker φ′ = 0.
Compte tenu de la partie (i), il s’ensuit que Ker φ est de type fini, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Par hypothèse, il existe n ∈ N et une application A-linéaire sur-
jective φ : An → M dont le noyau est un A-module de type fini. On peut alors
trouver un sous-module N ⊂ An de type fini, tel que φ(N ) = M ′ ; on en déduit un

isomorphisme M ′′ → An /(N + Ker φ), d’où l’assertion.
Partie (iv) : Soit φ′′ : Am → M ′′ une application A-linéaire avec noyau de type
fini ; comme dans (i), on relève φ′′ en une application A-linéaire φ : Am → M , et
on obtient un diagramme commutatif à lignes horizontales exactes courtes :
0 /0 / Am Am /0
φ φ′′
 f  g

0 / M′ /M / M ′′ / 0.
Grâce au lemme du serpent, on en déduit une suite exacte
0 → (Ker φ′′ )/(Ker φ) → M ′ → Coker φ → 0
d’où l’assertion, compte tenu de la partie (i).

Exercice 3.57 : Soit ((Mλ,• , dM


• ) | λ ∈ Λ) un système de complexes de A-modules
λ

indexé par un ensemble partiellement ordonné filtré (Λ, ≤), notons par (L• , dL • ) la
limite directe de ce système, par H la limite directe du système (Hi (Mλ,• ) | λ ∈ Λ)
et soient (ηλ,• : Mλ,• → L• | λ ∈ Λ) et (γλ : Hi (Mλ,• ) → H | λ ∈ Λ) des co-cônes
universels ; l’assertion concernant Hi revient à exhiber un isomorphisme

ω : H → Hi (L• ) tel que ω ◦ γλ = Hi (ηλ,• ) ∀λ ∈ Λ.
On peut construire un tel isomorphisme comme suit. Rappelons que H est (iso-
morphe à) l’ensemble des classes d’équivalences [a, λ] des couples (a, λ), avec λ ∈ Λ
et a ∈ Hi (Mλ,• ) : voir l’exercice 3.12(iii) ; on pose ω([a, λ]) := Hi (ηλ,• (a)). On
doit vérifier que cette association donne une application A-linéaire bien définie,
et en montrer la bijectivité ; ces vérifications ne présentent pas de difficultés, et
on laissera au lecteur le soin de développer cet argument. On propose plutôt une
preuve d’esprit plus catégorielle, valable dans toute catégorie abélienne C dont
les noyaux commutent avec les colimites filtrées. Fixons i ∈ Z. On vérifie d’abord
que le foncteur Zi commute avec les colimites filtrées ; pour cela, on considère le
foncteur τ : C(A) → Morph(A − Mod) qui associe à tout complexe de A-modules
• ) l’objet (Mi , Mi+1 , di ) de Morph(A − Mod), et à tout morphisme de com-
(M• , dM
plexes φ• : (M• , dM
• ) → (N• , d• ) le diagramme
N

φi
Mi / Ni
dM
i dN
i
 φi+1 
Mi+1 / Ni+1 .

Evidemment, Zi est la composition


τ Ker
C(A) −→ Morph(A − Mod) −−→ A − Mod.
Mais il est clair que τ commute avec toute colimite (et en fait, avec toute limite)
de C(A), car ces dernières se calculent terme à terme ; d’autre part, on a vu aussi
que Ker commute avec les colimites filtrées (exercice 3.51), d’où l’assertion.
128 â Gémeaux

Ensuite, le différentiel dM i−1 : Mi−1 → Mi de tout complexe de A-modules


(M• , d• ) se factorise à travers une application A-linéaire dM : Mi−1 → Zi (M• ), et
M

tout morphisme φ• : M• → N• fait commuter le diagramme


φi−1
Mi−1 / Ni−1
(∗) dM dN
 Zi (φ• ) 
Zi (M• ) / Zi (N• ).

L’on obtient ainsi un foncteur


d : C(A) → Morph(A − Mod) (M• , d• ) 7→ dM
qui associe à tout morphisme de complexes φ• : M• → N• le diagramme (∗). Avec
cette notation, on voit aussitôt que Hi est la composition
d Coker
C(A) −→ Morph(A − Mod) −−−−→ A − Mod.
On sait déjà que Coker commute avec toute colimite (remarque 3.50(ii)), donc
on est ramené à vérifier que d commute avec les colimites filtrées. Or, soient
• ) | λ ∈ Λ), (L• , d• ) et (ηλ,• : Mλ,• → L• | λ ∈ Λ) comme ci-dessus ;
((Mλ,• , dMλ L

on déduit un système de diagrammes commutatifs


ηλ,i−1
Mλ,i−1 / Li−1

dMλ dL ∀λ ∈ Λ.
 Zi (ηλ,• ) 
Zi (Mλ,• ) / Zi (L• )

Noter que le co-cône (ηλ,i−1 | λ ∈ Λ) est universel, car les colimites de C(A) se
calculent terme à terme ; le co-cône (Zi (ηλ,• ) | λ ∈ Λ) est universel à son tour,
car on vient de voir que Zi commute avec les colimites filtrées. Il s’ensuit que la
commutativité de ces diagrammes détermine dL , et l’identifie avec la colimite du
système de morphismes (dMλ | λ ∈ Λ). L’objet d(L• ) de Morph(A−Mod) est alors la
colimite de (d(Mλ,• ) | λ ∈ Λ), et (d(ηλ,• ) | λ ∈ Λ) est un co-cône universel, CQFD.
4. Cancer ã

Cette leçon introduit le produit tensoriel, qui – avec les sommes et les produits
directs et les foncteurs Hom – complète la liste des opérations fondamentales de l’al-
gèbre linéaire sur les anneaux généraux. Son importance ne peut pas surprendre, car
il intervient de droit dans toute question où il s’agit d’applications multilinéaires :
on l’appliquera notablement pour construire les foncteurs d’extension des scalaires
(section 4.2) et pour fournir une description alternative des coproduits finis dans
les catégories d’algèbres (section 4.3). Après un court interlude autour du lemme
de Nakayama et ses premiers corollaires, on se penche ensuite sur le concept de
platitude pour modules et algèbres, dont la définition est plutôt abstraite et peut
paraître opaque ; mais parmi les nombreux critères équivalents, deux en particulier
nous permettent d’esquisser un tableau général assez satisfaisant : d’un côté, par le
théorème 4.65 de Lazard, tout module plat est une limite directe filtrée de modules
libres ; de l’autre côté, on verra dans la leçon suivante que les modules plats de
présentation finie sont facteurs directs de modules libres (de rang fini). Réciproque-
ment, les facteurs directs de modules plats et les limites directes filtrées de modules
plats sont encore plats. Pour les algèbres, la situation est plus complexe et variée :
les premiers exemples d’algèbres plates que l’on rencontrera sont les localisations
et les algèbres de polynômes, mais il y en a d’autres : notamment les complétions
adiques des anneaux noethériens, que l’on étudiera dans la leçon 10. D’un point de
vue géométrique, les homomorphismes plats f : A → B d’anneaux sont distingués
par plusieurs propriétés remarquables : premièrement, l’application induite Spec f
est générisante, et même ouverte si f est de présentation finie. Deuxièmement, un
thème importante de la géométrie algébrique est l’étude des relations entre les pro-
priétés de Spec A, de Spec B et des fibres de Spec f : dans ces questions, la platitude
de f joue un rôle primordial : par exemple, on verra dans les leçons suivantes que si
f est un homomorphisme plat et local d’anneaux locaux noethériens, la dimension
de Spec B est la somme des dimensions de Spec A et de la fibre (Spec f )−1 (m) au
dessus du point fermé m ∈ Spec A ; plus généralement, sous les mêmes hypothèses,
le quatrième chapitre du traité [8] contient une longue liste d’attributs géométriques
(tels que la régularité, la normalité, la propriété de Cohen-Macaulay . . . ) qui sont
hérités par B, pourvu qu’ils soient valables pour A et pour la fibre fermée de Spec f .
En dernier lieu, la platitude intervient dans la plupart des problèmes de descente,
i.e. quand on cherche à déduire des propriétés d’un A-module M ou d’une A-algèbre
C, lorsqu’on a déjà prouvé les mêmes propriétés après le changement de base plat
A → B, c’est à dire pour le B-module B ⊗A M ou la B-algèbre B ⊗A C.

4.1. Produit tensoriel de modules. Le produit tensoriel de A-modules est une


solution universelle pour un certain problème de factorisation d’applications. Afin
d’énoncer ce problème, rappelons d’abord :
130 ã Cancer

Définition 4.1. Soit A un anneau, k ∈ N un entier non nul, M1 , . . . , Mk , P une


suite de A-modules. Une application
β : M1 × · · · × Mk → P
est dite A-multilinéaire si elle satisfait la condition suivante. Pour tout élément
(m1 , . . . , mk ) ∈ M1 × · · · × Mk et tout i ∈ {1, . . . , k}, l’application
Mi → P x 7→ β(m1 , . . . , mi−1 , x, mi+1 , . . . , mk )
est A-linéaire. On notera
LA (M1 × · · · × Mk , P )
l’ensemble des applications A-multilinéaires M1 × · · · × Mk → P . Pour k = 2, une
application A-multilinéaire M1 × M2 → P est aussi appelée A-bilinéaire.
Dans la situation de la définition 4.1, notons que si β : M1 × · · ·× Mk → P est A-
multilinéaire, et f : P → P ′ est un homomorphisme de A-modules, la composition
f ◦ β : M1 × · · · × Mk → P ′ est A-multilinéaire ; l’on obtient ainsi une application
LA (M1 ×· · ·×Mk , f ) : LA (M1 ×· · ·×Mk , P ) → LA (M1 ×· · ·×Mk , P ′ ) β 7→ f ◦β
d’où un foncteur bien défini :
LA (M1 × · · · × Mk , −) : A − Mod → Ens.
On a alors la proposition suivante :
Proposition 4.2. Soit A un anneau, M, N deux A-modules quelconques. Le fonc-
teur LA (M × N, −) est représentable, i.e. il existe un A-module M ⊗A N appelé le
produit tensoriel de M et N , et une application A-bilinéaire
ω : M × N → M ⊗A N
tels que pour tout A-module P et toute application A-bilinéaire β : M × N → P ,
on a une application A-linéaire unique β̄ : M ⊗A N → P qui fait commuter le
diagramme
β
M ×N /P
✉:

(∗) ω ✉
✉ β̄
 ✉
M ⊗A N.

Démonstration. On considère le A-module libre T := A(M×N ) et sa base canonique


(em,n | m ∈ M, n ∈ N ).
Soit S ⊂ T le A-sous-module engendré par les elements des quatre types suivants :
em+m′ ,n − em,n − em′ ,n a · em,n − eam,n
em,n+n′ − em,n − em,n′ a · em,n − em,an
pour tous m, m′ ∈ M , n, n′ ∈ N et a ∈ A. On pose
M ⊗A N := T /S
et on note m ⊗ n la classe de em,n dans M ⊗A N , pour tout m ∈ M et n ∈ N . On
considère l’application
ω : M × N → M ⊗A N (m, n) 7→ m ⊗ n.
On voit immédiatement que ω est A-bilinéaire. Maintenant, si β : M × N → P est
A-bilinéaire, soit β̃ : T → P l’unique application A-linéaire telle que
β̃(em,n ) := β(m, n) ∀(m, n) ∈ M × N.
§ 4.1: Produit tensoriel de modules 131

La bilinéairité de β implique aisément que β̃(S) = 0, donc β̃ se factorise de façon


unique à travers une application A-linéaire β̄ : M ⊗A N → P , et par construction,
on voit immédiatement que
β̄(m ⊗ n) = β(m, n) ∀(m, n) ∈ M × N
et le diagramme (∗) commute. De plus, comme l’image de ω engendre le A-module
M ⊗A N , on voit que β̄ est l’unique application A-linéaire qui fait commuter (∗). 
Remarque 4.3. (i) Soient M1 , . . . , Mk et P comme dans la définition 4.1 ; On voit
aisément que L (M1 × · · · × Mk , P ) est un A-sous-module du A-module P M1 ×···×Mk
(voir l’exemple 1.5(iii)) et par la suite on le munira de la structure de A-module
hérité par ce dernier. De plus, pour tout homomorphisme f : P → P ′ de A-modules,
l’application induite LA (M1 ×· · ·×Mk , f ) est A-linéaire, et LA (M1 ×· · ·×Mk , −) se
relève ainsi en un foncteur bien défini de la catégorie des A-modules dans elle-même.
(ii) La proposition 4.2 nous donne une bijection naturelle :

HomA (M ⊗A N, P ) → LA (M × N, P ) f 7→ f ◦ ω
et on voit aisément que cette bijection est même un isomorphisme de A-modules,
avec la structure de A-module sur LA (M ×N, P ) donnée par (i), et avec la structure
standard de A-module de HomA (M ⊗A N, P ) rappelée au paragraphe 3.1.
(iii) On a aussi un important isomorphisme de A-modules :

φM• ,P : LA (M1 × · · · × Mk , P ) → LA (M1 × · · · × Mk−1 , HomA (Mk , P )).
En fait, soit β : M1 × · · · × Mk → P une application A-multilinéaire ; pour tout
m• := (m1 , . . . , mk−1 ) ∈ M1 × · · · × Mk−1 on obtient une application A-linéaire
βm • : M k → P x 7→ β(m1 , . . . , mk−1 , x)
d’où une application A-multilinéaire
β• : M1 × · · · × Mk−1 → HomA (Mk , P ) m• 7→ βm•
et on voit aisément que l’application φM• ,P qui associe à chaque tel β l’application
β• est à son tour A-linéaire. Son inverse envoit toute application A-multilinéaire
f : M1 × · · · × Mk−1 → HomA (Mk , P ) sur l’application A-multilinéaire
βf : M 1 × · · · × M k → P (m1 , . . . , mk ) 7→ f (m1 , . . . , mk−1 )(mk ).
(iv) Pour k = 2 et M• = (M, N ), la composition des isomorphismes de (ii) et
(iii) ci-dessus est donc un isomorphisme naturel

λM,N,P : HomA (M ⊗A N, P ) → HomA (M, HomA (N, P ))
pour tout A-module M, N, P . Explicitement, il s’agit de l’application qui associe à
tout homomorphisme f : M ⊗A N → P de A-modules, l’homomorphisme f ′ : M →
HomA (N, P ) tel que f ′ (m)(n) = f (m ⊗ n) pour tout m ∈ M , n ∈ N .
(v) Soient f : M → M ′ et g : N → N ′ deux applications A-linéaires. On déduit
une application A-linéaire
f ⊗A g : M ⊗A N → M ′ ⊗A N ′ m ⊗ n 7→ f (m) ⊗ g(n).
A savoir, soit ω : M ×N → M ⊗A N l’application A-bilinéaire universelle fournie
′ ′ ′ ′ ′

par la proposition 4.2 ; la composition ω ′ ◦ (f × g) : M × N → M ′ ⊗A N ′ est aussi


A-bilinéaire, donc on peut définir f ⊗A g comme l’unique application A-linéaire qui
fait commuter le diagramme
f ×g
M ×N / M′ × N′

ω ω′
 f ⊗A g

M ⊗A N / M ′ ⊗A N ′ .
132 ã Cancer

Cette définition illustre l’utilité de la propriété universelle : elle nous permet de


montrer l’existence d’applications linéaires sans avoir à les construire explicitement.
Pour apprecier cette commodité, on peut remarquer qu’un élément typique x de
Pk
M ⊗A N s’écrit en général comme une somme finie x = i=1 mi ⊗ ni d’un nombre
arbitraire k de tenseurs élémentaires mi ⊗ ni , et ni cette écriture, ni le nombre k
de termes sont détérminés de façon unique par x. Donc, si on songeait à définir
directement une application A-linéaire sur M ⊗A N , par une formule qui explicite
ses valeurs sur tout x ∈ M ⊗A N , on se heurterait à des complications, dues à
la nécéssité de vérifier que la définition proposée ne dépend pas de l’écriture de x
comme somme de tenseurs élémentaires. Si on invoque la propriété universelle, on
est par contre assuré a priori de l’existence de l’application cherchée, et on pourra
a posteriori même l’expliciter par une formule concrète, une fois qu’on l’a exhibée
par cette méthode plus abstraite.
(vi) Si f et g comme dans (v) ci-dessus sont surjectifs, on voit aisément que
f ⊗A g est aussi surjectif, car M ′ ⊗A N ′ est engendré par ses tenseurs élémentaires.
Par contre, l’injectivité de f et g n’assure pas, en général, celle de f ⊗A g.
Exemple 4.4. Prenons A := Z, M = M ′ = Z, N = N ′ = Z/2Z, f := 2 · IdM et
g := IdN . On peut calculer :
f ⊗A g(1 ⊗ 1̄) = 2 ⊗ 1̄ = 2 · (1 ⊗ 1̄) = 1 ⊗ (2 · 1̄) = 1 ⊗ 0 = 0 · (1 ⊗ 0) = 0
où 1̄ ∈ Z/2Z dénote la classe de 1. D’autre part, on a une application A-bilinéaire
non nulle β : Z × Z/2Z → Z/2Z, à savoir la multiplication scalaire du Z-module
Z/2Z, et évidemment β(1 ⊗ 1̄) = 1̄ 6= 0, donc on a forcément 0 6= ω(1, 1̄) = 1 ⊗ 1̄,
ce qui montre que f ⊗A g n’est pas injective.
Exercice 4.5. (i) Soit A un anneau, et des homomorphismes de A-modules
f f′ g g′
→ M ′ −→ M ′′
M− → N ′ −→ N ′′ .
N−
Montrer que (f ′ ◦ f ) ⊗A (g ′ ◦ g) = (f ′ ⊗A g ′ ) ◦ (f ⊗A g).
(ii) Montrer que pour tout A-module M il existe un unique isomorphisme de
A-modules

A ⊗A M → M tel que a ⊗ m 7→ am ∀a ∈ A, ∀m ∈ M.
(iii) Pour toute famille (Mλ | λ ∈ Λ) et (Mλ′ ′ | λ ∈ Λ′ ) de A-modules, exhiber

un isomorphisme naturel
M  M  M

Mλ ⊗A Mλ′ ′ → Mλ ⊗A Mλ′ ′
λ∈Λ λ′ ∈Λ′ (λ,λ′ )∈Λ×Λ′

tel que ′ ′ ′
L(mλ | λ ∈ Λ) ⊗ (m′λ′ | λL ∈ Λ ) 7→ (mλ ⊗ m′λ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ) pour tout
m• ∈ λ∈Λ Mλ et tout m• ∈ λ′ ∈Λ′ Mλ′ . En particulier, on a l’isomorphisme :

′ ∼ ′
A(Λ) ⊗A A(Λ ) → A(Λ×Λ ) eλ ⊗ eλ′ 7→ e(λ,λ′ )

où (eλ | λ ∈ Λ) et (eλ′ | λ′ ∈ Λ′ ) sont les bases canoniques de A(Λ) et A(Λ ) .
(iv) Montrer que pour tout A-modules M, M ′ , M ′′ on a des isomorphismes
naturels de A-modules :

— M ⊗A M ′ → M ′ ⊗A M tel que m ⊗ m′ 7→ m′ ⊗ m pour tout m ∈ M, m′ ∈ M ′ .

— (M ⊗A M ′ )⊗A M ′′ → M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ ) tel que (m⊗m′ )⊗m′′ 7→ m⊗(m′ ⊗m′′ )
pour tout m ∈ M, m′ ∈ M ′ , m′′ ∈ M ′′ .
Remarque 4.6. (i) Le dernier isomorphisme canonique de l’exercice 4.5(iv) exprime
l’associativité du produit tensoriel ; à cause de cette associativité, généralement on
ne distinguera pas entre les produits (M ⊗A M ′ ) ⊗A M ′′ et M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ ), que
l’on notera indifférement
M ⊗A M ′ ⊗A M ′′ .
§ 4.1: Produit tensoriel de modules 133

De même, un tenseur élémentaire de ce produit sera noté simplement m ⊗ m′ ⊗ m′′ ,


oubliant les parenthèses. Plus généralement, si M1 , . . . , Mk est une famille finie
de A-modules, on peut itérer la construction du produit tensoriel, et cela peut se
faire de plusieures façons différentes (qu’il faudrait distinguer par des parenthèses
opportunes), mais tous ces différents produits seront liés par des isomorphismes
canoniques d’associativité, donc, dans la pratique on peut oublier les parenthèses
et écrire simplement
M1 ⊗A · · · ⊗A Mk
pour un choix arbitraire d’un de ces produits, sans créer des ambiguités inaccep-
tables, et un tenseur élémentaire de ce produit itéré sera noté m1 ⊗ · · · ⊗ mk .
(ii) La proposition 4.2 se généralise au produit d’un nombre arbitraire de A-
modules : on a l’application A-multilinéaire
ωk : M 1 × · · · × Mk → M1 ⊗ A · · · ⊗ A M k (m1 , . . . , mk ) 7→ m1 ⊗ · · · ⊗ mk
et (M1 ⊗A · · · ⊗A Mk , ωk ) est un couple universel pour le foncteur LA (M1 × · · · ×
Mk , −). Autrement dit, si P est un autre A-module, et β : M1 × · · · × Mk → P
une application A-multilinéaire, alors il existe une application A-linéaire unique
β̄ : M1 ⊗A · · · ⊗A Mk → P qui fait commuter le diagramme
β
M1 × · · · × Mk /
♣ ♣7 P

ωk ♣♣
 ♣ ♣ β̄
M1 ⊗A · · · ⊗A Mk .
L’universalité de ωk se montre par récurrence sur k ≥ 2. Si k = 2, l’assertion est
déjà connue, par la proposition 4.2. Supposons donc que ωk−1 soit universelle, pour
un entier k ≥ 3. On a donc un isomorphisme de A-modules :

HomA (M1 ⊗A · · · ⊗A Mk−1 , Q) → LA (M1 × · · · × Mk−1 , Q) φ 7→ φ ◦ ωk−1
pour tout A-module Q ; si on prend Q := HomA (Mk , P ) et on compose avec l’inverse
de l’isomorphisme φM• ,P de la remarque 4.3(iii), on arrive à un isomorphisme

HomA (M1 ⊗A · · · ⊗A Mk−1 , HomA (Mk , P )) → LA (M1 × · · · × Mk , P )
et on peut composer ce dernier avec l’isomorphisme λM1 ⊗A ···⊗A Mk−1 ,Mk ,P de la
remarque 4.3(iv), pour obtenir l’isomorphisme

HomA (M1 ⊗A · · · ⊗A Mk , P ) → LA (M1 × · · · × Mk , P ).
Si on retrace ces isomorphismes canoniques, on voit aisément que ce dernier est
donné explicitement par : φ 7→ φ ◦ ωk , CQFD.
(iii) L’exercice 4.5(i) montre que l’association : (M, N ) 7→ M ⊗A N se prolonge
en un foncteur bien défini
− ⊗A − : (A − Mod) × (A − Mod) → A − Mod.
Si l’on fixe un A-module N , on obtient évidemment un deuxième foncteur
− ⊗A N : A − Mod → A − Mod M 7→ M ⊗A N
qui associe à tout homomorphisme f : M → M de A-modules l’application A-

linéaire f ⊗A N := f ⊗A IdN : M ⊗A N → M ′ ⊗A N (et on peut évidemment


aussi fixer le A-module M , pour obtenir le foncteur analogue M ⊗A −). De même,
considérons le foncteur
HomA (N, −) : A − Mod → A − Mod P 7→ HomA (N, P )
qui associe à tout homomorphisme h : P → P de A-modules l’application A-linéaire

HomA (N, h) : HomA (N, P ) → HomA (N, P ′ ) (g : N → P ) 7→ (h ◦ g : N → P ′ ).


134 ã Cancer

Avec cette notation, on vérifie aisément l’identité :


λM,N,P ′ (h ◦ g ◦ (f ⊗A N )) = HomA (N, h) ◦ λM ′ ,N,P (g) ◦ f
pour tout homomorphisme f : M → M ′ , h : P → P ′ et g : M ′ ⊗A N → P
de A-modules, où λM,N,P ′ et λM ′ ,N,P sont les isomorphismes canoniques fournis
par la remarque 4.3(iv). Autrement dit, pour N fixé, le système d’isomorphismes
(λM,N,P | M, P ∈ Ob(A − Mod)) établit une adjunction pour le couple de foncteurs
(− ⊗A N, HomA (N, −)).
Voici une première application de cette observation :
Proposition 4.7. Soit
f g
M′ − → M ′′ → 0
→M −
une suite exacte de A-modules. Alors, tout A-module N induit une suite exacte
f ⊗A N g⊗A N
M ′ ⊗A N −−−−→ M ⊗A N −−−−→ M ′′ ⊗A N → 0.
Démonstration. Evidemment le foncteur − ⊗A N preserve les homomorphismes
nuls, et il commute avec les coéqualiseurs, car ces derniers sont des colimites et tout
foncteur qui admet un adjoint à droite commute avec les colimites représentables
(proposition 3.25(ii)). L’assertion suit alors de l’exemple 3.20(v). 
Soit M un A-module, M ′ ⊂ M un sous-module, j : M ′ → M l’inclusion, π :
M → M/M ′ la projection ; la proposition 4.7 nous donne un isomorphisme naturel

(M/M ′ ) ⊗A N → Coker (j ⊗A N : M ′ ⊗A N → M ⊗A N )
pour tout A-module N . Explicitement, pour tout m ∈ M et n ∈ N , notons m ∈
M/M ′ la classe de m, et m ⊗ n ∈ Coker j ⊗A N la classe de m ⊗ n ; l’isomorphisme
ci-dessus est l’unique application A-linéaire telle que m ⊗ n 7→ m ⊗ n.
De plus, j ⊗A N induit une application A-linéaire surjective
M ′ ⊗A N → Ker (π ⊗A N : M ⊗A N → (M/M ′ ) ⊗A N ).
La propriété d’exactitude à droite du produit tensoriel exprimée par la proposition
4.7 peut aussi être reformulée sous la forme d’un système d’équations linéaires ; à
savoir, on a :
Exercice 4.8. Soient M et N deux A-modules, (ni | i ∈ I)P un système de généra-
teurs de N , et (mi | i ∈ I) un élément M (I) . Montrer que i∈I mi ⊗ ni = 0 dans
M ⊗A N si et seulement s’il existe un ensemble J, un élément (m′j | j ∈ J) de M (J)
et un système (a•k := (ahk | h ∈ I) | k ∈ J) d’éléments de A(I) tels que :
X X
aik m′k = mi ahj nh = 0 ∀i ∈ I, ∀j ∈ J.
k∈J h∈I

L’adjonction de la remarque 4.6(iii) implique de même que, pour tout A-module


M , le foncteur HomA (M, −) commute avec les limites de la catégorie A − Mod
(toujours grâce à la proposition 3.25(i)) ; les questions de la commutation de −⊗A M
avec les limites et de HomA (M, −) avec les colimites conduisent aussi à des résultats
intéressants ; à savoir, on a la caractérisation purement catégorielle suivante :
Exercice 4.9. (i) Soit M un A-module. Montrer l’équivalence des conditions
suivantes :
(a) M est de présentation finie
(b) Le foncteur − ⊗A M commute avec tout produit de A-modules
(c) Le foncteur HomA (M, −) commute avec toute limite directe filtrée.
§ 4.2: Restriction et extension des scalaires 135

(ii) Montrer également qu’une A-algèbre B est de présentation finie (voir le para-
graphe 1.1.1) si et seulement si le foncteur
HomA−Alg (B, −) : A − Alg → Ens C 7→ HomA−Alg (B, C)
commute avec toute limite directe filtrée.
(iii) Soient B et C deux A-algèbres, f : B → C un homomorphisme surjectif de
A-algèbres, et on suppose que B soit de présentation finie. Déduire de (ii) que C
est de présentation finie si et seulement si Ker f est un idéal de type fini de B.
Exercice 4.10. Soit A un anneau, I, J ⊂ A deux idéaux. Montrer qu’il existe un
isomorphisme unique de A-modules

A/I ⊗A A/J → A/(I + J) tel que (1 mod I) ⊗ (1 mod J) 7→ (1 mod I + J).
Exercice 4.11. Généraliser l’exercice 4.5(iii) de la façon suivante. Soient
(M• , f•• ) et (M•′ , f••

)
deux systèmes de A-modules indexés respectivement par (Λ, ≤) et par (Λ′ , ≤) (voir
l’exemple 3.3(i)). On munit Λ × Λ′ de la relation d’ordre telle que
(λ, λ′ ) ≤ (µ, µ′ ) ⇔ λ ≤ µ et λ′ ≤ µ′ ∀λ, µ ∈ Λ, λ′ , µ′ ∈ Λ′ .
On voit aisément que la donnée (Mλ ⊗A Mλ′ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ) est un système
de A-modules indexé par Λ × Λ′ , dont les homomorphismes de transitions sont les
applications fλ,µ ⊗A fλ′ ′ ,µ′ : Mλ ⊗A Mλ′ ′ → Mµ ⊗A Mµ′ ′ pour tout (λ, λ′ ) ≤ (µ, µ′ ).
Montrer qu’il existe un isomorphisme unique de A-modules

lim
−→
Mλ ⊗A Mλ′ → lim
−→
Mλ ⊗A lim
−→
Mλ′ ′ vλ,λ′ (x ⊗ y) 7→ uλ (x) ⊗ u′λ′ (y)
(λ,λ′ )∈Λ×Λ′ λ∈Λ λ′ ∈Λ′


u• : M• → lim
−→
Mλ u′• : M•′ → lim
−→
Mλ′ ′ v•,• : M• ⊗A M•′ → lim
−→
Mλ ⊗A Mλ′ ′
λ∈Λ λ′ ∈Λ′ (λ,λ′ )∈Λ×Λ′

sont les co-cônes universels.


4.2. Restriction et extension des scalaires. Dans cette section et la suivante,
on discutera quelques premières applications du produit tensoriel. On considère
d’abord les opérations de restriction et extension des scalaires associées à un ho-
momorphisme d’anneaux f : A → B. Soit donc N un B-module ; on déduit une
structure de A-module sur N , en posant :
a · n := f (a) · n ∀a ∈ A, ∀n ∈ N.
On notera N[f ] le A-module N muni de cette loi de multiplication scalaire. Si
n ∈ N, parfois on notera aussi par n[f ] ce même n, vu comme élément de N[f ] .
On appelle N[f ] le A-module obtenu par restriction des scalaires du B-module N ,
suivant l’homomorphisme f . En particulier, on a le A-module B[f ] , par restriction
des scalaires de B (la structure de B-module de ce dernier, bien entendu, est donnée
par la loi de multiplication de l’anneau B). Si N ′ est un autre B-module, et φ :
N → N ′ une application B-linéaire, on notera

φ[f ] : N[f ] → N[f ]

l’application φ, vue comme application de A-modules (i.e. φ[f ] (n[f ] ) := φ(n)[f ] pour
tout n ∈ N ). Evidemment, l’on obtient ainsi un foncteur bien défini
(−)[f ] : B − Mod → A − Mod.
D’autre part, soit M un A-module ; on va munir le A-module N[f ] ⊗A M d’une
structure naturelle de B-module. Pour cela, soit b ∈ B ; la multiplication
µb : N[f ] → N[f ] x 7→ bx
136 ã Cancer

est une application A-linéaire, d’où un endomorphisme


µb ⊗A M : N[f ] ⊗A M → N[f ] ⊗A M x ⊗ m 7→ bx ⊗ m.
La structure de B-module sur N[f ] ⊗A M est définie par cet endomorphisme :
b · (x ⊗ m) := bx ⊗ m ∀b ∈ B, ∀n ∈ N, ∀m ∈ M.
(On voit immédiatement que cette définition donne bien une structure de B-module :
exercice !). On note N ⊗A M le B-module ainsi construit. Si φ : M → M ′ est un
homomorphisme de A-modules et ψ : N → N ′ un homomorphisme de B-modules,
ψ[f ] ⊗A φ est une application B-linéaire
ψ ⊗A φ : N ⊗A M → N ′ ⊗A M ′ .
En effet, si b ∈ B, m ∈ M et n ∈ N , on a :
b · (ψ ⊗A φ)(n ⊗ m) = b · (ψ(n) ⊗ φ(m))
= bψ(n) ⊗ φ(m)
= ψ(bn) ⊗ φ(m)
= (ψ ⊗A φ)(bn ⊗ m)
= (ψ ⊗A φ)(b · (n ⊗ m)).
Noter aussi l’identité de A-modules :
(N ⊗A M )[f ] = N[f ] ⊗A M (n ⊗ m)[f ] = n[f ] ⊗ m.
En effet, les deux ensembles sous-jacent à ces A-modules sont égales, donc l’assertion
révient à montrer que les multiplications scalaires sont aussi égales ; or, on a :
a · (n ⊗ m)[f ] = f (a) · (n ⊗ m) = f (a) · n ⊗ m = a · n[f ] ⊗ m = a · (n[f ] ⊗ m)
pour tout a ∈ A, n ∈ N et m ∈ M , comme souhaité.
Le cas où N = B a un intérêt particulier : on appelle B ⊗A M le B-module
obtenu par extension des scalaires du A-module M , suivant l’homomorphisme f , et
on voit aussitôt que l’opération d’extension des scalaires est un foncteur
B ⊗A − : A − Mod → B − Mod.
Pour ce cas, on a une application A-linéaire canonique
ιM : M → (B ⊗A M )[f ] m 7→ 1[f ] ⊗ m.
Le couple (B ⊗A M, ιM ) est solution universelle d’un problème de factorisation :
Lemme 4.12. Pour tout B-module N et toute application A-linéaire φ : M → N[f ] ,
il existe une application B-linéaire unique φ′ : B ⊗A M → N qui fait commuter le
diagramme :
φ
M / N[f ]
r9
r
(∗) ιM r′
r φ[f ]
 r
(B ⊗A M )[f ] .

Démonstration. On considère l’application


φ̃ : B[f ] × M → N[f ] (b, m) 7→ b · φ(m).
On voit aisément que φ̃ est A-bilinéaire, donc elle induit une application A-linéaire
unique φ′ : B[f ] ⊗A M → N[f ] telle que φ′ (b[f ] ⊗ m) = (b · φ(m))[f ] pour tout b ∈ B
et m ∈ M . Mais en fait, φ′ est une application B-linéaire B ⊗A M → N , car si
b, b′ ∈ B et m ∈ M on a :
φ′ (b · (b′ ⊗ m)) = φ′ (bb′ ⊗ m) = bb′ · φ(m) = b · φ′ (b′ ⊗ m).
§ 4.2: Restriction et extension des scalaires 137

Evidemment le diagramme (∗) commute avec φ′ définie comme ci-dessus, et φ′ est


l’unique application B-linéaire qui fait commuter (∗), car l’image de ιM engendre
le B-module B ⊗A M . 

Remarque 4.13. (i) Comme d’habitude, la propriété universelle caractérise le couple


(B ⊗A M, ιM ) à isomorphisme unique près ; plus précisément, elle montre que le
B-module B ⊗A M représente le foncteur
HomA (M, (−)[f ] ) : B − Mod → Ens
composition des foncteurs (−)[f ] et HomA (M, −). De plus, elle fournit une bijection
canonique

HomB (B ⊗A M, N ) → HomA (M, N[f ] ) ψ 7→ ψ[f ] ◦ ιM
pour tout A-module M et tout B-module N . Un calcul direct montre aisément
que ce système de bijections est en fait une adjonction pour le couple de foncteurs
(B ⊗A −, (−)[f ] ) ; donc : la restriction des scalaires suivant f est adjointe à droite
de l’extension des scalaires suivant le même homomorphisme.
(ii) Le A-module HomA (M, N[f ] ) admet une structure naturelle de B-module :
si φ : M → N[f ] est A-linéaire, et b ∈ B, on définit la multiplication scalaire
b · φ : M → N[f ] en posant (b · φ)(m) := b · φ(m) pour tout m ∈ M . On notera
HomA (M, N )
le B-module ainsi obtenu. Avec cette structure, la bijection canonique de (i) ci-
dessus est même un isomorphisme de B-modules.
(iii) Remarquons aussi que l’on peut, de la même façon, munir le A-module
HomA (N[f ] , M ) d’une structure naturelle de B-module : si ψ : N[f ] → M est A-
linéaire, et b ∈ B, on définit la multiplication scalaire b · ψ : N[f ] → M en posant
(b · ψ)(n) := ψ(b · n) pour tout n ∈ N . Evidemment, on notera
HomA (N, M )
le B-module ainsi obtenu ; en dernier lieu, on vérifie aisément que ces structures
sont compatibles avec restriction des scalaires, i.e.
HomA (M, N )[f ] = HomA (M, N[f ] ) et HomA (N, M )[f ] = HomA (N[f ] , M ).
(iv) Soit g : B → C un deuxième homomorphisme d’anneaux ; par l’exercice
2.21, la composition de foncteurs (C ⊗B −) ◦ (B ⊗A −) est adjointe à gauche de
(−)[f ] ◦ (−)[g] = (−)[g◦f ] . Compte tenu de l’exercice 2.17(i), l’on déduit, pour tout
A-module M un isomorphisme naturel de C-modules :

φM : C ⊗B (B ⊗A M ) → C ⊗A M.
Il est parfois important de disposer d’une description explicite de cet isomorphisme
canonique (voir par exemple le paragraphe 5.4.1) ; voici un argument au goût caté-
goriel. Par (i), les couples (B ⊗A M, ιM ) et (C ⊗B (B ⊗A M ), ιB⊗A M ) sont universels
pour respectivement les foncteurs HomA (M, (−)[f ] ) et HomB (B ⊗A M, (−)[g] ) ; il
s’ensuit aisément que (C ⊗B (B ⊗A M ), (ιB⊗A M )[f ] ◦ ιM ) est un couple universel
pour le foncteur HomA (M, (−)[g◦f ] ), et (C ⊗A M, ιC⊗A M ) est un autre couple uni-
versel pour ce même foncteur. Par le lemme 2.11(i), il existe alors un isomorphisme
unique φM comme souhaité, tel que (φM )[g◦f ] ◦ (ιB⊗A M )[f ] ◦ ιM = ιC⊗A M , i.e.
φM (1[g] ⊗ 1[f ] ⊗ m) = 1[g◦f ] ⊗ m ∀m ∈ M.
Exercice 4.14. (i) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux, M et N deux
B-modules, ω : M × N → M ⊗B N l’application B-bilinéaire universelle. On peut
138 ã Cancer

voir ω aussi comme une application A-bilinéaire ω[f ] : M[f ] × N[f ] → (M ⊗B N )[f ] ,
d’où une application A-linéaire induite
φ : M[f ] ⊗A N[f ] → (M ⊗B N )[f ] m[f ] ⊗ n[f ] 7→ (m ⊗ n)[f ] .
Montrer que φ est surjective, et que si f est surjectif, φ est un isomorphisme.
(ii) Soit B une A-algèbre, Λ un ensemble, et notons par (eλ | λ ∈ Λ) et (e′λ | λ ∈ Λ)
les bases canoniques du A-module libre A(Λ) et respectivement du B-module libre
B (Λ) . Montrer qu’il existe un unique isomorphisme de B-modules

B ⊗A A(Λ) → B (Λ) tel que 1 ⊗ eλ 7→ e′λ .
4.2.1. Quelques isomorphismes remarquables. Soient f : A → B, g : B → C des
homomorphismes d’anneaux, M un A-module, N un B-module, P un C-module. On
a muni N[f ] ⊗A M d’une structure de B-module N ⊗A M , et P[g] ⊗B N d’une structure
de C-module P ⊗B N ; on munit de même P[g] ⊗B (N ⊗A M ) et (P ⊗B N )[g◦f ] ⊗A M de
structures de C-modules notées respectivement P ⊗B (N ⊗A M ) et (P ⊗B N )⊗A M .
Avec cette notation on a :
Proposition 4.15. Il existe un isomorphisme unique de C-modules :

φ : P ⊗B (N ⊗A M ) → (P ⊗B N ) ⊗A M tel que p ⊗ (n ⊗ m) 7→ (p ⊗ n) ⊗ m.
Démonstration. L’unicité est immédiate. Pour montrer l’existence, on considère
l’application A-trilinéaire
P[g◦f ] × N[f ] × M → ((P ⊗B N ) ⊗A M )[g◦f ] (p, n, m) 7→ (p ⊗ n) ⊗ m
qui correspond à l’application A-bilinéaire
β : N[f ] × M → HomA (P[g◦f ] , ((P ⊗B N ) ⊗A M )[g◦f ] )
telle que β(n, m)(p) := (p ⊗ n) ⊗ m pour tout p ∈ P , n ∈ N , m ∈ M . On vérifie
aisément que β(n, m) est en fait une application B-linéaire
P[g] → ((P ⊗B N ) ⊗A M )[g]
pour tout n, m. Il s’ensuit que β se factorise à travers une application A-linéaire
β̄ : N[f ] ⊗A M → HomB (P[g] , ((P ⊗B N ) ⊗A M )[g] )[f ]
telle que β̄(n ⊗ m)(p) := (p ⊗ n) ⊗ m pour tout p, n, m comme ci-dessus. A nouveau,
on voit aisément que β̄ est en fait une application B-linéaire
β̄ : N ⊗A M → HomB (P[g] , ((P ⊗B N ) ⊗A M )[g] )
d’où une application B-linéaire φ : P[g] ⊗B (N ⊗A M ) → ((P ⊗B N )⊗A M )[g] comme
souhaité, et il suffit maintenant de remarquer que φ est en fait C-linéaire.
Il reste à montrer que φ est un isomorphisme, et on va exhiber un inverse explicite.
Pour cela, on considère l’application A-trilinéaire
P[g◦f ] × N[f ] × M → (P ⊗B (N ⊗A M ))[g◦f ] (p, n, m) 7→ p ⊗ (n ⊗ m)
et l’application A-bilinéaire associée
β ′ : P[g◦f ] × N[f ] → HomA (M, (P ⊗B (N ⊗A M ))[g◦f ] )
telle que β ′ (p, n)(m) := p ⊗ (n ⊗ m) pour tout p ∈ P , n ∈ N , m ∈ M . On voit
aisément que β ′ est en fait B-bilinéaire sur P[g] × N , pour la structure naturelle de
B-module sur HomA (M, (P ⊗B (N ⊗A M ))[g◦f ] ) signalée par la remarque 4.13(ii),
d’où une application B-linéaire
β̄ ′ : P[g] ⊗B N → HomA (M, (P ⊗B (N ⊗A M ))[g◦f ] )
qui, à son tour, correspond à une application A-linéaire
φ′ : (P[g] ⊗B N )[f ] ⊗A M → (P ⊗B (N ⊗A M ))[g◦f ] (p ⊗ n) ⊗ m 7→ p ⊗ (n ⊗ m)
§ 4.2: Restriction et extension des scalaires 139

et it suffit de remarquer que φ′ est en fait C-linéaire. 

Exercice 4.16. Dans la situation de la proposition 4.15, la remarque 4.13(iii)


munit HomA (N, M ) d’une structure naturelle de B-module, et d’autre part on a
muni P ⊗B N d’une structure naturelle de C-module. Montrer qu’il existe aussi un
isomorphisme unique de C-modules :

HomB (P, HomA (N, M )) → HomA (P ⊗B N, M ) tel que φ 7→ (p ⊗ n 7→ φ(p)(n))
pour les structures naturelles de C-modules définies par la remarque 4.13(iii) sur
ces deux groupes abéliens.
Remarque 4.17. Avec B = C = N dans l’exercice 4.16, l’on obtient une bijection

HomB (P, HomA (B, M )) → HomA (P[f ] , M ) φ 7→ (p 7→ φ(p)(1))
pour tout A-module M et tout B-module P . Une simple inspection montre que
ce système de bijections est en fait une adjonction pour le couple de foncteurs
((−)[f ] , HomA (B, −)), donc la restriction des scalaires suivant f est aussi adjointe
à gauche du foncteur HomA (B, −) : A − Mod → B − Mod.
Proposition 4.18. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux, M, N deux
A-modules. Il existe un isomorphisme unique de B-modules

B ⊗A (M ⊗A N ) → (B ⊗A M )⊗B (B ⊗A N ) tel que 1⊗(m⊗n) 7→ (1⊗m)⊗(1⊗n).
Démonstration. On a des isomorphismes naturels de B-modules

B ⊗A (M ⊗A N ) → (B ⊗A M ) ⊗A N

→ ((B ⊗A M ) ⊗B B) ⊗A N

→ (B ⊗A M ) ⊗B (B ⊗A N )
fournis par la proposition 4.15 et l’exercice 4.5(ii,iii). Par inspection directe, on voit
que la composition de ces isomorphismes est donné par la formule ci-dessus. 

4.2.2. Fibres d’un module. Soit A un anneau, p ⊂ A un idéal premier ; le corps


résiduel de p est par définition le corps des fractions de A/p, et sera noté dorénavant

k(p) := Frac A/p.

Si (A, m) est un anneau local, on dira aussi que k(m) est le corps résiduel de A. Si
f : A′ → A est un homomorphisme d’anneaux, soit p′ := f −1 (p) ; alors f induit un
homomorphisme injectif A′ /p′ → A/p, qui admet un prolongement unique en une
extension de corps résiduels
f(p) : k(p′ ) → k(p).
Le corps k(p) est muni d’une structure évidente de A-algèbre ; à tout A-module M
on peut donc associer le k(p)-espace vectoriel
M (p) := k(p) ⊗A M
qu’on appelera la fibre de M au dessus de p. Le rang de M est l’application :
rkM : Spec A → N ∪ {∞} p 7→ dimk(p) M (p).
La famille M (•) := (M (p) | p ∈ Spec A) est un analogue algébrique des fibrés vec-
toriels que l’on étudiera dans la section 5.3, à cela près, que le rang de M n’est pas
forcément localement constante sur Spec A (et même les corps résiduels de deux
points distincts de Spec A sont généralement non isomorphes) ; par exemple, on a :
140 ã Cancer

Exemple 4.19. Soit A := C[X, Y ], et M := A2 /N , où N ⊂ A2 est le A-sous-


module engendré par Xe1 + Y e2 (avec (e1 , e2 ) la base canonique de A2 ). Pour
(a, b) ∈ C2 , soit m ⊂ A l’idéal maximal engendré par (X − a, Y − b) ; on a
k(m)2 C2
M (m) = = .
k(m) · (ae1 + be2 ) C · (a, b)
Donc, si (a, b) = (0, 0) ceci est un C-espace vectoriel de dimension 2, et si (a, b) 6= 0,
il s’agit d’un C-espace vectoriel de dimension 1.
Tout élément m ∈ M détermine une “section” du “fibré vectoriel” associé à M :
i.e. à chaque p ∈ Spec A on associe le vecteur m(p) := 1 ⊗ m ∈ M (p). Donc, le
A-module M tient lieu d’ensemble des sections globales du “fibré vectoriel” corres-
pondant M (•). De plus, tout homomorphisme de A-modules f : M → N induit
évidemment une application k(p)-linéaire f (p) := k(p) ⊗A f : M (p) → N (p), pour
tout p ∈ Spec A. Par ces constructions, l’étude des A-modules et des applications
A-linéaires peut se ramener – dans une certaine mesure – à celle des espaces vecto-
riels sur un corps K et des K-homomorphismes, où l’on pourra étaler les méthodes
de l’algèbre linéaire classique.
4.2.3. Produits tensoriels et localisation des modules. Soit A un anneau, S ⊂ A
une partie multiplicative, M un A-module, et jA : A → S −1 A l’homomorphisme de
localisation. L’extension des scalaires de M suivant jA est munie d’une application
A-linéaire canonique ιM : M → (S −1 A ⊗A M )[jA ] , et on a vu (remarque 4.13(i))
que le couple (S −1 A ⊗A M, ιM ) est universel pour le foncteur
HomA (M, (−)[jA ] ) : S −1 A − Mod → Ens.
On peut exhiber une autre solution universelle de ce problème par une construction
de module de fractions, qui généralise celle de S −1 A ; je l’esquisse à grandes lignes,
laissant au lecteur le soin des détails. On définit une relation ∼ sur S × M par :
(s, m) ∼ (s′ , m′ ) ⇔ ∃u ∈ S tel que usm′ = us′ m.
On vérifie aisément que ∼ est une relation d’équivalence ; on pose
S −1 M := (S × M )/ ∼
et on ecrit
m
∈ S −1 M
s
pour la classe d’un couple (s, m) (cp. la preuve de la proposition 2.22). On définit
une opération d’addition
(S × M ) × (S, M ) 7→ S × M ((s, m), (s′ , m′ )) 7→ (ss′ , s′ m + sm′ )
et on vérifie que cette opération induit une addition + : S −1 M × S −1 M → S −1 M .
On définit aussi une opération
(S × A) × (S × M ) → S × M ((s, a), (s′ , m)) 7→ (ss′ , am)
et on vérifie qu’elle induit une opération de multiplication par scalaires S −1 A ×
S −1 M → S −1 M , munissant ainsi S −1 M d’une structure naturelle de S −1 A-module,
et on a une application A-linéaire j M : M → S −1 M telle que jM (m) = m/1 pour
tout m ∈ M . Finalement, si g : M → N[jA ] est A-linéaire, on pose
m
g ′ : S −1 M → N 7→ f (s)−1 · g(m).
s
On voit aisément que g ′ est bien définie, et elle est l’unique application S −1 A-linéaire
telle que g[j

A]
◦ jM = g. On déduit un isomorphisme canonique de S −1 A-modules
∼ a am
(∗) S −1 A ⊗A M → S −1 M ⊗ m 7→ .
s s
§ 4.2: Restriction et extension des scalaires 141

De plus, si φ : M → N est un homomorphisme de A-modules, l’application jN ◦ φ :


M → S −1 N[jA ] se factorise à travers un unique homomorphisme de S −1 A-modules
m f (m)
S −1 φ : S −1 M → S −1 N 7→
s s
et évidemment on a un diagramme commutatif
S −1 A⊗A φ
S −1 A ⊗A M / S −1 A ⊗A N

 S −1 φ

S −1 M / S −1 N
dont les flèches verticales sont les isomorphismes canoniques ci-dessus. Autrement
dit, on a obtenu un foncteur
S −1 (−) : A − Mod → S −1 A − Mod M 7→ S −1 M
et le système d’isomorphismes (∗) est un isomorphisme de foncteurs

S −1 A ⊗A − → S −1 (−).
L’intérêt de cette description (à isomorphisme unique près) de S −1 A ⊗A M par
localisation de M , se trouve dans l’observation suivante :
• Soit φ : M ′ → M une application injective ; alors S −1 φ : S −1 M ′ → S −1 M est
aussi injective. En effet, un élément m/s ∈ S −1 M est nul si et seulement s’il existe
u ∈ S tel que um = 0 dans M ; or, si m′ /s ∈ Ker S −1 φ, on déduit qu’il existe u ∈ S
tel que u · φ(m′ ) = 0 dans M , et donc um′ = 0 dans M ′ , par l’injectivité de φ, d’où
m′ /s = 0 dans S −1 M ′ .
Corollaire 4.20. Toute suite exacte courte 0 → M ′ → M → M ′′ → 0 de A-
modules induit une suite exacte :
0 → S −1 M ′ → S −1 M → S −1 M ′′ → 0.
Démonstration. Par ce qui précède, on a un diagramme commutatif de S −1 A-
modules
S −1 A ⊗A M ′ / S −1 A ⊗A M / S −1 A ⊗A M ′′ /0

  
S −1 M ′ / S −1 M / S −1 M ′′ /0
dont les flèches verticales sont des isomorphismes, et dont la première ligne horizon-
tale est exacte, par la proposition 4.7. On déduit que la deuxième ligne horizontale
est aussi exacte. Mais on vient d’observer que l’application S −1 M ′ → S −1 M est
injective, d’où le corollaire. 
Corollaire 4.21. Soient M, N deux A-modules, S ⊂ A une partie multiplicative.
Il existe un isomorphisme S −1 A-linéaire unique
∼ m⊗n m n
S −1 (M ⊗A N ) → S −1 M ⊗S −1 A S −1 N tel que 7→ ⊗ .
s s 1
Démonstration. C’est une consequence immédiate de la proposition 4.18 et de
l’identification entre S −1 M et S −1 A ⊗A M donnée ci-dessus. 
Exemple 4.22. (i) Avec la notation de 4.2.3, soit M ′ un S −1 A-module, et on
prend M := M[j′ A ] . Alors le couple (M, IdM : M → M[j′ A ] ) est aussi universel pour le
foncteur HomA (M, (−)[jA ] ), et donc l’application de localisation M → (S −1 M )[jA ]
est un isomophisme dans ce cas, et en fait elle est même un isomorphisme de

S −1 A-modules M ′ → S −1 M . Pour la preuve il suffit de remarquer que si N est un
142 ã Cancer

S −1 A-module quelconque, toute application A-linéaire f : M → N[jA ] est déjà une


application S −1 A-linéaire M ′ → N ; en effet, l’on a :
a 1 1  a  s a  a  a
·f (x) = ·f (ax) = ·f s· ·x = ·f ·x = f ·x ∀ ∈ S −1 A, ∀x ∈ M.
s s s s s s s s
(ii) Par exemple, soient q ⊂ p ⊂ A deux idéaux premiers, π : A → κ(q) la
projection, V un κ(q)-espace vectoriel, et considérons le A-module N := V[π] . Noter
que π(A \ p) ⊂ κ(q)× , donc π se factorise à travers la localisation j : A → Ap
et un unique homomorphisme d’anneaux π̄ : Ap → κ(q) avec Ker π̄ = qAp . En
particulier, N = N[j]

, avec N ′ := V[π̄] . Par (i), la localisation N → Np est alors
un isomorphisme. Plus généralement, avec le corollaire 4.21 l’on déduit pour tout
A-module M un isomorphisme de κ(q)-espaces vectoriels :
∼ ∼
M (q) → M (q)p → Mp (qAp ).

4.3. Produit tensoriel d’algèbres. Soient A un anneau, (B, f : A → B) et


(C, g : A → C) deux A-algèbres ; on va munir le A-module

B[f ] ⊗A C[g]

d’une structure de A-algèbre. Remarquons d’abord que sur B[f ] ⊗A C[g] on a déjà :
— une structure de B-module B ⊗A C[g] et une application A-linéaire

ιC : C[g] → (B ⊗A C[g] )[f ] = B[f ] ⊗A C[g] c 7→ 1 ⊗ c

— une structure de C-module B[f ] ⊗A C et une application A-linéaire

ιB : B[f ] → (B[f ] ⊗A C)[g] = B[f ] ⊗A C[g] b 7→ b ⊗ 1.

On notera B ⊗A C le produit tensoriel de B et C, muni de ces deux structures de B-


module et C-module. Ensuite, par la remarque 4.6(ii), l’application A-multilinéaire

B × C × B × C → B ⊗A C (b, c, b′ , c′ ) 7→ bb′ ⊗ cc′

se factorise de façon unique à travers une application A-linéaire

µ : B ⊗A C ⊗A B ⊗A C → B ⊗A C b ⊗ c ⊗ b′ ⊗ c′ 7→ bb′ ⊗ cc′ .

Soit aussi ω : (B ⊗A C) × (B ⊗A C) → B ⊗A C ⊗A B ⊗A C l’application A-bilinéaire


universelle ; la lois de multiplication sur B ⊗A C sera la composition

µ ◦ ω : (B ⊗A C) × (B ⊗A C) → B ⊗A C (b ⊗ c, b′ ⊗ c′ ) 7→ bb′ ⊗ cc′ .

Par construction, il s’agit d’une application A-bilinéaire, donc les axiomes usuels
pour la multiplication d’un anneau (associativité, commutativité, distributivité par
rapport à l’addition) peuvent se vérifier sur les produits de tenseurs élémentaires, et
pour ces derniers, ces propriétés sont immédiates. De plus, on voit immédiatement
que les applications ιB et ιC sont des homomorphismes d’anneaux tels que

ιB ◦ f = ιC ◦ g.

En particulier, ιB ◦ f : A → B ⊗A C munit B ⊗A C d’une structure de A-algèbre


naturelle, telle que ιB et ιC soient des homomorphismes de A-algèbres. On appelle
B ⊗A C le produit tensoriel des A-algèbres B et C. Ce produit tensoriel est solution
universelle du problème de factorisation suivant. Soit i : A → D une A-algèbre, h :
B → D et k : C → D deux morphismes de A-algèbres, i.e. deux homomorphismes
d’anneaux tels que h ◦ f = i = k ◦ g ; il existe un unique homomorphisme de
§ 4.3: Produit tensoriel d’algèbres 143

A-algèbres j : B ⊗A C → D qui fait commuter le diagramme :


f
A /B
g ιB
  h
ιC
C / B ⊗A C


❍j

❍$ 
k / D.
En fait, on a une application A-bilinéaire
B×C →D (b, c) 7→ h(b) · k(c)
d’où une application A-linéaire unique j : B ⊗A C → D telle que j(b⊗c) = h(b)·k(c)
pour tout b ∈ B, c ∈ C. Pour conclure, il suffit de remarquer que j est effectivement
un homomorphisme de A-algèbres (exercice !). Autrement dit, B ⊗A C représente
le coproduit de (B, f ) et (C, g) dans la catégorie A − Alg des A-algèbres.
Remarque 4.23. (i) Evidemment, les mêmes considérations s’étendent aux familles
finies arbitraires B• N := (B1 , . . . , Bn ) de A-algèbres : par une simple récurrence sur n,
le produit tensoriel ni=1 Bi := B1 ⊗A · · · ⊗A Bn est muniNd’une structure naturelle
de A-algèbre avec des homomorphismes naturels (Bi → ni=1 Bi | i = 1, . . . , n) qui
font de cette A-algèbre le coproduit de la famille B• dans la catégorie A − Alg.
Nn(ii) De même, pour tout i = 1, . . . , n soit Mi un Bi -module ; alors Nn le A-module
i=1 M i := M 1 ⊗ A · · ·⊗ A M n est muni
Nn d’une structure naturelle de
Nn i=1 Bi -module
telle que pour tout b1 ⊗ · · · ⊗ bn ∈ i=1 Bi et m1 ⊗ · · · ⊗ mn ∈ i=1 Mi on a
(b1 ⊗ · · · ⊗ bn ) · (m1 ⊗ · · · ⊗ mn ) = b1 m1 ⊗ · · · ⊗ bn mn .
La construction s’effectue aisément par récurrence sur n ; pour n = 2 on consi-
dère l’application A-multilinéaire B1 × B2 × M1 × M2 → M1 ⊗A M2 telle que
(b1 , b2 , m1 , m2 ) 7→ b1 m1 ⊗ b2 m2 , et on raisonne comme dans la construction de la
A-algèbre B ⊗A C ci-dessus : les détails seront confiés au lecteur.
Exemple 4.24. Soit f : A → B un morphisme d’anneaux, I ⊂ A un idéal. On voit
aisément que l’argument utilisé dans la solution de l’exercice 4.10(i) se généralise,
et fournit un isomorphisme de A-modules

B ⊗A A/I → B/IB b ⊗ ā 7→ ba ∀b ∈ B, ∀a ∈ A
qui est en fait même un isomorphisme de A-algèbres.
Exercice 4.25. (i) Soit A un anneau, et B, C, D trois A-algèbres. Montrer que
les isomorphismes canoniques
∼ ∼
B ⊗A C → C ⊗A B (B ⊗A C) ⊗A D → B ⊗A (C ⊗A D)
fournis par l’exercice 4.5(iii) sont en fait des isomorphismes de A-algèbres.
(ii) Soit A un anneau, B, C deux A-algèbres, φ : C → D un homomorphisme
d’anneaux ; on munit B ⊗A C de la structure de C-algèbre induite par l’homomor-
phisme ιC : C → B ⊗A C tel que c 7→ 1 ⊗ c pour tout c ∈ C. On munit aussi
(B ⊗A C) ⊗C D et B ⊗A D des structures de D-algèbres définies analoguement.
Montrer qu’il existe un unique isomorphisme de D-algèbres

(B ⊗A C) ⊗C D → B ⊗A D tel que (b ⊗ c) ⊗ d 7→ b ⊗ φ(c) · d.
(iii) Soit B une A-algèbre, Λ un ensemble, et notons A[Xλ | λ ∈ Λ] la A−algèbre
de polynômes sur un ensemble de variables libres Xλ indexées par λ ∈ Λ. Montrer
qu’il existe un isomorphisme unique de B-algèbres

B ⊗A A[Xλ | λ ∈ Λ] → B[Xλ | λ ∈ Λ] tel que 1 ⊗ Xλ 7→ Xλ ∀λ ∈ Λ.
144 ã Cancer

(iv) Soit f : A → A′ un homomorphisme d’anneaux, et on considère le foncteur


évident de restriction des scalaires suivant f :
(−)[f ] : A′ − Alg → A − Alg (B, g : A′ → B) 7→ (B, g ◦ f : A → B).
Montrer que (−)[f ] admet l’adjoint à gauche :
A′ ⊗A − : A − Alg → A′ − Alg (C, h : A → C) 7→ (A′ ⊗A C, iA′ : A′ → A′ ⊗A C)
qui associe à tout homomorphisme φ : C → D de A-algèbres l’homomorphisme
A′ ⊗A φ : A′ ⊗A C → A′ ⊗A D de A′ -algèbres.
Si K est un corps non algébriquement clos, la description du produit tensoriel
de deux K-algèbres fait en général intervenir les K-automorphismes des extensions
algébriques de K ; voici une illustration de cette situation :
Exemple 4.26. Soit K un corps, E une extension galoisienne de K de degré d, et
notons G le groupe de Galois de E sur K. Grâce à la discussion de la section 4.3,
pour tout σ ∈ G on déduit un diagramme commutatif de K-algèbres
j
K /E
j
  σ
E / E ⊗K E
❑❑
❑❑πσ
❑❑
❑❑ 
%
IdE 0E
où j est l’inclusion de K dans E. Explicitement, on a :
πσ (a ⊗ b) = a · σ(b) ∀a, b ∈ E.
Or, soit e1 , . . . , ed une base du K-espace vectoriel E ; on munit le produit tensoriel
E ⊗K E de la structure “gauche” de E-espace vectoriel, i.e. la multiplication par
un scalaire e ∈ E est définie par
e · (a ⊗ b) := ea ⊗ b ∀a, b ∈ E.
Donc, 1 ⊗ e1 , . . . , 1 ⊗ ed est une base de E ⊗K E pour cette structure. On munit
aussi E ⊗K E de la structure de E-algèbre “gauche”, dont le morphisme structurel
est E ⊗K j : E → E ⊗K E (telle que e → 7 e ⊗ 1 pour tout e ∈ E). Notons
mσ := Ker πσ ∀σ ∈ G.
Soient σ, τ ∈ G ; on va montrer que mσ = mτ ⇐⇒ σ = τ . En effet, d’un côté la
propriété universelle du produit tensoriel nous dit que πσ = πτ ⇐⇒ σ = τ . De
l’autre côté, on a
πσ (a ⊗ 1) = a ∀a ∈ E, ∀σ ∈ G
d’où
x − πσ (x) ⊗ 1 ∈ mσ ∀x ∈ E ⊗K E, ∀σ ∈ G.
Si maintenant mτ = mσ , on calcule
πτ (x) = πτ (πσ (x)⊗1)+πτ (x−πσ (x)⊗1) = πτ (πσ (x)⊗1) = πσ (x) ∀x ∈ E ⊗K E
i.e. πσ = πτ , comme souhaité. Par le lemme des chinois (lemme 2.6), on en déduit
un homomorphisme surjectif de E-algèbres
Y
φ : E ⊗K E → (E ⊗K E)/mσ = E |G| a⊗b→ 7 (a · σ(b) | σ ∈ G).
σ∈G

(le produit de d copies de E, indexées par les éléments de G). Mais φ est aussi
une application E-linéaire de E-espaces vectoriels, pour la structure de E-espace
vectoriel introduite ci-dessus ; comme ces deux E-espaces vectoriels ont la même
dimension d, l’homomorphisme φ doit être un isomorphisme de E-algèbres.
§ 4.3: Produit tensoriel d’algèbres 145

On voit en particulier que Spec E ⊗K E ⊃ {mσ | σ ∈ G}. Le prochain exercice


montre que cette inclusion est en fait une égalité ; donc on a une bijection canonique

Gal(E/K) → Spec E ⊗K E.

Exercice 4.27. (i) Soient A1 et A2 deux anneaux, A := A1 × A2 et pour i = 1, 2


notons πi : A → Ai la projection. Si M est un A-module, montrer :
— Il existe un A1 -module M ′ , un A2 -module M ′′ et un isomorphisme de A-
modules
∼′ ′′
M → M[π 1]
⊕ M[π 2]
.

— Si N = N[π

1]

⊕ N[π 2]
est un deuxième A-module, toute application A-linéaire
f : M → N est la somme directe f = f[π ′
1]
′′
⊕f[π 2]
d’une application A1 -linéaire
f : M → N et une application A2 -linéaire f ′′ : M ′′ → N ′′ .
′ ′

(ii) Montrer que les applications injectives Spec πi : Spec Ai → Spec (A1 × A2 )
induisent un homéomorphisme

Spec A1 ⊔ Spec A2 → Spec (A1 × A2 )

où la topologie T de la réunion disjointe Spec A1 ⊔ Spec A2 est l’unique telle que :


— Spec A1 , Spec A2 ∈ T
— T induit sur les ouverts Spec Ai la topologie de Zariski, via l’inclusion Spec πi ,
pour chaque i = 1, 2.
(iii) Réciproquement, soit A un anneau, tel que Spec A est la réunion disjointe
U1 ⊔ U2 de deux parties ouvertes. Montrer qu’il existe des anneaux A1 , A2 et un

isomorphisme d’anneaux φ : A → A1 × A2 tel que Ui (pour i = 1, 2) coïncide avec
l’image de l’application Spec Ai → Spec A induite par la projection
φ
A−
→ A1 × A2 → Ai .

Exercice 4.28. On peut généraliser l’exemple 4.26 de la façon suivante. Soit K un


corps, F une extension finie séparable de K de degré d, E la clôture Galoisienne
de F (dans une clôture algébrique fixée F de F ). On pose G := Gal(E/K) et soit
H ⊂ G le sous-groupe des σ ∈ G tels que σ(x) = x pour tout x ∈ F . Montrer qu’il
existe un isomorphisme naturel de E-algèbres

F ⊗K E → E |G/H|

(E |G/H| dénote le produit de d copies de E, indexées par l’ensemble quotient G/H).

Par contre, les extensions inséparables “ne changent pas le spectre”, comme déjà
observé dans l’exercice 1.28(iv) ; en fait, on a :

Exemple 4.29. Soit K := Fp [T ] et E := Fp [T 1/p ] = K[X]/(X p − T ). On voit que

E ⊗K E = E[X]/(X p − T ).

Or, (T 1/p − X)p = T − X p = 0, donc tout idéal premier de E ⊗K E contient


T 1/p − X, i.e. Spec E ⊗K E = Spec E[X]/(T 1/p − X) = Spec E.

4.3.1. Produits tensoriels et localisation d’algèbres. Soit f : A → B un homomor-


phisme d’anneaux, S ⊂ A une partie multiplicative. On a vu que, pour tout anneau
D, la donnée d’un morphisme d’anneaux h : S −1 A ⊗A B → D est équivalente à
celle d’un couple de morphismes d’anneaux (φ : S −1 A → D, ψ : B → D) qui font
146 ã Cancer

commuter le diagramme
f
A /B
jA ψ
 
S −1 A / S −1 A ⊗A B
▼▼▼
▼▼▼h
▼▼▼
▼& 
φ 0D

où jA dénote l’homomorphisme de localisation. Mais la donnée de φ est équivalente


à celle d’un homomorphisme i : A → D tel que i(S) ⊂ D× ; à savoir, φ correspond
à l’homomorphisme i := φ ◦ jA = ψ ◦ f . Donc, on voit que la donnée de h équivaut
à celle d’un homomorphisme ψ : B → D tel que ψ(f (S)) ⊂ D ; cette dernière,
à son tour, équivaut à celle d’un morphisme f (S)−1 B → D. Donc, S −1 A ⊗A B
et f (S)−1 B sont solutions universelles du même problème de factorisation, et de
consequence il existe un isomorphisme de B-algèbres unique
∼ a f (a) · b
S −1 A ⊗A B → f (S)−1 B ⊗ b 7→ .
s f (s)
Dans la suite, on écrira souvent S −1 B au lieu de f (S)−1 B. En particulier, si p ∈
Spec A, la partie Sp := A \ p est multiplicative, et on pose

Bp := Sp−1 B → Ap ⊗A B.
En prenant B := A/p, on obtient une identification naturelle

Ap ⊗A A/p → Sp−1 (A/p) = k(p).
Pour un homomorphisme f : A → B quelconque, soit jB : B → Bp l’homomor-
phisme de localisation, et on pose fp := jB ◦f : A → Bp . Au vu de l’exercice 4.25(i),
de l’exemple 4.24, de la remarque 1.27(i) et de la proposition 2.28, on déduit :
Spec B ⊗A k(p) = Spec Bp ⊗A A/p
= {q ∈ Spec Bp | p ⊂ fp−1 (q)}
= {q ∈ Spec B | p ⊂ f −1 (q) et f −1 (q) ∩ Sp = ∅}
= {q ∈ Spec B | p = f −1 (q)}.
Autrement dit, on a une identification naturelle d’espaces topologiques :

(∗) Spec B ⊗A k(p) ≃ (Spec f )−1 (p) ∀p ∈ Spec A.

Remarque 4.30. (i) Dans la situation du paragraphe 4.3.1, soit π(p) : B → B⊗A k(p)
l’homomorphisme tel que b 7→ b ⊗ 1 ; l’identification (∗) est induite par l’application
continue Spec π(p) : Spec B ⊗A k(p) → Spec B. En effet, π(p) est la composition de
la localisation B → Bp avec la projection canonique Bp → Bp /pBp ≃ B ⊗A k(p),
donc l’assertion suit de la remarque 1.27(i) et de l’exemple 2.29(ii).
(ii) Considérons un diagramme commutatif d’anneaux, et le diagramme com-
mutatif induit d’espaces topologiques :
g φ:=Spec h
A / A′ Spec B ′ / Spec B
f f′ Spec f ′ Spec f
 h
  Spec g 
B / B′ Spec A′ / Spec A.

Soit aussi p′ ∈ Spec A′ , p := g −1 (p′ ), et g(p′ ) : k(p) → k(p′ ) l’extension de corps


résiduels induite par g. Evidemment φ se restreint en une application continue
§ 4.4: Le lemme de Nakayama 147

φ(p′ ) : (Spec f ′ )−1 (p′ ) → (Spec f )−1 (p), et les homomorphismes de A-algèbres
x7→1⊗g(p′ ) (x) h(b)⊗1←pb
k(p) −−−−−−−−−−→ B ′ ⊗A′ k(p′ ) ←−−−−−−− B
induisent un homomorphisme de A-algèbres h(p′ ) : B ⊗A k(p) → B ′ ⊗A′ k(p′ ) tel
que b ⊗ x 7→ h(b) ⊗ g(p′ ) (x), et qui fait commuter le diagramme d’anneaux :
h / B′
B
π(p) π(p′ )
 h(p′ ) 
B ⊗A k(p) / B ′ ⊗A′ k(p′ ).

Au vu de (i), l’on déduit que l’homéomorphisme (∗) et l’homéomorphisme corres-


pondant Spec B ′ ⊗A′ k(p′ ) ≃ (Spec f ′ )−1 (p′ ) identifient φ(p′ ) avec Spec h(p′ ) .
Exemple 4.31. Soit p ⊂ A un idéal premier, n ∈ N un entier, I ⊂ A[X1 , . . . , Xn ]
un idéal engendré par des polynômes P1 , . . . , Pk , et B := A[X1 , . . . , Xn ]/I. Compte
tenu de l’exercice 4.25(iii), on déduit un isomorphisme naturel de k(p)-algèbres

B ⊗A k(p) → k(p)[X1 , . . . , Xn ]/I¯
où I¯ ⊂ k(p)[X1 , . . . , Xn ] est l’idéal engendré par les images P 1 , . . . , P k de P1 , . . . , Pk .
Exercice 4.32. Soient f : A → B et g : A → A′ deux homomorphismes d’anneaux
et B ′ := A′ ⊗A B ; on dénote par T et T ′ les images des applications continues
Spec f : Spec B → Spec A et Spec (A′ ⊗A f ) : Spec B ′ → Spec A′ .
Montrer que T ′ = (Spec g)−1 (T ). En particulier, si Spec f est surjective, il en est
de même pour Spec (A′ ⊗A f ).
Exercice 4.33. Soit A un anneau de dimension dim A finie (voir l’exemple 2.49(ii)).
Montrer que 1 + dim A ≤ dim A[T ] ≤ 1 + 2 · dim A.
4.4. Le lemme de Nakayama. Soit φ : An → An un endomorphisme A-linéaire ;
rappelons que le polynôme caractéristique de φ est le polynôme
χφ (T ) := det(T · IdAn − φ) ∈ A[T ].
Lemme 4.34. (Cayley-Hamilton) Avec les notations ci-dessus, on a
χφ (φ) = 0.
Démonstration. Si A est un corps, c’est l’identité bien connue de Cayley-Hamilton.
Si A est un anneau intègre, il est un sous-anneau de son corps des fractions K,
et φ est la restriction d’une application K-linéaire φK : K n → K n (brièvement :
si e1 , . . . , en est la base canonique de An , on représente φ par une matrice B :=
(bji | i, j = 1, . . . , n) comme dans l’exemple 1.46, de telle façon que χφ (T ) est aussi
le polynôme caractéristique χB (T ) de B, et la même matrice définit l’application
φK ). On sait que χφK (φK ) = 0, d’où χφ (φ) = 0.
Si A est un anneau arbitraire, posons R := Z[Yji | i, j = 1, . . . , n] et soit e′1 , . . . , e′n
la base canonique de Rn ; on définit un homomorphisme d’anneaux f : R → A par :
f (Yji ) := bji ∀i, j = 1, . . . , n.
P
et on considère l’endomorphisme ψ de R tel que ψ(e′i ) := nj=1 Yji e′j for every
n

i = 1, . . . , n. On a donc un diagramme commutative d’applications A-linéaires :



A ⊗R R n / An
A⊗R ψ φ
 ∼

n / An
A ⊗R R
148 ã Cancer

dont les flèches horizontales sont les identifications canoniques de l’exercice 4.14(ii).
Mais comme R est intègre, on a χψ (ψ) = 0, d’où χφ (φ) = A ⊗R χψ (ψ) = 0. 
Proposition 4.35. Soit M un A-module de type fini, I ⊂ A un idéal, φ : M → M
un endomorphisme tel que φ(M ) ⊂ IM . Il existe k ∈ N et a1 , . . . , ak ∈ I tels que
φk + a1 · φk−1 + · · · + ak · IdM = 0.
Démonstration. Soit m1 , . . . , mk un système fini de générateurs de M . Par hypo-
thèse, il existe une matrice B := (bij | i, j = 1, . . . , k) d’éléments de I telle que
Pk
φ(mi ) = j=1 bij mj pour tout i = 1, . . . , k. Soit aussi e1 , . . . , ek la base canonique
de Ak , et π : Ak → M l’application A-linéaire surjective telle ei 7→ mi pour tout
i = 1, . . . , k. La matrice B détermine aussi un endomorphisme ψ de Ak tel que l’on
obtient un diagramme commutatif :
ψ
Ak / Ak
π π
 φ 
M / M.
Comme π est surjectif, il suffit de trouver une identité du type souhaité pour l’ap-
plication ψ, car si ψ k + a1 ψ k−1 + · · · + ak · IdAk = 0, on aura aussi φk + a1 φk−1 +
· · · + ak · IdM = 0. Donc, on peut supposer du départ que M est libre de type fini,
et dans ce cas l’assertion se déduit immédiatement du lemme 4.34. 
Corollaire 4.36. Soit M un A-module de type fini, I ⊂ A un idéal tel que IM =
M . Alors il existe x ∈ A tel que
x≡1 (mod I) et xM = 0.
Démonstration. On applique la proposition 4.35 à φ := IdM ; si φk +· · ·+ak ·IdM =
0, on peut prendre x := 1 + a1 + · · · + ak . 
Corollaire 4.37. (Lemme de Nakayama) Soit M un A-module de type fini, I ⊂ A
un idéal contenu dans le radical de Jacobson J (A), tel que IM = M . Alors M = 0.
Démonstration. Par le corollaire 4.36, on sait qu’il existe a ∈ I tel que (1+a)·M = 0.
De l’autre côté, on a 1 + a ∈ A× , par le théorème 1.32(i), d’où l’assertion. 
Corollaire 4.38. Soit M un A-module de type fini, N ⊂ M un sous-module,
I ⊂ J (A) un idéal de A tel que M = IM + N . Alors M = N .
Démonstration. On a I(M/N ) = (IM + N )/N = M/N , donc M/N = 0 par le
lemme de Nakayama. 
Le lemme de Nakayama et ses corollaires sont particulièrement efficaces quand
A est local, comme illustré par la proposition fort utile suivante. D’autre part,
certaines propriétés des A-modules et des homomorphismes des A-modules sont de
nature locale, i.e. peuvent se lire après changement de base suivant les localisations
A → Ap aux idéaux premiers p de A : on verra au paragraphe suivant un petit
échantillon de ces propriétés, et un autre example est donné par la proposition
4.56. On peut ainsi entrevoir une stratégie générale pour aborder l’étude de ces
propriétés locales des modules sur des anneaux quelconques : on localisera et on
essaiera ensuite d’appliquer aux modules localisés les résultats ci-dessus.
Proposition 4.39. Soit (A, m) un anneau local, M un A-module de type fini,
x1 , . . . , xn un système fini d’éléments de M dont les classes x̄1 , . . . , x̄n sont une base
du k(m)-espace vectoriel M/mM . Alors x1 , . . . , xn est un système de générateurs
du A-module M .
§ 4.4: Le lemme de Nakayama 149

Pn
Démonstration. Soit N := i=1 Axi ; on a M = N + mM . Or, J (A) = m, car A
est local, donc il suffit d’appliquer le corollaire 4.38. 
Remarque 4.40. On a déjà observé que le rang d’un A-module M de type fini n’est
pas forcément localement constante sur Spec A (voir l’exemple 4.19 page 140) ;
toutefois, la proposition 4.39 page ci-contre implique que pour p, q ∈ Spec A on a
toujours :
rkM (p) ≥ rkM (q) si pest une spécialisation de q.
Car, si n := rkM (p) = rkMp (pAp ) (exemple 4.22(ii)), on a un système de générateurs
x1 , . . . , xn du Ap -module Mp , et leurs images x̄1 , . . . , x̄n dans le k(q)-espace vectoriel
M (q) = Mp (qAp ) sont alors une famille génératrice, d’où l’assertion.
Problème 4.41. (i) Soit A 6= 0 un anneau, et f : An → Am une application
A-linéaire.
(a) Si f est surjective, montrer que n ≥ m.
(b) Si f est bijective, montrer que n = m.
(c) Si f est injective, montrer que n ≤ m (difficile !).
(ii) Soit M un A-module de type fini, et g : M → M une application A-linéaire
surjective. Montrer que f est bijective.
(iii) Soit (A, m) un anneau local, M, N des A-modules de type fini et h : M → N
une application A-linéaire telle que κ(m) ⊗A h : M/mM → N/mN est surjective.
Montrer que h est surjective.
4.4.1. Propriétés locales des modules. Si M , N sont des A-modules, φ : M → N
une application A-linéaire et p ∈ Spec A, on pose comme d’habitude Sp := A \ p et

Mp := Sp−1 M → Ap ⊗A M
et on notera φp : Mp → Np l’application Ap -linéaire induite par φ. De même, pour
tout f ∈ A on notera Mf := Af ⊗A M et φf := Af ⊗A φ : Mf → Nf .
Proposition 4.42. Soit M un A-module. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes :
(a) M = 0
(b) Mp = 0 pour tout p ∈ Spec A.
(c) Mm = 0 pour tout m ∈ Max A.
Démonstration. Evidemment (a) ⇒ (b) ⇒ (c), donc on suppose (c) et on montre
que M = 0. On raisonne par l’absurde : si x ∈ M \ {0}, l’idéal annulateur de x ne
contient pas 1, donc il est contenu dans un idéal maximal m de A. Par hypothèse,
Mm = 0, i.e. il existe a ∈ A \ m tel que ax = 0, ce qui contradit le choix de m. 
Proposition 4.43. Soit φ : M → N un homomorphisme de A-modules. Les condi-
tions suivantes sont équivalentes :
(a) φ est injective (resp. surjective).
(b) φp : Mp → Np est injective (resp. surjective) pour tout p ∈ Spec A.
(c) φm : Mm → Nm est injective (resp. surjective) pour tout m ∈ Max A.
Démonstration. Compte tenu des identifications canonique
∼ ∼
(Ker φ)p → Ker(φp ) (Coker φ)p → Coker(φp ) ∀p ∈ Spec A
fournie par le corollaire 4.20, il suffit d’appliquer la proposition 4.42. 
Exercice 4.44. Soit M un A-module, et on suppose que pour tout p ∈ Spec A il
existe f ∈ A \ p tel que Mf soit un Af -module de type fini (resp. de présentation
finie). Montrer que M est de type fini (resp. de présentation finie).
150 ã Cancer

Définition 4.45. Soit M un A-module. Le support de M est la partie


SuppA M := {p ∈ Spec A | Mp 6= 0}.
Pour x ∈ M , le support de x est la partie
SuppA (x) := SuppA Ax.
Remarque 4.46. (i) Par la proposition 4.42, le support d’un A-module M est vide
si et seulement si M = 0. Noter aussi que le support de M contient toutes les
spécialisations des ses points, car si p ⊂ q sont deux idéaux premiers de A, on a
(Mq )p = Mp , donc Mp 6= 0 ⇒ Mq 6= 0.
(ii) Si M est un A-module de type fini, la proposition 4.39 montre que
SuppA M = {p ∈ Spec A | M (p) 6= 0} = rk−1
M (N \ {0}).

Soit x1 , . . . , xn un système de générateurs de


TnM , et pour tout i = 1, . . . , n soit
Ii := AnnA (xi ), de telle façon que AnnA M = i=1 Ii . On voit aisément que V (Ii ) ⊂
Spec A est la partie des idéaux premiers p tels que xi /1 6= 0 dans Mp , donc
n
[
SuppA (xi ) = V (Ii ) ∀i = 1, . . . n et SuppA M = SuppA (xi ) = V (AnnA M ).
i=1

En particulier, le support de M est une partie fermée de Spec A, et on notera

dim M := dim(SuppA M )

(voir la définition 2.48), que l’on appelera la dimension de M .


De plus, pour toute partie multiplicative S ⊂ A on a :
AnnS −1 A (S −1 M ) = S −1 (AnnA M ).
Tn
En effet, on a AnnS −1 A (S −1 M ) = i=1 AnnS −1 A (S −1 A(xi /1)) ; au vu de l’exercice
2.34 on est alors ramené au cas où M est cyclique, i.e. M ≃ A/I pour un idéal
I ⊂ A. Dans ce cas, AnnA (M ) = I et AnnS −1 A (S −1 M ) = S −1 I, comme souhaité.
(iii) Soit S ⊂ A une partie multiplicative, et p ∈ Spec A tel que p ∩ S = ∅, d’où
S −1 p ∈ Spec S −1 A, et (S −1 A)S −1 p = Ap ; on déduit une identification naturelle :

(S −1 M )S −1 p → Mp .
En particulier, on obtient l’identité :
SuppS −1 A S −1 M = Spec S −1 A ∩ SuppA M.
Exemple 4.47. Soit A := C[X, Y ] ; on considère les vecteurs suivants de A2
   
X −1 Y
v1 := v2 := et on pose M := A2 /(Av1 + Av2 ).
−Y X +1
Soit aussi p ∈ Spec A ; évidemment, Mp = 0 si et seulement si {v1 , v2 } est une base
de A2p , si et seulement si
 
X −1 Y
det = X2 + Y 2 − 1 ∈/ p.
−Y X +1
Autrement dit : SuppA M = V (X 2 + Y 2 − 1), dont l’intersection avec Max A = C2
est une conique affine non-dégénérée.
Exercice 4.48. Soient M, M ′ deux A-modules de type fini. Montrer que :
SuppA M ⊗A M ′ = (SuppA M ) ∩ (SuppA M ′ ).
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 151

4.5. Modules plats et algèbres plates. La classe de foncteurs introduite ci-


dessous inclut presque tous les foncteurs rencontrés dans cette leçon :
Définition 4.49. Soient A, B deux anneaux, F : A − Mod → B − Mod un foncteur.
On dit que F est additif si on a
F (a · φ + b · φ′ ) = a · F (φ) + b · F (φ′ )
pour tout homomorphisme φ, φ′ : M → N de A-modules, et tout a, b ∈ Z.
Exemple 4.50. Soit A un anneau ; évidemment, pour tout A-module M les fonc-
teurs −⊗A M et HomA (M, −) de la catégorie A−Mod dans elle-même sont additifs,
et tout homomorphisme d’anneaux f : A → B induit des foncteurs additifs :
(−)[f ] : B − Mod → A − Mod et B ⊗A − : A − Mod → B − Mod.
Remarque 4.51. Soit F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif.
(i) Noter que l’objet zéro de A − Mod (i.e. l’A-module trivial 0) est caractérisé
à isomorphisme près comme l’unique A-module M tel que IdM = 0 · IdM , et de
même pour l’objet zéro de B − Mod. Par définition, on a
IdF (0) = F (Id0 ) = F (0 · Id0 ) = 0 · F (Id0 ) = 0 · IdF (0)
d’où F (0) = 0. Il s’ensuit que F preserve les morphismes nuls, i.e. pour tout A-
module M, N on a F (0MN ) = 0F M,F N , car 0MN est l’unique application A-linéaire
M → N qui se factorise à travers l’A-module triviale, et de même pour 0F M,F N .
(ii) Soient M1 , M2 deux A-modules, et notons
ei : Mi → M1 ⊕ M2 πi : M1 ⊕ M2 → Mi ∀i = 1, 2
respectivement les injections et les projection canoniques. On a IdF Mi = F (πi ◦ei ) =
F πi ◦ F ei , donc F ei est injective et F πi est surjective pour i = 1, 2. De plus,
IdF (M1 ⊕M2 ) = F (IdM1 ⊕M2 ) = F (e1 ◦ π1 + e2 ◦ π2 ) = F e1 ◦ F π1 + F e2 ◦ F π2
d’où (Im e1 ) + (Im e2 ) = F (M1 ⊕ M2 ). Il s’ensuit que les applications F e1 et F e2
induisent un isomorphisme de B-modules

F M1 ⊕ F M2 → F (M1 ⊕ M2 )
i.e. F commute avec les sommes directes finies de A − Mod. On déduit aisément

que F π1 et F π2 induisent l’isomorphisme inverse F (M1 ⊕ M2 ) → F M1 ⊕ F M2 , i.e.
F commute aussi avec les produits finis de A − Mod.
(iii) D’autre part, F n’est pas forcémént exact ni à gauche, ni à droite. Mais
un foncteur G : A − Mod → B − Mod qui est exact à droite ou à gauche est
nécessairement additif : en effet, l’affirmation 3.30 implique que G(a · φ + b · φ′ ) =
a · Gφ + b · Gφ′ pour tout a, b ∈ N et toute application A-linéaire φ, φ′ : M → N . Il
reste donc à montrer que G(−a · φ) = −a · Gφ pour tout a ∈ N et tout φ comme
ci-dessus. Mais comme
G(0MN ) = G(a · φ − a · φ) = a · Gφ + G(−a · φ)
on est ramené à vérifier que G(0MN ) = 0MN . Or, G preserve l’objet zéro, car il est
exact à gauche ou à droite, donc on peut conclure comme en (i).
(iv) Si (M• , d• ) est un complexe de A-modules, le système
F (M• ) := (F Mi , F di | i ∈ Z)
est un complexe de B-modules ; en effet, compte tenu de (i) on a :
F di+1 ◦ F di = F (di+1 ◦ di ) = F (0Mi Mi+2 ) = 0F Mi ,F Mi+2 ∀i ∈ Z.
(v) Si f• : M• → N• est un morphisme de complexes, le système
F (f• ) := (F fi | i ∈ Z)
152 ã Cancer

est un morphisme de complexes F (M• ) → F (N• ). De plus, pour tout morphisme


de complexes g• : N• → Q• on a

F (g• ◦ f• ) = F (g• ) ◦ F (f• )

ainsi que F (IdM• ) = IdF (M• ) pour tout complexe M• . Donc, F induit un foncteur

C(F ) : C(A) → C(B) M• 7→ F (M• ).

Si f•′ : M• → N• est un autre morphisme de complexes, on voit aussi aisément que

F (af• + bf•′ ) = aF (f• ) + bF (f•′ ) ∀a, b ∈ Z.

Proposition 4.52. Soit F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif.


(i) F est exact à droite (resp. à gauche) si et seulement s’il transforme toute
f g
suite exacte de A-modules Σ := (M ′ − → M ′′ → 0) (resp. Σ′ := (0 →
→M −
′ f g
M − → M ′′ )) en une suite exacte de B-modules
→M −

Ff Fg Ff Fg
F M ′ −−→ F M −−→ F M ′′ → 0 (resp. 0 → F M ′ −−→ F M −−→ F M ′′ ).

(ii) F est exact si et seulement s’il transforme toute suite exacte courte de A-
modules en une suite exacte courte de B-modules.
(iii) Si F est exact, pour tout i ∈ Z il existe un isomorphisme de foncteurs :


F ◦ Hi → Hi ◦ C(F ) : C(A) → B − Mod.

En particulier, soit M• un complexe de A-modules. Si M• est exact (resp.


exact en degré i), il en est de même pour le complexe de B-modules F (M• ).

Démonstration. (i) : Si F est exact à droite, il suffit de reprendre verbatim la preuve


de la proposition 4.7 pour voir que F transforme Σ en une suite exacte F Σ. De
même, si F est exact à gauche, il commute avec les équaliseurs, en particulier avec
les noyaux (voir l’exemple 3.20(iv)), et donc F Σ′ est exacte. Réciproquement, grâce
à la remarque 4.51(ii) on sait déjà que F commute avec les sommes finie (resp. les
produits finis) ; en vertu de l’exercice 3.23, pour vérifier que F est exact à droite
(resp. à gauche) il suffit de montrer qu’il commute avec les coéqualiseurs (resp. avec
les équaliseurs). Soit donc g1 , g2 : M → M ′′ une couple d’applications A-linéaires ;
on pose g := g1 − g2 , M ′ := Ker g, et on dénote par f : M ′ → M l’inclusion
canonique, de telle façon que la suite Σ′ qui en résulte est bien exacte, et (M ′ , f )
représente l’équaliseur de g1 et g2 (voir l’exemple 3.20(ii)). Par hypothèse, la suite
F Σ′ est exacte, donc F M ′ s’identifie au noyau de F g, et F f s’identifie à l’inclusion
canonique de ce noyau dans F M ; mais on a F g = F g1 − F g2 car F est additif,
donc le noyau de F g représente l’équaliseur de F g1 et F g2 , comme souhaité. De
même on montre que F est exact à droite s’il transforme toute suite exacte Σ en
une suite exacte F Σ : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
(ii) : Grâce à (i), on sait déjà que la condition est nécéssaire, donc on peut
supposer que F transforme toute suite exacte courte en une suite exacte courte.
Or, soit φ : M → N une application A-linéaire ; il vient un diagramme de suites
exactes courtes entrelacées comme dans la remarque 2.61(v), et par hypothèse, le
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 153

diagramme induit :
0 ❏❏ r8 0
❏❏❏
❏% rrrr
r
F (Ker φ) F (Coker φ)
▼▼▼ 7
▼▼ ♣♣♣
Fi & Fφ ♣♣♣F π′
FM▲ / FN
▲▲▲ rrr9
▲▲& rrrF i′

F (Im φ)
r8 ▲▲▲
rr rr ▲▲
▲%
r
0 0
consiste encore de deux suites exactes courtes. Autrement dit, les couples
(F (Ker φ), F i) et (F (Coker φ), F π ′ )
représentent respectivement le noyau de F π et le conoyau de F i′ . Mais on voit
aussi que F i′ est injectif, donc Ker F π = Ker (F i′ ◦ F π) = Ker F φ, et de même
Coker F i′ = Coker (F i′ ◦ F π) = Coker F φ, car F π est surjectif. De plus, F (Im φ)
est l’image de F π, et cette dernière est identifié par F i′ avec l’image de F φ. On
conclut que la suite de B-modules :
Fi Fφ F π′
0 → F (Ker φ) −→ F M −−→ F N −−→ F (Coker φ) → 0
est exacte, et on a un isomorphisme naturel de B-modules :

F (Im φ) → Im F φ.
Maintenant, pour Σ comme en (i), on peut faire φ := f , et l’on déduit que F Σ
est exacte ; de même, pour une suite Σ′ on peut prendre φ := g, et en déduire
l’exactitude de F Σ′ . Compte tenu de (i), il s’ensuit que F est exact.
(iii) : La preuve de (ii) nous fournit déjà des isomorphismes de foncteurs
∼ ∼
(∗) F ◦ Bi → Bi ◦ C(F ) F ◦ Zi → Zi ◦ C(F ) ∀i ∈ Z.
ji k
Or, soit (M• , d• ) un complexe de A-modules et Bi (M• ) −→ Zi (M• ) −→
i
Mi les
inclusions, pour tout i ∈ Z ; il vient un diagramme commutatif :

F πi πi′ (
F (Bi (M• )) o F Mi−1 / Bi (F M• )
F ji F di−1 ji′
 F ki  ki′ 
F (Zi (M• )) / F Mi o Zi (F M• )
6

où ji′ et ki′ sont les inclusions, πi : Mi−1 → Bi (M• ) et πi′ : F Mi−1 → Bi (F M• ) les
projections, et dont les flèches en haut et en bas sont les isomorphismes naturels
(∗). On en déduit un isomorphisme naturel de B-modules

Coker F ji → Coker ji′ = Hi (F M• ) ∀i ∈ Z.
Mais la preuve de (ii) fournit aussi un isomorphisme naturel

F (Hi M• ) = F (Coker ji ) → Coker F ji
d’où l’assertion. 
Définition 4.53. (i) Soit P un A-module. On dit que P est plat si le foncteur
P ⊗A − : A − Mod → A − Mod est exact.
(ii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux. On dit que f est plat si B[f ]
est un A-module plat. Dans ce cas, on dit aussi que B est une A-algèbre plate.
154 ã Cancer

Remarque 4.54. (i) Compte tenu de la proposition 4.52(ii), le corollaire 4.20 et la


discussion qui le précède nous disent que la A-algèbre S −1 A est plate, pour toute
partie multiplicative S.
(ii) Les propositions 4.52(ii) et 4.7 impliquent aussi aisément qu’un A-module
P est plat si et seulement si le foncteur P ⊗A − transforme applications A-linéaires
injectives en applications A-linéaires injectives.
L (iii) Si (Pλ | λ ∈ Λ) est une famille de A-modules, la somme directe′ P :=
λ∈Λ Pλ est plate si et seulement si chaque Pλ est plat. En effet, si φ : N → N
est une application A-linéaire injective, on a un diagramme commutatif
P ⊗A φ
P ⊗A N ′ / P ⊗A N

 L 
L ′ λ∈Λ (Pλ ⊗A φ) L
/
λ∈Λ (Pλ ⊗A N ) λ∈Λ (Pλ ⊗A N )
dont
L les flèches verticales sont les isomorphismes de l’exercice 4.5(iii), et où la flèche
λ∈Λ (Pλ ⊗A φ) est l’unique application A-linéaire telle que
(xλ ⊗ yλ | λ ∈ Λ) 7→ (xλ ⊗ φ(yλ ) | λ ∈ Λ).
Evidemment les applications Pλ ⊗A φ sont toutes injectives si et seulement s’il en
est de même pour leur somme directe, et cette dernière condition est équivalente
à l’injectivité de P ⊗A φ. Pour conclure, on applique (ii) ci-dessus. En particulier,
tout A-module libre est plat.
(iv) Par exemple, pour tout ensemble Λ, la A-algèbre de polynômes A[Xλ | λ ∈ Λ]
est plate (voir l’exemple 2.13), car son A-module sous-jacent est libre.
(v) La propriété associative du produit tensoriel (voir l’exercice 4.5(iii)) implique
aussi immédiatement que si P et Q sont deux A-modules plats, P ⊗A Q est plat.
Plus généralement, si B est une A-algèbre, Q un A-module plat, P un B-module
plat, la proposition 4.15 implique que P ⊗A Q est un B-module plat. En particulier,
si f : A → C est un homomorphisme plat d’anneaux, l’homomorphisme induit
B ⊗A f : B → B ⊗A C est plat pour toute A-algèbre B.
(vi) Soit P un A-module plat, et a ∈ A un élément régulier, i.e. tel que a · IdA
est un endomorphisme injectif de A ; il s’ensuit que a · IdP = (a · IdA ) ⊗A P est un
endomorphisme injectif de P . En particulier, si A est intègre, tout homomorphisme
plat d’anneaux A → B avec B 6= 0 est injectif.
Exercice 4.55. (i) Soit f : A → B un homomorphisme plat d’anneaux, et P un
B-module plat. Montrer que P[f ] est un A-module plat.
(ii) En particulier, si f : A → B est une A-algèbre plate, et g : B → C est une
B-algèbre plate, alors g ◦ f : A → C est une A-algèbre plate.
(iii) Généraliser la remarque 4.54(iii) de la façon suivante. Soit P• := (Pλ | λ ∈ Λ)
un système de A-modules plats, indexé par un ensemble partiellement ordonné filtré
Λ. Montrer que la limite directe du système P• est un A-module plat.
Proposition 4.56. Soient M un A-module et B une A-algèbre.
(i) Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) M est un A-module plat.
(b) Mp est un Ap -module plat pour tout p ∈ Spec A.
(c) Mm est un Am -module plat pour tout m ∈ Max A.
(ii) Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) B est une A-algèbre plate.
(b) Bp est une A-algèbre plate pour tout p ∈ Spec B.
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 155

(c) Bm est une A-algèbre plate pour tout m ∈ Max B.

Démonstration. (i) : On a (a) ⇒ (b) par la remarque 4.54(v), et (b) ⇒ (c) est
trivial. Supposons que (c) soit vérifié, et soit φ : N → N ′ un homomorphisme
injectif de A-modules ; pour tout m ∈ Max A on déduit un diagramme commutatif
(M⊗A φ)m
(M ⊗A N )m / (M ⊗A N ′ )m

 Mm ⊗Am φm 

/ M m ⊗ Am N m
M m ⊗ Am N m

dont les flèches verticales sont les isomorphismes du corollaire 4.21. Compte tenu de
la condition (c), il s’ensuit aisément que (M ⊗A φ)m est injectif pour tout m ∈ Max A,
donc M ⊗A φ est injectif, par la proposition 4.43, d’où (a).
(ii) : On a (a) ⇒ (b) grâce à l’exercice 4.55(ii), donc il suffit de montrer que (c) ⇒
(a). Soit φ : N → N ′ comme ci-dessus ; l’application B ⊗A φ : B ⊗A N → B ⊗A N ′
est B-linéaire, donc elle est injective si et seulement si sa localisation (B ⊗A φ)m
est injective pour tout m ∈ Max B (proposition 4.43) ; mais en raisonnant comme
ci-dessus, l’on identifie (B ⊗A φ)m avec Bm ⊗B (B ⊗A φ) ≃ Bm ⊗A φ, et cette dernière
est une application injective, car par hypothèse Bm est une A-algèbre plate. 

Proposition 4.57. Soit P un A-module. Alors P est plat si et seulement si l’ap-


plication A-linéaire
φI : P ⊗A I → P x ⊗ a 7→ ax
est injective pour tout idéal I ⊂ A de type fini.

Démonstration. L’isomorphisme naturel P → P ⊗A A identifie φI avec P ⊗A i,
où i : I → A est l’inclusion, donc si P est plat l’application φI est injective.
Réciproquement, supposons que φI soit injective pour tout idéal I de A de type
fini, et soit j : M ′ → M l’inclusion d’un sous-module de M ; par la remarque 4.54(ii)
il suffit de montrer que P ⊗A j est injective.
Affirmation 4.58. Si φI est injective pour tout idéal I ⊂ A de type fini, alors φI
est injective pour tout idéal I de A. Pn
Preuve : Soit I ⊂ A un idéal arbitraire, et x ∈ Ker φI ; écrivons x = i=1 xi ⊗ ai
pour certains x1 , . . . , xn ∈ P et a1 , . . . , an ∈ I, et notons par J ⊂ I le sous-idéal
engendré par a1 , . . . , an . Evidemment x est dans l’image de l’application A-linéaire
φJ,I : P ⊗A J → P ⊗A I induite par l’inclusion J → I ; on a φI ◦ φJ,I = φJ , et
comme φJ est injective par hypothèse, on déduit que x = 0, d’où l’assertion. ♦
Affirmation 4.59. On peut supposer que M soit de type fini.
Preuve : Ecrivons M comme la colimite du système filtré (Mλ | λ ∈ Λ) de ses sous-
modules de type fini, ordonnés par inclusion ; on pose Mλ′ := M ′ ∩ Mλ , de telle
façon que M ′ est la colimite du système filtré (Mλ′ | λ ∈ Λ). Pour tout λ ∈ Λ soit
j
jλ : Mλ′ → Mλ la restriction de j ; le complexe Σ• := (0 → M ′ −
→ M ) est alors la

colimite du système filtré de complexes (Σλ• := (0 → Mλ′ −→ Mλ ) | λ ∈ Λ), où les
morphismes de transition Σµ• → Σλ• sont induites par les inclusions Mµ′ → Mλ′ et
Mµ → Mλ , pour tout µ ≤ λ de Λ. On sait que les colimites de C(A) se calculent
terme à terme (voir l’exercice 3.49(ii)) et d’autre part le foncteur P ⊗A − commute
avec les colimites (proposition 4.7), donc P ⊗A Σ• est la colimite du système filtré
(P ⊗A Σλ• | λ ∈ Λ) ; de plus, les foncteurs Hi commutent avec les limites directes
filtrées (voir l’exercice 3.57). On est donc ramené à montrer l’injectivité de P ⊗A jλ
pour tout λ ∈ Λ, d’où l’assertion. ♦
156 ã Cancer

Soit donc M de type fini, et supposons d’abord que M soit libre de rang r ∈ N ; on

raisonne par récurrence sur r : si r = 1, on a un isomorphisme de A-modules A → M
qui identifie le sous-module M de M à un idéal I ⊂ A, et alors l’affirmation 4.58

nous dit que P ⊗A j est injective, comme souhaité. Ensuite, soit r > 1, et supposons
que P ⊗A j ′ soit injective, pour toute inclusion j ′ : N ′ → N d’un A-module N ′ dans
un A-module libre de rang < r. Soit alors N ⊂ M un facteur direct, libre de rang
r − 1, de telle façon que Q := M/N est aussi libre de rang 1, et M est isomorphe à
la somme directe N ⊕ Q ; on pose N ′ := M ′ ∩ N , et on dénote par π : M → Q la
projection. Il vient un diagramme commutatif à lignes horizontales exactes
0 / N′ / M′ / π(M ′ ) /0
D : j′ j j ′′
  π

0 /N /M /Q /0

où j, j ′ , j ′′ sont les inclusions. Après tensorisation avec P , l’on déduit un diagramme


commutatif P ⊗A D ; rappelons que le foncteur additif P ⊗A − commute avec les
sommes directes finies et les produits directs finis (remarque 4.51(ii)), donc la ligne
horizontale en bas de P ⊗A D est toujours exacte, et celle du haut est exacte à droite,
car P ⊗A −est exact à droite (proposition 4.52(i)). Par hypothèse de récurrence les
flèches verticales P ⊗A j ′ et P ⊗A j ′′ de P ⊗A D sont injectives ; par le lemme du
serpent, il s’ensuit que P ⊗A j est injective, comme souhaité.
En dernier lieu, soit M un A-module de type fini arbitraire ; on peut trouver un
A-module libre L de rang fini avec une surjection A-linéaire f : L → M , et on pose
L′ := f −1 (M ′ ) et K := Ker f . Il vient un diagramme commutatif à lignes exactes :
0 /K / L′ / M′ /0

D : j′ j
 f 
0 /K /L /M /0
où j est l’inclusion. Par le cas précédent, la ligne horizontale en bas de P ⊗A D ′

est toujours exacte, et celle du haut est exacte à droite ; de plus, Ker P ⊗A j ′ = 0,
encore par le cas précédent. Par le lemme du serpent, il s’ensuit que Ker P ⊗A j = 0,
et la preuve est achevée. 
Exercice 4.60. (i) Soit P un A-module. Montrer que P est plat si et seulement
s’il satisfait la condition suivante. Pour tout n ∈ N et toute relation linéaire
a1 x1 + · · · + an xn = 0 avec a1 , . . . , an ∈ A et x1 , . . . , xn ∈ P
il existe y1 , . . . , ym ∈ P et des éléments (bij | i = 1, . . . , n; j = 1, . . . , m) de A avec
m
X n
X
(∗) bih yh = xi et bkj ak = 0 ∀i ≤ n, ∀j ≤ m.
h=1 k=1

(ii) Soit A un anneau intègre et principal, P un A-module. Montrer que P est plat
si et seulement s’il est sans torsion (voir le paragraphe 1.1.3).
Théorème 4.61. Soit A un anneau local. Tout A-module plat de type fini est libre.
Démonstration. Soit P un tel A-module. Soit m l’idéal maximal de A, et x1 , . . . , xd
des éléments de P dont les images dans k(m) ⊗A P = P/mP sont une famille libre
de ce dernier espace k(m)-vectoriel. On va d’abord montrer par récurrence sur d,
que x1 , . . . , xd est une famille libre de P , i.e. pour toute relation A-linéaire :
(∗) a1 x1 + · · · + ad xd = 0 avec a1 , . . . , ad ∈ A
on a a1 = · · · = ad = 0. Pour d = 1, soit donc ax1 = 0 pour quelque a ∈ A ; d’après
l’exercice 4.60(i), il existe y1 , . . . , ym ∈ P (pour quelque m ∈ N) et b1 , . . . , bm ∈ A
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 157

Pm
tel que x1 = i=1 bi yi et bj a = 0 pour tout j = 1, . . . , d. Comme x1 ∈ / mP , on
doit avoir bi ∈ / m pour au moins un indice i ; il s’ensuit que bi ∈ A× , d’où a = 0,
comme souhaité. Ensuite, soit d > 1, et supposons que l’assertion soit déjà connue
pour toute famille x′1 , . . . , x′d−1 d’éléments de P dont l’image est libre dans P/mP .
Etant donné une relation (∗), d’après l’exercice 4.60(i) on trouve yP 1 , . . . , ym ∈ P
et des éléments (bij | i = 1, . . . , d; j = 1, . . . , m) de A tels que xi = m h=1 bih yh et
Pd
k=1 b kj a k = 0 pour tout i = 1, . . . , d et j = 1, . . . , m. A nouveau, comme xd ∈/ mP ,
il existe h ≤ m tel que bdh ∈ A× ; il vient ad = −b−1 dh · (b a
1h 1 + · · · + b d−1h d−1 ).
a
Posons ck := −bkh /bdh ∈ A pour k = 1, . . . , d − 1 ; l’on déduit la relation A-linéaire
a1 (x1 + c1 xd ) + · · · + ad−1 (xd−1 + cd−1 xd ) = 0 dans P.
Mais évidemment l’image dans P/mP de la suite x1 + c1 xd , . . . , xd−1 + cd−1 xd est
une famille libre ; par hypothèse de récurrence, l’on a donc a1 = · · · = ad−1 = 0,
d’où ad xd = 0, et par le cas précédent on conclut que ad = 0, comme souhaité.
Choisissons maintenant une suite x• := (x1 , . . . , xn ) d’éléments de P dont les
images dans P/mP sont une base de ce k(m)-espace vectoriel. Par la proposition
4.39 on sait que x• est un système de générateurs de P ; de l’autre côté, par ce qui
précède la famille x• est libre dans P . Donc P ≃ An et x• est une base de P . 

Voici une importante propriété topologique des homomorphismes plats, déjà an-
noncée dans l’introduction :
Théorème 4.62. Si f : A → B est un homomorphisme plat d’anneaux, l’applica-
tion continue induite Spec f est générisante.
Démonstration. Soient p1 , p2 ∈ Spec A tels que p1 ⊂ p2 , et q2 ∈ Spec B tel que
f −1 q2 = p2 ; l’assertion revient à dire qu’il existe q1 ∈ Spec B tel que
q1 ⊂ q2 et f −1 q1 = p1 .
Or, soit g : A/p1 → B/p1 B l’homomorphisme d’anneaux induit par f ; d’un côté,
les projections A → A/p1 et B → B/p1 B induisent des homéomorphismes :
∼ ∼
Spec A/p1 → V (p1 ) Spec B/p1 B → V (p1 B) = (Spec f )−1 V (p1 )
qui identifient Spec g avec la restriction (Spec f )−1 V (p1 ) → V (p1 ) de Spec f (voir
la remarque 1.27(ii)) ; de l’autre côté on a p2 ∈ V (p1 ), et B/p1 B ≃ A/p1 ⊗A B est
une A/p1 -algèbre plate, par la remarque 4.54(v). Quitte à remplacer A par A/p1 ,
B par B/p1 B, et f par g, on peut ainsi supposer que A soit intègre et p1 = 0.
Rappelons que Bq2 est un B-module plat (remarque 4.54(i)), donc Bq2 est une
A-algèbre plate, par l’exercice 4.55(ii) ; par une réduction semblable, on peut alors
aussi remplacer B par Bq2 (car l’image de Spec Bq2 dans Spec B contient q2 ), ce qui
permet de supposer que q2 soit l’unique idéal maximal de B. Dans cette situation,
il reste à trouver un idéal premier q1 de B tel que f −1 q1 = 0.
Or, soit K le corps des fractions de A ; comme f est injectif (remarque 4.54(vi))
et K est une A-algèbre plate, l’homomorphisme fK := K ⊗A f : K → K ⊗A B est
encore injectif, et en particulier, K ⊗A B 6= 0. Il s’ensuit que Spec K ⊗A B 6= ∅ ;
d’autre part, on a le diagramme commutatif
Spec K ⊗A B / Spec B

Spec fK Spec f
 
Spec K / Spec A

et l’image de Spec K dans Spec A est le seul idéal 0. On voit donc que l’on peut
choisir pour q1 n’importe quel élément de Spec B dans l’image de Spec K ⊗A B. 
158 ã Cancer

Problème 4.63. On dit qu’un homomorphisme d’anneaux f : A → B est fidèle-


ment plat, si f est plat et l’application Spec f : Spec B → Spec A est surjective.
(i) Montrer que f est fidèlement plat si et seulement si le foncteur B ⊗A − :
A − Mod → B − Mod est exact et fidèle.
(ii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux fidèlement plat, M un
A-module et C une A-algèbre. Montrer les assertions suivantes :
(a) L’homomorphisme C ⊗A f : C → C ⊗A B est fidèlement plat.
(b) M est plat (resp. de type fini, resp. de présentation finie) si et seulement si
le B-module B ⊗A M est plat (resp. de type fini, resp. de présentation finie).
(c) C est de type fini (resp. de présentation finie) si et seulement si la B-algèbre
B ⊗A C est de type fini (resp. de présentation finie).
(iii) Soient (A, mA ) et (B, mB ) deux anneaux locaux ; on dit que l’homomor-
phisme f : A → B est local si f −1 mB = mA . Montrer qu’un homomorphisme plat
d’anneaux locaux est fidèlement plat si et seulement s’il est local.
4.5.1. Le théorème de Lazard. Le dernier résultat important de cette leçon est un
théorème dû à D.Lazard, que l’on peut voir comme une caractérisation purement
catégorielle des A-modules plats (car les modules libres sont à leur tour caractérisés
par des propriétés universelles : voir l’exemple 2.12). Je suis la présentation originelle
de [18], mais j’ai aussi intégré quelques observations utiles tirées de [10, Sec. 6.3].
Lemme 4.64. Soit P un A-module. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) P est un A-module plat.
(b) Pour tout A-module de presentation finie M et toute application A-linéaire
f : M → P il existe un A-module L libre de rang fini et des applications
A-linéaires g : M → L et h : L → P telles que f = h ◦ g.
Démonstration. (a)⇒(b) : On peut supposer que M = L1 /(Ax1 +· · ·+Axs ) pour un
A-module libre L1 de rang fini et une suite x1 , . . . , xs d’éléments de L1 ; on dénote
par π : L1 → M la projection et on pose φ1 := f ◦ π. Il suffit de montrer qu’il
existe un A-module libre L de rang fini et des applications A-linéaires g1 : L1 → L,
h : L → P avec x1 , . . . , xs ∈ Ker g1 et telles que φ1 = h ◦ g1 ; en effet, dans ce cas g1
se factorise à travers une application A-linéaire g : M → L et on aura f = h ◦ g. On
raisonne par récurrence sur s. Si s = 0, on a L = M et on prend g := IdL , h := f .
Ensuite, soit s > 0, et on suppose que pour tout A-module libre L2 de rang fini,
toute application A-linéaire φ2 : L2 → P et tout système x′1 , . . . , x′s−1 d’éléments
de Ker φ2 , il existe des homomorphismes g2 : L2 → L et h : L → P de A-modules
tels que φ2 = h ◦ g2 , avec L libre de rang fini Pet x′1 , . . . , x′s−1 ∈ Ker g2 . Or, soit
n
e1 , . . . , en une
Pnbase de L1 , et disons que xs = i=1 ai ei pour certains a1 , . . . , an ∈
A ; il vient i=1 ai · φ1 (ei ) = 0 dans P , et suivant l’exercice 4.60(i) on peut alors
trouver y1 , . . . ,P
ym ∈ P et des éléments (bij | i = 1, . . . P , n; j = 1, . . . , m) de A tels
m n
que φ1 (ei ) = h=1 b ih y h pour tout i = 1, . . . , n et k=1 bkj ak = 0 pour tout
j = 1, . . . , m. On pose L2 := A et on dénote par e1 , . . . , e′m la base canonique de
m ′

L2 ; on définit des applications ψ : L1 → L2 et φ2 : L2 → P par :


ψ(ei ) := bi1 e′1 + · · · + bim e′m ∀i = 1, . . . , n φ2 (e′j ) := yj ∀j = 1, . . . , m.
Une simple inspection montre que φ2 ◦ ψ = φ1 , et donc les éléments ψ(xi ) sont dans
le noyau de φ2 , pour tout i = 1, . . . , s − 1. De plus, on voit aisément que ψ(xs ) = 0.
Par hypothèse de récurrence, φ2 est la composition d’applications A-linéaires g2 :
L2 → L et h : L → P avec L libre de rang fini et ψ(x1 ), . . . , ψ(xs−1 ) ∈ Ker g2 . Si
on pose g1 := g2 ◦ ψ et h := h3 on a finalement x1 , . . . , xs ∈ Ker g1 et φ1 = h ◦ g1 .
Pn(b)⇒(a) : Soient x1 , . . . , xn ∈ P et a1 , . . . , an ∈ A deux suites finies telles que
a x
i=1 i i = 0 dans P . Notons par e 1 , . . . , e n la base canonique de An
, et posons
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 159

Pn
x := i=1 ai ei ∈ An ; on considère l’application A-linéaire φ : An → P telle que
φ(ei ) := xi pour tout i = 1, . . . , n. Evidemment φ(x) = 0, donc φ se factorise à
travers la projection π : An → M := An /Ax et une unique application A-linéaire
f : M → P . Par hypothèse, il existe un A-module libre L de rang m ∈ N tel
que f soit la composition d’applications A-linéaires g : M → L et h : L → P ; soit
une base choisie de L. Pout tout i ≤ n on a donc bi1 , . . . , bimP∈ A tels que
e′1 , . . . , e′m P
m m
g◦π(ei ) = j=1 bij e′j ; soit aussi yj := h(e′j ) pour tout j ≤ m. Il vient h=1 bih yh =
Pn
xi pout tout i ≤ n, et comme x ∈ Ker φ, on a d’autre part k=1 bkj ak = 0 pour
tout j ≤ m. Compte tenu de l’exercice 4.60(i), il s’ensuit que P est plat. 

Théorème 4.65. (Lazard) Soit P un A-module. Alors P est plat si et seulement


s’il est la limite directe d’un système filtré de A-modules libres de rang fini.
Démonstration. La condition est suffisante, au vu de l’exercice 4.55(iii), car tout A-
module libre est plat (remarque 4.54(iii)). Pour la réciproque, considérons d’abord
un A-module M quelconque ; on pose E := M ×N, on dénote par (em,n | (m, n) ∈ E)
la base canonique de A(E) , et soit φ : A(E) → M l’application A-linéaire telle que
em,n 7→ m pour tout (m, n) ∈ E. On dénote par FM l’ensemble des couples (I, S)
constitués d’une partie finie I ⊂ E et un sous-module S ⊂ AI ∩ Ker φ de type fini,
et on munit FM de l’ordre partiel tel que (I, S) ≥ (I ′ , S ′ ) si et seulement si I ′ ⊂ I
et S ′ ⊂ S. Evidemment (FM , ≥) est filtré, et on considère le système filtré de A-

modules (AI /S | (I, S) ∈ FM ), dont les morphismes de transition AI /S ′ → AI /S

sont les applications A-linéaires induites par l’inclusion AI ⊂ AI , pour (I ′ , S ′ ) ≤
(I, S). On a de plus un co-cône φ• := (φ(I,S) : A /S → M | (I, S) ∈ FM ), où
I

chaque φ(I,S) est induit par la restriction AI → M de φ. Compte tenu de l’exercice


3.12(iii) on voit aisément que le co-cône φ• est universel. Soit maintenant GM ⊂ FM
la partie constituée des couples (I, S) tels que AI /S est un A-module libre (donc,
de rang fini) ; au vu de l’exercice 3.18, on est ramené à montrer :
Affirmation 4.66. Si P est un A-module plat, GP est une partie cofinale de FP .
Preuve : Soit (I, S) ∈ FP et pour tout (m, n) ∈ I soit ēm,n ∈ AI /S l’image de
l’élément em,n de la base canonique de AI . Suivant le lemme 4.64, il existe un A-
module libre de rang r ∈ N et des applications A-linéaires ν : AI /S → L, ω : L → P
telles que φ(I,S) = ω ◦ ν. Choisissons une base B := {l1 , . . . , lr } de L et une partie
I ′ := {(m1 , n1 ), . . . , (mr , nr )} ⊂ (P × N) \ I de cardinalité r telle que mi = ω(li )

pour i = 1, . . . , r, et soit τ : I ′ → B la bijection telle que τ (mi , ni ) := li pour
i = 1, . . . , r. On pose J := I ∪ I et on considère l’application

(
J ν(ēm,n ) si (m, n) ∈ I
ψ:A →L em,n 7→
τ (m, n) si (m, n) ∈ I ′ .
Posons aussi T := Ker ψ ; par inspection directe, on voit que S ⊂ T , et T est un
sous-module de type fini de AJ , par l’exercice 3.56(iv). De plus, on a ω ◦ ψ = φ|AJ ,
donc T ⊂ Ker φ, i.e. (J, T ) ∈ GP et (J, T ) ≥ (I, S), d’où l’assertion. 

Remarque 4.67. Ce résultat est notamment utile dans la situation suivante. Soit
F : A−Mod → B−Mod un foncteur qui commute avec les limites directes filtrées ; si
on sait montrer que F transforme A-modules libres en B-modules plat, on déduira
plus généralement grâce au théorème 4.65 que F transforme A-modules plats en
B-modules plats. Voici quelques applications :
Problème 4.68. Soit A un anneau (commutatif) ; une A-algèbre associative est
une donnée (B, f : A → B) où B est an anneau associatif et unitaire, et f est
un homomorphisme d’anneaux associatifs et unitaires. Evidemment les A-algèbres
160 ã Cancer

associatives forment une catégorie


A − AlgAss
dont les morphismes sont définis comme dans le cas des A-algèbres commutatives
(voir le paragraphe 1.1.1). On a deux foncteurs d’oubli évidents
F : A − Alg → A − Mod G : A − AlgAss → A − Mod
qui associent à toute A-algèbre (resp. à toute A-algèbre associative) son A-module
sous-jacent.
(i) Montrer que F et G admettent des adjoints à gauche, que l’on notéra
Sym•A : A − Mod → A − Alg Tens•A : A − Mod → A − AlgAss.
Pour tout A-module M , on appelle Sym•A (M ) la A-algèbre symétrique et Tens•A (M )
la A-algèbre tensorielle associée à M .
(ii) Soit P un A-module plat ; montrer que Sym•A (P ) est une A-algèbre plate,
et Tens•A (P ) est une A-algèbre associative plate.
Problème 4.69. Soit A un anneau, B une A-algèbre associative. On dit que B est
alternée si le A-module sous-jacent à B est une somme directe
M
B= Bn
n∈N

de A-modules (Bn | n ∈ N) appelés les composantes homogènes de B, et on a :



— b · b′ ∈ Bn+n′ et b · b′ = (−1)nn b′ · b pour tout n, n′ ∈ N, b ∈ Bn et b′ ∈ Bn′
— b2 = 0 pour tout n ∈ N et tout b ∈ B2n+1 .
Un morphisme f : B → B ′ de A-algèbres alternées est un morphisme de A-algèbres
associatives tel que f (Bn ) ⊂ Bn′ pour tout n ∈ N ; donc f est la somme directe
d’applications A-linéaires (fn : Bn → Bn′ | n ∈ N). Evidemment les A-algèbres
alternées forment une catégorie
A − AlgAlt.
De plus, pour tout n ∈ N on a un foncteur :
(−)n : A − AlgAlt → A − Mod B 7→ Bn (f : B → B ′ ) 7→ (fn : Bn → Bn′ ).
(i) Montrer que le foncteur (−)1 admet un adjoint à gauche
Λ•A : A − Mod → A − AlgAlt.
Pour tout A-module M on appelle Λ•A (M ) la A-algèbre extérieure associée à M .
(ii) Soient B et C deux A-algèbres alternées. Montrer qu’il existe sur le produit
tensoriel B ⊗A C une structure naturelle de A-algèbre alternée telle que
L
— (B ⊗A C)n = i+j=n Bi ⊗A Cj pour tout n ∈ N
— les applications iB : B → B ⊗A C et iC : C → B ⊗A C telles que iB (b) := b⊗1
et iC (c) := 1 ⊗ c pour tout b ∈ B et c ∈ C sont des morphismes d’algèbres
alternées
— B ⊗A C représente le coproduit de B et C dans la catégorie A − AlgAlt, et le
couple de morphismes (iB , iC ) est un co-cône universel.
(iii) Soient M et N deux A-modules. Déduire de (ii) et du problème 4.68(i) des
isomorphismes naturels :
∼ ∼
Sym•A (M ⊕ N ) → Sym•A (M ) ⊗A Sym•A (N ) Λ•A (M ⊕ N ) → Λ•A (M ) ⊗A Λ•A (N )
de A-algèbres et respectivement de A-algèbres alternées.
(iv) Soit P un A-module plat. Montrer que Λ•A (P ) est une A-algèbre alternée plate.
§ 4.5: Modules plats et algèbres plates 161

Remarque 4.70. (i) Soit f : A → A′ un homomorphisme d’anneaux. Comme déjà


pour les algèbres commutatives (voir l’exercice 4.25(iv)), on a un foncteur évident
de restriction des scalaires :
(−)[f ] : A′ − AlgAss → A − AlgAss (B, g : A → B) 7→ B[f ] := (B, g ◦ f )
dont l’on peut exhiber un adjoint à gauche explicite : si B est une A-algèbre as-
sociative, la loi de multiplication B × B → B de B se factorise comme d’habitude
à travers une application A-linéaire µ : B ⊗A B → B : b ⊗ b′ 7→ bb′ , d’où, par la
proposition 4.18, une application A′ -linéaire
∼ A′ ⊗ A µ
(A′ ⊗A B) ⊗A′ (A′ ⊗A B) → A′ ⊗A (B ⊗A B) −−−−→ A′ ⊗A B
qui correspond à son tour à une application A′ -bilinéaire µ′ : (A′ ⊗A B) × (A′ ⊗A
B) → A′ ⊗A B. On voit aisémént que µ′ (a1 ⊗ b1 , a2 ⊗ b2 ) = a1 a2 ⊗ b1 b2 pour
tout a1 , a2 ∈ A′ et b1 , b2 ∈ B ; il s’ensuit que µ′ est la loi de multiplication d’une
structure de A′ -algèbre associative bien définie sur A′ ⊗A B, dont l’homomorphisme
structurel est l’application iA′ : A′ → A′ ⊗A B : a 7→ a ⊗ 1. De plus, l’application
canonique iB : B → (A′ ⊗A B)[f ] est un homomorphisme de A-algèbres, et le couple
(A′ ⊗A B, iB ) est universel pour le foncteur HomA−Alg (B, (−)[f ] ) : A′ − Alg → Ens.
(Les détails seront confiés au lecteur : comparer avec la remarque 4.13(i).) Cela
achève la construction de l’adjoint à gauche souhaité :
A′ ⊗A − : A − AlgAss → A′ − AlgAss B 7→ A′ ⊗A B.
Si, de plus, B est une A-algèbre alternée, l’on voit aussitôt que A′ ⊗A B est une
A’-algèbre alternée, d’où par restriction, un adjoint à gauche
A′ ⊗A − : A − AlgAlt → A′ − AlgAlt
pour le foncteur de restriction des scalaires correspondant.
(ii) On a vu que Sym•A (A) est isomorphe à A[X], et en particulier SymiA (A) est
un A-module libre de rang 1 pour tout i ∈ N. La solution du problème 4.69(iv) nous
a montré, d’autre part, que ΛiA (A) = 0 pour i > 1 et ΛiA (A) = A pour i = 0, 1.
Compte tenu des isomorphismes du problème 4.69(iii), par une simple récurrence
sur k l’on déduit que pour tout i, k ∈ N les A-modules
SymiA (Ak ) et ΛiA (Ak )
 
sont libres de rang k+i−1 et respectivement ki (voir aussi l’exemple 11.17 ; ici on
 i
pose ki := 0 pour i > k) : les vérifications détaillées sont confiées au lecteur.
(iii) Soit M un A-module, et β : M k = M × · · · × M → A une application A-
multilinéaire du produit cartésien de k copies de M ; on dit que β est une k-forme
alternée si l’application A-linéaire induite M ⊗A · · ·⊗A M → A se factorise à travers
ΛkA (M ). Cela veut dire que β s’annule sur toute suite m• := (m1 , . . . , mk ) ∈ M k
tel que {m1 , . . . , mk } est un ensemble de cardinalité < k. Il s’ensuit aisément que
β s’annule plus généralement sur toute suite m• dont une des composantes mi est
combinaison linéaire des autres composantes m1 , . . . , mi−1 , mi+1 , . . . , mk . Voici une
application que j’ai appris de J.-F.-Burnol :
Problème 4.71. (i) Soit x• := (x1 , . . . , xk ) une suite d’éléments de Ak . Montrer
que x• est liée (i.e. il existe une relation a1 x1 + · · · + ak xk = 0 avec a1 , . . . , ak ∈ A
non tous nuls) si et seulement s’il existe u ∈ A \ {0} tel que
u · f (x1 , . . . , xk ) = 0
pour toute k-forme A-linéaire alternée f : ΛkA (Ak ) → A.
(ii) Déduire de (i) une autre solution pour la dernière question du problème 4.41(i).
162 ã Cancer

Exercice 4.72. Soit A → A′ un homomorphisme d’anneaux, M un A-module.


Exhiber des isomorphismes naturels de A′ -algèbres et respectivement de A′ -algèbres
alternées :
∼ ∼
A′ ⊗A Sym•A (M ) → Sym•A′ (A′ ⊗A M ) A′ ⊗A Λ•A (M ) → Λ•A′ (A′ ⊗A M ).
4.6. Solutions aux exercices et problèmes.
Exercice 4.5, partie (i) : Les deux applications en question sont A-linéaires, donc
il suffit de montrer qu’elles coïncident sur les tenseurs élémentaires. Mais si m ∈ M
et n ∈ N , on a
(f ′ ◦ f ) ⊗A (g ′ ◦ g)(m ⊗ n) = (f ′ ◦ f )(m) ⊗ (g ′ ◦ g)(n)
= (f ′ ⊗A g ′ )(f (m) ⊗ g(n))
= (f ′ ⊗A g ′ ) ◦ (f ⊗A g)(m ⊗ n).
Partie (ii) : On considère l’application A-bilinéaire σ : A × M → M telle que
β(a, m) = a · m pour tout a ∈ A, m ∈ M . Si P est un A-module et β : A × M → P
une application A-bilinéaire, on voit aisément qu’il existe une application A-linéaire
unique β1 : M → P telle que β = β1 ◦ σ : à savoir, l’application telle que β1 (m) =
β(1, m) pour tout m ∈ M . Donc, (M, σ) est un couple universel pour le foncteur
LA (A × M, −) ; par le lemme 2.11(i), il existe alors un isomorphisme A-linéaire

unique φ : A⊗A M → M tel que φ◦ω = σ, où ω : A×M → A⊗A M est l’application
A-bilinéaire universelle. Evidemment, φ(a ⊗ m) = φ ◦ ω(a, m) = σ(a, m) = a · m
pour tout a ∈ A et m ∈ M .
Partie (iii) : Notons
M M M
M := Mλ M ′ := Mλ′ ′ M ′′ := (Mλ ⊗A Mλ′ ′ )
λ∈Λ λ′ ∈Λ′ (λ,λ′ )∈Λ×Λ′

et soit β : M × M ′ → M ′′ l’application A-bilinéaire telle que


β(m• , m′• ) = (mλ ⊗ m′λ′ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ) ∀m• ∈ M, m′• ∈ M ′ .
Il existe une application A-linéaire unique β̄ : M ⊗A M ′ → M ′′ telle que β̄ ◦ ω = β,
où ω : M × M ′ → M ⊗A M ′ est l’application A-bilinéaire universelle. Evidemment
β̄(m• ⊗ m′• ) = (mλ ⊗ m′λ′ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ) pour tout m• , m′• comme ci-dessus.
De l’autre côté, pour tout (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ les inclusions canoniques iλ : Mλ → M
et i′λ′ : Mλ′ ′ → M ′ induisent des applications A-linéaires iλ ⊗A i′λ′ : Mλ ⊗A Mλ′ ′ →
M ⊗A M ′ , d’où une application A-linéaire γ : M ′′ → M ⊗A M ′ telle que
X
γ(mλ ⊗ m′λ′ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ) = (iλ ⊗A i′λ′ )(mλ ⊗A m′λ′ )
(λ,λ′ )∈Λ×Λ′

pour tout (mλ ⊗ m′λ′ | (λ, λ ) ∈ Λ × Λ ) ∈ M ′′ . On voit aisément que β̄ et γ sont


′ ′

l’inverse l’une de l’autre, donc β̄ est un isomorphisme.


Partie (iv) : On considère l’application A-bilinéaire β : M × M ′ → M ′ ⊗A M
telle que β(m, m′ ) = m′ ⊗ m pour tout m ∈ M , m′ ∈ M ′ . Il existe donc une
application A-linéaire unique β̄ : M ⊗A M ′ → M ′ ⊗A M telle que β̄ ◦ ω = β, où
ω : M × M ′ → M ⊗A M ′ est l’application A-bilinéaire universelle. Evidemment
β̄(m ⊗ m′ ) = m′ ⊗ m pour tout m ∈ M et m′ ∈ M ′ . Si on échange les rôles de M
et M ′ , on obtient de même une application A-linéaire β̄ ′ : M ′ ⊗A M → M ⊗A M ′
telle que β̄ ′ (m′ ⊗ m) = m ⊗ m′ pour tout m ∈ M et m′ ∈ M ′ . Evidemment
β̄ ◦ β̄ ′ = IdM ′ ⊗A M et β̄ ′ ◦ β̄ = IdM⊗A M ′ , donc β̄ est un isomorphisme.
• Soit β : M × M ′ × M ′′ → M ⊗ (M ′ ⊗A M ′′ ) l’application A-multilinéaire telle
que β(m, m′ , m′′ ) = m ⊗ (m′ ⊗ m′′ ) pour tout m ∈ M , m′ ∈ M ′ , m′′ ∈ M ′′ . On lui
associe comme dans la remarque 4.3(iii) l’application A-bilinéaire β ′ : M × M ′ →
HomA (M ′′ , M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ )) telle que β ′ (m, m′ )(m′′ ) = m ⊗ (m′ ⊗ m′′ ) pour
tout m, m′ , m′′ comme ci-dessus. Donc il existe une application A-linéaire unique
§ 4.6: Solutions 163

β̄ ′ : M ⊗A M ′ → HomA (M ′′ , M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ )) telle que β̄ ′ ◦ ω = β ′ , où ω


est l’application A-bilinéaire universelle de M × M ′ . A son tour, β̄ ′ correspond à
une application A-bilinéaire γ : (M ⊗A M ′ ) × M ′′ → M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ ) telle
que γ(m ⊗ m′ , m′′ ) = β̄ ′ (m ⊗ m′ )(m′′ ) = β ′ (m, m′ )(m′′ ) = β(m, m′ , m′′ ) pour tout
m, m′ , m′′ comme ci-dessus. Cette dernière se factorise à travers une application
A-linéaire unique γ̄ : (M ⊗A M ′ ) ⊗A M ′′ → M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ ) telle que
γ̄((m ⊗ m′ ) ⊗ m′′ ) = m ⊗ (m′ ⊗ m′′ ) ∀m ∈ M, m′ ∈ M ′ , m′′ ∈ M ′′ .
D’autre part, on a l’application A-multilinéaire α : M ′ × M ′′ × M → (M ⊗A M ′ ) ⊗A
M ′′ telle que α(m′ , m′′ , m) = (m ⊗ m′ ) ⊗ m′′ , à partir de laquelle on obtient, de
même, une application A-linéaire ᾱ′ : M ′ ⊗A M ′′ → HomA (M, (M ⊗A M ′ ) ⊗A M ′′ ),
puis une application A-bilinéaire µ : M × (M ′ ⊗A M ) → (M ⊗A M ′ ) ⊗A M ′′ telle
que µ(m, m′ ⊗ m′′ ) = ᾱ′ (m′ ⊗ m′′ )(m), et finalement une application A-linéaire
µ̄ : M ⊗A (M ′ ⊗A M ′′ ) → (M ⊗A M ′ ) ⊗A M ′′ qui donne une inverse pour γ̄.

Exercice 4.8 : La condition est suffisante, car si les systèmes m′• et a•• vérifient
ces systèmes d’équations linéaires, on a :
X XX XX X X
mi ⊗ n i = aik m′k ⊗ ni = m′k ⊗ aik ni = m′k ⊗ aik ni = 0.
i∈I i∈I k∈J k∈J i∈I k∈J i∈I
P
Réciproquement, supposons que i∈I mi ⊗ ni = 0 dans M ⊗A N . Soit π : A(I) → N
l’application A-linéaire surjective telle que π(ei ) := ni pour tout i ∈ I, où (ei | i ∈ I)
dénote la base canonique de A(I) ; soit aussi (xj | j ∈ J) un système de générateurs
de Ker π, et φ : A(J) → A(I) l’application A-linéaire telle que φ(e′j ) := xj pour tout
j ∈ J, où (e′j | j ∈ J) dénote la base canonique de A(J) . Par la proposition 4.7 (et
l’exercice 4.5(iv)), l’on déduit une suite exacte :
M⊗A φ M⊗ π
M ⊗A A(J) −−−−→ M ⊗A A(I) −−−− A
→ M ⊗A N → 0.
P
Par hypothèse, (M ⊗A π)( i∈I mi ⊗ ei ) = 0, donc on a (m′j | j ∈ J) ∈ M (J) tel que
X X 
(∗) mi ⊗ ei = (M ⊗A φ) m′j ⊗ e′j .
i∈I j∈J

D’autre part, φ est déterminée


P par le système (aij | (i, j) ∈ I × J) d’éléments
de A tels que φ(e′j ) := i∈I ij ei pour tout j ∈ J, et par construction on a
a
P
0 = π ◦ φ(ej ) = i∈I aij ni pour tout

P j ∈ J. En dernier lieu, l’identité (∗) se traduit
par le système d’équations : mi = j∈J aij m′j pour tout i ∈ I, comme souhaité.

Exercice 4.9, partie (i), (a)⇒(c) : soit (Nλ | λ ∈ Λ) un système filtré de A-


modules ; notons par (uλ : Nλ → N | λ ∈ Λ) son co-cône universel construit comme
dans l’exercice 3.12(iii), choisissons une application A-linéaire surjective φ : L → M
avec L libre de rang fini et Ker φ de type fini, et fixons une base e1 , . . . , er de L. Il
faut montrer que (HomA (M, uλ ) : HomA (M, Nλ ) → HomA (M, N ) | λ ∈ Λ) est un
co-cône universel pour le système induit HomA (M, N• ) := (HomA (M, Nλ ) | λ ∈ Λ).
Or, soit f : M → N une application A-linéaire ; pour tout i = 1, . . . , r on peut
trouver λi ∈ Λ et ni ∈ Nλi tel que f ◦ φ(ei ) = [ni , λi ], la classe du couple (ni , λi ).
Comme Λ est filtré, on peut ensuite choisir λ ≥ λ1 , . . . , λr et remplacer chaque
ni par son image dans Nλ ; avec cette notation, évidemment f ◦ φ = uλ ◦ g, où
g : L → Nλ est l’application A-linéaire telle que g(ei ) := ni pour tout i = 1, . . . , r.
Soit x1 , . . . , xt un système fini de générateurs de Ker φ ; comme f ◦ φ(xj ) = 0, il
existe pour tout j = 1, . . . , t un élément µj ≥ λ de Λ tel que g(xj ) soit dans le
noyau du morphisme de transition vλµj : Nλ → Nµj . On choisit µ ≥ µ1 , . . . , µt , et
164 ã Cancer

on aura vλµ ◦ g(xj ) = 0 pour tout j = 1, . . . , t. Donc, vλµ ◦ g se factorise à travers


une application A-linéaire bien définie fµ : M → Nµ , et par construction on a
uµ ◦ fµ ◦ φ = uµ ◦ vλµ ◦ g = uλ ◦ g = f ◦ φ
d’où uµ ◦ fµ = f . Cela montre que f est l’image dans HomA (M, N ) de la classe
[fµ , µ] (cette dernière est un élément de la limite directe du système HomA (M, N• )
construite comme dans l’exercice 3.12(iii)). Il reste à montrer que deux classes
[fµ , µ], [fµ′ , µ′ ] coïncident si et seulement si elles ont la même image dans le A-
module HomA (M, N ), i.e. si et seulement si
(∗) uµ ◦ fµ = uµ′ ◦ fµ′ .
Mais on a [fµ , µ] = [fµ′ , µ′ ] si et seulement s’il existe λ ≥ µ, µ′ dans Λ tel que
vµλ ◦ fµ = vµ′ λ ◦ fµ′ . D’autre part, pour tout i = 1, . . . , r notons ni := fµ ◦ φ(ei ) et
n′i := fµ′ ◦ φ(ei ) ; la condition (∗) veut dire que pour chaque i ≤ r on a λi ≥ µ, µ′
tel que vµλi (ni ) = vµ′ λi (n′i ). Il s’ensuit aussitôt que tout λ ≥ λ1 , . . . , λr convient.
(c)⇒(a) : Soit (Mλ | λ ∈ Λ) le système filtré des sous-modules de type fini de M .
La condition (c) implique que le co-cône
(HomA (Mλ , M ) → HomA (M, M ) | λ ∈ Λ)
induit par les inclusions (Mλ → M | λ ∈ Λ) est universel, et avec la notation ci-
dessus, il s’ensuit en particulier que IdM est l’image dans HomA (M, M ) d’une classe
[f, λ], pour quelque λ ∈ Λ et quelque f ∈ HomA (M, Mλ ) ; mais évidemment cela
veut dire que Mλ = M , i.e. M est de type fini. Soit donc φ : L → M une application
A-linéaire surjective avec L libre de rang fini, et notons par (Kλ | λ ∈ Λ) le système
des sous-modules de type fini de Ker φ. L’on déduit un système filtré de A-modules
L/K• := (L/Kλ | λ ∈ Λ) dont les morphismes de transition sont les projections
πλµ : L/Kλ → L/Kµ pour tout µ ≥ λ, i.e. pour Kλ ⊂ Kµ . On voit aisément que
le système (πλ : L/Kλ → M | λ ∈ Λ) des projections naturelles forme un co-cône
universel pour L/K• (détails laissés au lecteur), d’où un co-cône universel
(HomA (M, πλ ) : HomA (M, L/Kλ ) → HomA (M, M ) | λ ∈ Λ).
En particulier, IdM est l’image dans HomA (M, M ) d’une classe [g, λ], pour quelque
λ ∈ Λ et g ∈ HomA (M, L/Kλ ). Cela veut dire que πλ ◦g = IdM , donc g est injective,
et plus généralement πλµ ◦ g est injective pour tout µ ≥ λ. Il reste à montrer que
πλµ ◦ g est surjective pour µ convenable. Pour cela, soit e1 , . . . , er une base de L ;
on pose x̄i := g ◦ φ(ei ) ∈ L/Kλ et on choisit un représentant arbitraire xi ∈ L de
la classe x̄i , pour tout i = 1, . . . , r. Il s’ensuit aisément que yi := ei − xi ∈ Ker φ
pour tout i = 1, . . . , r, et on peut trouver µ ∈ Λ tel que µ ≥ λ et y1 , . . . , yr ∈ Kµ ;
mais l’image de πλµ ◦ g contient πλµ (x̄i ) et cette dernière coïncide avec la classe de
ei dans L/Kµ , pour tout i ≤ r. Donc πλµ ◦ g est bien surjective, comme souhaité.
(a)⇒(b) : Soit (Nλ | λ ∈ Λ) une famille de A-modules ; on doit montrer que
l’application naturelle
Y  Y
Nλ ⊗ A M → (Nλ ⊗A M ) (nλ | λ ∈ Λ) ⊗ m 7→ (nλ ⊗ m | λ ∈ Λ)
λ∈Λ λ∈Λ

est un isomorphisme. Cela se voit aisément si M est libre de rang fini (détails
laissés au lecteur) ; si M est de présentation finie, on trouve un complexe exact
Am → An → M → 0, d’où un diagramme commutatif
Q  m
Q  n
Q 
/ / /0
λ∈Λ Nλ ⊗A A λ∈Λ Nλ ⊗A A λ∈Λ Nλ ⊗A M

Q   
⊗A Am ) /Q ⊗A An ) /Q /0
λ∈Λ (Nλ λ∈Λ (Nλ λ∈Λ (Nλ ⊗A M )
§ 4.6: Solutions 165

à lignes horizontales exactes (proposition 4.7) et dont les flèches verticales à gauche
et au milieu sont des isomorphismes ; il suffit alors d’invoquer l’exercice 3.54.
(b)⇒(a) : Soit x• := (xλ | λ ∈ Λ) ∈ M Λ un système de générateurs de M ; la
condition (b) implique que l’application naturelle

ω : AΛ ⊗A M → M Λ (aλ | λ ∈ Λ) ⊗ m 7→ (aλ m | λ ∈ Λ)

est un isomorphisme ; en particulier, il existe


Pune partie finie Λ ⊂ Λ et un système

(aµ,• | µ ∈ Λ ) d’éléments de A tel que ω( µ∈Λ′ aµ,• ⊗ xµ ) = x• . Cela veut dire


′ Λ
P
que xλ = µ∈Λ′ aµλ xµ pour tout λ ∈ Λ, ce qui montre déjà que M est de type fini.
Soit donc φ : L → M une application A-linéaire surjective avec L libre de rang fini,
et N := Ker φ ; il s’ensuit, pour tout ensemble I, un diagramme commutatif

AI ⊗A N / AI ⊗A L / AI ⊗A M /0

  
0 / NI / LI / MI /0

dont les lignes horizontales sont exactes, et dont les flèches verticales à droite et au
milieu sont des isomorphismes. Par le lemme du serpent, on déduit que la flèche
verticale à gauche est aussi un isomorphisme ; mais comme l’on vient de voir, cela
implique que N est de type fini, i.e. M est de présentation finie.
Partie (ii) : On peut reprendre, mutatis mutandis, la preuve de (i) : supposons
que B soit de présentation finie, et choisissons un homomorphisme surjectif φ :
A[X1 , . . . , Xn ] → B de A-algèbres, tel que Ker φ soit un idéal de type fini ; soit aussi
C• := (Cλ | λ ∈ Λ) un système filtré de A-algèbres, (uλ : Cλ → C | λ ∈ Λ) le co-
cône universel de base C• , construit comme dans l’exercice 3.12(iv), et f : B → C
un homomorphisme de A-algèbres. On voit aisément qu’il existe λ ∈ Λ tel que
f ◦ φ : A[X1 , . . . , Xn ] → C se factorise à travers uλ et un homomorphisme de
A-algèbres g : A[X1 , . . . , Xn ] → Cλ ; ensuite, si t1 , . . . , tr est un système fini de
générateurs de Ker φ, on trouve µ ≥ λ tel que uλµ ◦ g(ti ) = 0 pour tout i = 1, . . . , r,
où uλµ : Cλ → Cµ est le morphisme de transition. Donc uλµ ◦ g se factorise à
travers un homomorphisme de A-algèbres fµ : B → Cµ , et f est l’image dans
HomA−Alg (B, C) de la classe de [fµ , µ]. En dernier lieu, en raisonnant comme dans
la partie (i) on voit aisément que deux classes [fµ , µ] et [fµ′ , µ′ ] coïncident si et
seulement si elles ont la même image dans HomA−Alg (B, C) ; cela achève de vérifier
que le foncteur HomA−Alg (B−) commute avec les limites directes filtrées.
Réciproquement, si HomA−Alg (B, −) vérifie cette condition, écrivons B comme la
limite directe du système filtré (Bλ | λ ∈ Λ) des ses A-sous-algèbres de type fini ; en
raisonnant comme dans la partie (i), on voit aisément que IdB se factorise à travers
Bλ pour quelque λ ∈ Λ, d’où B = Bλ , i.e. B est de type fini. Prenons ensuite
un homomorphisme surjectif φ : A[X1 , . . . , Xn ] → B de A-algèbres, écrivons Ker φ
comme la limite directe du système filtré (Iλ | λ ∈ Λ) des ses sous-idéaux de type
fini, et pour tout µ ≥ λ soit

πλµ : A[X1 , . . . , Xn ]/Iλ → A[X1 , . . . , Xn ]/Iµ

la projection naturelle. En raisonnant comme dans la partie (i) on trouve λ ∈ Λ


tel que IdB se factorise à travers un homomorphisme g : B → A[X1 , . . . , Xn ]/Iλ de
A-algèbres, et en particulier πλµ ◦ g : B → A[X1 , . . . , Xn ]/Iµ est injective pour tout
µ ≥ λ. Il ne reste qu’à exhiber µ ∈ Λ tel que πλµ ◦ g soit surjective ; pour cela, on
pose P i := g ◦ φ(Xi ) et on choisit un représentant Pi ∈ A[X1 , . . . , Xn ] de la classe
P i pour i = 1, . . . , n. On a Xi − Pi ∈ Ker φ pour i = 1, . . . , n, et il suffit de prendre
µ ≥ λ tel que Xi − Pi ∈ Iµ pour tout i ≤ n : les détails seront laissés au lecteur.
166 ã Cancer

Partie (iii) : On est ramené aisément au cas où C = A[X1 , . . . , Xn ], pour lequel


l’assertion a déjà été démontrée dans la solution de la partie (ii).

Exercice 4.10 : On a la suite exacte courte de A-modules


j π
0→I −
→A−
→ A/I → 0
d’où, par la proposition 4.7, une suite exacte
j⊗A A/J π⊗A A/J
I ⊗A A/J −−−−−→ A ⊗A A/J −−−−−−→ A/I ⊗A A/J → 0.
Par l’exercice 4.5(ii), on sait que l’application φ : A ⊗A A/J → A/J : a ⊗ b̄ 7→ a · b̄
est un isomorphisme de A-modules. D’autre part, on voit aisément que l’image de
φ ◦ (j ⊗A A/J) est le A-sous-module (I + J)/J de A/J. On déduit que
(π ⊗A A/J) ◦ φ−1 : A/J → A/I ⊗A A/J

se factorise à travers un isomorphisme ω : A/(I +J) → A/I ⊗A A/J (cp. la remarque
2.61(iv)) tel que ω(1̄) = 1̄ ⊗ 1̄ ; son inverse est l’isomorphisme cherché.
On peut aussi utiliser l’application A-bilinéaire β : A/I × A/J → A/(I + J) telle
que β(ā, b̄) = π(ā) · π ′ (b̄), où π : A/I → A/(I + J) et π ′ : A/J → A/(I + J) sont
les projections. On voit aisément que (A/(I/J), β) est une application A-bilinéaire

universelle de A/I × A/J, donc il existe un unique isomorphisme β̄ : A/I ⊗A A/J →
A/(I/J) tel que β̄(ā ⊗ b̄) = π(ā) · π ′ (b̄) pour tout ā ∈ A/I et b̄ ∈ A/J.

Exercice 4.11 : Pour alléger la notation, notons L et L′ respectivement les limites


directes du système M• et du système M•′ . Evidemment, la famille d’applications
(uλ ⊗A u′λ′ : Mλ ⊗A Mλ′ ′ → L ⊗A L′ | (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ )
définit un co-cône M• ⊗A M•′ → L ⊗A L′ . Soit aussi (L′′ , v•,• ) la limite directe du
système M• ⊗A M•′ ; on en déduit une application A-linéaire unique φ : L′′ → L⊗A L′
comme souhaité. Pour montrer que φ est un isomorphisme, on va exhiber une
application inverse. Pour cela, notons
v̄λ,λ′ : Mλ′ ′ → HomA (Mλ , L′′ )
l’application A-linéaire correspondante à vλ,λ′ : Mλ ⊗A Mλ′ ′ → L′′ , suivant la bijec-
tion canonique de la remarque 4.3(iv). On voit aisément que
v̄λ,µ′ ◦ fλ′ ′ ,µ′ = v̄λ,λ′ ∀λ ∈ Λ, ∀λ′ , µ′ ∈ Λ′ tels que λ′ ≤ µ′ .
Autrement dit, pour tout λ ∈ Λ, la famille v̄λ,• := (v̄λ,λ′ | λ′ ∈ Λ′ ) est un co-cône
M•′ → HomA (Mλ , L′′ ), d’où une application A-linéaire unique
φ̄λ : L′ → HomA (Mλ , L′′ ) telle que φ̄λ ◦ u′• = v̄λ,• ∀λ ∈ Λ.
On remarque que la donnée de φ̄λ est équivalente à celle d’une application A-linéaire
ρ̄λ : Mλ → HomA (L′ , L′′ ) pour tout λ ∈ Λ (explicitement : on pose ρ̄λ (x)(y) :=
φ̄λ (y)(x) pour tout x ∈ Mλ et y ∈ L′ ), et on voit aisément que
ρ̄µ ◦ fλ,µ = ρ̄λ ∀λ ∈ Λ.
Il s’ensuit une application A-linéaire unique ψ̄ : L → HomA (L′ , L′′ ) telle que ψ̄ ◦
u• = ρ̄• et on dénote ψ : L ⊗A L′ → L′′ l’application A-linéaire correspondante.
Par inspection directe, on voit que ψ(uλ (x) ⊗ u′λ′ (y)) = vλ,λ′ (x ⊗ y) pour tout
(λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ , x ∈ Mλ et y ∈ Mλ′ ′ , i.e. ψ est l’inverse cherchée de φ.
Remarque 4.73. On peut aussi déduire l’isomorphisme de l’exercice 4.11 des résul-
tats du paragraphe 3.3.1, concernant la permutation des (co)limites. En effet, la
remarque 3.36(iii) nous fournit un isomorphisme canonique de A-modules :
∼ 
L′′ → lim
−→
lim
−→
Mλ ⊗A Mλ′ ′ .
λ′ ∈Λ′ λ∈Λ
§ 4.6: Solutions 167

D’autre part, chaque foncteur −⊗A Mλ′ ′ admet un adjoint à droite (voir la remarque
4.6(iii)) et donc il commute avec toute colimite représentable (proposition 3.25(ii)),
d’où un isomorphisme canonique
 ∼
lim
−→
lim
−→
Mλ ⊗A Mλ′ ′ → lim −→
L ⊗A Mλ′ ′ .
λ′ ∈Λ′ λ∈Λ λ′ ∈Λ′

Ensuite, l’exercice 4.5(iv) nous dit que le foncteur −⊗A L est isomorphe au foncteur
L ⊗A −, et donc ce dernier commute lui aussi avec les colimites ; en particulier, on
a l’isomorphisme naturel

lim
−→
L ⊗A Mλ′ ′ → L ⊗A L′ .
λ′ ∈Λ′

Par inspection directe, on voit que la composition de ces trois isomorphismes coïn-
cide avec l’isomorphisme φ trouvé ci-dessus.
Exercice 4.14, partie (i) : Comme le A-module (M ⊗B N )[f ] est engendré par
ses tenseurs élémentaires (m ⊗ n)[f ] , il est clair que φ est surjective. Supposons
maintenant que f soit surjectif ; dans ce cas, montrons que l’application A-bilinéaire
universelle ω ′ : M[f ] × N[f ] → M[f ] ⊗A N[f ] est aussi une application B-bilinéaire
M × N → M ⊗A N[f ] . Cela revient à vérifier que
ω ′ ((bm)[f ] , n[f ] ) = b · ω ′ (m[f ] , n[f ] ) = ω ′ (m[f ] , (bn)[f ] ) ∀b ∈ B, m ∈ M, n ∈ N.
Mais on a ω ((bm)[f ] , n[f ] ) = (bm)[f ] ⊗ n[f ] = b · (m[f ] ⊗ n[f ] ), d’où la première

identité. Ensuite, choisissons a ∈ A tel que f (a) = b ; il vient :


ω ′ (m[f ] , (bn)[f ] ) = m[f ] ⊗ (bn)[f ] = m[f ] ⊗ a · n[f ] = a · m[f ] ⊗ n[f ] = (bm)[f ] ⊗ n[f ]
d’où la deuxième identité. Il s’ensuit que ω ′ se factorise de façon unique à travers
une application B-linéaire
M ⊗B N → M ⊗A N[f ] m ⊗ n 7→ m ⊗ n[f ] .
Cette dernière, après restriction des scalaires suivant f , fournit une inverse de φ.
Partie (ii) : Soit eΛ : Λ → A(Λ) l’application ensembliste telle que λ 7→ eλ
pour tout λ ∈ Λ, et de même pour l’application ensembliste e′Λ : Λ → B (Λ) ; de
plus, soit 1 ⊗ eΛ : Λ → B ⊗A A(Λ) l’application ensembliste telle que λ 7→ 1 ⊗ eλ
pour tout λ ∈ Λ. On a vu que le couple (B (Λ) , e′Λ ) est universel pour le foncteur
(−)Λ : B − Mod → Ens (exemple 2.12) ; grâce au lemme 2.11(i) il suffit donc de
montrer que le couple (B ⊗A A(Λ) , 1 ⊗ eΛ ) est aussi universel pour ce même fonc-
teur. Or, soit f : A → B le morphisme structurel de B ; pour tout B-module
N et toute application ensembliste φ : Λ → N il existe une unique application
A-linéaire gφ : A(Λ) → N[f ] telle que φ = gφ ◦ φ, et d’autre part il existe une
unique application B-linéaire h : B ⊗A A(Λ) → N telle que g φ est la composition
de ιA(Λ) : A(Λ) → (B ⊗A A(Λ) )[f ] et h[f ] . Evidemment ιA(Λ) ◦ eΛ = 1 ⊗ eΛ , d’où
l’assertion.

Exercice 4.16 : Soit φ : P[g◦f ] → HomA (N[f ] , M ) une application A-linéaire. On


lui associe l’application A-bilinéaire
βφ : P[g◦f ] × N[f ] → M (p, n) 7→ φ(p)(n)
d’où une unique application A-linéaire
φ′ : P[g◦f ] ⊗A N[f ] → M telle que φ′ ◦ ωP,N = βφ
avec ωP,N : P[g◦f ] × N[f ] → P[g◦f ] ⊗A N[f ] l’application A-bilinéaire universelle. On
a une application A-linéaire naturelle
P[g◦f ] ⊗A N[f ] → (P[g] ⊗B N )[f ]
168 ã Cancer

qui est surjective, par l’exercice 4.14(i), et par inspection directe de la construction
du produit tensoriel, on voit que son noyau est engendré par les éléments

bp ⊗ n − p ⊗ bn ∀b ∈ B, ∀p ∈ P, ∀n ∈ N.

Il s’ensuit que φ′ se factorise à travers (P[g] ⊗B N )[f ] si et seulement si φ′ (bp ⊗ n) =


φ′ (p ⊗ bn), si et seulement si βφ (bp, n) = βφ (p, bn), si et seulement si φ(bp)(n) =
φ(p)(bn) pour tout b, p, n comme ci-dessus. Autrement dit, φ′ se factorise à tra-
vers (P[g] ⊗B N )[f ] si et seulement si φ est une application B-linéaire P[g] →
HomA (N, M ). Cela montre que l’on a bien une bijection comme souhaité :

HomB (P, HomA (N, M )) → HomA (P ⊗B N, M ).

Par inspection directe on voit que cette application est même C-linéaire.

Exercice 4.25, partie (i) : La multiplication de l’A-algèbre (B ⊗A C) ⊗A D est


l’unique application A-bilinéaire telle que

((b ⊗ c) ⊗ d) · ((b′ ⊗ c′ ) ⊗ d′ ) = (bb′ ⊗ cc′ ) ⊗ dd′ ∀b, b′ ∈ B, c, c′ ∈ C, d, d′ ∈ D.

La multiplication de B ⊗A (C ⊗A D) est définie de même (quitte à changer la


position des parenthèses). L’assertion concernant le deuxième isomorphisme est

une consequence immédiate ; de même pour l’isomorphisme B ⊗A C → C ⊗A B.
Partie (ii) : L’unicité est claire. Pour montrer l’existence, on remarque que la
proposition 4.15 et l’exercice 4.5(ii) nous donnent des isomorphismes de D-modules
∼ ∼
(B ⊗A C)⊗C D → B ⊗A (C ⊗C D) → B ⊗A D (b⊗c)⊗d 7→ b⊗(c⊗d) 7→ b⊗φ(c)·d

et on voit aisément que la composition est un homomorphisme de D-algèbres.


Partie (iii) : Notons par

χΛ : Λ → A[X• ] := A[Xλ | λ ∈ Λ] et χ′Λ : Λ → B[X• ] := B[Xλ | λ ∈ Λ]

les applications ensemblistes telles que λ 7→ Xλ pour tout λ ∈ Λ, et soit aussi


1 ⊗ χΛ : Λ → B ⊗A A[X• ] l’application ensembliste telle que λ 7→ 1 ⊗ Xλ pour tout
λ ∈ Λ. Rappelons d’abord que le couple (χΛ , B[X• ]) est universel pour le foncteur
[−]Λ : B − Alg → Ens (voir l’exemple 2.13) ; compte tenu du lemme 2.11(i), il suffit
donc de montrer que le couple (1⊗χΛ , B ⊗A A[X• ]) est aussi universel pour ce même
foncteur. Or, soient ιA : A → A[X• ] et f : A → B les morphismes structurels des A-
algèbres A[X• ], respectivement B, et ιB : B → B ⊗A A[X• ] le morphisme structurel
de la B-algèbre B ⊗A A[X• ] ; si (C, g : B → C) est une B-algèbre quelconque, les
homomorphismes de B-algèbres h : B ⊗A A[X• ] → C sont les homomorphismes de
A-algèbres tels que h ◦ ιB = g. D’autre part, la donnée d’un tel homomorphisme
h de A-algèbres équivaut à celle d’un couple (h1 : A[X• ] → C, h2 : B → C) de
homomorphismes de A-algèbres : plus précisément, si ιA[X• ] : A[X• ] → B ⊗A A[X• ]
est le morphisme structurel de la A[X• ]-algèbre B ⊗A A[X• ], on a h1 = h ◦ ιA[X• ]
et h2 = h ◦ ιB . On conclut que la donnée d’un homomorphisme de B-algèbres
h : B ⊗A A[X• ] → C équivaut à celle de l’homomorphisme de A-algèbres h ◦ ιA[X• ] :
A[X• ] → C. Evidemment ιA[X• ] ◦ χΛ = 1 ⊗ χΛ , d’où l’assertion.
Partie (iv) : Pour toute A′ -algèbre (B, g : A′ → B) et toute A-algèbre (C, h :
A → C) l’on doit exhiber une bijection naturelle :

HomA−Alg (C, B[f ] ) → HomA′ −Alg (A′ ⊗A C, B).
§ 4.6: Solutions 169

Or, par définition, un homomorphisme φ : C → B[f ] de A-algèbres est la donnée


d’un diagramme commutatif d’anneaux :
f
A / A′
h g
 φ 
C /B
et il existe alors un unique homomorphisme d’anneaux φ′ : A′ ⊗A C → B tel que
i i ′
φ′ ◦ iC = φ et φ′ ◦ iA′ = g (avec C −−C→ A′ ⊗A C ←− A
− A′ les homomorphismes
canoniques) ; cette dernière identité signifie que φ est un homomorphisme de A’-

algèbres. La naturalité de l’association φ 7→ φ′ est vérifiée par inspection directe.

Exercice 4.27, partie (i) : On définit les éléments e1 := (1, 0), e2 := (0, 1) de A,
et on remarque que
e1 + e2 = 1 e1 · e2 = 0.
Il s’ensuit que e1 M + e2 M = M et e1 M ∩ e2 M = 0, car si e1 m = e2 m′ , on a
e1 m = e21 m = e1 e2 m′ = 0. Donc
M = e1 M ⊕ e2 M.
De plus, on définit des structures de Ai -module sur ei M pour i = 1, 2, par :
a1 · e1 m := (a1 , 0) · m et a2 · e2 · m := (0, a2 ) · m ∀a1 ∈ A1 , ∀a2 ∈ A2
et on voit aisément que la structure de A-module sur ei M est déduite de cette
structure de Ai -module, après restriction de scalaires suivant la projection πi : A →
Ai . Cela montre que tout A-module est (naturellement isomorphe au) produit direct
d’un A1 -module et un A2 -module. De plus, toute application A-linéaire f : M → N
se restreint en des applications ei M → ei N qui sont évidemment Ai -linéaires.
Partie (ii) : La partie (i) montre, en particulier, que tout idéal de A est le produit
I1 × I2 d’un idéal de A1 et un idéal de A2 . Un idéal de telle forme est premier si
et seulement si A1 /I1 × A2 /I2 est un anneau intègre. Evidemment, cette dernière
condition est satisfaite précisément dans les deux cas suivants : soit I1 ∈ Spec A1 et
I2 = A2 , soit I1 = A1 et I2 ∈ Spec A2 ; dans le premier cas, on a I1 × I2 = π1−1 I1 , et
dans le deuxième cas on a I1 × I2 = π2−1 I2 . Cela achève de montrer que Spec A est
la réunion disjointe Spec A1 ⊔ Spec A2 . De plus, on voit que chaque partie Spec Ai
est ouverte et fermée dans Spec A, et comme la projection πi est surjective, on sait
que la topologie de Zariski de Spec Ai coïncide avec la topologie induite par celle
de Spec A via Spec πi (remarque 1.27(i)). On conclut que la topologie de Spec A est
bien la réunion disjointe des topologies de Spec A1 et Spec A2 .
Partie (iii) : Par hypothèse U1 et U2 sont ouverts et fermés à la fois, donc il existe
des idéaux I1 , I2 ⊂ A tels que Ui = V (Ii ) pour i = 1, 2. La condition U1 ∩ U2 = ∅
implique que I1 + I2 = A, donc l’homomorphisme naturel
A → A/I1 × A/I2
est surjectif, par le lemme des chinois. Son noyau est I1 ∩ I2 , et on sait que V (I1 ∩
I2 ) = U1 ∪ U2 = Spec A, donc I1 ∩ I2 ⊂ N (A), et tout élément de I1 ∩ I2 est
nilpotent, par le théorème 1.32(ii). On arrive donc à la question générale suivante.
Soit A un anneau, I ⊂ N (A) un idéal de A tel que A/I se décompose sous la
forme Ā1 × Ā2 , le produit de deux anneaux ; montrer que l’on peut relever cette
décomposition en une décomposition A = A1 × A2 , de telle façon que I = I1 × I2
pour des idéaux Ii ⊂ Ai , et Āi = Ai /Ii , avec i = 1, 2. Or, la preuve de la partie
(i) ci-dessus a montré que la donnée d’une telle décomposition est équivalente à
celle d’un élémént idempotent e1 ∈ A (et de son complémentaire e2 := 1 − e1 ) : à
savoir, la décomposition fournit les idempotents (1, 0) et (0, 1), et réciproquement,
170 ã Cancer

un idempotent e1 fournit les idéaux Ai := ei A pour i = 1, 2, et ces derniers sont en


effet des anneaux quotients de A, avec ei pour unité, la projection A → Ai étant
donnée par : a 7→ ei a pour tout a ∈ A. Donc, notre question devient la suivante :
avec les hypothèses ci-dessus sur I, soit ē1 ∈ A/I un élément idempotent ; montrer
qu’il existe un idempotent e1 ∈ A dont l’image dans A/I coïncide avec ē1 . Voici une
vieille astuce pour construire un tel relèvement : on choisit d’abord un représentant
x ∈ A pour la classe de ē1 ; par construction, a := x2 − x ∈ I, donc an = 0 pour un
entier n ≥ 1. On pose y := 1 − x, d’où xn y n = 0. On écrit
1 = (x + y)2n−1 = e + e′
avec
X
n−1 
2n − 1 2n−1−i i X
n−1 
2n − 1 i 2n−i−1
e := x y e′ := xy .
i=0
i i=0
i
Le produit e ·e est une combinaison Z-linéaire des termes x2n−1−i+j y 2n−1−j+i avec

0 ≤ i, j ≤ n − 1. Mais tous ces termes son nuls, donc e · e′ = 0, et on déduit


e = e · (e + e′ ) = e2
Pn−1 2n−1
 2n−1−i
i.e. e est idempotent. La classe de e dans A/I est i=0 i ē · (1 − ē)i =
ē2n−1 = ē, donc e est le relèvement cherché.
Remarque 4.74. Soient A, B deux anneaux (unitaires), et f : A → B un homo-
morphisme non-unitaire d’anneaux, i.e. e := f (1) n’est pas forcément l’unité de B.
On a e2 = f (1) · f (1) = f (1 · 1) = f (1) = e, donc e est un idempotent de B, et la
discussion ci-dessus montre que B se décompose sous la forme B = B1 ×B2 , de telle
façon que e correspond à l’élément (1, 0) sous cette identification. Il s’ensuit que f
correspond à la donnée d’un homomorphisme unitaire d’anneaux f1 : A → B1 et de
l’homomorphisme non-unitaire f2 : A → B2 tel que f2 (a) = 0 pour tout a ∈ A. On
voit donc que l’omission de la condition f (1) = 1 pour homomorphismes d’anneaux
(unitaires) ne conduit pas à un élargissement intéressant de l’algèbre commutative.
Exercice 4.28 : On reprend
Pn les notations de l’exemple 4.26. Soient σ, τ ∈ G, tels
que σ ◦ τ −1 ∈ H, et x := i=1 ai ⊗ bi ∈ E ⊗K F un élément ; on remarque :
Pn Pn
x ∈ mσ ⇔ i=1 ai · σ(bi ) = 0 ⇔ i=1 ai · τ (bi ) = 0 ⇔ x ∈ mτ .
Remarquons aussi que mσ ∩ E ⊗K F est le noyau de la restriction πσ′ : E ⊗K F → E
de πσ , et πσ′ est évidemment surjective, pour tout σ ∈ G. Donc mσ ∩ E ⊗K F est un
idéal maximal de E ⊗K F qui ne dépend
T que de la classe σ̄ de σ dans G/H, et que
que σ∈G mσ = 0, donc on peut trouver une partie
l’on notera nσ̄ . On a déja vu T
minimale S ⊂ G/H telle que σ̄∈S nσ̄ = 0. Par le lemme des chinois, on déduit un
isomorphisme de E-algèbres

E ⊗K F → E |S| .
Il reste donc à montrer que S = G/H. Mais on a d = dimE E ⊗K F = dimE E S
(voir l’exercice 4.14(ii)), et G/H a cardinalité d, d’où l’assertion.

Exercice 4.32 : Evidemment T ′ ⊂ (Spec g)−1 (T ). Réciproquement, soit t′ ∈ Spec A′


tel que t := (Spec g)(t′ ) ∈ T ; on doit montrer que (Spec A′ ⊗A f )−1 (t′ ) 6= ∅, et
cela revient à dire que k(t′ ) ⊗A′ B ′ 6= 0 (théorème 1.21). Mais par hypothèse on a
k(t) ⊗A B 6= 0, et d’autre part on a des isomorphismes naturels d’anneaux :
k(t′ ) ⊗A′ B ′ ≃ k(t) ⊗A′ (A′ ⊗A B) ≃ k(t′ ) ⊗A B ≃ k(t′ ) ⊗k(t) (k(t) ⊗A B).
En particulier dimk(t′ ) k(t′ ) ⊗A′ B ′ = dimk(t) k(t) ⊗A B, d’où l’assertion.
§ 4.6: Solutions 171

Exercice 4.33 : Si p ⊂ A est un idéal premier, l’idéal pA[T ] est le noyau de la


projection A[T ] → k(p)[T ], et il est donc premier. Si maintenant p0 ⊂ · · · ⊂ qd est
une chaîne d’idéaux premiers de A, l’on déduit la chaîne
p0 A[T ] ⊂ · · · ⊂ pd A[T ] ⊂ pd A[T ] + T A[T ]
qui montre l’inégalité 1 + dim A ≤ dim A[T ]. De l’autre côté, soit q0 ⊂ · · · ⊂ qd une
chaîne d’idéaux premiers de A[T ], et notons φ : Spec A[T ] → Spec A l’application
continue induite par l’inclusion naturelle A → A[T ]. On pose Σ := {q0 , . . . , qd } et
Σ′ := φ(Σ). L’ensemble Σ′ est une partie totalement ordonnée de l’ensemble Spec A,
ce dernier étant partiellement ordonné par spécialisation ; il s’ensuit que la cardi-
nalité de Σ′ est ≤ 1 + dim A. D’autre part, la preimage dans Σ de tout p ∈ Σ′ est
une partie totalement ordonnée de Spec k(p)[T ], et l’on sait que dim k(p)[T ] = 1 ;
cela veut dire que Σ ∩ φ−1 (p) contient au plus deux éléments, pour tout p ∈ Σ′ ,
donc la cardinalité de Σ est ≤ 2 · (1 + dim A), d’où dim A[T ] ≤ 1 + 2 · dim A.

Problème 4.41, partie (i) : Si f est surjective, soit p ∈ Spec A un idéal premier
arbitraire ; l’application k(p) ⊗A f : k(p)n → k(p)m est encore surjective (par la
proposition 4.7). Mais cette dernière est une application k(p)-linéaire d’un k(p)-
espace vectoriel de dimension n dans un autre de dimension m, donc n ≥ m.
Si f est bijective, k(p) ⊗A f est encore bijective (car si g est l’inverse de f ,
k(p) ⊗A g est l’inverse de k(p) ⊗A f ), donc on doit avoir n = m.
Soit maintenant f injective, et on souhaite montrer que n ≤ m. On raisonne par
l’absurde : si n > m, on pourrait composer f avec l’inclusion
j : Am → An (a1 , . . . , am ) 7→ (a1 , . . . , am , 0, . . . , 0)
pour obtenir g := j ◦ f : A → An toujours injective, et dont l’image est contenue
n

dans le noyau de la projection πn : An → A sur la dernière coordonnée. Par Cayley-


Hamilton, g est racine d’un polynôme unitaire P (T ) ∈ A[T ]. On peut supposer que
P soit de degré minimal k, et dans ce cas on remarque que a := P (0) 6= 0 : en effet,
on peut écrire P (T ) = T · Q(T ) + a pour un polynôme Q unitaire de degré k − 1 ; si
a = 0, cela donne g ◦ Q(g) = 0, mais comme g est injectif, on aurait déjà Q(g) = 0,
contradiction. Soit maintenant e1 , . . . , en la base canonique de An ; on calcule :
0 = P (g)(en ) = g ◦ Q(g)(en ) + a · en .
Mais cela est absurd, car g ◦ Q(g)(en ) ∈ Ker πn , alors que πn (a · en ) = a 6= 0.
Partie (ii) : On munit M d’une structure de A[T ]-module telle que
(an T n + · · · + a0 ) · m := an · g n (m) + · · · + a0 m
pour tout an T n + · · ·+ a0 ∈ A[T ] et tout m ∈ M (ici, g k := g ◦ · · ·◦ g, la composition
de k copies de g, pour tout k ∈ N). Comme g est surjective, on a T M = M , donc
le corollaire 4.36 nous dit qu’il existe x ∈ A[T ] tel que
x ≡ 1 (mod T ) et xM = 0.
Disons x = 1 + T · P (T ) ; or, si g(m) = 0, on obtient
0 = x · m = (1 + T · P (T ))(m) = m + P (g) ◦ g(m) = m.
Cette preuve est reprise de l’article [28] du mathématicien W.Vasconcelos.
Partie (iii) : Par hypothèse, il existe des éléments x1 , . . . , xn ∈ h(M ) ⊂ N dont
les classes x̄1 , . . . , x̄n sont une base du k(m)-espace vectoriel N/mN ; par la pro-
position 4.39, il s’ensuit que x• est un système de générateurs de N , d’où l’assertion.

Exercice 4.44 : En vertue des hypothèses et de la compacité de Spec A, on peut


trouver des éléments
Sn f1 , . . . , fn ∈ A tels que Mfi soit de type fini pour i = 1, . . . , n
et Spec A = i=1 Spec Afi . Pour chaque i = 1, . . . , n choisissons un système fini
172 ã Cancer

d
(xij /fi j | j = 1, . . . , ki ) de générateurs de Mfi , et soit Σ := {xij | i = 1, . . . , n, j =
1, . . . , ki }. On dénote par (ex | x ∈ Σ) la base canonique de A(Σ) et on considère
l’application A-linéaire φ : A(Σ) → M telle que φ(ex ) := x pour tout x ∈ Σ. Il
(Σ)
s’ensuit aisément que φp : Ap → Mp est surjective pour tout p ∈ Spec A, donc φ
est surjective, par la proposition 4.43 ; cela montre que M est de type fini. Si de plus
chaque Mfi est un Afi -module de présentation finie, (Ker φ)fi est un Afi -module
de type fini pour i = 1, . . . , n, par l’exercice 3.56(iv), donc Ker φ est un A-module
de type fini, par ce qui précède, et finalement, M est de présentation finie.

Exercice 4.48 : L’isomorphisme (M ⊗A M ′ )p → M p ⊗Ap Mp′ fourni par le co-
rollaire 4.21 pour tout p ∈ Spec A, montre que SuppA (M ⊗A M ′ ) ⊂ (SuppA M ) ∩
(SuppA M ′ ) pour tout couple de A-modules M, M ′ . Si M et M ′ sont de type fini,
on a l’inclusion opposée grâce à la remarque 4.46(ii) et aux isomorphismes de k(p)-

espaces vectoriels (M ⊗A M ′ )(p) → M (p)⊗k(p) M ′ (p) fournis par la proposition 4.18.

Exercice 4.55, partie (i) : Soit φ : M → M ′ un homomorphisme injectif de


A-modules. On obtient un diagramme commutatif de A-modules :
∼ / (P ⊗B B) ⊗A M ∼ / P ⊗B (B ⊗A M )
P ⊗A M
P ⊗A φ (P ⊗B B)⊗A φ P ⊗B (B⊗A φ)
  
∼ ∼
P ⊗A M ′ / (P ⊗B B) ⊗A M ′ / P ⊗B (B ⊗A M ′ )

dont les flèches horizontales sont les isomorphismes fournis par l’exercice 4.5(ii,iv)
et la proposition 4.15 (appliquée avec C = B, N = B et g = IdB ). Par hypothèse, B
est une A-algèbre plate, donc B ⊗A φ est un homomorphisme injectif de B-modules ;
comme P est un B-module plat, il s’ensuit que P ⊗A (B ⊗A φ) est à son tour injectif.
On conclut que P ⊗A φ est injectif, d’où l’assertion, grâce à la remarque 4.54(ii).
La partie (ii) de l’exercice est une consequence immédiate de (i).
Partie (iii) : Soit Σ := (0 → M1 → M2 → M3 → 0) une suite exacte courte de
A-modules ; pour tout λ ∈ Λ l’on obtient une suite Pλ ⊗A Σ := (0 → Pλ ⊗A M1 →
Pλ ⊗A M2 → Pλ ⊗A M3 → 0), ainsi qu’une suite L⊗A Σ, après tensorisation de Σ avec
L. De plus, si u• := (uλ : Pλ → L | λ ∈ Λ) est un co-cône universel, l’on déduit un
co-cône u• ⊗A Σ := (uλ ⊗A Σ | λ ∈ Λ) dans la catégorie des complexes de A-modules.
Compte tenu de la proposition 4.52(ii), il suffit de montrer que Hj (L ⊗A Σ) = 0
pour tout j ∈ Z. Or, on a déjà vu que les colimites de C(A) se calculent terme à
terme (voir l’exercice 3.49(ii)), et pour i = 1, 2, 3 le foncteur −⊗A Mi commute avec
les colimites (proposition 4.7), donc u• ⊗A Σ est un co-cône universel. De plus, le
foncteur Hi commute avec les colimites filtrées (exercice 3.57), donc on est ramené
à vérifier que Hj (Pλ ⊗A Σ) = 0 pour tout λ ∈ Λ et tout j ∈ Z. Mais cela découle
de la proposition 4.52(iii), car chaque Pλ est plat.

Exercice 4.60, partie (i) : Montrons d’abord que la condition implique la plati-
tude de P . Pour cela, soit I ⊂ A un idéal de type fini quelconque, et x un élément du
noyau de l’application φI : P ⊗A I → P induite par l’inclusion I →PA ; compte tenu
n
de la proposition 4.57, il suffit de montrer que x = 0. Ecrivons x = i=1 xi ⊗ai pour
certains x1 , . . . , xn ∈ P et a1 , . . . , an ∈ I, et soit aussi J ⊂ I le sous-idéal engendré
par la suite a• ; évidemment x est dans l’image de l’application P ⊗A J → P ⊗A I
induite par l’inclusion J → I, et il suffira donc de vérifier que x s’annule Pn déjà dans
P ⊗A J, i.e. on peut supposer que a• engendre I. Par hypothèse, on a i=1 ai xi = 0,
et on trouve alors des suites d’éléments y• de P et b•• de A vérifiant (∗) ; pour
conclure, il suffit maintenant d’appliquer l’exercice 4.8.
§ 4.6: Solutions 173

Pn Pn
Réciproquement, si P est plat et i=1 ai xi = 0, l’élément x := i=1 xi ⊗ ai
appartient au noyau de φI , où I ⊂ A est l’idéal engendré par a1 , . . . , an ; donc
x = 0, et pour conclure il suffit d’invoquer à nouveau l’exercice 4.8.
Partie (ii) : Soit I ⊂ A un idéal non nul, a ∈ A un générateur de I ; l’applica-
tion A → I : b 7→ ab est un isomorphisme de A-modules, et l’isomorphisme induit
∼ ∼
ψa : P → P ⊗A A → P ⊗A I est l’application telle que ψa (x) = x ⊗ a pour tout
x ∈ P . La composition φI ◦ ψa : P → P est donc la multiplication scalaire par
a ; cette dernière est injective pour tout a ∈ A \ {0} si et seulement si P est sans
torsion. Pour conclure, il suffit maintenant d’invoquer la proposition 4.57.

Problème 4.63, partie (i) : Supposons que le foncteur B ⊗A − soit fidèle, et


soit p ⊂ A un idèal premier ; il s’ensuit en particulier que B ⊗A Idκ(p) 6= 0, i.e.
B ⊗A κ(p) 6= 0. Mais Spec B ⊗A κ(p) s’identifie naturellement avec (Spec f )−1 (p)
(voir le paragraphe 4.3.1), donc ce dernier n’est pas vide, ce qui montre que Spec f
est surjective. Réciproquement, supposons que B soit une A-algèbre plate et Spec f
une application surjective, et soit M 6= 0 un A-module ; on va montrer d’abord que
B ⊗A M 6= 0. Pour cela, soit x ∈ M \ {0} ; par hypothèse, l’inclusion Ax → M
induit une injection B ⊗A Ax → B ⊗A M , donc il suffit de montrer que B ⊗A
Ax 6= 0. On est alors ramené au cas où M = A/I pour un idéal I 6= A. Mais
Spec B ⊗A A/I = Spec B/IB est naturellement identifié avec (Spec f )−1 V (I) (voir
la remarque 1.27(ii)), et ce dernier est non vide par hypothèse, d’où l’assertion. Or,
soit h : M → M ′ une application A-linéaires telle que B ⊗A h = 0 ; pour conclure, il
suffit de montrer que h = 0. Pour cela, soit K := Ker h ; la platitude de B implique
que B ⊗A K = Ker (B ⊗A h) = B ⊗A M , d’où B ⊗A (M/K) = 0, et par ce qui
précède l’on déduit que M = K, d’où l’assertion.
Partie (ii.a) : En effet, C ⊗A f est plat par la remarque 4.54(v), et Spec (C ⊗A f )
est surjectif par l’exercice 4.32.
Partie (ii.b) : Soit M un A-module tel que B ⊗A M est un B-module plat ; soit
aussi φ : N ′ → N un homomorphisme injectif de A-modules. Comme B est une
A-algèbre plate, B ⊗A φ est encore injectif, et de même pour (B ⊗A M )⊗B (B ⊗A φ),
par la platitude de B ⊗A M . Mais les isomorphismes naturels de la proposition 4.18
identifient ce dernier homomorphisme de B-modules avec B ⊗A (M ⊗A φ) ; compte
tenu de (i), il s’ensuit que Ker (M ⊗A φ) = 0. Cela achève de montrer que M est
plat. L’assertion réciproque suit de la remarque 4.54(v).
Ensuite, soit M un A-module ; si M est de type fini, évidemment B ⊗A M est de
type fini. Réciproquement, si B ⊗A M est de type fini, on peut trouver un système
fini x1 , . . . , xn d’éléments de M tel que 1 ⊗ x1 , . . . , 1 ⊗ xn engendre le B-module
B ⊗A M . Soit e1 , . . . , en la base canonique de An , et φ : An → M l’application telle

que ei 7→ xi pour tout i = 1, . . . , n ; on a B ⊗A Coker φ → Coker (B ⊗A φ) = 0.
Compte tenu de (i), il s’ensuit que Coker φ = 0, et donc M est de type fini.
Soit M un A-module de présentation finie ; donc M est isomorphe au conoyau
d’un homomorphisme φ : An → Am de A-modules libres de rang fini. Il s’ensuit que
B ⊗A M est isomorphe à Coker (B ⊗A M ), et en particulier il est de presentation
finie. Réciproquement, si B ⊗A M est de présentation finie, on sait déjà par ce qui
précède que M est de type fini ; soit donc φ : An → M une application A-linéaire
surjective. Par l’exercice 3.56(iv) il s’ensuit que Ker (B ⊗A φ) = B ⊗A Ker φ est
un B-module de type fini, donc Ker φ est un A-module de type fini, par le cas
précédent ; cela montre que M est de présentation finie.
Partie (ii.c) : Supposons que B ⊗A C soit de type fini ; on trouve alors des
éléments x1 , . . . , xn ∈ C tels que le système 1 ⊗ x1 , . . . , 1 ⊗ xn engendre la B-algèbre
B⊗A C. On considère l’homomorphisme de A-algèbres φ : A[T1 , . . . , Tn ] → C tel que
174 ã Cancer

Ti 7→ φi pour i = 1, . . . , n ; par construction B ⊗A φ est surjectif, et en raisonnant


comme dans (ii.b) l’on déduit que φ est surjectif, i.e. B est de type fini.
En dernier lieu, si B ⊗A C est de présentation finie, on sait déjà que B est de
type fini, donc soit φ : A′ := A[T1 , . . . , Tn ] → C un homomorphisme surjectif de
A-algèbres, et I := Ker φ ; au vu de l’exercice 4.9(iii), il s’ensuit que B ⊗A I =
Ker (B ⊗A φ) est un idéal de type fini de B ′ := B ⊗A A′ . Mais d’un côté on a
un isomorphisme naturel de B ′ -modules B ′ ⊗A′ I ≃ B ⊗A I, et de l’autre côté
l’homomorphisme f ⊗A A′ : A′ → B ′ est fidèlement plat, d’après (ii.a) ; au vu de
(ii.b) il s’ensuit que I est un idéal de type fini, donc C est de présentation finie.
Partie (iii) : Tout point de Spec B est une générisation de mB , donc tout point
de Im(Spec f ) est une générisation de p := f −1 mB dans Spec A ; de l’autre côté,
toute générisation de p est dans Im(Spec f ), car f est plat (théorème 4.62). Comme
tout point de Spec A est une générisation de mA , l’assertion s’ensuit aussitôt.

Problème 4.68, partie (i) : Soit M un A-module ; on pose


Tens0A (M ) := A et Tensn+1 n
A (M ) := TensA (M ) ⊗A M ∀n ∈ N.
On va définir une loi de multiplication A-bilinéaire et associative sur le A-module
M
Tens•A (M ) := TensnA (M ).
n∈N
Soient donc m, n ∈ N ; on a un isomorphisme canonique d’associativité
m,n ∼
γM : Tensm n m+n
A (M ) ⊗A TensA (M ) → TensA (M )
(voir la remarque 4.6(i)) dont l’action consiste à changer la position des paren-
thèses nécéssaires pour expliciter un produit tensoriel de deux tenseurs élémen-
taires donnés ; par exemple, un tenseur élémentaire de Tens2A (M ) s’écrit sous la
2,2
forme (a ⊗ m1 ) ⊗ m2 avec a ∈ A et m1 , m2 ∈ M , donc γM est l’application :
((a ⊗ m1 ) ⊗ m2 ) ⊗ ((a′ ⊗ m′1 ) ⊗ m′2 ) 7→ (((aa′ ⊗ m1 ) ⊗ m2 ) ⊗ m′1 ) ⊗ m′2 .
m,n m,n
L’application A-linéaire γM correspond donc à une application A-bilinéaire γ̄M :
m n m+n
TensA (M ) × TensA (M ) → TensA (M ), et la loi de multiplication souhaitée pour
Tens•A (M ) sera la somme directe de toutes ces applications. L’associativité de cette
loi peut être vérifiée sur les produits de tenseurs élémentaires, où elle est évidente,
et l’on a donc une A-algèbre associative Tens•A (M ) bien définie (dont l’unité est
1 ∈ Tens0A (M )) et munie d’une application A-linéaire naturelle :

iM : M → Tens1A (M ) → Tens•A (M ).
Il reste à montrer que le couple (Tens•A (M ), iM ) est universel pour le foncteur
A − AlgAss → Ens B 7→ HomA (M, GB).
Soit donc (B, f : A → B) une A-algèbre associative, et φ : M → B une application
A-linéaire ; on dénote par µB : B ⊗A B → B l’application A-linéaire telle que
b ⊗ b′ 7→ bb′ pour tout b, b′ ∈ B, et on pose
φ̄0 := f : Tens0A (M ) → B φ̄n+1 := µB ◦ (φ̄n ⊗A φ) : Tensn+1
A (M ) → B ∀n ∈ N.
Donc, φ̄n (a ⊗ m1 ⊗ · · · ⊗ mn ) = f (a) · φ(m1 ) · · · φ(mn ) pour tout n ∈ N et tout
tenseur élémentaire a⊗m1 ⊗· · ·⊗mn de TensnA (M ). Il s’ensuit aussitôt que la somme
directe φ̄ : Tens•A (M ) → B des applications φ̄n pour tout n ∈ N nous donne un
homomorphisme de A-algèbres associatives tel que φ̄ ◦ iM = φ ; comme la A-algèbre
associative Tens•A (M ) est engendrée par son facteur direct Tens1A (M ), on voit que
cette dernière identité détermine φ̄, d’où l’assertion. Explicitons l’homomorphisme
de A-algèbres associatives
Tens•A (h) : Tens•A (M ) → Tens•A (N )
§ 4.6: Solutions 175

associé à une application A-linéaire donnée h : M → N de A-modules : l’adjonction


entre G et Tens•A est le système des bijections ϑM,B qui associent à tout homo-
morphisme de A-algèbres associatives ψ : Tens•A (M ) → B l’application A-linéaire
ψ ◦ iM : M → GB, et la naturalité de ϑ•• se traduit par le diagramme commutatif
ϑN,B
HomA−AlgAss (Tens•A (N ), B) / HomA (N, GB)

HomA−AlgAss (Tens•
A (h),B) HomA (h,GB)
 ϑM,B 
HomA−AlgAss (Tens•A (M ), B) / HomA (M, GB)

où la flèche verticale à gauche est l’application telle que φ 7→ φ ◦ Tens•A (h) pour
tout homomorphisme de A-algèbres associatives φ : Tens•A (N ) → B. Si on fait
B := Tens•A (N ) et φ := 1B , l’on obtient :
Tens•A (h) ◦ iM = iN ◦ h.

Autrement dit, Tens•A (h) induit par restriction une application A-linéaire M →

Tens1A (M ) → Tens1A (N ) → N qui coïncide avec h ; donc finalement
Tens•A (a ⊗ m1 ⊗ · · · ⊗ mn ) = a ⊗ h(m1 ) ⊗ · · · ⊗ h(mn )
pour tout n ∈ N et tout tenseur élémentaire a ⊗ m1 ⊗ · · · ⊗ mn de TensnA (M ). En
particulier, Tens•A (h) est la somme directe de ses composantes
TensnA (h) : TensnA (M ) → TensnA (N ).
Ensuite, soit I ⊂ Tens•A (M ) l’idéal bilatère engendré par le système
Σ := {1 ⊗ m ⊗ n − 1 ⊗ n ⊗ m | m, n ∈ M } ⊂ Tens2A (M ).
Donc, les éléments de I sont toutes les sommes de produits x · y · z avec x, z ∈
Tens•A (M ) arbitraires et y ∈ Σ. On pose
Sym•A (M ) := Tens•A (M )/I.
Noter que la multiplication de Tens•A (M ) induit une loi de multiplication sur
Sym•A (M ), qui fait de ce quotient une A-algèbre associative, et la projection π :
Tens•A (M ) → Sym•A (M ) est un homomorphisme de A-algèbres associatives. No-
ter aussi que I est la somme directe de ses A-sous-modules In := I ∩ TensnA (M )
pour tout n ∈ N, donc Sym•A (M ) est à son tour la somme directe des images
SymnA (M ) := π(TensnA (M )) = TensnA (M )/In (les détails sont confiés au lecteur).
Aussi, I0 = I1 = 0, d’où
Sym0A (M ) = A et Sym1A (M ) = M
et on pose jM := π ◦ iM : M → Sym•A (M ). De plus, pour tout m ∈ M notons
m := π(1 ⊗ m) ∈ Sym1A (M ) ; évidemment m · n = n · m pour tout m, n ∈ M , et
comme le système (m | m ∈ M ) engendre la A-algèbre Sym•A (M ), on conclut que
cette dernière est associative et commutative. En dernier lieu, soit B une A-algèbre
(commutative) ; évidemment tout homomorphisme Tens•A (M ) → B de A-algèbres
associatives se factorise à travers Sym•A (M ) de façon unique. Compte tenu de la
propriété universelle de Tens•A (M ), il s’ensuit aussitôt que le couple (Sym•A (M ), jM )
est universel pour le foncteur
A − Alg → Ens B 7→ HomA (M, F B).
L’on obtient ainsi le foncteur Sym•A
souhaité, adjoint à gauche de F . A toute appli-
cation A-linéaire h : M → N , ce fonctur associe un homomorphisme de A-algèbres
Sym•A (h) : Sym•A (M ) → Sym•A (N ) déterminé comme ci-dessus par l’identité :
Sym•A (h) ◦ jM = jN ◦ h
176 ã Cancer

qui permet de l’expliciter par une formule analogue à celle pour Tens•A (h) : les
détails seront laissés encore au lecteur.
Partie (ii) : Les foncteurs Tens•A et Sym•A commutent avec toute colimite, car ils
admettent des adjoints à droite (proposition 3.25(ii)) ; par la remarque 4.67, on est
alors ramené à montrer que Tens•A (L) et Sym•A (L) sont des A-modules plats, pour
tout A-module libre L de rang r ∈ N. Pour Tens•A (L), on remarque que TensnA (L)
est libre de rang rn pour tout n ∈ N, et on conclut grâce à la remarque 4.54(iii).
Ensuite, pour tout ensemble Λ et toute A-algèbre B, remarquons les bijections
naturelles :
∼ ∼
HomA−Alg (Sym•A (A(Λ) ), B)) → HomA (A(Λ) , F B) → (F B)Λ
où la première flèche est l’adjonction pour le couple de foncteurs (Sym•A , F ) et la
deuxième est l’adjonction pour le couple de foncteurs (A(−) , F ′ ), avec F ′ : A −
Mod → Ens le foncteur d’oubli (voir le problème 2.15(ii)). Donc le foncteur
Sym•A (A(−) ) : Ens → A − Alg Λ 7→ Sym•A (A(Λ) )
composition de A(−) et Sym•A , est adjoint à gauche de F ′ ◦ F : A − Alg → Ens. Or,
la composition F ′ ◦ F est bien entendu le foncteur d’oubli évident. Mais on a déjà
exhibé un autre adjoint à gauche pour ce même foncteur : à savoir, le foncteur qui
associe à tout ensemble Λ l’algèbre de polynômes A[Xλ | λ ∈ Λ] (voir le problème
2.15(iii)) ; ce dernier est donc isomorphe au foncteur Sym•A (A(−) ) (voir l’exercice
2.17(i)), i.e. on a un isomorphisme naturel de A-algèbres

Sym•A (A(Λ) ) → A[Xλ | λ ∈ Λ] ∀Λ ∈ Ob(Ens).
Mais on voit aisément que A[Xλ | λ ∈ Λ] est un A-module libre, avec par base l’en-
semble de ses monômes unitaires, CQFD

Problème 4.69, partie (i) : Pour tout A-module M , soit J ⊂ Tens•A (M ) l’idéal
bilatère engendré par le système
{1 ⊗ m ⊗ m | m ∈ M } ⊂ Tens2A (M ).
Donc, les éléments de J sont toutes les sommes de produits x · (1 ⊗ m)2 · y avec
x, y ∈ Tens•A (M ) et 1 ⊗ m ∈ Tens1A (M ). On pose :
Λ•A (M ) := Tens•A (M )/J.
Comme déjà pour la construction de l’algèbre symétrique, on remarque que la loi
de multiplication de l’algèbre tensorielle induit une loi de multiplication associative
et A-bilinéaire sur Λ•A (M ), et que J est la somme directe de ses sous-modules
Jn := J ∩ TensnA (M ) pour tout n ∈ N, donc Λ•A (M ) est la somme directe des
A-modules ΛnA (M ) := TensnA (M )/Jn . On a de plus
Λ0A (M ) = A et Λ1A (M ) = M.
Par construction, on a aussi m2 = 0 dans Λ•A (M ) pour tout m ∈ Λ1A (M ) ; il vient :
0 = (m + n)2 = m2 + n2 + m · n + n · m = m · n + n · m ∀m, n ∈ Λ1A (M ).

Soient m1 , . . . , mk ∈ Λ1A (M ) et σ : {1, . . . , k} → {1, . . . , k} une permutation ; par
une simple récurrence sur k, l’on déduit que :
(∗) mσ(1) · mσ(2) · · · mσ(k) = ε(σ) · m1 m2 · · · mk
où ε(σ) dénote la signature de σ : les détails sont laissés aux soins lecteur. En
particulier, si k ∈ N est impair, et x, y ∈ ΛkA (M ) sont des tenseurs élémentaires, i.e.
de la forme x = x1 · · · xk , y = y1 · · · yk pour certains x1 , . . . , xk , y1 , . . . , yk ∈ Λ1A (M ),
il s’ensuit que x · y = −y · x. On déduit que t2 = 0 pour tout t ∈ ΛkA (M ) : en effet,
on peut écrire t = t1 + · · · + tn pour quelque n ∈ N et une suite t1 , . . . , tn de
§ 4.6: Solutions 177

tenseurs élémentaires de ΛkA (M ) ; on procède alors par récurrence sur n. Si n = 1,


l’assertion suit aussitôt de (∗) (et même pour tout k ∈ N \ {0}), car m1 · · · mk ·
m1 · · · mk = (−1)k−1 · m21 · · · m2 · · · mk · m2 · · · mk = 0 pour tout m1 , . . . , mk ∈
Λ1A (M ). Supposons donc que n > 1 et que l’assertion soit déjà connue pour les
sommes de au plus n − 1 tenseurs élémentaires ; on calcule :
t2 = (t1 + · · · + tn−1 )2 + t2n + (t1 + · · · + tn−1 ) · tn + tn · (t1 + · · · + tn−1 ) = 0
car par hypothèse de récurrence (t1 + · · · + tn−1 )2 = t2n = 0, et ti · tn + tn · ti = 0

car k est impair. Ensuite, remarquons que b · b′ = (−1)nn b′ · b pour tout n, n′ ∈ N,

b ∈ ΛnA (M ) et b′ ∈ ΛnA (M ). En effet, si b et b′ sont des tenseurs élémentaires, cette
identité suit immédiatement de (∗) ; le cas général se déduit par la bilinéairité de
la multiplication. Cela achève L de montrer que Λ•A (M ) est une A-algèbre alternée.
En dernier lieu, soit B = n∈N Bn une A-algèbre alternée, et φ : M → B1
une application A-linéaire ; évidemment φ se prolonge en un morphisme unique de
A-algèbres associatives φ• : Tens•A (M ) → B tel que φ• (TensnA (M )) ⊂ Bn pour tout
n ∈ N, et φ• se factorise à travers un unique morphisme Λ•A (M ) → B de A-algèbres
alternées. Autrement dit, si jM : M → Λ•A (M ) est l’identification naturelle de M
avec Λ1A (M ), le couple (Λ•A (M ), jM ) est universel pour le foncteur
A − AlgAlt → Ens B 7→ HomA (M, B1 ).
L’on obtient ainsi le foncteur Λ•A souhaité, adjoint à gauche de (−)1 . A toute ap-
plication A-linéaire h : M → N , ce foncteur associe un morphisme de A-algèbres
alternées Λ•A (h) : Λ•A (M ) → Λ•A (N ) déterminé par la condition :
Λ1A (h) = h.
Partie (ii) : On considère l’unique application A-bilinéaire
(∗∗) (B ⊗A C) × (B ⊗A C) → B ⊗A C (x, y) 7→ x · y
dont la restriction (Bi ⊗A Cj ) × (Bi′ ⊗A Cj ′ ) → Bi+i′ ⊗A Cj+j ′ est donnée par :

(b ⊗ c) · (b′ ⊗ c′ ) := (−1)i j · (bb′ ⊗ cc′ ) ∀b ∈ Bi , b′ ∈ Bi′ , c ∈ Cj , c′ ∈ Cj ′ .
L’existence et unicité d’une telle application bilinéaire se montrent comme dans la
section 4.3, pour la loi de multiplication du produit tensoriel de deux A-algèbres :
les détails sont laissés au lecteur. L’associativité de cette loi de multiplication peut
être vérifiée sur des produits de tenseurs élémentaires, où elle suit d’un calcul direct,
qu’on laissera également au lecteur. Vérifions l’antisymétrie de la multiplication :
soient donc b ⊗ c et b′ ⊗ c′ comme ci-dessus ; on a

(b′ ⊗ c′ ) · (b ⊗ c) = (−1)ij · (b′ b ⊗ c′ c)
′ ′ ′
= (−1)ij · (−1)ii · (−1)jj · (bb′ ⊗ cc′ )
′ ′ ′ ′ ′
= (−1)i(i +j ) · (−1)j(i +j ) · (−1)i j · (bb′ ⊗ cc′ )
′ ′
= (−1)(i+j)(i +j ) · (b ⊗ c) · (b′ ⊗ c′ )
comme souhaité. Ensuite, si i + j est impair, soit i est impair, soit j l’est ; il vient
aussitôt que (b ⊗ c)2 = (−1)ij · b2 ⊗ c2 = 0 pour tout b ∈ Bi et c ∈ Cj avec
i + j impair. L’on déduit alors comme dans (i) que t2 = 0 pour tout k impair
et tout t ∈ (B ⊗A C)k : on écrit t = t1 + · · · + tn pour une suite t1 , . . . , tn de
tenseurs élémentaires, et on raisonne par récurrence sur n. Cela achève de montrer
que B ⊗A C est une A-algèbre alternée avec la loi de multiplication (∗∗), et il
est aussi évident que iB et iC sont des morphismes de A-algèbres alternées. En
dernier lieu, soit D une autre A-algèbre alternée et h : B → D, k : C → D
deux morphismes de A-algèbres alternées ; l’application A-bilinéaire B × C → D
telle que (b, c) 7→ h(b) · k(c) se factorise à travers une application A-linéaire unique
178 ã Cancer

f : B ⊗A C → D telle que b⊗c 7→ h(b)·k(c), et un calcul direct montre aisément que


f est un morphisme de A-algèbres alternées, et par construction l’on a f ◦ iB = h
et f ◦ iC = k, et comme les images de iB et iC engendrent la A-algèbre alternée
B ⊗A C, il s’ensuit que f est l’unique tel morphisme vérifiant ces identités. Donc
B ⊗A C représente le coproduit de B et C, et (iB , iC ) est un co-cône universel.
iM iN
Partie (iii) : Notons par M −− → M ⊕ N ←− − N les injections canoniques, et
jM jN
par Sym•A (M ) −−→ Sym•A (M ) ⊗A Sym•A (N ) ←−− Sym•A (N ) les morphismes de A-
algèbres tels que jM (m) := m ⊗ 1 et jN (n) := 1 ⊗ n pour tout m ∈ M et n ∈ N .
D’un côté, le foncteur Sym•A commute avec les coproduits, car il admet un adjoint
à droite (proposition 3.25(ii)) ; de l’autre côté, on a vu dans la section 4.3 que le
produits tensoriels de A-algèbres représentent les coproduits de A− Alg, et (jM , jN )
est un co-cône universel. Donc il existe un unique isomorphisme de A-algèbres

ω : Sym•A (M ⊕ N ) → Sym•A (M ) ⊗A Sym•A (N )
tel que Sym•A (iM ) ◦ ω = jM et Sym•A (iN ) ◦ ω = jN . De même, soient les morphismes
j′ j′
canoniques de A-algèbres alternées Λ•A (M ) −−
M
→ Λ•A (M ) ⊗A Λ•A (N ) ←−
N
− Λ•A (N ) ;
compte tenu de (ii) l’on déduit un isomorphisme unique de A-algèbres alternées

ω ′ : Λ•A (M ⊕ N ) → Λ•A (M ) ⊗A Λ•A (N )
tel que Λ•A (iM ) ◦ ω ′ = jM

et Λ•A (iN ) ◦ ω ′ = jN

.
Partie (iv) : En raisonnant comme pour la solution du problème 4.68(ii), on
se ramène aisément au cas où P est un A-module libre de rang fini. Puis, au vu
de (iii), on peut même supposer que P = A. Mais une inspection directe de la
construction montre que ΛiA (A) = 0 pour tout i ≥ 2, et comme on sait aussi que
Λ0A (A) = Λ1A (A) = A, l’assertion s’ensuit.

Problème 4.71, partie (i) : On raisonne par récurrence sur k. Si k = 1 et x1 est


lié, il existe u ∈ A non nul avec u · x1 = 0 et donc u · f (x1 ) = 0 pour toute forme
A-linéaire f : An → A. Réciproquement si u · f (x1 ) = 0 pour toute forme A-linéaire

f , alors l’image de u · x1 par l’isomorphisme de bidualité An → (An )∨∨ est nulle,
donc u · x1 = 0 et x1 est lié.
Soit maintenant k > 1, et on suppose que l’assertion soit déjà connue pour tout
système de k − 1 vecteurs. Si u1 ·x1 + · · ·+ uk ·xk = 0 est une combinaison A-linéaire
avec par exemple u1 non nul, on a pour toute k-forme linéaire alternée f sur An :
u1 · f (x1 , . . . , xk ) = f (u1 · x1 , x2 , . . . , xk ) = 0.
Supposons réciproquement que u · f (x1 , . . . , xk ) = 0 pour toute k-forme linéaire
alternée f : ΛkA An → A ; soit g une (k − 1)-forme linéaire alternée, L : An → A une
1-forme linéaire, et posons
k
X
f (y1 , . . . , yk ) = (−1)i+1 ·L(yi )·g(y1 , . . . , yi−1 , yi+1 , . . . , yk ) ∀y1 , . . . , yk ∈ An .
i=1
On voit aisément que f est une k-forme linéaire alternée sur An . Il existe donc par
l’hypothèse u ∈ A non nul tel que pour toute g et L comme ci-dessus on a
k
X
0=u· (−1)i+1 · L(xi ) · g(x1 , . . . , xi−1 , xi+1 , . . . , xk ).
i=1

Comme l’application de bidualité An → (An )∨∨ est injective, et que l’énoncé est
vrai pour tous les L, on obtient l’identité dans An :
k
X
0= (−1)i+1 u · g(x1 , . . . , xi−1 , xi+1 , . . . , xk ) · xi .
i=1
§ 4.6: Solutions 179

Si maintenant on suppose que x1 , x2 , . . . , xk sont libres, on en déduit en particulier


u · g(x2 , . . . , xk ) = 0
et ceci pour toutes les (k − 1)-formes linéaires alternées g sur An . Par hypothèse
de récurrence, il s’ensuit que x2 , . . . , xk sont liés, et donc x1 , x2 , . . . , xk sont liés,
contradiction.
Partie (ii) : Or, si f : An+1 → An était injective, le A-module An contiendrait
le système libre de n + 1 vecteurs f (e1 ), . . . , f (en+1 ) (où e1 , . . . , en+1 est la base
canonique de An+1 ) ; d’autre part, toute (n + 1)-forme A-linéaire alternée sur An
est nulle (voir la remarque 4.70(ii)), donc on obtient une contradiction avec (i).

Exercice 4.72 : On a un diagramme commutatif de foncteurs :


(−)[f ]
A′ − Alg / A − Alg

 (−)[f ] 
A′ − Mod / A − Mod
dont les flèches verticales sont les foncteurs d’oubli ; soit F : A′ − Alg → A − Mod
la composition commune des deux couples des flèches du diagramme. Pour chacun
de ces quatre foncteurs on a déjà exhibé des adjoints à gauche ; compte tenu de
l’exercice 2.21, on a alors deux façons différentes de former un adjoint à gauche de
F : la première donne le foncteur : M 7→ A′ ⊗A Sym•A (M ) et la deuxième donne
le foncteur M 7→ Sym•A (A′ ⊗A M ). Au vu de l’exercice 2.17(i), ces deux foncteurs
sont isomorphes ; plus précisément, il existe un unique isomorphisme naturel

A′ ⊗A Sym•A (M ) → Sym•A′ (A′ ⊗A M )

dont la restriction A′ ⊗A M = A′ ⊗A Sym1A (M ) → Sym1A′ (A′ ⊗A M ) = A′ ⊗A M
coïncide avec IdA′ ⊗A M . Mutatis mutandis, le même argument donne l’isomorphisme
naturel souhaité d’algèbres extérieures.
5. Lion ä

Dans cette leçon on va s’intéresser aux modules projectifs et, dans une moindre
mesure, aux modules injectifs. La définition officielle de module projectif est en
termes d’une certaine propriété de relèvement d’applications, mais ils sont aussi
caractérisés tout simplement comme les facteurs directs des modules libres. Par
contre, les modules injectifs sont définis par une propriété duale de prolongement
d’applications, mais ils n’admettent aucune simple caractérisation alternative, et
sont en général assez difficiles à saisir, surtout car le plus souvent ils ne sont pas de
type fini. Dès lors, il est un peu surprenant que l’introduction des modules injectifs
remonte aux travaux de Baer autour de 1940, et donc précède de loin celle des
modules projectifs, qui n’ont été baptisés qu’au 1956, dans le livre [7] de Cartan et
Eilenberg. Quoi qu’il en soit, dans les engrenages de l’algèbre homologique moderne,
ces deux classes de modules accomplissent des fonctions symétriques et également
éminentes : ils fournissent les résolutions projectives et respectivement injectives
dont on s’occupera en détail à la section 5.4, et qui nous serviront dans la section
7.5 pour construire les foncteurs dérivés des foncteurs additifs.
D’un point de vue plus géométrique, les modules projectifs sont distingués sur-
tout par la liaison étroite qu’ils entretiennent avec la notion topologique de fibré
vectoriel : d’un côté, d’après le théorème 5.7, un module de type fini sur un anneau
quelconque A est projectif si et seulement s’il est localement libre sur la topologie
de Zariski de Spec A ; de l’autre côté, par le théorème de Swan 5.41, la catégorie des
fibrés vectoriels sur un espace topologique compact et séparé T est équivante à celle
des C (T )-modules projectifs de type fini. Ce thème topologique – la continuation
naturelle d’une étude amorcée dès notre première leçon – sera développé avec soin
dans la section 5.3 ; notamment, on présente une variante de la preuve du théorème
de Swan qui évite le recours aux métriques sur les fibrés, en s’appuyant plutôt sur
le théorème de Gelfand-Naimark.
A tout anneau A on peut associer son groupe de Picard Pic A, formé des classes
d’isomorphismes des A-modules projectifs inversibles, i.e. de rang constant égal à 1 ;
comme on sait que deux modules inversibles sont toujours localement isomorphes,
la structure de Pic A sera plutôt à mettre en relation avec les propriétés algébriques
et géométriques de nature globale de A ou de son spectre premier : cette interaction
est l’objet de la section 5.2, dont le clou est le théorème 5.31, affirmant que le groupe
de Picard de tout anneau factoriel est trivial. Des résultats plus précis pour le cas
des anneaux intègres noethériens seront établis dans les leçons suivantes.
Au bout de la quatrième section, notre discussion atteint un tournant, où tous les
ingrédients sont désormais réunis pour pouvoir introduire les premiers éléments de la
théorie des schémas : c’est le sujet de la cinquième section, qui malgré sa longueur ne
propose qu’un aperçu rapide de ce vaste territoire des mathématiques que nous ont
légués les travaux fondateurs titanesques de Grothendieck aux années 60. Il n’est
§ 5.1: Modules projectifs et modules injectifs 181

pas question ici d’aborder l’étude systématique de la géométrie algébrique, pour


lequel on renvoie plutôt le lecteur aux ouvrages spécialisés (la source primaire étant
le traité [8], mais voir aussi [13] et [19]) ; toutefois, on retiendra la construction de
l’éclatement d’un idéal quasi-cohérent du faisceau structurel d’un schéma arbitraire,
avec sa propriété universelle, que l’on retrouvera et appliquera efficacement plus tard
en relation avec les spectres valuatifs des anneaux.

5.1. Modules projectifs et modules injectifs. La leçon précédente a introduit


la classe des modules plats, i.e. les A-modules P tels que le foncteur additif P ⊗A −
est exact. Si on remplace le produit tensoriel par le foncteur HomA (P, −) l’on obtient
une autre classe de A-modules fort utile :
Définition 5.1. Soit P un A-module. On dit que P est projectif si le foncteur
additif induit HomA (P, −) : A − Mod → A − Mod est exact :
φ
M 7→ HomA (P, M ) (M −
→ N ) 7→ (φ∗ : HomA (P, M ) → HomA (P, N )).
Remarque 5.2. (i) Par l’exercice 2.63 et la proposition 4.52(ii) on voit que P
est projectif si et seulement si HomA (P, −) transforme applications surjectives φ
en applications surjectives φ∗ . Autrement dit, P est projectif si et seulement s’il
satisfait la condition suivante de relèvement : pour toute application A-linéaire
surjective φ : M → N , tout homomorphisme ψ : P → N se factorise à travers φ :
M
⑥>
⑥ φ

⑥ ψ 
P / N.

(ii) Par exemple, si S est un ensemble arbitraire, le A-module libre A(S) est
projectif, car pour tout A-module M on a un isomorphisme naturel de A-modules
ψ
HomA (A(S) , M ) ≃ M S (A(S) −
→ M ) 7→ (ψ(es ) | s ∈ S)
où on a noté (es | s ∈ S) la base canonique de A(S) . Si φ : M → N est une
application A-linéaire, cet isomorphisme identifie φ∗ avec l’application A-linéaire
φS : M S → N S (ms | s ∈ S) 7→ (φ(ms ) | s ∈ S)
et évidemment, si φ est surjective, φS l’est aussi.
(iii) Soit P un A-module, (M• , d• ) un complexe de A-modules. On peut définir
le complexe de A-modules
HomA (P, M• )
constitué des A-modules HomA (P, Mi ) en chaque degré i ∈ Z, et dont le différen-
tiel en degré i est (di )∗ : HomA (P, Mi ) → HomA (P, Mi+1 ). Si maintenant P est
projectif, la proposition 4.52(iii) nous donne un isomorphisme canonique

HomA (P, Hi (M• )) → Hi (HomA (P, M• )) ∀i ∈ Z.
En particulier, si M• est exact en degré i, le complexe HomA (P, M• ) l’est aussi.
Lemme 5.3. Soit P un A-module. On a :
(i) P est projectif si et seulement s’il est un facteur direct d’un A-module libre.
(ii) Si P est projectif et de type fini, il est un facteur direct d’un A-module libre
de rang fini. En particulier, P est de présentation finie.
Démonstration. Soit d’abord Q un A-module tel que P ⊕Q est libre, et on considère
des applications φ et ψ comme dans la remarque 5.2(i). Si π : P ⊕ Q → P est la
projection, on pose ψ ′ := ψ ◦ π ; par la remarque 5.2(ii) on sait que ψ ′ admet un
182 ä Lion

relèvement ψ ′′ : P ⊕ Q → M ; si i : P → P ⊕ Q est l’inclusion canonique, on voit


que ψ ′′ ◦ i : P → M relève ψ.
De l’autre côté, supposons P projectif ; évidemment on peut trouver un ensemble
S et une application surjective φ : A(S) → P ; de plus, si P est de type fini, on
peut prendre pour un S un ensemble fini. Par hypothèse, IdP : P → P se relève
en un morphisme φ′ : P → A(S) de A-modules ; on voit aisément que A(S) =
Im (φ′ ) ⊕ Ker (φ). Si S est fini, la surjection induite A(S) → Ker φ montre que Ker φ
est de type fini, d’où la dernière assertion de (ii). 
Corollaire 5.4. (i) Tout A-module projectif est plat.
(ii) Un A-module de présentation finie est plat si et seulement s’il est projectif.
Démonstration. (i) : Soit P un module projectif ; par le lemme 5.3(i) on peut trouver
un A-module Q tel que P ⊕ Q soit un A-module libre. La remarque 4.54(iii) nous
dit que P ⊕ Q est plat ; par la remarque 4.54(iii), il s’ensuit que P est plat.
(ii) : Par (i), on peut supposer que P soit plat et de présentation finie ; par le
lemme 4.64, l’identité IdP : P → P est la composition d’applications A-linéaires
φ : P → L et ψ : L → P avec L libre de rang fini ; il s’ensuit aisément que L =
Im(φ)⊕Ker(ψ), et compte tenu du lemme 5.3(i), on conclut que P est projectif. 
Remarque 5.5. Soit A un anneau local. Par le corollaire 5.4(i) et le théorème 5.7,
tout A-module projectif de type fini est libre. Mais plus généralement, d’après un
théorème de Kaplansky, si A est local, tout A-module projectif est libre : voir [21,
Th.2.5]. On n’utilisera pas ce résultat.
Exercice 5.6. Soit S ⊂ A une partie multiplicative, P un A-module projectif.
(i) Montrer que S −1 P est un S −1 A-module projectif.
(ii) Pour toute A-algèbre B, montrer que B ⊗A P est un B-module projectif.
(iii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux fidèlement plat (voir le
problème 4.63), et M un A-module tel que B ⊗A M est un B-module projectif de
type fini. Montrer que M est projectif de type fini.
On a déjà remarqué que tout A-module M détermine une sorte de “fibré vectoriel”
sur Spec A, dont la fibre en chaque point p est le k(p)-espace vectoriel M (p). Si M
est de type fini, le rang rkM de M (voir le paragraphe 4.2.2) est une application à
valeurs entiers qui n’est pas forcément localement constante. Si maintenant P est
un A-module projectif de type fini, le résultat suivant nous dit que le rang rkP est
bien localement constante sur Spec A, car dans ce cas P est “localement libre sur
la topologie de Zariski de Spec A”. Le modules projectifs de type fini sont donc la
vraie incarnation algébrique des fibrés vectoriels de la géométrie différentielle.
Théorème 5.7. Soit P un A-module. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) P est projectif de type fini.
(b) Pour tout p ∈ Spec A il existe a ∈ A \ p tel que Pa := Aa ⊗A P est un
Aa -module libre de rang fini.
Démonstration. (a) ⇒ (b) : Par le théorème 4.61, Pp est un Ap -module libre ; soit
x1 /s1 , . . . , xd /sd
une base de Pp . On voit aisément que x1 /1, . . . , xd /1 est aussi une base de Pp , et
on considère l’application A-linéaire π : Ad → P telle que π(ei ) := xi pour i =
1, . . . d (où e1 , . . . , ed est la base canonique de Ad ). Par construction, la localisation
πp : Adp → Pp est un isomorphisme, donc 0 = Coker πp = (Coker π)p , i.e. p ∈ /
SuppA (Coker π). Mais on a déjà remarqué que le support de Coker π est une partie
fermée de Spec A (voir la remarque 4.46(ii)), donc il existe un voisinage ouvert
Spec As ⊂ Spec A de p tel que Spec As ∩ SuppA (Coker π) = ∅. Compte tenu de
§ 5.1: Modules projectifs et modules injectifs 183

la remarque 4.46(i), on déduit que As ⊗A Coker π = Coker (As ⊗A π) = 0, i.e.


πs := As ⊗A π : Ads → Ps est surjectif. On pose Q := Ker πs ; comme Ps est un
As -module projectif (par l’exercice 5.6), il existe alors une application As -linéaire
i : Ps → Ads telle que πs ◦ i = IdPs . Comme dans la preuve du lemme 5.3, on obtient

un isomorphisme φ : Ads = Q⊕Im(i) → Q⊕Ps dont la composition avec la projection
Q ⊕ Ps → Ps coïncide avec πs . En particulier, Q est un As -module de type fini,

et φp : Adp → Qp ⊕ Pp est un isomorphisme dont la composition avec la projection
Qp ⊕ Pp → Pp est l’isomorphisme πp ; il s’ensuit que Qp = 0, donc p ∈ / SuppAs Q,
et à nouveau on peut trouver un voisinage ouvert Spec Ass′ ⊂ Spec A de p tel que
Spec Ass′ ∩ SuppAs Q = 0. Si on pose a := ss′ , on voit que SuppAa (Aa ⊗As Q) = ∅,
donc Aa ⊗As Q = 0, et πa := Aa ⊗A π : Ada → Pa est un isomorphisme.
(b)⇒(a) : L’hypothèse implique que Pp est un Ap -module libre pour tout p ∈
Spec A, donc P est plat (proposition 4.56(i)). De plus, P est de présentation finie,
par l’exercice 4.44, donc l’assertion suit du corollaire 5.4(ii). 

Exemple 5.8. (Le ruban de Möbius) Soit A l’anneau des fonctions R → R conti-
nues et périodiques de période 2π (c’est l’anneau des fonctions continues sur le
cercle S 1 ). Soit P le groupe additif des fonctions continues R → R telles que
f (x + 2π) = −f (x) ∀x ∈ R.
Evidemment, si f ∈ P et g ∈ A, on a g · f ∈ P , donc P est un A-module.
(i) On va exhiber un isomorphisme A-linéaire

A2 → P ⊕ P
ce qui va montrer en particulier, que P est projectif de type fini. Pour cela, on
considère les fonctions
v1 (x) := sin(x/2) v2 (x) := cos(x/2).
Evidemment, v1 , v2 ∈ P , donc on a aussi les éléments φ := (v1 , v2 ) et ψ := (−v2 , v1 )
de P ⊕ P . On remarque que, pour tout x ∈ R le couple (φ(t), ψ(t)) est une base
orthonormale de R2 (par rapport au produit scalaire standard h·, ·i de R2 ). Donc,
pour toute fonctions f : R → R2 on a
(∗) f (t) = hf (t), φ(t)i · φ(t) + hf (t), ψ(t)i · ψ(t) ∀t ∈ R.
Si maintenant f ∈ P ⊕ P , les fonctions t 7→ hf (t), φ(t)i et t 7→ hf (t), ψ(t)i sont des
éléments de A, car hf (t+2π), φ(t+2π)i = h−f (t), −φ(t)i = hf (t), φ(t)i (et de même
pour l’autre fonction). De plus, (∗) est l’unique écriture de f comme combinaison
linéaire de φ et ψ à coefficients dans A, i.e. on obtient l’isomorphisme cherché en
posant e1 7→ φ et e2 7→ ψ (où (e1 , e2 ) est la base canonique de A2 ).
(ii) La discussion de (i) implique aisément que (v1 , v2 ) est un système de géné-
rateurs de P . Pour conclure, on va montrer que P n’est pas un A-module libre. En
effet, si P était libre, il serait forcément de rang égal à 1, car on vient de voir que
P ⊕ P est libre de rang 2. Donc, supposons par l’absurde qu’il existe un élément
f ∈ P qui engendre P . En particulier, f 6= 0, donc il existe x ∈ R tel que f (x) 6= 0 ;
comme f (x + 2π) = −f (x), il s’ensuit que f s’annule dans un point y ∈]x, x + 2π[ ;
donc, tout multiple g · f de f (avec g ∈ A) s’annule aussi au point y. D’autre part,
évidemment P contient des fonctions qui ne s’annulent pas au point y (une telle
fonction est h(t) := f (t − y + x)), CQFD
Remarque 5.9. (i) L’exemple précédent nous montre qu’un A-module projectif de
type fini sur un anneau non-local n’est pas forcément libre. On a des exemples
semblables dans la théorie des nombres et la géométrie algébrique : par exemple,
si K est un corps de nombres, et OK son anneau des entiers, alors les conditions
184 ä Lion

suivantes sont équivalentes : (a) tout OK -module projectif de type fini est libre, et
(b) le nombre de classes hK de K est égal à 1 (voir le problème 7.42(iv)).
(ii) Un théorème standard assez élémentaire montre que tout K[X]-module de
type fini est somme directe d’un K[X]-module libre et un K[X]-module de torsion.
D’autre part, on voit qu’un K[X]-module de torsion ne peut pas être facteur direct
d’un K[X]-module libre. Donc, tout K[X]-module projectif de type fini est libre.
(iii) Autour 1955, Serre a conjecturé que le même résultat s’étend aux K-algèbres
de polynômes K[X1 , . . . , Xn ] dans un nombre (fini) arbitraire de variables : tout
K[X1 , . . . , Xn ]-module projectif de type fini est libre. Cette conjecture a été dé-
montrée indépendamment par Quillen et Suslin en 1976 : voir [16].
(iv) On notera
A − Modptf

la sous-catégorie pleine de A − Mod dont les objets sont les A-modules projectifs
de type fini. On a déjà remarqué que si P est projectif de type fini, le rang de P
est localement constant sur Spec A. En particulier, si Spec A est connexe (e.g. si A
est intègre : voir l’exercice 4.27(iii)), rkP est constant sur Spec A.

Exercice 5.10. Soit A := C ([0, 1]) l’anneau des fonctions continues à valeurs
réelles sur l’intervalle [0, 1]. Soit I ⊂ A l’idéal des fonctions telles que f −1 (0) soit
un voisinage de 0 dans [0, 1] (il s’agit de l’idéal noté I0 dans l’exemple 2.2).
(i) Exhiber un système dénombrable de générateurs de l’idéal I, et en déduire
une application surjective φ : A(N) → I.
(ii) Montrer que φ admet une inverse à droite I → A(N) et déduire que I est un
A-module projectif.
(iii) Montrer que I n’est pas un A-module libre.

Exercice 5.11. Soit A un anneau, P un A-module projectif de type fini, r ∈ N.


(i) Montrer que SymrA P et ΛrA P sont des A-modules projectifs de type fini.
(ii) On suppose que rkP (p) ≤ r pour tout p ∈ Spec A. Montrer que Λr+1
A P = 0.

Exercice 5.12. Soit A un anneau réduit (voir la définition 1.30(ii)), P un A-


module de type fini. Montrer que P est projectif si et seulement si la fonction
rkP : Spec A → N est localement constante.

Soit A un anneau, M un A-module, et M ∨ := HomA (M, A) le dual de M .


Tout A-module N induit une application A-bilinéaire M ∨ × N → HomA (M, N )
qui associe à chaque (φ, n) ∈ M ∨ × N l’homomorphisme f(φ,n) : M → N tel que
m 7→ n · φ(m) pour tout m ∈ M . On en déduit une application A-linéaire

ρM,N,P : N ⊗A HomA (P, M ) → HomA (P, N ⊗A M ) φ ⊗ n 7→ f(φ,n)

Notons aussi que toute donnée d’applications A-linéaires f : P2 → P1 , g : N1 → N2 ,


h : M1 → M2 induit un diagramme commutatif :
ρM1 ,N1 ,P1
N1 ⊗A HomA (P1 , M1 ) / HomA (P1 , N1 ⊗A P1 )

g⊗A HomA (f,h) HomA (f,g⊗A h)


 ρM2 ,N2 ,P2 
N2 ⊗A HomA (P2 , M2 ) / HomA (P2 , N2 ⊗A M2 )

dont la flèche verticale à droite est l’application :

(k : P1 → N1 ⊗A M1 ) 7→ ((g ⊗A h) ◦ k ◦ f : P2 → N2 ⊗A M2 ).
§ 5.1: Modules projectifs et modules injectifs 185

Autrement dit, l’association (M, N, P ) 7→ ρM,N,P est une transformation naturelle :


−⊗A HomA (−,−)

+
(A − Mod) × (A − Mod) × (A − Mod)op
✤✤ ✤✤
 ρ A
3 − Mod.
HomA (−,−⊗A −)

Exercice 5.13. (i) Soient P , M et N trois A-modules. Montrer que l’application


ρM,N,P est un isomorphisme dans les cas suivants :
(a)N,P Si P est projectif de type fini et N est un A-module arbitraire
(b)N,P Si N est projectif de type fini et P est un A-module arbitraire
(c)N,P Si P est de présentation finie et N est plat
(d)N,P Si N est de présentation finie et P est projectif
(e)N,P Si P est de type fini et N est projectif.
(ii) Soit B une A-algèbre telle que l’une des conditions (a)B,P −(e)B,P soit vérifiée ;
déduire de (i) que pour tout A-module M l’application B-linéaire naturelle
B ⊗A HomA (P, M ) → HomB (B ⊗A P, B ⊗A M ) b ⊗ φ 7→ b · (B ⊗A φ)
est un isomorphisme.
(iii) Soit P un A-module projectif de type fini. Montrer que l’application de bi-
dualité βP : P → P ∨∨ est un isomorphisme de A-modules (voir l’exemple 1.51).
5.1.1. Modules injectifs. Soit A un anneau, M un A-module. Le foncteur
HomA (−, M ) : (A − Mod)op → A − Mod
donné par les associations :
φ
N 7→ HomA (N, M ) → N ′ ) 7→ (φ∗ : HomA (N ′ , P ) → HomA (N, M ))
(N −
est le premier exemple d’un foncteur additif contravariant. Plus généralement, si A
et B sont deux anneaux, on dira qu’un foncteur F : (A − Mod)op → B − Mod est
additif si pour tout couple de A-modules M, N l’application induite
FM,N : HomA (N, M ) → HomB (F M, F N ) φ 7→ F φ
est un homomorphisme de groupes abéliens. Une simple inspection montre que
la remarque 4.51 reste entièrement valable, mutatis mutandis, pour les foncteurs
additifs contravariants ; en particulier, un tel F induit un foncteur
C(F ) : C(A)op → C(B)
qui associe à tout complexe de A-modules (M• , d• ) le complexe de B-modules
F (M• ) := (M•′ , d′• ) avec Mn′ := F M−n et d′n := F d−n−1 pour tout n ∈ Z. De
même, on a une version contravariante de la proposition 4.52 : un foncteur additif
F comme ci-dessus est exact à droite (resp. à gauche) si et seulement s’il transforme
toute suite exacte Σ′ (resp. Σ) de A-modules comme dans la proposition 4.52(i) en
une suite exacte de B-modules
F M ′′ → F M → F M ′ → 0 (resp. 0 → F M ′′ → F M → F M ′ )
et F est exact si et seulement s’il transforme toute suite exacte courte de A-modules
en une suite exacte courte de B-modules. De plus, si F exact, on a pour tout i ∈ Z
un isomorphisme naturel de foncteurs :

F op ◦ Hiop → Hi ◦ C(F ) : C(A)op → B − Mod.
Les vérifications détaillées seront laissées au lecteur.
186 ä Lion

Définition 5.14. Soit I un A-module. On dit que I est injectif si le foncteur


HomA (−, I) est exact.
Remarque 5.15. (i) On a le “dual” de la remarque 5.2(i) pour la notion d’injec-
tivité : compte tenu de la proposition 2.62, on voit qu’un A-module I est injectif
si et seulement si le foncteur HomA (−, I) transforme applications injectives φ en
applications surjectives φ∗ , i.e. si et seulement s’il satisfait la condition de pro-
longement suivante. Pour toute application A-linéaire injective φ : M → N , tout
homomorphisme ψ : M → I se factorise à travers φ :
ψ
M /I
③<
φ


 ③
N.
Q
(ii) Soit (Iλ | λ ∈ Λ) une famille de A-modules ; le produit I := λ∈Λ Iλ est
injectif si et seulement si chaque Iλ est injectif. En effet, si φ est comme ci-dessus,
on a un diagramme commutatif de A-modules
HomA (φ,I)
HomA (N, I) / HomA (M, I)

 Q 
Q λ∈Λ HomA (φ,Iλ )
/Q
λ∈Λ Hom A (N, Iλ ) λ∈Λ Hom A (M, Iλ )

dont les flèches verticales sont des isomorphismes ; donc HomA (φ, I) est surjective
si et seulement chaque HomA (φ, Iλ ) est surjective, d’où l’assertion.
(iii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux, et I un A-module injectif ;
alors J := HomA (B, I) est un B-module injectif, pour la structure de B-module de
la remarque 4.13(iii). En effet, pour tout homomorphisme injectif φ : M → N de
B-modules, l’adjonction de la remarque 4.17 nous donne un diagramme commutatif
∼ / HomA (N, I)
HomB (N, J)
HomB (φ,J) HomA (φ,I)
 
∼ / HomA (M, I).
HomB (M, J)

Par hypothèse, HomA (φ, I) est surjectif, donc de même pour HomA (φ, J), d’où
l’assertion.
(iv) D’autre part, à certains égards, les modules injectives sont plutôt à considé-
rer comme les duaux des A-modules plats ; un premier indice est le critère suivant,
qui est analogue à la proposition 4.57 ; pour une autre manifestation de cette dua-
lité, voir la partie (ii) du problème 5.18 ci-dessous.
Proposition 5.16. (Critère de Baer) Un A-module I est injectif, si et seulement
si, pour tout idéal J ⊂ A, toute application A-linéaire J → I se prolonge en une
application A-linéaire A → I.
Démonstration. La condition est évidemment nécessaire. Réciproquement, soit M ⊂
N une inclusion de A-modules, et φ : M → I une application A-linéaire ; on consi-
dère l’ensemble F des couples (M ′ , φ′ ) tels que M ′ ⊂ N est un A-sous-module
contenant M , et φ′ : M ′ → I une application A-linéaire qui prolonge φ. On munit
F de la relation d’ordre telle que (M ′ , φ′ ) ≤ (M ′′ , φ′′ ) si et seulement si M ′ ⊂ M ′′
et φ′′ prolonge φ′ . Si (Mλ , φλ | λ ∈ Λ) est une partie S totalement ordonnée de F ,
évidemment il existe une application A-linéaire φ′ : λ∈Λ Mλ → I qui prolonge
φλ pour tout λ ∈ Λ. Par le lemme de Zorn, F admet alors un élément maximal
§ 5.1: Modules projectifs et modules injectifs 187

φ′ : N ′ → I, et il reste à montrer que N ′ = N . Pour cela supposons par l’absurde


que x ∈ N \ N ′ , et on pose N ′′ := Ax ∩ N ′ . Soit J := AnnA (x) ; l’application
ω : A → Ax a 7→ ax

se factorise à travers un isomorphisme A/J → Ax, et il existe un idéal J ′ ⊂ A qui
contient J, et tel que ω −1 (N ′′ ) = J ′ . Par hypothèse, la composition
ω φ′
→ N ′′ ⊂ N ′ −→ I
J′ −
se prolonge en une application A-linéaire ψ : A → I, et par construction J ⊂ Ker ψ,
de tel façon que ψ se factorise à travers ω et une application A-linéaire ψ : Ax → I.
Or, on prolonge φ′ en l’application
φ′′ : N ′ + Ax → I n + ax 7→ φ′ (n) + ψ(ax).
Pour voir que φ′′ est bien définie, supposons que n + ax = n′ + a′ x pour certains
n, n′ ∈ N ′ et a, a′ ∈ A ; on déduit que n′ − n = (a − a′ )x ∈ N ′′ , d’où
φ′ (n′ ) + ψ(a′ x) = φ′ (n + (a − a′ )x) + ψ(a′ x)
= φ′ (n) + ψ((a − a′ )x) + ψ(a′ x)
= φ′ (n) + ψ(ax)
comme souhaité. La A-linéairité de φ′′ s’ensuit immédiatement. Cela contredit la
maximalité de φ′ , et achève la preuve. 
Exemple 5.17. Si A est un anneau intègre principal, le critère de Baer nous dit
qu’un A-module I est injectif si et seulement s’il est divisible, i.e. si pour tout x ∈ I
et tout a ∈ A \ {0} il existe y ∈ I tel que x = ay. En effet, l’idéal Aa est un A-
module libre de rang un, car A est intègre, et donc il existe une unique application
A-linéaire φ : Aa → I telle que φ(a) = x ; or, l’existence d’un prolongement A → I
de φ équivaut à la condition énoncé pour x. Par exemple, le corps des fractions
K de A est un A-module injectif, et de même pour son quotient K/A. Si on fait
A = Z, on trouve que les Z-modules Q et Q/Z sont injectifs.
5.1.2. Dualité de Pontryagin. Soit A un anneau, P un A-module ; le A-module
P ∗ := HomZ (P, Q/Z)
(avec la structure de A-module de la remarque 4.13(iii)) est le dual de Pontryagin
de P . Toute application A-linéaire φ : P → Q induit une application duale
φ∗ : Q∗ → P ∗ f 7→ f ◦ φ.
L’on obtient ainsi un foncteur additif contravariant
(−)∗ : (A − Mod)op → A − Mod P 7→ P ∗ .
Problème 5.18. Soient A un anneau, M et P deux A-modules.
(i) Montrer que M = 0 si et seulement si M ∗ = 0. Déduire que le foncteur (−)∗
est exact et fidèle.
(ii) Montrer que P ∗ est un A-module injectif si et seulement si P est un A-module
plat. (Utiliser l’isomorphisme canonique de l’exercice 4.16.)
(iii) Montrer qu’il existe une application A-linéaire unique
σP,M : P ∗ ⊗A M → HomA (M, P )∗ telle que f ⊗ m 7→ (h 7→ f ◦ h(m)).
Montrer aussi que l’association M 7→ σP,M définit une transformation naturelle
σP : P ∗ ⊗A − → HomA (−, P )∗ .
(iv) Montrer que σP,M est un isomorphisme si M est de presentation finie.
(v) Utiliser (iv) pour donner une preuve alternative du corollaire 5.4(ii).
Voir aussi le problème 7.66 pour une autre application.
188 ä Lion

5.1.3. Enveloppes injectives. On peut utiliser la dualité de Pontryagin afin d’exhiber


pour tout A-module M un A-module injectif I avec une application A-linéaire
injective M → I. Pour cela, notons d’abord que l’on a une application naturelle
ωM : M → M ∗∗ x 7→ ((f : M → Q/Z) 7→ f (x))
qui est injective : en effet, pour tout x ∈ M , soit Zx ⊂ M le Z-sous-module engendré
par x ; si x 6= 0 il existe une application Z-linéaire non nulle g : Zx → Q/Z, et
comme Q/Z est un Z-module injectif, on peut prolonger g en une application Z-
linéaire f : M → Q/Z. Par construction f (x) 6= 0, donc x ∈ / Ker ωM . Or, soit L
un A-module libre avec une surjection A-linéaire h : L → M ∗ ; au vu du problème
5.18(i,ii), la composition
ω h∗
→ M ∗∗ −→ I := L∗
ε : M −−M
est injective, et I est un A-module injectif. On montrera plus précisément que
la famille des homomorphismes injectifs M → I de M dans un A-module injectif
admet un élément minimal. Pour cela, on introduit la notion plus générale suivante :
Définition 5.19. Soit φ : M → N un homomorphisme injectif de A-modules.
(i) On dit que φ est une extension essentielle de M si pour tout sous-module
non nul N ′ ⊂ N on a φ−1 (N ′ ) 6= 0.
(ii) Si φ est une extension essentielle et N est un A-module injectif, on dit que
(N, φ) est une enveloppe injective de M .
Pour un homomorphisme injectif ψ : M → N arbitraire de A-modules, soit Fψ la
famille des sous-modules N ′ ⊂ N avec ψ(M ) ⊂ N ′ et tels que l’application induite
M → N ′ soit une extension essentielle. Evidemment ψ(M ) ∈ Fψ , donc Fψ est non
vide, et il est partiellement ordonné par inclusion de sous-modules ; remarquons :
Lemme 5.20. Avec la notation ci-dessus, on a :
(i) La famille Fψ admet des éléments maximaux.
(ii) Si α : M → N , β : N → P sont des extensions essentielles, β ◦ α l’est aussi.
Démonstration. S (i) : Soit (Nλ | λ ∈ Λ) une partie totalement ordonnée de Fψ ; on
pose N ′ := λ∈Λ Nλ . Si N ′′ ⊂ N ′ est un sous-module, il existe λ ∈ Λ tel que
Nλ′′ := N ′′ ∩ Nλ 6= 0, et ψ −1 (Nλ′′ ) 6= 0, car l’extension M → Nλ est essentielle ; donc
N ′ ∈ Fψ , et l’assertion suit du lemme de Zorn.
(ii) : Soit P ′ ⊂ P un sous-module ; par hypothèse, N ′ := β −1 (P ′ ) 6= 0, donc
(β ◦ α)−1 (P ′ ) = α−1 (N ′ ) 6= 0, d’où l’assertion. 
Proposition 5.21. Pour tout A-module M on a :
(i) Il existe une enveloppe injective φ : M → I.
(ii) Pour tout homomorphisme injectif ψ : M → J avec J injectif, il existe une
application A-linéaire injective β : I → J telle que ψ = β ◦ φ.
(iii) Si (ψ, J) dans (ii) est aussi une enveloppe injective, β est un isomorphisme.
Démonstration. (i) : On vient de voir qu’il existe une application A-linéaire injec-
tive ψ : M → J avec J injectif ; par le lemme 5.20(i), la famille Fψ admet un
élément maximal I, de telle façon que ψ est la composition d’une extension essen-
tielle φ : M → I et de l’inclusion β : I → J. Il suffit de montrer que I est injectif.
Or, soit G la famille des sous-modules Q ⊂ J tels que I ∩ Q = 0, munie de l’ordre
partiel induit par l’inclusion de sous-modules ; par le lemme de Zorn, on voit ai-
sément que G admet un élément maximal I ′ (les détails sont laissés aux soins du
lecteur), et il s’ensuit que I ⊕ I ′ ⊂ J. Notons par γ : I → J/I ′ la composition de β
§ 5.2: Groupes de Picard et anneaux factoriels 189

et de la projection canonique π : J → J/I ′ ; on remarque que γ est une extension es-


sentielle, car sinon il existerait un sous-module non nul N ⊂ J/I ′ avec γ −1 (N ) = 0,
i.e. π −1 (N ) serait un élément de G strictement plus grand que I ′ , contradiction.
Par l’injectivité de J, il existe une application A-linéaire α : J/I ′ → J telle que
α ◦ γ = β ; en particulier, (Ker α) ∩ (Im γ) = 0, d’où Ker α = 0, car γ est une
extension essentielle. Donc α est injective, et son image α(J/I ′ ) ⊂ J est conte-
nue dans Im β ; l’application β se factorise ainsi à travers une extension essentielle
β ′ : I → α(J/I ′ ). Par le lemme 5.20(ii), la composition β ′ ◦ φ est une extension
essentielle, i.e. α(J/I ′ ) ∈ Fψ , d’où finalement α(J/I ′ ) = I, par maximalité de I.
Cela veut dire que γ est un isomorphisme, donc J = I ⊕ I ′ et il suffit d’invoquer la
remarque 5.15(ii) pour conclure.
(ii) : Par l’injectivité de J, il existe une application A-linéaire β : I → J telle
que β ◦ φ = ψ. On a φ−1 (Ker β) = 0, d’où Ker β = 0, car φ est essentielle.
(iii) : Par l’injectivité de I, il existe une application A-linéaire γ : J → I avec
γ ◦ β = IdI . On a β −1 (Ker γ) = 0, d’où ψ −1 (Ker γ) = 0, et donc Ker γ = 0, car ψ
est essentielle. Cela montre que γ est un isomorphisme, donc de même pour β. 

Exercice 5.22. Soit ψ : M → N la somme directe d’une suite finie d’applications


A-linéares (ψi : Mi → Ni | i = 1, . . . , n). Montrer que ψ est une extension essentielle
si et seulement s’il en est de même pour chaque ψi .
5.2. Groupes de Picard et anneaux factoriels. Soit A un anneau, P et Q
deux A-modules projectifs ; compte tenu du lemme 5.3(i), on voit aisément que le
A-module P ⊗A Q est projectif. Si de plus P et Q sont de type fini, évidemment
leur produit tensoriel l’est aussi, et grâce à l’exercice 4.5(iii) on a la relation :
rkP ⊗A Q (p) = rkP (p) · rkQ (p) ∀p ∈ Spec A.
On dit que P est un A-module inversible s’il est projectif et son rang est la fonction
constante sur Spec A de valeur 1 ; il s’ensuit donc que le produit de deux A-modules
inversibles est inversible. On écrit [P ] pour la classe d’isomorphisme d’un A-module
inversible P , et on dénote aussi par
Pic A
l’ensemble des classes d’isomorphisme des A-modules inversibles. Le produit tenso-
riel munit Pic A d’une loi d’addition bien définie :
[P ] + [Q] := [P ⊗A Q] ∀[P ], [Q] ∈ Pic A
et compte tenu de l’exercice 4.5(iv) on voit aussitôt que cette loi est commutative
et associative, et admet l’élément neutre [A].
Lemme 5.23. Avec la notation ci-dessus, (Pic A, +, [A]) est un groupe abélien,
qu’on appelle le groupe de Picard de A.
Démonstration. Soit P un A-module inversible ; il suffit de montrer que [P ]+[P ∨ ] =
[A], avec P ∨ := HomA (P, A). Mais l’exercice 5.13(i.a) nous donne un isomorphisme

naturel P ⊗A P ∨ → HomA (P, P ), et d’autre part on a l’application A-linéaire
ιP : A → HomA (P, P ) a 7→ a · IdP .
On est alors ramené à montrer que ιP est un isomorphisme, et au vu de la propo-
sition 4.43, il suffit de vérifier que (ιP )p : Ap → HomA (P, P )p est un isomorphisme
pour tout p ∈ Spec A. Mais comme P est de présentation finie (par le lemme 5.3(ii))
l’exercice 5.13(ii) nous donne aussi un isomorphisme naturel

ρP,p : HomA (P, P )p → HomAp (Pp , Pp )
190 ä Lion

et on voit aisément que ρP,p ◦ (ιP )p = ιPp : Ap → HomAp (Pp , Pp ). On peut donc
supposer que A soit un anneau local et P libre de rang un (théorème 4.61), et dans
ce cas l’assertion est évidente. 
Exemple 5.24. (i) Pour tout anneau local A, on a Pic A = 0 (théorème 4.61).
(ii) Pour A et P comme dans l’exemple 5.8, noter que Λ2A P = 0 (voir l’exercice
5.11(ii)) ; au vu du problème 4.69(iii), l’on déduit un isomorphisme de A-modules :
∼ ∼ ∼
A → Λ2A (A2 ) → Λ2A (P ⊕ P ) → P ⊗A P
qui nous donne un élément non trivial [P ] ∈ Pic A avec 2 · [P ] = 0.
Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux ; on a vu que si P est un A-module
projectif, B ⊗A P est un B-module projectif (exercice 5.6(ii)). De plus, pour tout
p ∈ Spec B il existe un unique homomorphisme d’anneaux locaux fp : Aq → Bp ,
avec q := (Spec f )(p) = f −1 p, qui fait commuter le diagramme :
f
A /B

 fp 
Aq / Bp

dont les flèches verticales sont les applications de localisation. Compte tenu de la
proposition 4.15, il s’ensuit une identification naturelle de Bp -modules :
∼ ∼
(B ⊗A P )p → Bp ⊗A P → Bp ⊗Aq Pq .
En particulier, si P est de type fini, on a :
rkB⊗A P = rkP ◦ (Spec f ).
Si P est un A-module inversible, B ⊗A P est alors un B-module inversible, et au
vu de la proposition 4.18, l’on obtient ainsi un homomorphisme de groupe abéliens
Pic(f ) : Pic A → Pic B [P ] 7→ [B ⊗A P ].
En dernier lieu, si g : B → C est un deuxième homomorphisme d’anneaux, on voit
aisément que Pic(g ◦ f ) = Pic(g) ◦ Pic(f ), i.e. le groupe de Picard est un foncteur
Pic : Z − Alg → Z − Mod
de la catégorie des anneaux dans la catégorie des groupes abéliens.
5.2.1. Idéaux fractionnaires. Si A est un anneau intègre, on peut donner une des-
cription alternative du groupe de Picard de A en terme de certains sous-modules
du corps des fractions K de A. A savoir, on dira qu’un A-sous-module I ⊂ K est un
idéal fractionnaire de A si I 6= 0 et il existe a ∈ A\{0} tel que aI ⊂ A. Si I et J sont
deux idéaux fractionnaires de A, on dénote par IJ ⊂ K le A-sous-module engendré
par {xy | x ∈ I, y ∈ J} ; noter que si aI, bJ ⊂ A, on a abIJ ⊂ A, donc IJ est un idéal
fractionnaire. Pour un A-sous-module I ⊂ K on pose I −1 := {x ∈ K | xI ⊂ A} ;
noter que si I est un idéal fractionnaire on a I −1 6= 0, et xI −1 ⊂ A pour tout x ∈ I,
et comme I ∩ A 6= 0, il s’ensuit que I −1 est lui aussi un idéal fractionnaire. On dira
que I est inversible si I −1 I = A.
Lemme 5.25. (i) Soit 0 6= I ⊂ K un A-sous-module. L’application
I −1 → HomA (I, A) x 7→ (a 7→ ax)
est un isomorphisme de A-modules.
(ii) Si de plus I est de type fini, alors I est un idéal fractionnaire de A, et on a
(Ip )−1 := {x ∈ K | xIp ⊂ Ap } = (I −1 )p ∀p ∈ Spec A.
(iii) Si I est un A-module cyclique, I est un idéal fractionnaire inversible.
§ 5.2: Groupes de Picard et anneaux factoriels 191

Démonstration. (i) : Soit φ : I → A une application A-linéaire ; on doit montrer


qu’il existe x ∈ I −1 tel que φ(a) = ax pour tout a ∈ I. En effet, pour tout a ∈ I \{0}
posons xa := φ(a) · a−1 ∈ K ; noter que xab = xa pour tout b ∈ A \ {0}. Soient
a1 , a2 ∈ I \ {0}, et pour i = 1, 2 choisissons bi , ci ∈ A \ {0} tels que ai = ci b−1 i ; il
s’ensuit que xa1 = xc1 = xc1 c2 = xc2 = xa2 , i.e. l’élément xa est indépendent de a,
d’où l’assertion.
(ii) : L’inclusion (I −1 )p ⊂ (Ip )−1 est immédiate, et elle est vérifiée pour tout
A-sous-module I de K. Pour l’inclusion réciproque, disons que I = Aa1 + · · · + Aan
pour un système fini a1 , . . . , an d’éléments de K, et soit x ∈ K tel que ai x ∈ Ap
pour i = 1, . . . , n ; donc il existe bi ∈ A, ci ∈ A \ p avec ai x = c−1
i bi , et si on pose
c := c1 · · · cn il vient xc ∈ I −1 , d’où x ∈ (I −1 )p , comme souhaité.
(iii) : Evidemment, si I = Aa, on a I −1 = Aa−1 , d’où l’assertion. 
Proposition 5.26. Soit A un anneau intègre et I un idéal fractionnaire de A. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) I est un idéal fractionnaire inversible.
(b) I est un A-module projectif.
(c) I est un A-module de type fini, et pour tout idéal premier p de A l’idéal
fractionnaire Ip = IAp de Ap est un Ap -module libre de rang 1.
Démonstration. Pn(a)⇒(b) : Si I est inversible, il existe a1 , . . . , an ∈ I et b1 , . . . , bn ∈
I −1 tels que i=1 ai bi = 1. Il s’ensuit que le système a• engendre Pn le A-module I,
car pour tout x ∈ I on a bi x ∈ I pour i = 1, . . . , n et x = i=1 ai · (bi x). On
considère les applications A-linéaires φ : An → I et ψ : I → An telles que
n
X
φ(y1 , . . . , yn ) := ai y i ψ(x) := (b1 x, . . . , bn x) ∀(y1 , . . . , yn ) ∈ An , ∀x ∈ I.
i=1

Evidemment φ ◦ ψ = IdI , donc I est un facteur direct de An , d’où (b).


(b)⇒(a) : Si I est un A-module projectif, il existe un A-module libre L et des
applications A-linéaires φ : L → I, ψ : I → L telles que φ◦ψ = IdI . Soit (eλ | λ ∈ Λ)
une basePde L ; par le lemme 5.25, pour chaque λ ∈ Λ on a xλ ∈ I −1 tel que
ψ(a) = λ∈Λ axλ eλ pour tout a ∈ I. Donc il existe une partie finie Λ′ ⊂ Λ telle
que Pxλ = 0 pour tout λ ∈ Λ \ Λ′ , et on pose P bλ := φ(eλ ) pour tout λ ∈ Λ′ ; il vient
a = λ∈Λ′ axλ bλ pour tout a ∈ I, d’où 1 = λ∈Λ′ xλ bλ , i.e. I −1 I = A.
(a)⇒(c) : On vient de voir que I est projective de type fini si (a) est vérifiée, donc
Ip est un Ap -module libre de rang fini (exercice 5.6 et théorème 4.61). Supposons
par l’absurde que rkAp Ip > 1, et soient e1 , e2 deux éléments distincts d’un base de
Ip ; pour i = 1, 2 on a ai , bi ∈ A\{0} tels que ei = ai b−1
i , d’où (b1 a2 )·e1 = (b2 a1 )·e2 .
Une telle relation linéaire entre éléments d’une base implique que b1 a2 = b2 a1 = 0 ;
mais A est intègre, contradiction.
(c)⇒(a) : Grâce au lemme 5.25(ii,iii) on a (I −1 I)p = (I −1 )p Ip = (Ip )−1 Ip = Ap
pour tout p ∈ Spec A. Par la proposition 4.43, il s’ensuit que l’inclusion I −1 I → A
est surjective, d’où (a). 
Pour tout anneau intègre A, on notera C(A) l’ensemble des idéaux fractionnaires
inversibles de A ; évidemment la multiplication d’idéaux fractionnaires est commu-
tative et associative, et admet l’élément neutre A. Ainsi, (C(A), · , A) est un groupe
abélien ; de plus, par le lemme 5.25(iii), l’application
(∗) K × → C(A) x 7→ Ax
est un homomorphisme de groupes, dont le noyau est le sous-groupe A× . D’autre
part, grâce à la proposition 5.26 on a aussi une application [−] : C(A) → Pic A bien
définie qui associe à tout idéal fractionnaire inversible I la classe [I]. Noter que
192 ä Lion

la loi de multiplication de K se restreint en une application A-linéaire surjective


µ : I ⊗A J → IJ entre A-modules inversibles ; il s’ensuit aisément que Ker µ est un
A-module projectif de rang constant 0, i.e. Ker µ = 0 et µ est un isomorphisme,
donc [−] est un homomorphisme de groupes, et évidemment son noyau est l’image de
l’homomorphisme (∗). Pour voir que [−] est surjectif, soit P un A-module inversible ;
alors PK := K ⊗A P est un K-espace vectoriel de dimension un, et le choix d’un

élément non nul t ∈ PK induit un isomorphisme ωt : K → PK : x 7→ xt de K-
espaces vectoriels. Comme P est plat, l’application de localisation P → PK est
injective, et ωt−1 (P ) ⊂ K est un idéal fractionnaire inversible avec [ωt−1 (P )] = [P ],
par la proposition 5.26. L’on a ainsi obtenu une suite exacte de groupes abéliens :
0 → A× → K × → C(A) → Pic A → 0.
5.2.2. Anneaux factoriels. On a déjà remarqué que le groupe de Picard d’un anneau
local est trivial ; on peut maintenant ajouter que le groupe de Picard d’un anneau
intègre A est trivial si et seulement si tout idéal inversible de A est cyclique. Dans
ce paragraphe on vérifiera cette dernière condition pour l’importante classe des
anneaux factoriels ; réciproquement, on verra plus tard que parfois l’annulation du
groupe de Picard entraîne la factorialité de A (théorème 11.33).
Définition 5.27. Soit A un anneau, a ∈ A un élément non nul.
(i) On dit que a est premier si l’idéal Aa est premier.
(ii) On dit que A est factoriel s’il est intègre et tout élément non nul et non
inversible de A s’écrit comme produit d’éléments premiers.
Remarque 5.28. (i) Soit A un anneau. Dans la suite, on utilisera la notation ·|·
pour la relation de divisiblité dans A : donc, a|b veut dire que a, b ∈ A et b ∈ Aa.
(ii) Si A est factoriel et a ∈ A \ {0}, la factorisation a = up1 · · · pt avec u ∈ A×
et p1 , . . . , pt éléments premiers est essentiellement unique : si a = vq1 · · · qs est une

autre factorisation, on a s = t et il existe une permutation σ : {1, . . . , t} → {1, . . . , t}
−1
telle que pi qσ(i) ∈ A pour i = 1, . . . , t. Pour la preuve, on raisonne par récurrence
×

sur t : on a t = 0 si et seulement si a ∈ A× , et dans ce cas il est clair que s = 0.


Supposons que t ≥ 1 et que l’unicité des facteurs soit déjà connue pour les produits
de t − 1 éléments premiers ; comme l’idéal Ap1 est premier, on a p|qi pour quelque
i ≤ s, et quitte à permuter les facteurs on peut supposer que i = 1. Il existe alors
u1 ∈ A tel que q1 = p1 u1 , d’où u1 ∈ A× et a′ := up2 · · · pt = u1 v · q2 · · · qs ; par
hypothèse de récurrence, on a l’unicité de la factorisation de a′ à permutation des
facteurs près, d’où de même pour a.
(iii) Soient a, b ∈ A \ {0} ; on dit qu’un élément d ∈ A est un plus grand commun
diviseur (abrégé pgcd) de a et b, si a, b ∈ dA et pour tout c ∈ A tel que a, b ∈ cA,
on a d ∈ cA. Symétriquement, on dit que e ∈ A est un plus petit commun multiple
(abrégé ppcm) de a et b si e ∈ Aa ∩ Ab et pour tout x ∈ Aa ∩ Ab on a x ∈ Ae ;
cela veut dire que Ae = Aa ∩ Ab. Noter que si A est intègre, le pgcd et le ppcm de
a et b, quand ils existent, sont déterminés à multiplication d’un élément inversible
près : en effet, si d et d′ sont deux pgcd de a et b, l’on a d′ |d et d|d′ , i.e. d = d′ u,
d′ = dv pour quelque u, v ∈ A, d’où d = duv, et donc uv = 1, car A est intègre ; on
raisonne de même pour le ppcm.
(iv) Si e est un ppcm de a et b, l’élément e−1 ab ∈ A est un pgcd de a et b : en
effet, il existe d ∈ A tel que ab = ed, et comme d’un côté a|e, il s’ensuit que d|b,
et de l’autre côté, b|e, donc d|a aussi. Or, si c divise a et b, disons a = cx, b = cy,
on voit que cxy est un multiple commun de a et b, donc e|cxy, et de ed = c · cxy
il vient que c|d, comme souhaité. (D’autre part, l’existence du pgcd n’entraîne pas
celle du ppcm : voir la remarque 5.96).
(v) Si A est factoriel, tout couple (a, b) d’éléments non nuls de A admet un pgcd
et un ppcm. En effet, grâce à (iv) il suffit montrer l’existence du ppcm ; soient donc
§ 5.2: Groupes de Picard et anneaux factoriels 193

a = upν11 · · · pkνk et b = vpµ1 1 · · · pµk k des factorisations avec u, v ∈ A× , νi , µi ∈ N


et pi premier pour tout i = 1, . . . , k, avec Api 6= Apj pour i 6= j. Au vu de (i),
Q max(νi ,µi )
on voit aisément que ki=1 pi est un ppcm de a et b ; l’on déduit aussi que
Qk min(νi ,µi )
i=1 pi est un pgcd de a et b : les détails sont laissés au lecteur.
Lemme 5.29. Soit A un anneau factoriel, p 6= 0 un idéal premier de A. On a :
(i) p est de hauteur 1 si et seulement s’il est un idéal principal.
(ii) Toute localisation de A est un anneau factoriel.
(iii) Si A est local et dim A = 1, tout idéal de A est une puissance de p.
Démonstration. (i) : Soit q ⊂ p un autre idéal premier non nul, a ∈ q un élément
non nul, et a = p1 · · · pt une factorisation de a comme produit d’éléments premiers.
On a pi ∈ q pour quelque i ≤ t, d’où 0 6= Api ⊂ q, et si p est de hauteur 1, il
s’ensuit que p = q = Api . De l’autre côté, si p = qA, la remarque 5.28(ii) implique
aisément que q −1 pi ∈ A× , d’où à nouveau p = q = Api , donc p est d’hauteur 1.
(ii) : Soit S ⊂ A une partie multiplicative, x ∈ S −1 A un élément non nul ;
écrivons x = s−1 a avec s ∈ S et a ∈ A \ {0}, et soit a = p1 · · · pt une factorisation
comme produit d’éléments premiers. Pour tout i = 1, . . . , t, si l’élément pi n’est pas
inversible dans S −1 A, il engendre l’idéal premier S −1 (pi A) de A, auquel cas il est
un élément premier de S −1 A. L’assertion s’ensuit aussitôt.
(iii) : Par (i), on a p = pA pour un élément premier p de A, et comme p est
l’unique idéal premier non nul de A, tout a ∈ A \ {0} s’écrit sous la forme a = pn u
avec n ∈ N et u ∈ A× . Si I ⊂ A est un idéal non nul, soit k := min(n ∈ N | pn ∈ I) ;
il s’ensuit aussitôt que I = pk . 
Remarque 5.30. On verra plus tard qu’un anneau vérifie les conditions du lemme
5.29(iii) si et seulement s’il est de valuation discrète : voir la définition 7.33.
Théorème 5.31. Si A est un anneau factoriel, on a Pic A = 0.
Démonstration. Soit I ⊂ K un idéal inversible de A, et x ∈ I −1 un élément non
nul ; il suffit de montrer que I est un A-module cyclique, et quitte à remplacer I
par xI, on peut supposer que I ⊂ A. Pour tout idéal premier p ⊂ A de hauteur 1,
il existe νp ∈ N tel que Ip = pνp Ap (lemme 5.29(iii)), et on remarque que la partie
F ⊂ Spec A des idéaux premiers de hauteur 1 tels que νp > 0 est finie : en effet, si
a ∈ I \ {0} admet la factorisation a = p1 · · · pt comme produit d’éléments premiers,
on a F ⊂ {p1 A, . . . , pt A}. Au vu du lemme 5.29(i), on est ramené à montrer :
Q
Affirmation 5.32. I = J := p∈F pνp .
Preuve : On doit vérifier que les inclusions I → I + J ← J sont surjectives, et par
la proposition 4.43, il suffit de montrer que lesQ idéaux Im et Jm de Am coïncident
pour tout m ∈ Max A. Mais évidemment Jm = p∈F ∩Spec Am pνp Am , donc on peut
remplacer A par Am , et compte tenu du lemme 5.29(ii), on peut supposer du début
que A soit local. Dans
Q ce cas, I est principal (proposition 5.26), et il admet alors une
factorisation I = p∈F pµp pour un système d’entiers (µp | p ∈ F ). On est alors
ramené à vérifier que µp = νp pour tout p ∈ F . Mais si p, q ∈ F sont distincts,
on a q * p car ces idéaux premiers ont la même hauteur ; d’où qµq Ap = Ap , et
finalement Ip = pµp Ap pour tout p ∈ F , d’où l’assertion. 
Exercice 5.33. (i) Montrer que√ tout anneau intègre et principal est factoriel.
(ii) Montrer que l’anneau Z[ −5] n’est pas factoriel.
Avec l’exercice 5.33(i) et l’exemple 1.1 on voit e.g. que Z est factoriel, et de
même pour K[X], si K est un corps arbitraire. Les éléments premiers de Z sont
évidemment les nombres entiers premiers usuels ; les premiers de K[X] sont les
194 ä Lion

polynômes irréductibles, i.e. les P ∈ K[X] avec d := degX P > 0, qui ne sont pas
produits de polynômes de degrés < d. Dans les deux cas, le point clé de la preuve
est l’existence d’une division euclidienne pour toute couple d’éléments non nuls ; le
problème suivant axiomatise les propriétés requises pour reproduire cet argument :
Problème 5.34. On dit que l’anneau A est euclidien s’il existe une application
| · | : A \ {0} → N
vérifiant la condition suivante :
— pour tout a, b ∈ A \ {0} il existe q, r ∈ A tels que a = bq + r et soit r = 0,
soit |r| < |a| (division euclidienne de a par b).
(i) Montrer que tout√anneau euclidien est principal (et donc, factoriel).
(ii) Montrer que Z[i n] est un anneau euclidien pour n = 1, 2.
(iii) La suite du problème est consacrée à une application arithmétique classique
de l’anneau Z[i] des entiers de Gauss. D’abord, soit p ∈ N un nombre premier avec
p ≡ 1 (mod 4). Montrer qu’il existe x ∈ Z tel que x2 ≡ −1 (mod p).
(iv) Déduire de (ii) et (iii) le Théorème de Fermat suivant : Soit p ∈ N un nombre
premier impair ; alors p est la somme de deux carrés p = a2 + b2 de nombres entiers
a, b ∈ N si et seulement si p ≡ 1 (mod 4).

Remarque 5.35. (i) L’analyse des éléments premiers de Z[i n] (pour n = 1, 2)
conduit aussi à des résultats√arithmétiques intéressants. D’abord, remarquons que
Z[i]× = {1, −1, i, −i}, et Z[i 2] ×
√ = {1, −1}. √
(ii) Ensuite, soit x := a + i nb un premier de Z[i n] ; évidemment le conjugué
complexe x̄ est aussi premier. Si a, b 6= 0, l’on a pgcd(x, x̄) √ = 1 grâce à (i), sauf si
n = 1 et x ∈ {1 + i, 1 − i}. Si a = 0 et n = 2, on a x = ±i 2 ; si a = 0 et n = 1, on
a x = ib avec b premier dans Z. Si b = 0, on a x = a avec a premier dans Z.
(iii) Avec la notation de (ii), si a, b 6= 0, l’entier xx̄ est premier (dans Z). En
effet, l’assertion est claire pour n = 1 et x ∈ {1 + i, 1 − i}. Dans les autres cas,
supposons par √ l’absurde que xx̄ = uv avec des entiers u, v > 1 ; donc, soit x|u, √soit
x|v dans Z[i n], et si x|u, on a aussi x̄|u, d’où xx̄|u, car pgcd(x, x̄) = 1 et Z[i n]
est factoriel (problème 5.34(ii)). Mais cela veut dire que xx̄ = u, contradiction.
(iv) On peut maintenant adapter la démonstration classique (due à Euclide) de
l’existence d’un nombre infini de nombres entiers premiers, afin de prouver l’asser-
tion suivante. Pour n = 1, 2, il existe un nombre infini de nombres entiers premiers
p de la forme p = a2 + nb2 , avec a, b ∈ Z. En effet, supposons par Q l’absurde que
la partie Pn ⊂ Z de ces premiers soit finie, posons N := 1 + n · p∈Pn p2 , et soit
√ √
x = c + i nd ∈ Z[i n] un facteur premier√de N . Si c, d 6= 0, on a x · x̄ ∈ Pn
par (iii), et xx̄ diviserait N N̄ = N 2 dans √Z[i n], donc aussi dans Z, contradiction.
Ensuite, si c = 0 et n = 2 l’on a x = ±i 2, d’où 2|N 2 , contradiction. Si c = 0 et
n = 1, on a x = id avec d premier dans Z. De même, si d = 0 on a x = c avec c
premier dans Z. En conclusion, x est en fait le produit Q d’un élément inversible et
d’un nombre entier premier. Mais si on pose M := p∈Pn p, on a la factorisation :
√ √ √
N = (1 + i nM ) · (1 − i nM ) dans Z[i n].
D’autre part, l’on voit aisément qu’un tel x ne divise aucun des facteurs, CQFD
Problème 5.36. (i) Soit A un anneau factoriel ; on dit qu’un polynôme P (X) :=
an X n + · · · + a1 X + a0 ∈ A[X] est primitif si le pgcd des coefficients a0 , . . . , an est
1. Prouver le lemme de Gauss : si P (X) et Q(X) sont primitifs, P · Q l’est aussi.
(ii) Déduire de (i) que A[X1 , . . . , Xn ] est un anneau factoriel pour tout n ∈ N.
5.3. Fibrés vectoriels et théorème de Swan. On veut maintenant reprendre
un sujet déjà évoqué dans nos discussions des fibres des modules et surtout des
propriétés des modules projectifs ; il rejoigne au même temps le thème des fonctions
§ 5.3: Fibrés vectoriels et théorème de Swan 195

continues sur les espaces topologiques, qui était le point de départ de notre cours.
On va en effet s’intéresser à la classe d’espaces introduits par la définition suivante :
Définition 5.37. (i) Soit T un espace topologique. Un fibré vectoriel (à fibres
réelles) sur T est la donnée de :
— un espace topologique E et une application continue f : E → T
— pour tout t ∈ T , une structure de R-espace vectoriel sur la fibre Et := f −1 (t)
vérifiant la condition suivante. Pour tout t ∈ T il existe un entier r ∈ N, un
voisinage ouvert U de t dans T et une trivialisation locale, i.e. un homéomorphisme

φU : f −1 U → Rr × U qui fait commuter le diagramme
φU
f −1 U❊ / Rr × U
❊❊ ✇
❊❊ ✇✇
f ❊❊" ✇✇✇p
{✇

U
où p est la projection, et Rr × U est muni de la topologie du produit (voir l’exemple
∼ ∼
3.2(iii)), et la restriction Eu → p−1 (u) = Rr ×{u} → Rr de φU est un isomorphisme
de R-espaces vectoriels pour tout u ∈ U .
(ii) Soient (E, f ) et (E ′ , f ′ ) deux fibrés vectoriels sur T . Un morphisme de fibrés
vectoriels g : (E, f ) → (E ′ , f ′ ) est une application continue g : E → E ′ telle que
f ′ ◦g = f et dont la restriction gt : Et → Et′ est une application R-linéaire pour tout
t ∈ T . En particulier, un sous-fibré vectoriel de (E, f ) est un sous-espace F ⊂ E
tel que la restriction (F, f|F : F → T ) est un fibré vectoriel (pour la topologie de F
induite par E) et l’inclusion F → E est un morphisme de fibrés vectoriels.
Remarque 5.38. (i) Pour tout fibré vectoriel E sur T , le rang de E est l’application
rkE : T → N t 7→ dimR Et .
Il est clair que rkE est localement constante, donc même constante, si T est connexe.
Aussi, pour tout morphisme g : E → E ′ de fibrés vectoriels sur T , le rang de g est
l’application :
rkg : T → N t 7→ dimR g(Et ).
Le rang de g n’est pas forcément localement constant : par exemple, prenons T := R
et soit g : R × R → R × R le morphisme de fibrés vectoriels tel que g(x, t) := (tx, t)
pour tout t, x ∈ R ; on a rkg (0) = 0 et rkg (t) = 1 pour tout t 6= 0.
(ii) Evidemment une composition de morphismes de fibrés vectoriels est en-
core un morphisme de fibrés vectoriels. Pour tout espace topologique T , les fibrés
vectoriels sur T et leurs morphismes forment ainsi une catégorie
T − FibVec.
Pour toute partie ouverte U ⊂ T et tout fibré vectoriel (E, f ), la partie ouverte
EU := f −1 U avec la restriction fU := f|EU : EU → U de f est évidemment un
fibré vectoriel sur U , et tout morphisme g : E → E ′ de fibrés vectoriels induit par
restriction un morphisme gU : EU → EU′ de fibrés vectoriels sur U , i.e. l’opération
de restriction définit un foncteur
T − FibVec → U − FibVec (E, f ) 7→ (EU , fU ).
(iii) Pour tout r ∈ N le produit d’espaces topologiques Rr × T avec sa projection
p : Rr × T → T est un fibré vectoriel sur T , qu’on appelle le fibré vectoriel trivial
de rang r. Noter que la donnée d’un morphisme g : Rr × T → Rs × T de fibrés
vectoriels triviaux est équivalente à celle d’une application continue ḡ : Rr ×T → Rs
induisant par restriction des applications R-linéaires
ḡ(−, t) : Rr → Rs v 7→ ḡ(v, t) ∀t ∈ T.
196 ä Lion

Donc, ḡ(−, t) est donnée par une matrice de taille s × r


At := (aij (t) | 1 ≤ i ≤ s, 1 ≤ j ≤ r)
et on voit aisément que la continuité de ḡ est équivalente à la continuité de chaque
fonction aij : T → R. Autrement dit, si l’on munit HomR (Rr , Rs ) de la topologie in-

duite par Rrs via l’identification naturelle HomR (Rr , Rs ) → Rrs , alors g correspond
aussi à la donnée d’une application continue
g̃ : T → HomR (Rr , Rs ) t 7→ At .
Si h : T × Rs → T × Ru est un autre morphisme de fibrés triviaux, et h̃ : T →
HomR (Rs , Ru ) l’application continue correspondante, évidemment la composition
k := h ◦ g : T × Rr → T × Ru correspond à l’application k̃ : T → HomR (Rr , Ru )
telle que k̃(t) = h̃(t) ◦ g̃(t) pour tout t ∈ T .
(iv) Noter aussi que pour tout couple de morphismes g, h : E → E ′ de fibrés
vectoriels et tout λ, µ ∈ C (T ), la combinaison linéaire λg + µh : E → E ′ est
un morphisme de fibrés vectoriels bien défini : il s’agit de l’application dont la
restriction Et → Et′ est λ(t) · gt + µ(t) · ht pour tout t ∈ T . Pour vérifier la continuité
de λg + µh, fixons t ∈ T et un voisinage U de t dans T tel que E et E ′ admettent
∼ ∼
des trivialisations φ : EU → Rr × U et φ′ : EU′ → Rs × U ; on a
φ′ ◦ (λg + µh)U ◦ φ−1 = λ(φ′ ◦ gU ◦ φ−1 ) + µ(φ′ ◦ hU ◦ φ−1 ) : Rr × U → Rs × U
et il suffit de montrer que la restriction (λg +µh)U est continue. On est donc ramené
au cas où E et E ′ sont des fibrés triviaux ; g et h correspondent alors, suivant (iii),
à des applications continues g̃, h̃ : T → HomR (Rr , Rs ) et λg + µh correspond à
l’application continue telle que t 7→ λ(t) · g̃(t) + µ(t) · h̃(t).
(v) Supposons que g : E → E ′ comme dans (iv) soit aussi une application

bijective ; en particulier gt : Et → Et′ est un isomorphisme de R-espaces vectoriels
pour tout t ∈ T . Fixons t ∈ T , et soit U un voisinage ouvert de t dans T avec des
trivialisations φ et φ′ pour EU et EU′ comme dans (iv). Donc EU et EU′ ont le même
rang constant r et γ := φ′ ◦ gU ◦ φ−1 : Rr × U → Rr × U est un morphisme de fibrés
triviaux tel que l’image de l’application correspondante γ̃ : U → HomR (Rr , Rr )
est contenue dans la partie ouverte GLr (R) des automorphismes R-linéaires de Rr .
Noter que l’application
τ : GLr (R) → GLr (R) A 7→ A−1
est continue pour la topologie de GLr (R) induite par l’inclusion dans HomR (Rr , Rr ),
donc τ ◦ γ̃ : U → GLr (R) est encore une application continue, correspondante à
un morphisme γ ′ : Rr × U → Rr × U de fibrés vectoriels triviaux. Evidemment
γ ◦ γ ′ = γ ′ ◦ γ = 1Rr ×U , i.e. γ est un isomorphisme et γ ′ est son inverse. Par
l’exercice 1.10 il s’ensuit aisément que g −1 : E ′ → E est continue, donc g est un
isomorphisme : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
5.3.1. Sections d’un fibré. Soit maintenant (E, f ) un fibré vectoriel sur l’espace
topologique T ; une section de E est un morphisme s : R × T → E de fibrés
vectoriels. Evidemment s est déterminée par sa restriction à {1} × T , et donc la
donnée d’une section équivaut à celle d’une application continue σ : T → E telle
que f ◦σ = 1T . La remarque 5.38(iv) munit l’ensemble Γ(E) des sections de E d’une
structure naturelle de C (T )-module ; de plus, si g : E → E ′ est un morphisme de
fibrés vectoriels sur T , l’on déduit une application
Γ(g) : Γ(E) → Γ(E ′ ) s 7→ g ◦ s
qui est évidemment C (T )-linéaire. On obtient ainsi un foncteur bien défini :
Γ : T − FibVec → C (T ) − Mod.
§ 5.3: Fibrés vectoriels et théorème de Swan 197

Pour toute inclusion U ′ ⊂ U de parties ouvertes de T , la restriction de sections


induit un homomorphisme de C (U )-modules
(∗) Γ(EU ) → Γ(EU ′ ) s 7→ sU ′
pour la structure de C (U )-module sur Γ(EU ′ ) obtenue par restriction de scalaires
suivant l’homomorphisme de restriction ρUU ′ : C (U ) → C (U ′ ). Il est clair que
l’association : U 7→ Γ(EU ) définit ainsi un faisceau Γ(E• ) de R-espaces vectoriels
sur T , dont les restrictions sont données par les applications (∗). Pour tout t ∈ T ,
soit Ut l’ensemble des voisinages ouverts de t dans T , filtré par l’ordre partiel
renversant l’inclusion ; la fibre en t du faisceau Γ(E• ) est alors le R-espace vectoriel
Γ(t, E) := lim
−→
Γ(EU ).
U∈Ut

Suivant le paragraphe 3.4.3, cette colimite est représentée par l’ensemble des germes
de sections, i.e. les classes d’équivalence [U, s] des couples (U, s) avec U ∈ Ut et
s ∈ Γ(EU ), et Γ(t, E) a une structure naturelle de OT,t -module : si [U, f ] est un
germe de fonction continue sur T et [U, s] ∈ Γ(t, E), on pose [U, f ] · [U, s] := [U, f · s]
et l’on voit aisément que l’on obtient ainsi une multiplication scalaire bien définie
OT,t × Γ(t, E) → Γ(t, E). On a aussi une application C (T )-linéaire naturelle
ωE,t : Γ(E) → Γ(t, E) s 7→ [T, s]
pour la structure de C (T )-module sur Γ(t, E) obtenue par restriction de scalaires
suivant l’analogue homomorphisme d’anneaux C (T ) → OT,t de l’exemple 3.13.
Exercice 5.39. (i) Avec la notation ci-dessus, supposons de plus que T soit complè-
tement régulier, et soit m ⊂ C (T ) l’idéal maximal des fonctions continues f : T → R

avec f (t) = 0. Par l’exercice 3.14, on a un isomorphisme unique C (T )m → OT,t
de C (T )-algèbres, d’où une structure naturelle de OT,t -module sur la localisation
Γ(E)m . Montrer que ωE,t se prolonge en un isomorphisme unique de OT,t -modules :

ω̃E,t : Γ(E)m → Γ(t, E).
(ii) Déduire de (i) que Γ(E)m est un C (T )m -module libre de rang rkE (t).
(iii) Dans la situation de (i), on définit comme suit les foncteurs
(−)t , Γ/mΓ : T − FibVec → R − Mod.
Le foncteur (−)t (resp. Γ/mΓ) associe à tout fibré vectoriel E sa fibre Et (resp. le
R-espace vectoriel Γ(E)/mΓ(E)) et à tout morphisme g : E → E ′ l’application gt :
Et → Et′ (resp. k(m) ⊗C (t) Γ(g)). Montrer que ces deux foncteurs sont isomorphes.
Lemme 5.40. Soit T un espace topologique, t ∈ T un point, et α : E → E ′ un
morphisme de fibrés vectoriels sur T . Alors :
(i) Si αt : Et → Et′ est une bijection, il existe un voisinage ouvert U de t dans
T tel que αU : EU → EU′ est un isomorphisme de fibrés vectoriels sur U .
S
(ii) Si rkα : T → N est localement constant, Ker α := u∈T Ker αu est un sous-
fibré vectoriel de E.
Démonstration. (i) : Quitte à remplacer T par un voisinage de t, on peut supposer
que E et E ′ sont des fibrés triviaux, forcément du même rang r. Dans ce cas, α
équivaut à la donnée d’une application continue α̃ : T → HomR (Rr , Rr ), et par
hypothèse α̃(t) appartient à la partie ouverte GLr (R). Donc, U := α̃−1 GLr (R) est
un voisinage ouvert de t dans T tel que αu : Eu → Eu′ est un isomorphisme pour
tout u ∈ U . L’assertion suit maintenant de la remarque 5.38(v).

(ii) : On se ramène aisément au cas où E = Rr × T et E ′ = Rr × T sont des

fibrés triviaux et le rang de α est constant, i.e. αu : Rr → Rr est une application
R-linéaire de rang s ≤ r′ pour tout u ∈ T . Soit e1 , . . . , er une base de Rr telle
198 ä Lion

que αt (e1 ), . . . , αt (es ) est une base de Im αt , notons par F ⊂ Rr le R-sous-espace


vectoriel de dimension s engendré par e1 , . . . , es , et choisissons un supplémentaire

F ′ ⊂ Rr de Im αt ; on considère le morphisme de fibrés vectoriels

γ : (F ⊕ F ′ ) × T → Rr × T (v, v ′ , u) 7→ (αu (v) + v ′ , u).

Par construction, γt : F ⊕ F ′ → Rr est un isomorphisme ; par (i), il existe alors

un voisinage U de t dans T tel que la restriction (F ⊕ F ′ ) × U → Rr × U de γ est
un isomorphisme de fibrés vectoriels sur U . Quitte à remplacer T par U , on peut
donc supposer que γ est un isomorphisme ; soit aussi π : (F ⊕ F ′ ) × T → F × T la
projection telle que (v, v ′ , u) 7→ (v, u), et on pose α′ := π ◦ γ −1 ◦ α : Rr × T → F × T .
Noter que Ker αu ⊂ Ker α′u pour tout u ∈ T , et d’autre part α′u (ei ) = ei pour
i = 1, . . . , s, donc αu et α′u ont le même rang, et ainsi Ker αu = Ker α′u pour
tout u ∈ T . Quitte à remplacer α par α′ , et r′ par s, on peut donc supposer que
αu soit une surjection pour tout u ∈ T et α se restreint en un isomorphisme de
∼ ′
fibrés vectoriels F × T → Rr × T . Pour tout i = r′ + 1, . . . , r on trouve alors
Pr ′
ai1 , . . . , air′ ∈ C (T ) tels que αu (ei ) = j=1 aij (u) · αu (ej ) pour tout u ∈ T .
Pr ′
Posons fi (u) := ei+r′ − j=1 aij (u) · ej pour tout u ∈ T et i = 1, . . . , r − r′ . Il
vient fi (u) ∈ Ker αu et évidemment f• (u) := (f1 (u), . . . , fr−r′ (u)) est une famille
libre de vecteurs du R-espace vectoriel Rr pour tout u ∈ T ; donc f• (u) est une

base de Ker αu pour tout u ∈ T . Soit β : Rr−r × T → Rr × T l’application
Pr−r′
continue telle que β(b1 , . . . , br−r′ , u) := ( j=1 bj · fj (u), u) pour tout u ∈ T et tout

(b1 , . . . , br−r′ ) ∈ Rr−r ; évidemment β est un morphisme de fibrés vectoriels dont
l’image est Ker α. Pour conclure, il ne reste qu’à vérifier que la topologie de Ker α

induite par l’inclusion dans Rr × T coïncide avec celle induite par Rr−r × T via

β. Pour cela, soit ι : Rr−r × T → Rr × T le morphisme de fibrés vectoriels tel que
(b1 , . . . , br−r′ , u) 7→ (b1 , . . . , br−r′ , 0, . . . , 0, u), et β ′ : Rr ×T → Rr ×T le morphisme
Pr−r′ Pr ′
de fibrés vectoriels tel que (c1 , . . . , cr , u) 7→ ( j=1 cj · fj (u) + j=1 cj+r′ ej , u) ;
évidemment β = β ′ ◦ ι et β ′ est une application bijective, donc un isomorphisme

(remarque 5.38(v)). D’autre part, on voit aussitôt que la topologie de Rr−r × T

(produit des topologies de Rr−r et T ) coïncide avec celle induite par Rr × T via
l’inclusion ι, d’où l’assertion. 

Le théorème suivant est le résultat principal de [27].


Théorème 5.41. (Swan) Soit T un espace topologique. Alors :
(i) Si T est complètement régulier, le foncteur Γ est plein et fidèle.
(ii) Si T est compact et séparé, Γ induit une équivalence de catégories :

T − FibVec → C (T ) − Modptf E 7→ Γ(E).
Démonstration. (i) : La fidelité de Γ suit aussitôt de l’exercice 5.39(iii). Ensuite,
soient (E, f : E → T ), (E ′ , f ′ : E ′ → T ) deux fibrés vectoriels et g : Γ(E) → Γ(E ′ )
une application C (T )-linéaire ; pour tout t ∈ T soit mt ⊂ C (T ) l’idéal maximal
des fonctions s’annulant en t ; encore en virtue de l’exercice 5.39(iii) l’on déduit
une application R-linéaire gt := k(mt ) ⊗C (T ) g : Et → Et′ , d’où une application
g• : E → E ′ telle que f ′ ◦ g• = f , et on doit vérifier que g• est continue. Pour
cela fixons t ∈ T , et soit aussi Γ(E)(t) := Γ(E)mt , Γ(E ′ )(t) := Γ(E ′ )mt et g(t) :=
C (T )mt ⊗C (T ) g : Γ(E)(t) → Γ(E ′ )(t) la localisation de g ; noter que Γ(E)(t) et
Γ(E ′ )(t) sont des C (T )mt -modules libres de rang r := rkE (t) et respectivement
r′ := rkE ′ (t), par l’exercice 5.39(ii). On peut alors trouver des sections σ1 , . . . , σr de
E (resp. τ1 , . . . , τr′ de E ′ ) dont les images σ̄1 , . . . , σ̄r dans Γ(E)(t) (resp. τ̄1 , . . . , τ̄r′
dans Γ(E ′ )(t) ) sont des bases, et une matrice (s−1 aij | i = 1, . . . , r, j = 1, . . . , r′ )
§ 5.3: Fibrés vectoriels et théorème de Swan 199

avec s ∈ C (T ) \ mt et aij ∈ C (T ) pour chaque i et j, telle que



r
X aij
g(t) (σ̄i ) = · τ̄j ∀i = 1, . . . , r.
j=1
s
Quitte à remplacer σ1 , . . . , σr par s·σ1 , . . . , s·σr , on peut même supposer que s = 1,
et on peut ensuite trouver s′ ∈ C (T ) \ mt tel que

r
X
′ ′
s · g(σi ) = s · aij τj ∀i = 1, . . . , r
j=1
Pr′
d’où gu (σi (u)) = g(σi )(u) = j=1 aij (u) · τj (u) pour tout u ∈ U := s′−1 (R \ {0})

(rappelons que l’identification Γ(E)/mu Γ(E) → Eu est induite par l’application
d’évaluation εu,E : voir la solution de l’exercice 5.39(iii)). On définit des morphismes

de fibrés vectoriels φ : Rr × T → E et φ′ : Rr × T → E ′ par :

r
X r
X

(∗) φ(b• , u) := bi · σi (u) φ (c• , u) := cj · τj (u)
i=1 j=1

pour tout (b• , u) ∈ Rr × T et tout (c• , u) ∈ Rr × T . Par construction, φt et φ′t sont
des isomorphismes de R-espaces vectoriels, donc on peut trouver un voisinage ouvert

V ⊂ U de t dans T tel que les restrictions φV : Rr × V → EV et φ′V : Rr × V → EV′
de φ et φ′ soient des isomorphismes de fibrés vectoriels (lemme 5.40(i)), et l’on
obtient un diagramme commutatif
ψ
Rr × V / Rr ′ × V
φV φ′V
 g•,V 
EV / E′
V
Pr Pr
où g•,V est la restriction de g• et ψ(b• , v) := ( i=1 bi ·ai1 (v), . . . , i=1 bi ·air′ (v), v)
pour tout (b• , v) ∈ Rr × V . Evidemment ψ est continue, et comme t est arbitraire,
cela achève de montrer que g• est continue (exercice 1.10). Par construction on a
Γ(g• )t = gt pour tout t ∈ T ; il s’ensuit aussitôt que Γ(g• ) = g, et cela à son tour
entraïne que Γ est un foncteur plein, comme souhaité.
(ii) : Soit E un fibré vectoriel sur T compact et séparé ; montrons d’abord :
Affirmation 5.42. Le C (T )-module Γ(E) est projectif de type fini.
Preuve : La localisation Γ(E)mt est plate pour tout t ∈ T (exercice 5.39(ii)) ; au
vu du théorème 1.15 de Gelfand-Naimark et de la proposition 4.56(i), il s’ensuit
que Γ(E) est un C (T )-module plat, et par le corollaire 5.4 il suffit de montrer
que Γ(E) est de présentation finie. Or, comme tout espace compact et séparé est
complètement régulier, on vient de voir que pour tout t ∈ T il existe un morphisme
de fibrés vectoriels φ(t) : Rr(t) ×T → E avec r(t) := rkE (t), et un voisinage ouvert Ut
(t)
de t tel que la restriction φUt : Rr(t) ×Ut → EUt est un isomorphisme. Par S compacité
de T , on trouve
P alors une partie finie S := {t 1 , . . . , t n } ⊂ T avec T = t∈S Ut ; on
pose r := t∈S r(t) et on considère le morphisme de fibrés vectoriels
n
X
φ : Rr × T = Rr(t1 ) × · · · × Rr(tn ) × T → E (v1 , . . . , vn , u) 7→ φ(ti ) (vi , u).
i=1
Evidemment φ est une application surjective, donc F := Ker φ est un sous-fibré

vectoriel (lemme 5.40(ii)). Soit g := Γ(φ) : C (T )r → Γ(Rr × T ) → Γ(E) ; par
l’exercice 5.39(ii,iii), la localisation g(t) := C (T )mt ⊗C (T ) g : C (T )rmt → Γ(E)mt
est une application C (T )mt -linéaire de C (T )mt -modules libres de rang fini, pour
200 ä Lion

tout t ∈ T , et l’application induite k(mt ) ⊗C (T ) g(t) : k(mt )r → Γ(E)mt /mt Γ(E)mt


s’identifie naturellement à la restriction φt : Rr → Et . Comme φt est surjective,
g(t) est surjective pour tout t ∈ T (problème 4.41(iii)), et compte tenu du théorème
de Gelfand-Naimark et de la proposition 4.43, on conclut que g est surjective. Cela
montre que Γ(E) est un C (T )-module de type fini. En particulier, Γ(F ) = Ker g
est un C (T )-sous-module de type fini de C (T )r , d’où l’assertion. ♦
En dernier lieu, soit P un C (T )-module projectif de type fini ; compte tenu de (i)
et de l’observation 5.42, il suffit d’exhiber un fibré vectoriel E avec un isomorphisme

Γ(E) → P de C (T )-modules. Or, par le lemme 5.3(ii) il existe un C (T )-module
projectif de type fini Q tel que L := P ⊕ Q est un C (T )-module libre de rang r ∈ N ;
soit g : L → L la composition de la projection L → Q et de l’inclusion Q → L, et

choisissons un isomorphisme ω : Γ(Rr × T ) → L de C (T )-modules. Par (i), il existe
un unique endomorphisme φ : Rr × T → Rr × T tel que ω ◦ Γ(φ) ◦ ω −1 = g, et par
l’exercice 5.39(iii) l’application R-linéaire k(mt )⊗C (T ) Γ(φ) s’identifie naturellement
à φt : Rr → Rr pour tout t ∈ T . D’un côté, noter que le rang de l’application
k(mt ) ⊗C (T ) g est égal à rkQ (mt ), et l’application rkQ est localement constante
sur Spec C (T ) (remarque 5.9(iv)) ; de l’autre côté, rappelons que l’identification

T → Max C (T ) est un homéomorphisme. Il s’ensuit que rkφ : T → N est une
application localement constante, et donc E := Ker φ est un sous-fibré vectoriel de
Rr × T (lemme 5.40(ii)). Il est clair que Γ(E) = Ker Γ(φ) ; mais l’isomorphisme ω
identifie P = Ker g avec Ker Γ(φ), et cela achève la preuve du théorème. 
L’article [27] propose plusieurs applications algébriques remarquables du théo-
rème 5.41. La stratégie générale est assez simple : on choisit un espace topologique
T compact et séparé tel que C (T ) contient des sous-anneaux intéressants ; puis, si
A ⊂ C (T ) est un tel sous-anneau, tout A-module projectif de type fini P induit un
C (T )-module projectif de type fini C (T ) ⊗A P , correspondant – via le théorème de
Swan – à un fibré vectoriel E sur T qui peut être étudié par les méthodes de la to-
pologie différentielle ou algébrique. Les renseignements ainsi obtenus se traduisent
ensuite par des propriétés du A-module P . Voici un exemple :
Exercice 5.43. Pour tout n ∈ N soit S n := {v ∈ Rn+1 | ||v|| = 1}, la sphère de
rayon 1 de l’espace vectoriel Rn+1 muni de sa norme euclidienne standard :
||(x1 , . . . , xn+1 )|| := (x21 + · · · + x2n+1 )1/2 .
Les projections π1 , . . . , πn+1 : Rn+1 → R sur les axes coordonnés sont autant
fonctions continues, dont les restrictions à S n vérifient la relation π12 +· · ·+πn+1
2
= 1;
donc, pour tout sous-anneau A0 ⊂ R on a un homomorphisme de A0 -algèbres
An := A0 [X1 , . . . , Xn+1 ]/(X12 + · · · + Xn+1
2
− 1) → C (S n ) Xi 7→ πi ∀i ≤ n + 1.
Evidemment S est compact et séparé pour la topologie induite par l’inclusion dans
n

Rn+1 . Soit maintenant e1 , . . . , en+1 la base canonique du An -module libre Ann+1 ,


et Qn ⊂ Ann+1 le An -sous-module engendré par X1 e1 + · · · + Xn+1 en+1 ; on pose :
Pn := Ann+1 /Qn .
Montrer que Pn est un An -module projectif de rang constant n.
On montre dans [27, §4] que le fibré vectoriel associé au C (S n )-module projectif
C (S n ) ⊗An Pn est isomorphe au fibré tangent T (S n ) de S n . On voit aisément que
T (S n ) est facteur direct d’un fibré vectoriel trivial de rang n + 1 ; d’autre part,
par un résultat profond de topologie différentielle, on sait que T (S n ) est un fibré
vectoriel trivial si et seulement si n ∈ {1, 3, 7}, et T (S n ) est même indécomposable
(dans la catégorie S n − FibVec) si n est pair. Il s’ensuit aussitôt que Pn n’est pas
un An -module libre si n ∈ / {1, 3, 7}, et il est même indécomposable si n est pair.
§ 5.3: Fibrés vectoriels et théorème de Swan 201

Par une vérification directe élémentaire, on montre aussi que Pn est libre pour
n ∈ {1, 3, 7}, et Pn ⊕ An est libre pour tout n ∈ N : voir [27] pour plus de détails.
Les exceptions ont une explication de nature algébrique : en effet, la sphère S 1
(resp. S 3 , resp. S 7 ) est difféomorphe à la variété des nombres complexes (resp.
des quaternions de Hamilton, resp. des octonions de Cayley) de norme 1, et ces
structures additionnelles sont responsables de la trivialité du fibré tangent dans
chacun de ces cas. Voici une autre application dans le même esprit :
Exercice 5.44. (i) Montrer que l’anneau An de l’exercice 5.43 est intègre pour
tout n ∈ N (pour n’importe quel choix du sous-anneau A0 ).
(ii) Utiliser l’exemple 5.8 pour montrer que A1 n’est pas factoriel (pour aucun
choix du sous-anneau A0 ).
Remarque 5.45. Par contre, on montrera plus tard que si A0 est factoriel, l’anneau
An est factoriel pour tout n ≥ 2 : voir l’exemple 11.35(i).
Soit T un espace topologique compact et séparé, et (E, f : E → T ) un fibré
vectoriel sur T . Le théorème de Gelfand-Naimark nous permet de reconstruire T à
partir de l’anneau C (T ) ; au vu du théorème de Swan, on peut s’attendre à ce qu’il
existe un procédé analogue pour reconstruire E, avec sa topologie et l’application
continue f associée, à partir du C (T )-module Γ(E). Pour cela, on pourrait essayer
d’associer d’abord à Γ(E) une C (T )-algèbre AE dont le spectre maximal devrait être
homéomorphe à E, et f correspondrait alors à l’application Max AE → Max C (T )
induite par l’homomorphisme structurel C (T ) → AE . De l’autre côté, les sections
de E devraient correspondre aux homomorphismes de C (T )-algèbres AE → C (T ).
Cette dernière condition suggère un candidat naturel pour AE : en effet, soit Γ(E)∨
le C (T )-module dual de Γ(E), et prenons
AE := Sym•C (T ) Γ(E)∨ .
Grâce au problème 4.68(i) et à l’exercice 5.13(iii) on a des identifications naturelles :
∼ ∼
HomC (T )−Alg (AE , C (T )) → HomC (T ) (Γ(E)∨ , C (T )) = Γ(E)∨∨ → Γ(E).
Toutefois, des simples exemples montrent que le spectre maximal de AE n’est
presque jamais homéomorphe à E : prenons e.g. le cas où T ne contient qu’un
seul point ; dans ce cas, un fibré vectoriel sur T est la donnée d’un R-espace vec-
toriel de dimension finie, et la R-algèbre AE est alors isomorphe à une algèbre de
polynômes R[X1 , . . . , Xd ]. Pour d = 1, on a déjà vu que Max R[X] s’identifie natu-
rellement au démi-plan supérieur complexe (exercice 1.28(iii)), et pour d arbitraire
l’on obtient une description analogue grâce au Nullstellensatz. En effet, l’espace
vectoriel E s’identifie à une partie du spectre maximal de AE , que l’on peut ex-
traire aisément : plus généralement, si A est une R-algèbre et m ∈ Max A, le corps
quotient k(m) hérite de A une structure naturelle de R-algèbre, et on notera
R.Max A
l’ensemble des m ∈ Max A tels que l’homomorphisme structurel R → k(m) est un
isomorphisme. Avec cette notation, on a une identification naturelle :

(∗) R.Max R[X1 , . . . , Xd ] → Rd .
A savoir, si m est un idéal maximal et κ(m) = R, les classes de X1 , . . . , Xd dans κ(m)
sont des nombres réels a1 , . . . , ad , et évidemment X1 − a1 , . . . , Xd − ad ∈ m ; mais
alors m est précisément l’idéal engendré par X1 − a1 , . . . , Xd − ad , et la bijection (∗)
associe à m la suite (a1 , . . . , ad ) ∈ Rd . Il reste à comparer la topologie de Rd avec
celle de R.Max R[X1 , . . . , Xd ] : on peut munir ce dernier de la topologie induite par
la topologie de Zariski de Max R[X1 , . . . , Xd ], mais on voit aisément que pour d > 0
cette topologie est strictement moins fine que celle induite par la topologie usuelle
202 ä Lion

de Rd via la bijection (∗). Heureusement, pour toute R-algèbre A, on peut aussi


munir R.Max A naturellement d’une autre topologie : à savoir, pour tout f ∈ A et
tout m ∈ R.Max A notons par f (m) ∈ k(m) = R la classe de f ; on pose
D+ (f ) := {m ∈ R.Max A | f (m) > 0}
et la topologie réelle de R.Max A sera celle engendrée par (D+ (f ) | f ∈ R). Noter que
D(f ) ∩ R.Max A = D+ (f ) ∪ D+ (−f ) pour tout f ∈ A, donc la topologie réelle est
plus fine que la topologie de Zariski. De plus, tout homomorphisme de R-algèbres
φ : A → B induit une application continue
R.Max φ : R.Max B → R.Max A m 7→ φ−1 m
(les détails sont laissés aux soins du lecteur). On a alors :
Problème 5.46. Soit T un espace topologique compact et séparé, et (E, f : E →
T ) un fibré vectoriel sur T . Noter que R.Max C (T ) = Max C (T ) par le théorème
de Gelfand-Naimark ; on définit la C (T )-algèbre AE comme ci-dessus, et on munit
R.Max AE de sa topologie réelle. Montrer que :
(i) La topologie de Zariski de Max C (T ) coïncide avec la topologie réelle.

(ii) On a un homéomorphisme naturel φE : E → R.Max AE qui fait commuter le
diagramme d’applications continues :
φE
E / R.Max AE
f R.Max h
 φT

T / Max C (T )

où φT est l’homéomorphisme fourni par le théorème de Gelfand-Naimark et


h : C (T ) → AE est l’homomorphisme structurel de AE .
Exercice 5.47. (i) Soit f : T ′ → T une application continue entre espaces topo-
logiques, p : E → T un fibré vectoriel sur T . On considère le produit fibré
f ∗ E := E ×T T ′ = {(e, t′ ) ∈ E × T ′ | p(e) = f (t′ )}
que l’on munira de la topologie induite par l’inclusion dans E × T ′ (ce dernier étant
muni de la topologie du produit). Le projections p′ : f ∗ E → T ′ et g : f ∗ E →
E sont alors des applications continues, et f ∗ E représente la limite du système
p f
partiellement ordonné d’espaces topologiques E − →T ← − T ′ (voir l’exemple 3.4 et
le problème 3.5(iii)). Montrer que (f ∗ E, p′ ) est un fibré vectoriel sur T ′ .
(ii) Soient de plus T et T ′ compacts et séparés, et notons C (f ) : C (T ) → C (T ′ )
l’homomorphisme de R-algèbres induit par f (cp. l’exercice 1.17). Par restriction
de scalaires suivant C (f ), le C (T ′ )-module Γ(f ∗ E) est naturellement un C (T )-
module. Pour toute section s : T → E du fibré E, le couple d’applications continues
(s◦f, IdT ′ ) correspond – par la propriété universelle du produit fibré – à une section
unique s′ : T ′ → f ∗ E du fibré f ∗ E, telle que g ◦ s′ = s ◦ f . L’on voit aisément
que l’application Γ(E) → Γ(f ∗ E) ainsi obtenue est C (T )-linéaire ; montrer que
l’application C (T ′ )-linéaire induite est un isomorphisme :

ω : C (T ′ ) ⊗C (T ) Γ(E) → Γ(f ∗ E).
Problème 5.48. Un espace topologique T est contractile, s’il existe t0 ∈ T et une
application continue h : T × [0, 1] → T telle que h(t, 0) = t et h(t, 1) = t0 pour
tout t ∈ T . Montrer que si T est contractile, compact et séparé, tout C (T )-module
projectif de type fini est libre.
§ 5.4: Homotopies et résolutions 203

5.4. Homotopies et résolutions. Pour motiver les définitions et constructions


de cette section, on va les présenter d’abord dans une situation simplifiée : on
fixe un corps K, et on considère un complexe (M• , d• ) de K-espaces vectoriels.
Comme d’habitude, on dénote par Zn et Bn respectivement les cycles et les bords
de M• en chaque degré n ∈ Z, et on pose Hn := Zn /Bn (voir le paragraphe
3.5.1). Evidemment, on peut trouver un supplémentaire Hn′ pour Bn dans le K-
espace vectoriel Zn , et la projection Zn → Hn se restreint en un isomorphisme

Hn′ → Hn . De même, on peut trouver une section K-linéaire σn : Bn+1 → Mn

pour la surjection dn : Mn → Bn+1 , d’où une identification Bn+1 → Im(σn ) et une
décomposition Mn = Zn ⊕ Im(σn ). En somme, ces choix de supplémentaire Hn′ et
de section σn induisent des décompositions :

Hn ⊕ B n → Z n
(∗) ∼
Zn ⊕ Bn+1 → Mn
et le différentiel dn : Mn → Mn+1 devient l’application K-linéaire
Hn ⊕ Bn ⊕ Bn+1 → Hn+1 ⊕ Bn+1 ⊕ Bn+2
donnée par la matrice en blocs :
 
0 0 0
 0 0 IdBn+1  .
0 0 0
On considère maintenant, pour tout n ∈ Z, l’application K-linéaire
sn+1 : Mn+1 = Hn+1 ⊕ Bn+1 ⊕ Bn+2 → Mn = Hn ⊕ Bn ⊕ Bn+1
dont la matrice en blocs est comme ci-dessus :
 
0 0 0
 0 0 0 .
0 IdBn+1 0
Evidemment :
(∗∗) dn ◦ sn+1 ◦ dn = dn ∀n ∈ Z
et dn−1 ◦ sn + sn+1 ◦ dn : Mn → Mn est donnée par la matrice en blocs :
 
0 0 0
 0 IdBn 0 .
0 0 IdBn+1
En particulier, pour tout n ∈ Z on a :
M• est exact en degré n ⇔ dn−1 ◦ sn + sn+1 ◦ dn = IdMn .
Réciproquement, la donnée d’un système (sn : Mn → Mn−1 | n ∈ N) d’applications
K-linéaires satisfaisant les identités (∗∗) détermine des décompositions (∗) en tout
degré n ∈ Z. En effet, à partir de (∗∗) on voit aisément que sn+1 se restreint
en une application injective Bn+1 → Mn , et dn se restreint en un isomorphisme

sn+1 (Bn+1 ) → Bn+1 , d’où une décomposition Mn = Zn ⊕ sn+1 (Bn+1 ) ; de plus, si
on pose tn := dn−1 ◦ sn et Hn′ := Zn ∩ Ker tn , on a
Im(tn ) = Bn et tn = tn ◦ tn
d’où Zn = Hn′ ⊕ Bn .
Si A est un anneau général, un complexe de A-modules n’admet pas toujours un
système d’applications A-linéaires (sn | n ∈ Z) satisfaisant les identités (∗∗). On est
donc amené à la définition suivante :
Définition 5.49. Soit A un anneau, (M• , d• ) un complexe de A-modules.
204 ä Lion

— On dit que M• est scindé, s’il existe un système d’applications A-linéaires


(sn : Mn → Mn−1 | n ∈ Z) qui satisfait les identités (∗∗) ci-dessus.
— Dans ce cas, on dit aussi que le système (sn | n ∈ Z) est un scindage de M• .
Exercice 5.50. (i) Montrer qu’un complexe L• exact et borné supérieurement, et
qui consiste de A-modules libres, est scindé.
(ii) Par contre, si L• n’est pas borné supérieurement, il n’est pas forcément
scindé, même s’il est exact et consiste de A-modules libres. Par exemple, montrer
que le complexe exact de Z/4Z-modules libres de rang un :
2 2 2
→ Z/4Z −
··· − → Z/4Z −
→ ···
n’est pas scindé.
(iii) D’autre part, montrer que pour A = Z, tout complexe exact de Z-modules
libres de rang fini est scindé (même s’il n’est pas borné supérieurement).
Soient maintenant (M• , d• ) et (M•′ , d′• ) deux complexes de A-modules (avec A
un anneau arbitraire) et

sn : Mn → Mn−1 ∀n ∈ Z
des applications A-linéaires quelconques. On pose
fn := d′n−1 ◦ sn + sn+1 ◦ dn : Mn → Mn′ ∀n ∈ Z
et on remarque que :
d′n ◦ fn = d′n ◦ (d′n sn + sn+1 dn ) = d′n sn+1 dn = (d′n sn+1 + sn+2 dn+1 ) ◦ dn = fn+1 ◦ dn
i.e. le système (fn | n ∈ Z) est un morphisme de complexes M• → M•′ .
Définition 5.51. (i) On dit qu’un morphisme de complexes
f• : (M• , d• ) → (M•′ , d′• )
est homotopiquement trivial, s’il existe un système d’applications A-linéaires

(sn : Mn → Mn−1 | n ∈ Z) tel que fn = d′n−1 ◦ sn + sn+1 ◦ dn ∀n ∈ Z.
(ii) On dit que deux morphismes de complexes f• , g• : (M• , d• ) → (M , d′• ) sont

homotopiquement équivalents si f• − g• est homotopiquement trivial. Dans ce cas,


tout système (sn : Mn → Mn−1

| n ∈ Z) d’applications A-linéaires tel que
fn − gn = d′n−1 ◦ sn + sn+1 ◦ dn ∀n ∈ Z
est appelé une homotopie de f• vers g• .
Remarque 5.52. (i) Un complexe M• est exact et scindé si et seulement si IdM• est
homotopiquement trivial : en effet, si M• est scindé et exact, on a déjà vu que IdM•
est homotopiquement trivial. Réciproquement, si IdM• est homotopiquement trivial,
il existe un système (sn : Mn → Mn−1 | n ∈ Z) tel que IdMn = dn−1 ◦ sn + sn−1 ◦ dn
pour tout n ∈ Z, d’où dn = dn ◦ sn−1 ◦ dn , donc M• est scindé ; l’exactitude de M•
se déduit de l’observation plus générale suivante :
(ii) Si f• : M• → M•′ est un morphisme de complexes homotopiquement trivial,
alors Hn (f• ) : Hn (M• ) → Hn (M•′ ) est l’application nulle. En effet, si x ∈ Zn (M• ),
on a fn (x) = d′n−1 ◦ sn (x), dont la classe est nulle dans Hn (M•′ ), d’où l’assertion.
(iii) Donc, si f• et g• sont deux morphismes de complexes M• → M•′ homoto-
piquement équivalents, on a Hn (f• ) = Hn (g• ) pour tout n ∈ Z.
(iv) La relation
f• ∼ g• ⇔ f• est homotopiquement équivalent à g•
est une relation d’équivalence sur l’ensemble des morphismes M• → M•′ . En effet,
évidemment f• ∼ f• pour tout tel morphisme f• ; ensuite, si f• ∼ g• , il existe une
homotopie s• de f• vers g• , et on voit que le système (−sn | n ∈ Z) est une homotopie
§ 5.4: Homotopies et résolutions 205

de g• vers f• . Dernièrement, si f• ∼ g• et g• ∼ h• , soit s• une homotopie de f• vers


g• , et t• une homotopie de g• vers h• ; il s’ensuit que le système (sn + tn | n ∈ Z)
est une homotopie de f• vers h• .
(v) Soit B un deuxième anneau, et F : A − Mod → B − Mod un foncteur
additif. Si s• est une homotopie du morphisme f• vers le morphisme g• , le système
F (s• ) := (F (si ) | i ∈ Z) est une homotopie de F (f• ) vers F (g• ). En particulier, si
f• et g• sont homotopiquement équivalents, F (f• ) et F (g• ) le sont aussi.
De même, si G : (A − Mod)op → B − Mod est un foncteur additif contravariant,
le système G(s• ) := (G(s1−i ) | i ∈ Z) est une homotopie de G(f• ) vers G(g• ) ; donc,
si f• et g• sont homotopiquement équivalents, G(f• ) et G(g• ) le sont aussi.
Définition 5.53. Soit M un A-module. Une résolution à gauche (P• , ε) de M est
la donnée d’un complexe (P• , d• ) de A-modules avec Pi = 0 pour tout i > 0, et
d’un homomorphisme de A-modules ε : P0 → M , tels que la suite :
ε
· · · → P−2 → P−1 → P0 −
→M →0
est un complexe exact, appelé le complexe augmenté de (P• , ε). On dit que (P• , ε)
est une résolution libre (resp. projective, resp. plate) si Pi est un module libre (resp.
projectif, resp. plat) pour tout i ≤ 0. Le différentiel ε est l’augmentation de P• .
Remarque 5.54. (i) Les résolutions à gauche (P• , d• , ε) sont concentrées aux degrés
négatifs. Quand on a à faire avec des résolutions à gauche, il est donc souvent
préférable d’utiliser l’indexation homologique, i.e. la convention qui consiste à placer
le degré en exposant plutôt que en souscrit, et à lui changer le signe :
P i := P−i di := d−i : P i → P i−1 ∀i ∈ Z.
Cette convention se prolonge aux morphismes de complexes, aux homotopies, aux
cycles et bords, de la façon évidente. Par exemple, si M est un A-module et j ∈ Z,
avec la notation de la remarque 2.61(ii) on obtient
M [j]•
qui est l’unique complexe tel que M [j]i = 0 pour i 6= −j et M [j]−j = M . De même,
le j-décalage homologique d’un complexe (M • , d• ) est le complexe
M • [j] avec M k [j] := M k+j ∀k ∈ Z
dont le différentiel en degré k est d k+j
:M k+j
→M en tout degré k ∈ Z.
k+j−1

(ii) On écrira parfois


ε
(P • , d• ) −
→M
pour indiquer un complexe P • concentré aux degrés homologiques ≥ 0, prolongé
en degré −1 via l’augmentation ε. Evidemment, un tel complexe prolongé est le
complexe augmenté d’une résolution à gauche de M si et seulement si P • est exact

aux degrés (homologiques) > 0, et ε induit un isomorphisme Coker d1 → M .
Exercice 5.55. (i) Montrer que tout A-module a une résolution libre à gauche.
(ii) Soit K un corps ; on pose A1 := K[X] et m := XA1 , l’idéal maximal qui
correspond à l’origine de la droite affine A1K . Montrer que le corps résiduel k(m)
admet une résolution libre à gauche de longueur 1 (i.e. une résolution qui est nulle
sauf en degrés homologique 1 et 0).
(iii) On pose A2 := K[X, Y ] et soit m′ := XA2 + Y A2 l’idéal maximal qui
correspond à l’origine du plan A2K . Montrer que le A2 -module k(m′ ) admet une
résolution libre à gauche de longueur 2 (i.e. une résolution qui est nulle sauf aux
degrés homologiques 2, 1, 0).
(iv) On pose A3 := K[X, Y, Z] et soit m′′ := XA3 + Y A3 + ZA3 , l’idéal maximal
qui correspond à l’origine de A3K . Montrer que le A3 -module k(m′′ ) admet une
résolution libre à gauche de longueur 3.
206 ä Lion

Théorème 5.56. Soit A un anneau et


— f : M → M ′ un homomorphisme de A-modules.
ε
→ M un complexe de A-modules avec P i projectif pour tout i ∈ N.
— (P • , d• ) −
ε′
— (Q• , d′• ) −→ M ′ une résolution à gauche de M ′ .
Alors il existe un morphisme de complexes f • : P • → Q• :

/ P2 d2 / P1 d1 / P0 ε / P −1 := M /0
···
f2 f1 f0 f −1
   
/ Q2 d′2 / Q1 d′1 / Q0 ε′ / Q−1
··· := M ′ /0

avec f −1 = f . De plus, f • est unique à équivalence homotopique près.


Démonstration. On construit les f i inductivement, de la façon suivante. On pose
f i := 0 pour tout i < −1, et f −1 := f . Ensuite, soit i ≥ 0, et on suppose que les
f j : P j → Qj ont déjà été exhibés pour tout j < i, de telle façon que f j−1 ◦ dj =
d′j ◦ f j pour tout j < i. On pose g i := f i−1 ◦ di : P i → Qi−1 , et on remarque que
d′i−1 ◦ g i = d′i−1 ◦ f i−1 ◦ di = f i−2 ◦ di−1 ◦ di = 0
donc Im g i ⊂ Z i−1 (Q• ) = B ′i−1 := B i−1 (Q• ), car Q• → M ′ est exact. Il s’ensuit
que g i se relève en un homomorphisme f i : P i → Qi , car P i est projectif et
d′i : Qi → B ′i−1 est surjectif :
di
P✤ i ❊ / P i−1

✤ ❊❊❊gi
fi ✤ ❊❊ f i−1
 ❊" 
′i
d
Qi / B ′i−1  / Qi−1 .


Il reste à montrer l’unicité de f • à équivalence homotopique près. Donc, soit g • un


autre morphisme de complexes, tel que g −1 = f , et on pose h• := f • − g • ; on a
h−1 = 0, et on est ramené à montrer que h• est homotopiquement trivial. Pour
cela, on construit inductivement une homotopie s• de h• vers le morphisme zéro.
On pose si = 0 pour tout i ≤ −1. La condition hi = 0 pour tout i ≤ −1 implique
aisément que l’on a déjà hi = d′i+1 ◦ si + si−1 ◦ di pour tout i ≤ −1. Or, soit i ≥ 0,
et on suppose que les applications sj : P j → Qj+1 ont déjà été exhibées pour tout
j < i, de telle façon que
hj = d′j+1 ◦ sj + sj−1 ◦ dj ∀j < i.
On pose ui := hi − si−1 ◦ di : P i → Qi , et on remarque que
d′i ◦ ui = d′i ◦ (hi − si−1 ◦ di )
= hi−1 ◦ di − d′i ◦ si−1 ◦ di
= hi−1 ◦ di − (hi−1 − si−2 ◦ di−1 ) ◦ di
= hi−1 ◦ di − hi−1 ◦ di
= 0.
Il s’ensuit que Im ui ⊂ Z i (Q• ) = B ′i := B i (Q• ) et donc ui se relève en un homo-
morphisme si : P i → Qi+1 , car P i est projectif et d′i+1 : Qi+1 → B ′i est surjectif.
D’où, d′i+1 ◦ si = ui = hi − si−1 ◦ di , comme souhaité. 

Remarque 5.57. Les résolutions à droite (I• , ε) d’un A-module M interviennent


aussi naturellement dans des nombreuses questions d’algèbre homologique et com-
mutative : il s’agit évidemment des complexes (I• , d• ) munis d’une application
§ 5.4: Homotopies et résolutions 207

A-linéaire ε : M → I0 avec d0 ◦ ε = 0, et telle que le complexe augmenté


ε
0 1 d d
→ I0 −→
0 → M = I−1 − I1 −→ I2 → · · ·
soit exact en tout degré et nuls en degré < −1. La théorie de ces résolutions est
essentiellement “duale” à celle des résolutions à gauche ; en particulier, on a un
enoncé “à droite” correspondant au théorème 5.56 : pour cela, rappelons que la
propriété catégorielle qui caractérise les modules projectifs est la duale de celle qui
caractérise les modules injectifs. On a alors :
ε
Problème 5.58. (i) Dans la situation ci-dessus, soit M −
→ (J• , d• ) une résolution à

ε
droite, f : M → M ′ une application A-linéaire, et M ′ −→ (I• , d′• ) un complexe (i.e.
M ′ est placé en degré −1 et avec différentiel d′−1 = ε′ : M ′ → I0 ) avec Ij injectif
pour tout j ∈ N. Montrer qu’il existe un morphisme de complexes f• : J• → I•
unique à équivalence homotopique près, tel que f−1 = f , i.e. f0 ◦ ε = ε′ ◦ f .
(ii) Montrer que tout A-module M admet une résolution M → (I• , d• ) injective
à droite (i.e. telle que In est un A-module injectif pour tout n ∈ N).
ε
(iii) Montrer plus précisément qu’il existe une résolution M − → (J• , d• ) injective
à droite minimale, i.e. vérifiant la condition suivante. Pour tout n ∈ N, l’homomor-
phisme Coker dn−2 → Jn induit par le différentiel dn−1 est une enveloppe injective
de Coker dn−2 (voir la définition 5.19(ii)).
ε
(iv) Montrer que la résolution minimale M − → (J• , d• ) est unique à isomorphisme
ε′
près, i.e. si M −→ (J•′ , d′• ) est une autre résolution injective à droite minimale, tout
morphisme de complexes f• : J → J•′ tel que f0 ◦ ε = ε′ est un isomorphisme.
ε′
(v) Montrer que pour toute résolution injective à droite M −→ (I• , d• ) il existe
ε
une résolution injective à droite minimale M − → (J• , d• ) et un complexe exact
(I• , d• ) de A-modules injectifs avec In = 0 pour tout degré n < 0, tels que
′ ′ ′

I• = J • ⊕ I•′ et ε′ (x) = (ε(x), 0) ∀x ∈ M.


Problème 5.59. (Complexes de Amitsur) Soit f : A → B un homomorphisme
d’anneaux. On associe à f la suite d’applications A-linéaires :
0f 1d 2 d d
A m(f )• : → B −→
0→A− B ⊗A B −→ B ⊗A B ⊗A B −→ ···
Pr+1
telle que dr := i=0 (−1)
i
· ∂ir pour tout r ∈ N, avec :
∂ir (b0 ⊗ · · · ⊗ br ) := b0 ⊗ · · · ⊗ bi−1 ⊗ 1 ⊗ bi ⊗ · · · ⊗ br ∀i = 0, . . . , r + 1.
(i) Montrer que A m(f )• est un complexe de A-modules, qu’on appelle le complexe
de Amitsur associé à f .
(ii) Montrer que A m(f )• est homotopiquement trivial si f admet une section, i.e.
un homomorphisme d’anneaux g : B → A tel que g ◦ f = IdA .
(iii) Soit f fidèlement plat (voir le problème 4.63) ; déduire de (ii) que pour tout
A-module M le complexe A m(f )• ⊗A M est une résolution à droite de M .
5.4.1. Descente fidèlement plate. Les propriétés du complexe de Amitsur mises en
évidence par le problème 5.59 jouent un rôle important dans la théorie de la des-
cente. On va conclure avec une revue des premiers éléments de cette théorie.
A tout homomorphisme d’anneaux g : R → S on associe le foncteur
g ∗ : R − Mod → S − Mod M 7→ S ⊗R M.
Remarquons que les applications – dont la somme alternée définit le différentiel
∂ir
dr de A m(f )• – sont en fait des homomorphismes de A-algèbres ; si N est un
B-module arbitraire, on peut ainsi considérer les produits tensoriels
∂00∗ (N ) = (B ⊗A B)[∂00 ] ⊗B N et ∂10∗ (N ) = (B ⊗A B)[∂10 ] ⊗B N.
208 ä Lion

Remarque 5.60. Les A-modules sous-jacents à ∂i0∗ (N ) pour i = 0, 1 sont isomorphes


au même module B[f ] ⊗A N[f ] , mais leurs structures de B ⊗A B-module (induites par
celle de B ⊗A B) sont en général distinctes. On peut éclaircir cette différence à l’aide
de la description alternative suivante : rappelons que, d’après la remarque 4.23(ii),
les produits tensoriels B ⊗A N et N ⊗A B sont munis de structures naturelles de
B ⊗A B-modules ; on a alors des isomorphismes B ⊗A B-linéaires :

∂00∗ N → B ⊗A N (1 ⊗ 1)[∂00 ] ⊗ n 7→ 1[f ] ⊗ n

∂10∗ N → N ⊗A B (1 ⊗ 1)[∂10 ] ⊗ n 7→ n ⊗ 1[f ] .

En effet, on a d’un côté l’isomorphisme B-linéaire ∂10∗ (N ) → N ⊗B (B ⊗A B)[∂10 ]
qui échange les facteurs (exercice 4.5(iv)) ; de l’autre côté, la structure de B-module
sur (B ⊗A B)[∂10 ] est héritée de celle du facteur B à gauche, d’où un isomorphisme
∼ ∼
B-linéaire N ⊗B (B⊗A B)[∂10 ] → (N ⊗B B)⊗A B → N ⊗A B (proposition 4.15). L’iso-

morphisme ∂10∗ N → N ⊗A B qui en découle est donné par : (b ⊗ b′ ) ⊗ n 7→ bn ⊗ b′ ;
il est donc B ⊗A B-linéaire. Ensuite, l’automorphisme de B ⊗A B qui échange les

facteurs est un isomorphisme B-linéaire (B ⊗A B)[∂00 ] → (B ⊗A B)[∂10 ] , et on a donc

aussi un isomorphisme B-linéaire ∂00∗ (N ) → N ⊗A B que l’on peut composer avec

l’isomorphisme A-linéaire N ⊗A B → B ⊗A N qui échange les facteurs ; l’isomor-

phisme ∂00∗ (N ) → B ⊗A N qui en découle est donné par : (b ⊗ b′ ) ⊗ n 7→ b ⊗ b′ n et
il est donc B ⊗A B-linéaire.
Exemple 5.61. Prenons A := K un corps, B := K[X], et f : K → K[X] l’homo-
morphisme structurel de K[X] ; soit aussi P (X) ∈ K[X] et on considère le K[X]-

module N := K[X]/P (X) · K[X]. On a l’isomorphisme K[X] ⊗K K[X] → K[X, Y ]
tel que X ⊗ 1 7→ X et 1 ⊗ X 7→ Y , d’où des identifications naturelles
∼ K[X, Y ] ∼ K[X, Y ]
∂00∗ (N ) → ∂10∗ (N ) →
P (Y ) · K[X, Y ] P (X) · K[X, Y ]
et l’on voit aisément que ces K[X, Y ]-modules ne sont isomorphes que si P ∈ K.
Toutefois, pour tout A-module M on a un isomorphisme B ⊗A B-linéaire naturel

φM : ∂00∗ (f ∗ M ) → ∂10∗ (f ∗ M ).
Pour cela, il suffit de noter l’identité ∂00 ◦ f = ∂10 ◦ f , et invoquer la remarque
4.13(iv), qui nous fournit des isomorphismes de foncteurs
ψ0 ψ1
∂00∗ ◦ f ∗ −−→ (∂00 ◦ f )∗ = (∂10 ◦ f )∗ ←−− ∂10∗ ◦ f ∗ .

Explicitement, pour i = 0, 1 l’isomorphisme ψi,M : ∂00∗ (f ∗ M ) → (∂00 ◦ f )∗ (M ) est
l’unique application B ⊗A B-linéaire telle que :
(1 ⊗ 1)[∂i0 ] ⊗ (1[f ] ⊗ m) 7→ (1 ⊗ 1)[∂i0 ◦f ] ⊗ m ∀m ∈ M.
−1
Donc, φM := ψ1,M ◦ ψ0,M est l’unique application B ⊗A B-linéaire telle que :
(1 ⊗ 1)[∂00 ] ⊗ (1[f ] ⊗ m) 7→ (1 ⊗ 1)[∂10 ] ⊗ (1[f ] ⊗ m) ∀m ∈ M.
De même, pour tout i = 0, 1, 2 et j = 0, 1 et tout B-module N on a un isomorphisme

B ⊗A B ⊗A B-linéaire naturel ψi,j,N : ∂i1∗ (∂j0∗ N ) → (∂i1 ◦ ∂j0 )∗ N tel que :
(1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂i1 ] ⊗ (1 ⊗ 1)[∂j0 ] ⊗ n 7→ (1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂i1 ◦∂j0 ] ⊗ n.

Si β : ∂00∗ N → ∂10∗ N est une application B⊗A B-linéaire, l’on a ainsi une application
B ⊗A B ⊗A B-linéaire unique ∂i1† (β) : (∂i1 ◦ ∂00 )∗ N → (∂i1 ◦ ∂10 )∗ N qui fait commuter
§ 5.4: Homotopies et résolutions 209

le diagramme :
∂i1∗ (β)
∂i1∗ (∂00∗ N ) / ∂ 1∗ (∂ 0∗ N )
i 1

ψi,0,N ψi,1,N
 ∂i1† (β) 
(∂i1 ◦ ∂00 )∗ N / (∂ 1 ◦ ∂10 )∗ N.
i
Compte tenu des identités :
∂01 ◦ ∂00 = ∂11 ◦ ∂00 ∂11 ◦ ∂10 = ∂21 ◦ ∂10 ∂01 ◦ ∂10 = ∂21 ◦ ∂00
l’on déduit un diagramme d’applications B ⊗A B ⊗A B-linéaires :
(∂11 ◦ ∂10 )∗ N (∂21 ◦ ∂10 )∗ N
∂11† (β) ♦♦7 gPPP ∂ 1† (β)
♦ ♦♦♦♦ PP2P
PPP
♦♦
(†) (∂11 ◦ ∂00 )∗ N
PPP (∂21 ◦ ∂00 )∗ N
PPPP ♥♥

PP ♥♥♥♥♥
∂01† (β)

(∂01 ◦ ∂00 )∗ N / (∂ 1 ◦ ∂ 0 )∗ N.
0 1

Noter qu’avec β = φM et i = 0, 1, 2 l’on obtient les applications ∂i1† (φM ) telles que :
(1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂i1 ◦∂00 ] ⊗ (1[f ] ⊗ m) 7→ (1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂i1 ◦∂10 ] ⊗ (1[f ] ⊗ m) ∀m ∈ M.
En particulier, le diagramme (†) commute avec β = φM . Ces considérations mo-
tivent la définition suivante :
Définition 5.62. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux.
(i) Une donnée de descente pour B-modules (resp. pour B-algèbres) relative à
f est un couple (N, β) constitué d’un B-module (resp. une B-algèbre) N et d’un

isomorphisme β : ∂00∗ N → ∂10∗ N de B ⊗A B-modules (resp. de B ⊗A B-algèbres)
tel que le diagramme (†) commute.
(ii) Soient (N, β) et (N ′ , β ′ ) deux données de descente relatives à f comme dans
(i). Un morphisme de données de descente ν : (N, β) → (N ′ , β ′ ) est un homomor-
phisme de B-modules (resp. de B-algèbres) ν : N → N ′ tel que
β ′ ◦ ∂00∗ (ν) = ∂10∗ (ν) ◦ β.
Evidemment, les données de descente pour B-modules et pour B-algèbres rela-
tives à f et leurs morphismes forment des catégories
Desc(f, B − Mod) Desc(f, B − Alg)
avec les lois de composition des morphismes évidentes. De plus, la discussion ci-
dessus montre que l’on a des foncteurs naturels :
∆f : A − Mod → Desc(f, B − Mod) ∆′f : A − Alg → Desc(f, B − Alg)
associant à tout A-module M la donnée (f ∗ M, φM ) et à toute A-algèbre C le couple
(f ∗ C, φC ) qui est une donnée de descente pour B-algèbres, par simple inspection.
Remarque 5.63. (i) Sous les identifications naturelles de la remarque 5.60, l’appli-
cation β se traduit par un isomorphisme B ⊗A B-linéaire

β ′ : B ⊗A N → N ⊗A B.
(ii) De plus, en raisonnant comme dans la remarque 5.60, l’on trouve aisément
des isomorphismes B ⊗A B ⊗A B-linéaires naturels :

(∂01 ◦ ∂00 )∗ N → B ⊗A B ⊗A N (1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂01 ◦∂00 ] ⊗ n 7→ 1[f ] ⊗ 1[f ] ⊗ n

(∂01 ◦ ∂10 )∗ N → B ⊗A N ⊗A B (1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂01 ◦∂10 ] ⊗ n 7→ 1[f ] ⊗ n ⊗ 1[f ]
1 0 ∗ ∼
(∂1 ◦ ∂1 ) N → N ⊗A B ⊗A B (1 ⊗ 1 ⊗ 1)[∂11 ◦∂10 ] ⊗ n 7→ n ⊗ 1[f ] ⊗ 1[f ]
210 ä Lion

qui identifient ∂01† (β) et ∂21† (β) respectivement aux isomorphismes :



β0′′ := B ⊗A β ′ : B ⊗A B ⊗A N → B ⊗A N ⊗A B

β2′′ := β ′ ⊗A B : B ⊗A N ⊗A B → N ⊗A B ⊗A B

et ∂11† (β) avec l’isomorphisme B ⊗A B ⊗A B-linéaire :



β1′′ : B ⊗A B ⊗A N → N ⊗A B ⊗A B 1[f ] ⊗ 1[f ] ⊗ n 7→ β ′ (1[f ] ⊗ n) ⊗ 1[f ]
de telle façon que (†) s’identifie au diagramme :

0 β ′′
B ⊗A B ⊗A◗ N / B ⊗A N ⊗A B
◗◗◗ ♠♠
(††) ◗◗◗
◗ ♠♠♠♠♠
β1′′ ◗◗( v♠♠♠ β2′′
N ⊗A B ⊗A B.

(iii) Donc, Desc(f, B − Mod) est équivalente à la catégorie des couples (N, β ′ )
constitués d’un B-module N et un isomorphisme B ⊗A B-linéaire β ′ comme en (i),
tel que le diagramme (††) commute (et analoguement pour Desc(f, B − Alg)).
Avec ces notations, on est prêt pour énoncer le problème suivant, qui contient le
résultat fondamental de la théorie de la descente fidèlement plate :
Problème 5.64. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux fidèlement plat.
Montrer que les foncteurs ∆f et ∆′f sont des équivalences.

Exemple 5.65. (i) Soit K un corps, j : K → E une extension galoisienne finie, et


G := Gal(E/K). Les objets de la catégorie Desc(j, E − Mod) sont les couples (V, β)

où V est un E-espace vectoriel et β : ∂00∗ V → ∂10∗ V un isomorphisme E ⊗K E-
linéaire. Pour tout σ ∈ G soit πσ : E ⊗K E → E définie comme dans l’exemple

4.26 ; on a vu que l’application E ⊗K E → E |G| : x 7→ (πσ (x) | σ ∈ G) est un
isomorphisme de E-algèbres, et par simple inspection on trouve :
πσ ◦ ∂00 = σ πσ ◦ ∂10 = IdE ∀σ ∈ G.

Il s’ensuit que les isomorphismes canoniques πσ∗ ◦ ∂i0∗ (V ) → (πσ ◦ ∂i0 )∗ (V ) (i = 0, 1)
induisent des décompositions :

M ∼
M
∂00∗ (V ) → σ ∗ V[πσ ] ∂10∗ (V ) → V[πσ ]
σ∈G σ∈G

qui identifient naturellement πσ∗ (β) avec un isomorphisme E-linéaire βσ : σ ∗ V → V
pour tout σ ∈ G, et la donnée de β est équivalente à celle du système (βσ | σ ∈ G).

Noter la bijection ensembliste V → σ ∗ V : v 7→ 1[σ] ⊗ v qui nous permet d’identifier
σ V avec l’ensemble V , muni d’une nouvelle multiplication scalaire E × V → V :

(a, v) 7→ a ⋆ v ; explicitement, l’on a a · (1[f ] ⊗ v) = a[σ] ⊗ v = 1[f ] ⊗ σ −1 (a) · v dans


σ ∗ V , d’où a ⋆ v = σ −1 (a) · v pour tout a ∈ E et v ∈ V .
Les applications E-linéaires universelles ji,V : V → ∂i0∗ V (voir la solution du
problème 5.64) sont déterminées, en terme de ces décompositions, par les identités :
(∗) j0,V (v) = (1[σ] ⊗ v | σ ∈ G) j1,V (v) = (v, v, . . . , v) ∀v ∈ V.
Soit aussi πσ,τ := πτ ◦ (E ⊗K πσ ) : E ⊗K E ⊗K E → E pour tout σ, τ ∈ G ; on déduit

un isomorphisme de E-algèbres E ⊗K E ⊗K E → E |G×G| : x 7→ (πσ,τ (x) | σ, τ ∈ G),
et par inspection directe on obtient :
πσ,τ ◦ ∂01 = τ ◦ πσ πσ,τ ◦ ∂11 = πτ ◦σ πσ,τ ◦ ∂21 = πτ ∀σ, τ ∈ G
§ 5.4: Homotopies et résolutions 211

d’où des identification naturelles :


∗ ∼
πσ,τ ◦ ∂01∗ (β) = τ ∗ βσ : (τ ◦ σ)∗ V → τ ∗ V
∗ ∼
πσ,τ ◦ ∂11∗ (β) = βτ ◦σ : (τ ◦ σ)∗ V → V
∗ ∼
πσ,τ ◦ ∂21∗ (β) = βτ : τ ∗ V → V
et la commutativité du diagramme (†) ci-dessus revient au système d’identités :
βτ ◦ τ ∗ (βσ ) = βτ ◦σ ∀σ, τ ∈ G
qu’on appelle la condition du cocycle pour β. En somme, une donnée de descente
pour E-espaces vectoriels relative à j équivaut à la donnée d’un E-espace vectoriel

V et d’un système d’isomorphismes de E-espaces vectoriels (βσ : σ ∗ V → V | σ ∈ G)
vérifiant la condition du cocycle. Un tel système est à son tour équivalent à la
donnée d’une G-action à gauche sur V , compatible avec l’action à gauche de G sur
E : i.e., pour tout v ∈ V et σ ∈ G on définit σ(v) := β(1[σ] ⊗ v) ; la compatibilité
avec la G-action sur E revient à l’identité :
σ(a · v) = σ(a) · σ(v) ∀a ∈ E, ∀v ∈ V, ∀σ ∈ G.
(ii) Voici une description alternative des objets de Desc(j, E − Mod). On no-
P par E[G] la E-algèbre associative dont les éléments sont les sommes formelles
tera
σ∈G aσ · σ, avec aσ ∈ E pour tout σ ∈ G, avec l’addition terme à terme évidente
(i.e. c’est le E-espace vectoriel E |G| ) ; la loi de multiplication est donnée par :
(∗∗) (a · σ) · (b · τ ) := a · σ(b) · (σ ◦ τ ) ∀a, b ∈ E, ∀σ, τ ∈ G.
L’associativité de cette loi se vérifie aisément, et l’unité de E[G] est évidemment
1 · 1G , où 1G ∈ G dénote l’élément neutre. L’application i : E → E[G] : a 7→ a · 1G
est l’homomorphisme structurel de cette E-algèbre associative. Un E[G]-module
à gauche est, comme dans le cas commutatif, la donnée d’un groupe abélien V
muni d’une opération de multiplication par scalaires E[G] × V → V : (x, v) 7→ x · v
vérifiant les axiomes usuels. En particulier, par restriction de scalaires suivant i l’on
déduit une structure naturelle de E-espace vectoriel sur V . Pour tout σ ∈ G, l’on

voit aussitôt de (∗∗) que l’application βσ : σ ∗ V → V : v 7→ (1 · σ) · v est E-linéaire,
et la condition d’associativité
(1 · τ ◦ σ) · v = (1 · τ ) · ((1 · σ) · v) ∀v ∈ V, ∀σ, τ ∈ G
traduit la condition de cocycle pour le système (βσ | σ ∈ G). Réciproquement, toute
donnée de descente (V, (βσ | σ ∈ G)) comme dans (i) détermine un E[G]-module
à gauche unique dont la multiplication par chaque scalaire 1 · σ est donnée par
βσ . Si l’on définit les morphismes de E[G]-modules à gauche comme dans le cas
commutatif, l’on obtient ainsi une catégorie E[G]−Mod des E[G]-modules à gauche,
avec une équivalence naturelle :

E[G] − Mod → Desc(j, E − Mod).
(iii) Compte tenu de (ii) et du problème 5.64, le foncteur ∆j peut ainsi s’inter-
préter comme une équivalence de catégories

(∗ ∗ ∗) K − Mod → E[G] − Mod.
Pour décrire explicitement ce foncteur, noter que E est naturellement un E[G]-
module : la multiplication par 1 · σ étant évidemment donnée par l’action de σ
sur E, pour tout σ ∈ G. Si W est un K-espace vectoriel arbitraire, le produit
tensoriel E ⊗K W hérite alors de E une structure naturelle de E[G]-module (les
détails sont confiés au lecteur), et l’on voit aisément que (∗ ∗ ∗) n’est rien d’autre
que l’association W 7→ E ⊗K W . De plus, (∗) montre que le foncteur quasi-inverse
Γj de ∆j exhibé dans la solution du problème 5.64 associe à tout E[G]-module V
212 ä Lion

le K-espace vectoriel des v ∈ V tels que (1 · σ) · v = v pour tout σ ∈ G, i.e. la


partie V G des invariants pour l’action (K-linéaire) de G sur V . En conclusion, l’on
a ainsi obtenu un isomorphisme naturel de E[G]-modules à gauche

E ⊗K V G → V
pour tout E[G]-module V . Il s’agit d’un avatar du célèbre Théorème 90 de Hilbert.
5.5. Schémas. Le langage des faisceaux de la section 3.4 nous aidera non seulement
pour formaliser l’opération de recollement de sections, mais même afin de recoller
des espaces topologiques (à l’occurence, des spectres premiers d’anneaux) et ainsi
construire des variétés algébro-géométriques tout à fait générales. La première étape
consiste à munir l’espace X := Spec A associé à un anneau arbitraire A, d’un
faisceau OX de fonctions algébriques, analogue au faisceau des fonctions continues
à valeurs réelles de la remarque 3.40(i). Or, l’anneau OX (X) des sections globales
de OX devrait être A ; mais pour une partie ouverte U ⊂ X, quel est l’anneau des
fonctions algébriques sur U ? Si U est une partie ouverte représentable au sens de
la remarque 2.30, il est naturel de supposer que OX (U ) devrait être une A-algèbre
représentant U . Par exemple, on devrait avoir OX (D(f )) ≃ Af pour tout f ∈ A, au
vu de l’exercice 2.31 ; en tout cas, la restriction à D(f ) ≃ Spec Af du faisceau OX
devrait coïncider, à isomorphisme près, avec le faisceau structurel OSpec Af , dont
les sections globales devraient nous redonner en effet l’anneau Af .
5.5.1. Le faisceau structurel d’un spectre premier. On arrive ainsi à la question
suivante : existe-t-il un faisceau d’anneaux OX sur X tel que OX (U ) soit une A-
algèbre représentant U , pour toute partie ouverte représentable U de X ? Noter que
si un tel faisceau OX existe, cette condition le détermine à isomorphisme unique
près, car toute partie ouverte de T admet un recouvrement consistant de parties
ouvertes représentables. Afin de repondre à notre question, on va d’abord rassembler
quelques observations préliminaires sur les parties ouvertes représentables :
Lemme 5.66. Soit A un anneau, U, U ′ ⊂ Spec A des parties ouvertes représentées
par les A-algèbres AU , respectivement AU ′ , et f ∈ A tel que D(f ) ⊂ U . On a :
(i) La A-algèbre AU ⊗A AU ′ représente U ∩ U ′ .

(ii) Il existe un unique isomorphisme Af → (AU )f de A-algèbres.
(iii) AU est une A-algèbre plate et l’homomorphisme structurel jU : A → AU

induit un homéomorphisme Spec jU : Spec AU → U .
(iv) Soit V ⊂ U une partie ouverte. Alors :
(a) V est une partie représentable de Spec A si et seulement si (Spec jU )−1 (V )
est une partie représentable de Spec AU .
(b) Si (Spec jU )−1 V est représentée par la AU -algèbre (AV , i : AU → AV ), la
A-algèbre (AV , i ◦ jU : A → AV ) représente V .
Démonstration. (i) : Pour toute A-algèbre B, la donnée d’un homomorphisme de
g h
A-algèbres AU ⊗A AU ′ → B équivaut à celle d’un couple AU − →B ← − AU ′ d’ho-
momorphismes de A-algèbres (voir la section 4.3) ; à son tour, un tel couple (g, h)
existe si et seulement si l’image de l’application continue induite Spec B → Spec A
est contenue à la fois dans U et dans U ′ , car AU et AU ′ représentent ces parties ;
de plus, si (g, h) existe, il est unique pour la même raison, d’où l’assertion.
(ii) : D’après l’exercice 2.31, la localisation Af représente la partie D(f ) ; d’après

(i), il s’ensuit que D(f ) = U ∩ D(f ) est aussi représentée par AU ⊗A Af → (AU )f
(voir le paragraphe 4.3.1) ; comme Af et AU ⊗A Af représentent le même sous-
foncteur de hA , il s’ensuit que l’application canonique Af → AU ⊗A Af : x 7→ 1 ⊗ x
§ 5.5: Schémas 213

est l’unique homomorphisme de A-algèbres de Af vers AU ⊗A Af , et il est de plus


un isomorphisme (voir l’exercice 2.14), d’où l’assertion.
(iii) : Soit p ∈ U , et choisissons a ∈ A tel que p ∈ D(a) ⊂ U ; la localisation
ja : AU → (AU )a induit une application continue injective Spec (AU )a → Spec AU
qui identifie Spec (AU )a avec (Spec jU )−1 (D(a)). D’autre part, d’après (ii), la com-
position jU ◦ ja : A → (AU )a se factorise à travers un isomorphisme

(∗) Aa → (AU )a .
Cela veut dire que Spec(jU ◦ ja ) induit un homéomorphisme de Spec (AU )a sur
la partie ouverte D(a) de Spec A. On conclut que Spec jU se restreint en un ho-

méomorphisme (Spec jU )−1 (D(a)) → D(a) ; mais il est aussi clair que l’image de
Spec jU est contenue dans U , par la propriété universelle de AU . Comme p est arbi-
traire, il s’ensuit que l’image de Spec jU est précisément U , et Spec jU induit l’ho-
méomorphisme souhaité. En dernier lieu, (∗) induit un isomorphisme d’anneaux :
∼ ∼ ∼
Ap → (Aa )p → ((AU )a )q → (AU )q , avec q := (Spec jU )−1 (p) ; comme Ap est une
A-algèbre plate, il en est alors de même pour (AU )q , pour tout q ∈ Spec AU , et
finalement AU est une A-algèbre plate, d’après la proposition 4.56(ii).
(iv) : Soit (Spec jU )−1 (V ) représentable, et (B, φ : A → B) une A-algèbre ; si
l’image de Spec φ est dans V , a fortiori elle est dans U , d’où φ = φ′ ◦ jU pour un
homomorphisme unique φ′ : AU → B de A-algèbres, et il vient : Im(Spec φ′ ) ⊂
(Spec jU )−1 (V ), ce qui à son tour entraîne l’existence et unicité d’un homomor-
phisme de AU -algèbres φ′′ : AV → B avec φ′′ ◦ i = φ′ . On conclut que φ′′ est
l’unique homomorphisme de A-algèbres (AV , i ◦ jU ) → (B, φ), donc (AV , i ◦ jU )
représente V . De même l’on voit réciproquement que si (AV , i ◦ jU ) représente V ,
alors (AV , i) représente (Spec jU )−1 (V ) : les détails seront confiés au lecteur. 

Considérons maintenant la sous-catégorie pleine de Ouv(Spec A) notée :


Rep(A)
dont les objets sont les parties ouvertes représentables de Spec A. D’après le lemme
5.66(i), l’ensemble Ob(Rep(A)) est stable par intersections finies, et il est une base de
Spec A, car il contient les parties D(f ), pour tout f ∈ A. Pour toute partie ouverte
représentable U ⊂ Spec A choisissons une A-algèbre AU représentant U ; si U ′ ⊂ U
est une inclusion de parties ouvertes représentables, les propriétés universelles de AU
et AU ′ entraînent l’existence d’un unique homomorphisme AUU ′ : AU → AU ′ de A-
algèbres. En particulier, si U ′′ ⊂ U ′ est une troisième partie ouverte représentable,
l’on a nécessairement AUU ′′ = AU ′ U ′′ ◦ AUU ′ , donc on a un foncteur bien défini :
A• : Rep(A)op → Z − Alg U 7→ AU (U ′ ⊂ U ) 7→ AUU ′ .
Remarque 5.67. (i) Le foncteur A• dépend des choix des A-algèbres représentantes,
mais l’on voit aisément que deux systèmes de choix différents conduisent à deux
foncteurs isomorphes, et en fait il existe un unique isomorphisme entre les foncteurs
ainsi obtenus : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
(ii) Soit U ⊂ Spec A une partie ouverte représentable, et jU : A → AU l’homo-
morphisme structurel de l’algèbre représentante correspondante ; au vu du lemme
5.66(iv), l’application continue Spec jU : Spec A → Spec AU induit un foncteur
ωU : Rep(AU ) → Rep(A) W 7→ (Spec jU )(W )
qui identifie Rep(AU ) avec la sous-catégorie pleine de Rep(A) dont les objets sont les
parties ouvertes représentables de Spec A contenues dans U . De plus, la composition
A• ◦ ωU est aussi naturellement identifiée avec le foncteur (AU )• : brièvement, la
restriction de A• à Rep(AU ) coïncide avec (AU )• , à isomorphisme unique près.
214 ä Lion

Définition 5.68. Soit (T, T ) un espace topologique.


(i) Un site de T est une sous-catégorie pleine S de Ouv(T ) telle que Ob(S ) est
une base de T stable par intersections finies : U, U ′ ∈ Ob(S ) ⇒ U ∩ U ′ ∈ Ob(S ).
(ii) Soit S un site de T . Un prefaisceau sur S est un foncteur F : S op →
Ens. On définit de même les prefaisceaux d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-
modules, pour un anneau A) sur S , comme dans la définition 3.39(i). Pour un tel F
on utilisera la même terminologie introduite pour le cas particulier des prefaisceaux
sur T : donc on parlera e.g. des U -sections de F , pour tout U ∈ Ob(S ), et de
restrictions à U ′ des U -sections de F , pour toute inclusion U ′ ⊂ U d’objets de S .
(iii) Soit F un prefaisceau sur le site S de T . On dit que F est un faisceau
sur S si pour tout U ∈ Ob(S ) et tout recouvrement U ⊂ Ob(S ) de U , le cône
induit par les restrictions (F (U ) → F (Q) | Q ∈ U ×T U ) est universel. De même
on définit les faisceaux d’anneaux (resp. de groupes, resp. de A-modules) sur S .
(iv) Soient F et G deux prefaisceaux sur S ; les morphismes F → G de
prefaisceaux sur S sont les transformation naturelle de foncteurs, comme pour le
cas particulier des prefaisceaux sur T . L’on obtient ainsi une catégorie
c:= Fun(S op , Ens)
S
fla sous-catégorie pleine de S
des prefaisceaux sur S . De même, l’on notera par S c
dont les objets sont les faisceaux sur S .
Avec la terminologie de la définition 5.68, le foncteur A• est donc un prefaisceau
d’anneaux sur le site Rep(A) de Spec A ; mais en fait on a :
Proposition 5.69. Le foncteur A• est un faisceau d’anneaux sur le site Rep(A).
Démonstration. Soient U ⊂ T := Spec A une partie ouverte représentable, et U un
recouvrement de U consistant de parties ouvertes représentables ; on doit vérifier
que le cône induit par les restrictions (AU → AQ | Q ∈ U ×T U ) est universel, et
compte tenu de la remarque 5.67(ii), l’on peut remplacer A par AU et U par le
recouvrement correspondante de Spec AU , et se ramener ainsi au cas où U = T . On
considère d’abord le cas où U est un recouvrement fini, disons U = {U1 , . . . , Un },
et on pose B := AU1 × · · · × AUn . Noter que Spec B s’identifie naturellement à la
réunion disjointe U1 ⊔ · · · ⊔ Un (voir l’exercice 4.27(ii)), donc l’application continue
induite Spec B → T est surjective ; au vu du lemme 5.66(iii), la A-algèbre B est
alors fidèlement plate. De plus, d’après le lemme 5.66(i) on a un isomorphisme
naturel de A-algèbres :

Y ∼
Y
ω : B ⊗A B → AUi ⊗A AUj → AUi ∩Uj .
1≤i,j≤n 1≤i,j≤n

Rappelons que pour toute inclusion V ⊂ V de parties ouvertes représentables,


l’unique homomorphisme de A-algèbres AV → AV ′ définit la restriction a 7→ aV ′


des V -sections du prefaisceau A• , et soit ε : A → B l’homomorphisme tel que :
a 7→ (aU1 , . . . , aUn ) pour tout a ∈ A. L’on obtient un diagramme de A-algèbres :
∂00
ε /B // B ⊗ B
A A
∂10

où ∂00 et ∂10 sont les homomorphismes de A-algèbres tels que :


ω ◦ ∂00 (a1 , . . . , an ) = ((aj )Ui ∩Uj | 1 ≤ i, j ≤ n)
∀(a1 , . . . , an ) ∈ B
ω ◦ ∂10 (a1 , . . . , an ) = ((ai )Ui ∩Uj | 1 ≤ i, j ≤ n)
et on est ramené à vérifier que ε identifie A avec l’équaliseur de ∂00 et ∂10 (comparer
avec la preuve de la proposition 3.22). Mais par ce qui précède, les restrictions
§ 5.5: Schémas 215

AUi → AUi ∩Uj ← AUj sont identifiées aux deux uniques homomorphismes de A-
algèbres AUi → AUi ⊗A AUj ← AUj , i.e. aux applications telles que : a 7→ a ⊗ 1 et
a′ 7→ 1 ⊗ a′ pour tout a ∈ AUi et a′ ∈ AUj ; il s’ensuit que
∂00 (b) = 1 ⊗ b et ∂10 (b) = b ⊗ 1 ∀b ∈ B.
Finalement, l’on conclut que l’application n’est rien d’autre que le différentiel
∂00 −∂10
d0 du complexe de Amitsur associé à ε, donc l’assertion suit du problème 5.59(iii).
Ensuite, soit U un recouvrement arbitraire de Spec A ; comme ce dernier est un
espace compact, l’on trouve une partie finie U0 ⊂ U qui est encore un recouvrement
de Spec A. Soit maintenant (aQ | Q ∈ U ×T U ) une suite cohérente de sections de
A• ; on doit montrer qu’il existe un unique x ∈ A tel que xU = aU pour tout
U ∈ U , et par ce qui précède, l’on sait déjà qu’il existe un unique x ∈ A tel que
xU = aU pour tout U ∈ U0 . Soit alors V ∈ U \ U0 et on considère le recouvrement
fini U ′ := U0 ∪ {V } de Spec A : l’on obtient de même un unique x′ ∈ A tel que
x′U = aU pour tout U ∈ U ′ ; il s’ensuit que x = x′ , et ainsi xV = aV . Comme V
est arbitraire, cela achève la preuve. 
Exercice 5.70. Soient S un site d’un espace topologique (T, T ), et F un faisceau
sur S . L’inclusion de catégories jS : S → Ouv(T ) induit un foncteur
φ

jS : Te → Sf op
F 7→ F ◦ jS (F − op
→ G ) 7→ φ ∗ jS
(notation de l’exercice 1.49). Montrer que jS

est une équivalence de catégories.
En joignant la proposition 5.69 et l’exercice 5.70 on complète finalement la
construction du faisceau des fonctions algébriques, qu’on dénotera :
OSpec A .
Il est caractérisé à isomorphisme unique près, comme le faisceau d’anneaux sur
Spec A qui prolonge le faisceau A• sur le site Rep(A).

5.5.2. Schémas. On souhaite maintenant expliquer comment recoller des spectres


premiers afin de construire des variétés plus générales ; pour cela, on va d’abord
introduire la catégorie qui accueillera les objets géométriques qu’on envisage :
Définition 5.71. (i) Un espace annelé est la donnée T := (T, OT ) d’un espace
topologique T et un faisceau d’anneaux OT sur T , appelé faisceau structurel de T .
(ii) Soient (T, OT ) et (S, OS ) deux espaces annelés. Un morphisme d’espaces
annelés f := (f, f ♭ ) : (T, OT ) → (S, OS ) est la donnée d’une application continue
f : T → S et d’un morphisme de faisceaux d’anneaux f ♭ : OS → f∗ OT .
Remarque 5.72. (i) Soit f : (T, OT ) → (S, OS ) un morphisme d’espaces annelés.
L’adjonction canonique du paragraphe 3.4.2 associe à f ♭ : OS → f∗ OT un mor-
phisme de faisceaux d’anneaux
f ♯ : fe−1 OS → OT
et réciproquement, la donnée de f ♯ détermine f ♭ , donc on peut définir aussi un
morphisme d’espaces annelés par un tel couple (f, f ♯ ).
(ii) Soit g := (g, g ♭ ) : (S, OS ) → (U, OU ) un deuxième morphisme d’espaces
annelés. La composition g ◦ f est le morphisme d’espaces annelés
(h, h♭ ) : (T, OT ) → (U, OU ) avec h := g ◦ f et h♭ := g∗ (f ♭ ) ◦ g ♭ .
L’on voit aussitôt que cette loi de composition est associative, donc les espaces
annelés et les morphismes d’espaces annelés forment une catégorie :
EspAnn.
216 ä Lion

(iii) Dans la situation de (i), soit t ∈ T ; par inspection directe, on vérifie aisément

que la bijection naturelle ωe tf,OS : (fe−1 OS )t → OS,f (t) de l’exercice 3.46(iv) est un
isomorphisme d’anneaux qui identifie (f ♯ )t avec l’homomorphisme d’anneaux :

ft♯ : OS,f (t) → OT,t [s, U ] 7→ [fU♭ (s), f −1 U ].


(iv) Dans la situation de (ii), le diagramme suivant commute :

ef,g
γ
fe−1 ◦ ge−1 OU
OU
^
/ (g ◦ f )−1 OU
D : fe−1 (g♯ ) (g◦f )♯
 ♯ 
f
fe−1 OS / OT

où γef,g
OU est l’isomorphisme naturel de l’exercice 3.48(ii). Pour la preuve, il suffit
de montrer la commutativité du diagramme Dt obtenu en prenant terme à terme
les fibres des faisceaux et morphismes de D, en tout point t ∈ T . Mais au vu de
γ f,g
la caractérisation de (e OU )t en termes du diagramme commutatif (†) de l’exercice
3.48(ii), une chasse au diagramme que l’on laissera au lecteur ramène à son tour
aisément la commutativité de Dt à celle du diagramme :

OU,g◦f (t)
gf♯ (t)
qq ❑❑❑(g◦f )♯
qqq ❑❑❑ t
xqqq ♯
❑❑%
ft
OS,f (t) / OT,t

et cela suit de la description explicite de ces applications fournie par (iii).


Exercice 5.73. (i) Soit T := (T, OT ) un espace annelé, et Z ⊂ T une partie ;
comme dans l’exercice 2.14(iv), on peut considérer le foncteur
hT op : EspAnnop → Ens X 7→ EspAnn(X, T )
et le sous-foncteur FZ ⊂ hT op tel que

FZ (X) := {(g, g ♭ ) ∈ EspAnn(X, T ) | Im(g) ⊂ Z}.


Montrer que FZ est représentable par un espace annelé que l’on notera Z ×T T .
(ii) Soit j : U → T l’inclusion d’une partie ouverte. Montrer que FU est repré-
senté par le sous-espace annelé ouvert (U, OU ) de T , où U est muni de la topologie
induite par T , et avec OU := (OT )|U , la restriction de OT à la sous-catégorie
Ouv(U )op ⊂ Ouv(T )op . Le morphisme universel (U, OU ) → T est le couple (j, j ♭ )
avec j ♭ : OT → j∗ OU le morphisme de faisceaux tel que jV♭ : OT (V ) → OT (V ∩ U )
est l’application de restriction, pour toute partie ouverte V ⊂ T .
Remarque 5.74. Soit φ : T → T ′ un morphisme d’espaces annelés, j : Z → T et
j ′ : Z ′ → T ′ les inclusions de deux parties telles que φ(Z) ⊂ Z ′ ; d’après l’exercice
5.73(i) l’on déduit des morphismes canoniques j := (j, j ♭ ) : Z ×T T → T et j ′ :=
(j ′ , j ′♭ ) : Z ′ ×T ′ T ′ → T ′ d’espaces annelés, et φ se restreint en un morphisme
d’espaces annelés unique (φ)|Z : Z ×T T → Z ′ ×T ′ T ′ tel que j ′ ◦ (φ)|Z = φ ◦ j.

Définition 5.75. Soit T := (T, OT ) un espace annelé.


(i) On dit que T est un schéma affine, s’il existe un anneau A avec un isomor-

phisme d’espaces annelés T → (Spec A, OSpec A ).
(ii) On dit que T est un schéma, si tout t ∈ T admet un voisinage ouvert U ⊂ T
tel que le sous-espace annelé ouvert (U, (OT )|U ) est un schéma affine.
§ 5.5: Schémas 217

Remarque 5.76. Soit A un anneau, U ∈ Rep(A), et T := (Spec A, OSpec A ).


(i) Il suit aussitôt de la remarque 5.67(ii) que U ×Spec A T est un schéma affine.
(ii) Comme les parties ouvertes représentables forment une base de Spec A, l’on
déduit de (i) que tout sous-espace annelé ouvert d’un schéma est un schéma.
(iii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux, et φ := Spec f : Spec B →
Spec A. Alors φ−1 U ∈ Rep(B). En effet, pour tout homomorphisme d’anneaux
g : B → B ′ on a Im(Spec g) ⊂ φ−1 U si et seulement si Im(Spec(g ◦ f )) ⊂ U , si et
seulement si g ◦ f se factorise à travers un homomorphisme (unique) de A-algèbres
h : AU := OSpec A (U ) → B ′ , et la donnée du couple (g, h) équivaut à celle d’un
morphisme de B-algèbres k : B ⊗A AU → B ′ tel que k(b ⊗ a) = g(b) · h(a) pour tout
b ∈ B et a ∈ AU (voir la section 4.3). Donc, la B-algèbre B ⊗A AU représente la
partie ouverte φ−1 U de Spec B ; en particulier, le foncteur Ouv(φ) : Ouv(Spec B) →
Ouv(Spec A) du paragraphe 3.4.2 induit par restriction un foncteur
Rep(f ) : Rep(A) → Rep(B) U 7→ φ−1 U.
Pour tout prefaisceau F sur le site Rep(B) on posera φ∗ F := F ◦ Rep(f )op ; si
F est un faisceau, il est clair que φ∗ F est un faisceau sur le site Rep(A). En
particulier, si A• (resp. B• ) est le faisceau sur Rep(A) (resp. sur Rep(B)) comme
dans la proposition 5.69, l’on obtient un faisceau φ∗ B• ainsi qu’un un morphisme
naturel de faisceaux sur Rep(A) :
φ♭ : A• → φ∗ B• .
En effet, l’on vient de voir que pour tout U ∈ Rep(A) la B-algèbre B ⊗A AU

représente Bφ−1 U , d’où un isomorphisme unique de B-algèbres B ⊗A AU → Bφ−1 U ,
et on définit φ♭U : AU → Bφ−1 U comme la composition de cet isomorphisme avec
l’homomorphisme canonique AU → B ⊗A AU : a 7→ 1 ⊗ a. On laisse au lecteur le
soin de vérifier la naturalité de l’association : U 7→ φ♭U .
(iv) Par construction, φ∗ B• est la restriction du faisceau φ∗ OSpec B sur Spec A ;
d’après l’exercice 5.70, il s’ensuit que le morphisme φ♭ de (ii) admet un prolongement
unique en un morphisme de faisceaux sur Spec A, que l’on notera également
φ♭ : OSpec A → φ∗ OSpec B .
L’on a ainsi associé à tout homomorphisme d’anneaux f : A → B un morphisme
Spec f := (φ, φ♭ ) : (Spec B, OSpec B ) → (Spec A, OSpec A ) d’espaces annelés. On dira
que Spec f est le morphisme de schémas affines associé à f . Noter que φ♭ détermine
f , car l’on a f = φ♭Spec A : A = OSpec A (Spec A) → B = OSpec B (Spec B).
Exemple 5.77. Pour tout anneau A et tout n ∈ N, l’espace affine de dimension n
sur A est le schéma affine
AnA := Spec A[T1 , . . . , Tn ].
Si K est un corps algébriquement clos, le Nullstellensatz identifie naturellement l’en-
semble des points fermés de Spec K[T1 , . . . , Tn ] avec K n (voir le paragraphe 1.3.1) ;
les points non fermés (i.e. les idéaux premiers non maximaux de K[T1 , . . . , Tn ]) cor-
respondent d’autre part aux sous-ensembles algébriques irréductibles de K n . Pour
un anneau A arbitraire, l’homomorphisme structurel A → A[T1 , . . . , Tn ] induit un
morphisme de schémas affines
π : AnA → Spec A
et pour tout p ∈ Spec A, la fibre π −1 (p) s’identifie naturellement à l’espace to-
pologique Spec k(p)[T1 , . . . , Tn ]. Donc, on peut interpreter AnA comme une famille
algébrique d’espaces affines de dimension n indexés par les points de Spec A.
218 ä Lion

La géométrie algébrique s’intéresse aux morphismes φ : X → Y d’origine al-


gébrique entre schémas, i.e. ces morphismes d’espaces annelés dont la restriction
U ×T X → V ×Y Y est le morphisme de schémas affines associé à un homomor-
phisme d’anneaux OY (V ) → OX (U ) comme dans la remarque 5.76(iv), pour tout
couple de sous-schémas ouverts affines U ×T X et V ×Y Y tels que φ(U ) ⊂ V .
On appelera morphisme de schémas tout tel morphisme d’origine géométrique. Ils
sont distingués parmi les morphismes d’espaces annelés par une propriété plus in-
trinsèque, qui joue un rôle importante aussi dans des nombreuses autres situations.
Avant d’expliquer cette caractérisation, remarquons d’abord que tout morphisme
d’espaces annelés entre schémas affines n’est pas forcément un morphisme de sché-
mas affines ; en effet, l’on a :
Exemple 5.78. Soit A := S −1 Z, avec S ⊂ Z l’ensemble des entiers premiers
impairs, et B := Q. L’espace topologique Spec A contient le point générique ηA et
un unique autre point t, l’idéal maximal de A engendré par 2 ; on note aussi par ηB
l’unique point de Spec B. On considère l’application continue φ : Spec B → Spec A
telle que φ(ηB ) = t, et on définit le morphisme de faisceaux φ♭ : OSpec A → φ∗ OSpec B
comme suit. La partie ouverte U = {ηA } = D( 21 ) de Spec A est représentable par la
localisation A[ 21 ] = Q, et d’autre part φ−1 U = ∅, donc φ∗ OSpec B (U ) = 0, et φ♭U :
Q → 0 est l’homomorphisme trivial. Pour U = Spec A l’homomorphisme φ♭Spec A :
A = OSpec A (U ) → B = OSpec B (φ−1 U ) est l’inclusion. Le couple (φ, φ♭ ) est bien
un morphisme Spec B → Spec A d’espaces annelés, mais il n’est pas un morphisme
de schémas affines, car le cas échéant il devrait coïncider avec Spec φ♭Spec A , et ce
dernier envoit ηB 7→ ηA .
Observons ensuite que pour tout anneau A et tout p ∈ Spec A, la fibre (OSpec A )p
du faisceau structurel de Spec A est une A-algèbre locale, naturellement isomorphe
à la localisation Ap . En effet, noter que la partie Dp := {D(a) | a ∈ A \ p} est finale
dans l’ensemble partiellement ordonné Up des voisinages ouverts de p dans Spec A,

et OSpec A (D(a)) → A[a−1 ] pour tout D(a) ∈ Dp , d’où un isomorphisme naturel :

(OSpec A )p → lim
−→
A[a−1 ]
D(a)∈Dpop

(voir l’exercice 3.18(ii)) et cette colimite est représentée par Ap , d’après l’exercice
3.14(ii). Or, revenons à la situation de la remarque 5.76(iv), et soient q ∈ Spec B
et p := φ(p) ; par ce qui précède, l’homomorphisme induit sur les fibres
φ♯p : (OSpec A )p → (OSpec B )q
est naturellement identifié avec l’unique homomorphisme de A-algèbres Ap → Bq , et
ce dernier est un homomorphisme local d’anneaux locaux (voir le problème 4.63(iii)).
Définition 5.79. (i) Un espace localement annelé est un espace annelé (T, OT )
tel que la fibre OT,t soit un anneau local pour tout t ∈ T . Le corps résiduel k(t) de
OT,t est appelé le corps résiduel de T au point t.
(ii) Si T := (T, OT ) et T ′ := (T ′ , OT ′ ) sont deux espaces localement annelés,
un morphisme d’espaces localement annelés (φ, φ♭ ) : T → T ′ est un morphisme
d’espaces annelés tel que l’homomorphisme φ♯t : OT ′ ,f (t) → OT,t soit local pour tout
t ∈ T . En particulier, φ♯t induit une extension résiduelle de corps φ♯t : k(f (t)) → k(t).
Comme la composition d’homomorphismes locaux d’anneaux locaux est un ho-
momorphisme local, l’on déduit aisément de la remarque 5.72(iv) que la composition
de morphismes d’espaces localement annelés est un morphisme d’espaces locale-
ment annelés. Donc, les espaces localement annelés et leurs morphismes forment
§ 5.5: Schémas 219

une sous-catégorie (non pleine) de EspAnn que l’on dénotera :


EsLocAn.
Par ce qui précède, les associations : A 7→ Spec A et f 7→ Spec f pour tout anneau
A et tout homomorphisme d’anneaux f , définissent un foncteur
Spec : (Z − Alg)op → EsLocAn.
Avec cette notation, on peut maintenant énoncer le :
Théorème 5.80. Spec est adjoint à droite du foncteur des sections globales
Γ : EsLocAn → (Z − Alg)op (T, OT ) 7→ Γ(OT ).
Démonstration. Tout morphisme (φ, φ♭ ) : (T, OT ) → Spec A d’espaces localement
annelés induit un homomorphisme φ♭Spec A : A = Γ(OSpec A ) → Γ(φ∗ OT ) = Γ(OT )
d’anneaux, et on montrera plus précisément que l’on a une bijection :

(∗) EsLocAn((T, OT ), Spec A) → HomZ−Alg (A, Γ(OT )) (φ, φ♭ ) 7→ φ♭Spec A .
La naturalité en T et en A de ce système d’applications est immédiate, donc cela
nous fournira une adjonction pour le couple (Γ, Spec). Vérifions d’abord que l’ho-
momorphisme f := φ♭Spec A détermine l’application continue φ : en effet, soit t ∈ T
et p := φ(t) ∈ Spec A ; l’on obtient un diagramme commutatif d’anneaux
f
A / Γ(OT )
(†) jp jt
 φ♯t 
Ap / OT,t

où jp est la localisation, et jt est l’homomorphisme associant à toute section globale


s ∈ Γ(OT ) son germe [s, T ] dans la fibre de OT au point t. Soit mt l’idéal maximal
de l’anneau local OT,t ; par hypothèse, (φ♯t )−1 (mt ) = pAp , d’où l’assertion, car :
p = jp−1 (pAp ) = (jt ◦ f )−1 (mt ).
Ensuite, pour toute partie ouverte représentable U ⊂ A, on a le diagramme
f
A / Γ(OT )

 φ♭U

OSpec A (U ) / OT (φ−1 U )

dont les flèches verticales sont les restrictions ; en rappelant que OSpec A (U ) repré-
sente la partie U , l’on voit que la commutativité de ce diagramme détermine φ♭U . Au
vu de l’exercice 5.70, l’on conclut que f détermine aussi φ♭ . Cela achève de vérifier
l’injectivité de (∗). Pour la surjectivité, soit f : A → Γ(OT ) un homomorphisme
d’anneaux ; on considère l’application φ : T → Spec A telle que φ(t) := (jt ◦f )−1 (mt )
pour tout t ∈ T , avec jt et mt ⊂ OT,t comme ci-dessus. On remarque :
Affirmation 5.81. Soit (X, OX ) un espace annelé, s ∈ Γ(OX ), et pour tout x ∈ X
notons par sx ∈ OX,x le germe de s au point x. On a :
×
(i) La partie D(s) := {x ∈ X | sx ∈ OX,x } est ouverte dans X.
(ii) La restriction sD(s) de s est inversible dans OX (D(s)).
Preuve : (i) : Soit x ∈ D(s) ; donc il existe σ ∈ OX,x tel que sx · σ = 1, et on
trouve un voisinage ouvert U de x dans X tel que σ est le germe en x d’une section
s′ ∈ OX (U ). Quitte à remplacer U par un voisinage plus petit de x, on peut supposer
que sU · s′ = 1 dans OX (U ), d’où U ⊂ D(s), et cela implique l’assertion.
220 ä Lion

(ii) : En raisonnant comme dans (i), l’on voit que pour tout x ∈ D(s) il existe un
voisinage ouvert V ⊂ D(s) et une section uV ∈ OX (V ) telle que uV · sV = 1 dans
OX (V ). L’on trouve ainsi un recouvrement V de D(s) et un système de sections
u• := (uV | V ∈ V ) avec ces propriétés pour tout V ∈ V ; il s’ensuit aisément que

(uV )V ∩V ′ = (uV )V ∩V ′ pour tout V, V ′ ∈ V , donc u• se recolle en une section
unique u ∈ OX (D(s)) et évidemment u · sD(s) = 1. ♦
Avec la notation de l’observation 5.81(i), l’on voit aisément que φ−1 (D(a)) =
D(f (a)) ⊂ T pour tout a ∈ A ; en particulier φ est une application continue. En-
suite, l’observation 5.81(ii) implique que la composition A → OT (φ−1 D(a)) de f
et de la restriction Γ(OT ) → OT (φ−1 D(a)) envoit a vers un élément inversible, et

donc se factorise à travers la localisation A → A[a−1 ] → OSpec A (D(a)) et un ho-
momorphisme unique d’anneaux φ♭D(a) : OSpec A (D(a)) → OT (φ−1 D(a)). De plus,
si D(a) ⊂ D(a′ ) l’on obtient un diagramme commutatif de A-algèbres
φ♭D(a)
OSpec A (D(a)) / OT (φ−1 D(a))

 φ♭D(a′ ) 
OSpec A (D(a′ )) / OT (φ−1 D(a′ ))

(dont les flèches verticales sont les restrictions) car OSpec A (D(a)) représente la par-
tie D(a). Remarquons maintenant que la sous-catégorie pleine S de Ouv(Spec A)
avec Ob(S ) = {D(a) | a ∈ A} est un site de Spec A contenu dans le site Rep(A) ;
soient alors (OSpec A )|S et (φ∗ OT )|S les restrictions des faisceaux OSpec A et φ∗ OT
au site S . On peut interpreter le système d’homomorphismes (φ♭D(a) | a ∈ A) comme
un morphisme (OSpec A )|S → (φ∗ OT )|S de faisceaux sur S , et d’après l’exercice
5.70, ce dernier se prolonge en un morphisme unique φ♭ : OSpec A → φ∗ OT de fais-
ceaux sur T . Le couple (φ, φ♭ ) est un morphisme d’espaces annelés φ : T → Spec A,
et par construction l’on a φ♭Spec A = f . Pour conclure la preuve il reste seulement
à vérifier que φ est bien un morphisme d’espaces localement annelés. Mais pour
t ∈ T et p := φ(t), l’homomorphisme φ♯t fait commuter le diagramme (†), et par
construction l’on a (φ♯t ◦jp )−1 (mt ) = (jt ◦f )−1 (mt ) = p, d’où (φ♯t )−1 (mt ) = pAp . 
Pour tout couple d’anneaux A, B, le théorème 5.80 fournit une bijection naturelle

HomZ−Alg (A, B) → EsLocAn(Spec B, Spec A).
Autrement dit, le foncteur Spec identifie (Z − Alg)op avec une sous-catégorie pleine
de la catégorie des espaces localement annelés. On définira donc la catégorie des
schémas comme la sous-catégorie pleine de EsLocAn dont les objets sont les schémas.
Remarque 5.82. (i) Soit A un anneau. Pour toute A-algèbre B, le morphisme
structurel i : A → B induit un morphisme πB := Spec i : Spec B → Spec A de
schémas, et pour tout couple de A-algèbres B, C la bijection naturelle ci-dessus se
restreint en une bijection entre HomA−Alg (B, C) et l’ensemble des morphismes de
schémas φ : Spec C → Spec B tels que πB ◦ φ = πC . Plus généralement, on appelera
un A-schéma la donnée (X, π) d’un schéma X et d’un morphisme de schémas
X → Spec A ; de même, un morphisme de A-schémas φ : (X, π) → (X ′ , π ′ ) est un
morphisme de schémas φ : X → X ′ tel que π ′ ◦ φ = π.
(ii) Il est utile de généraliser davantage notre terminologie : si S est un schéma
arbitraire, on appelera aussi S-schéma la donnée (X, π) d’un schéma X et d’un
morphisme de schémas π : X → S. De même, un morphisme de S-schémas φ :
(X, π) → (X ′ , π ′ ) sera, comme dans (i), la donnée d’un morphisme de schémas
φ : X → X ′ tel que π ′ ◦ φ = π.
§ 5.5: Schémas 221

(iii) Pour tout A-schéma (X, π) on notera aussi par X(A) l’ensemble des sections
schématiques de π, i.e. les morphismes σ : Spec A → X tels que π ◦ σ = IdSpec A .
Notamment, pour tout n ∈ N l’ensemble AnA (A) est naturellement identifié avec An
(notation de l’exemple 5.77), comme expliqué par l’exemple 2.13. Tout morphisme
φ : (X, π) → (X ′ , π ′ ) de A-schémas induit une application
σ φ◦σ
φ(A) : X(A) → X ′ (A) → X) 7→ (Spec A −−→ X ′ ).
(Spec A −
(iv) Soit K un corps, (X, π) un K-schéma, et notons par s l’unique point de
S := Spec K. D’après le théorème 5.80, la donnée de π équivaut à celle d’un ho-
momorphisme d’anneaux f : K → Γ(OX ), et pour tout x ∈ X l’homomorphisme
πx♯ : OS,s = K → OX,x est la composition de f avec l’homomorphisme naturel
Γ(OX ) → OX,x associant à toute section globale son germe au point x. D’autre
part, toute section schématique σ ∈ X(K) est caractérisée par son image σ(s) ∈ X
et par le morphisme de faisceaux associé σ ♯ : σe −1 OX → OS ; ce dernier à son tour
équivaut à la donnée de l’homomorphisme d’anneaux σs♯ : OX,σ(s) → OS,s = K (voir

la remarque 5.72(iii)). La condition π ◦ σ = IdS revient à l’identité σs♯ ◦ πσ(s) = IdK .

Cette identité montre que πσ(s) induit un isomorphisme de K sur le corps résiduel
k(σ(s)) de X au point σ(s), et cet isomorphisme identifie σs♯ avec la projection na-
turelle OX,σ(s) → k(σ(s)). En résumant, toute section σ ∈ X(K) est complètement
déterminée par son image σ(s), et la partie {σ(s) | σ ∈ X(K)} contient précisé-
ment les K-points de X, i.e. les x ∈ X tels que l’extension résiduelle de corps
π ♯x : K → k(x) soit un isomorphisme.
(v) Pour tout morphisme φ : (X, π) → (X ′ , π ′ ) de K-schémas, l’application
φ(K) : X(K) → X ′ (K) de (iii) envoit ainsi les K-points de X sur ceux de X ′ ;
évidemment φ(K) coïncide avec la restriction de φ sur la partie des K-points de X.
5.5.3. L’espace projectif. Pour illustrer les généralités des paragraphes précédents,
on veut expliquer comment réaliser les espaces projectifs (sur un corps K quel-
conque) dans la catégorie des schémas. Plus précisément, l’on va exhiber pour tout
n ∈ N un K-schéma Y et une bijection naturelle de Y (K) avec le K-espace pro-
jectif PnK , défini comme l’ensemble des droites vectorielles, i.e. des sous-K-espaces
vectoriels de dimension un, du K-espace vectoriel K n+1 . De façon équivalente
PnK := (K n+1 \ {0})/ ∼
le quotient de l’ensemble K n+1 \ {0} des vecteurs non nuls de K n+1 , par la relation
d’équivalence ∼ telle que v ∼ v ′ si et seulement s’il existe λ ∈ K × avec λv = v ′ .
Pour i = 0, . . . , n, soit Ωi ⊂ PnK la partie des classes d’équivalence [v] des vecteurs
v := (a0 , . . . , an ) ∈ K n+1 avec ai 6= 0 ; évidemment Ω0 ∪ · · · ∪ Ωn = PnK , et tout
[v] ∈ Ωi admet un représentant unique v ′ := (a′0 , . . . , a′n ) avec a′i = 1. Donc chaque
partie Ωi admet une identification naturelle avec le K-espace affine de dimension n
a ai−1 ai+1 an 
∼ 0
ψi : Ωi → K n [a0 , . . . , an ] 7→ ,..., , ,...,
ai ai ai ai
(i)
et les applications tj : Ωi → K telles que [a0 , . . . , an ] 7→ aj /ai pour tout j =
0, . . . , i−1, i+1, . . . , n et tout [a0 , . . . , an ] ∈ PnK , forment un système de coordonnées
sur chaque Ωi . Pour tout i, j ∈ {0, . . . , n} avec i 6= j, la partie Ωij := Ωi ∩Ωj consiste
(i)
des classes [v] ∈ Ωi telles que tj ([v]) 6= 0, et on a les identités évidentes :
(i)
(j) tk ([v])
(∗) tk ([v]) = (i)
∀[v] ∈ Ωij , ∀k ∈ {0, . . . , n} \ {i, j}.
tj ([v])
En résumant, on voit que l’on peut aussi construire PnK par un procédé de recol-
lement des espaces affines Ω0 , . . . , Ωn identifiant la partie Ωij ⊂ Ωi avec Ωji ⊂ Ωj
222 ä Lion

pour tout i 6= j ; autrement dit, on recolle n + 1 copies de l’ensemble K n , en iden-


tifiant la partie Uij := ψi (Ωij ) de la i-ème copie avec la partie Uji := ψj (Ωji ) de
la j-ème copie. Plus précisément, tout u ∈ Uij est déterminé par ses coordonnées
(i)
(uk := tk ◦ ψi−1 (u) | k ∈ {0, . . . , n} \ {i}), et le recollement de Uij et Uji identi-
fie u avec le point u′ ∈ Uji dont les coordonnées (u′0 , . . . , u′j−1 , u′j+1 , . . . , u′n ) sont
déduites des identités (∗), i.e. u′k = uk /uj pour tout k 6= i, j et u′i = 1/uj .
Compte tenu de l’exemple 5.77, notre modèle schématique de l’espace projectif
sera alors obtenu par recollement de n + 1 copies de l’espace affine AnK . Pour cela,
considérons plus généralement une donnée de recollement, constituée de :
— une famille d’espaces annelés X • := (X i := (Xi , OXi ) | i ∈ I)
— et pour tout (i, j) ∈ I 2 , d’une partie ouverte Uij ⊂ Xi , et un isomorphisme


ωij := (ωij , ωij ) : U ij → U ji avec U ij := Uij ×Xi X et U ji := Uji ×Xj X j
vérifiant les conditions suivantes. Pour tout (i, j, k) ∈ I 3 , posons Uijk := Uij ∩ Uik
et U ijk := Uijk ×Xi X i ; alors ωij (Uijk ) = Ujik , et le diagramme suivant commute :
(ω ij )|U
ijk
U ijk / U jik
■■ ✉
(†) ■■
■■ ✉✉
(ω ik )|Uijk ■$
✉✉
z✉✉ (ωjk )|Ujik
U kij .
Soit RI la catégorie avec Ob(RI ) = I ⊔ I 2 , telle que tout (i, j) ∈ I 2 admet deux
αij βij
morphismes i ←−− (i, j) −−→ j, et les seuls morphismes de RI sont les αij , les βij
et les identités des objets. Pour tout (i, j) ∈ I 2 , soit aussi ιij : Uij → Xi l’inclusion,
et ιij : U ij → X i le morphisme d’espaces annelés induit par ιij (exercice 5.73(ii)).
On associe à notre donnée de recollement le foncteur F : RI → EspAnn tel que :
— F i := X i et F (i, j) := U ij pour tout i ∈ I et tout (i, j) ∈ I 2
— F (αij ) := ιij et F (βij ) := ιji ◦ ω ij pour tout (i, j) ∈ I 2 .
Lemme 5.83. Avec la notation ci-dessus, on a :
(i) La colimite du foncteur F est représentée par un espace annelé Y := (Y, OY ).
(ii) Le co-cône universel est un système ((ιi , ι♭i ) : X i → Y | i ∈ I) de morphismes
d’espaces annelés dont les applications continues ιi sont injectives et ouvertes.
S
(iii) Pour tout i ∈ I, soit Yi := ιi (Xi ). Alors Y = i∈I Yi , et pour tout i ∈ I le

morphisme (ιi , ι♭i ) se factorise à travers un isomorphisme X i → Yi ×Y Y et
le morphisme canonique Yi ×Y Y → Y (voir la remarque 5.74).
On dira que Y est le recollement de la famille X • suivant les isomorphismes ω •• .
Démonstration. Soit Φ : EspAnn → Top le foncteur d’oubli défini par les asso-
ciations : (T, OT ) 7→ T et (φ, φ♭ ) 7→ φ pour tout espace annelé (T, OT ) et tout
morphisme d’espaces annelés (φ, φ♭ ). D’après le problème 3.27(i), la colimite du
foncteur Φ ◦ F : RI → Top est représentée par un espace Y . Explicitement, on a
Y = X/ ∼
S
le quotient de la réunion disjointe X := i∈I Xi × {i} par la plus petite relation
d’équivalence ∼ telle que (x, i) ∼ (ωij (x), j) pour tout (i, j) ∈ I 2 et tout x ∈ Xi .
La topologie de Y est induite par X via la projection naturelle π : X → Y (voir
l’exemple 1.9(iii)), et X est muni de la topologie T tel que (X, T ) représente la
somme directeS des espaces topologiques Xi = (Xi , Ti ), i.e. la topologie engendré
par la base i∈I {U × {i} | U ∈ Ti }. Noter que Uii = Uiii = Xi pour tout i ∈ I, et
il s’ensuit de (†) que ω ii = IdX i pour tout tel i. De même, Uiji = Uiij = Uij pour
tout (i, j) ∈ I 2 , et en faisant k = i dans (†), il vient ω ij = ω−1
ji pour tout (i, j) ∈ I .
2

Pour chaque i ∈ I soit ιi : Xi → Y l’application : x 7→ π(x, i) pour tout x ∈ Xi .


§ 5.5: Schémas 223

Affirmation 5.84. (i) Pour tout i ∈ I l’application S ιi est injective.


(ii) Pour toute partie V ⊂ Ui , on a π −1 (πV ) = j∈I ωij (V ∩ Uij ) × {j}.
Preuve : Soient x ∈ Xi , x′ ∈ Xj avec π(x, i) = π(x′ , j), i.e. (x, i) ∼ (x′ , j) ; cela
veut dire qu’il existe un entier n ≥ 1, une suite d’indices i0 , i1 , . . . , in ∈ I avec i0 = i
et in = j, et pour tout k = 0, . . . , n − 1 un point xk ∈ Uik ik+1 tels que :
x0 = x xn = x′ ωik ik+1 (xk ) = xk+1 ∀k = 0, . . . , n − 1.
On va montrer par récurrence sur n que x ∈ Uij et ωij (x) = x′ . Si n = 1 il n’y a rien à
montrer. Soit donc n > 1 ; on a x0 ∈ Ui0 i1 et ωi0 i1 (x0 ) = x1 ∈ Ui1 i2 ∩Ui1 i0 = Ui1 i0 i2 ,
d’où x0 ∈ Ui0 i1 i2 et la commutativité de (†) donne : ωi0 i2 (x0 ) = ωi1 i2 (ωi0 i1 (x0 )) =
ωi1 i2 (x1 ) = x2 . Posons i′0 := i0 et y 0 := x0 , ainsi que i′k := ik+1 et yk := xk+1 pour
k = 1, . . . , n − 1 ; il vient ωi′k i′k+1 (yk ) = yk+1 pour k = 0, . . . , n − 2. Par hypothèse
de récurrence, on a alors y0 ∈ Ui′0 i′n−1 et ωi′0 i′n−1 (y0 ) = yn−1 , comme souhaité.
L’assertion (ii) suit aussitôt, et de même pour (i), car ωii = IdXi . ♦
Soit V ⊂ Ui une partie ouverte ; l’observation 5.84(i) montre que π −1 (πV ) est
une partie ouverte de X, donc πV est une partie ouverte de Y ; avec l’observation
5.84(i), l’on conclut que ιi est une application injective et ouverte pour tout i ∈ I.
On définit ensuite un prefaisceau d’anneaux OY su Y , comme suit. Pour toute
partie ouverte V ⊂ Y , soit OY (V ) l’ensemble des systèmes (si | i ∈ I) avec si ∈
OXi (ι−1
i V ) pour tout i ∈ I, et tels que (si )Uij ∩ι−1 V = ωij ((sj )Uji ∩ι−1 V ) pour tout

i j

i, j ∈ I (noter que – d’après l’observation 5.84(ii) – on a ωij (Uij ∩ ι−1


i V ) = Uji ∩
ι−1
j V ). Toute inclusion V ′
⊂ V de parties ouvertes de Y induit une application
(††) OY (V ) → OY (V ′ ) (si | i ∈ I) 7→ ((si )ι−1 V ′ | i ∈ I).
i

La structure d’anneau sur OY (V ) est l’unique telle que les projections


(† † †) OY (V ) → OXi (ι−1
i V) (si | i ∈ I) 7→ si
soient des homomorphismes d’anneaux, pour tout i ∈ I. Il est évident que l’on
obtient ainsi un prefaisceau d’anneaux OY dont les restrictions sont les applications
(††), et les applications († † †) définissent des morphismes ι♭i : OY → ιi∗ OXi de
prefaisceaux d’anneaux, pour tout i ∈ I. En dernier lieu, vérifions que OY est
un faisceau. En effet, soit U un recouvrement d’une partie ouverte V ⊂ Y , et
(sW• | W ∈ U ) un système de sections avec s• := (si | i ∈ I) ∈ OY (W ) pour tout
W W

W ∈ U , et vérifiant la condition de recollement (∗) de la section 3.4 ; alors, pour


tout i ∈ I la famille Ui := {ιi−1 W | W ∈ U } recouvre ι−1 i V , et l’on déduit une
Q
famille de sections si := (si | Q ∈ Ui ) du faisceau OXi , vérifiant la même condition

de recollement. La famille s•i se recolle en une unique section si ∈ OXi (ι−1 i V ), et


l’on voit aisément que le système s• := (si | i ∈ I) est l’unique section de OY (V )
avec (s• )W = sW• pour tout W ∈ U : les détails seront confiés aux soins du lecteur.
Ensuite, noter que si V ⊂ Yi := ιi (Xi ), on a ι−1 −1
j V = ωij (Uij ∩ ιi V ) pour tout
j ∈ I (toujours grâce à l’observation 5.84(ii)) ; donc, pour tout s• ∈ OY (V ) et
tout j ∈ I on a sj = ωij ♭
((si )Uij ∩ι−1 V ), et en particulier, la projection OY (V ) →
i
OXi (ι−1
i V ) est un isomorphisme. Au vu de l’exercice 5.73(ii), l’on déduit aisément
l’assertion (iii) du lemme pour les morphismes ιi := (ιi , ι♭i ) : X i → Y ainsi obtenus.
Par une simple inspection l’on voit que :
ιi ◦ ιij = ιj ◦ (ιji ◦ ωij ) ∀(i, j) ∈ I 2
donc le système (ιi | i ∈ I) fournit un co-cône dont la base est le foncteur F et de
sommet Y , et il nous reste seulement à vérifier qu’il s’agit d’un co-cône universel.
Soit donc Z un espace annelé, et (ν i := (νi , νi♭ ) : X i → Z | i ∈ I) un système de
morphismes d’espaces annelés tels que ν i ◦ ιij = ν j ◦ (ιji ◦ ωij ) pour tout (i, j) ∈ I 2 .
224 ä Lion

Par la propriété universelle de Y , il existe alors une application continue unique


ν : Y → Z telle que ν ◦ ιi = νi pour tout i ∈ I. Soit W ⊂ Z une partie ouverte ;
noter que les sections de ν∗ OY (W ) = OY (ν −1 W ) sont les systèmes (si | i ∈ I) avec
si ∈ OXi (νi−1 W ) pour tout i ∈ I, et tels que (si )Uij ∩ν −1 W = ωij

((sj )Uij ∩ν −1 W )
i j

pour tout (i, j) ∈ I 2 . L’on obtient ainsi un homomorphisme d’anneaux bien défini :
♭ ♭
νW : OZ (W ) → ν∗ OY (W ) s 7→ (νi,W (s) | i ∈ I)
et il est clair que les associations : W 7→ νW ♭
pour toute partie ouverte W de
Z, définissent un morphisme ν : OZ → ν∗ OY de faisceaux d’anneaux, d’où un

morphisme d’espaces annelés ν := (ν, ν ♭ ) : Y → Z. Par construction, il est l’unique


morphisme tel que ν◦ιi = ν i pour tout i ∈ I, et cela conclut la preuve du lemme. 

Remarque 5.85. Dans la situation du lemme 5.83, il est clair que si chaque X i est
un espace localement annelé (resp. un schéma), il en est de même pour Y , et ce
dernier représente alors la colimite du foncteur correspondant F : RI → EsLocAn.
Or, soit A un anneau arbitraire ; pour i = 0, . . . , n on considère la A-algèbre de
(i) (i)
polynômes Bi := A[Tk | k = 0, . . . , i − 1, i + 1, . . . , n], et on pose Ti := 1 ∈ Bi .
Pour tout i, j ∈ {0, . . . , n} on considère aussi l’isomorphisme de A-algèbres
(j) ∼ (i) (j) (i) (i)
φij : Bj [1/Ti ] → Bi [1/Tj ] Tk 7→ Tk /Tj ∀k = 0, . . . , n.
(i)
Posons Xi := Spec Bi et Uij := Spec Bi [1/Tj ] pour tout i, j = 0, . . . , n ; ainsi,

Uij ⊂ Xi est une partie ouverte, et ωij := Spec φij : (Uij , OUij ) → (Uji , OUji )
un isomorphisme de schémas, pour tout tel couple (i, j). L’on voit aussitôt que
((Xi , OXi ), ω ij | i, j ∈ {0, . . . , n}) est une donnée de recollement, et on dénote
PnA
le recollement de la famille X • suivant les isomorphismes ω •• . Pour A = K, noter
que l’ensemble des K-points Uij (K) est naturellement identifié à une partie de
(i) (i)
Xi (K), et d’autre part le système de coordonnées (T0 , . . . , Tn ) induit pour tout
∼ ∼
i, j des bijections Xi (K) → K n et Uij (K) → Uij faisant commuter le diagramme :
∼ / Uij
Uij (K)

 
∼ / Kn
Xi (K)
dont les flèches verticales sont les inclusions. De plus, ces bijections identifient l’ap-
∼ ∼
plication ω ij,(K) : Uij (K) → Uji (K) avec (ψj−1 ◦ψi )|Uij : Uij → Uji . Il s’ensuit aussi-
tôt que l’ensemble des K-points PnK (K) est naturellement identifié avec le K-espace
projectif de dimension n, comme souhaité. Pour un anneau A arbitraire, l’homomor-
phisme structurel A → Bi induit un morphisme de schémas πi : Xi → Spec A pour
tout i = 0, . . . , n, et évidemment (πj )|Uji ◦ ω ij = (πi )|Uij pour tout i, j = 0, . . . , n ;
il existe alors un unique morphisme de schémas
π : PnA → Spec A
dont la restriction à chaque partie ouverte Xi coïncide avec πi . En raisonnant
comme dans l’exemple 5.77, l’on voit aisément que pour tout p ∈ Spec A, la fibre
π −1 (p) s’identifie naturellement au k(p)-espace projectif Pnk(p) ; donc l’on peut inter-
preter PnA comme une famille d’espaces projectifs indexés par les points de Spec A.
Problème 5.86. (Modules quasi-cohérents) Soit (X, OX ) un espace annelé ; un
OX -module est la donnée d’un faisceau M sur X, et pour toute partie ouverte
§ 5.5: Schémas 225

U ⊂ X d’une structure de OX (U )-module sur M (U ), telle que pour toute inclusion


U ′ ⊂ U de parties ouvertes, la restriction M (U ) → M (U ′ ) soit OX (U )-linéaire :
aU ′ · sU ′ = (a · s)U ′ ∀a ∈ OX (U ), ∀s ∈ M (U ).
Un morphisme de OX -modules φ : M → M ′ est un morphisme de faisceaux tel
que φU : M (U ) → M ′ (U ) est OX (U )-linéaire pour toute partie ouverte U ⊂ X ;
on dit aussi qu’un tel morphisme φ est OX -linéaire. Avec la composition évidente
de morphismes, les OX -modules et leurs morphismes forment donc une catégorie :
OX − Mod.
On dénote par Γ : OX − Mod → Γ(OX ) − Mod le foncteur qui associe à tout OX -
module M le Γ(OX )-module Γ(M ) = M (X) de ses sections globales, et à tout
morphisme φ : M → M ′ l’application Γ(OX )-linéaire φX : Γ(M ) → Γ(M ′ ).
Noter aussi que pour toute partie ouverte U ⊂ X et tout OX -module M , la
restriction M|U à U est un OU -module, pour OU := (OX )|U (voir l’exemple 3.43) ;
l’on a ainsi un foncteur de restriction bien défini (−)|U : OX − Mod → OU − Mod.
(i) Soit A un anneau et X := Spec A ; montrer que Γ : OX − Mod → A − Mod
admet un adjoint à gauche, qui associe à tout A-module M un OX -module OX ⊗A M .
De même, pour toute application A-linéaire f : M → M ′ on notera OX ⊗A f :
OX ⊗A M → OX ⊗A M ′ le morphisme OX -linéaire induit.
(ii) Soit (X, OX ) un schéma, et M un OX -module. On dit que M est quasi-
cohérent si pour tout x ∈ X il existe un voisinage ouvert affine U de x, un OX (U )-

module M , et un isomorphisme OU -linéaire M|U → OU ⊗OX (U) M . On dénote
OX − Qcoh
la sous-catégorie pleine de OX − Mod dont les objets sont les OX -modules quasi-
cohérents. Montrer les assertions suivantes :
(a) Pour toute partie ouverte U ⊂ X le foncteur de restriction OX − Mod →
OU − Mod induit un foncteur OX − Qcoh → OU − Qcoh (voir la remarque 5.76(ii)).
(b) Si X = Spec A pour un anneau A, le foncteur OX ⊗A − de (i) induit une

équivalence de catégories A − Mod → OX − Qcoh.
5.5.4. Eclatement d’idéaux quasi-cohérents. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal ;
pour plusieurs questions d’algèbre commutative et de géométrie algébrique, on ai-
merait disposer d’un changement de base universel qui rend I inversible, i.e. d’une
A-algèbre B telle que : (a) IB soit un B-module inversible (voir la section 5.2), et
(b) pour toute A-algèbre C vérifiant la même condition, il existe un unique homo-
morphisme de A-algèbres B → C. Malheuresement, une telle A-algèbre n’existe pas
en général ; toutefois, le dernier résultat de cette section montrera que ce problème
universel – convenablement reformulé et généralisé – admet une solution dans la
catégorie des schémas. On va d’abord étendre la notion d’idéal aux espaces annelés :
Définition 5.87. (i) Soit (X, OX ) un espace annelé. Le faisceau OX est muni
d’une structure évidente de OX -module (voir le problème 5.86), et on appelle idéal
de OX tout sous-OX -module de OX .
(ii) Soit (X, OX ) un schéma ; un idéal quasi-cohérent de OX est un idéal de OX
qui est un OX -module quasi-cohérent (voir le problème 5.86(ii)).
(iii) Soit (X, OX ) un espace annelé, et M un OX -module ; on dit que M est
inversible si tout x ∈ X admet un voisinage ouvert U ⊂ X avec un isomorphisme

de (OX )|U -modules (OX )|U → M|U .
Remarque 5.88. (i) Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, et X := Spec A ; l’inclusion
I → A est un monomorphisme de la catégorie des A-modules, donc le morphisme

induit OX ⊗A I → OX ⊗A A → OX est aussi un monomorphisme, d’après le problème
5.86(ii.b). Ainsi OX ⊗A I s’identifie naturellement avec un idéal quasi-cohérent de
226 ä Lion

OX . Réciproquement, pour tout idéal quasi-cohérent I de OX , le A-module I (X)


est un idéal de A, et le OX -module I est naturellement isomorphe à OX ⊗A I (X).
(ii) Soit (X, OX ) un espace annelé, M un OX -module, (N T i | i ∈ I) une famille de
sous-OX -modules de M ; l’on voit aisément que le faisceau i∈I Ni est un sous-OX -
module de M . En particulier, pour tout sous-prefaisceau F ⊂ M , l’intersection
de tous les sous-OX -modules de M contenant F est le plus petit sous-OX -module
contenant F ; on dénote par OX ·F ce sous-OX -module, et on l’appelle le sous-OX -
module de M engendré par F . Explicitement, pour toute partie ouverte U de X,
les U -sections de OX · F sont les s ∈ M (U ) vérifiantes la condition suivante. Tout
t ∈ U admet un voisinage Ut ⊂ U tel que sUt appartient au sous-OX (Ut )-module
de M engendré par F (Ut ) (les détails sont laissés aux soins du lecteur).
(iii) Soit (f, f ♭ ) : (Y, OY ) → (X, OX ) un morphisme d’espaces annelés, et I ⊂
OX un idéal ; alors fe−1 I est un idéal du faisceau d’anneaux fe−1 OX : en effet,
d’un côté l’exactitude du foncteur fe−1 implique que fe−1 I est un sous-faisceau de
fe−1 OX (exercices 3.38(ii) et 3.44), et pour toute partie ouverte U ⊂ Y on a
(∗) (fe−1 I )(U ) = {s ∈ (fe−1 OX )(U ) | sy ∈ (fe−1 I )y ∀y ∈ U }.
De l’autre côté, l’inclusion (fe−1 I )y ⊂ (fe−1 OX )y est naturellement identifiée avec
l’inclusion If (y) ⊂ OX,f (y) (exercice 3.48(ii)) ; comme If (y) est un OX,f (y) -module,
il s’ensuit que (fe−1 I )y est un (fe−1 OX )y -module pour tout y ∈ Y , donc (fe−1 I )(U )
est un (fe−1 OX )(U )-module, compte tenu de (∗), d’où l’assertion.
Soit f ♯ (fe−1 I ) ⊂ OY le prefaisceau tel que f ♯ (fe−1 I )(U ) := fU♯ (fe−1 I (U )) ⊂
OY (U ) pour toute partie ouverte U ⊂ Y ; d’après (ii), ce prefaisceau engendre un
idéal de OY , que l’on dénotera f −1 I ·OY , ou plus simplement I ·OY , si la notation
ne donne pas lieu à des ambiguités.
Exercice 5.89. (i) Soit f : Y → X un morphisme de schémas, I ⊂ OX un idéal
quasi-cohérent. Montrer que I · OY est un idéal quasi-cohérent de OY .
(ii) Soient A un anneau, X := Spec A, et M un OX -module inversible. Montrer
que M := M (X) est un A-module inversible et il existe un isomorphisme de OX -

modules OX ⊗A M → M .
Le théorème suivant fournit la solution de notre problème : la construction dont
il s’agit est sans doute l’une des plus fondamentales de la géométrie algébrique.
Théorème 5.90. Soit X un schéma, I ⊂ OX un idéal quasi-cohérent. Il existe un
X-schéma (E, π : E → X) (voir la remarque 5.82(ii)), déterminé à isomorphisme
unique près de X-schémas par les conditions suivantes :
(i) L’idéal π −1 I · OE est inversible.
(ii) Pour tout espace localement annelé Y := (Y, OY ) et tout morphisme g : Y →
X d’espaces localement annelés tel que g −1 I · OY est inversible, il existe un
unique morphisme d’espaces localement annelés h : Y → E avec π ◦ h = g.
On dit que (E, π) est un éclatement de l’idéal quasi-cohérent I .
Démonstration. L’unicité de l’éclatement de I à isomorphisme unique près de X-
schémas suit formellement comme d’habitude de sa propriété universelle : cp. la
preuve du lemme 2.11(i). Remarquons ensuite :
Affirmation 5.91. Si (E, π) est un éclatement de I , et si U ⊂ X est un sous-schéma
ouvert, la restriction π|U : π −1 U → U est un éclatement de l’idéal I|U de (OX )|U .
Preuve : Posons OU := (OX )|U (resp. Oπ−1 U := (OE )|π−1 U ), et soit i : U :=
(U, OU ) → X (resp. i′ : π −1 U := (π −1 U, Oπ−1 U ) → E) le morphisme naturel
d’inclusion (voir l’exercice 5.73(ii)). Soit aussi Y := (Y, OY ) un espace localement
annelé, et g : Y → U := (U, OU ) un morphisme d’espaces localement annelés tel
§ 5.5: Schémas 227

que g −1 I · OY est inversible ; alors i ◦ g : Y → X est un morphisme d’espaces


localement annelés tel que (i ◦ g)−1 I · OY = g −1 I|U · OY est inversible, d’où un
unique morphisme h : Y → E d’espaces localement annelés avec π ◦ h = i ◦ g. Cela
veut dire que h(Y ) ⊂ π −1 U ; il s’ensuit que le morphisme h se factorise à travers i′ et
un unique morphisme h′ : Y → π −1 U . Il vient i ◦ π|U ◦ h′ = π ◦ i′ ◦ h′ = π ◦ h = i ◦ g,
et par la propriété universelle de i, l’on a alors π|U ◦ h′ = g, et h′ est l’unique
morphisme d’espaces localement annelés vérifiant cette identité. ♦
Soit maintenant U un recouvrement de X, tel que pour tout U ∈ U il existe
un éclatement π U : EU → U de l’idéal I|U de OU := (OX )|U . D’après l’observation
5.91, pour tout U, U ′ ∈ U les restrictions π|U∩U
U U −1
′ : EUU ′ := (π ) (U ∩ U ′ ) →
′ ′
U ∩ U ′ et π|U∩U
U
′ : EU ′ U := (π ) (U ∩ U ′ ) → U ∩ U ′ sont des éclatements du
U −1

même idéal I|U∩U ′ . Il existe alors un unique isomorphisme de (U ∩ U ′ )-schémas


′ ∼ U′
ω UU : (EUU ′ , π|U∩U ′ ) → (EU ′ U , π|U∩U ′ ). De même, pour U, U , U ∈ U , posons
U ′ ′′

EUU ′ U ′′ := EUU ′ ∩ EUU ′′ EU ′ UU ′′ := EU ′ U ∩ EU ′ U ′′ EU ′′ UU ′ := EU ′′ U ∩ EU ′′ U ′


′ ′ ′′ ′′
et V := U ∩U ′ ∩U ′′ . Les morphismes ω UU , ω U U
et ω UU induisent par restrictions
des isomorphismes de V -schémas

ωU U
|V
U
(EUU ′ U ′′ , π|V ) / (EU ′ UU ′′ , π U ′ )
|V
◗◗◗ ♠♠
◗◗◗ ♠ ♠
U U ′′
◗◗◗ ♠♠♠U ′ U ′′
ω|V ◗( v♠♠♠ ω|V
U ′′
(EU ′′ UU ′ , π|V )

et, toujours par l’observation 5.91, les restrictions π|V
U
: EUU ′ U ′′ → V , π|V
U
:
′′
EU ′ UU ′′ → V et π|V
U
: EU ′′ UU ′ → V sont des éclatements de l’idéal I|V de (OX )|V .
′′ ′ ′′ ′ ′
Il s’ensuit que ω|V
UU U U
= ω|V UU
◦ ω|V . Donc, le système (EU , ω UU | U, U ′ ∈ U ) est
une donnée de recollement, et on dénote par E le recollement de la famille E• suivant
les isomorphismes ω •• , comme au lemme 5.83 ; soit aussi (iU : EU → E | U ∈ U )
le co-cône universel pour ce recollement : donc, chaque morphisme de schémas iU
UU ′ U′
identifie EU avec un sous-schéma ouvert de E. Evidemment π|U U
′U ◦ ω = π|UU ′

pour tout U, U ′ ∈ U ; par la propriété universel de E, l’on obtient alors un unique


morphisme π : E → X de schémas tel que π ◦ iU : EU → X soit la composition de
π U avec le morphisme naturel d’inclusion U → X.
Affirmation 5.92. (E, π) est un éclatement de l’idéal I .
Preuve : Soit Y := (Y, OY ) un espace localement annelé et g : Y → X un morphisme
d’espaces localement annelés tel que g −1 I ·OY est inversible ; pour tout U ∈ U l’on
déduit un morphisme d’espaces annelés gU : g −1 U := (g −1 U ) ×Y Y → U (remarque
−1
5.74), et gU I|U est un idéal inversible de (OY )|g−1 U . Donc gU se factorise à travers
π et un unique morphisme d’espaces localement annelés kU : g −1 U → EU ; posons
U

hU := iU ◦ kU : g −1 U → E ∀U ∈ U .
Or, noter que pour tout U, U ′ ∈ U , l’espace annelé g −1 U ∩ U ′ := (g −1 (U ∩U ′ ))×Y Y
est un sous-espace annelé ouvert à la fois de g −1 U et de g −1 U ′ ; on en déduit une

donnée de recollement (g −1 U , τ UU | U, U ′ ∈ U ) si l’on prend pour chaque
′ ∼
τ UU : g −1 (U ∩ U ′ ) ×g−1 U g −1 U → g −1 (U ∩ U ′ ) ×g−1 U ′ g −1 U ′
le morphisme identité (la source et le but de ce morphisme étant justement le même
schéma g −1 U ∩ U ′ ). Il est clair que le recollement de la famille (g −1 U | U ∈ U )
suivant ce système d’isomorphismes τ •• n’est rien d’autre que Y , et le co-cône
universel est constitués des morphismes naturels d’inclusion g −1 U → Y de l’exercice
228 ä Lion

5.73(ii). En dernier lieu, pour tout U, U ′ ∈ U soit kUU ′ : g −1 U ∩ U ′ → EUU ′ la


U′ U ′U
restriction de kU ; noter que π|U∩U
U U
′ ◦ kUU ′ = π|U∩U ′ ◦ kU ′ U = π|U∩U ′ ◦ ω ◦ kU ′ U ,
′ ′
d’où kUU ′ = ω U U
◦ kU ′ U , par la propriété universel de π|U∩U
U U
′ . L’on déduit :

(hU )|g−1 U∩U ′ = (hU ′ )|g−1 U∩U ′ ∀U, U ′ ∈ U


et donc le système de morphismes (hU | U ∈ U ) se recolle en un morphisme d’es-
paces localement annelés h : Y → E ; par construction, il s’agit de l’unique tel
morphisme avec π ◦ h = g : les détails sont laissés aux soins du lecteur. ♦
Avec l’observation 5.92, on est ramené aussitôt au cas où X est un schéma
affine, disons X = Spec A, et I = OX ⊗A I pour un idéal I ⊂ A. Dans ce cas, soit
(aλ | λ ∈ Λ) un système de générateurs de l’ideal I ; pour tout λ ∈ Λ on pose
a   
Bλ := A aµλ | µ ∈ Λ ⊂ A a1λ
la sous-A-algèbre de A[1/aλ ] engendrée par toutes les fractions aµ /aλ ∈ A[1/aλ ].
Aussi, pour tout λ, µ, ν ∈ Λ soit Bλµ := Bλ [aλ /aµ ], la localisation de Bλ qui rend
aµ /aλ inversible, et de même Bλµν := Bλµ [aλ /aν ] ; noter qu’il existe un unique
isomorphisme de A-algèbres
∼    
fλµ : Bλµ → A aaλν , aaµν | ν ∈ Λ ⊂ A aλ1aµ .
−1 ∼
En particulier, posons gλµ := fµλ ◦ fλµ : Bλµ → Bµλ , et pour tout ν ∈ Λ soit
 aλ  ∼
gλµ aν : Bλµν → Bµλν la localisation de gλµ ; il vient :
a     
gµν aλµ ◦ gλµ aaλν = gλν aaµλ ∀λ, µ, ν ∈ I.
Donc, soit Eλ := Spec Bλ et Uλµ := Spec Bλµ pour tout λ, µ ∈ Λ ; l’on obtient
ainsi une donnée de recollement (Eλ , ωλµ | λ, µ ∈ Λ) avec les isomorphismes de

A-schémas ωλµ := Spec gµλ : Uλµ → Uµλ , et on dénote par E le recollement du
système de A-schémas E• suivant les isomorphismes ω•• . Soit (ιλ : Eλ → E | λ ∈ Λ)
le co-cône universel correspondant ; comme d’habitude, l’on voit aussitôt que les
isomorphismes structurels πλ : Eλ → Spec A se recollent en un unique morphisme
de schémas π : E → Spec A tel que π ◦ ιλ = πλ pour tout λ ∈ Λ. Montrons que
(E, π) est un éclatement de l’idéal I . Soit donc g : Y → Spec A un morphisme
d’espaces localement annelés tel que g −1 I · OY est inversible ; on remarque :
Affirmation 5.93. Pour tout y ∈ Y il existe λ ∈ Λ et une partie ouverte U ⊂ Y avec
y ∈ U , tels que pour toute partie ouverte V ⊂ U l’idéal (g −1 I · OY )(V ) de OY (V )
coïncide avec aλ · OY (V ), et l’image de aλ dans OY (V ) est un élément régulier.
Preuve : La description explicite de la remarque 5.88(ii,iii) montre que
(I · OY )y = I · OY,y
où l’on regarde OY,y comme une OX,g(y) -algèbre, via l’homomorphisme local gy♯ :
OX,g(y) → OY,y . Par hypothèse, il existe un voisinage ouvert U ⊂ Y de y avec

un isomorphisme de (OY )|U -modules β : (OY )|U → (I OY )|U . En particulier, β

induit un isomorphisme de OY,y -modules βy : OY,y → I · OY,y . Quitte à remplacer
U par un voisinage ouvert plus petit de y, on trouve alors une partie finie Λ′ ⊂ Λ
et une suite
P(sλ | λ ∈ Λ ) de U -sections de OY tels que βy (1) soit le germe au point

y de s := λ∈Λ′ aλ sλ ∈ (I OY )(U ) ; il s’ensuit que pour U suffisament petit, on


aura aussi βU (1) = s. Notons par my ⊂ OY,y l’idéal maximal ; l’on doit ainsi avoir
×
aλ0 ∈ IOY,y \ my IOY,y pour au moins un indice λ0 ∈ Λ′ , et donc βy−1 (aλ0 ) ∈ OY,y .
Quitte à restreindre U ultérieurement, on trouve alors aussi une suite (a′λ | λ ∈ Λ′ )
de U -sections de OY tels quePaλ = a′λ aλ0 dans (I OY )(U ) pour chaque λ ∈ Λ′ ,
d’où s = aλ0 s′ , avec s′ := λ∈Λ′ aλ sλ . Or, pour toute partie ouverte V ⊂ U ,


l’isomorphisme βV : OY (V ) → (I OY )(V ) est l’application telle que : t 7→ s′ aλ0 t
§ 5.6: Solutions 229

pour tout t ∈ OY (V ) ; l’on conclut que l’image de aλ0 dans OY (V ) doit être un
élément régulier, et aλ0 OY (V ) = (I OY )(V ). ♦
Soit U l’ensemble des parties ouvertes U ⊂ Y telles qu’il existe λ(U ) ∈ Λ avec
(I OY )(U ) = aλ(U) OY (U ) et l’image aλ(U) ∈ OY (U ) de aλ(U) est régulière.
Affirmation 5.94. Pour tout U ∈ U , il existe un unique morphisme d’espaces
localement annelés hU : U → E tel que π ◦ hU = g|U : U → X.
Preuve : Soit φU : A → OY (U ) la composition de gX ♭
: A → OY (Y ) et de la
restriction OY (Y ) → OY (U ) ; ces conditions reviennent à dire que la localisation
OY (U ) → OY (U )[1/aλ(U) ] est injective , et pour tout µ ∈ Λ il existe un unique sµ ∈
OY (U ) tel que φU (aµ ) = sµ aλ(U) . Or, φU se prolonge en un unique homomorphisme
φ′U : A[1/aλ(U) ] → OY (U )[1/aλ(U) ] de A-algèbres, et évidemment φ′U (aµ /aλ(U) ) =
sµ pour tout µ ∈ Λ ; donc φ′U induit par restriction un homomorphisme de A-
algèbres ψU : Bλ(U) → OY (U ), pour chaque U ∈ U . D’après le théorème 5.80, il
existe alors pour tout U ∈ U un unique morphisme d’espaces localement annelés
k U : (U, (OY )|U ) → Eλ(U) tel que Γ(k U ) = ψU .
La construction montre aussitôt que ψU est l’unique homomorphisme de A-algèbres
Bλ(U) → OY (U ), donc k U est l’unique morphisme d’espaces localement annelés tel
que πλ(U) ◦ k U = g|U , et ainsi hU := ιλ(U) ◦ k U est l’unique morphisme d’espaces
localement annelés U → E avec hU (U ) ⊂ ιλ(U) (Eλ(U) ) et tel que π ◦ hU = g|U . Pour
conclure, il suffira donc de montrer que pour tout morphisme d’espaces localement
annelés f : U → E tel que π ◦ f = g|U , on a f (U ) ⊂ ιλ(U) (Eλ(U) ). Or, pour
un tel f et pour µ ∈ Λ, soit V := f −1 (ιµ (Eµ )), de tel façon que f|V : V → E
est la composition de ιµ : Eµ → E et d’un unique morphisme fµ : V → Eµ
d’espaces localement annelés ; l’application γ := Γ(fµ ) : Bµ → OY (V ) est un
homomorphisme de A-algèbres, car πµ ◦ fµ = g|V . D’après l’observation 5.93, on
a (I OY )(V ) = aλ(U) OY (V ), et γ(aλ(U) ) est un élément régulier de OY (V ) ; l’on
déduit que γ(I)·OY (V ) = aλ(U) OY (V ), et la multiplication scalaire par aλ(U) induit

un isomorphisme de OY (V )-modules OY (V ) → aλ(U) OY (V ). D’autre part, noter
que IBµ = aµ Bµ , d’où γ(I) · OY (V ) = γ(aµ ) · OY (V ) ; comme l’on vient de voir
que le OY (V )-module γ(aµ ) · OY (V ) est libre de rang un, l’on conclut que γ(aµ ) est
régulier dans OY (V ), et de plus γ(aλ(U) )/γ(aµ ) ∈ OY (V )× . Donc γ se prolonge en
un homomorphisme de A-algèbres γ ′ : Bµλ → OY (V ), i.e. l’image de fµ est dans
Uµλ(U) ⊂ Eµ ; mais alors f (V ) ⊂ ιµ (Uµλ(U) ) ⊂ ιλ(U) (Eλ(U) ), comme souhaité. ♦
D’après l’observation 5.93, l’ensemble U est un recouvrement de Y , et on a
U ∩ U ′ ∈ U pour tout U, U ′ ∈ U ; au vu de l’observation 5.94, il s’ensuit que

(hU )|U∩U ′ = (hU )|U∩U ′ pour tout U, U ′ ∈ U ; le système (hU | U ∈ U ) se recolle
alors en un morphisme d’espaces localement annelés h : U → E. Par construction,
ce dernier est l’unique tel morphisme avec π ◦ h = g, et cela achève la preuve. 

5.6. Solutions aux exercices et problèmes.


Exercice 5.6, partie (ii) : Par le lemme 5.3(i), il existe un A-module Q tel que
P ⊕ Q est un A-module libre ; il s’ensuit que (B ⊗A P ) ⊕ (B ⊗A Q) = B ⊗A (P ⊕ Q)
est un B-module libre, d’où l’assertion, encore par le lemme 5.3(i).

Compte tenu de l’isomorphisme naturel S −1 A ⊗A P → S −1 P de S −1 A-modules,
la partie (i) suit aussitôt de (ii), et la partie (iii) suit de (ii), du corollaire 5.4(ii) et
du problème 4.63(ii.b).

Exercice 5.10, partie (i) : On fixe une suite de nombres réels (tn | n ∈ N) stricte-
ment décroissante qui tend vers 0, et avec t0 < 1. Pour tout n ∈ N soit fn : [0, 1] → R
230 ä Lion

la fonction continue telle que




0 si x ≤ tn+1
fn (x) = (x − tn+1 ) · (tn − tn+1 )−1 si tn+1 < x < tn


1 si x ≥ tn .
Or, si g ∈ I, il existe n ∈ N tel que [0, tn ] ⊂ f −1 (0), et on voit aisément que g ·fk = g
pour tout k ≥ n, donc la famille (fn+1 | n ∈ N) est un système de générateurs de
I. Evidemment, on obtient une application A-linéaire surjective φ : A(N) → I si on
pose φ(en ) := fn+1 pour tout n ∈ N (où (en | n ∈ N) est la base canonique).
Partie (ii) : Notons aussi f−1 : [0, 1] → R la fonction identiquement nulle. On
remarque que
(∗) fn+k · fn = fn pour tout k ≥ 1 et tout n ≥ −1.
On considère l’application A-linéaire
ψ : A → AN : g 7→ (gn := g · (fn − fn−1 ) | n ∈ N).
On pose t−1 := 2 ; noter que pour tout n ∈ N on a
(fn − fn−1 )(x) 6= 0 ⇔ tn+1 < x < tn−1 .
Or, si g ∈ I, on déduit qu’il existe ng ∈ N tel que gi = 0 pour tout i > ng . Donc, ψ
se restreint en une application ψ ′ : I → A(N) . De plus, au vu de (∗) on calcule :
ng ng ng
X X X

φ ◦ ψ (g) = gi fi+1 = g · (fi − fi−1 ) · fi+1 = gi = g · fng = g
i=0 i=0 i=0

donc ψ ′ est l’inverse à droite souhaitée. Evidemment ψ ′ est injective et A(N) =


Im(ψ ′ ) ⊕ Ker(φ), donc I est bien projectif, par le lemme 5.3(i).
Partie (iii) : Plus généralement, un idéal J 6= 0 d’un anneau R est un R-module
libre si et seulement s’il est principal et engendré par un élément régulier. En
effet, la condition est évidemment suffisante. D’autre part, soit ω : A(Λ) → J
un isomorphisme de A-modules ; si J n’est pas principal, Λ contient deux élé-
ments distincts λ, λ′ , mais si (eλ | λ ∈ Λ) dénote la base canonique de A(Λ) , on
a ω(eλ′ ) · eλ − ω(eλ ) · eλ′ ∈ Ker h, contradiction. Donc ω est un isomorphisme

A → J, et ω(1) doit être régulier.
Il reste donc juste à montrer que I n’est pas principal. Mais si g ∈ I, il existe
t ∈ (0, 1] tel que [0, t] ⊂ g −1 (0), et la même condition est vérifiée pour tout multiple
de g ; d’autre part, évidemment il existe h ∈ I tel que h(t) 6= 0, d’où l’assertion.
Remarque 5.95. J’ai trouvé l’exercice précédent dans les notes d’un cours de Pete
Clark (de la University of Georgia), où il est attribué à Kaplansky (voir la page web
http://www.math.uga.edu/∼pete/MATH8020.html). Son intérêt, entre autres, est
de montrer qu’un module projectif n’est pas forcément somme directe de modules
projectifs de type fini : en effet, on montrera avec le théorème de Swan 5.41 que
tout module projectif de type fini sur l’anneau C ([0, 1]) est libre : voir le problème
5.48 pour un énoncé plus général.
Exercice 5.11, partie (i) : Soit Q un A-module de type fini tel que L := P ⊕ Q
est libre de rang fini (lemme 5.3(ii)). On a déjà vu que SymrA L est libre de rang fini
L
(remarque 4.70(ii)) isomorphe à i+j=r SymiA P ⊗A SymjA Q (problème 4.69(iii)) ;
ce dernier contient le facteur direct SymrA P ⊗A Sym0A Q ≃ SymrA P , d’où l’assertion,
par le lemme 5.3(ii). Le même argument s’applique à ΛrA P .
Partie (ii) : Il suffit de montrer que (Λr+1A P )p = 0 pour tout p ∈ Spec A (pro-

position 4.42). Mais par l’exercice 4.72 on a un isomorphisme naturel (Λr+1A P )p →
Λr+1
Ap (Pp ), donc on est ramené au cas où A est un anneau local et P est un A-module
§ 5.6: Solutions 231

libre de rang ≤ r. Il suffit alors d’invoquer la remarque 4.70(ii).

Exercice 5.12 : On peut supposer que le rang de P soit localement constant sur
Spec A, et on va vérifier que P est projectif. Pour cela, soit p ∈ Spec A ; il suffit de
montrer qu’il existe s ∈ A\ p tel que Ps soit un As -module libre de rang r := rkP (p)
(théorème 5.7). Or, soit φ : Ar → P une application A-linéaire induisant un isomor-

phisme k(p)⊗A φ : k(p)r → P (p) ; en particulier, p ∈/ SuppA (Coker φ), donc il existe
t ∈ A\ p tel que At ⊗A Coker φ = 0 (remarque 4.46(ii)). D’autre part, par hypothèse
il existe t′ ∈ A \ p tel que rkP (q) = r pour tout q ∈ D(t), et on pose s := tt′ . Soit
Q := Ker φ ; l’on déduit, pour tout q ∈ Spec As , une suite exacte de k(q)-espaces
jq
vectoriels Q(q) −→ k(q)r → P (q) → 0. Mais par hypothèse dimk(q) P (q) = r, donc
jq = 0 ; cela veut dire que Qs ⊂ q · Ars pour tout q ∈ Spec As , i.e. Qs ⊂ N (As ) · Ars .
Mais As est réduit (exercice 2.34), et alors Qs = 0 d’où l’assertion.

Exercice 5.13, partie (i), (a) : Si L est libre de rang fini, e1 , . . . , er une base fixée
de L, et L∨ son dual (voir l’exemple 1.46), ρA,N,L est l’application
N ⊗A L∨ → HomA (L, N ) n ⊗ φ 7→ (l 7→ n · φ(l)).
On vérifie aisément que ρA,N,L est bijective, et son inverse est l’application
HomA (L, N ) → N ⊗A L∨ f 7→ f (e1 ) ⊗ e∗1 + · · · + f (er ) ⊗ e∗r .
Ensuite, pour tout couple de A-modules P1 , P2 et pour j = 1, 2 notons par ij :
Pj → P1 ⊕ P2 l’inclusion ; on a un isomorphisme naturel de A-modules

HomA (P1 ⊕ P2 , N ) → HomA (P1 , N ) ⊕ HomA (P2 , N ) f 7→ (f ◦ i1 , f ◦ i2 )

dont un cas particulier est l’isomorphisme (P1 ⊕ P2 ) → P1∨ ⊕ P2∨ de modules

duaux. Par naturalité de ρ, il s’ensuit un diagramme commutatif


ρA,N,P1 ⊕P2
N ⊗A (P1 ⊕ P2 )∨ / HomA (P1 ⊕ P2 , N )

 ρA,N,P1 ⊕ρA,N,P2 
(N ⊗A P1∨ ) ⊕ (N ⊗A P2∨ ) / HomA (P1 , N ) ⊕ HomA (P2 , N )

dont les flèches verticales sont des isomorphismes. Or, si P est projectif de type fini,
il existe un A-module Q tel que L := P ⊕ Q soit libre de rang fini (lemme 5.3(ii)),
et on vient de voir que ρA,N,L est bijective ; donc de même pour ρA,N,P et ρA,N,Q .
En dernier lieu, pour M et N arbitraires et P toujours projectif de type fini, on
voit aisément que le diagramme suivant est commutatif :
N ⊗A M ⊗A❙P ∨
❦❦ ❙❙❙❙
N ⊗A ρA,M,P ❦❦ ❦
❦ ρA,N ⊗A M,P
❙❙
❦❦❦ ❙❙❙❙
❦❦ ❙❙❙❙
u❦❦❦❦ ρM,N,P )
N ⊗A HomA (P, M ) / HomA (P, N ⊗A M )

Mais on vient de voir que ρA,M,P et ρA,N ⊗A M,P sont des isomorphismes, donc de
même pour ρM,N,P .
(b) : Soient N1 , N2 , M des A-modules ; pour j = 1, 2 notons pj : N1 ⊕ N2 → Nj
la projection et πj := pj ⊗A M ; par naturalité de ρ, l’on déduit un diagramme
commutatif :
(N1 ⊕ N2 ) ⊗A HomA (P, M ) / (N1 ⊗A HomA (P, M )) ⊕ (N2 ⊗A HomA (P, M ))

ρM,N1 ⊕N2 ,P ρM,N1 ,P ⊕ρM,N2 ,P


 
HomA (P, (N1 ⊕ N2 ) ⊗A M ) / HomA (P, N1 ⊗A M ) ⊕ HomA (P, N2 ⊗A M )
232 ä Lion

dont la flèche horizontale en haut est l’isomorphisme canonique de l’exercice 4.5(iii),


et celle en bas est l’isomorphisme qui associe à tout homomorphisme f : P →
(N1 ⊕N2 )⊗A M le couple (π1 ◦f, π2 ◦f ). D’autre part, une inspection directe montre
que ρM,A,P est un isomorphisme pour tout A-module M et P ; en raisonnant par
récurrence sur le rang, il s’ensuit que ρM,L,P est un isomorphisme pour tout M ,
tout P et tout A-module L libre de rang fini. Puis, si N est projectif de type fini, on
chosit un A-module Q tel que N ⊕Q soit libre, donc ρM,N ⊕Q,P est un isomorphisme,
et grâce au diagramme ci-dessus on conclut de même pour ρM,N,P et ρM,Q,P .
(c) : D’après le théorème 4.65 de Lazard, N est la limite directe d’un système
filtré (Nλ | λ ∈ Λ) de A-modules libres de rang fini. Par naturalité de ρ, l’on déduit
un diagramme commutatif

lim ρM,Nλ ,P
−→
λ∈Λ
lim Nλ ⊗A HomA (P, M ) / lim HomA (P, Nλ ⊗A M )
−→ −→
λ∈Λ λ∈Λ

 ρM,N,P 
N ⊗A HomA (P, M ) / HomA (P, N ⊗A M )

dont la flèche verticale à gauche est un isomorphisme de A-modules, car le foncteur


− ⊗A HomA (P, M ) admet un adjoint a droite (proposition 3.25(ii)) ; si de plus P est
de présentation finie, aussi la flèche verticale à droite est un isomorphisme (exercice
4.9(i)). On est donc ramené à montrer que ρM,Nλ ,P est un isomorphisme pour tout
λ ∈ Λ, ce qui est un cas particulier de (b).
(d) : Par hypothèse on peut trouver n, m ∈ N et un complexe exact Am → An →
N → 0 ; l’on déduit un diagramme commutatif

Am ⊗A HomA (P, M ) / An ⊗A HomA (P, M ) / N ⊗A HomA (P, M ) /0

ρM,Am ,P ρM,An ,P ρM,N,P


  
HomA (P, Am ⊗A M ) / HomA (P, An ⊗A M ) / HomA (P, N ⊗A M ) /0

dont la ligne horizontale en bas est exacte, car P est projectif et le foncteur − ⊗A M
est exact à droite, et de même pour celle en haut, car le foncteur − ⊗A HomA (P, M )
est exact à droite. Grâce à l’exercice 3.54, on est donc ramené à montrer que
ρM,Am ,P et ρM,An ,P sont des isomorphismes, ce qui est un cas particulier de (b).
(e) : Pour tout ensemble S, soit F (S) l’ensemble des parties finies de S, partiel-
lement ordonné par inclusion ; évidemment F (S) est filtré et on voit aisément que

A(S) est la limite directe du système filtré (A(S ) | S ′ ∈ F (S)). De plus, on a des

identifications naturelles A(T ) ⊗A M → M (T ) pour toute partie T ⊂ S, et si P est
un A-module de type fini, le co-cône induit


(HomA (P, M (S ) ) → HomA (P, M (S) ) | S ′ ∈ F (S))

est universel. En effet, si x1 , . . . , xn est un système fini de générateurs de P , pour


toute application A-linéaire f : P → M (S) on peut trouver S ′ ∈ F (S) tel que

f (x1 ), . . . , f (xn ) ∈ A(S ) ⊗A M , et alors f est l’image dans HomA (P, M (S) ) d’une

classe [f ′ , S ′ ], pour un unique homomorphisme f ′ : P → M (S ) (avec la notation
de l’exercice 3.12) ; d’autre part, deux classes [f ′ , S ′ ] et [f ′′ , S ′′ ] ont la même image
dans HomA (P, M (S) ) si et seulement s’ils sont égales : détails laissés aux soins du
§ 5.6: Solutions 233

lecteur. L’on obtient donc un diagramme commutatif

′ ρ′ ′
lim
−→
A(S ) ⊗A HomA (P, M ) / lim
−→
HomA (P, M (S ) )
S ′ ∈F (S) S ′ ∈F (S)

 ρM,A(S) ,P 
A(S) ⊗A HomA (P, M ) / HomA (P, M (S) )

dont les flèches verticales sont des isomorphismes, et où ρ′ est la limite directe
du système (ρM,A(S′ ) ,P | S ′ ∈ F (S)). D’après (b) on sait que ρM,A(S′ ) ,P est un
isomorphisme pour tout S ′ ∈ F (S) ; il s’ensuit que ρM,A(S) ,P est un isomorphisme,
pour tout ensemble S et P de type fini. Puis, en raisonnant comme dans (b), l’on
déduit que ρM,N,P est encore un isomorphisme si N est projectif et P de type fini.
Partie (ii) : L’application en question est la composition de ρM,B,P et de l’iso-

morphisme canonique HomA (P, B⊗A M ) → HomB (B⊗A P, B⊗A M ) de la remarque
4.13(i) ; l’assertion suit donc aussitôt de (i).
Partie (iii) : Pour tout couple de A-modules M, N on a une identification natu-

relle ωM,N : (M ⊕N )∨∨ → M ∨∨ ⊕N ∨∨ , car le foncteur (−)∨∨ : A−Mod → A−Mod
est évidemment additif (voir la remarque 4.51(ii)), et la naturalité de l’application
de bidualité β : 1A−Mod → (−)∨∨ implique aisément que

(∗) ωM,N ◦ βM⊕N = βM ⊕ βN : M ⊕ N → M ∨∨ ⊕ N ∨∨ .

Or, si P est projectif de type fini, il existe un A-module Q, aussi projectif de


type fini, tel que P ⊕ Q soit libre de rang fini (lemme 5.3(ii)) ; par l’exemple 1.51
il s’ensuit que βP ⊕Q est un isomorphisme, donc de même pour βP et βQ , grâce à (∗).

Problème 5.18, partie (i) : Soit M ′ ⊂ M un Z-sous-module cyclique non nul ; on


trouve aisément une application Z-linéaire non nulle M ′ → Q/Z, qui se prolonge
en une application Z-linéaire M → Q/Z, car Q/Z est injectif. Cela montre que si
M 6= 0 on a M ∗ 6= 0, et l’assertion réciproque est triviale. Or, comme Q/Z est un
Z-module injectif, le foncteur (−)∗ transforme suites exactes courtes de A-modules
en suites exactes courtes, donc il est exact, par le dual de la proposition 4.52(ii).
Pour montrer qu’il est fidèle, considérons une application A-linéaire φ : M → M ′
telle que φ∗ = 0 ; il suffit de montrer que φ = 0. Pour cela, on factorise φ comme
la composition d’un épimorphisme π : M → φ(M ) et d’un monomorphisme j :
φ(M ) → M ′ ; il vient φ∗ = π ∗ ◦ j ∗ et par ce qui précède π ∗ est injective et j ∗ est
surjective. Donc j ∗ = 0, et cela montre que φ(M )∗ = 0, d’où φ(M ) = 0, CQFD.
Partie (ii) : Soit φ : M → N une application A-linéaire injective. On obtient un
diagramme commutatif de A-modules
φ∗
HomA (N, P ∗ ) / HomA (M, P ∗ )

 (φ⊗A P )∗ 
(N ⊗A P )∗ / (M ⊗A P )∗

dont les flèches verticales sont les isomorphismes canoniques de l’exercice 4.16.
Or, P est un A-module plat si et seulement si φ ⊗A P est injective pour toute φ
comme ci-dessus. Par la partie (i), cette condition est vérifiée si et seulement si
(φ ⊗A P )∗ est surjectif pour toute telle φ. La commutativité du diagramme nous dit
que cette dernière condition est à son tour vérifiée si et seulement si l’application
φ∗ : HomA (N, P ∗ ) → HomA (M, P ∗ ) est surjective pour toute φ comme ci-dessus.
Finalement, cela équivaut à dire que P ∗ est un A-module injectif.
234 ä Lion

Partie (iii) : On voit aisément que l’application


P ∗ × M → HomA (M, P )∗ (f, m) 7→ (h 7→ f ◦ h(m))
est A-bilinéaire, donc se factorise comme d’habitude à travers une unique applica-
tion A-linéaire σP,M comme souhaitée. Soit φ : M → M ′ un homomorphisme de
A-modules ; la naturalité de σP revient à la commutativité du diagramme suivant :
σP,M
P ∗ ⊗A M / HomA (M, P )∗

P ∗ ⊗A φ HomA (φ,P )∗
 σP,M ′ 
P ∗ ⊗A M ′ / HomA (M ′ , P )∗

où HomA (φ, P )∗ associe à toute application Z-linéaire h : HomA (M, P ) → Q/Z


l’application h′ : HomA (M ′ , P ) → Q/Z telle que h′ (f ) := h(f ◦ φ) pour tout
f : M ′ → P . Cela suit aussitôt d’une inspection directe.
Partie (iv) : Soit M de présentation finie et L′ → L → M → 0 une suite exacte
avec L′ et L libres de rang fini ; on obtient un diagramme commutatif
P ∗ ⊗A L′ / P ∗ ⊗A L / P ∗ ⊗A M /0
σP,L′ σP,L σP,M
  
HomA (L′ , P )∗ / HomA (L, P )∗ / HomA (M, P )∗ /0

dont la ligne horizontale en haut est exacte, d’après la proposition 4.7, et de même
pour celle en bas, par la proposition 2.62 et l’injectivité du Z-module Q/Z (voir
l’exemple 5.17). Par le lemme des cinq (voir l’exercice 3.54), il suffit donc de montrer
que σP,L et σP,L′ sont des isomorphismes, i.e. on peut supposer que M soit libre
de rang fini. De plus, les foncteurs P ∗ ⊗A − et HomA (−, P )∗ sont additifs, donc ils
commutent avec les sommes directes finies (remarque 4.51(ii)), et d’autre part on
vient de voir que σP est une transformation naturelle ; on est alors ramené aisément
au cas où M est libre de rang un, i.e. on doit vérifier que σP,A est un isomorphisme.
Pour cela il suffit d’observer que l’on a un diagramme commutatif
σP,A
P ∗ ⊗A ❏A / HomA (A, P )∗
❏❏ q
❏❏❏
qq qq∗q
ω ′ ❏❏$ xqqq µ
P∗
où ω ′ est l’isomorphisme canonique fourni par l’exercice 4.5(ii) et µ∗ est le dual de

Pontryagin de l’isomorphisme naturel µ : P → HomA (A, P ).
Partie (v) : Soit p : N1 → N2 un homomorphisme surjectif de A-modules. On
déduit aisément un diagramme commutatif
σN2 ,M
N2∗ ⊗A M / HomA (M, N2 )∗

p∗ ⊗A M (p∗ )∗
 σN1 ,M 
N1∗ ⊗A M / HomA (M, N1 )∗

où (p∗ )∗ est le dual de Pontryagin de l’application induite


p∗ : HomA (M, N1 ) → HomA (M, N2 ).
Or, si M est de présentation finie, σN2 ,M et σN1 ,M sont des isomorphismes, par
(iv). De plus, par (i) on sait que p∗ est injectif, car p est surjectif, et si M est plat,
il s’ensuit que p∗ ⊗A M est injectif, donc de même pour (p∗ )∗ . On déduit que p∗
est surjectif (toujours grâce à (i)), donc M est un A-module projectif.
§ 5.6: Solutions 235

Exercice 5.22 : On voit aisément que si ψ est une extension essentielle, il en


est de même pour chaque ψi . Pour l’assertion réciproque, par récurrence sur n, on
est ramené au cas où n = 2. Soit alors x := (x1 , x2 ) ∈ N = N1 ⊕ N2 ; il suffit
d’exhiber a ∈ A et y ∈ M = M1 ⊕ M2 tels que y 6= 0 et ax = ψ(y). Mais comme
ψ1 : M1 → N1 est une extension essentielle, on trouve a1 ∈ A et y1 ∈ M1 \ {0} tels
que a1 x1 = ψ1 (y1 ). Si a1 x2 = 0, on prend a := a1 et y = (y1 , 0). Si a1 x2 6= 0, il
existe a2 ∈ A et y2 ∈ M2 \ {0} tels que a2 a1 x2 = ψ2 (y2 ) ; dans ce cas, on prend
a := a2 a1 et y = (a2 y1 , y2 ).

Exercice 5.33, partie (i) : Supposons, par l’absurde, qu’il existe a ∈ A non nul
et non inversible qui n’est pas un produit d’éléments premiers. On va construire
par récurrence des suites (an , pn | n ∈ N) d’éléments de A, avec pn premier et
an = pn an+1 pour tout n ∈ N. Pour cela, on pose a0 := a et p−1 := 1 ; ensuite,
supposons que n ≥ 0 et ai et pi−1 ont déjà été exhibés pour i = 0, . . . , n. On
Qn−1
remarque que a = an · i=−1 pi . Il s’ensuit que an n’est ni premier ni inversible, car
sinon on aurait une factorisation pour a comme produit de premiers. Donc, il existe
un idéal premier pn A avec an ∈ pn A (corollaire 1.23), i.e. an = pn an+1 pour
S quelque
an+1 ∈ A. Noter que an A ⊂ an+1 A pour tout n ∈ N, et on pose I := n∈N an A ;
par hypothèse il existe b ∈ I avec I = bA, et évidemment on peut trouver n ∈ N
tel que b ∈ an A. Donc an+1 A = an A, i.e. a−1 n+1 an ∈ A , contradiction.
×

Partie (ii) : Montrons
√ d’abord que les inversibles de √ A := Z[ −5] sont les
éléments z := a + b −5 tels que z · z̄ = 1 (avec z̄ := a − b −5). En effet, comme
z̄ ∈ A, la condition est évidemment suffisante ; d’autre part, si zw = 1 pour quelque
w ∈ A, il vient z z̄ww̄ = 1, et comme z z̄, ww̄ ∈ N, on voit que z z̄ = 1. Or, z z̄ =
a2 √+ 5b2 , donc A× = {1, −1}. Montrons ensuite que 2 ne se factorise pas dans A :=
Z[ −5] comme produit de deux éléments non inversibles. En effet, si 2 = zw avec
z, w ∈ A, on a 4 = z z̄ww̄, et on vient de voir que z z̄, ww̄ > 1, d’où z z̄ = ww̄ = 2 ;
mais l’équation 2 = a2 + 5b2 n’a aucune solution entière. Si A était √ factoriel,
√ son
élément 2 serait donc√ premier ; mais,
√ on a la factorisation 2·3 = (1+ −5)(1− −5)
et 2 ne divise ni 1 + −5 ni 1 − −5 dans A, contradiction.

Remarque 5.96. Avec √ la notation de l’exercice √ 5.33(ii), noter que 2 et 1√+ −5
divisent 6 dans Z[ −5], et le pgcd de 2 et 1 + −5 est 1, mais 2 · (1 + −5) ne
divise
√ pas 6. Compte tenu de √ la remarque 5.28(iii), il s’ensuit que le ppcm de 2 et
1 + −5 n’existe pas dans Z[ −5].
Problème 5.34, partie (i) : On peut adapter sans peine la preuve des assertions
correspondantes pour les anneaux Z et K[X] (avec K un corps), qui en sont des
cas particuliers : voir l’exemple 1.1.
Partie (ii) : On considère l’application
√ √
|| · || : Z[i n] → N z := a + ib n 7→ z · z̄ = a2 + nb2 (n = 1, 2).
√ √ √
Or, soient z := a + ib n√et u := c + id n deux éléments non nuls de Z[i n] ; il
suffit d’exhiber q, r ∈ Z[i n] tels que z = uq +r et ||r|| < ||u||. Pour cela, supposons
d’abord que d = 0, donc u = c est un entier et on trouve q1 , q2 , r1 , r2 ∈ Z tels que
|c| |c|
a = q1 c + r1 b = q2 c + r2 − ≤ |r1 |, |r2 | ≤
2 2
où | · | dénote
√ la valeur absolue √
usuelle des nombres réels. On vérifie aisément que
q := q1 + iq2 n et r := r1 + √ir2 n conviennent. Pour un u général, ce qui précède
montre qu’il existe q, r ∈ Z[i n] tels que
z ū = quū + r′ avec ||r′ || < ||uū||.
On pose r := z − qu et on trouve ||r|| = ||r′ /ū|| < ||u||, comme souhaité.
236 ä Lion

Partie (iii) : La cardinalité du groupe abélien (Z/pZ)× est p − 1, donc ȳ p−1 = 1


pour toute classe ȳ ∈ (Z/pZ)× , et z̄ := ȳ (p−1)/2 satisfait l’équation z̄ 2 = 1 ; mais
comme Z/pZ est un corps, cette équation n’admet que les solutions 1 et −1. Si
ȳ (p−1)/2 = 1 pour tout ȳ ∈ (Z/pZ)× , le polynôme X (p−1)/2 − 1 aurait p − 1 racines
distinctes dans le corps Z/pZ, ce qui est absurde. Donc il existe ȳ tel que ȳ (p−1)/2 =
−1 ; noter que (p−1)/2 est un entier pair par hypothèse, donc x̄ := ȳ (p−1)/4 satisfait
l’équation x̄2 = −1, d’où l’assertion.
Partie (iv) : Soit p ≡ 1 (mod 4) ; d’après (iii), on sait déjà qu’il existe x ∈ Z tel
que p|x2 +1. Mais x2 +1 = (x+i)·(x−i), et p ne divise aucun des facteurs de cette dé-
composition, donc p n’est pas premier dans Z[i]. On a alors p = (a+ib)·(d+ie) pour
des éléments non inversibles a+ ib, d+ ie de Z[i]. On déduit p2 = (a2 + b2 )·(d2 + e2 ),
d’où a2 +b2 ∈ {1, p, p2 }. Mais a+ib 6= 1, car a+ib n’est pas inversible. Si a2 +b2 = p2 ,
on aurait d2 +e2 = 1 ; c’est absurde, car d+ie n’est pas inversible. Donc a2 +b2 = p.
Réciproquement, si p est un entier impair qui s’écrit sous la forme p = a2 + b2 avec
a, b ∈ N, l’un des a, b doit être pair, et l’autre doit être impair. Disons que a est
impair et b est pair ; il vient p ≡ a2 ≡ 1 (mod 4).

Problème 5.36, partie (i) : Il suffit de montrer que si un premier p de A divise


P · Q, alors p divise P ou Q. Mais l’identification A[X]/pA[X] = (A/p)[X] montre
que p est premier dans A[X], donc l’assertion est claire.
Partie (ii) : Par récurrence sur n ∈ N, on se ramène aisément au cas n = 1.
Soit donc P ∈ A[X] un polynôme primitif de degré > 0, notons par K le corps des
fractions de A, et soit P = Q1 · · · Qk une factorisation de P comme produit de poly-
nômes irréductibles de K[X]. Pour chaque i = 1, . . . , k, on peut trouver ai ∈ K × tel
que Ri := ai Qi soit un polynôme primitif de A[X] (détails laissés au lecteur), et on
pose a := a1 · · · ak ; par (i), il s’ensuit que aP = R1 · · · Rk est encore un polynôme
primitif de A[X], d’où a ∈ A× . Donc, P = a−1 R1 · · · Rk est une factorisation de
P comme produit de polynômes primitifs et irréductibles, et plus généralement, on
voit que tout polynôme de A[X] se factorise comme un produit d’éléments premiers
de A et de polynômes qui sont à la fois primitifs dans A[X] et irréductibles dans
K[X]. Or, si p ∈ A est premier, la preuve de (i) montre que p est encore premier
dans A[X] ; il reste à vérifier que tout polynôme P primitif irréductible est premier
dans A[X]. Soient alors Q1 , Q2 ∈ A[X] primitifs et b ∈ A \ {0} tels que P divise
b · Q1 · Q2 dans A[X] ; on sait déjà que K[X] est factoriel, donc P divise un des
facteurs Q1 , Q2 dans l’anneau K[X]. Soit R ∈ K[X] avec P · R = Q1 ; on trouve
a ∈ K × tel que aR soit un polynôme primitif de A[X], et par (i) il s’ensuit que
aQ1 ∈ A[X] est encore primitif, donc a ∈ A× et finalement R ∈ A[X], i.e. P divise
Q1 dans l’anneau A[X], comme souhaité.

Exercice 5.39, partie (i) : On peut adapter sans peine la solution de l’exercice
3.14 ; les détails seront laissés aux soins du lecteur.
Partie (ii) : Au vu de (i) et de l’exercice 3.14, il suffit montrer que Γ(t, E) est
un OT,t -module de rang r := rkE (t). Pour cela, choisissons un voisinage ouvert U

de t dans T avec une trivialisation φ : Rr × U → EU ; l’on déduit un isomorphisme

de OT,t -modules Γ(t, φ) : Γ(t, Rr × U ) → Γ(t, EU ) = Γ(t, E), donc on peut supposer
que E soit trivial de rang r, et dans ce cas l’assertion est évidente.
Partie (iii) : L’application C (T )/m ⊗C (T ) ω̃t,E induit un isomorphisme :
∼ ∼
ω̄t,E : Γ(E)/mΓ(E) → Γ(E)m /mΓ(E)m → Γ(t, E)/mΓ(t, E)
pour tout fibré vectoriel E (voir l’exemple 4.22(ii)), et au vu de (ii), on déduit que
dimR Γ(E)/mΓ(E) = rkE (t). L’application d’évaluation en t :
εt,E : Γ(E) → Et s 7→ s(t)
§ 5.6: Solutions 237

est évidemment R-linéaire, et son noyau contient mΓ(E) ; donc εt,E induit une
application R-linéaire ε̄t,E : Γ(E)/mΓ(E) → Et qui définit une transformation na-
turelle de foncteurs Γ/mΓ → (−)t , et il suffit de montrer que ε̄t,E est surjective pour
−1
tout fibré vectoriel E. Mais la composition ε̄t,E ◦ ω̄t,E : Γ(t, E)/mΓ(t, E) → Et est
l’application d’évaluation [U, s] 7→ s(t) ; or, si E admet une trivialisation locale sur
un voisinage U de t, il est évident que l’analogue application Γ(EU ) → EU,t = Et
−1
d’évaluation en t est surjective, donc de même pour ε̄t,E ◦ ω̄t,E , d’où l’assertion.

Exercice 5.43 : Le An -module Pn est de présentation finie, donc il suffit de


montrer que la localisation Pn,p est un An,p -module libre de rang n pour tout
p ∈ Spec An (corollaire 5.4(ii)). Or, on voit aisément qu’il existe i ≤ n P + 1 tel que
Xi ∈/ p, et donc Qn,p est le An,p -module engendré par e′i := ei + Xi−1 · j6=i Xj ej .
Posons aussi e′j := ej pour tout j = 1, . . . , i − 1, i + 1, . . . , n + 1 ; évidemment le sys-
n+1
tème e′1 , . . . , e′n+1 est une base du An,p -module libre An,p , et Pn,p = An,p /An,p e′i ,
d’où l’assertion.

Exercice 5.44, partie (i) : Prenons d’abord A0 := Z ; comme l’anneau An :=


Z[X1 , . . . , Xn+1 ] est factoriel (voir le problème 5.36(ii)), il suffit dans ce cas de
montrer que le polynôme P := X12 + · · · + Xn+1 2
− 1 est irréductible dans An .
Supposons par l’absurde qu’il existe Pn+1 des polynômes QP1 , Q2 ∈ An de degré 1 avec
n+1
P = Q1 Q2 , et disons Q1 = a + i=1 bi Xi , Q2 = a′ + i=1 b′i Xi ; il vient

bi b′i = 1 ∀i = 1, . . . , n + 1 et bi b′j + b′i bj = 0 ∀i 6= j

d’où 0 = bi bj · (bi b′j + b′i bj ) = b2i + b2j i.e. bi = bj = 0 pour tout i 6= j, contradiction.
Noter que le même raisonnement s’applique au cas où A0 = R. Noter aussi que
l’homomorphisme Z → An /P An est injectif ; comme An /P An est intègre, il s’ensuit
que An /P An est un Z-module sans torsion, donc aussi un Z-module plat (exercice
4.60(ii)). Soit maintenant A0 ⊂ R un sous-anneau général ; par ce qui précède
l’homomorphisme induit An = A0 ⊗Z An /P An → R ⊗Z An /P An est injectif. Mais
on vient de remarquer que R ⊗Z An /P An est intègre, donc An est intègre.
Partie (ii) : Grâce au lemme 5.29(ii) on peut supposer que 2 ∈ A0× . On considère
l’homomorphisme de A0 -algèbres

f : A1 → A := C (S 1 ) X1 7→ sin x X2 7→ cos x

(on identifie A avec l’anneau des fonctions R → R continues et périodiques de


période 2π, comme dans l’exemple 5.8). L’exemple 5.8 nous a montré que le A-sous-
module P de C (R) engendré par v1 := cos(x/2) et v2 := sin(x/2) est inversible,

et plus précisément on a un isomorphisme ω : A2 → P ⊕ P de A-modules tel
que (1, 0) 7→ φ := (v1 , v2 ) et (0, 1) 7→ ψ := (−v2 , v1 ) et ω −1 est l’application
ρ := (ρ1 , ρ2 ) 7→ (hρ, φi, hρ, ψi), où h·, ·i : (P ⊕ P ) × (P ⊕ P ) → A est induit par le
produit scalaire standard de R2 . Soit π : P ⊕ P → P la projection sur le premier
facteur. La composition p := ω −1 π ◦ ω : A2 → A2 est un projecteur (i.e. p ◦ p = p)
dont le noyau est isomorphe à P . Explicitement, on a

p(1, 0) = (h(v1 , 0), φi, h(v1 , 0), ψi) = (cos2 (x/2), − cos(x/2) · sin(x/2))
p(0, 1) = (h(−v2 , 0), φi, h(−v2 , 0), ψi) = (− sin(x/2) · cos(x/2), sin2 (x/2)).

Compte tenu des identités trigonometriques élémentaires :

cos x = 1 − 2 sin2 (x/2) sin x = 2 sin(x/2) · cos(x/2)


238 ä Lion

2 ), f (− 2 )) et p(0, 1) = (f (− 2 ), f ( 2 ).
on peut écrire aussi : p(1, 0) = (f (( 1+X1 X2 X2 1−X1

Considérons alors l’application A1 -linéaire A12 → A12 donnée par la matrice :


 
(1 + X1 )/2 −X2 /2
M := .
−X2 /2 (1 − X1 )/2

(On utilise ici l’hypothèse 2 ∈ A0× ). On voit aisément que M 2 = M , donc A12 =
Ker(Id2 − M ) ⊕ Ker(M ), où Id2 est la matrice identique de taille 2 × 2. Soit
Q := Ker M ; donc Q est un A1 -module projectif, et son rang est une constante
r ≤ 2, car A1 est intègre par (i). Par construction, le A-module A ⊗A1 Q est iso-
morphe à P . Comme P est inversible et non libre, il s’ensuit que Q ne peut pas
être libre non plus, et r = 1 ; en particulier, Pic A1 6= 0, et pour conclure, il suffit
d’invoquer le théorème 5.31.

Problème 5.46, partie (i) : On a déjà vu que la topologie réelle de Max C (T )



est plus fine que la topologie de Zariski ; d’autre part, l’homéomorphisme T →
Max C (T ) montre que la topologie de Zariski est plus fine que la topologie réelle,
d’où l’assertion.
Partie (ii) : Remarquons d’abord qu l’on a une bijection :
HomR−Alg (AE , R) → R.Max AE (g : AE → R) 7→ Ker f.

En effet, pour tout homomorphisme de R-algèbres g : AE → R, soit ḡ : AE /Ker f →
R l’isomorphisme induit par g ; l’homomorphisme structurel R → AE induit un

isomorphisme R → AE /Ker g dont la composition avec ḡ est IdR , d’où l’assertion.
De plus, soit h : C (T ) → AE l’homomorphisme structurel ; par le théorème de
Gelfand-Naimark, il existe un unique t ∈ T tel que h−1 (Ker g) = Ker g ◦ h soit
l’idéal maximal mt des fonctions continues à valeurs réelles s’annulant en t. Alors
g : AE → k(mt ) = R est un homomorphisme de C (T )-algèbres, et l’adjonction

HomC (T )−Alg (AE , k(mt )) → HomC (T ) (Γ(E)∨ , k(mt ))

associé à g sa restriction Γ(E)∨ = Sym1C (T ) Γ(E)∨ → k(mt ), qui correspond à son


tour à la forme R-linéaire k(mt ) ⊗C (T ) Γ(E)∨ → R telle que : r ⊗ s 7→ r · g(s).
D’autre part, les exercices 5.13(ii) et 5.39(iii) nous fournissent des isomorphismes
naturels de R-espaces vectoriels :
∼ ∼
k(mt ) ⊗C (T ) Γ(E)∨ → (κ(mt ) ⊗C (T ) Γ(E))∨ → Et∨ .
Par bidualité, les formes R-linéaires Et∨ → R sont naturellement identifiées aux
éléments de Et ; on obtient ainsi une identification canonique :

φt : Et → {m ∈ R.Max AE | h−1 (m) = mt } ∀t ∈ T.

La bijection φ : E → R.Max AE souhaitée sera l’unique application dont la restric-
tion à Et coïncide avec φt pour tout t ∈ T . Par construction, la commutativité du
diagramme de (ii) est évidente. Il reste à vérifier que φ est un homéomorphisme.
Pour cela, soit e ∈ E un point, U ⊂ E un voisinage de e, et t := f (e) ; on doit exhi-
ber β ∈ AE tel que e ∈ D+ (β) et D+ (β) ⊂ φ(U ). On peut trouver σ1 , . . . , σr ∈ Γ(E)
dont les images σ̄1 , . . . , σ̄r dans le C (T )mt -module libre Γ(E)mt sont une base, et
on dénote σ̄1∗ , . . . , σ̄r∗ la base duale de Γ(E)∨ mt . Par l’exercice 5.13(ii), ce dernier
C (T )mt -module est aussi la localisation du C (T )-module Γ(E)∨ ; on peut donc
trouver u ∈ C (T ) \ mt et τ1 , . . . , τr ∈ Γ(E)∨ tels que σ̄i∗ = u−1 τi pour tout
i = 1, . . . , r. La partie V := u−1 (R \ {0}) est un voisinage ouvert de t dans T ,
et l’on a τi (σj )(s) = 0 et τi (σi )(s) 6= 0 pour tout s ∈ V et tout i, j = 1, . . . , r
avec i 6= j. Il s’ensuit aisément que (σi (s) | i = 1, . . . , r) est une base de Es et
§ 5.6: Solutions 239


(τi,s := k(ms ) ⊗C (T ) τi | i = 1, . . . , r) est une base de (k(ms ) ⊗C (T ) Γ(E))∨ → Es∨ ,
pour tout s ∈ V . Par la remarque 5.38(v), l’application
τ : EV → Rr × V p 7→ (τ1,f (p) (p), . . . , τr,f (p) (p), f (p))
est alors un isomorphisme Q
de fibrés vectoriels sur V , et si τ (e) = (e1 , . . . , er , t), on
r
peut supposer que τ (U ) = i=1 ]ei − ε, ei + ε[×V ′ pour un réel ε > 0 et un voisinage
ouvert V ⊂ V de t. Choisissons α ∈ C (T ) tel que t ∈ α−1 (R \ {0}) ⊂ V ′ , et soit

 r
X 
β := α2 · 1 − ε−2 · (τi − ei )2 ∈ AE .
i=1

Evidemment φ(e) ∈ D+ (β), et on voit aisément que D+ (β) ⊂ φ(U ) : les détails
sont laissés au lecteur.

Exercice 5.47, partie (i) : Evidemment, g se restreint en une bijection gt′ :



p (t′ ) → Ef (t′ ) pour tout t′ ∈ T ′ , donc p′−1 (t′ ) hérite de Ef (t′ ) une structure
′−1

naturelle de R-espace vectoriel. Soit U ⊂ T une partie ouverte, U ′ := f −1 U , et


fU : U ′ → U la restriction de f . Cela posé, on voit aisément que
fU∗ (EU ) = (f ∗ E)U ′ .
On est alors ramené au cas où E est trivial. Mais si E = Rn × T , on a f ∗ E ⊂
Rn ×T ×T ′ , et on voit aisément que la projection Rn ×T ×T ′ → Rn ×T ′ se restreint

en un homéomorphisme h : f ∗ E → Rn × T ′ ; de plus, pour tout t′ ∈ T ′ la restriction
∼ ∼ ∼ ∼
ht′ : p (t ) → R × {t } → R coïncide avec gt′ : p′−1 (t′ ) → Rn × {f (t′ )} → Rn ,
′−1 ′ n ′ n

et elle est donc un isomorphisme de R-espaces vectoriels, d’où l’assertion.


Partie (ii) : D’après (i) et le théorème de Swan (et par l’exercice 5.6(ii)), le C (T ′ )-
module C (T ′ ) ⊗C (T ) Γ(E) est projectif de type fini, donc il existe un fibré vectoriel

F sur T ′ avec un isomorphisme de C (T ′ )-modules τ : Γ(F ) → C (T ′ )C (T ) Γ(E) ; de
plus, la composition ω ◦ τ : Γ(F ) → Γ(f ∗ E) provient d’un unique morphisme de
fibrés vectoriels φ : F → f ∗ E. Il suffit alors de montrer que φt′ : Ft′ → (f ∗ E)t′ est
un isomorphisme pour tout t′ ∈ T ′ . Soit mt′ ⊂ C (T ′ ) l’idéal maximal des fonctions
s’annulant en t′ , et mt := C (f )−1 (mt′ ), l’idéal maximal de C (T ) des fonctions s’an-
nulant en t := f (t′ ) ; compte tenu de l’exercice 5.39(iii), l’on est ramené à montrer

que ω induit un isomorphisme ωt′ : k(mt′ ) ⊗C (T ) Γ(E) → Γ(f ∗ E)/mt′ Γ(f ∗ E). Mais
une inspection directe des définitions donne le diagramme commutatif
ωt′ ∼
Γ(f ∗ E)/mt′ Γ(f ∗ E) o k(mt′ ) ⊗C (T ) Γ(E) / Γ(E)/mt Γ(E)

 gt′ 
(f ∗ E)t′ / Et

dont les flèches verticales sont les identifications canoniques fournies par l’exercice
5.39(iii). Or, gt′ est un isomorphisme, d’où l’assertion.

Problème 5.48 : Soit plus généralement T un espace compact et séparé, et E un


fibré vectoriel sur T × [0, 1] (muni de la topologie du produit) ; pour tout a ∈ [0, 1]
soit aussi ja : T → T × [0, 1] l’application continue telle que t 7→ (t, a) pour tout
t ∈ T . On va montrer d’abord que ja∗ E ≃ jb∗ E pour tout a, b ∈ [0, 1] (notation de
l’exercice 5.47). Pour cela, notons par p : T × [0, 1] → T la projection canonique,
fixons a ∈ [0, 1], et posons F := (ja ◦ p)∗ E ; on a une identification naturelle

ja∗ E → ja∗ F , d’où – par l’exercice 5.47(ii) – un isomorphisme de C (T )-modules

ω : C (T ) ⊗C (T ×[0,1]) Γ(E) → C (T ) ⊗C (T ×[0,1]) Γ(F )
240 ä Lion

pour la structure de C (T × [0, 1])-algèbre sur C (T ) induite par l’homomorphisme


de R-algèbres C (ja ) : C (T × [0, 1]) → C (T ). Noter que C (ja ) est surjectif, et Γ(E)
est un C (T × [0, 1])-module projectif, par le théorème de Swan ; il s’ensuit que ω
se relève en une application C (T × [0, 1])-linéaire Γ(E) → Γ(F ). Cette dernière
correspond, toujours par le théorème de Swan, à un morphisme φ : E → F de
fibrés vectoriels, et par construction la restriction φ(t,a) : E(t,a) → F(t,a) de φ est
un isomorphisme de R-espaces vectoriels pour tout t ∈ T . Par le lemme 5.40(i),
pour tout t ∈ T on trouve alors un voisinage Ut de t dans T et un voisinage Vt

de a dans [0, 1] tel que φ se restreint en un isomorphisme EUt ×Vt →SFUt ×Vt . Par
compacité de T , T l’on trouve ensuite une partie finie S ⊂ T telle que t∈S Ut = T ,
et on pose V := t∈S Vt ; la restriction ET ×V → FT ×V est ainsi un isomorphisme,
et donc jb∗ E ≃ jb∗ F ≃ ja∗ E pour tout b ∈ V . Or, soit W := {a ∈ [0, 1] | ja∗ E ≃ j0∗ E}
et W ′ := {a ∈ [0, 1] | ja∗E 6≃ j0∗ E}. Par ce qui précède, W et W ′ sont deux parties
ouvertes de [0, 1] ; mais évidemment W ∪ W ′ = [0, 1] et W ∩ W ′ = ∅. Comme [0, 1]
est connexe, il vient W = [0, 1], d’où l’assertion.
Soit maintenant T aussi contractile, et choisissons t0 ∈ T et h : T × [0, 1] → T
une application continue avec h(t, 0) = t et h(t, 1) = t0 pour tout t ∈ T . Soit
E un fibré vectoriel sur T ; par ce qui précède on a j0∗ (h∗ E) ≃ j1∗ (h∗ E). Mais
j0∗ (h∗ E) ≃ (h ◦ j0 )∗ E ≃ E, alors que j1∗ (h∗ E) ≃ (h ◦ j1 )∗ E est un fibré vectoriel
trivial. Cela montre que tout fibré vectoriel sur T est trivial ; pour conclure, il suffit
maintenant d’invoquer le théorème de Swan une dernière fois.

Exercice 5.50, partie (i) : Soit n0 ∈ N tel que Ln = 0 pour tout n ≥ n0 ;


on construit sn par récurrence sur n. Si n ≥ n0 évidemment sn : 0 → Ln−1 est
l’application triviale, et comme dn−1 : Ln−1 → 0 est aussi triviale, il n’y a rien à
montrer. Soit n ≤ n0 , et on suppose que sn+1 a déjà été exhibé ; on voit aisément
que Ln = Zn ⊕ sn+1 (Bn+1 ), et on dénote par πn : Ln → Zn la projection déduite
de cette décomposition. Par le lemme 5.3(i), le A-module Zn est projectif ; d’autre
part, on a Im dn−1 = Zn , car L• est exact. Il s’ensuit que IdZn se factorise à travers
dn−1 : Ln−1 → Zn et une application K-linéaire s′n : Zn → Ln−1 ; on voit aisément
que sn := s′n ◦ πn convient.
Partie (ii) : On vient de voir que si L• est scindé, Zn est un A-module projectif
pour tout n ∈ N ; d’autre part, le noyau de 2 ·IdZ/4Z est isomorphe au Z/4Z-module
Z/2Z, et ce dernier n’est pas projectif, par exemple car la projection Z/4Z → Z/2Z
n’admet aucune section Z/4Z-linéaire.
Partie (iii) : Soit L• un complexe exact de Z-modules libres de rang fini ; on voit
que Zn = Bn est un Z-module sans torsion et de type fini, donc libre pour tout
n ∈ Z. On peut alors raisonner comme dans (i) pour construir un scindage de L• .

Exercice 5.55, partie (i) : Soit M un A-module. On construit inductivement


ε
une résolution libre L• − → M comme suit. On choisit un système de générateurs
(xi | i ∈ I) pour M, et on pose L0 := A(I) ; l’augmentation ε : L0 → M est
l’application telle que ε(ei ) := xi pour tout i ∈ I (où (ei | i ∈ I) denote la base
canonique de A(I) ). Ensuite, soit n > 0, et on suppose que l’on a déjà exhibé les
termes L0 , . . . , Ln−1 , ainsi que les différentiels dk : Lk → Lk−1 pour tout k < n ; on
choisit un système de générateurs (yj | j ∈ J) pour Ker dn−1 et on pose Ln := A(J) .
Le différentiel dn : Ln → Ln−1 est bien sur l’application A-linéaire telle que ej 7→ yj
pour tout j ∈ J. On voit aisément que ce procédé fournit la résolution cherchée.
Partie (ii) : Soit ε : A1 → k(m) la projection. La résolution cherchée est le
X·IdA ε
complexe 0 → A1 −−−−−→
1
A1 −
→ k(m) → 0.
§ 5.6: Solutions 241

Partie (iii) : Soit ε : A2 → k(m′ ) la projection ; le noyau de ε est engendré par


X et Y , donc le différentiel en degré 1 sera l’application
d1 : A2 ⊕ A2 → A2 e1 7→ X e2 7→ Y
(comme d’habitude, (e1 , e2 ) est la base canonique de A2 ⊕ A2 ). Soit maintenant
(a, b) ∈ Ker d1 ; cela veut dire que Xa+ Y b = 0, donc il existe c ∈ A2 tel que a = cY
et b = −cX. Le différentiel de notre complexe en degré 2 sera donc l’application
d2 : A2 → A2 ⊕ A2 c 7→ (cY, −cX) ∀c ∈ A2 .
Evidemment d est injectif, donc notre résolution s’arrête ici :
2

d2 d1 ε
→ k(m′ ) → 0.
0 → A2 −→ A2 ⊕ A2 −→ A2 −
Partie (iv) : On démarre de la même façon : l’augmentation ε : A3 → k(m′′ ) est
la projection, dont le noyau est engendré par X, Y, Z, donc le différentiel en degré
1 sera l’application
d1 : A3 ⊕ A3 ⊕ A3 → A3 e1 7→ X e2 7→ Y e3 7→ Z.
Evidemment, Ker d contient v1 := (Y, −X, 0), v2 := (Z, 0, −X) et v3 := (0, Z, −Y ),
1

et on va montrer que ces trois vecteurs engendrent Ker d1 . En effet, soit (a, b, c) ∈
Ker d1 ; cela veut dire que Xa + Y b + cZ = 0. Si c 6= 0, on déduit qu’il existe
a′ , b′ ∈ A3 tels que a = Za′ et b = Zb′ , d’où c = −(a′ X + b′ Y ) et on a
(a, b, c) = (a′ Z, b′ Z, −a′ X − b′ Y ) = a′ · v2 + b′ · v3 .
Si c = 0, l’identité Xa + Y b = 0 implique qu’il existe a′ ∈ A3 tels que a = Y a′
et b = −Xa′ , d’ou (a, b, 0) = a′ · v1 , ce qui complète la preuve de notre assertion.
Donc, pour le différentiel en degré 2 on choisit l’application
d2 : A3 ⊕ A3 ⊕ A3 → A3 ⊕ A3 ⊕ A3 e1 7→ v1 e2 7→ v2 e3 7→ v3 .
Soit maintenant (a, b, c) ∈ Ker d ; cela veut dire que aY + bZ = cZ − aX =
2

−bX − cY = 0. On déduit qu’il existe a′ ∈ A3 tel que a = a′ Z et b = −a′ Y ; ensuite,


on a cZ = aX = a′ XZ, d’où c = a′ X. On conclut que (a, b, c) = a′ · (Z, −Y, X) et
donc Ker d2 est engendré par (Z, −Y, X). Le différentiel en degré 3 est donc
d3 : A3 → A3 ⊕ A3 ⊕ A3 1 7→ (Z, −Y, X).
Ce dernier est injectif, donc notre résolution est :
d3 d2 d1
0 → A3 −→ A3 ⊕ A3 ⊕ A3 −→ A3 ⊕ A3 ⊕ A3 −→ A3 → k(m′′ ) → 0.
Problème 5.58, partie (i) : Il s’agit de retracer la preuve du théorème 5.56, en
renversant la direction des flèches. Donc, on construit fi par récurrence sur i :
évidemment on pose fi := 0 pour tout i < −1 et f−1 := f . Ensuite, soit i ≥ 0, et on
suppose que fj a déjà été exhibé pour tout j < i, avec d′j−1 ◦fj−1 = fj ◦dj−1 ; on pose
gi := d′i−1 ◦ fi−1 : Ji−1 → Ii et on remarque que gi ◦ di−2 = 0 (les détails sont laissés
aux soins du lecteur), donc gi est la composition de la projection Ji−1 → Coker di−2
et d’une application A-linéaire ḡi : Coker di−2 → Ii . Mais comme le complexe J•

est exact, di−1 induit une identification Coker di−2 → Bi (J• ), et comme Ii est
injectif, ḡi se prolonge en une application A-linéaire fi : Ji → Ii ; par construction,
il vient fi ◦ di−1 = d′i−1 ◦ fi−1 , comme souhaité. Pour montrer l’unicité de f• à
équivalence homotopique près, on se ramène – comme dans la preuve du théorème
5.56 – au cas où f = 0, et alors on doit exhiber une homotopie s• de f• vers
l’homomorphisme zéro. Evidemment on pose si := 0 pour tout i ≤ 0. Soit donc
i > 0, et on suppose que sj : Jj → Ij−1 a déjà été exhibé pour tout j < i, de telle
façon que fj−1 = d′j−2 ◦ sj−1 + sj ◦ dj−1 . On pose ui := fi−1 − d′i−2 ◦ si−1 : Ji−1 →
Ii−1 et on remarque que ui ◦ di−2 = 0 (le calcul détaillé est laissé au lecteur) ;
il s’ensuit que ui est la composition de la projection Ji−1 → Coker di−2 et d’une
242 ä Lion

application A-linéaire ūi : Coker di−2 → Ii−1 . Mais comme le complexe J• est exact,

di−1 induit une identification Coker di−2 → Bi (J• ), et comme Ii−1 est injectif, ūi
se prolonge en une application A-linéaire si : Ji → Ii−1 . Par construction on a
si ◦ di−1 = fi−1 − d′i−2 ◦ si−1 , comme souhaité.
Partie (ii) : On a vu au paragraphe 5.1.3 que tout A-module admet une injection
dans un A-module injectif. On peut alors procédér inductivement pour construir
les termes In ainsi que les différentiels dn : In → In+1 , pour tout n ∈ N : on pose
I−1 := M et d−1 := ε ; ensuite, si n ≥ 0 et dn−1 : In−1 → In a déjà été exhibé, on
pose Cn := Coker dn−1 , on trouve une injection jn : Cn → In+1 avec In+1 injectif,
et dn : In → In+1 sera la composition de jn avec la projection In → Cn .
ε
Partie (iii) : Il suffit de construire la résolution M −
→ (J• , d• ) pas par pas comme
dans (ii), en prenant soin de choisir pour chaque n ∈ N une enveloppe injective
jn : Coker dn−1 → Jn+1 , dont l’existence est assurée par la proposition 5.21(i)).
Partie (iv) : Comme d’habitude, f• se prolonge aux degrés négatifs par : J−1 =

J−1 := M , f−1 := IdM et fn := 0 pour tout n < −1 ; montrons, par récurrence
sur n ≥ −1, que fn : Jn → Jn′ est un isomorphisme. L’assertion est triviale pour
n = −1. Soit donc n ≥ 0 ; il vient un diagramme commutatif
dn−2 jn−1
Jn−2 / Jn−1 / Coker dn−2 / Jn
fn−2 fn−1 f¯n−1 fn
 d′n−2   ′
jn−1 
′ ′
/ Jn−1 / Coker d′n−2 / Jn′
Jn−2
où jn−1 et jn−1′
sont des enveloppes injectives. Par hypothèse de récurrence, fn−2
et fn−1 sont bijectifs ; il s’ensuit aisément que f¯n−1 est un isomorphisme. D’après
la proposition 5.21(iii), l’on conclut que fn est un isomorphisme.
ε
Partie (v) : Soit M − → (J• , d• ) une résolution injective à droite minimale ; par
(i), il existe des morphismes de complexes f• : J• → I• et g• : I• → J• tels que
ε′ = f0 ◦ ε et ε = g0 ◦ ε′ , et par (iv) la composition g• ◦ f• : J• → J• est un isomor-
phisme. Quitte à remplacer chaque Ji par fi (Ji ), on déduit que J• ⊕ Ker g• = I• ,
avec Ker g• un complexe de A-modules injectifs (remarque 5.15(ii)) ; la décomposi-
tion induite Hi (J• ) ⊕ Hi (Ker g• ) = Hi (I• ) pour tout i ∈ Z montre que Ker g• est
exact, et par construction on a bien ε′ (x) = (ε(x), 0) pour tout x ∈ M .

Problème 5.59, partie (i) : Par inspection directe on trouve :


∂ir+1 ◦ ∂jr = ∂j+1
r+1
◦ ∂ir ∀0 ≤ i ≤ j ≤ r + 1.
Il s’ensuit que pour tout r ∈ N on a :
r+2 X
X r+1
dr+1 ◦ dr = (−1)i+j · ∂ir+1 ◦ ∂jr
i=0 j=0
r+2 X
X r+1 r+2 X
X i−1
= (−1)i+j ∂ir+1 ◦ ∂jr + (−1)i+j ∂ir+1 ◦ ∂jr
i=0 j=i i=0 j=0
r+2 X
X r+1 r+2 X
X i−1
r+1
= (−1)i+j ∂j+1 ◦ ∂ir + (−1)i+j ∂ir+1 ◦ ∂jr = 0.
i=0 j=i i=0 j=0

Pour conclure, il suffit de remarquer que d0 ◦ f = 0.


Partie (ii) : Pour tout r ∈ N on considère l’application A-linéaire
sr : A m(f )r → A m(f )r−1 b0 ⊗ · · · ⊗ br 7→ g(b0 ) · b1 ⊗ · · · ⊗ br .
Un calcul direct montre que sr+1 ◦ dr + dr−1 ◦ sr = IdA m(f )r pour tout r ∈ Z, i.e.
(sr | r ∈ N) est une homotopie de IdA m(f ) vers le morphisme zéro, d’où l’assertion.
§ 5.6: Solutions 243

Partie (iii) : Pour simplifier la notation, posons C := B ⊗A B et


⊗0
B := A C ⊗0 := B B ⊗r+1 := B ⊗A B ⊗r C ⊗r+1 := C ⊗B C ⊗r ∀r ∈ N.
Par la proposition 4.18 (et une simple récurrence sur r) on a des isomorphismes
naturels de B-modules :

B ⊗A B ⊗r → C ⊗r 1 ⊗ (b1 ⊗ · · · ⊗ br ) 7→ (1 ⊗ b1 ) ⊗ · · · ⊗ (1 ⊗ br ) ∀r ∈ N
et l’on voit aisément que ce système d’isomorphismes induit une identification :

B ⊗A A m(f )• → A m(B ⊗A f )• .
Mais l’homomorphisme B ⊗A f : B → C admet la section C → B telle que b1 ⊗b2 7→
b1 b2 , donc B ⊗A A m(f )• est homotopiquement trivial par (ii), et de même pour
B ⊗A A m(f )• ⊗A M , compte tenu de la remarque 5.52(v). En particulier, ce dernier
est un complexe exact (remarque 5.52(i)), et comme B est une A-algèbre plate, grâce
à la proposition 4.52(iii) il s’ensuit que
B ⊗A Hi (A m(f )• ⊗A M ) = 0 ∀i ∈ Z.
Mais comme f est fidèlement plat, l’on vient de voir que cette dernière condition
est équivalente à Hi (A m(f )• ⊗A M ) = 0 en tout degré i ∈ Z, comme souhaité.

Problème 5.64 : Pour tout A-module M on a un diagramme commutatif d’iso-


morphismes B ⊗A B-linéaires :
φM
∂00∗ (f ∗ M ) / ∂10∗ (f ∗ M )
❚❚❚❚ ❥❥❥
❚❚❚ψ❚0,M ψ1,M ❥❥❥
❚❚❚❚
❚❚❚) ❥❥❥ ❥❥❥❥
u❥❥
(∂00 ◦ f )∗ M = (B ⊗A B) ⊗A M.
D’autre part, pour tout B-module N on a les applications B-linéaires universelles
ji,N : N → (∂i0∗ N )[∂i0 ] n 7→ (1 ⊗ 1)[∂i0 ] ⊗ n (i = 0, 1)
(voir la remarque 4.13(i)) et on voit aisément que
ψi,M ◦ ji,f ∗ M = ∂i0 ⊗A M : B ⊗A M → (B ⊗A B) ⊗A M (i = 0, 1).
Or, le problème 5.59(iii) nous dit que si f est fidèlement plate, l’image de f ⊗A M
coïncide avec l’équaliseur de ∂00 ⊗A M et ∂10 ⊗A M . Autrement dit, f ⊗A M induit
un isomorphisme de A-modules :

ηM : M → {x ∈ f ∗ M | φM ◦ j0,f ∗ M (x) = j1,f ∗ M (x)}.
Cela étant, pour tout objet (N, β) de Desc(f, B − Mod) on pose :
Γf (N, β) := {x ∈ N | β ◦ j0,N (x) = j1,N (x)}
et soit i(N,β) : Γf (N, β) → N[f ] l’inclusion. Noter que β ◦ j0,N : N → (∂10∗ N )[∂00 ] et
j1,N : N → (∂10∗ N )[∂10 ] sont B-linéaires, et les A-modules (∂10∗ N )[∂00 ◦f ] et (∂10∗ N )[∂10 ◦f ]
sous-jacents à (∂10∗ N )[∂00 ] et (∂10∗ N )[∂10 ] coïncident (car ∂00 ◦ f = ∂10 ◦ f ), mais les
structures de B-modules de ces derniers sont distinctes en général ; donc Γf (N, β)
n’est pas forcément un B-sous-module de N , mais il est un A-sous-module de N[f ] ,
et on voit aisément que tout morphisme ν : (N, β) → (N ′ , β ′ ) de données de des-
cente se restreint en une application A-linéaire
Γf (ν) : Γf (N, β) → Γf (N ′ , β ′ ).
De plus, par inspection directe on voit que ηM ′ ◦ h = Γf (∆f (h)) ◦ ηM pour tout
homomorphisme h : M → M ′ de A-module, i.e. on a ainsi un foncteur
Γf : Desc(f, B − Mod) → A − Mod
244 ä Lion

et le système (ηM | M ∈ Ob(A − Mod)) définit un isomorphisme de foncteurs



η• : IdA−Mod → Γf ◦ ∆f .
D’autre part, l’inclusion i(N,β) induit, par adjonction, un homomorphisme
ε(N,β) : f ∗ Γf (N, β) → N 1[f ] ⊗ n 7→ n
de B-modules, et on va montrer que ce dernier définit un morphisme
ε(N,β) : ∆f ◦ Γf (N, β) → (N, β)
de données de descente. En effet, l’assertion revient à l’identité : β ◦ ∂00∗ (ε(N,β) ) =
∂10∗ (ε(N,β) ) ◦ φΓf (N,β) ; comme il s’agit d’applications B ⊗A B-linéaires, il suffit de
vérifier qu’elles coïncident sur les éléments de la forme x := (1 ⊗ 1)[∂00 ] ⊗ (1[f ] ⊗ n),
avec n ∈ Γf (N, β) arbitraire. Mais un calcul direct montre que
β ◦ ∂00∗ (ε(N,β))(x) = (1 ⊗ 1)[∂10 ] ⊗ n = ∂10∗ (ε(N,β)) ◦ φΓf (N,β) (x)
comme souhaité. En somme, on a obtenu une transformation naturelle
ε• : ∆f ◦ Γf → IdDesc(f,B−Mod) .
Une simple inspection montre que le couple (η• , ε• ) satisfait les identités triangu-
laires du problème 2.18(ii) ; par la partie (iii) du même problème, elles sont alors
l’unité et la counité d’une unique adjonction pour le couple de foncteurs (∆f , Γf ).
Pour conclure, il suffit alors de vérifier que ε• est un isomorphisme de foncteurs. A
cette fin, il est préférable d’utiliser la description alternative de Desc(f, B − Mod)
fournie par la remarque 5.63(iii), qui remplace β par un isomorphisme de B ⊗A B-

modules β ′ : B ⊗A N → N ⊗A B, et les isomorphismes ∂i† (β) par les βi′′ , pour
∼ ∼
i = 0, 1, 2. Notons que les isomorphismes ∂00∗ (N ) → B ⊗A N et ∂10∗ (N ) → N ⊗A B
de la remarque 5.60 identifient j0,N et j1,N respectivement aux applications :

j0,N : N → B ⊗A N n 7→ 1[f ] ⊗ n et ′
j1,N : N → N ⊗A B n 7→ n ⊗ 1[f ] .
Avec cette notation, Γf (N, β) est le A-module {n ∈ N | β ′ (1 ⊗ n) = n ⊗ 1} ⊂ N[f ] .
Considérons maintenant le diagramme d’applications A-linéaires :
B⊗A i(N,β) B⊗A (β ′ ◦j0,N

)
B ⊗A Γf (N, β) / B ⊗A N // B ⊗ A N ⊗ A B

B⊗A j1,N
(∗) ε(N,β) β′ β2′′
 N ⊗A f  N ⊗A ∂00 
N / N ⊗A B // N ⊗A B ⊗A B.
N ⊗A ∂10

Observons que l’application B ⊗A i(N,β) identifie B ⊗A Γf (N, β) avec l’équaliseur


de B ⊗A (β ′ ◦ j0,N

) et B ⊗A j1,N

, car B est une A-algèbre plate. De même, on a un

isomorphisme évident N ⊗A A m(f )• → A m(f )• ⊗A N de complexes de A-modules,
donc N ⊗A f identifie N avec l’équaliseur de N ⊗A ∂00 et N ⊗A ∂10 , grâce au problème
5.59(iii). Observons aussi que le sous-diagramme carré à gauche de (∗) commute ;
en effet, pour tout b ∈ B et n ∈ Γf (N, β) on calcule :
β ′ ◦ (B ⊗A i(N,β) )(b ⊗ n) = β ′ (b ⊗ n) = (b ⊗ 1) · β ′ (1 ⊗ n) = (b ⊗ 1) · (n ⊗ 1)
= bn ⊗ 1 = (N ⊗A f ) ◦ ε(N,β)(b ⊗ n).
De même, une simple inspection montre que β2′′ ◦ (B ⊗A j1,N

) = (N ⊗A ∂10 ) ◦ β ′ . En
dernier lieu, au vu du diagramme commutatif (††) de la remarque 5.63(ii), on a :
β2′′ ◦ (B ⊗A (β ′ ◦ j0,N

)) = β2′′ ◦ β0′′ ◦ (B ⊗A j0,N

) = β1′′ ◦ (B ⊗A j0,N

) = (N ⊗A ∂00 ) ◦ β ′ .
On conclut que β ′ identifie l’équaliseur de B ⊗A (β ′ ◦ j0,N

) et B ⊗A j1,N

avec
l’équaliseur de N ⊗A ∂0 et N ⊗A ∂1 , et finalement, cela veut dire que ε(N,β) est bien
0 0

un isomorphisme, CQFD.
§ 5.6: Solutions 245

Pour montrer que ∆′f est de même une équivalence, on peut remarquer que si
(C, β) est une donnée de descente pour B-algèbres, les applications j0,C et j1,C sont
des homomorphismes de B-algèbres, donc Γf (C, β) est une A-sous-algèbre de C[f ]
et ε(C,β) est un isomorphisme de B-algèbres ; l’on obtient ainsi un foncteur
Γf′ : Desc(f, B − Alg) → A − Alg
avec un couple d’isomorphismes de foncteurs (η•′ , ε′• ) qui sont l’unité et counité
d’une adjonction pour (∆′f , Γf′ ) : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
Remarque 5.97. La solution du problème 5.64 montre que tout homomorphisme
d’anneau f : A → B induit deux couples de foncteurs adjoints (∆f , Γf ) et (∆′f , Γf′ )
avec les unités et counités (η• , ε• ), et respectivement (η•′ , ε′• ) explicitées ci-dessus.
Toutefois, ∆f ne sera pas, bien entendu, une équivalence pour f arbitraire (et de
même pour ∆′f ) : par exemple, pour que ∆f et ∆′f soient fidèles, il faut que Spec f
soit surjective : voir la solution du problème 4.63(i).
Exercice 5.70 : On va d’abord montrer que tout faisceau F sur S se prolonge
en un faisceau sur T . En effet, pour toute partie ouverte U de T , soit S /U la
sous-catégorie pleine de S avec Ob(S /U ) = {V ∈ Ob(S ) | V ⊂ U } ; on pose
G (U ) := lim
←−
F (V ) ∀U ∈ T .
V ∈(S /U)op

Comme d’habitude, on choisit pour cette limite son représentant constitué des suites
cohérentes de sections de F , explicité dans l’exemple 3.3(ii). Si U ′ ⊂ U est une
inclusion de parties ouvertes de T , évidemment S /U ′ est une sous-catégorie de
S /U , et d’après la remarque 3.10(ii) l’on a une application naturelle :
(∗) G (U ) → G (U ′ ) (sV | V ∈ (S /U )op ) 7→ (sV | V ∈ (S /U ′ )op ).
L’association : U 7→ G (U ) pour tout U ∈ T définit ainsi un prefaisceau G sur
T dont les restrictions sont les applications (∗). Vérifions que G est un faisceau
sur T : soient en effet U ⊂ T une partie ouverte, U un recouvrement de U , et
s•• := (sQ,• | Q ∈ U ×T U ) une suite cohérente de sections de G ; donc, sQ,• ∈ G (Q)
est à son tour une suite cohérente (sQ,V | V ∈ (S /Q)op ), pour tout Q ∈ U ×T U .
Pour tout W ∈ Ob(S /U ), l’on voit aisément que
[
UW := Ob(S /(Q ∩ W ))
Q∈U

est un recouvrement de W . Pour tout V ∈ UW choisissons Q ∈ U tel que V ⊂ Q, et


soit sV := sQ,V ; noter que sV ne dépend pas du choix de Q : en effet, si V ⊂ Q′ pour
′ ′
un autre Q′ ∈ U , l’on a sQ,V = sQ∩Q ,V = sQ ,V , car s•• est une suite cohérente.

De même, il est clair que (sV )V ′ = sV pour toute inclusion V ′ ⊂ V d’éléments de
UW , car sQ,• est une suite cohérente. Autrement dit, (sV | V ∈ UW ) est une suite
cohérente de sections de F , et comme F est un faisceau sur S , il existe alors une
unique section sW ∈ F (W ) telle que (sW )V = sV pour tout V ∈ UW . (Noter que
si W ⊂ Q pour quelque Q ∈ U , cette section sW coïncide nécessairement avec
sQ,W , donc la notation n’est pas ambigüe.) De plus, si W ′ ⊂ W est une inclusion
de parties W, W ′ ∈ Ob(S /U ), évidemment UW ′ ⊂ UW , et l’on déduit aisément

que (sW )W ′ = sW ; i.e. la suite s• := (sW | W ∈ (S /U )op ) est cohérente, et donc
elle est un élément de G (U ). Par construction, il est clair que s• est l’unique U -
section de G avec (s• )Q = sQ,• pour tout Q ∈ U ; cela achève de montrer que les
restrictions induisent un cône universel (G (U ) → G (Q) | Q ∈ U ×T U ), CQFD.
Noter ensuite que si U ∈ Ob(S ), la partie ouverte U est l’objet final de la
catégorie S /U ; il s’ensuit aussitôt que la projection
G (U ) → F (U ) : (sV | V ∈ (S /U )op ) 7→ sU
246 ä Lion

est une bijection pour toute telle U ; de plus, si U ′ ⊂ U est un deuxième objet
de S , ces bijections évidemment identifient la restriction G (U ) → G (U ′ ) avec la
restriction correspondante F (U ) → F (U ′ ). Autrement dit, la restriction de G au
site S est canoniquement isomorphe à F .
op op
Soient ensuite G et G ′ deux faisceaux sur T , et ω : G ◦ jS → G ′ ◦ jS un
morphisme de faisceaux sur S ; pour toute partie ouverte U ⊂ T , les restrictions de
G induisent un cône universel (G (U ) → G (V ) | V ∈ Ob(S /U )op ), et de même pour
G ′ . L’universalité de ces deux cônes implique l’existence et unicité d’une application
ωU : G (U ) → G ′ (U ) faisant commuter les diagrammes :
ωU
G (U ) / G ′ (U )
ρU V ρ′U V ∀V ∈ Ob(S /U )op
 ωV

G (V ) / G ′ (V )

dont les flèches verticales sont les respectives applications de restriction. Soit U ′ ⊂ U
une inclusion de parties ouvertes ; pour tout V ∈ Ob(S /U ) il vient :
ρ′U ′ V ◦ ωU ′ ◦ ρUU ′ = ρU ′ V ◦ ρUU ′ = ρUV = ρ′UV ◦ ωU = ρ′U ′ V ◦ ρ′UU ′ ◦ ωU
d’où ωU ′ ◦ ρUU ′ = ρ′UU ′ ◦ ωU , grâce à l’universalité du cône (ρ′U ′ V | V ∈ Ob(S /U )).
Cela montre que l’association : U 7→ ωU pour toute partie ouverte U de T , définit
l’unique morphisme de faisceaux G → G ′ prolongeant φ.

Exercice 5.73, partie (i) : Munissons Z de la topologie TZ induite par T via


l’inclusion jZ : Z → T ; on pose
Z ×T T := ((Z, TZ ), OZ ) avec Z−1 OT .
OZ := e
L’unité de l’adjonction canonique pour le couple de foncteurs (e Z−1 , jZ∗ ) fournit un
morphisme de faisceaux d’anneaux jZ♭ : OT → jZ∗ OZ (voir le paragraphe 3.4.2),
d’où un morphisme j Z := (jZ , jZ♭ ) : Z ×T T → T . Or, soit g := (g, g ♭ ) : (X, OX ) → T
un morphisme d’espaces annelés tel que g(X) ⊂ Z, de telle façon que g se factorise
à travers jZ et une unique application continue h : X → (Z, TZ ) ; par la même
adjonction, g ♭ : OT → g∗ OX = jZ∗ h∗ OX correspond à un morphisme de faisceaux
h♭ : OZ → h∗ OX
d’où un morphisme d’espaces annelés h := (h, h♭ ) : (X, OX ) → Z ×T T . Le mor-
phisme h♭ est caractérisé par l’identité : jZ∗ (g ♭ ) ◦ jZ♭ = g ♭ (voir la solution du
problème 2.18(iii)), et cela équivaut à la commutativité du diagramme
(X, OX )
s ●●
sh
ss ●● g
ss ●●
ss ●●
yss jZ ●#
Z ×T T /T
d’où l’assertion.
Partie (ii) : Cela suit aussitôt de la construction de U ×T T et de l’exemple 3.43.

Problème 5.86, partie (i) : Soit M un A-module, et A• le faisceau sur le site


Rep(A) fourni par la proposition 5.69 ; on pose
(A• ⊗A M )(U ) := AU ⊗A M ∀U ∈ Ob(Rep(A)).
Ces associations définissent un prefaisceau sur Rep(A), dont les restrictions sont les
applications AUU ′ ⊗A M : AU ⊗A M → AU ′ ⊗A M , pour toute inclusion U ′ ⊂ U
de parties ouvertes représentables. Pour voir qu’il s’agit d’un faisceau sur ce site,
on se ramène, comme dans la preuve de la proposition 5.69, à vérifier la propriété
§ 5.6: Solutions 247

de recollement pour un recouvrement fini {U1 , . . . , Un } de Spec A ; à ce but, on


considère les homomorphismes ε : A → B := AU1 ×· · ·×AUn et ∂0 , ∂1 : B → B⊗A B
comme dans loc.cit. : l’on doit montrer que ε ⊗A M identifie M avec l’équaliseur
de ∂0 ⊗A M et ∂1 ⊗A M . Mais on a déjà observé que ∂0 − ∂1 est le différentiel d0
du complexe de Amitsur A m(ε)• , donc l’assertion suit du problème 5.59(iii).
D’après l’exercice 5.70, le faisceau A• ⊗A M est la restriction d’un faisceau
(d’ensembles) sur Spec A, que l’on notera OX ⊗A M . Explicitement, pour toute
partie ouverte U ⊂ X, l’ensemble (OX ⊗A M )(U ) représente la limite du système
A•/U ⊗A M := (AV ⊗A M | V ∈ Ob(Rep(A)/U )), où Rep(A)/U est la sous-catégorie
pleine de Rep(A) dont les objets sont les parties représentables V ⊂ U . Pour tout
tel V , la restriction de scalaires suivant l’homomorphisme OX (U ) → OX (V ) = AV
munit AV ⊗A M d’une structure naturelle de OX (U )-module, et pour toute inclu-
sion V ′ ⊂ V de parties représentables la restriction AV ⊗A M → AV ′ ⊗A M est
évidemment OX (U )-linéaire. Il existe alors une unique structure de OX (U )-module
sur (OX ⊗A M )(U ) tel que ce dernier représente la limite du système de OX (U )-
modules A•/U ⊗A M (voir l’exemple 3.3(iii)). Une simple inspection montre que
avec ces structures, le faisceau OX ⊗A M est bien un OX -module.
De plus, toute application A-linéaire f : M → M ′ induit un morphisme évidente
A• ⊗A f : A• ⊗A M → A• ⊗A M ′ de faisceaux sur Rep(A), qui se prolonge en un
unique morphisme OX ⊗A f : OX ⊗A M → OX ⊗A M ′ de faisceaux sur X, et une
simple inspection montre que ce dernier est OX -linéaire. L’on a ainsi un foncteur
bien défini OX ⊗A (−) : A − Mod → OX − Mod, et il nous reste à vérifier qu’il est
adjoint à gauche du foncteur des sections globales. Soient donc M un A-module,
M un OX -module, et f : M → Γ(M ) une application A-linéaire ; pour toute partie
ouverte représentable U ⊂ X, la composition M → M (U ) de f avec la restriction
Γ(M ) → M (U ) se factorise à travers l’application naturelle M → AU ⊗A M et
une unique application AU -linéaire φU : AU ⊗A M → M (U ), et l’on voit aisément
que l’association : U 7→ φU pour tout U ∈ Ob(Rep(A)) définit un morphisme de
faisceaux φRep(A) : A• ⊗A M → M|Rep(A) , où l’on a noté par M|Rep(A) la restriction
de M au site Rep(A). Le morphisme φRep(A) se prolonge ensuite en un unique
morphisme φ : OX ⊗A M → M de faisceaux sur X, et l’on vérifie aisément que
φ est l’unique morphisme OX -linéaire tel que Γ(φ) = f . En dernier lieu, l’on voit
aussitôt que l’association : f 7→ φ établit une bijection

HomA (M, Γ(M )) → OX − Mod(OX ⊗A M, M )
naturelle par rapport aux applications A-linéaire M → M ′ et aux morphismes
OX -linéaires M → M ′ , et cela achève la preuve.
Partie (ii.a) : Si X = Spec A pour un anneau A, et si U ⊂ X est une partie
représentable, la construction de (i) montre plus précisément que la restriction à U
de OX ⊗A M s’identifie naturellement avec OU ⊗AU (AU ⊗A M ) : en effet, si V ⊂ U
est une partie ouverte représentable, on a un isomorphisme naturel

(OU ⊗AU (AU ⊗A M ))(V ) = AV ⊗AU (AU ⊗A M ) → (OX ⊗A M )(V ) = AV ⊗A M
(remarque 4.13(iv)), et l’on voit aisément que ce système d’applications définit un
isomorphisme de faisceaux sur le site des parties ouvertes représentables de U , qui se

prolonge en un isomorphisme (OX ⊗A M )|U → OU ⊗AU (AU ⊗A M ) de OU -modules.
Mais ces parties U forment une base de la topologie de X, d’où l’assertion.
Partie (ii.b) : Il est clair que le foncteur OX ⊗A (−) est plein et fidèle ; il reste donc
à vérifier que tout OX -module quasi-cohérent M est isomorphe à OX ⊗A Γ(M ).
Or, par hypothèse (et grâce à la compacité de X) il existe un recouvrement fini
{U1 , . . . , Un } de X par des parties ouvertes représentables, et pour tout i = 1, . . . , n

un unique isomorphisme OUi -linéaire νi : OUi ⊗AUi Mi → M|Ui avec Mi := M (Ui ),
associant à toute partie ouverte représentable V ⊂ Ui un isomorphisme AV -linéaire
248 ä Lion

∼ ∼
νi,V : AV ⊗AUi Mi → M (V ), tel que νi,Ui : AUi ⊗AUi Mi → Mi soit l’identification
naturelle, et pour toute inclusion de parties ouvertes représentables V ′ ⊂ V ⊂ Ui
le diagramme suivant commute :
AV ⊗AU Mi / AV ′ ⊗AU Mi
i i

(∗) νi,V νi,V ′


 
M (V ) / M (V ′ )

dont la flèche horizontale en haut est la restriction, et celle en bas est induite par
la restriction AV → AV ′ . Soit B := AU1 × · · · × AUn , et pour tout i, j = 1, . . . , n
soit aussi Uij := Ui ∩ Uj et Mij := AUij ⊗Ai Mi ; on pose
−1 ∼
hij := νi,Uij
◦ νj,Uij : Mji → Mij .
Munissons M := M1 ⊕ · · · ⊕ Mn de la structure de B-module telle que
a• · m• := (a1 m1 , . . . , an mn ) ∀a• := (a1 , . . . , an ) ∈ B, ∀m• := (m1 , . . . , mn ) ∈ M.
∼ Qn
Rappelons de plus l’isomorphisme ω : B ⊗A B → i,j=1 AUij de A-algèbres tel que
ω ◦ ∂00 (a• ) = ((aj )Uij | 1 ≤ i, j ≤ n) ω ◦ ∂10 (a• ) = ((ai )Uij | 1 ≤ i, j ≤ n)
pour tout a• := (a1 , . . . , an ) ∈ B (notation de la preuve de la proposition 5.69) ;
l’on déduit des isomorphismes de B ⊗A B-modules :
Mn Mn
∼ ∼
M ′ := Mji → (B ⊗A B)[∂00 ] ⊗B M M ′′ := Mij → (B ⊗A B)[∂10 ] ⊗B M.
i,j=1 i,j=1

(Noter que les A-modules sous-jacents à M et M ′′ coïncident, mais leurs struc-


tures de B ⊗ QAn B-modules sont en général distinctes : pour tout a•• := (aij | i, j =
1, . . . , n) ∈ i,j=1 AUij et toute suite m•• := (mij | i, j = 1, . . . , n) avec mij ∈ Mij
pour chaque i, j ≤ n, le produit a•• · m•• vaut (aji mij | 1 ≤ i, j ≤ n) dans M ′ , mais
il vaut (aij mij | 1 ≤ i, j ≤ n) dans M ′′ ). Soit aussi l’isomorphisme B ⊗A B-linéaire
n
M ∼
h := hij : M ′ → M ′′
i,j=1

que l’on peut ainsi interpreter comme un isomorphisme h : ∂00∗ (M ) → ∂10∗ (M ) de
B ⊗A B-modules, avec la notation du paragraphe 5.4.1. Montrons que (M, h) est
une donnée de descente relative à l’homomorphisme structurel ε : A → B de B
(voir la définition 5.62). Pour cela, on pose Uijk := Uij ∩ Uk pour tout i, j, k ≤ n,
et on observe qu’il existe un isomorphisme naturel de A-algèbres
Yn Yn
∼ ∼
ω ′ : B ⊗A B ⊗A B → AUij ⊗A AUk → AUijk .
i,j,k=1 i,j,k=1

En raisonnant comme dans la preuve de la proposition 5.69 l’on déduit pour t =


0, 1, 2 un diagramme commutatif de A-algèbres :
∂t1
B ⊗A B / B ⊗A B ⊗A B
(∗∗) ω ω′
Qn  
AUij
ρt
/ Qn AUijk
i,j=1 i,j,k=1

où ρ0 , ρ1 et ρ2 sont respectivement les homomorphismes tels que :


a•• 7→ ((ajk )Uijk | 1 ≤ i, j, k ≤ n) n
Y
a•• 7→ ((aik )Uijk | 1 ≤ i, j, k ≤ n) ∀a•• := (aij | 1 ≤ i, j ≤ n) ∈ AUij .
a•• 7→ ((aij )Uijk | 1 ≤ i, j, k ≤ n) i,j=1
§ 5.6: Solutions 249

De l’autre côté, avec (∗) l’on obtient un diagramme commutatif :


βijk
AUijk ⊗AUij Mij / AU ⊗AU Mi
ijk i

AUijk ⊗AU νi,Uij νi,Uijk


ij
 
AUijk ⊗AUij M (Uij ) / M (Uijk ) ∀i, j, k = 1, . . . , n
O O
AUijk ⊗AU νj,Uij νj,Uijk
ij
βjik
AUijk ⊗AUij Mji / AU ⊗AU Mj
ijk j

dont la flèche horizontale centrale est déduite de la restriction M (Uij ) → M (Uijk )


et les autres deux flèches horizontales sont les isomorphismes naturels (voir la re-
marque 4.13(iv)). Mais au vu de (∗∗) on a des identifications naturelles :
n
M n
M
∼ ∼
AUijk ⊗AUij Mij → ∂21∗ (∂10∗ M ) AUijk ⊗AU ij Mji → ∂21∗ (∂00∗ M )
i,j,k=1 i,j,k=1
M n M n
∼ ∼
AUijk ⊗AUi Mi → (∂21 ◦ ∂10 )∗ M AUijk ⊗Aj Mj → (∂21 ◦ ∂00 )∗ M
i,j,k=1 i,j,k=1
Ln Ln
et les applications i,j,k=1 βijk et i,j,k=1 βjik correspondent, sous ces identifica-
tions, aux applications B ⊗A B ⊗A B-linéaires
∼ ∼
ψ2,1,M : ∂21∗ (∂10∗ M ) → (∂21 ◦ ∂10 )∗ M ψ2,0,M : ∂21∗ (∂00∗ M ) → (∂21 ◦ ∂00 )∗ M
du paragraphe
Ln 5.4.1. On conclut que sous les mêmes identifications, la somme di-
−1
recte i,j,k=1 (νi,Uijk
◦ νj,Uijk ) correspond à l’application

∂21† (h) : (∂21 ◦ ∂00 )∗ M → (∂21 ◦ ∂10 )∗ M.
Ln −1 Ln −1
De même, les sommes directes i,j,k=1 (νj,U ijk
◦ νk,Uijk ) et i,j,k=1 (νi,Uijk
◦ νk,Uijk )
correspondent respectivement aux applications
∼ ∼
∂01† (h) : (∂01 ◦ ∂00 )∗ M → (∂01 ◦ ∂10 )∗ M et ∂11† (h) : (∂11 ◦ ∂00 )∗ M → (∂11 ◦ ∂10 )∗ M.
L’identité souhaitée ∂21† (h) ◦ ∂01† (h) = ∂11† (h) revient alors aux identités :
−1 −1 −1
(νi,Uijk
◦ νj,Uijk ) ◦ (νj,Uijk
◦ νk,Uijk ) = νi,Uijk
◦ νk,Uijk ∀i, j, k = 1, . . . , n.
D’après le problème 5.64, il existe donc un A-module N avec un isomorphisme de

B-modules α : B ⊗A N → M qui fait commuter le diagramme de B ⊗A B-modules :
∼ ∼
∂00∗ (B ⊗A N ) o (B ⊗A B) ⊗A N / ∂ 0∗ (B ⊗A N )
1

∂00∗ α ∂10∗ α
 
h
∂00∗ (M ) / ∂10∗ (M )

dont les deux flèches horizontales en haut sont les isomorphismes naturels de la
remarque 4.13(iv). Cela revient à un système d’isomorphismes AUi -linéaires αi :

AUi ⊗A N → Mi pour i = 1, . . . , n faisant commuter les diagrammes :
γji γij
AUij ⊗AUj (AUj ⊗A N ) o AUij ⊗A N / AUij ⊗AU (AUi ⊗A N )
i

AUij ⊗AU αj AUij ⊗AU αi


j i
 νj,Uij νi,Uij 
Mji / M (Uij ) o Mij
pour tout i, j = 1, . . . , n (où γij et γji sont toujours les isomorphismes de la re-
marque 4.13(iv)). D’après (i), pour i = 1, . . . , n il existe un unique isomorphisme

ei : (OX ⊗A N )|Ui → M|Ui tel que Γ(e
de OUi -modules α αi ) = αi , et pour tout i, j =
250 ä Lion


αi )|Uij est l’unique isomorphisme (OX ⊗A N )|Uij → M|Uij de
1, . . . , n la restriction (e
OUij -modules avec Γ((e αi )|Uij ) = νi,Uij ◦ (AUij ⊗AUi αi )◦ γij . Donc, la commutativité
du dernier diagramme nous donne les identités :
αi )|Uij = (e
(e αj )|Uij ∀i, j = 1, . . . , n.
Pour conclure, on est ainsi ramené à montrer :
Lemme 5.98. Soit T un espace topologique, U un recouvrement de T , et F ,
G deux faisceaux sur T . Soit aussi (φ(U) : F|U → G|U | U ∈ U ) un système de
morphismes de faisceaux tel que :
(U) (U ′ )
φ|U∩U ′ = φ|U∩U ′ ∀U, U ′ ∈ U .
Alors il existe un unique morphisme de faisceaux φ : F → G tel que φ|U = φ(U)
pour tout U ∈ U . De plus, φ est un monomorphisme (resp. un épimorphisme, resp.
un isomorphisme) si et seulement s’il en est de même pour chaque φ(U) .
Démonstration. Pour toute partie ouverte V ⊂ T , tout s ∈ F (V ) et tout U ∈ U ,
(U)
soit t(U) := φU∩V (sU∩V ) ∈ G (U ∩ V ). Nos hypothèses impliquent aussitôt que

(t(U) )U∩U ′ ∩V = (t(U ) )U∩U ′ ∩V pour tout U, U ′ ∈ U ; il existe alors une unique
section φV (s) ∈ G (V ) telle que (φV (s))U∩V = t(U) pour tout U ∈ U . De plus, si
(U)
V ′ ⊂ V est une inclusion de parties ouvertes de T , on a φU∩V ′ (sU∩V ′ ) = (t(U) )U∩V ′
pour tout U ∈ U , d’où φV ′ (sV ′ ) = (φV (s))V ′ . Cela montre que l’association s 7→
φV (s) pour toute partie ouverte V ⊂ T et tout s ∈ F (V ) définit un morphisme
de faisceaux φ : F → G . L’on voit aisément que φ|U coïncide avec φ(U) pour tout
U ∈ U , et l’unicité d’un morphisme F → G vérifiant ces conditions est de même
évidente : les détails seront laissés aux soins du lecteur. Ensuite, pour tout U ∈ U
et t ∈ U , l’application induite sur les fibres φt : Ft → Gt s’identifie naturellement
(U)
avec φt : (F|U )t → (G|U )t (exercice 3.48(ii)) ; compte tenu du théorème 3.47(ii),
l’on déduit la dernière assertion du lemme. 
D’après le lemme 5.98, les morphismes α
ei se recollent en un unique morphisme

e : OX ⊗A N → M , et une inspection directe de la construction montre aussitôt
α
que α
e est un isomorphisme de OX -modules.
Remarque 5.99. Il faut avouer que notre solution du problème 5.86(ii.b) n’est ni la
plus rapide, ni la plus élémentaire : voir [13] et [19] pour des autres preuves. Notre
méthode a au moins l’avantage de se généraliser essentiellement verbatim à des
autres topologies de Grothendieck que l’on rencontre dans l’étude ulterieure de la
géométrie algébrique, telle que la topologie plate ou la topologie étale d’un schéma.
Exercice 5.89, partie (i) : Pour tout y ∈ Y , l’anneau OY,y est une OX,f (y) -
algèbre, avec homomorphisme structurel fy♯ : OX,f (y) → OY,y , et la fibre If (y) de
I est évidemment un idéal de OX,f (y) ; l’image de If (y) dans OY,y engendre ainsi
un idéal If (y) · OY,y , et la description explicite de la remarque 5.88(ii) implique :
(∗) (f −1 I · OY )y = If (y) · OY,y ∀y ∈ Y
(les détails sont laissés aux soins du lecteur). Or, soient U ⊂ X et V ⊂ Y des parties
ouvertes avec f (V ) ⊂ U , et f|V : (V, OV ) → (U, OU ) la restriction de f , de telle
façon que OU = (OX )|U et OV = (OY )|V ; soit aussi IU ⊂ OU la restriction de I .
−1
L’on déduit aussitôt de (∗) que f|V IU ·OV est la restriction de f −1 I ·OY . On peut
alors remplacer Y et X par des sous-schémas ouverts affines, disons X = Spec A,
Y = Spec B, et supposer aussi que I = OX ⊗A I pour un idéal I ⊂ A. Dans cette
situation, (∗) montre plus précisément que f −1 I ·OY = OY ⊗B IB, d’où l’assertion.

Partie (ii) : L’isomorphisme souhaité OX ⊗A M → M suit du problème 5.86(ii.b).
Par hypothèse, pour tout x ∈ X il existe f ∈ A tel que x ∈ D(f ) ⊂ X, et
§ 5.6: Solutions 251

∼ ∼
un isomorphisme (OX )|D(f ) → M|D(f ) → OD(f ) ⊗Af (Af ⊗A M ) (voir le problème

5.86(ii.a)), qui est donc induit par un isomorphisme de Af -modules Af → Af ⊗A M .
Cela achève de montrer que M est un A-module inversible.
6. Vierge å

On atteint ici finalement le cœur de notre cours : cette leçon introduit d’abord
l’importante classe des homomorphismes entiers d’anneaux, généralisant les exten-
sions algébriques des corps. En gros, il s’agit des homomorphismes f : A → B
tels que Spec f est une application universellement fermée (voir le problème 6.60).
En particulier, tout homomorphisme fini est entier, et plus généralement, si f est
entier, les fibres de Spec f sont de dimension 0. En ce sense, il s’agit de la plus
simple classe d’homomorphismes que l’on rencontre dans l’étude de la géométrie
algébrique : notamment, tout revêtement fini d’une variété affine correspond à un
homomorphisme fini d’anneaux ; les résultats principaux sont la proposition 6.13,
établissant la nature locale des extensions entières, et les théorèmes 6.21 et 6.27 de
Cohen et Seidenberg, qui montrent que Spec f est spécialisante pour f entier, et
même générisante, si B est intègre et A est intégralement clos. J’ai inclus aussi un
théorème, découvert par Gruson et Raynaud ([12]), de descente de la platitude par
les homomorphismes finis injectifs : on en fait bon usage au paragraphe 6.4.2, lors
de notre calcul du groupe de Picard d’un pincement.
On s’intéresse ensuite aux homomorphismes quasi-finis – i.e. les homomorphismes
d’anneaux f : A → B de type fini tels que les fibres de Spec f sont discrètes – dont
l’étude est en grande partie ramené à celui des homomorphismes entiers, grâce au
“Main Theorem” de Zariski (ainsi appelé car il était le “main theorem” de l’article
[29]). Ce dernier est un résultat extrêmement important, démontré originellement
par Zariski avec des méthodes de théorie des valuations ; une autre preuve, de nature
tout à fait différente, est due à Grothendieck, et se trouve dans le troisième chapitre
de [8], où le théorème est présenté comme le corollaire immédiat d’un énoncé coho-
mologique bien plus général. Notre preuve – plus élémentaire, mais assez longue et
délicate – est emprunté essentiellement à l’article [23] de Peskine.
La section 6.3 introduit les anneaux noethériens, sans doute la classe la plus
importante d’anneaux commutatifs, et celle qui, depuis les travaux de Noether et
de Krull aux années 20, domine le paysage de l’algèbre commutative. Presque tous
les anneaux que l’on étudie dans la géométrie algébrique et la théorie des nombres
sont noethériens, et presque tous les théorèmes les plus profonds de l’algèbre com-
mutative portent sur les anneaux noethériens, ou sont démontrés par réduction
au cas noethérien. Leur ubiquité suit en grande partie de leurs bonnes propriétés
de stabilité vis-à-vis des opérations usuelles : si A est noethérien, tout quotient et
toute localisation de A, ainsi que toute A-algèbre de type fini est aussi un anneau
noethérien ; on verra plus tard qu’il en est de même pour toute complétion adique
§ 6.1: Extensions entières d’anneaux 253

de A. Avec ces généralités, on peut finalement aborder le Nullstellensatz : parmi les


nombreuses preuves disponibles, j’ai choisi l’élégante variante due à Artin et Tate.
La section 6.4 est essentiellement un longue exemple géométrique, dont l’objectif
est d’illustrer comment les différents outils algébriques rassemblés jusqu’ici nous
permettent d’analyser une question assez concrète et naturelle : on fixe une variété
affine V ′ , et on cherche à déterminer l’anneau des fonctions algébriques sur la variété
V obtenue par pincement d’un ensemble fini donné de points (fermés) de V ′ ; puis,
on explique aussi comment calculer le groupe de Picard de V en terme de celui de
V ′ et des corps résiduels des points pincés.
La section 6.5 fournit quelques renseignements utiles sur les spectres premiers
des anneaux noethériens : en particulier, l’on y montre, par des considérations
purement topologiques, la finitude de l’ensemble des idéaux premiers minimaux
de tout anneau noethérien A (voir l’exercice 6.105), et on caractérise les parties
constructibles de Spec A en termes de leurs intersections avec les parties fermées
irréductibles (proposition 6.109). Ce critère intervient – après réduction préalable
au cas d’un homomorphisme d’anneaux noethériens – dans la preuve de l’impor-
tant théorème 6.110 de Chevalley. On conclut avec une première application de ce
théorème : pour tout homomorphisme d’anneaux f : A → B plat et de présentation
finie, l’application Spec f est ouverte.
6.1. Extensions entières d’anneaux. Rappelons qu’une extension K ⊂ E de
corps est algébrique si tout élément de E est racine d’un polynôme (que l’on peut
prendre unitaire) à coefficients dans K. La définition suivante généralise cette condi-
tion à une extension d’anneaux arbitraires.
Définition 6.1. Soit B un anneau, A ⊂ B un sous-anneau. Un élément x ∈ B est
entier sur A, s’il existe n ∈ N et éléments a1 , . . . , an ∈ A tels que
(∗) xn + a1 xn−1 + · · · + an = 0.
Exemple 6.2. (i) Un rationnel x ∈ Q est entier sur Z si et seulement x ∈ Z. En
effet, écrivons x = r/s, avec r, s ∈ Z et pgcd(r, s) = 1. Si x satisfait une équation
(∗) comme dans la définition 6.1, avec a1 , . . . , an ∈ Z, après multiplication par sn
l’on trouve
rn + s · (a1 rn−1 + · · · + an sn−1 ) = 0 dans Z
donc s divise r , et alors s ∈ {1, −1}, d’où l’assertion.
n

(ii) Plus généralement, si A est un anneau factoriel, et K son corps des fractions,
l’argument de (i) ci-dessus s’adapte aisément pour montrer qu’un élément de K est
entier sur A si et seulement s’il est dans A.
Proposition 6.3. Soit B un anneau, A ⊂ B un sous-anneau, x ∈ B un élément.
Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) x est entier sur A.
(b) A[x] ⊂ B est un A-module de type fini.
(c) A[x] ⊂ C ⊂ B pour un sous-anneau C de B qui est un A-module de type fini.
(d) Il existe un A[x]-module fidèle M qui est un A-module de type fini, par res-
triction de scalaires (voir la définition 1.6).
Démonstration. (a) ⇒ (b) : Par hypothèse, on a une équation (∗) comme dans la
définition 6.1, d’où xn ∈ M := A + Ax + · · · + Axn−1 . Montrons, par récurrence
sur k que xk ∈ M pour tout k ∈ N. On le sait déjà pour k ≤ n. Si k > n, et
xk−1 ∈ M , on a xk−1 = b0 + b1 x + · · · + bn−1 xn−1 , pour certains b0 , . . . , bn−1 ∈ A,
donc xk = b0 x + · · · + bn xn ∈ M + Axn = M . Cela montre que M = A[x], d’où (b).
(b) ⇒ (c) est trivial.
254 å Vierge

(c) ⇒ (d) : On choisit M := C. En effet, C est fidèle, car si y ∈ AnnA[x] (C), on


a y · 1 = 0, d’où y = 0.
(d) ⇒ (a) : On définit l’application A-linéaire f : M → M par f (m) := x · m
pour tout m ∈ M . Par la proposition 4.35 on a une équation de la forme
f n + a1 · f n−1 + · · · + an · IdM = 0 avec a1 , . . . , an ∈ A.
Cela veut dire que x + a1 x
n n−1
+ · · · + an ∈ AnnA[x] (M ) = 0, d’où (a). 
Corollaire 6.4. Soit B un anneau, A ⊂ B un sous-anneau, x1 , . . . , xn ∈ B des
éléments entiers sur A. Alors le sous-anneau A[x1 , . . . , xn ] ⊂ B est un A-module
de type fini.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur n : le cas n = 1 est fourni par la
proposition 6.3. Supposons que n > 1, et que le A-module C := A[x1 , . . . , xn−1 ] soit
de type fini ; donc on peut choisir un système fini {y1 , . . . , yk } de générateurs pour
cet A-module. Or, évidemment xn est aussi entier sur C, donc il existe aussi un
système fini {z1 , . . . , zl } d’éléments de C[xn ] tel que C[xn ] = Cz1 + · · · + Czl . Le A-
module Czi est engendré par {zi y1 , . . . , zi yk }, donc le système {zi yj | i ≤ l, j ≤ k}
engendre le A-module A[x1 , . . . , xn ]. 
Corollaire 6.5. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux. La partie
C := {x ∈ B | x est entier sur A}
est un sous-anneau de B contenant A, appelé la fermeture intégrale de A dans B.
Démonstration. En effet, si x, y ∈ C, le corollaire 6.4 nous dit que A[x, y] est un
A-module de type fini qui contient x + y et xy ; ces derniers sont alors aussi entiers
sur A, par la proposition 6.3. 
Avec la notation du corollaire 6.5, si A = C on dit que A est intégralement
fermé dans B ; si C = B, on dit que B est entier sur A. Un anneau intègre est dit
intégralement clos, s’il est intégralement fermé dans son corps des fractions. Au vu
de l’exemple 6.2(ii), on peut donc dire que tout anneau factoriel est intégralement
clos. De plus, on dit qu’un homomorphisme f : A → B d’anneaux est fini, si B[f ]
est un A-module de type fini, et dans ce cas on dit aussi que B est une A-algèbre
finie. Avec cette terminologie, on peut résumer ainsi le corollaire 6.4 : si A ⊂ B est
une inclusion d’anneaux, les deux conditions suivantes sont équivalentes : (a) B est
une A-algèbre finie, et (b) B est une A-algèbre de type fini et entière sur A.

Exemple 6.6. On a vu que Z[i] et Z[i 2] sont des anneaux factoriels (problème
5.34(i,ii)), et en particulier, ils sont intégralement clos (exemple 6.2(ii)) ; évidem-
ment ils sont aussi entiers sur Z, donc √ ils sont les fermetures intégrales de Z dans
les corps Q(i) et respectivement Q(i 2).
Exercice 6.7. (i) Soit d ∈ Z un entier sans facteurs carrés, i.e. d = ±p · · · pk ,
le produit de nombres premiers
√ p1 , . . . , pk ∈ Z distincts. Déterminer la fermeture
intégrale Ad de Z dans Q( d).
(ii) Montrer que A−3 , A−7 et A−11 sont des anneaux euclidiens.
Corollaire 6.8. Soient A ⊂ B ⊂ C des inclusions d’anneaux, telles que B est
entier sur A et C est entier sur B. Alors C est entier sur A.
Démonstration. Soit x ∈ C ; on a une équation de la forme xn +b1 xn−1 +· · ·+bn = 0
avec b1 , . . . , bn ∈ B, donc x est déjà entier sur le sous-anneau B ′ := A[b1 , . . . , bn ] ⊂
B. Il s’ensuit que B ′ [x] est un B ′ -module de type fini ; d’autre part, B ′ est un
A-module de type fini, par le corollaire 6.4. On déduit aisément que B ′ [x] est un
A-module de type fini, ce qui montre que x est entier sur A. 
§ 6.1: Extensions entières d’anneaux 255

Corollaire 6.9. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, et C la fermeture intégrale


de A dans B. Alors C est intégralement fermé dans B.
Démonstration. Si x ∈ B est entier sur C, il est aussi entier sur A, par le corollaire
précédent ; donc x ∈ C. 
Exercice 6.10. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux avec B entier sur A.
(i) Soit aussi I ⊂ B un idéal ; montrer que B/I est entier sur A/(I ∩ A).
(ii) Soit S ⊂ A une partie. Montrer que S −1 B est entier sur S −1 A.
Problème 6.11. Soit A un anneau intègre et f ∈ A[T1 , . . . , Tn ] un polynôme non
nul. Evidemment il existe une partie finie S ⊂ Nn telle que
X
f= aν T ν où aν ∈ A \ {0} et T ν := T1ν1 · · · Tnνn ∀ν := (ν1 , . . . , νn ) ∈ S.
ν∈S

(i) Soit N ∈ N tel que S ⊂ {0, 1, . . . , N − 1}n . On considère l’automorphisme


de A-algèbre φ : A[T1 , . . . , Tn ] → A[T1 , . . . , Tn ] tel que
( i
Ti + TnN pour i = 1, . . . , n − 1
φ(Ti ) :=
Tn pour i = n.
Montrer qu’il existe b ∈ A \ {0} et un polynôme g ∈ Ab [T1 , . . . , Tn ] unitaire par
rapport à la variable Tn , tels que φ(f ) = b · g.
(ii) (Théorème de normalisation de Noether) Soient K un corps et A une K-
algèbre intègre de type fini. Déduire de (i) qu’il existe x1 , . . . , xd ∈ A tels que :
— x1 , . . . , xd sont algébriquement indépendants sur K dans Frac(A)
— A est une K[x1 , . . . , xd ] -algèbre finie.
Proposition 6.12. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, et C la fermeture inté-
grale de A dans B. Soit aussi S ⊂ A une partie multiplicative. Alors S −1 C est la
fermeture intégrale de S −1 A dans S −1 B.
Démonstration. Au vu de l’exercice 6.10(ii), on sait déjà que S −1 C est un sous-
anneau de la fermeture intégrale de S −1 A dans S −1 B. De l’autre côté, soit b/s ∈
S −1 B entier sur S −1 A ; donc l’on a une identité dans S −1 B de la forme
 n  n−1
b a1 b an
+ · + ··· + =0
s s1 s sn
pour certains a1 /s1 , . . . an /sn ∈ S −1 A. On pose t := s·s1 · · · sn ; après multiplication
par tn on obtient une nouvelle identité de la forme
 n  n−1
bt a′ bt a′
+ 1· + ···+ n = 0
1 1 1 1
toujours dans S −1 B, avec a′1 , . . . , a′n ∈ A. Donc, il existe u ∈ S tel que
u · ((bt)n + a′1 · (bt)n−1 + · · · + a′n ) = 0 dans B.
Si on multiplie cette identité par un−1 l’on obtient
(ubt)n + a′′1 · (ubt)n−1 + · · · + a′′n = 0 dans B
avec a′′1 , . . . , a′′n ∈ A, d’où ubt ∈ C et donc b/s = (ubt)/(ust) ∈ S −1 C. 
Proposition 6.13. Soit A un anneau intègre. Les conditions suivantes sont équi-
valentes :
(a) A est intégralement clos.
(b) Ap est intégralement clos, pour tout p ∈ Spec A.
(c) Am est intégralement clos, pour tout m ∈ Max A.
256 å Vierge

Démonstration. (a) ⇒ (b) par la proposition 6.12, et (b) ⇒ (c) est trivial.
(c) ⇒ (a) : Soit C la fermeture intégrale de A dans son corps des fractions. Alors
A est intégralement clos ⇔ l’inclusion j : A → C est surjective ⇔ jm : Am → Cm est
surjective pour tout m ∈ Max A ⇔Am est intégralement clos pour tout m ∈ Max A
(cette dernière équivalence se déduit encore de la proposition 6.12). 
Exercice 6.14. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux. Montrer que B est entier sur
A si et seulement si Am est entier sur Bm pour tout m ∈ Max A.
Problème 6.15. (i) Soit A un anneau, P ∈ A[X] un polynôme unitaire de degré
d ≥ 1. Montrer qu’il existe une A-algèbre finie A′ dont le morphisme structurel
A → A′ est injectif, et telle que P admet une factorisation dans A′ [X] :
d
Y
P = (X − ai ) avec a1 , . . . , ad ∈ A′ .
i=1

(ii) Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, et C ⊂ B la fermeture intégrale de A


dans B. Soient aussi P, Q ∈ B[X] deux polynômes unitaires tels que P · Q ∈ C[X].
Montrer que P, Q ∈ C[X].
(iii) Déduire de (ii) que C[X] est la fermeture intégrale de A[X] dans B[X].
(iv) Soit A un anneau intègre. Montrer que A est intégralement clos si et seulement
si A[X] est intégralement clos.
On va maintenant s’intéresser aux propriétés topologiques des applications conti-
nues Spec B → Spec A associées aux inclusions entières d’anneaux, comme déjà
annoncé au début de la section. Le point de départ est :
Proposition 6.16. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, avec B intègre et entier
sur A. Alors A est un corps si et seulement si B est un corps.
Démonstration. Si A est un corps, et x ∈ B \ {0}, on a une identité (∗) comme dans
la définition 6.1 ; on choisit une telle équation de degré minimal, et on remarque que
dans ce cas an 6= 0, car sinon on aurait x·(xn−1 +a1 xn−2 +· · ·+an−1 ) = 0, et comme
B est intègre et x 6= 0, on obtiendrait une autre équation pour x de degré n − 1,
une contradiction. Il s’ensuit que x−1 = −an−1 · (xn−1 + a1 xn−2 + · · · + an−1 ) ∈ B,
donc B est un corps.
Réciproquement, si B est un corps et a ∈ A \ {0}, on a a−1 ∈ B, donc il existe
une identité de la forme a−n + a1 · a−n+1 + · · · + an = 0 avec a1 , . . . , an ∈ A, d’où
a−1 = −(a1 + a2 a + · · · + an an−1 ) ∈ A, donc A est un corps. 
Corollaire 6.17. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, avec B entier sur A. Soit
q ∈ Spec B. Alors q ∈ Max B si et seulement si q ∩ A ∈ Max A.
Démonstration. C’est une consequence immédiate de la proposition 6.16 (et de
l’exercice 6.10(i)). 
Corollaire 6.18. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, avec B entier sur A. Soient
aussi q, q′ ∈ Spec B tels que
q ⊂ q′ et q ∩ A = q′ ∩ A.
Alors q = q′ .
Démonstration. On pose p := q ∩ A. D’après l’exercice 6.10(ii), l’anneau Bp est
entier sur Ap (notation du paragraphe 4.3.1), et q, q′ sont identifiés à deux éléments
de Spec Bp (proposition 2.28). On peut donc remplacer A et B respectivement par
Ap et Bp , ce qui permet de supposer que p ∈ Max A. Dans ce cas, q et q′ sont
maximaux, par le corollaire 6.17, et comme il sont contenus l’un dans l’autre, ils
doivent coïncider. 
§ 6.1: Extensions entières d’anneaux 257

Remarque 6.19. (i) Compte tenu de la discussion du paragraphe 4.3.1, le corollaire


6.18 nous dit que si A ⊂ B est une inclusion d’anneaux avec B entier sur A, et si
p ∈ Spec A, tout idéal premier de l’anneau C := B ⊗A k(p) est maximal. Donc, les
fibres de l’application Spec B → Spec A associée à une inclusion A ⊂ B entière, sont
des espaces spectraux de dimension zéro ; i.e. des espaces topologiques compacts et
totalement disconnexes (voir le problème 2.55(i)).
(ii) Si, de plus, B est une A-algèbre finie, C est une k(p)-algèbre finie, et dans
ce cas Spec C est même un espace topologique fini et discret. En effet, si m1 , . . . , mr
sont des idéauxQmaximaux de C, le lemme des chinois nous dit que l’application
r
naturelle C → i=1 k(mi ) est surjective ; mais chaque corps résiduel k(mi ) est une
extension finie de k(p) ; il s’ensuit que dimk(p) C ≥ r, autrement dit, la dimension
du k(p)-espace vectoriel C est une borne supérieure pour la cardinalité de Spec C.
Exemple 6.20.Q Soient z0 , . . . , zn ∈ C distincts, et on pose A := C[X], B :=
A[Y ]/(Y 2 − ni=0 (X − zi )). Evidemment la classe y de Y dans B est entière sur
A, donc B est entier sur A. Le corollaire 6.17 nous dit que l’application Spec B →
Spec A se restreint en une application φ : Max B → Max A, et on a une identification

naturelle Max A → C. On voit aussi que B = A + Ay, donc dimk(p) B ⊗A k(p) ≤ 2
pour tout p ∈ Spec A. Au vu de la remarque 6.19(ii) on conclut que chaque fibre de
φ contient au plus deux points, i.e. Max B s’interprète géométriquement comme un
revêtement de degré 2 de la droite affine. Si z ∈ C, l’idéal maximal pz correspondant
de A est engendréQpar X − z, donc B ⊗A k(pz ) est (isomorphe à) la C-algèbre
Cz := C[Y ]/(Y 2 − ni=0 (z − zi )) ; pour z ∈ {z0 , . . . , zn } on obtient Cz = C[Y ]/(Y 2 )
et Max Cz a cardinalité égal à 1. Pour les autres valeurs de z, on obtient
Cz = C[Y ]/(Y 2 − a) = C[Y ]/(Y − a1/2 ) × C[Y ]/(Y + a1/2 ) = C × C
avec a := (z − z0 ) · · · (z − zn ) ; la fibre de φ sur z contient donc deux points.
Théorème 6.21. (du “going up”) Soit i : A → B une inclusion d’anneaux, avec B
entier sur A. Alors Spec(i) : Spec B → Spec A est spécialisante (définition 2.46(ii)).
Démonstration. Soient p1 ⊂ p2 deux idéaux premiers de A, et q1 ∈ Spec B tel que
q1 ∩ A = p1 ; l’assertion revient à dire qu’il existe q2 ∈ Spec B tel que
q1 ⊂ q2 et q2 ∩ A = p2 .
L’inclusion i : A → B induit une inclusion entière ı̄ : A/p1 → B/q1 , et on obtient
diagrammes commutatifs d’anneaux et d’espaces topologiques :
πA Spec πB
A / A/p1 Spec B/q1 / Spec B
i ı̄ Spec(ı̄) Spec(i)
 πB
  Spec πA 
B / B/q1 Spec A/p1 / Spec A.

On sait que Spec πB identifie Spec B/q1 avec V (q1 ) ⊂ Spec B et Spec πA identifie
Spec A/p1 avec V (p1 ) ⊂ Spec A. On peut donc remplacer A par A/p1 et B par B/q1 ,
et supposer que q1 = 0. Dans cette situation, il suffit de montrer la surjectivité de
Spec(i), i.e. que pour tout p ∈ Spec A il existe q ∈ Spec B avec q ∩ A = p. Soit
donc p ∈ Spec A ; l’anneau Bp est entier sur Ap , et les localisations jA : A → Ap ,
jB : B → Bp induisent un diagramme commutatif d’espaces topologiques
Spec jB
Spec Bp / Spec B

 Spec jA 
Spec Ap / Spec A.
258 å Vierge

De plus, p est dans l’image de Spec jA (voir la proposition 2.28) ; donc, on peut
remplacer A par Ap et B par Bp , ce qui permet de supposer que (A, p) soit un
anneau local. Comme A 6= 0, on a aussi B 6= 0, donc Max B 6= ∅ (par le théorème
1.21) ; si q ∈ Max B, l’idéal q ∩ A est maximal dans A, par le corollaire 6.17, donc
il doit coïncider avec p. 
Corollaire 6.22. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, avec B entier sur A. Alors :
(i) L’application induite φ : Spec B → Spec A est fermée et surjective.
(ii) La topologie de Spec A coïncide avec la topologie induite par Spec B via φ.
Démonstration. (i) : On sait déjà que φ est une application continue et compacte
(remarque 2.45(iii)), donc φ est fermée, par le théorème 6.21 et la proposition
2.52(i). De plus, l’image de φ est dense (par l’exercice 2.33) et fermée, donc elle
coïncide avec Spec A. L’assertion (ii) se déduit de (i), du théorème 6.21 et de la
proposition 2.52(ii). 
Exercice 6.23. Soit A ⊂ B une inclusion entière d’anneaux. Montrer :
(i) J (A) = A ∩ J (B) (notation de la définition 1.30(i)).
(ii) Si de plus (A, m) est local, J (B) = rad(mB).
Remarque 6.24. Plus généralement, on dit qu’un homomorphisme d’anneaux f :
A → B est entier, si B est entier sur C := f (A). Donc, un homomorphisme entier
d’anneaux f est la composition d’une surjection π : A → C et une inclusion entière
C ⊂ B ; de même, Spec f se factorise :
φ Spec π
Spec B −
→ Spec C −−−−→ Spec A.
On vient de voir que φ est une application fermée ; mais il en est de même pour
Spec π, car cette dernière identifie Spec C avec la partie fermée V (Ker π) ⊂ Spec A.
Donc, si f est un homomorphisme entier d’anneaux, l’application Spec f est fermée.
Exercice 6.25. Soient f : A → B et g : B → C deux homomorphismes entiers
d’anneaux, et A′ une A-algèbre.
(i) Montrer que g ◦ f : A → C est un homomorphisme entier.
(ii) Montrer que A′ ⊗A f : A′ → A′ ⊗A B est un homomorphisme entier.
Exercice 6.26. (Anneaux d’invariants) Soit B un anneau, G un groupe fini d’au-
tomorphismes de B. Le sous-anneau des G-invariants de B est
B G := {x ∈ B | σ(x) = x ∀σ ∈ G}.
(i) Montrer que l’inclusion j : B G → B est un homomorphisme entier d’anneaux.
(ii) L’action de G sur B induit une G-action sur Spec B : à savoir, on associe à tout

σ ∈ G l’homéomorphisme Spec σ : Spec B → Spec B : q 7→ σ −1 (q). Evidemment
pour tout σ ∈ G l’on a un diagramme commutatif d’espaces topologiques
Spec σ
Spec B▲ / Spec B
▲▲▲ rr r
▲▲▲ rrr
Spec j ▲& xrr Spec j
Spec B G
et en particulier les fibres de Spec j sont stables sous l’action de G. Montrer que G
agit transitivement sur (Spec j)−1 (p), pour tout p ∈ Spec B G .
(iii) Soit q ∈ Spec B, et p := B G ∩ q ; on pose Gq := {σ ∈ G | Spec(σ)(q) = q}. Tout
σ ∈ Gq induit un automorphisme σ ′ de la B G /p-algèbre B/q, qui se prolonge en un
unique k(p)-automorphisme σ du corps k(q). L’on obtient ainsi un homomorphisme
naturel de groupes
(∗) Gq → Gal(k(q)/k(p)) σ 7→ σ
§ 6.1: Extensions entières d’anneaux 259

de Gq vers le groupe des k(p)-automorphismes de k(q). Montrer que k(q) est une
extension normale de k(p), et que (∗) est une surjection.
Théorème 6.27. (du “going down”) Soit j : A → B une inclusion d’anneaux
intègres, avec B entier sur A, et A intégralement clos. Alors Spec j est générisante.
Démonstration. Soient KA et KB les corps des fractions de A et B ; on considère
d’abord le cas spécial suivant :
Affirmation 6.28. Si KB est une extension purement inséparable de KA , l’applica-
tion Spec j est un homéomorphisme.
Preuve : Au vu du corollaire 6.22(i), il suffit de montrer que Spec j est injective,
i.e. que pour tout p ∈ Spec A la fibre F := Spec B ⊗A k(p) contient un seul point.
On sait déjà que F est totalement disconnexe (remarque 6.19(i)), donc si q, q′ ∈ F
sont deux points distincts, il existe des parties ouvertes U, U ′ ⊂ F avec F = U ∪ U ′ ,
U ∩ U ′ = ∅, q ∈ U et q′ ∈ U ′ . Par l’exercice 4.27(ii), on trouve des idempotents
x, x′ ∈ B ⊗A k(p) = (B/pB)p tels que D(x) = U , D(x′ ) = U ′ , et xx′ = 0. Or, soit
p > 0 la caractéristique de KA et KB , et disons que x = ȳ/s avec ȳ la classe d’un
n
élément y ∈ B et s ∈ A \ p ; il existe alors n ∈ N tel que bp ∈ KA ∩ B = A, d’où
pn pn pn pn
x = ȳ /s ∈ k(p). Mais x = x car x est idempotent, et de même pour x′ ,
donc x, x′ ∈ k(p). Il s’ensuit que soit x = 0, soit x′ = 0, ce qui est absurde, car
D(x), D(x′ ) 6= ∅. ♦
Soient p2 ⊂ p1 deux idéaux premiers de A, et q1 ⊂ B un idéal premier avec
q1 ∩ A = p1 ; on doit exhiber q2 ∈ Spec B tel que q2 ⊂ q1 et q2 ∩ A = p2 . Pour cela,
soit B• := (Bλ | λ ∈ Λ) le système partiellement ordonné par inclusion des sous-A-
algèbres de B de type fini ; évidemment B• est filtré, et Bλ est une A-algèbre finie
pour tout λ ∈ Λ (corollaire 6.4). On pose
Σλ := {q ∈ Spec Bλ | q ⊂ q1 et q ∩ A = p2 } ∀λ ∈ Λ.
Si λ, µ ∈ Λ et Bλ ⊂ Bµ , l’application induite Spec Bµ → Spec Bλ envoit Σµ dans
Σλ ; l’on obtient ainsi un système partiellement ordonné cofiltré Σ• := (Σλ | λ ∈ Λ)
d’ensembles finis (remarque 6.19(ii)). Or, si chaque Σλ est non vide, la limite L
du système Σ• est non vide (remarque 3.16(i)). Soit (qλ | λ ∈ Λ) S∈ L une suite
cohérente d’idéaux premiers qλ ⊂ Bλ ; on voit aisément que q2 := λ∈Λ qλ est un
idéal premier de B avec les propriétés souhaitées (cp. le problème 3.27(ii)). On est
donc ramené à prouver le théorème avec B remplacé par Bλ , pour chaque λ ∈ Λ, et
on peut alors supposer du départ que B soit une A-algèbre finie, et en particulier
KB est une extension finie de KA . Ensuite, soit E une extension finie et normale de
KA contenant KB , et G le groupe (fini) des KA -automorphismes de E ; soit aussi
b1 , . . . , bn ∈ B un système fini de générateurs de la A-algèbre B ; on pose
C := A[σ(bi ) | i = 1, . . . , n; σ ∈ G] ⊂ E.
Evidemment C est entier et de type fini sur A, donc C est une A-algèbre finie,
stable sous l’action de G et contenant B. On observe :
Affirmation 6.29. Soient f : X → Y et g : Y → Z deux applications continues entre
espaces topologiques, avec f surjective et g ◦ f générisante. Alors g est générisante.
Preuve : Soient z, z ′ ∈ Z tels que z ′ est une générisation de z, et y ∈ g −1 (z) ; par
hypothèse il existe x, x′ ∈ X tel que f (x) = y, et x′ est une générisation de x
dans X avec g ◦ f (x′ ) = z ′ . Il s’ensuit que y ′ := f (x′ ) est une générisation de y et
g(y ′ ) = z ′ , d’où l’assertion. ♦
L’application Spec C → Spec B induite par l’inclusion B → C est surjective
(corollaire 6.22(i)) ; au vu de l’observation 6.29, on est donc ramené à vérifier que
l’inclusion A → C induit une application générisante Spec C → Spec A. Or, soit
260 å Vierge

A′ := C G la A-sous-algèbre des éléments de C invariants sous l’action de G ; on


pose KA′ := Frac A′ et KC := Frac C. Les propositions 6.12 et 6.16 donnent :

KA′ = KA · A′ et KC = KA · C

et donc (KC )G = KA · C G = KA′ est une extension purement inséparable de KA .


Au vu de l’observation 6.28, on est alors ramené à montrer que l’inclusion A′ → C
induit une application générisante Spec C → Spec A′ ; quitte à remplacer A par A′
et B par C, on peut ainsi supposer que G soit un groupe fini d’automorphismes de
B avec B G = A. Le corollaire 6.22(i), donne q′2 ∈ Spec B avec q′2 ∩A = p2 , et d’après
le théorème 6.21 on a q′1 ∈ Spec B avec q′2 ⊂ q′1 et q′1 ∩A = p1 . Par l’exercice 6.26(ii)
il existe σ ∈ G tel que σ(q′1 ) = q1 , et on voit aussitôt que q2 := σ(q′2 ) convient. 

Remarque 6.30. Le théorème 6.27 devient faux si A n’est pas intégralement clos :
voir l’exemple 6.93.

Exercice 6.31. (i) Soit A un anneau intègre et intégralement clos, B la fermeture


intégrale de A dans une extension normale E de K := Frac A, et j : A → B
l’inclusion. Le groupe G des K-automorphismes de E agit sur la A-algèbre B, donc
aussi sur Spec B, comme dans l’exercice 6.26(ii). Montrer que G agit transitivement
sur (Spec j)−1 (p), pour tout p ∈ Spec A.
(ii) Soit q ∈ Spec B et p := A ∩ q ; on pose Gq := {σ ∈ G | Spec(σ)(q) = q}.
Comme dans l’exercice 6.26(iii), tout σ ∈ Gq induit un k(p)-automorphisme σ du
corps k(q), d’où un homomorphisme de groupes

(∗) Gq → Gal(k(q)/k(p)) σ 7→ σ.

Montrer que k(q) est une extension normale de k(p), et que (∗) est une surjection.

Le dernier thème de cette section est l’étude des propriétés des modules et des
anneaux qui descendent par un homomorphisme fini. On a déjà rencontré dans le
problème 4.63 le prototype de ces résultats : il s’agissait là plutôt de descendre
des propriétés des modules, telles que la platitude ou la finitude, par les homo-
morphismes f : A → B d’anneaux fidèlement plats ; en l’absence d’hypothèse de
platitude sur f , les mêmes questions deviennent pourtant beaucoup plus ardues, et
l’analogue que l’on établira ici est un théorème profond tiré de l’article fondamental
[12]. Le point clé est la proposition assez technique suivante, qui nous servira aussi
plus tard dans la preuve du théorème 6.73 :

Proposition 6.32. Soit A un anneau, M un A-module fidèle de type fini, I un


A-module injectif, et φ : J → I l’inclusion d’un sous-module. Alors l’application
induite HomA (M, φ) : HomA (M, J) → HomA (M, I) admet une inverse à gauche si
et seulement si φ admet une inverse à gauche.

Démonstration. Evidemment, si φ admet une inverse à gauche ψ : I → J, l’ap-


plication HomA (M, ψ) est inverse à gauche de HomA (M, φ). Supposons donc que
HomA (M, φ) admet une inverse à gauche τ : HomA (M, I) → HomA (M, J) ; par la
proposition 5.21(i,ii) le A-module J admet une enveloppe injective φ′ : J → E et
φ se factorise à travers φ′ et une application A-linéaire injective β : E → I. Par
l’injectivité de E, l’application β admet une inverse à gauche, donc on est ramené
à montrer que φ′ admet une inverse à gauche, et d’autre part HomA (M, φ′ ) admet
l’inverse à gauche τ ◦ HomA (M, β). On peut alors supposer du départ que φ : J → I
soit une enveloppe injective de J. Soit maintenant α : An → M une application
§ 6.1: Extensions entières d’anneaux 261

A-linéaire surjective ; on considère le diagramme commutatif de A-modules :


HomA (M,φ)
HomA (M, J) / HomA (M, I)
HomA (α,J) HomA (α,I)
 HomA (An ,φ) 
J n ≃ HomA (An , J) / HomA (An , I) ≃ I n .

Affirmation 6.33. L’application HomA (M, φ) est une extension essentielle.


Preuve : D’après l’exercice 5.22, la ligne horizontal en bas est une enveloppe injective
de J n . D’autre part, les applications HomA (α, I) et HomA (α, J) sont évidemment
injectives, et identifient HomA (M, J) et HomA (M, I) avec des sous-modules de J n
et respectivement I n ; de plus, sous ces identifications l’on voit aussitôt que :
HomA (M, J) = J n ∩ HomA (M, I).
Soit N ⊂ HomA (M, I) un sous-module ; il vient : N ′ := N ∩HomA (M, J) = N ∩J n .
Donc, N ′ = 0 si et seulement si N = 0, comme souhaité. ♦
Il est clair qu’une extension essentielle admet une inverse à gauche si et seulement
si elle est bijective ; on voit donc que HomA (M, φ) est un isomorphisme.
Soit ensuite δ : A → M la composition de l’application diagonale A → An :
a 7→ (a, a, . . . , a) avec α ; comme M est fidèle, on voit aisément que δ est injective,
donc HomA (δ, I) est surjective, car I est injectif. Le diagramme commutatif :
HomA (δ,J)
HomA (M, J) / HomA (A, J) ≃ J
HomA (M,φ) HomA (A,φ)≃φ
 HomA (δ,I) 
HomA (M, I) / HomA (A, I) ≃ I

montre alors que φ est aussi surjective, i.e. J = I, d’où la proposition. 

Théorème 6.34. Soit A → B un homomorphisme fini et injectif d’anneaux, P un


A-module. Alors P est plat si et seulement si B ⊗A P est un B-module plat.

Démonstration. Evidemment on peut supposer que B ⊗A P soit un B-module plat,


u v
et on va montrer que P est un A-module plat. Soit Σ := (0 → Q − →L− → P → 0)
une suite exacte courte de A-modules dont le terme L est un A-module libre. Soit
Q′ ⊂ B⊗A L l’image de B⊗A u. D’après le problème 7.66(ii.a), la suite de B-modules
B⊗ v
ΣB := (0 → Q′ → B⊗A L −−−− A
→ B⊗A P → 0) est universellement exacte, et d’après
le problème 7.66(i), il s’ensuit que Σ∗B , duale de Pontryagin de ΣB , est une suite
exacte scindée de B-modules, i.e. l’application (B ⊗A v)∗ : (B ⊗A P )∗ → (B ⊗A L)∗
admet une inverse à gauche. D’autre part, on a un diagramme commutatif
(B⊗A v)∗
(B ⊗A P )∗ / (B ⊗A L)∗

 HomA (B,v ∗ ) 
HomA (B, P ∗ ) / HomA (B, L∗ )

dont les flèches verticales sont les isomorphismes A-linéaires de l’exercice 4.16. Donc,
l’application A-linéaire HomA (B, v ∗ ) admet une inverse à gauche. Mais d’un côté,
L∗ est un A-module injectif, d’après le problème 5.18(ii), et de l’autre côté, B est
évidemment un A-module fidèle de type fini ; compte tenu de la proposition 6.32,
il s’ensuit que v ∗ admet une inverse à gauche, i.e. la duale de Pontryagin Σ∗ de la
suite Σ est scindée. Si on invoque à nouveau le problème 7.66(i), l’on conclut que
Σ est universellement exacte, et alors P est plat, par le problème 7.66(ii.b). 
262 å Vierge

Exercice 6.35. Soit f : A → B un homomorphisme fini et injectif d’anneaux, M


un A-module. Montrer les assertions suivantes :
(i) M = 0 si et seulement si B ⊗A M = 0.
(ii) M est de type fini (resp. projectif de type fini) si et seulement si le B-module
B ⊗A M est de type fini (resp. projectif de type fini).
6.2. Homomorphismes quasi-finis et “Main Theorem” de Zariski. Soit f :
A → B un homomorphisme fini d’anneaux ; on a vu dans la section précédente
que les fibres de l’application Spec f sont discrètes. Cependant, cette condition ne
caractérise pas la classe des homomorphismes finis, car par exemple elle est partagée
aussi par toute application de localisation. Plus généralement, si f comme ci-dessus
est fini, la composition de f avec une localisation B → S −1 B est rarement finie,
mais vérifie encore cette condition. Toutefois, on va voir que ces exemples sont
en fait typiques des homomorphismes à fibres topologiques discrètes ; pour cela, il
convient d’introduire la notion plus générale suivante :
Définition 6.36. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini,
q ∈ Spec B un point, et p := f −1 (q) ∈ Spec A son image.
(i) On dit que f est quasi-fini au point q si q est un point isolé de la fibre
(Spec f )−1 (p), i.e. la partie {q} est ouverte et fermée dans (Spec f )−1 (p).
(ii) On dit que f est quasi-fini s’il est quasi-fini en tout point de Spec B, i.e. si
les fibres de Spec f sont des espaces topologiques discrets.
Avec la notation de la définition 6.36, le résultat principal de cette section mon-
trera que le lieu des q ∈ Spec B tels que f soit fini au point q est une partie
ouverte de Spec B. Si en outre f est quasi-fini, on verra qu’il existe une factori-
g h
sation A − →C − → B de l’homomorphisme f , telle que g soit un homomorphisme
fini, et avec Spec h : Spec B → Spec C une immersion ouverte, i.e. Spec h induit
un homéomorphisme de Spec B avec une partie ouverte de Spec C. On va démarrer
avec quelques observations préliminaires sur les homomorphismes quasi-finis :
Proposition 6.37. Soit K un corps, B une K-algèbre de type fini, et q ∈ Spec B
tel que B soit quasi-finie au point q. On a :

(i) Il existe une B-algèbre C et un isomorphisme de B-algèbres B → C × Bq .
(ii) La localisation Bq est une K-algèbre finie.
Démonstration. (i) : Le spectre de K contient un seul point p0 := 0, donc la fibre de
l’application induite Spec B → Spec K au dessus de p0 n’est rien d’autre que l’es-
pace Spec B ; par hypothèse, la partie {q} est alors ouverte et fermée dans Spec B,

et d’après l’exercice 4.27(iii) il s’ensuit qu’il existe une décomposition B → C × D
de l’anneau B, telle que l’image de l’application induite Spec C → Spec B (resp.
Spec D → Spec B) soit Spec B \ {q} (resp. {q}). Rappelons d’autre part que l’image
de Spec Bq dans Spec B est l’ensemble des générisations de q ; mais comme ce dernier
est un point isolé, il vient Spec Bq = {q}, et alors Spec Cq = (Spec C)∩Spec Bq = ∅,

donc Cq = 0 (théorème 1.21), et l’on déduit un isomorphisme Bq → Dq . Mais q
s’identifie aussi avec l’unique idéal premier de D, donc Dq = D, d’où l’assertion.
(ii) : D’après (i), l’anneau local Bq est une K-algèbre de type fini n’ayant qu’un
seul idéal premier qBq ; en particulier qBq = N (Bq ), et B ′ := Bq /qBq est une
K-algèbre intègre de type fini. Par le problème 6.11(iii), il existe d ∈ N et une suite
x1 , . . . , xd ∈ B ′ constituée d’éléments algébriquement indépendants sur K, telle que
l’inclusion K[x1 , . . . , xd ] → B ′ soit une extension finie. Au vu du corollaire 6.22(i),
il s’ensuit que Spec K[x1 , . . . , xd ] contient un seul point, et cela n’est possible que
si d = 0 (les détails sont laissés au lecteur), i.e. B ′ est une K-algèbre finie. L’on
déduit que pour tout b ∈ Bq il existe P ∈ K[X] unitaire tel que P (b) ∈ N (Bq ) ;
§ 6.2: Homomorphismes quasi-finis et "Main Theorem" de Zariski 263

on trouve alors n ∈ N tel que P n (b) = 0 dans Bq (théorème 1.32(ii)). Cela montre
que Bq est une K-algèbre entière de type fini, d’où l’assertion. 
Remarque 6.38. En fait, la condition (ii) de la proposition 6.37 est nécessaire et
suffisante pour que la K-algèbre B soit quasi-finie au point q : voir l’exercice 6.103.
Corollaire 6.39. Un homomorphisme d’anneaux f : A → B de type fini est quasi-
fini si et seulement si k(p) ⊗A B est une k(p)-algèbre finie pour tout p ∈ Spec A.
Démonstration. Comme Spec k(p)⊗A B s’identifie naturellement avec (Spec f )−1 (p),
il est clair que la condition suffit pour que f soit quasi-fini (voir la remarque
6.19(ii)). Réciproquement, si f est quasi-fini, évidemment l’homomorphisme in-
duit k(p) → k(p) ⊗A B est quasi-fini, et en particulier Spec k(p) ⊗A B est un es-
pace topologique discret et compact, donc fini. Soient alors q1 , . . . , qn les points
de (Spec f )−1 (p) ; au vu de la proposition 6.37, l’on déduit une décomposition
k(p) ⊗A B ≃ (k(p) ⊗A Bq1 ) × · · · × (k(p) ⊗A Bqn ) dont les facteurs sont des k(p)-
algèbres finies, donc de même pour k(p) ⊗A B. 
Remarque 6.40. La preuve du corollaire 6.39 montre en particulier que si K → E
est une extension de corps qui est un homomorphisme de type fini, alors E est une
extension finie de K. Cet énoncé est le point clef de la preuve du Nullstellensatz,
et on en fournira plus tard une deuxième démonstration ne s’appuyant pas sur le
théorème de normalisation de Noether (voir la proposition 6.79).
Corollaire 6.41. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini, A′
une A-algèbre, B ′ := A′ ⊗A B et f ′ : A′ → B ′ , g : B → B ′ les homomorphismes
naturels. Soit aussi q′ ∈ Spec B ′ et q := g −1 (q′ ) ∈ Spec B. On a :
(i) Si f est quasi-fini au point q, alors f ′ est quasi-fini au point q′ .
(ii) En particulier, si f est quasi-fini, f ′ l’est aussi.
Démonstration. (i) : Soit p′ := f ′−1 (q′ ) ∈ Spec A′ , et p := f −1 (q) ∈ Spec A ; si
f est quasi-fini en q, par définition k(p) ⊗A f : k(p) → B(p) := k(p) ⊗A B est
quasi-fini au point q · B(p), qui correspond à q suivant l’identification naturelle de
(Spec f )−1 (q) avec Spec B(p). La proposition 6.37 nous dit alors que D := B(p)q

est une k(p)-algèbre finie, et nous donne un isomorphisme de k(p)-algèbres B(p) →
C × D, qui identifie Spec B(p) avec la réunion disjointe (Spec C) ⊔ (Spec D), et
en particulier le point q de (Spec f )−1 (p) est identifié avec l’unique point de la
partie ouverte et fermée Spec D. Evidemment Spec g se restreint en une application
continue Spec k(p′ ) ⊗A′ B ′ = (Spec f ′ )−1 (p′ ) → (Spec f )−1 (p), et cette dernière est
l’application induite par l’homomorphisme d’anneaux

h : k(p) ⊗A B → k(p′ ) ⊗A′ B ′ → k(p′ ) ⊗A B
déduit de l’inclusion k(p) → k(p′ ) (remarque 4.30(ii)). De plus, les isomorphismes
∼ ∼
k(p′ ) ⊗A B → k(p′ ) ⊗k(p) (k(p) ⊗A B) → (k(p′ ) ⊗k(p) C) × (k(p′ ) ⊗k(p) D)
identifient h au produit des homomorphismes naturels C → k(p′ ) ⊗k(p) C et D →
k(p′ ) ⊗k(p) D. En résumant, l’on conclut que (Spec g)−1 (q) s’identifie à la partie ou-
verte et fermée Spec k(p′ )⊗k(p) D de (Spec f ′ )−1 (p′ ). On est alors ramené à montrer
que q′ est un point isolé dans Spec k(p′ )⊗k(p) D ; mais cela est clair, car k(p′ )⊗k(p) D
est une k(p′ )-algèbre finie, et donc son spectre est un espace topologique discret et
fini (remarque 6.19(ii)). L’assertion (ii) suit aussitôt de (i). 
Exercice 6.42. Soient f : A → B et g : B → C deux homomorphismes d’anneaux,
q ∈ Spec C, et p := g −1 (q). Montrer que si f est quasi-fini au point p et g est
quasi-fini au point q, alors g ◦ f est quasi-fini au point q. En particulier, si f et g
sont quasi-finis, g ◦ f est quasi-fini.
264 å Vierge

Problème 6.43. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini,


q ∈ Spec B, et h ∈ B \ q. Soit g : A → Bh la composition de f avec la localisation
B → Bh . Montrer que g est quasi-fini en qBh si et seulement si f est quasi-fini en q.
Exercice 6.44. Soit A un anneau factoriel et a, b ∈ A \ {0} avec pgcd(a, b) = 1.
On pose x := a/b et B := A[x] ⊂ Frac A ; soit f : A → B l’inclusion, et q ∈ Spec B
un idéal premier. Montrer que f est quasi-fini au point q si et seulement si a, b ∈ q.
Le “Main Theorem” de Zariski nous dira que si l’homomorphisme f : A → B est
quasi-fini au point q ∈ Spec B, alors la fermeture intégrale B ′ de f (A) dans B est
“isomorphe à B dans un voisinage de q”, i.e. il existe h ∈ B ′ \ q tel que l’inclusion

B ′ → B induit un isomorphisme Bh′ → Bh . La preuve est assez longue et délicate ;
la première étape est le cas d’une extension monogène d’anneaux :
Lemme 6.45. Soient f : A → B une inclusion d’anneaux avec A intégralement
clos dans B, et x ∈ B avec B = A[x]. Soit aussi q ∈ Spec B et p := A ∩ q. Alors f

est quasi-fini au point q si et seulement s’il induit un isomorphisme fp : Ap → Bp .

Démonstration. Si f induit un isomorphisme Ap → Bp , l’homomorphisme naturel
k(p) → k(p) ⊗A Bp est un isomorphisme à son tour. D’autre part, on a un isomor-

phisme de k(p)-algèbres B(p) := k(p)⊗A B → k(p)[T ]/J, pour un idéal J ⊂ k(p)[T ].
Noter que l’on ne peut pas avoir J = 0, car dans ce cas k(p) ≃ B(p)p serait une lo-
calisation de k(p)[T ]. Il s’ensuit que B(p) est une k(p)-algèbre finie, et en particulier
f est quasi-fini au point q.
Réciproquement, supposons que f soit quasi-fini au point q ; par définition, cela
veut dire que l’homomorphisme induit k(p) → B(p) est quasi-fini au point q · B(p).
Il s’ensuit que J 6= 0, donc il existe P (T ) := ak T k + · · · + a0 ∈ A[T ] et i ∈ {0, . . . , k}
tels que P (x) = 0 et ai ∈ / p. Choisissons un tel P (T ) avec k minimal.
Affirmation 6.46. Soit R ⊂ S une inclusion d’anneaux, s ∈ S et P (T ) := ak T k +
ak−1 T k−1 + · · · + a0 ∈ R[T ] tel que P (s) = 0. Alors ak s est entier sur R.
P
Preuve : Soit Q(T ) := T k + kj=1 ak−j aj−1 k T
k−j
; on a akk−1 P (T ) = Q(ak T ), donc
k−1
Q(ak s) = ak P (s) = 0, d’où l’assertion. ♦
D’après l’observation 6.46, l’élément ak x est entier sur A, donc ak x ∈ A. Or, si
ak ∈ p, posons a′k−1 := ak x+ak−1 ; il vient a′k−1 xk−1 +ak−2 xk−2 +· · ·+a0 = 0. Mais
ak x ∈ A ∩ q = p, donc ak−1 ∈ p si et seulement si a′k−1 ∈ p ; en particulier, au moins
un des éléments a′k−1 , ak−2 , . . . , a0 n’est pas dans p. Cela contredit la minimalité

de k, d’où ak ∈/ p, et alors x ∈ Ap . Ainsi, fp : Ap → Bp est un isomorphisme. 
La preuve dans le cas général s’effectuera par réduction préalable au cas de la
composition d’une extension monogène avec une extension finie ; observons d’abord :
Lemme 6.47. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, x, b ∈ B et P (T ) := ak T k +
ak−1 T k−1 + · · ·+ a0 ∈ A[T ] tel que P (x)·b ∈ A[x] ⊂ B. On suppose A intégralement
clos dans B, et B entier sur A[x]. Alors il existe n ∈ N tel que ank b ∈ A[x].
Démonstration. Remarquons d’abord :
Affirmation 6.48. Avec la notation du lemme, il existe l ∈ N tel que am b soit entier
sur A[ax] ⊂ B pour tout a ∈ A et tout m ≥ l.
Preuve : Par hypothèse, b vérifie une identité de la forme
bd + qd−1 (x) · bd−1 + · · · + q0 (x) = 0
pour certains q0 (T ), . . . , qd−1 (T ) ∈ A[T ]. Soit l := max(degT q0 , . . . , degT qd−1 ).
L’on voit aisément que pour i = 0, . . . , d − 1 il existe ri (T ) ∈ A[T ] tel que ri (aT ) =
al · qi (T ) (les détails sont laissés aux soins du lecteur) ; il vient al bd + rd−1 (ax) ·
bd−1 + · · · + r0 (ax) = 0, et il suffit alors d’invoquer l’observation 6.46. ♦
§ 6.2: Homomorphismes quasi-finis et "Main Theorem" de Zariski 265

Définions Q(T ) ∈ A[T ] comme dans la preuve de l’observation 6.46 ; il vient


akk−1 P (x) · b = Q(ak x) · b ∈ A[x]. Disons donc que Q(ak x) · b = R(x) pour un
polynôme R(T ) := cn T n + · · · + c0 ∈ A[T ], et on pose analoguement S(T ) :=
Pn j n−j
j=0 cn−j ak T ; il vient Q(ak x) · ank b = S(ak x). On peut supposer que n ≥ l,
l’entier fourni par l’observation 6.48, et alors ank b est même entier sur A[ak x].
Quitte à remplacer x par ak x, b par ank b et B par A[ak x, ank b], l’on peut alors
supposer que P soit unitaire, et dans ce cas on doit montrer que b ∈ A[x].
Disons donc que P (x) · b = U (x) pour un polynôme U (T ) ∈ A[T ] ; comme P (T )
est maintenant unitaire, l’on peut effectuer la division euclidienne de U par P :
l’on obtient V, W ∈ A[T ] tels que U = P V + W et degT W < degT P . Il vient
P (x) · (b − V (x)) = W (x), et il suffit de montrer que b − V (x) ∈ A[x]. On peut alors
remplacer b par b − V (x) et U par W , et supposer que degT U < degT P .
Dans cette situation, l’identité P (x) − b−1 U (x) = 0 dans la localisation B[b−1 ]
montre que x est entier sur l’anneau A[b−1 ] ⊂ B[b−1 ]. D’autre part, b est entier
sur A[x] ; il s’ensuit que b est entier sur A[b−1 ] (corollaire 6.8). Autrement dit, on
Pd−1
a une identité de la forme bd + j=0 (aj /bnj ) · bj = 0 dans B[b−1 ] pour certains
Pd−1
a0 , . . . , ad−1 ∈ A et n0 , . . . , nd−1 ∈ N. Cela veut dire que bd+N + j=0 aj bj−nj +N =
0 dans B, pour quelque entier N ≥ n0 , . . . , nd−1 . Cela montre que b est entier sur
A, d’où b ∈ A, car A est intégralement clos dans B. 
Définition 6.49. Soit f : A → B un homomorphisme injectif d’anneaux. La partie
fB/A := {x ∈ A | xB ⊂ f (A)}
est un idéal de A, appelé le conducteur de f .
Remarque 6.50. (i) Le conducteur de f est aussi un idéal de B : en effet, si x ∈ fB/A
et y ∈ B on a xyB ⊂ xB ⊂ A, d’où en particulier xy = xy ·1 ∈ A et donc xy ∈ fB/A .
(ii) Soient radA (fB/A ) ⊂ A et radB (fB/A ) ⊂ B les idéaux radicaux de fB/A dans
A et B respectivement ; on voit aussitôt que A ∩ radB (fB/A ) = radA (fB/A ).
Lemme 6.51. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux injectif et fini, et h ∈

A. Alors f induit un isomorphisme fh : Ah → Bh si et seulement si h ∈ rad(fB/A ).
Démonstration. Soit M := Coker f ; on a fB/A = AnnA M , d’où V (fB/A ) = Supp M
d’après la remarque 4.46(ii). Compte tenu de la remarque 4.46(iii), il s’ensuit que
fh est un isomorphisme ⇔ Mh = 0 ⇔ SuppAh Mh = ∅ ⇔ V (fB/A ) ∩ Spec Ah = ∅
⇔ V (fB/A ) ⊂ V (Ah) ⇔ h ∈ rad(fB/A ). 
Proposition 6.52. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux, x, b ∈ B et P (T ) :=
ak T k + · · · + a0 ∈ A[T ] tel que P (x) · b ∈ radB (fB/A[x] ) (notation de la remarque
6.50(ii)). On suppose que A soit intégralement clos dans B, et B fini sur A[x].
Alors ai b ∈ radB (fB/A[x] ) pour i = 0, . . . , k.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur k. L’assertion est triviale si k = 0.
Soit donc k > 0, et on suppose que pour tout R(T ) := a′k−1 T k−1 +· · ·+a′0 ∈ A[T ] tel
que R(x) · b ∈ radB (fB/A[x] ), l’on ait a′i b ∈ radB (fB/A[x] ) pour i = 0, . . . , k − 1. Par
hypothèse, il existe m ∈ N tel que P (x)m · bm ∈ fB/A[x] . On pose Q(T ) := P (T )m ;
noter que le coefficient principal de Q(T ) est am k . Soit aussi y1 , . . . , yd ∈ B un
système fini de générateurs du A[x]-module B ; il vient Q(x) · bm yi ∈ A[x] pour
i = 1, . . . , d. D’après le lemme 6.47, pour tout i = 1, . . . , d il existe alors ni ∈ N
tel que ank i m bm yi ∈ A[x] ; avec n := max(1, n1 , . . . , nd ) il vient anm m
k b B ⊂ A[x],
i.e. ak b ∈ fB/A[x] . Comme fB/A[x] est un idéal de B (remarque 6.50(i)), l’on
nm m

déduit (ak b)nm ∈ fB/A[x] et donc ak b ∈ radB (fB/A[x] ). Soit R(T ) := P (T ) − ak T k ;


il s’ensuit que R(x) · b = P (x) · b − ak bxk ∈ radB (fB/A[x] ), et par hypothèse de
récurrence l’on conclut que ai b ∈ radB (fB/A[x] ) pour i = 0, . . . , k − 1. 
266 å Vierge

Dans la situation de la proposition 6.52, soit J := radB (fB/A[X] ) et posons A′ :=


A/(J ∩ A), B ′ := B/J ; soit aussi x̄ ∈ B ′ l’image de x. L’on déduit en particulier
que le seul polynôme P (T ) ∈ A′ [T ] tel que P (x̄) = 0 est le polynôme nul ; si A′
et B ′ étaient intègres, cela reviendrait à dire que l’élément x̄ du corps Frac(B ′ ) est
transcendant sur Frac(A′ ). On est ainsi amené à la définition suivante :
Définition 6.53. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux. On dit qu’un élémént
x ∈ B est transcendant sur A s’il satisfait la condition suivante. Pour tout P (T ) :=
ak T k + · · · + a0 ∈ A[T ] et tout b ∈ B avec P (x)b = 0, on a ai b = 0 pour i = 0, . . . , k.
Donc, avec la notation ci-dessus, dans l’extension d’anneaux A′ ⊂ B ′ , l’élément
x̄ est transcendant sur A′ . Remarquons ensuite :
Lemme 6.54. Soit A ⊂ B une inclusion d’anneaux réduits, et x ∈ B un élément.
Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) x est transcendant sur A.
(b) Pour tout idéal premier minimal q ⊂ B, la classe x̄ ∈ B/q de x est transcen-
dante sur A/(A ∩ q).
Démonstration. (a) ⇒ (b) : Notons d’abord que Bq est un anneau réduit (exercice
2.34) et Spec Bq = {qBq } car q est minimal (exemple 2.29(iii)) ; il s’ensuit que
qBq = 0 et Bq est un corps. Or, soient b ∈ B et P (T ) := ak T k + · · · + a0 ∈ A[T ] tels
que P (x)·b ∈ q ; l’on déduit que P (x)·b = 0 dans Bq . Donc il existe b′ ∈ B \q tel que
P (x) · bb′ = 0 dans B ; comme x est transcendant sur A, cela entraîne que ai bb′ = 0
pour i = 0, . . . , k. Soient ā0 , . . . , āk , b̄, b̄′ ∈ B/q les images de a0 , . . . , ak , b, b′ ; comme
b̄′ 6= 0, il vient āi b̄ = 0 pour i = 0, . . . , k, d’où (b).
(b) ⇒ (a) : Soit P (T ) := ak T k +· · ·+a0 ∈ A[T ] et b ∈ B tels que P (x)·b = 0. Soit
aussi q ⊂ B un idéal premier minimal ; si b ∈ / q, l’on a P (x̄) = 0 dans B/q, et compte
tenu de (b), on voit que a0 , . . . , ak ∈ A ∩ q. L’on conclut que ai b ∈ q pour tout idéal
premier minimal de B et tout i = 0, . . . , k. Mais B est réduit, donc l’intersection
des premiers minimaux de B est 0 ; la condition (a) s’ensuit aussitôt. 

Proposition 6.55. Soit f : A → B une inclusion d’anneaux réduits, et x ∈ B


un élément transcendant sur A, tel que B soit une extension finie de A[x]. Alors f
n’est quasi-fini en aucun point de Spec B.
Démonstration. Supposons que f soit quasi-fini au point q ∈ Spec B ; choisissons
un idéal premier minimal q′ de B contenu dans q, et posons p := A∩q et p′ := A∩q′ .
D’après le corollaire 6.41(i), l’homomorphisme induit f ′ : A/p′ → B/p′ B serait alors
quasi-fini au point q/p′ B ∈ Spec B/p′ B ; de même, la projection p : B/p′ B → B/q′
est un homomorphisme fini, donc p ◦ f ′ : A/p′ → B/q′ serait quasi-fini au point
q/q′ ∈ Spec B/q′ (exercice 6.42). Mais par le lemme 6.54, l’image x̄ ∈ B/q′ de
x est transcendante sur A/p′ ; ainsi on est ramené à montrer la proposition pour
l’homomorphisme p ◦ f ′ , et on peut supposer du départ que A et B soient intègres.
Soit maintenant A′ la fermeture intégrale de A dans Frac(A) ; notons j : A → A′
l’inclusion, et B ′ le sous-anneau de Frac(B) engendré par A′ et B. L’inclusion
A′ [x] ⊂ B ′ est encore une extension finie, et x est transcendant sur A′ . L’inclusion
f ′ : A′ → B ′ est la composition de A′ ⊗A f : A′ → A′ ⊗A B et d’un homomorphisme
surjectif p : A′ ⊗A B → B ′ , et l’on déduit un diagramme commutative :
Spec(p)
Spec B ′ ❯ / Spec A′ ⊗A B Spec(j⊗A B) / Spec B
❯❯❯❯
❯❯❯❯
❯❯❯❯ Spec(A′ ⊗A f ) Spec(f )
Spec(f ′ ) ❯❯*  
Spec A′ / Spec A
Spec(j)
§ 6.2: Homomorphismes quasi-finis et "Main Theorem" de Zariski 267

L’homomorphisme p ◦ (j ⊗A B) est l’inclusion B → B ′ , une extension entière ; donc


Spec(j ⊗A B) ◦ Spec(p) : Spec B ′ → Spec B est une surjection (corollaire 6.22(i)).
Soit alors q′ ∈ Spec B ′ avec B ∩ q′ = q, et posons q′′ := p−1 (q′ ), de telle façon que
(j ⊗A B)−1 (q′′ ) = q. Si f était quasi-fini au point q, l’homomorphisme A′ ⊗A f serait
quasi-fini au point q′′ (corollaire 6.41(i)), et f ′ serait quasi-fini au point q′ (exercice
6.42). On est ainsi ramené à montrer la proposition pour l’homomorphisme f ′ , et
on peut supposer du départ que A soit intégralement clos (et B intègre).
Noter que A[x] est isomorphe à l’algèbre des polynômes A[T ], car x est trans-
cendant sur A ; alors, comme A est intégralement clos, A[x] l’est aussi (problème
6.15(iv)). L’homomorphisme induit k(p) → B(p) := k(p) ⊗A B est quasi-fini au
point q · B(p), et la proposition 6.37(ii) implique que l’extension de corps résiduels
k(p) → k(q) soit finie. Soit aussi p′ := A[x]∩q ∈ Spec A[x] ; on a k(p) ⊂ k(p′ ) ⊂ k(q),
donc k(p′ ) est aussi une extension finie de k(p). En particulier, l’inclusion pA[x] ⊂ p′
est stricte, car sinon on aurait k(p′ ) ≃ k(p)(T ), une extension transcendante de k(p).
Par le théorème 6.27, on trouve alors une générisation stricte q′ de q dans Spec B,
avec A[x] ∩ q′ = pA[x] ; en particulier, q′ ∈ (Spec f )−1 (p), et donc q n’est pas un
point isolé de (Spec f )−1 (p), contradiction. 

Théorème 6.56. (“Main Theorem” de Zariski) Soit f : A → B un homomorphisme


d’anneaux de type fini, B ′ ⊂ B la fermeture intégrale de f (A) dans B, et q ∈ Spec B
tel que f soit quasi-fini au point q. Soit aussi q′ := B ′ ∩q. Alors l’inclusion g : B ′ →

B induit un isomorphisme gq′ : Bq′ ′ → Bq′ .
Démonstration. Soit p := f −1 (q). Par hypothèse, q est isolé dans (Spec f )−1 (p) ;
donc q est aussi isolé dans la partie (Spec g)−1 (q′ ) de (Spec f )−1 (p), i.e. g est quasi-
fini au point q. On peut alors remplacer A par B ′ , et supposer du départ que f soit
injectif et A intégralement clos dans B. Dans cette situation, il faut montrer que f

induit un isomorphisme fp : Ap → Bp .
Par hypothèse, il existe une suite finie x1 , . . . , xn ∈ B telle que B soit fini sur
A[x1 , . . . , xn ], et on procède par récurrence sur n. Si n = 0, on a A = B, et
l’assertion est triviale. Supposons ensuite que n = 1, donc B est une A[x1 ]-algèbre
finie, et on pose J := radB (fB/A[x1 ] ) (notation de la remarque 6.50(ii)).
Affirmation 6.57. q ∈ / V (J).
Preuve : Supposons par l’absurde que q ∈ V (J), et posons I := A ∩ J. On factorise
l’inclusion f ′ : A′ := A/I → B/J comme la composition de A′ ⊗A f : A′ → B/IB
et de la surjection B/IB → B/J. Cette dernière est un homomorphisme fini, et
A′ ⊗A f est quasi-fini au point q · (B/IB) (corollaire 6.41(i)) ; donc f ′ est quasi-fini
au point q · (B/IB) (exercice 6.42). D’autre part, soit x̄1 ∈ B/J l’image de x1 ;
alors B/J est une A′ [x̄1 ]-algèbre finie, et B/J est réduit. Par la proposition 6.55, il
s’ensuit que x̄1 n’est pas transcendant sur A′ . Cela contredit la proposition 6.52.♦
Par l’observation 6.57, il existe h ∈ fB/A[x1 ] \ q, et d’après le lemme 6.51(i) il

s’ensuit que l’inclusion j : A[x1 ] → B induit un isomorphisme jh : A[x1 ]h → Bh .
Soit p := A[x1 ] ∩ q ; donc h ∈

/ p . Par le problème 6.43, l’homomorphisme A → Bh

induit par f est quasi-fini au point qBh , donc l’inclusion i : A → A[x1 ] induit
un homomorphisme A → A[x1 ]h quasi-fini au point p′ A[x1 ]h , et il s’ensuit que
i est quasi-fini au point p′ , toujours grâce au problème 6.43. D’après le lemme

6.45, l’on déduit que i induit un isomorphisme ip : Ap → A[x1 ]p . En particulier,
h ∈ A[x1 ]p \ pA[x1 ]p = Ap \ pAp , donc h est inversible dans A[x1 ]p , et jh induit un

isomorphisme jp : A[x1 ]p → Bp . La composition jp ◦ ip est l’isomorphisme fp .
Ensuite, soit n > 1, et supposons que le théorème soit déjà connu pour toute
A-algèbre finie sur une sous-A-algèbre engendrée par n − 1 éléments. Notons par
C la fermeture intégrale de A[x1 , . . . , xn−1 ] dans B, et r := C ∩ q. Donc C est
268 å Vierge

intégralement clos dans B, et B est une C[xn ]-algèbre finie ; l’inclusion l : C → B


est la composition de l’homomorphisme C ⊗A f : C → C ⊗A B et de la surjection
naturelle p : C ⊗A B → B. Cette dernière est un homomorphisme fini, et C ⊗A f
est quasi-fini au point p−1 (q) (corollaire 6.41(i)), donc l est quasi-fini au point
q (exercice 6.42) ; par le cas précédent, il s’ensuit que l induit un isomorphisme

lr : Cr → Br . Soient b1 , . . . , bd ∈ B tels que A[b1 , . . . , bd ] = B ; on trouve alors
c1 , . . . , cd ∈ C et s1 , . . . , sd ∈ C \ r tels que bi /1 = ci /si dans Br pour i = 1, . . . , d.
Cela veut dire que pour i = 1, . . . , d il existe s′i ∈ C \ r tel que si s′i bi = s′i ci dans
B. Soient s := s1 s′1 · · · sd s′d et C ′ := A[x1 , . . . , xn−1 , c1 , . . . , cd , s] ⊂ B ; soit aussi
r′ := C ′ ∩ q. L’on déduit aisément que l’inclusion j ′ : C ′ → B induit encore un iso-

morphisme js′ : Cs′ → Bs . Noter que C ′ est une extension finie de A[x1 , . . . , xn−1 ]
(corollaire 6.4). De plus, l’homomorphisme A → Bs induit par f est quasi-fini au
point qBs , par le problème 6.43, donc l’inclusion i′ : A → C ′ induit un homomor-
phisme A → Cs′ qui est quasi-fini au point r′ Cs′ , et finalement i′ est quasi-fini au
point r′ , encore grâce au problème 6.43. Par hypothèse de récurrence, i′ induit alors

un isomorphisme i′p : Ap → Cp′ . En particulier, s ∈ Cp′ \ pCp′ = Ap \ pAp , donc s

est inversible dans Cp′ et js′ induit un isomorphisme jp′ : Cp′ → Bp . La composition
jp ◦ ip est l’isomorphisme fp souhaité.
′ ′

Corollaire 6.58. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini, et
B ′ ⊂ B la fermeture intégrale de f (A) dans B. On a :
(i) L’ensemble des idéaux premiers q de B tels que f est quasi-fini en q est une
partie ouverte de Spec B.
(ii) Si f est quasi-fini, l’application induite Spec B → Spec B ′ identifie Spec B
avec une partie ouverte de Spec B ′ .
Démonstration. (i) : Soit q ∈ Spec B tel que f est quasi-fini au point q ; on doit
montrer qu’il existe un voisinage U de q dans Spec B tel que f soit quasi-fini en tout
point de U . Par le théorème 6.56, l’inclusion g : B ′ → B induit un isomorphisme

gq : Bq′ → Bq de A-algèbres. Soit x1 , . . . , xn un système fini de générateurs de la A-
algèbre B ; on trouve alors y1 , . . . , yn ∈ B ′ et s1 , . . . , sn ∈ B ′ \q avec gq (yi /si ) = xi /1
pour i = 1, . . . , n. Posons s := s1 · · · sn , et soit B ′′ := A[y1 , . . . , yn , s] ⊂ B ′ ; l’on
déduit aisément que les inclusions B ′′ → B ′ → B induisent des isomorphismes
∼ ∼
Bs′′ → Bs′ → Bs . Mais par construction, B ′′ est une A-algèbre finie, donc Bs′′ est
une A-algèbre quasi-finie, et de même pour Bs . Au vu du problème 6.43, il s’ensuit
que f est quasi-fini en tout point de Spec Bs = D(s), d’où l’assertion.
(ii) : Soit f quasi-fini ; la preuve de (i) montre alors que pour tout point q de
Spec B il existe s ∈ B ′ \ q tel que l’inclusion B ′ → B induit un homéomorphisme

(Spec g)−1 (D(s)) = Spec Bs → D(s) := Spec Bs′ . L’assertion s’ensuit aussitôt. 
Exercice 6.59. Soit A → B un homomorphisme d’anneaux quasi-fini. Montrer
qu’il existe une sous-A-algèbre finie C ⊂ B telle que :
(i) l’application φ : Spec B → Spec C induite par l’inclusion i : C → B identifie
Spec B avec une partie ouverte de Spec C.

(ii) Pour tout p ∈ φ(Spec B) l’inclusion i induit un isomorphisme Cp → Bp .
Problème 6.60. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux ; on dit que
Spec f : Spec B → Spec A est universellement fermée si pour toute A-algèbre A′
l’application continue Spec (A′ ⊗A f ) : Spec A′ ⊗A B → Spec A′ est fermée.
(i) Soit K un corps et g : K → B un homomorphisme d’anneaux ; montrer que
Spec g est universellement fermée si et seulement si B est une K-algèbre entière.
(ii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini ; déduire de (i)
que Spec f est universellement fermé si et seulement si B est une A-algèbre finie.
§ 6.3: Anneaux noethériens 269

6.3. Anneaux noethériens. Dans cette section on démontrera deux théorèmes


parmi les plus importants de ce cours, qui ont déjà été mentionnés dans les leçons
précédentes : le théorème de la base, et le Nullstellensatz, deux résultats majeurs,
dus à Hilbert. On démarre avec la définition suivante :
Définition 6.61. Soit A un anneau. On dit que A est noethérien si toute suite
ascendante d’idéaux de A :
I0 ⊂ I1 ⊂ I2 ⊂ · · ·
est stationnaire, i.e. il existe n ∈ N tel que Im = In pour tout m ≥ n.
Remarque 6.62. (i) Un anneau A est noethérien si et seulement si tout idéal de
A est de type fini. En effet, si I ⊂ A est un idéal qui n’est pas de type fini, on
peut évidemment trouver une suite ascendante non stationnaire I0 ⊂ I1 ⊂ I2 ⊂ · · ·
de sous-idéaux de I, donc A n’est pas noethérien. Réciproquement, supposons que
tout idéal de A soit de type fini, et soit S I0 ⊂ I1 ⊂ I2 ⊂ · · · une suite ascendante
d’idéaux de A ; par hypothèse, I := i∈N Ii est de type fini, et si a1 , . . . , ak est
un système fini de générateurs de I, on peut évidemment trouver n ∈ N tel que
a1 , . . . , ak ∈ In , d’où Im = In pour tout m ≥ n.
(ii) Par exemple, Z est noethérien, et si K est un corps, K[X] est noethérien :
en effet, on sait que ces anneaux sont principaux, donc l’assertion se déduit de (i).
(iii) Si A est un anneau noethérien, tout quotient et toute localisation de A
est aussi un anneau noethérien : en effet, pour les quotients cela se déduit de la
bijection canonique du lemme 1.4, et pour les localisations, c’est une consequence
immédiate du lemme 2.27.
Exercice 6.63. Soit A un anneau localement noethérien, i.e. tel qu’il existe une
partie finie S ⊂ A vérifiant la condition
S suivante. Pour tout s ∈ S la localisation
As est noethérienne, et Spec A = s∈S D(s). Montrer que A est noethérien.
Problème 6.64. (i) Soit A un anneau, et F l’ensemble des idéaux de A qui ne
sont pas de type fini ; on munit F de l’ordre partiel défini par l’inclusion d’idéaux.
Montrer que tout élément maximal de F est un idéal premier.
(ii) Déduire de (i) que A est noethérien si et seulement si tout idéal premier de
A est de type fini.
Exercice 6.65. (i) Montrer que l’anneau C ([0, 1]) n’est pas noethérien.
(ii) Pour tout ρ ∈ {r ∈ R | r > 0}∪{+∞}, soit D(ρ) := {z ∈ C | |z| < ρ}. Montrer
que l’anneau H (ρ) des fonctions holomorphes D(ρ) → C n’est pas noethérien.
(iii) Noter que H (ρ) ⊂ H (ρ′ ) si ρ ≥ ρ′ ; on pose alors
[
H (ρ) := H (ρ′ ).
ρ′ >ρ

Montrer que pour tout réel ρ > 0, l’anneau H (ρ) est principal (donc noethérien).
Proposition 6.66. Soit A un anneau noethérien, M un A-module de type fini.
Alors, tout sous-module de M est aussi de type fini.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur le nombre de générateurs n de M .
Si n = 1, on a M ≃ A/I pour un idéal I ⊂ A, et les A-sous-modules de A/I sont de
la forme J/I, pour J ⊂ A un idéal qui contient I ; dans ce cas, l’assertion se déduit
donc de la remarque 6.62(i). Soit n > 1, et x1 , . . . , xn un système de générateurs
de M ; on pose M ′ := Ax1 + · · · + Axn−1 ⊂ M , et M ′′ := M/M ′ . Soit maintenant
N ⊂ M un sous-module, et on pose N ′ := N ∩ M ′ , N ′′ := N/N ′ . Evidemment, N ′
est un sous-module de M ′ , et on voit aisément que la projection π : M → M ′′ induit
une identification de N ′′ avec π(N ) ⊂ M ′′ . Or, M ′ est engendré par un système de
n − 1 éléments, et M ′′ est un A-module cyclique ; par hypothèse de récurrence, on
270 å Vierge

déduit que N ′ et N ′′ sont des A-modules de type fini. Soit y1 , . . . , yk un système


de générateurs de N ′ , et yk+1 , . . . , yt ∈ N des éléments dont les classes dans N ′′
forment un système de générateurs ; on voit aisément que y1 , . . . , yt est un système
de générateurs pour N , d’où la proposition. 

Théorème 6.67. (Théorème de la base) Si A est un anneau noethérien, l’anneau


A[X] est aussi noethérien.
Démonstration. Soit I ⊂ A[X] un idéal ; par la remarque 6.62(i), il suffit de montrer
que I est de type fini. Pour cela, notons J ⊂ A l’ensemble des coefficients princi-
paux des polynômes P (X) ∈ I (le coefficient principal du polynôme nul est 0). On
remarque que J est un idéal de A : en effet, si a ∈ J et b ∈ A, il existe un polynôme
P (X) ∈ I de la forme aX n + a1 X n−1 + · · · + an (pour certains a1 , . . . , an ∈ A), et si
ab 6= 0, le coefficient principal de b·P ∈ I est ab, donc ab ∈ J ; de même, si a′ ∈ J est
le coefficient principal de Q(X) ∈ I, on peut écrire Q = a′ X m + a′1 X m−1 + · · · + a′m
pour certains a′1 , . . . , a′m ∈ A, et on voit que si a + a′ 6= 0, le coefficient principal
de X m P + X n Q est a + a′ , donc a + a′ ∈ J. Par la remarque 6.62(i), l’idéal J est
donc de type fini, et soit a1 , . . . , ak un système de générateurs de J ; pour chaque
i = 1, . . . , k on choisit Pi ∈ I dont le coefficient principal soit ai . On pose aussi
di := deg Pi pour tout i = 1, . . . , k, et d := max(d1 , . . . , dk ).
Affirmation 6.68. Si P ∈ I et deg P ≥ d, il existe Q1 , . . . , Qk ∈ A[X] tels que
 k
X 
deg P − Pi Qi < d.
i=1

Preuve : Il suffit de montrer, par récurrence sur f := deg P, que si f ≥ d, il


Pk
existe Q1 , . . . , Qk ∈ A[X] tels que deg(P − i=1 Pi Qi ) < f . Or, si a ∈ J est le
Pk
coefficient principal de P , il existe b1 , . . . , bk ∈ A tels que a = i=1 ai bi ; d’où
Pk
deg(P − i=1 bi X f −di Pi ) < f . ♦
Soit M := A + AX + AX 2 + · · · + AX d−1 et I ′ := I ∩ M ; évidemment M est un
A-module de type fini, et I ′ est un A-sous-module de M , donc I ′ est un A-module
de type fini, par la proposition 6.66. Soit R1 , . . . , Rs un système de générateurs
pour I ′ ; avec l’observation 6.68 on déduit aisément que P1 , . . . , Pk , R1 , . . . , Rs est
un système de générateurs pour I. 

Corollaire 6.69. Si A est noethérien, toute A-algèbre de type fini est un anneau
noethérien.
Démonstration. Par une simple récurrence sur k, on déduit du théorème de la base
que A[X1 , . . . , Xk ] est noethérien, pour tout k ∈ N. D’où le corollaire, compte tenu
de la remarque 6.62(iii). 

Exemple 6.70. Comme application, on va expliquer une solution alternative pour


la partie (c) du problème 4.41(i) : on considère un anneau A 6= 0, et une application
A-linéaire injective f : An → Am , et il s’agit de montrer que n ≤ m. Pour cela,
notons b•• := (bij | i = 1, . . . , m, j = 1, . . . , n) ∈ Am×n la matrice de f (par rapport
aux bases canoniques de An et Am ), et on pose B := Z[bij | i ≤ m, j ≤ n], la Z-sous-
algèbre de A engendrée par les coefficients de b•• . Par le corollaire 6.69, l’anneau
B est noethérien, et évidemment la même matrice b•• définit une application B-
linéaire injective B n → B m ; on peut donc remplacer A par B, et supposer du
départ que A soit noethérien. Or, si n > m, on voit que l’image de f est un A-sous-
module de Am de la forme Am ⊕ An−m , avec An−m 6= 0. Pour conclure, il suffit
donc d’utiliser le lemme suivant :
§ 6.3: Anneaux noethériens 271

Lemme 6.71. Soit A un anneau noethérien, M un A-module de type fini, N un


A-module non nul. Alors, M ne contient pas un A-sous-module isomorphe à M ⊕N .
Démonstration. Supposons par l’absurde, que M contient un sous-module M1 ⊕ N1
avec M1 ≃ M et N1 ≃ N ; il s’ensuit que M1 contient à son tour un sous-module
M2 ⊕N2 avec M2 ≃ M et N2 ≃ N ; on peut continuer ainsi de suite, pour trouver une
suite descendante M1 ⊃ M2 ⊃ M3 ⊃ · · · de sous-modules de M isomorphes à M ,
Pi
et une suite N1 , N2 , N3 , . . . de sous-modules de M tels que Ni+1 ∩ ( k=1 Nk ) = 0
pour tout i ∈ N. En particulier, on obtient une suite strictement ascendante :
N1 ⊂ N1 ⊕ N2 ⊂ N1 ⊕ N2 ⊕ N3 ⊂ · · ·
de sous-modules de M , dont la réunion ne peut donc pas être un sous-module de
type fini. Cela contredit la proposition 6.66. 
Exercice 6.72. (i) Soit A un anneau noethérien. Montrer les assertion suivantes :
(a) Tout A-module et toute A-algèbre de type fini est de présentation finie.
(b) Tout A-module plat de type fini est projectif.
(c) Tout produit (fini ou infini) de A-modules plats est plat.
(ii) (Critère de Bass) Soit A un anneau. Montrer que A est noethérien si et seule-
ment si toute somme directe (finie ou infinie) de A-modules injectifs est injective.
On trouvera dans le problème 7.12 une caractérisation complète des modules
injectifs sur les anneaux noethériens. L’application suivante du critère de l’exercice
6.72(ii) est due indépendamment à Eakin [9] et à Nagata [22] ; notre preuve suit
l’argument de [12, Partie II, Cor.1.2.5].
Théorème 6.73. Soit A → B un homomorphisme fini et injectif d’anneaux. Alors
A est noethérien si et seulement si B est noethérien.
Démonstration. D’après le corollaire 6.69, on peut supposer que B soit noethérien,
et on doit montrer qu’il en est de même pour A. Or, soient I et J le produit direct et
respectivement la somme directe d’une famille arbitraire (Iλ | λ ∈ Λ) de A-modules
injectifs ; la remarque 5.15(ii) nous dit que I est un A-module injectif, et comme B
est un A-module fini, l’on voit aisément que l’application naturelle
M
HomA (B, Iλ ) → HomA (B, J)
λ∈Λ

est un isomorphisme de A-modules. D’autre part, HomA (B, Iλ ) est un B-module


injectif pour tout λ ∈ Λ (remarque 5.15(iii)) ; par l’exercice 6.72(ii) il s’ensuit que
HomA (B, J) est un B-module injectif, donc l’inclusion J → I induit une application
injective HomA (B, J) → HomA (B, I) qui admet une inverse à gauche. La proposi-
tion 6.32 nous assure alors que l’inclusion J → I admet une inverse à gauche, i.e. J
est un facteur direct de I, et il est donc injectif, toujours par la remarque 5.15(ii).
Pour conclure, il suffit maintenant d’invoquer l’exercice 6.72(ii). 
Proposition 6.74. Soient A ⊂ B ⊂ C trois anneaux. On suppose que :
— A est noethérien
— C est une A-algèbre de type fini
— C est entier sur B.
Alors, B est une A-algèbre de type fini.
Démonstration. Soit c1 , . . . , ck un système de générateurs de l’A-algèbre C. Par
hypothèse, on a des équations de la forme :
cni i + bi1 cni i −1 + · · · + bini = 0 ∀i = 1, . . . k
272 å Vierge

avec bij ∈ B pour tout i = 1, . . . k et j = 1, . . . , ni . On pose


D := A[bij | i = 1, . . . , k, j = 1, . . . , ni ]
et on remarque que C est entier et de type fini sur D, donc il est un D-module de
type fini (voir le corollaire 6.4). D’autre part, D est noethérien, par le corollaire
6.69, et on a D ⊂ B ⊂ C ; par la proposition 6.66, on déduit que B est un D-module
de type fini, et la proposition s’ensuit aussitôt. 
La proposition 6.74 sera la clef pour notre preuve du Nullstellensatz, mais plus
généralement elle s’avère être un critère de finitude très versatile : les exercices qui
suivent sont autant d’illustrations de son efficacité.
6.3.1. Anneaux gradués. Un anneau gradué est la donnée d’un anneau A et une
décomposition du groupe abélien additif sous-jacent A comme somme directe
M
A= An
n∈N

de sous-groupes (An | n ∈ N) appelés les composantes homogènes de A, tels que


Ai · Aj ⊂ Ai+j ∀i, j ∈ N
(i.e. le produit ab ∈ A d’éléments a, b ∈ A homogènes de degrés i et respectivement
j est homogène de degré i + j). En particulier, A0 est un sous-anneau de A, et
M
A+ := An
n≥1

est un idéal de A. Si A est un anneau gradué, un A-module gradué est la donnée


d’un A-module M et une décomposition du groupe abélien sous-jacent M comme
somme directe M
M= Mn
n∈N
de sous-groupes (Mn | n ∈ N) appelés les composantes homogènes de M , tels que
Ai · Mj ⊂ Mi+j ∀i, j ∈ N.
En particulier, noter que Mn est un A0 -module, pour tout n ∈ N. Soient M et N
deux A-modules gradués ; un morphisme de A-modules gradués f : M → N est une
application A-linéaire telle que f (Mn ) ⊂ Nn pour tout n ∈ N.
Exercice 6.75. (i) Soit A un anneau gradué. Montrer que les deux conditions
suivantes sont équivalentes :
(a) A est noethérien.
(b) A0 est noethérien et A est une A0 -algèbre de type fini.
(ii) Soit A un anneau gradué noethérien, et M un A-module gradué de type
fini. Montrer que Mn est un A0 -module L de type fini, pour tout n ∈ N.
(iii) Soit d > 0 un entier, et A(d) := n∈N And . On voit aisément que A(d) est
un sous-anneau de A. Montrer que si A est noethérien, A(d) l’est aussi.
Exemple 6.76. (i) Par exemple, si R est un anneau, la R-algèbre de polynômes
R[T1 , . . . , Tn ] est un anneau gradué : sa composante homogène de degré n est le
R-module engendré par les monômes de degré total n, pour tout n ∈ N.
(ii) Mais on peut aussi munir R[T1 , . . . , Tn ] de graduations plus exotiques : on
choisit arbitrairement des entiers ν1 , . . . , νn ≥ 0, et on déclare que la variable Ti
est un élément homogène de degré νi , pour tout i = 1, . . . , n. Par rapport à cette
graduation, la composante homogène de degré k ∈ N est le R-sous-module libre
engendré par le monômes T1µ1 · · · Tnµn tels que ν1 µ1 + · · · + νn µn = k. Voir l’exercice
11.19 pour une application de ces graduations non-standards.
§ 6.3: Anneaux noethériens 273

Exercice 6.77. Soit A un anneau noethérien, B une A-algèbre de type fini, G un


groupe fini qui agit sur B par automorphismes de A-algèbres.
(i) Montrer que B G est une A-algèbre de type fini (voir l’exercice 6.26).
(ii) Par exemple, soit n > 1 un entier, K un corps qui contient une racine
primitive n-ème de l’unité ζn 6= 1. On rappelle que le groupe dihédral D2n est
engendré par deux éléments σ et τ soumis aux relations :
σ n = 1G = τ 2 τ · σ · τ −1 = σ −1 .
On fait agir sur B := K[X, Y ] le groupe D2n de la façon suivante :
σ(X) := ζn · X σ(Y ) := ζn−1 · Y
τ (X) := Y τ (Y ) := X.
Déterminer générateurs et relations pour les K-algèbres B hσi et B D2n .
Voici une autre application de la proposition 6.74 qui est très utile pour construire
des anneaux avec des propriétés géométriques intéressantes :
Exercice 6.78. (Equaliseurs) Soit A un anneau, B et C deux A-algèbres, et
φ1 , φ2 , . . . , φn : B → C une suite d’homomorphismes de A-algèbres. L’équaliseur
de φ1 , φ2 , . . . , φn est le sous-anneau
E := {b ∈ B | φ1 (b) = φ2 (b) = · · · = φn (b)} ⊂ B.
(i) On suppose que A soit noethérien, B une A-algèbre de type fini, et C entier
sur A. Montrer que E est une A-algèbre de type fini et B est entier sur E.
(ii) Noter que C est muni d’une structure naturelle de E-algèbre, via la restric-
tion φ′i : E → C de l’application φi (qui est évidemment indépendante de l’indice
i). Soit E ′ une E-algèbre plate. Montrer que l’équaliseur de
φ1 ⊗E E ′ , . . . , φn ⊗E E ′ : B ⊗E E ′ → C ⊗E E ′
est E ′ (ce dernier s’identifie naturellement à un sous-anneau de B ⊗E E ′ , car l’ap-

plication naturelle E ′ → E ⊗E E ′ → B ⊗E E ′ est injective).
Proposition 6.79. Soit K un corps, E une K-algèbre de type fini. Si E est un
corps, E est une extension (algébrique) finie de K.
Démonstration. Soit x1 , . . . , xk un système de générateurs pour la K-algèbre E.
Supposons par l’absurde, que E ne soit pas une extension algébrique de K ; on peut
alors réordonner les éléments xi , de telle façon que x1 , . . . , xr soient algébriquement
indépendants sur K (avec r ≥ 1), et E soit algébrique sur le corps des fractions F
de K[x1 , . . . , xr ]. La proposition 6.74 s’applique aux inclusions K ⊂ F ⊂ E, et on
trouve que F est une K-algèbre de type fini. Soit donc P1 /Q1 , . . . , Pl /Ql un système
de générateurs pour la K-algèbre F (avec Pi , Qi ∈ K[x1 , . . . , xr ] pour i = 1, . . . , l).
On peut trouver G ∈ K[x1 , . . . , xr ] irréductible qui ne divise pas les polynômes
Q1 , . . . , Ql : en effet, si deg Qi = 0 pour tout i = 1, . . . , l, on peut prendre G := x1 ,
et sinon, on prendra pour G un facteur irréductible de Q1 · · · Ql + 1. Mais on voit
aisément que 1/G n’appartient pas à la K-algèbre engendrée par P1 /Q1 , . . . , Pl /Ql ,
car K[x1 , . . . , xr ] est un anneau factoriel (problème 5.36(ii)). Contradiction. 
Corollaire 6.80. (Nullstellensatz) Soit K un corps, A une K-algèbre de type fini,
m ∈ Max A. Alors k(m) est une extension finie de K.
Démonstration. On applique la proposition 6.79 à E := k(m). 
Remarque 6.81. En particulier, si K est un corps algébriquement clos et A une K-
algèbre de type fini, le corps résiduel k(m) de tout m ∈ Max A est isomorphe à K ;
i.e. la composition du morphisme structurel j : K → A et de la projection π : A →

k(m) est un isomorphisme ω : K → k(m). Par exemple, si A = K[T1 , . . . , Tn ] est une
274 å Vierge

K-algèbre de polynômes, pour tout i = 1, . . . , n on a ai ∈ K tel que π(Ti ) = ω(ai ),


d’où π(Ti − ai ) = 0, et on déduit que m est engendré par (T1 − a1 , . . . , Tn − an ).
Aussi, pour tout f ∈ K[T1 , . . . , Tn ] on a π(f ) = ω(f (a1 , . . . , an )), donc f ∈ m si et
seulement si f (a1 , . . . , an ) = 0. Ainsi on retrouve la bijection naturelle

K n → Max K[T1 , . . . , Tn ] a := (a1 , . . . , an ) 7→ ma
qui avait été annoncée dès la première leçon (voir le paragraphe 1.3.1).
Corollaire 6.82. Soit K un corps, φ : A → B un homomorphisme de K-algèbres
de type fini. Alors Spec φ se restreint en une application Max φ : Max B → Max A.
Démonstration. Cette assertion avait déjà été montrée – comme application du
Nullstellensatz – dans l’exercice 1.29(i) (du moins, pour A et B des K-algèbres de
polynômes, mais on peut ramener aisément l’assertion générale à ce cas). Voici une
preuve alternative : soit m ∈ Max B, et on pose p := φ−1 (m) ∈ Spec A ; on obtient
des applications injectives
K → A/p → B/m.
Mais B/m est une extension finie de K, par le Nullstellensatz, donc A/p est aussi
un corps (voir la proposition 6.16) ; d’où, p ∈ Max A. 
Corollaire 6.83. Soit K un corps algébriquement clos, I ⊂ K[T1 , . . . , Tn ] un idéal.
On pose
Z(I) := {x ∈ K n | f (x) = 0 ∀f ∈ I}
J := {g ∈ K[T1 , . . . , Tn ] | g(x) = 0 ∀x ∈ Z(I)}.
Alors J = rad(I).
Démonstration. Evidemment rad(I) ⊂ J. Soit f ∈ K[T1 , . . . , Tn ] \ rad(I) ; par le
corollaire 2.1, il existe p ∈ Spec K[T1 , . . . , Tn ] tel que I ⊂ p et f ∈
/ p. On pose
A := K[T1 , . . . , Tn ]/p et B := Af ; on remarque que si f¯ ∈ A est la classe de f , on
a B = A[1/f¯], donc B est une A-algèbre de type fini. Compte tenu du corollaire
6.82, on déduit les inclusions

Max B ⊂ Max A ⊂ Max K[T1 , . . . , Tn ]/I → Z(I)
où la dernière bijection suit de la remarque 6.81 et le lemme 1.4. De plus, on a
B 6= 0, d’où Max B 6= ∅ ; soit donc m ∈ Max B, et x ∈ Z(I) le point correspondant
de K n . Or, on a f¯ ∈
/ m, d’où f (x) 6= 0, et finalement, f ∈
/ J. 
Exercice 6.84. (i) Soit K un corps algébriquement clos. Déterminer l’idéal I des
polynômes P (X, Y ) ∈ K[X, Y ] qui s’annulent sur la réunion des axes coordonnés
du plan K 2 , i.e. sur l’ensemble algébrique {(a, 0) | a ∈ K} ∪ {(0, a) | a ∈ K}.
(ii) Déterminer l’idéal I ′ des polynômes P (X, Y, Z) ∈ K[X, Y, Z] qui s’annulent
sur la réunion des axes coordonnés de K 3 , i.e. sur l’ensemble algébrique
{(a, 0, 0) | a ∈ K} ∪ {(0, a, 0) | a ∈ K} ∪ {(0, 0, a) | a ∈ K}.
(iii) Déterminer l’idéal I ′′ des polynômes P (X, Y, Z, W ) ∈ K[X, Y, Z, W ] qui
s’annulent sur la réunion de deux plans transversaux de K 4 :
{(a, b, 0, 0) | a, b ∈ K} ∪ {(0, 0, a, b) | a, b ∈ K}.
Exercice 6.85. Soit K ⊂ K ′ une extension de corps, avec K algébriquement clos ;
soient A et B deux K-algèbres de type fini avec un isomorphisme de K ′ -algèbres
∼ ∼
K ′ ⊗K A → K ′ ⊗K B. Montrer qu’il existe un isomorphisme de K-algèbres A → B.
Problème 6.86. Soit K un corps, R une K-algèbre finie. Pour tout x ∈ R, la
multiplication µx : R → R : y 7→ xy est une application K-linéaire, et on dénote
trR/K (x) la trace de cette application. La trace de R sur K est la forme K-bilinéaire
TrR/K : R × R → K (a, b) 7→ trA/K (ab).
§ 6.4: Variétés normales et normalisation 275

(i) Montrer que si F est une extension finie et séparable de K, la forme bilinéaire
TrF/K est non-dégénérée. (On pourra utiliser l’exercice 4.28).
(ii) Soit maintenant A un anneau intègre et intégralement clos, K son corps des
fractions, F une extension finie et séparable de K, et B la fermeture intégrale de
A dans F . On a F = K ⊗A B, par la proposition 6.12, donc on peut trouver une
base b1 , . . . , bn du K-espace vectoriel F constituée d’éléments de B. Montrer que
B ⊂ {x ∈ F | TrF/K (x, bi ) ∈ A ∀i = 1, . . . , n}.
(iii) Dans la situation de (ii), supposons de plus, que A soit noethérien. Déduire
que B est une A-algèbre finie. En particulier, B est noethérien.
Exercice 6.87. Soit K un corps, A une K-algèbre de type fini. Montrer que
J (A) = N (A)
(notation de la définition 1.30(i)).
6.4. Variétés normales et normalisation. Rappelons qu’un ensemble algébri-
que de Cn est une partie de la forme V (I), pour un idéal I ⊂ C[X1 , . . . , Xn ], et
comme déjà annoncé au paragraphe 1.3.1, le théorème de la base nous dit que V (I)
est le lieu des zéros communs d’un nombre fini de polynômes de A. D’autre part, le
Nullstellensatz nous dit que l’idéal des polynômes qui s’annulent sur V (I) est le radi-
cal de I. Les propriétés algébriques de l’anneau quotient A := C[X1 , . . . , Xn ]/rad(I)
traduisent des propriétés géométriques de l’ensemble associé V (I) : par exemple,
on a déjà remarqué que V (I) est irréductible si et seulement si le radical de I est
un idéal premier, autrement dit, si et seulement si A est un anneau intègre. Si A est
aussi intégralement clos, on dit que V (I) est une sous-variété normale de Cn . Quelle
sorte de propriétés géométriques caractérisent les sous-variétés normales ? On verra
une réponse plus détaillée à cette question dans la section 7.4, mais seulement pour
le cas des variétés de dimension un, donc pour les courbes algébriques de Cn ; briè-
vement, si V (I) est une courbe normale, la sous-variété analytique complexe V (I)
de Cn est non-singulière. Pour le cas d’un ensemble algébrique de dimension arbi-
traire, la normalité est une condition un peu plus difficile à saisir, et les variétés
normales occupent une position intermédiaire, car elles peuvent présenter des singu-
larités, mais partagent néanmoins plusieurs propriétés des variétés non-singulières,
et le lieu des leurs points singuliers a codimension au moins 2. Un avantage des
variétés normales est leur relative accessibilité et abondance : à savoir, si V est un
sous-ensemble algébrique irréductible arbitraire, il existe toujours une partie non-
vide et ouverte (dans la topologie de Zariski) U ⊂ V , et une application algébrique
φ : V ′ → V d’une variété normale V ′ dont les fibres φ−1 (x) sont des ensembles
finis pour tout x ∈ V , et tel que la restriction φ−1 U → U soit bijective. De plus
ces propriétés caractérisent (V ′ , φ) à isomorphisme près : on dit que V ′ est une
normalisation de V . Tout cela est conséquence du lemme suivant :
Lemme 6.88. Soit K un corps, A une K-algèbre intègre de type fini. La fermeture
intégrale de A dans son corps de fractions F est une A-algèbre finie A′ . De plus, il
existe un élément a ∈ A non nul tel que A[a−1 ] = A′ [a−1 ].
Démonstration. On utilisera un peu plus de théorie des corps que d’habitude.
D’abord, le théorème de normalisation de Noether (voir le problème 6.11(ii)) nous
fournit des éléments x1 , . . . , xd ∈ A algébriquement indépendants sur K, et tels
que A soit entière sur A0 := K[x1 , . . . , xd ]. Evidemment A′ est aussi la fermeture
intégrale de A0 dans F (corollaire 6.8), et notons que A0 est intégralement clos (voir
l’exemple 6.2(ii)). Or, soit F0 le corps des fractions de A0 ; si F est une extension
séparable de F0 , le problème 6.86(iii) nous dit déjà que A′ est une A0 -algèbre finie,
donc aussi une A-algèbre finie. Sinon, la caractéristique de K est p > 0, et on a une
276 å Vierge

tour d’extensions de corps F0 ⊂ F1 ⊂ F avec F séparable sur F1 et F1 purement


inséparable sur F0 ; on trouve alors a1 , . . . , ar ∈ K et un entier e ≥ 0 tels que
1/pe e 1/pe 1/pe
F1 ⊂ L := K(a1 , . . . , a1/p
r , x1 , . . . , xd ).
e e
1/p 1/p
Mais K ′ := K(a1 , . . . , ar ) est une extension finie de K (de degré ≤ per ), et la
1/pe 1/pe
fermeture intégrale de A0 dans L = K ′ (x1 , . . . , xd ) coïncide avec la fermeture
1/pe 1/pe
intégrale de K ′ [x1 , . . . , xd ] dans L, qui est évidemment AL := K ′ [x1 , . . . , xd ].
On voit finalement que la fermeture intégrale A1 de A0 dans F1 est contenue dans
l’A0 -algèbre finie AL , et donc A1 est aussi une A0 -algèbre finie (par la proposition
6.66). En particulier, A1 est une K-algèbre intégralement close de type fini, et
son corps des fractions est F1 , par la proposition 6.12 ; sa fermeture intégrale dans
l’extension séparable F de F1 est alors une A1 -algèbre finie, par le problème 6.86(iii).
Cela achève de montrer que A′ est une A-algèbre finie.
Ensuite, soit x1 , . . . , xn un système fini de générateurs du A-module A′ ; pour
tout i = 1, . . . , n il existe ai , bi ∈ A tels que xi = bi /ai . Soit donc a := a1 · · · an ; il
vient que x1 , . . . , xn ∈ A[a−1 ] et donc A[a−1 ] = A′ [a−1 ], comme souhaité. 

On peut maintenant construire la normalisation V ′ de V : le lemme 6.88 nous


dit que la fermeture intégrale A′ de notre anneau A dans son corps des fractions
est une C-algèbre de type fini, donc le Nullstellensatz nous permet de décrire V et
V ′ comme les spectres maximaux respectivement de A et A′ , et la normalisation
φ : V ′ → V sera l’application Max f : Max A′ → Max A induite par l’inclusion
f : A → A′ . Les propriétés requises pour φ se vérifient aisément : d’abord, les fibres
φ−1 (x) sont des parties finies, grâce à la remarque 6.19(ii) ; et si a ∈ A est un
élément non nul tel que A[a−1 ] = A′ [a−1 ], on voit que U := Max A[a−1 ] est une
partie ouverte non vide de V telle que la restriction φ−1 U → U est bijective. Si on
souhaite une description plus concrète de φ, on peut procéder comme suit :
— on détermine un système de générateurs y1 , . . . , ym de la C-algèbre A′ , de
telle façon à obtenir un homomorphisme surjectif de C-algèbres :
π : C[Y1 , . . . , Ym ] → A′ Yi 7→ yi .
Grâce au Nullstellensatz, cela nous permet de représenter Max A′ comme un
sous-ensemble algébrique de Cm .
— Rappelons que A est aussi un quotient de C[X1 , . . . , Xn ], et pour tout i =
1, . . . , n, soit ai ∈ A la classe de Xi ; donc ai est aussi un élément de A′ , et
on choisira Pi ∈ C[Y1 , . . . , Ym ] qui relève ai ∈ A′ , i.e. avec π(Pi ) = ai .
— Ensuite, on considère l’application de C-algèbres
ψ : C[X1 , . . . , Xn ] → C[Y1 , . . . , Ym ] Xi 7→ Pi .
Cela donne un diagramme commutatif de homomorphismes de C-algèbres
ψ
C[X1 , . . . , Xn ] / C[Y1 , . . . , Ym ]
π
 f

A / A′

d’où, un diagramme de spectre maximaux :


φ
V′ /V

 Max ψ 
Cm / Cn
§ 6.4: Variétés normales et normalisation 277

qui montre bien que φ est la restriction à V ′ d’une application algébrique


définie sur Cm à valeurs dans Cn : plus précisément, il s’agit de l’application
Max ψ : Cm → Cn z := (z1 , . . . , zm ) 7→ (P1 (z), . . . , Pn (z))
(voir l’exercice 1.29). Toutefois, notons que Max ψ dépend de la présentation choisie
pour A′ comme quotient d’une C-algèbre de polynômes, ainsi que des choix des
polynômes Pi : seulement l’application Max f est intrinsèque.
Exercice 6.89. Compléter la discussion ci-dessus de la façon suivante :
(i) Préciser la propriété d’unicité : soit A un anneau intègre, notons A′ la fer-
meture intégrale de A dans son corps de fractions ; si f : A → A′′ est une autre
A-algèbre intègre et intégralement close et s’il existe un élément b ∈ A tel que f in-

duit un isomorphisme A[b−1 ] → A′′ [b−1 ], alors montrer qu’il existe un isomorphisme

unique de A-algèbres A′ → A′′ .
(ii) Soient A et A comme dans (i), et K un corps tel que A soit une K-algèbre

de type fini ; on a vu qu’il existe a ∈ A tel que A[a−1 ] = A′ [a−1 ]. On pose


Unor := {p ∈ Spec A | Ap est intégralement clos}.
Montrer que Unor contient l’ouvert Spec A[a−1 ] de Spec A. Montrer aussi que Unor
est une partie ouverte (non vide) de Spec A : il est donc le plus grand des ensembles
algébriques ouverts et normaux contenus dans Spec A.
Dans la pratique, les problèmes de décider si un ensemble algébrique irréductible
soit normal (i.e. si un anneau intègre donné soit algébriquement clos), ou de dé-
terminer sa normalisation, ou l’ouvert maximal Unor de l’exercice 6.89(ii), peuvent
être assez difficiles : dans notre cours on verra (au paragraphe 7.3.1) des critères
maniables pour le cas des courbes, mais le cas des variétés de dimension supérieures
démande des méthodes plus sophistiquées. Donc, il peut être intéressant de renver-
ser la question : étant donné une variété normale V ′ , on pourrait essayer de produire
des ensembles algébriques irréductibles non-normaux, dont la normalisation soit V ′ ;
on aura ainsi un échantillon d’applications de normalisation, prêt à l’emploi, pour
vérifier des conjectures, ou construire éventuellement des contre-exemples utiles.
• Essayons par exemple de trouver V tel que le complémentaire de Unor dans
V soit un unique point P ∈ V . Dans ce cas, la fibre φ−1 (P ) de l’application de
normalisation φ : V ′ → V sera une partie finie de points Q1 , . . . , Qn ∈ V ′ . Avec un
langage imagé, on pourrait dire que la normalisation pince Q1 , . . . , Qn sur le point
P . On arrive donc à la question : étant donné un ensemble fini de points Q1 , . . . , Qn
de V ′ , peut-on obtenir un nouveau ensemble algébrique si on pince les Qi sur un
seul point, tout en laissant inaltérés les autres points de V ′ ? On peut formaliser
notre question de la façon suivante : d’abord, on considère l’ensemble quotient
W := V ′ / ∼
par la relation d’équivalence qui pince les points Q1 , . . . , Qn : i.e. pour tout X, Y ∈
V ′ tels que X ∼ Y , on a soit X = Y , soit X, Y ∈ {Q1 , . . . , Qn }. On dénote
ψ : V ′ → W la projection canonique qui envoit tout élément de V ′ sur sa classe
d’équivalence, et on munit W de la topologie quotient induite par V ′ via ψ, de telle
façon que ψ devient une application continue d’espaces topologiques. On cherche
maintenant un ensemble algébrique V irréductible muni d’une bijection ensembliste

ω : W → V , et tel que la composition φ := ω ◦ ψ : V ′ → V soit une application de
normalisation. Cette dernière condition veut dire que si V ′ = Max A′ et V = Max A
pour deux C-algèbres A, A′ intègres et de type fini, il existe un homomorphisme
entier de C-algèbres f : A → A′ tel que φ = Max f . On remarque que si un tel
ω existe, la topologie de V coïncide avec la topologie induite par V ′ via φ (voir le
corollaire 6.22(ii)), donc ω est même un homéomorphisme.
278 å Vierge

• Or, A′ est l’anneau des fonctions algébriques définies sur V ′ à valeurs com-
plexes, et A serait de même l’anneau des fonctions algébriques sur V ; de plus, f
s’identifierait naturellement à l’application qui associe à toute fonction algébrique
h : V → C la composition h ◦ φ : V ′ → C. Mais évidemment, toute fonction de la
forme h ◦ φ est constante sur l’ensemble {Q1 , . . . , Qn } ; réciproquement, toute fonc-
tion algébrique constante sur cette partie devrait provenir d’une fonction algébrique
de V . On voit donc que le candidat naturel est le sous-anneau de A′
A := {h ∈ A′ | h(Qi ) = h(Qj ) ∀i, j = 1, . . . , n}.
On a déjà recontré ce type d’anneaux dans l’exercice 6.78 : en effet, pour tout
i = 1, . . . , n on a un homomorphisme d’anneaux
εi : A′ → C h 7→ h(Qi )
et A est précisément l’équaliseur de ε1 , . . . , εn . L’exercice 6.78(i) nous dit déjà que
A est une C-algèbre de type fini, et de plus A′ est une A-algèbre entière. Pour
conclure, il ne reste qu’à vérifier que l’application φ : Max A′ → Max A induite par
l’inclusion f : A → A′ identifie Max A avec le quotient W de Max A′ .

6.4.1. Pincement d’un ensemble fini de points géométriques. Pour cela, on peut
considérer plus généralement un corps K arbitraire, une K-algèbre de type fini A′ ,
et un ensemble fini {m1 , . . . , mn } ⊂ Max A′ . Soit K une clôture algébrique fixée de
K ; par le Nullstellensatz, pour chaque i = 1, . . . , n il existe un homomorphisme
de K-algèbres ε̄i : k(mi ) → K, et on dénote εi : A′ → K la composition de ε̄i
avec la projection canonique πi′ : A′ → k(mi ). Si A est l’équaliseur des ε1 , . . . , εn ,
on vient d’observer que l’inclusion f : A → A′ est un homomorphisme fini, et on
va voir plus précisément, que Spec f identifie Spec A avec le quotient (Spec A′ )/ ∼,
pour la relation d’équivalence ∼ sur Spec A′ qui pince sur un seul point les idéaux
maximaux m1 , . . . , mn . D’abord, on a mi = Ker εi , et donc
f −1 (mi ) = A ∩ Ker εi = A ∩ Ker εj = f −1 (mj ) ∀i, j = 1, . . . , n
ce qui montre que Spec f envoit m1 , . . . , mn sur le même point m ∈ Max A. Ensuite,
montrons que (Spec f )−1 (m) = {m1 , . . . , mn }. On raisonne par l’absurde : soit alors
p ∈ Spec A′ \ {m1 , . . . , mn } tel que Spec f (p) = A ∩ pT = m ; comme les mi sont
maximaux, le lemme 2.3 nous assure qu’il existe h ∈ ( ni=1 mi ) \ p. Cela veut dire
que εi (h) = 0 pour i = 1, . . . , n, donc h ∈ A ; mais par construction on a h ∈ m et
h∈/ A ∩ p, contradiction. On voit ainsi que Spec f se restreint en une application
Spec A′ \ {m1 , . . . , mn } → U := Spec A \ {m}
qui est surjective, par le corollaire 6.22, et on est ramené à vérifier que cette appli-
cation est bijective. Remarquons que {m} = V (m) est une partie fermée de Spec A,
donc U est une partie ouverte de Spec A ; il suffira ainsi de montrer que si h ∈ A et
la partie ouverte D(h) = Spec Ah de Spec A est contenue dans U , alors la restriction
(Spec f )−1 (D(h)) → D(h) de Spec f est une bijection. Or, la localisation Ah est une
A-algèbre plate (remarque 4.54(i)), donc elle est l’équaliseur des homomorphismes
ε1 ⊗A Ah , . . . , εn ⊗A Ah : A′ ⊗A Ah → K ⊗A Ah
par l’exercice 6.78(ii). D’autre part, K ⊗A Ah est la localisation de K par la partie
multiplicative engendrée par l’image de h dans K (voir la discussion au paragraphe
4.3.1) ; mais εi (h) = 0 pour tout i = 1, . . . , n, car D(h) ne contient pas le point m
de Spec A. Autrement dit, K ⊗A Ah est la localisation de K dans laquelle 0 devient
inversible : il faut donc avoir K ⊗A Ah = 0. En particulier, les homomorphismes
εi ⊗A Ah sont tous trivialement égaux, et donc leur équaliseur est A′ ⊗A Ah = A′h ;
on conclut que Ah = A′h . D’où Spec Ah = Spec A′h = (Spec f )−1 (D(h)), CQFD.
§ 6.4: Variétés normales et normalisation 279

Remarque 6.90. Dans la situation générale du paragraphe 6.4.1, la construction de


A ne dépend pas seulement des points m1 , . . . , mn , mais aussi du choix des inclusions
ε̄i des leurs respectifs corps résiduels dans K. La donnée d’un point p ∈ Spec A et
d’une inclusion de k(p) dans un corps algébriquement clos est appelée parfois un
point géométrique de Spec A. Notre construction représente alors le sous-foncteur du
foncteur h(A′ )op : (K − Alg)op → Ens (notation de la section 2.2), associant à toute
K-algèbre B l’ensemble des homomorphismes B → A′ de K-algèbres qui équalisent
les points géométriques ε1 , . . . , εn . Si K = K, ce sous-foncteur coïncide avec le sous-
foncteur de h(A′ )op qui associe à toute K-algèbre B l’ensemble des homomorphismes
f : B → A′ de K-algèbres tels que (Spec f )(m1 ) = · · · = (Spec f )(mn ). (Exercice !)

Exercice 6.91. On va illustrer la discussion ci-dessus par un exemple assez simple :


on considère la droite affine complexe A1C (dont les points sont en bijection avec
l’ensemble C), et on va décrire explicitement la variété V obtenue par pincement
des points −1, 0, 1 de A1C . D’abord, si T est une coordonnée sur A1C , l’anneau des
fonctions algébriques définies sur A1C est la C-algèbre de polynômes C[T ], et les
points −1, 0, 1 de A1C correspondent aux idéaux maximaux de C[T ] engendrés res-
pectivement par T + 1, T et T − 1. Soit B ⊂ C[T ] l’anneau des fonctions algébriques
sur V , i.e. l’équaliseur des trois homomorphismes de C-algèbres

εa : C[T ] → C P 7→ P (a) avec a = −1, 0, 1.

(i) Montrer que B est la C-sous-algèbre de C[T ] engendrée par X := T 3 − T ,


Y := T X et Z := T 2 X.
(ii) Soit C la C-sous-algèbre de B engendrée par X. Montrer que B est un C-module
libre de rang 3, dont {1, Y, Z} est une base.
(iii) Déduire de (ii) une présentation de la C-algèbre B par générateurs et relations.

Remarque 6.92. (i) Noter que l’exercice 6.78 permet d’effectuer des pincements
bien plus généraux : le lecteur est encouragé à manufacturer ses propres exemples.
(ii) L’ensemble algébrique V construit dans l’exercice 6.91 peut être visualisé
comme une courbe avec un double nœud, et la description explicite de l’algèbre B
associée nous a montré que V est un sous-ensemble algébrique de Max C[X, Y, Z],
i.e. il est réalisable “concrètement” comme une courbe plongée dans l’espace C3 .
On pourrait se demander si V soit plongeable déjà dans C2 , le cas échéant V serait
une courbe plane. En termes algébriques, cela revient à se demander s’il existe une
présentation différente de B comme quotient de la C-algèbre de polynômes en deux
variables C[X, Y ]. Toutefois, notons que si R est un quotient de C[X, Y ], tout idéal
maximal de R est engendré par au plus deux éléments, car il est l’image dans R d’un
idéal maximal de C[X, Y ], et on sait que ce dernier est engendré par un système de
la forme (X − a, Y − b) avec a, b ∈ C. Donc, si on trouve dans notre C-algèbre B
un idéal maximal m qui n’admet aucun système de générateurs de cardinalité ≤ 2,
on sera sûr que V ne soit pas une courbe planaire ; pour cela, il suffira d’exhiber
un idéal maximal m tel que dimC m/m2 > 2. Or, la préséntation de B fournie par
la solution de l’exercice 6.91 est de la forme C[X, Y, Z]/I, pour un idéal I engendré
par trois polynômes P1 , P2 , P3 et on voit que si n ⊂ C[X, Y, Z] est l’idéal engendré
par (X, Y, Z), on a P1 , P2 , P3 ∈ n2 . Soit m ⊂ B l’image de n ; il s’ensuit que

dimC m/m2 = dimC n/(I + n2 ) = dimC n/n2 = 3.

On conclut que la courbe V ne peut pas être plongée dans C2 .


(iii) Plus généralement, si K est un corps algébriquement clos, et B est une
K-algèbre de type fini, l’argument de (ii) montre que :
280 å Vierge

— La quantité e := max(dimK m/m2 | m ∈ Max B) est toujours < +∞, car il


existe n ∈ N tel que B soit un quotient de K[X1 , . . . , Xn ], et le Nullstellen-
satz nous dit que tout idéal maximal de K[X1 , . . . , Xn ] est engendré par un
système de la forme (X1 − a1 , . . . , Xn − an ), d’où e ≤ n.
— De plus, Max B ne peut pas être plongé dans K e−1 .
Exemple 6.93. Comme application, on va exhiber un contre-example montrant
que dans le théorème 6.27 du “going down” on ne peut pas omettre l’hypothèse que
A soit intégralement clos. Pour cela, on considère le plan affine complexe A2C et la
variété V obtenue par pincement de deux points distincts P, Q ∈ A2C ; on va montrer
que la projection φ : A2C → V n’est pas générisante. En termes algébriques, A2C
correspond au spectre premier de B := C[T, S] et P, Q correspondent à deux idéaux
maximaux de B ; l’anneau A des fonctions algébriques sur V est alors l’équaliseur
des projections πP , πQ : B → C sur les corps résiduels de ces points (ces corps
résiduels étant naturellement identifiés au corps C). Soit maintenant D ⊂ A2C une
droite affine avec P ∈ D et Q ∈ / D ; la droite D correspond à une partie fermée
irréductible de Spec B, et notons ηD son point générique ; P est une spécialisation
de ηD dans Spec B, donc φ(P ) est une spécialisation de φ(ηD ) dans Spec A. Or, on
a aussi φ(Q) = φ(P ), mais il n’existe aucune générisation η ′ de Q dans Spec B avec

φ(η ′ ) = φ(ηD ), car φ induit une bijection (Spec B) \ {P, Q} → (Spec A) \ {φ(P )},
et ηD n’est pas une générisation de Q.
6.4.2. Le groupe de Picard d’un pincement. On va maintenant essayer de décrire les
modules projectifs sur un ensemble algébrique V obtenu par pincement de points
d’un autre ensemble algébrique V ′ , en terme des modules projectifs sur V ′ . On re-
prend la situation du paragraphe 6.4.1 ; si π : A → k(m) est la projection canonique,
on peut résumer la construction de A par un diagramme commutatif d’anneaux :
f
A / A′
(∗) π π′
 g

k(m) / C := k(m1 ) × · · · × k(mn )

où π ′ est le produit des projections π1′ , . . . , πn′ ; ce diagramme est cartésien, i.e. il
identifie A avec le produit fibré A′ ×C k(m). On sait aussi qu’un A-module projectif P
peut s’interpréter comme une sorte de fibré vectoriel sur Spec A ; au vu de l’exercice
5.47, le A′ -module projectif A′ ⊗A P devrait alors correspondre à l’image inverse de
ce fibré vectoriel, via l’application Spec f : Spec A′ → Spec A. Réciproquement, un
A-module projectif devrait s’obtenir à partir de la donnée d’un A′ -module projectif
P ′ , par recollement des fibres P ′ (m1 ), . . . , P ′ (mn ). En effet, π ′ est surjective, par le
lemme des chinois, donc (∗) nous fournit une suite exacte courte de A-modules :
α β
Σ : → A′ ⊕ k(m) −
0→A− →C→0
avec α(a) := (f (a), π(a)) pour tout a ∈ A et β(a′ , b) := π ′ (a′ ) − g(b) pour tout
a′ ∈ A′ et b ∈ k(m). Or, si P est plus généralement un A-module plat arbitraire,
soit P ′ := A′ ⊗A P ; l’on déduit une suite exacte de A-modules :
α⊗ P ∼
Σ ⊗A P : 0 → P −−−A−→ P ′ ⊕ P (m) → C ⊗A′ P ′ → P ′ (m1 ) ⊕ · · · ⊕ P ′ (mn ) → 0
d’où un diagramme cartésien de A-modules :
f ⊗A P
P / P′
π⊗A P π ′ ⊗A P
 g⊗A P

P (m) / C ⊗ A′ P ′
§ 6.4: Variétés normales et normalisation 281

qui nous permet de récupérer P , à isomorphisme de A-modules près, à partir de la


donnée de P ′ , P (m) et des homomorphismes g ⊗A P et π ′ ⊗A P .
On va alors considérer la catégorie D dont les objets sont les données (Q′ , V, ξ)
composées d’un A′ -module Q′ , un k(m)-espace vectoriel V , et un isomorphisme de

C-modules ξ : C ⊗k(m) V → C ⊗A′ Q′ . Les morphismes (Q′1 , V1 , ξ1 ) → (Q′2 , V2 , ξ2 )
de D sont les couples (ω, τ ) formés d’une application A′ -linéaire ω : Q′1 → Q′2 et
une application k(m)-linéaire τ : V1 → V2 faisant commuter le diagramme :
C⊗k(m) τ
C ⊗k(m) V1 / C ⊗k(m) V2
ξ1 ξ2
 C⊗A ω 
C ⊗A Q1 / C ⊗A Q2

avec composition de morphismes donnée par : (ω, τ ) ◦ (ω ′ , τ ′ ) := (ω ◦ ω ′ , τ ◦ τ ′ ).


Noter que pour tout A-module Q on a un isomorphisme canonique
∼ ∼
ξQ : C⊗k(m) Q(m) → C⊗A Q → C⊗A′ (A′ ⊗A Q) 1[g] ⊗(1[π] ⊗q) 7→ 1[π′ ] ⊗(1[f ] ⊗q)
(voir la remarque 4.13(iv)) d’où un foncteur bien défini :
F : A − Mod → D Q 7→ (A′ ⊗A Q, Q(m), ξQ )
qui associe à toute application A-linéaire φ : Q1 → Q2 le couple
F φ := (A′ ⊗A φ, C ⊗k(m) φ) : F Q1 → F Q2 .
D’autre part, on a aussi un foncteur que l’on pourrait appeler de recollement
G : D → A−Mod (Q′ , V, ξ) 7→ Q′ ×C⊗A′ Q′ V := {(q, v) ∈ Q′ ⊕V | ξ(1⊗v) = 1⊗q}
qui associe à tout morphisme (ω, τ ) : (Q′1 , V1 , ξ1 ) → (Q′2 , V2 , ξ2 ) de D la restriction
G(ω, τ ) : G(Q1 , V1 , ξ1 ) → G(Q2 , V2 , ξ2 ) de l’application ω ⊕ τ : Q′1 ⊕ V1 → Q′2 ⊕ V2 .
On voit aisément que tout A-module Q induit un homomorphisme de A-modules
ηQ : Q → GF (Q) q 7→ (α ⊗A Q)(q) = (1[f ] ⊗ q, 1[π] ⊗ q)
et l’on vient de remarquer que ηQ est bijectif si Q est plat. Pour Q quelconque, la
suite Σ⊗A Q est exacte à droite, donc ηQ est au moins surjectif. De plus, une simple
inspection montre que l’association Q 7→ ηQ définit une transformation naturelle
η : IdA−Mod → G ◦ F.
Lemme 6.94. Avec la notation ci-dessus, on a :
(i) La transformation η est l’unité d’une adjonction pour le couple (F, G).
(ii) La counité ε de cette adjonction est un isomorphisme de foncteurs.
Démonstration. (i) : On va exhiber une counité ε : F ◦ G → IdD , et on vérifie
les identités triangulaires pour le couple (η, ε) (voir le problème 2.18(ii,iii)). Soit
donc (Q′ , V, ξ) un objet de D ; on pose Q := G(Q′ , V, ξ) ⊂ Q′ ⊕ V . Les projections
Q → Q′ et Q → V sont A-linéaires, donc elles induisent une application A′ -linéaire
ω : A′ ⊗A Q → Q′ et respectivement k(m)-linéaire τ : Q(m) → V ; explicitement :
ω(1[f ] ⊗ (q, v)) = q et τ (1[π] ⊗ (q, v)) = v ∀(q, v) ∈ Q.
Montrons que (ω, τ ) : F Q → (Q , V, ξ) est un morphisme de D ; cela revient à

vérifier la commutativité du diagramme :


C⊗k(m) τ
C ⊗k(m) Q(m) / C ⊗k(m) V
(∗∗) ξQ ξ
 C⊗A′ ω 
C ⊗ A′ (A′ ⊗A Q) / C ⊗A Q′ .
282 å Vierge

Mais, avec la notation du diagramme (∗), pour tout (q, v) ∈ Q on a :


ξ ◦ (C ⊗k(m) τ )(1[g] ⊗ (1[π] ⊗ (q, v))) = ξ(1[g] ⊗ v)
(C ⊗A′ ω) ◦ ξQ (1[g] ⊗ (1[π] ⊗ (q, v))) = (C ⊗A′ ω)(1[π′ ] ⊗ (1[f ] ⊗ (q, v))) = 1[π′ ] ⊗ q
et par définition ξ(1[g] ⊗v) = 1[π′ ] ⊗q, d’où l’assertion. De même, on voit aussitôt que
l’association (Q′ , V, ξ) 7→ (ω, τ ) définit la transformation naturelle ε souhaitée : les
détails sont confiés aux soins du lecteur. Il reste à montrer les identités triangulaires :
G(ε(Q′ ,V,ξ) ) ◦ ηG(Q′ ,V,ξ) = IdG(Q′ ,V,ξ) εF Q ◦ F (ηQ ) = IdF Q
pour tout A-module Q et tout objet (Q′ , V, ξ) de D. Mais par inspection directe on
trouve que la composition de ηG(Q′ ,V,ξ) et G(ε(Q′ ,V,ξ) ) est donnée par :
(q, v) 7→ (1[f ] ⊗ (q, v), 1[π] ⊗ (q, v)) 7→ (q, v) ∀(q, v) ∈ G(Q′ , V, ξ).
De même, F (ηQ ) est donné par le couple d’applications telles que :
1[f ] ⊗ q 7→ 1[f ] ⊗ (1[f ] ⊗ q, 1[π] ⊗ q) et 1[π] ⊗ q 7→ 1[π] ⊗ (1[f ] ⊗ q, 1[π] ⊗ q)
et εF Q est donné par le couple d’applications telles que :
1[f ] ⊗ (1[f ] ⊗ q, 1[π] ⊗ q) 7→ 1[f ] ⊗ q et 1[π] ⊗ (1[f ] ⊗ q, 1[π] ⊗ q) 7→ 1[π] ⊗ q
pour tout q ∈ Q. La preuve est achevée.
(ii) : Soient (Q′ , V, ξ) un objet de D et Q := G(Q′ , V, ξ) ; on pose (ω, τ ) :=
ε(Q′ ,V,ξ) . On a déjà remarqué que ηQ est surjectif ; mais les identités triangulaires
impliquent aussi que ηQ est injectif, donc ηQ est un isomorphisme. Il s’ensuit que
la suite horizontale en haut du diagramme commutatif suivant est exacte courte :
α⊗A Q β⊗A Q
0 /Q / (A′ ⊗A Q) ⊕ Q(m) / C ⊗A Q /0
ω⊕τ C⊗A′ ω
 
0 /Q / Q′ ⊕ V / C ⊗ A′ Q ′ /0

et de même pour la ligne horizontale en bas, par construction de Q. Par le lemme


du serpent, l’on déduit des isomorphismes :

Ker (ω) ⊕ Ker (τ ) → Ker (C ⊗A′ ω)

Coker (ω) ⊕ Coker (τ ) → Coker (C ⊗A′ ω).

Mais l’application Coker (ω) → Coker (C ⊗A′ ω) → C ⊗A′ Coker (ω) est induite par
l’homomorphisme surjectif A′ → C, et elle est ainsi surjective à son tour. On a donc
Coker (τ ) = 0. Ensuite, l’application Ker (ω) → Ker (C ⊗A′ ω) est la composition
d’applications surjectives Ker(ω) → C⊗A′ Ker(ω) → Ker(C⊗A′ ω), d’où Ker(τ ) = 0.
Cela montre que τ est un isomorphisme, donc de même pour C ⊗A′ ω, compte tenu
du diagramme (∗∗). Si on applique l’exercice 3.54 au diagramme commutatif ci-
dessus, l’on conclut que ω ⊕ τ est un isomorphisme, et cela achève la preuve. 
Considérons maintenant les sous-catégories pleines de A − Mod et D notées :
A − Modplat Dplat Dptf
dont les objets sont les A-modules plats, les données (Q′ , V, ξ) telles que Q′ est un
A′ -module plat, et respectivement les (Q′ , V, ξ) avec Q′ projectif de type fini.
Proposition 6.95. Le foncteur F induit par restriction des équivalences :

Fplat : A − Modplat → Dplat Fptf : A − Modptf → Dptf
et la restriction Gplat : Dplat → A − Modplat (resp. Gptf : Dptf → A − Modptf) de G
est une quasi-inverse de Fplat (resp. de Fptf ; notation de la remarque 5.9(iv)).
§ 6.4: Variétés normales et normalisation 283

Démonstration. Evidemment, si Q est un A-module plat (resp. projectif de type


fini), F Q est un objet de Dplat (resp. de Dptf ). D’autre part, soit (Q′ , V, ξ) un objet
de Dplat (resp. de Dptf ), et posons Q := G(Q′ , V, ξ) ; par le lemme 6.94(ii), il s’ensuit
que F Q est isomorphe à (Q′ , V, ξ), et en particulier A′ ⊗A Q est un A′ -module
plat (resp. projectif de type fini). Mais l’inclusion A → A′ est un homomorphisme
fini d’anneaux, donc Q est plat (resp. projectif de type fini), par le théorème 6.34
(resp. par l’exercice 6.35(ii)). Compte tenu du lemme 6.94(i), cela montre que Gplat
(resp. Gptf ) est adjoint à droite de Fplat (resp. de Fptf ), et évidemment l’unité η et
counité ε exhibées lors de la preuve de ce lemme fournissent, par restriction, une
unité ηplat et une counité εplat pour une adjonction entre Fplat et Gplat . Mais εplat
est un isomorphisme de foncteurs, d’après le lemme 6.94(ii), et on sait que ηQ est
bijectif si Q est plat, i.e. ηplat est un isomorphisme de foncteurs. De même, l’unité
et la counité de l’adjonction entre Fptf et Gptf sont des isomorphismes de foncteurs.
Pour achever la preuve, il suffit maintenant d’invoquer le problème 1.50(i). 

Il est évident que le foncteur Fptf induit à son tour, par restriction, une équiva-
lence entre la sous-catégorie pleine de A−Modptf dont les objets sont les A-modules
inversibles, et la sous-catégorie pleine de Dptf dont les objets sont les données
(Q′ , V, ξ) telles que Q′ est un A′ -module inversible. On en déduit un isomorphisme
naturel entre Pic A et le groupe des classes d’isomorphismes [Q′ , V, ξ] des données
(Q′ , V, ξ) avec Q′ inversible ; sous cette identification, l’inclusion f : A → A′ induit
l’homomorphisme de groupes :
Pic (f ) : Pic A → Pic A′ [Q′ , V, ξ] 7→ [Q′ ]
(où [Q′ ] dénote la classe d’isomorphisme de Q′ ). En particulier, l’on déduit que
Pic (f ) est surjectif : en effet, pour tout A′ -module inversible Q′ , on a C ⊗A′ Q′ =
Q′ (m1 ) ⊕ · · · ⊕ Q′ (mn ), et chaque facteur Q′ (mi ) est un k(mi )-espace vectoriel de
dimension 1 ; si on fixe un élément non nul xi ∈ Q′ (mi ) pour chaque i = 1, . . . , n,

l’on obtient alors une donnée [Q′ , k(m), ξ], où ξ : C ⊗k(m) k(m) = C → C ⊗A′ Q′
est l’isomorphisme C-linéaire tel que 1 7→ (x1 , . . . , xn ). Ensuite, le noyau de Pic (f )

est constitué des classes [A′ , k(m), ξ], où ξ : C ⊗k(m) k(m) = C → C ′ ⊗A′ A′ = C
s’identifie naturellement à un élément inversible de C ; autrement dit, l’on a un
homomorphisme de groupes ψ : C × → Ker (Pic f ) surjectif. Pour déterminer son

noyau, soit (ω, τ ) : (A′ , k(m), ξ1 ) → (A′ , k(m), ξ2 ) un isomorphisme ; donc ω ∈ A′× ,
τ ∈ k(m)× , et le diagramme suivant d’isomorphismes C-linéaires commute :

π ′ (ω)
C /C
ξ1 ξ2
 g(τ ) 
C / C.

Cela veut dire que ξ1 /ξ2 = π ′ (ω)/g(τ ), et donc Ker ψ = H := π ′ ((A′ )× ) · g(k(m)× ).
On peut résumer cette analyse dans la suite exacte de groupes abéliens :
n
Y
0→H → k(mi )× → Pic A → Pic A′ → 0.
i=1

Exemple 6.96. (i) Revenons à la courbe à double nœud de l’exercice 6.91 : dans
ce cas A ⊂ A′ = C[T ] et on pince trois points m1 , m2 , m3 de Max A′ , dont les corps
résiduels sont évidemment isomorphes à C, et de même pour le corps résiduel du
point m ∈ Max A image commune des mi . On a aussi (A′ )× = C× , et Pic A′ = 0,

car A′ est factoriel (théorème 5.31). L’on conclut que dans ce cas H → C× et
l’application H → (C× )3 est l’inclusion diagonale : x 7→ (x, x, x) pour tout x ∈ C× .
284 å Vierge

Finalement, l’on obtient un isomorphisme naturel :



Pic A → (C× )2 .
(ii) Prenons A′ := Q[T ], et soit p ∈ Z un premier arbitraire ; on considère les
idéaux maximaux m1 et m2 de A′ engendrés respectivement par T 2 −p et T 3 −p (i.e.
les classes de p1/2 et p1/3 , sous l’identification naturelle de Max A′ avec l’ensemble
des orbites galoisienne d’une clôture algébrique Q de Q : voir l’exercice 1.28(iii)).
Soit A := {P (T ) ∈ A′ | P (p1/2 ) = P (p1/3 )} ⊂ A′ la sous-Q-algèbre dont le spectre
donne le pincement de m1 et m2 , et m := A ∩ m1 = A ∩ m2 . Noter que
Q ⊂ k(m) ⊂ k(m1 ) ∩ k(m2 ) = Q(p1/2 ) ∩ Q(p1/3 )
d’où k(m) = Q. On a aussi (A′ )× = Q× et Pic A′ = 0. Donc H ≃ Q× avec l’inclusion
diagonale dans Q(p1/2 )× ⊕ Q(p1/3 )× , et on trouve :
Q(p1/2 )× ⊕ Q(p1/3 )×
Pic A ≃ .
{(q, q) | q ∈ Q× }
(iii) Gardons la notation de (ii), et soit m′0 ∈ V ′ := Max A′ l’idéal engendré
par T ; on pose m0 := A ∩ m′0 ∈ V := Max A, et on veut maintenant déterminer
le groupe de Picard de la variété U := V \ {m0 }, partie ouverte de V . Pour cela,
on pose B ′ := A′ [T −1 ], on remarque que U ′ := V ′ \ {m′0 } = D(T ) = Max B ′ ,
et on considère la sous-Q-algèbre B ⊂ B ′ dont le spectre donne le pincement de
m1 B ′ et m2 B ′ . Donc Max B est le quotient de U ′ qui identifie ces points, et ce
dernier est homéomorphe à U . Or, on a encore Pic B ′ = 0, car B ′ est factoriel
(lemme 5.29(ii)), et évidemment k(mi ) = k(mi B ′ ) pour i = 1, 2. D’autre part,
(B ′ )× = Q× · {T n | n ∈ Z}, et l’image de T dans Q(p1/2 ) × Q(p1/3 ) est (p1/2 , p1/3 ).
On conclut que maintenant H est le sous-groupe engendré par les éléments (q, q)
avec q ∈ Q× et par (p1/2 , p1/3 ), et donc :
Q(p1/2 )× ⊕ Q(p1/3 )×
Pic B ≃ .
∈ Q× , n ∈ Z}
{(pn/2 q, pn/3 q) | q
Exercice 6.97. Avec la notation de l’exemple 6.96(ii,iii), noter que A = A′ ∩ B.
Montrer que l’inclusion j : A → B n’est pas une localisation, mais elle est un
homomorphisme plat d’anneaux, et Spec (j) identifie Spec B avec une partie ouverte
de Spec A.
6.5. Platitude générique et théorème de Chevalley. Le premier théorème de
cette section est un résultat très général dû à Grothendieck ; ni son enoncé, ni sa
preuve – dont le seul ingrédient non trivial est le théorème de normalisation de
Noether – font recours aux techniques noethériennes développées dans cette leçon.
Théorème 6.98. (Platitude générique) Soit A un anneau intègre, B une A-algèbre
de type fini, M un B-module de type fini. Alors il existe un élément f ∈ A \ {0} tel
que Mf soit un Af -module libre.
Démonstration. La première observation est :
Affirmation 6.99. On peut supposer que M soit un B-module cyclique.
Preuve : En effet, pour un B-module M de type fini arbitraire on peut trouver
une suite finie de sous-B-modules M0 := 0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂ Mk := M telle que
Ni := Mi+1 /Mi soit cyclique pour tout i = 0, . . . , k − 1. Supposons alors que pour
i = 0, . . . , k − 1 il existe fi ∈ A \ {0} tel que (Ni )fi soit un Afi -module libre ; on
pose f := f0 · · · fk−1 . Montrons par récurrence sur i = 0, . . . , k que (Mi )f est un
Af -module libre. L’assertion est triviale pour i = 0. Soit donc i > 0, et supposons
que (Mi−1 )f soit un Af -module libre ; la suite exacte courte de Af -modules
0 → (Mi−1 )f → (Mi )f → (Ni−1 )f → 0
§ 6.5: Platitude générique et théorème de Chevalley 285

est scindée, car (Ni−1 )f est libre, donc (Mi )f ≃ (Mi−1 )f ⊕ (Ni−1 )f est libre. ♦
Par hypothèse, il existe un homomorphisme surjectif B ′ := A[T1 , . . . , Tn ] → B
de A-algèbres pour quelque n ∈ N, et par restriction de scalaires, M est aussi un
B ′ -module de type fini. On peut alors supposer du départ que B = A[T1 , . . . , Tn ],
et on raisonnera par récurrence sur n. Pour n = 0, on a B = A, et au vu de
l’observation 6.99, on peut supposer que M = A/I, pour quelque idéal I ⊂ A. Si
I = 0, évidemment M est libre. Sinon, soit f ∈ I \ {0} ; on a Mf = 0, qui est
trivialement un Af -module libre, d’où le théorème, dans ce cas.
Ensuite, soit n > 0, et on suppose que le théorème soit déjà connu pour tout
A[T1 , . . . , Tn−1 ]-module de type fini. A nouveau, on peut supposer que M = B/J
pour un idéal J ⊂ B. Si J = 0, il suffit d’observer que B est un A-module libre (avec
par base les monômes unitaires) ; sinon, soit P ∈ J \ {0}, et on pose C := B/P B.
Evidemment, M est un C-module de type fini. Or, d’après le problème 6.11(i), on
trouve un automorphisme φ de la A-algèbre B et un élément g ∈ A \ {0} tels que :
— φ(Tn ) = Tn
— Q := g −1 φ(P ) est un polynôme de Bg , unitaire par rapport à la variable Tn .
Posons Si := φ−1 (Ti ) pour i = 1, . . . , n − 1, et C0 := Ag [S1 , . . . , Sn−1 ] ⊂ Bg ; il
s’ensuit que Q(S1 , . . . , Sn−1 , Tn ) = 0 dans la localisation Cg , i.e. Cg est une C0 -
algèbre finie, donc Mg est un C0 -module de type fini (les détails sont laissés aux
soins du lecteur). Par hypothèse de récurrence, il existe alors h ∈ A \ {0} tel que
(Mg )h soit un Ah -module libre, et l’assertion du théorème suit avec f := gh. 
Exercice 6.100. Dans la situation du théorème 6.98, montrer qu’il existe f ∈
A \ {0} tel que Bf est une Af -algèbre de présentation finie et Mf est un Bf -module
de présentation finie.
Notre prochain théorème est dû à Chevalley ; à nouveau, il s’agit d’un résultat
très général, valable sans aucune condition de noethérianité, mais dont la preuve
procédera, toutefois, par réduction au cas des anneaux noethériens. Notre discussion
sera aussi l’occasion de regarder un peu plus de près la topologie des spectres des
anneaux noethériens. En effet, on va démarrer avec la définition suivante :
Définition 6.101. Soit T un espace topologique. On dit que T est noethérien si
toute suite décroissante de parties fermées de T :
Z0 ⊃ Z1 ⊃ Z2 ⊃ · · ·
est stationnaire, i.e. il existe n ∈ N tel que Zm = Zn pour tout m ≥ n.
Remarque 6.102. (i) Il est évident que le spectre Spec A de tout anneau noethérien
A est un espace topologique noethérien.
(ii) Soit F 6= ∅ un ensemble de parties fermées d’un espace topologique noe-
thérien T . On munit F de l’ordre partiel induit par l’inclusion ; évidemment, toute
partie totalement ordonnée de F est également stationnaire, i.e. possède un élément
minimal. Par le lemme de Zorn, il s’ensuit que F admet des éléments minimaux.
(iii) On voit aussitôt que tout sous-espace d’un espace noethérien est noethérien.
(iv) Evidemment, un espace topologique T est noethérien si et seulement si
toute suite croissante U0 ⊂ U1 ⊂ U2 · · · de parties ouvertes de T est stationnaire.
(v) En particulier, tout espace topologique noethérien T est compact. Au vu de
(iii), il s’ensuit que toute partie ouverte de T est compacte. Réciproquement, un
espace topologique dont toutes les parties ouvertes sont compactes est noethérien.
(vi) Soit T un espace topologique spectral et noethérien. Il s’ensuit de (v) que
toute partie ouverte et toute partie fermée de T est constructible.
Exercice 6.103. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini,
q ∈ Spec B et p := f −1 (p) ∈ Spec A. Montrer que f est quasi-fini au point q si et
seulement si Bq /pBq est une k(p)-algèbre finie.
286 å Vierge

L’observation élémentaire suivante est à la base de la méthode de récurrence


noethérienne :
Lemme 6.104. Soit T un espace topologique noethérien, P une propriété des par-
ties fermées de T , vérifiant la condition suivante :
— Si Z ⊂ T est une partie fermée et on a P(Z ′ ) pour toute partie fermée Z ′
strictement contenue dans Z, alors P(Z) est vraie.
Alors P(Z) est vraie pour toute partie fermée de T .
Démonstration. En effet, soit F l’ensemble des parties fermées Z de T telles que
P(Z) soit fausse. Si F était non vide, il aurait un élément minimal Z (remarque
6.102(ii)) ; d’où, P(Z ′ ) serait vraie pour toute partie fermée Z ′ strictement contenue
dans Z. Mais par hypothèse, cela entraîne que P(Z) soit vraie, contradiction. 

Exercice 6.105. (Composantes irréductibles) Soit T un espace topologique, Z ⊂ T


une partie fermée irréductible, et F l’ensemble des parties fermées irréductibles de
T contenant Z, muni de la relation d’ordre induite par l’inclusion.
(i) Montrer que F admet des éléments maximaux. Les parties fermées irréduc-
tibles maximales de T sont appelées les composantes irréductibles de T . Donc, toute
partie fermée irréductible de T est contenue dans une composante irréductible.
(ii) Montrer que tout espace topologique noethérien n’a qu’un nombre fini de
composantes irréductibles.
(iii) Déduire de (ii) que si T est un espace topologique spectral et noethérien,
Max T est une partie finie de T . En particulier, tout anneau noethérien n’a qu’un
nombre fini d’idéaux premiers minimaux.
Exercice 6.106. (i) Soit A un anneau tel que Am est un anneau réduit pour tout
m ∈ Max A. Montrer que A est réduit.
(ii) Soit A un anneau dont l’ensemble Min A des idéaux premiers minimaux est
fini, et tel que Ap est un anneau intègre pour tout p ∈ Spec A. Montrer que les
projections A → A/p pour p ∈ Min A induisent un isomorphisme :

Y
A→ A/p.
p∈Min A

Lemme 6.107. Soit X un espace spectral, X ′ ⊂ X une partie constructible, que


l’on munit de la topologie induite par l’inclusion dans X. Soit X ′′ ⊂ X ′ une partie ;
alors X ′′ est constructible dans X ′ si et seulement si elle est constructible dans X.
Démonstration.
Sn Supposons d’abord que X ′′ soit constructible dans X ′ , et écrivons
X = i=1 (Ui \ Ui′ ) avec Ui , Ui′ des parties ouvertes et compactes de X ′ pour
′′

tout i = 1, . . . , n. Evidemment il suffit de montrer que chaque terme Ui \ Ui′ est


constructible dans X, donc on peut supposer que X ′′ = U \ U ′ avec U, U ′ ouverts
et compacts dans X ′ . On a U = V ∩ X ′ et U ′ = V ′ ∩ X ′ pour des parties ouvertes
V et V ′ de X, et comme X est spectral, V est la réunion d’une famille (Vλ | λ ∈ Λ)
de parties ouvertes et compactes ; mais la compacité de USimplique qu’il existe
une partie finie Λ′ ⊂ Λ telle que U = W ∩ X ′ avec W := ( λ∈Λ′ Uλ ), et quitte à
remplacer V par W on peut alors supposer que la partie V soit compacte. De même
on se ramène au cas où V ′ est compacte. On a finalement X ′′ = X ′ ∩ (V \ V ′ ), qui
est une partie constructible de X, par la remarque 2.38(ii,iii).
Réciproquement, soit X ′′ constructible dans X, et montrons que X ′′ est aussi
constructible dans X ′ ; en raisonnant comme ci-dessus, on se ramène au cas où X ′′ =
U \ U ′ avec U, U ′ ouverts et compacts dans X. On va montrer plus généralement :
Affirmation 6.108. Si U est une partie ouverte et compacte de X, alors U ∩ X ′ est
une partie ouverte et compacte de X ′ .
§ 6.5: Platitude générique et théorème de Chevalley 287

Sn
Preuve : Ecrivons X ′ = i=1 Xi′ où Xi′ = Vi \ Vi′ pour i = 1, . . . , n, avec des parties
Vi , Vi′ ouvertes et compactes de X. Il suffit de montrer que U ∩ Xi′ est compact
dans Xi′ pour tout i = 1, . . . , n, donc on est ramené au cas où X ′ = V \ V ′ pour
des parties V, V ′ ouvertes et compactes de X. Or, V est un espace spectral (pour
la topologie induite par X), et V ∩ U et V ∩ V ′ sont deux parties ouvertes et
compactes de V (remarque 2.38(i)) ; il s’ensuit que X ′ = V \ (V ∩ V ′ ) est une
partie constructible de V , et on peut alors remplacer X et U respectivement par
V et V ∩ U , et supposer ainsi du départ que X ′ soit une partie fermée de X. Si
maintenant U ∩ X ′ est la réunion d’une famille (Vλ | λ ∈ Λ) de parties ouvertes de
X ′ , pour tout λ ∈ Λ on trouve
S une partie ouverte Uλ de X telle que Vλ = Uλ ∩ X ,

et il vient U = (U \ X ′ ) ∪ λ∈Λ (U ∩ Uλ ) ; par laScompacité de U , il existe alors


une partieSfinie Λ′ ⊂ Λ telle que U = (U \ X ′ ) ∪ λ∈Λ′ (U ∩ Uλ ), d’où finalement
U ∩ X ′ = λ∈Λ′ Vλ , ce qui montre que U ∩ X ′ est compact dans X ′ . ♦
Or, on a X ′′ = (X ′ ∩ U ) \ (X ′ ∩ U ′ ) qui est bien une partie constructible de X ′ ,
au vu de l’observation 6.108. 

Proposition 6.109. Soit T un espace topologique spectral et noethérien, S ⊂ T


une partie. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) S est constructible.
(b) Pour tout sous-espace fermé irréductible Z de T , soit l’adhérence de S ∩ Z a
intérieur vide dans Z, soit S ∩ Z contient une partie ouverte non vide de Z.
Sn
Démonstration. (a) ⇒ (b) : écrivons S = i=1 (Ui ∩ Zi ) pour des parties ouvertes
Ui et fermées Zi non vides de T ; si S contient le point générique z de Z, on a z ∈ Zi
pour quelque i ∈ {1, . . . , n}. Cela implique que Z ⊂ Zi , d’où Ui ∩ Z ⊂ S ∩ Z. Si
z∈/ S, noter que Z est spectral et noethérien, et S ∩ Z est évidemment une partie
constructible dans Z dont l’adhérence S ∩ Z dans Z ne contient pas z (corollaire
2.50(i)) ; donc S ∩ Z est une partie fermée strictement contenue dans Z. Si U ⊂
S ∩ Z est une partie ouverte de Z, l’on a Z = S ∩ Z ∪ (Z \ U ), d’où Z = Z \ U , car
Z est irréductible ; cela montre que U = ∅, comme souhaité.
(b) ⇒ (a) : Soit P(Z) la propriété : “Z est une partie fermée de T telle que
S ∩ Z soit constructible dans T ”. Soit maintenant Z une partie fermée de T et sup-
posons que P(Z ′ ) soit vraie pour toute partie fermée Z ′ de T strictement contenue
dans Z. Supposons d’abord que Z soit réductible ; comme Z est noethérien (re-
marque 6.102(iii)), il est la réunion finie de ses composantes irréductibles Z1 , . . . , Zn
(exercice 6.105(ii)), et par hypothèse on a P(Zi ) pour i = 1, . . . , n. Il s’ensuit que
S ∩ Z = (S ∩ Z1 ) ∪ · · · ∪ (S ∩ Zn ) est constructible dans T , i.e. P(Z) est vraie.
Supposons ensuite que Z soit irréductible ; si l’adhérence S ∩ Z de S ∩ Z a
intérieur vide dans Z, alors P(S ∩ Z) est vraie par hypothèse, donc S∩Z = S∩S ∩ Z
est une partie constructible de T , i.e. P(Z) est vraie. En dernier lieu, si S ∩ Z
contient une partie ouverte U non vide de Z, on a S ∩ Z = U ∪ (S ∩ (Z \ U )) ;
mais U est une partie constructible de Z et Z est constructible dans T (remarque
6.102(v,vi)), donc U est aussi constructible dans T (lemme 6.107), et par hypothèse
P(Z \ U ) est vraie, donc S ∩(Z \ U ) est constructible dans T . Cela montre que S ∩Z
est constructible dans T . Par récurrence noethérienne (lemme 6.104) l’on conclut
que P(T ) est vraie, et la preuve est achevée. 

Théorème 6.110. (Chevalley) Soient f : A → B un homomorphisme d’anneaux


de présentation finie, et S ⊂ Spec B une partie constructible. Alors (Spec f )(S) est
une partie constructible de Spec A.
Démonstration. On se ramène aisément au cas où S = U \ U ′ avec U, U ′ ⊂ Spec B
deux parties ouvertes et compactes. On a alors U = D(b1 ) ∪ · · · ∪ D(bn ) pour
288 å Vierge

certains b1 , . . . , bn ∈ B, d’où S = (D(b1 ) \ U ′ ) ∪ · · · ∪ (D(bn ) \ U ′ ), et on est ramené


ultérieurement au cas où U = D(b) = Spec B[b−1 ] pour quelque b ∈ B. Mais
B[b−1 ] = B[X]/(bX − 1) est une A-algèbre de présentation finie, et S est aussi
une partie constructible de Spec B[b−1 ], donc on peut remplacer B par B[b−1 ] et
supposer du départ que S soit une partie fermée constructible de Spec B. Cela veut
dire que S = (Spec B) \ (D(b′1 ) ∪ · · · ∪ D(b′m )) pour une suite b′• := (b′1 , . . . , b′m )
d’éléments de B ; si J ⊂ B est l’idéal engendré par la suite b• , on a alors S = V (J) =
Spec B/J, et comme B/J est encore une A-algèbre de présentation finie, on peut
remplacer B par B/J, et on est ainsi ramené au cas où S = Spec B. Ecrivons
B = A[X1 , . . . , Xk ]/I
pour un idéal de type fini I ⊂ A[X1 , . . . , Xk ], et soit P1 , . . . , Pr un système de géné-
rateurs de I. Soit maintenant A0 ⊂ A le sous-anneau engendré par les coefficients
des polynômes P1 , . . . , Pr , et I0 ⊂ A0 [X1 , . . . , Xk ] l’idéal engendré par P1 , . . . , Pr .
On pose B0 := A0 [X1 , . . . , Xk ]/I0 ; l’on déduit un homomorphisme f0 : A0 → B0 et

un isomorphisme de A-algèbres A ⊗A0 B0 → B. Notons par T0 et T les images de
Spec f0 et Spec f. On considère le diagramme commutatif d’espaces topologiques :
π / Spec B0
Spec B
Spec f Spec f0
 π0 
Spec A / Spec A0
où π0 est induit par l’inclusion i : A0 → A et π est induit par B0 ⊗A0 i : B0 → B.
Par l’exercice 4.32 on a T = π0−1 (T0 ). Au vu de la remarque 2.45, il suffit alors de
montrer que T0 est une partie constructible de Spec A0 . On peut donc remplacer A
et B par A0 et B0 , et supposer que A soit une Z-algèbre de type fini ; en particulier,
A est noethérienne (corollaire 6.69), et Spec A est un espace spectral noethérien.
On applique le critère de la proposition 6.109. Pour cela, soit Z ⊂ Spec A une
partie fermée irréductible, et disons que Z est l’adhérence de p ∈ Spec A ; soit aussi
g := A/p ⊗A f : A/p → B/pB l’homomorphisme induit, et T ′ ⊂ Spec A/p l’image
de Spec g. Au vu des identifications naturelles de Z et (Spec f )−1 (Z) avec Spec A/p
et Spec B/pB, on doit donc montrer que soit l’adhérence de T ′ dans Spec A/p a
intérieur vide, soit T ′ contient une partie ouverte non vide de Spec A/p. Mais d’après
le théorème 6.98, il existe h ∈ A/p non nul tel que (B/pB)h est un (A/p)h -module
libre. Si (B/pB)h = 0, la partie T ′ est contenue dans la partie fermée V (h), qui a
intérieur vide dans Z, car ce dernier est irréductible. Sinon, il existe un ensemble
Λ 6= ∅ et un isomorphisme (A/p)h -linéaire (B/pB)h ≃ (A/p)(Λ) ; il vient :
k(q) ⊗A B ≃ k(q) ⊗A/p (B/pB)h ≃ k(q)(Λ) 6= 0 ∀q ∈ D(h) ⊂ Z
d’où (Spec g) (q) = Spec k(q) ⊗A B 6= ∅ pour tout q ∈ D(h), et en particulier
−1

∅ 6= D(h) ⊂ T ′ ; la preuve est achevée. 


Corollaire 6.111. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux plat et de pré-
sentation finie. Alors l’application Spec f : Spec B → Spec A est ouverte.
Démonstration. Soit U ⊂ Spec B une partie ouverte ; on doit montrer que V :=
(Spec f )(U ) est une partie ouverte de Spec A, et on est ramené aisément au cas
où U est une partie compacte, donc constructible, de Spec B. Par le théorème de
Chevalley, V est alors constructible dans Spec A, et d’après le corollaire 2.50(ii) il
suffit de montrer que tout point de Spec A générisant un point de V est aussi dans
V . Mais cela est clair, car Spec f est générisante (théorème 4.62), et U contient
toutes les générisations des ses points. 
Problème 6.112. (i) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux de présenta-
tion finie, et b ∈ B. Pour tout p ∈ Spec A, notons par b(p) l’élément b⊗1 ∈ B⊗A k(p),
§ 6.6: Solutions 289

et soit Σb ⊂ Spec A la partie des p tels que b(p) n’est pas nilpotent. Montrer que
Σb est constructible dans Spec A, et même ouverte, si f est aussi plat.
(ii) Soit f comme dans (i), et notons par Σ′ (resp. Σ′′ ) l’ensemble des p ∈
Spec A tels que la fibre (Spec f )−1 (p) soit un espace topologique réductible (resp.
disconnexe) pour la topologie induite par l’inclusion dans Spec B. Montrer que Σ′
et Σ′′ sont des parties ind-constructibles de Spec A.
(iii) En particulier, si Spec A est irréductible (e.g. si A est intègre), et si la fibre
générique (Spec f )−1 (p0 ) au dessus de l’unique point maximal p0 de Spec A est
réductible (resp. disconnexe), alors il existe une partie ouverte non vide U ⊂ Spec A
telle que (Spec f )−1 (p) est réductible (resp. disconnexe) pour tout p ∈ U .
(iv) Soit K un corps, et A une K-algèbre de type fini. Montrer que Max A est
une partie dense dans la topologie constructible de Spec A.
(v) Déduire de (ii) et (iv) l’assertion suivante. Soient K et A comme dans (iv),
et f : A → B un homomorphisme d’anneaux de type fini tel que pour tout m ∈
Max A la fibre (Spec f )−1 (m) est connexe (resp. irréductible) ; alors (Spec f )−1 (p)
est connexe (resp. irréductible) pour tout p ∈ Spec A.

Remarque 6.113. Dans la situation du problème 6.112(ii), les√parties Σ′ et Σ′′ ne


sont pas forcémént constructibles. Par exemple, soit f : Z → Z[ 2] = Z[X]/(X 2 −2)
l’unique homomorphisme d’anneaux. Alors Σ′ = Σ′′ est l’ensemble des premiers
pZ 6= 0 tels que p 6= 2 et 2 est un carré modulo p ; par la réciprocité quadratique,
cette condition est vérifiée si et seulement si p ≡ 1, 7 (mod 8). Par le théorème de
Dirichlet sur les progressions arithmétiques, il s’ensuit que Σ′ et (Spec Z) \ Σ′ sont
deux ensembles infinis, donc ni l’un ni l’autre ne sont des parties constructibles.

Problème 6.114. (i) Gardons les hypothèses et la notation du problème 6.112(i),


et soit Ωb ⊂ Spec A la partie des idéaux premiers p tels que b(p) 6= 0. Montrer que
Ωb est constructible dans Spec A, et même ouverte, si f est aussi plat.
(ii) Soit K un corps algébriquement clos, A et B deux K-algèbres intègres (resp.
réduites). Montrer que A ⊗K B est intègre (resp. réduit).

6.6. Solutions aux exercices et problèmes. √ √


Tout élément de Q( d) est de la forme z = r + s d
Exercice 6.7, partie (i) : √
avec r, s ∈ Q, et le corps Q( d) admet l’automorphisme
√ ∼ √ √ √
σ : Q( d) → Q( d) r + s d 7→ r − s d.

Si z ∈ Ad , on voit aisément que σ(z) ∈ Ad , donc z + σ(z) = 2r et z · σ(z) = r2 − s2 d


sont des entiers. On a alors r = a/2 avec a ∈ Z ; écrivons s = n/c avec n, c ∈ Z
et pgcd(n, c) = 1. Il s’ensuit que 4c2 |a2 c2 − 4n2 d, d’où c2 |4d, et comme d est sans
facteurs carrés, il vient c|4, et c 6= 4, car 4 ne divise pas d ; i.e. c ∈ {1, 2} et s = b/2
avec b ∈ Z. Avec cette notation, l’on voit que 4|a2 − b2 d. Distinguons plusieurs √ cas :
• Si 2|d : dans ce cas l’on déduit aisément que a, b ∈ 2Z, et donc Ad = Z[ d].
• Si d ≡ 3 (mod 4) : dans ce cas aussi l’on voit que √ a, b ∈ 2Z (les détails sont
laissés aux soins du lecteur), d’où à nouveau Ad = Z[ d].
• Si d ≡ 1 (mod 4) : dans ce cas√a et b peuvent être impairs, mais a − b ∈ 2Z ; il
s’ensuit aisément que Ad = Z[(1 + d)/2].
Partie (ii) : On adapte la solution du problème 5.34(ii) : pour n = 3, 7, 11 on
considère l’application

|| · || : A−n → N z := a + ib n 7→ z · z̄ := a2 + nb2 .
√ √
Soient maintenant z := a + ib n et u := c + id n deux éléments non nuls de A−n ;
il suffit d’exhiber q, r ∈ A−n tels que z = uq + r et ||r|| < ||u||.
290 å Vierge

• Pour cela, supposons d’abord que d = 0, donc u = c est dans A−n ∩ Q = Z et


comme 2a, 2b ∈ Z, on trouve q1 , q2 , r1 , r2 ∈ Z tels que
|c| |c|
2a = q1 c + r1 2b = q2 c + r2 ≤ |r1 |, |r2 | ≤

2 2

où | · | dénote la √
valeur absolue usuelle des nombres réels. Avec q := (q1 + iq2 n)/2
et r := (r1 + ir2 n)/2, l’on a bien z = uq + r et
r · r̄ = (r12 + nr22 )/4 ≤ (1 + n) · ||c||/16 < ||c||.
Si q1 ≡ q2 (mod 2), l’on a aussi q, r ∈ A−n , comme souhaité. Si q1 6≡ q2 (mod 2),
on modifie q1 : on choisit q1′ ∈ Z tel que
|q1 − q1′ | = 1 et r1′ := 2a − q1′ c ∈ [−|c|, |c|].
√ √
Avec q ′ := (q1′ + iq2 n)/2 et r′ := (r1′ + ir2 n)/2 l’on a encore z = uq ′ + r′ et
r′ · r̄′ = (r1′2 + nr22 )/4 ≤ (4 + n) · ||c||/16 < ||c||.
Comme q1′ ≡ q2 (mod 2), l’on a q ′ , r′ ∈ A−n , et la preuve est achevée dans ce cas.
• En dernier lieu, le cas d’un u général se ramène au cas précédent, comme dans
la solution du problème 5.34(ii).

Exercice 6.10 : La partie (i) est évidente.


Partie (ii) : On peut supposer que S soit une partie multiplicative de A, donc
tout x ∈ S −1 B est une fraction x = b/s avec b ∈ B, s ∈ S ; par hypothèse, on a une
identité dans B de la forme bn + a1 bn−1 + · · · + an = 0 pour certains a1 , . . . , an ∈ A.
Il s’ensuit que xn + (a1 /s) · xn + · · · + an /sn = 0 dans S −1 B, d’où l’assertion.

Problème 6.11, partie (i) : Pour tout h ∈ A[T1 , . . . , Tn ] notons degTn (h) le degré
de h par rapport à la variable Tn (i.e. le degré de h, vu comme élément de la
B-algèbre de polynômes B[Tn ], où B := K[T1 , . . . , Tn−1 ]) ; évidemment
2 n−1
φ(aν T ν ) = aν (T1 + TnN )ν1 · (T2 + TnN )ν2 · · · (Tn−1 + TnN )νn−1 · Tnνn
d’où degTn φ(aν T ν ) = d(ν) := νn +N ν1 +N 2 ν2 +· · ·+N n−1 νn−1 , et plus précisément
d(ν)
on a degTn (φ(aν T ν ) − aν Tn ) < d(ν). Comme S ⊂ {0, . . . , N − 1}n , on voit
aisément que l’application
S→N ν 7→ d(ν)
est injective, et si µ ∈ S est l’unique exposant tel que d(µ) = max(d(ν) | ν ∈ S), il
d(µ)
s’ensuit que degTn (φ(f ) − aµ Tn ) < d(µ), et l’assertion est verifiée avec b := aµ .
Partie (ii) : Soit y1 , . . . , yn un système de générateurs de la K-algèbre A ; on
raisonne par récurrence sur n. Si n = 0, il n’y rien à montrer, donc soit n > 0. Si
y1 , . . . , yn sont algèbriquement indépendants dans Frac(A), on peut prendre xi := yi
pour tout i = 1, . . . , n. Sinon, il existe f ∈ K[T1 , . . . , Tn ] tel que f (y1 , . . . , yn ) = 0.
On définit l’automorphisme φ de K[T1 , . . . , Tn ] comme dans la partie (i), de telle
façon que φ(f ) = b · g(T1 , . . . , Tn ), où b ∈ K \ {0}, et g ∈ K[T1 , . . . , Tn ] est unitaire
i
par rapport à la variable Tn . On pose yi′ := yi − ynN pour tout i = 1, . . . , n − 1 et
B := K[y1′ , . . . , yn−1

], de telle façon que
g(y1′ , . . . , yn−1

, yn ) = 0
et notons que A = B[yn ], en particulier, A est une B-algèbre finie. De plus, la
K-algèbre B est engendrée par un système de n − 1 éléments ; par hypothèse de
récurrence, on peut alors trouver x1 , . . . , xd ∈ B qui sont algébriquement indépen-
dants sur K dans Frac(B), et tels que B soit une K[x1 , . . . , xd ]-algèbre finie. Pour
conclure, il suffit maintenant d’appliquer le corollaire 6.8.
§ 6.6: Solutions 291

Exercice 6.14 : Si B est entier sur A, d’après l’exercice 6.10(ii), la localisation


Bm est entière sur Am pour tout m ∈ Max A. Réciproquement, soit C ⊂ B la fer-
meture intégrale de A dans B ; d’après la proposition 6.12, le sous-anneau Cm est
la fermeture intégrale de Am dans Bm pour tout m ∈ Max A. Or, si Cm = Bm pour
tout m ∈ Max A, il s’ensuit que C = B (proposition 4.43), i.e. B est entier sur A.

Problème 6.15, partie (i) : On raisonne par récurrence sur d. Si d = 1, on


prend A′ = A. Soit donc d > 1, et on suppose que l’assertion est déjà connue
pour tout anneau A et tout polynôme unitaire de A[X] de degré d − 1. On pose
A′′ := A[T ]/P (T )A[T ], et soit a1 ∈ A′′ la classe de T ; évidemment P (a1 ) = 0,
donc P admet une factorisation P = (X − a1 ) · Q pour un polynôme unitaire
Q ∈ A′′ [X] de degré d − 1. Noter aussi que A′′ est une A-algèbre finie dont le
morphisme structurel A → A′′ est injectif. Par hypothèse de récurrence, il existe
une A′′ -algèbre finie A′ dont le morphisme structurel A′′ → A′ est injectif, et tel que
Qd−1
Q admet une factorisation Q = i=1 (X − ai+1 ) avec a2 , . . . , ad ∈ A′ . Evidemment
A′ est une A-algèbre finie et P admet la factorisation souhaitée dans A′ [X].
Partie (ii) : Avec (i), on trouve une B-algèbre finie B ′ dont le morphisme
structurel B → B ′ est injectif, et telle que P et Q admettent des factorisations
Qd Q d′
P = i=1 (X − bi ), Q = i=1 (X − b′i ) avec b1 , . . . , bd , b′1 , . . . , b′d′ ∈ B ′ . Comme
P · Q ∈ C[X], il s’ensuit que tous les bi et b′i sont entiers sur C, et donc de même
pour les coefficients de P et Q (qui sont les polynômes symétriques élémentaires des
suites b• , b′• ). Mais C est intégralement clos dans B (corollaire 6.9), d’où l’assertion.
Partie (iii) : Soit P ∈ B[X] un polynôme qui est entier sur A[X] ; cela veut dire
que P vérifie une identité
P n + Q1 P n−1 + · · · + Qn = 0 avec Q1 , . . . , Qn ∈ A[X].
Soit r ∈ N avec r > deg P, deg Q1 , . . . , deg Qn , et on pose R := P − X r ; il vient
  Xi  
n n−k
n
R +S1 R n−1
+· · ·+Sn = 0 avec Si := X + ri
X r(i−k) Qk ∀i ≤ n.
i i−k
k=1

Soient T := −R et U := R n−1
+ S1 R n−2
+ · · · + Sn−1 ; évidemment T U = Sn =
X rn + X r(n−1) Q1 + · · · + Qn , et noter que T et Sn sont unitaires, donc de même
pour U . Mais Sn ∈ A[X], d’où T, U ∈ C[X], grâce à (ii), et finalement P ∈ C[X].
Partie (iv) : Soit K le corps des fractions de A ; si A[X] est intégralement clos
et t ∈ K est entier sur A, on a t ∈ K ∩ A[X] = A, donc A est intégralement clos.
Réciproquement, soit A intégralement clos, et t ∈ K(X), le corps des fractions de
A[X] ; si t est entier sur A[X], il est en particulier entier sur K[X], et comme K[X]
est factoriel, il s’ensuit que t ∈ K[X] (exemple 6.2(ii)). Mais grâce à (iii), on sait
que A[X] est intégralement clos dans K[X], d’où l’assertion.
T
Exercice 6.23, partie (i) : Par définition, A ∩ J (B) = m∈Max B (A ∩ m). Or, si
m ∈ Max B, on sait que A ∩ m ∈ Max A (corollaire 6.17). De plus, les corollaires
6.17 et 6.22 nous montrent que pour tout n ∈ Max A il existe m ∈ Max B tel que
n = A ∩ m. L’assertion s’ensuit aussitôt.
Partie (ii) : L’idéal rad(mB) est l’intersection des p ∈ Spec B contenant mB
(corollaire 2.1) ; mais pour p ∈ Spec B on a mB ⊂ p ⇔ p ∩ A = m ⇔ p ∈ MaxB
(corollaire 6.17), d’où l’assertion.

Exercice 6.25, partie (i) : Par hypothèse, B (resp. C) est entier sur son sous-
anneau f (A) ≃ A/Ker f (resp. sur g(B) ≃ B/Ker g), et d’après l’exercice 6.10(i),
l’anneau g(B) est entier sur g ◦ f (A) ≃ f (A)/(f (A) ∩ Ker g). Par le corollaire 6.8,
on déduit que C est entier sur g ◦ f (A), d’où l’assertion.
292 å Vierge

Partie (ii) : Soit (bλ | λ ∈ Λ) un système de générateurs de la A-algèbre B, et C


(resp. C ′ ) l’image de A dans B (resp. de A′ dans A′ ⊗A B) ; alors (1 ⊗ bλ | λ ∈ Λ)
est un système de générateurs de la A′ -algèbre A′ ⊗A B, et par le corollaire 6.5
il suffit de montrer que 1 ⊗ bλ est entier sur A′′ pour tout λ ∈ Λ. Pour cela, soit
Pλ ∈ C[X] un polynôme unitaire tel que Pλ (bλ ) = 0, et notons par P̄λ l’image de
Pλ dans C ′ [X] ; on voit aisément que P̄λ (1 ⊗ bλ ) = 0, d’où l’assertion.

Exercice P : On prolonge l’action de B à la B G -algèbre B[T ] en


6.26, partie (i)P
n n
posant : σ( i=0 bi T ) :=
i
i=0 σ(bi ) · T pour tout n ∈ N, tout b0 , . . . , bn ∈ B
i

et tout σ ∈ G. On voit aisément que l’action ainsi définie de chaque σ est un


automorphisme de l’anneau B[T ]. Or, soit b ∈ B ; on pose
Y
P := (T − σ(b)) ∈ B[T ]
σ∈G

et on remarque que P (b) = 0 et P ∈ B[T ]G = B G [T ]. Donc, b est entier sur B G .


Partie (ii) : Soient p ∈ Spec B G et q, q′ ∈ (Spec j)−1 (p), et supposons par l’ab-
surde que q′ ne soit pas dans l’orbite de q sous l’action de G. Compte tenu du
corollaire 6.18,S cela veut dire que q * σ(q′ )Qpour tout σ ∈ G. Par la proposition 2.5
il existe x ∈ q\ σ∈G σ(q′ ), et on pose y := σ∈G σ(x) ; évidemment y ∈ B G ∩q = p.
Mais alors y ∈ q′ , et donc σ(x) ∈ q′ pour quelque σ ∈ G, contradiction.
Partie (iii) : Pour tout σ ∈ G, l’application σp := (B G )p ⊗B G σ est un automor-
phisme de la (B G )p -algèbre Bp , et évidemment le système (σp | σ ∈ G) définit une
action de G sur la (B G )p -algèbre Bp . Noter que B G est le noyau de l’application
B G -linéaire
φ : B → B |G| b 7→ (b − σ(b) | σ ∈ G).
De même, (Bp )G est le noyau de l’application correspondante φp : Bp → (Bp )|G| ;
il vient (Bp )G = Ker(φp ) = (Ker φ)p = (B G )p , donc notera cet anneau simplement
BpG . De plus, par construction, la localisation B → Bp est G-équivariante pour
ces actions de G, donc de même pour l’inclusion induite Spec Bp → Spec B, et
l’on voit aisément que Gq = GqBp ; on peut alors remplacer B par Bp et q par
qBp , et supposer du départ que p soit un idéal maximal de B G ; au vu de (i) et
du corollaire 6.17 il s’ensuit que q est un idéal maximal de B, et en particulier
la projection π : B → k(q) est surjective. Montrons que k(q) est une extension
normale de k(p) : en effet,Qsoit x ∈ k(q) la classe de x ∈ B ; on a vu que x est
racine du polynôme Px := σ∈G (T − σ(x)) ∈ B G [T ], donc x est racine de l’image
P x ∈ k(p)[T ] de Px , et ce dernier est scindé dans k(q)[T ], d’où l’assertion.
Il reste à voir que l’homomorphisme de groupes (∗) est surjectif. Pour cela, soit
k(q)s ⊂ k(q) la plus grande sous-extension séparable de k(p) contenue dans k(q) ;
rappelons que toute extension séparable finie admet un élément primitif (i.e. est
monogène) ; or, l’on vient de voir que tout élément de k(q) est racine d’un polynôme
non nul de degré |G| à coéfficients dans k(p), donc le degré de toute sous-extension
finie de k(q)s est borné par |G|, i.e. k(q)s est une extension finie de k(p) (de de-
gré ≤ |G|). Soit alors x ∈ B dont la classe x ∈ k(q) est un élément primitif de
l’extension finie séparable k(q)s de k(p) ; par le lemme des Chinois il existe y ∈ B
dont la classe y ∈ k(q) coïncide avec x, et tel que y ∈ σ(q) pour tout σ ∈ G \ Gq
(noter que σ(q) est un idéal maximal de B pour tout σ ∈ G). Or, soit τ un k(p)-
automorphisme de k(p), et définions le polynôme P y comme ci-dessus ; comme x
est racine de P y , il en est de même pour τ (x), i.e. τ (x) = π(σ(y)) pour quelque
σ ∈ G. Mais par construction l’on a π(σ(y)) = 0 pour tout σ ∈ G \ Gq , alors que
τ (x) 6= 0 ; donc τ (x) = σ(y) = σ(x) pour quelque σ ∈ Gq . Comme x engendre la
k(p)-algèbre k(q)s , l’on conclut que les restrictions de τ et σ coïncident sur k(q)s ;
en dernier lieu, comme k(q) est une extension purement inséparable de k(q)s , l’on
§ 6.6: Solutions 293

voit que τ = σ, comme souhaité.

Exercice 6.31, partie (i) : Soit d’abord E une extension finie de K, et on pose
F := E G et C := B G ; comme F = Frac C est une extension purement inséparable
de K, l’observation 6.28 nous ramène à montrer la même assertion pour l’inclusion
C → B, et pour celle-ci il suffit d’invoquer l’exercice 6.26(ii). Dans le cas général,
soit F la famille des sous-extensions finies et normales de K contenues dans E, et
pour tout F ∈ F soit GF le groupe des K-automorphismes de F , et jF : A →
BF := B ∩ F l’inclusion. D’un côté on a un isomorphisme naturel de groupes :

G → lim
←−
GF
F ∈F

ainsi qu’une bijection naturelle (voir le problème 3.27(ii)) :


(Spec j)−1 (p) lim
←−
(Spec jF )−1 (p).
F ∈F

De l’autre côté, d’après le corollaire 6.22(i) l’on peut choisir q ∈ (Spec j)−1 (p), et
par le cas précédente l’on a une application surjective :
ωF : GF → (Spec jF )−1 (p) σ 7→ σ(q ∩ BF ) ∀F ∈ F .
L’on voit aisément que (ωF | F ∈ F ) est un morphisme de systèmes indexés
(GF | F ∈ F ) → ((Spec jF )−1 (p) | F ∈ F ).
L’assertion suit maintenant de la remarque 3.16(i).
Partie (ii) : On considère à nouveau d’abord le cas où E est une extension finie
de K, et on définit F et C comme ci-dessus ; soit de plus pC := C ∩ q. D’après
l’exercice 6.26(iii), l’on sait que k(q) est une extension normale de k(pC ), et l’ho-
momorphisme de groupe Gq → Gal(k(q)/k(pC )) est surjectif ; d’autre part, comme
F est une extension purement inséparable de K, il est clair que k(pC ) est une ex-
tension purement inséparable de k(p), et Gal(k(q)/k(p)) = Gal(k(q)/k(pC )), donc
k(q) est une extension normale de k(p), et l’homomorphisme de groupes (∗) est bien
surjectif. Dans le cas général, définions la famille F comme ci-dessus, et pour tout
F ∈ F soit aussi qF := q ∩ F et GF,q := {σ ∈ GF | Spec(σ)(qF ) = qF } ; d’un côté
on des isomorphismes de groupes naturels :
∼ ∼
Gq → lim
←−
GF,q Gal(k(q)/k(p)) → lim
←−
Gal(k(qF )/k(p))
F ∈F F ∈F
et de l’autre côté, par ce qui précède on a un homomorphisme surjectif de groupes
GF,q → Gal(k(qF )/k(p)) pour tout F ∈ F . Pour conclure, il suffit alors d’invoquer
à nouveau la remarque 3.16(i).

Exercice 6.35, partie (i) : On peut supposer que B ⊗A M = 0 ; par le théorème


6.34 on sait déjà que M est plat. Par le théorème de Lazard 4.65 il s’ensuit que M est
isomorphe à la limite directe d’un système filtré (Lλ | λ ∈ Λ) de A-modules libres de
rang fini, et pour tout λ, µ ∈ Λ avec µ ≥ λ, notons par φλµ : Lλ → Lµ l’application
A-linéaire de transition. Comme le foncteur B ⊗A − commute avec toute colimite,
il s’ensuit que la colimite du système induite (B ⊗A Lλ | λ ∈ Λ) est 0. Par inspection
de la construction des limites directes filtrées (exercice 3.12(iii)), l’on voit alors que
pour tout λ ∈ Λ il existe µ ∈ Λ avec µ ≥ λ tel que B ⊗A φλµ : B ⊗A Lλ → B ⊗A Lµ
soit l’application nulle ; d’autre part, on a le diagramme commutatif :
φλµ
Lλ / Lµ
f ⊗A L λ f ⊗A L µ
 B⊗A φλµ 
B ⊗A Lλ / B ⊗A Lµ
294 å Vierge

dont les flèches verticales sont injectives, car f est injectif. On conclut que φλµ = 0,
et compte tenu de l’exercice 3.12(iii), cela achève de montrer que M = 0.
Partie (ii) : Supposons que B ⊗A M soit de type fini ; compte tenu de (i), on
peut raisonner comme dans la solution du problème 4.63(ii.b) pour montrer que M
est de type fini. Ensuite, si B ⊗A M est projectif de rang fini, les cas précédents
nous disent déjà que M est plat et de type fini. Soit alors L un A-module libre de
type fini avec une application A-linéaire surjective φ : L → M ; d’après le problème
7.66(ii.a), la suite Σ := (0 → Ker φ → L → M → 0) est universellement exacte. En
particulier, B ⊗A Ker φ est le noyau de B ⊗A φ. Mais B ⊗A M est un B-module de
présentation finie (lemme 5.3(ii)), donc B ⊗A Ker φ est un B-module de type fini
(exercice 3.56(iv)). Par ce qui précède, il s’ensuit que Ker φ est de type fini, et alors
M est de présentation finie, donc il est projectif, par le corollaire 5.4(ii). L’assertion
réciproque est un cas particulier de l’exercice 5.6(ii).

Exercice 6.42 : Par hypothèse, p est isolé dans la fibre F := (Spec f )−1 (f −1 p),
donc (Spec g)−1 (p) est une partie ouverte et fermée de F ′ := (Spec g)−1 (F ) =
(Spec g ◦ f )−1 (f −1 p). Mais q est isolé dans (Spec g)−1 (p), donc aussi dans F ′ .

Problème 6.43 : Soit p := f −1 (q) ; l’assertion pour f est ramenée aussitôt à


l’assertion correspondante pour l’homomorphisme k(p) ⊗A f : k(p) → B(p) :=
k(p) ⊗A B et le point qB(p) ∈ Spec B(p). On peut ainsi supposer du départ que
A soit un corps, et dans ce cas on doit montrer que q est isolé dans Spec B si
et seulement si qBh est isolé dans Spec Bh . Or, si q isolé dans Spec B, évidem-
ment qBh est isolé dans Spec Bh , car ce dernier s’identifie à une partie ouverte
de Spec B. Réciproquement, si qBh est isolé dans Spec Bh , la localisation Bq est
une A-algèbre finie (proposition 6.37(ii)), donc de même pour k(q) = Bq /qBq . Les
injections A → B/q → k(q) montrent alors que B/q est à son tour une A-algèbre
finie et intègre, donc elle est un corps (proposition 6.16) ; i.e. q est un idéal maximal
de B, et donc {q} est une partie fermée de Spec B. Mais {qBh } est aussi une partie
ouverte de Spec Bh , donc {q} est une partie ouverte de Spec B, d’où l’assertion.

Exercice 6.44 : Soit K := Frac A, et π : A[T ] → B l’homomorphisme surjectif


de A-algèbres tel que π(T ) = x ; évidemment bT − a ∈ Ker π. Soit P (T ) ∈ Ker π ;
cela veut dire que P (x) = 0, et donc il existe un polynôme Q(T ) ∈ K[T ] tel que
Q(T ) · (bT − a) = P (T ). Mais bT − a est un polynôme primitif, car pgcd(a, b) = 1
(voir le problème 5.36) ; en raisonnant comme dans la solution du problème 5.36, on
déduit que Q(T ) ∈ A[T ] : les détails sont laissés aux soins du lecteur. Cela montre
que bT − a engendre l’idéal Ker π, i.e. π induit un isomorphisme de A-algèbres

(∗) A[T ]/(bT − a) → B.

Soit maintenant q ∈ Spec B, et on pose p := A ∩ q ; si b ∈ / q, la classe b̄ de b dans


k(p) est un élément inversible, et compte tenu de (∗) l’on a un isomorphisme de
∼ ∼
k(p)-algèbres : k(p) ⊗A B → k(p)[T ]/(T − ā/b̄) → k(p), donc q est l’unique élément
de (Spec f )−1 (p). Supposons ensuite que b ∈ q ; si a ∈
/ q, la classe ā de a dans k(p)

est inversible, d’où : k(p) ⊗A B → k(p)[T ]/āk(p)[T ] = 0, et (Spec f )−1 (p) = ∅,
contradiction. En dernier lieu, si a, b ∈ q, l’on déduit un isomorphisme de k(p)-

algèbres : k(p) ⊗A B → k(p)[T ], et on sait qu’aucun point de Spec k(p)[T ] est isolé.

Exercice 6.59 : Soit B ′ ⊂ B la fermeture intégrale de f (A) dans B : la preuve


du corollaire 6.58 montre que pour tout q ∈ Spec B il existe une sous-A-algèbre
finie B ′ ⊂ B et s ∈ B ′ \ q tel que Bs′ = Bs . Par compacité de Spec B, on peut
alors trouver une suite finie q1 , . . . , qn de points de Spec B et des sous-A-algèbres
§ 6.6: Solutions 295

correspondantes B1′ , . . . , Bn′ ⊂ B avec éléments si ∈ Bi′ \ qi pour i = 1, . . . , n, tels


que D(s1 ) ∪ · · · ∪ D(sn ) = Spec B. Soit C ⊂ B la sous-A-algèbre engendrée par
B1 ∪· · ·∪Bn ; l’on voit aisément que C est une A-algèbre finie ; de plus, les inclusions
Bi ⊂ C ⊂ B induisent des homomorphismes injectifs d’anneaux Bs′ i → Csi → Bsi
pour i = 1, . . . , n, dont la composition est un isomorphisme. Cela veut dire que
Csi = Bsi pour i = 1, . . . , n. Les assertions (i) et (ii) suivent aussitôt.

Problème 6.60, partie (i) : Si B est une K-algèbre entière, l’homomorphisme


induit A′ → A′ ⊗K B est aussi entier, pour toute K-algèbre A′ (exercice 6.25(ii)),
donc l’application induite Spec A′ ⊗A B → Spec A′ est fermée (remarque 6.24).
Réciproquement, soit Spec g universellement fermée, et supposons par l’absurde
que B ne soit pas une K-algèbre entière ; donc il existe b ∈ B tel que le sous-
anneau K[b] ⊂ B n’est pas une extension finie de K. Soit φ : Spec B → Spec K[b]
l’application continue induite par l’inclusion K[b] → B, et notons η ∈ Spec K[b] le
point générique ; le corps résiduel de η est le corps des fractions K(b) de K[b], et
l’application induite K(b) → B(η) := K(b) ⊗K[b] B est injective, donc B(η) 6= 0,
d’où φ−1 (η) = Spec B(η) 6= ∅ (voir le paragraphe 4.3.1). Prenons A := K[X], de
telle façon que A ⊗K B = B[X] ; l’application induite ψ : Spec B[X] → Spec K[X]
est fermée par hypothèse, et se factorise à travers les applications
φ′ π
Spec B[X] −→ Spec K[b, X] −
→ Spec K[X]

induites par les inclusions K[X] ⊂ K[b, X] ⊂ B[X]. Soit maintenant I ⊂ K[b, X]
l’idéal engendré par bX − 1, et Z0 := V (I) ⊂ Spec K[b, X] ; donc Z0 est une partie
fermé de Spec K[b, X] et Z := φ′−1 (Z0 ) est une partie fermée de Spec B[X] (si K
est algébriquement fermé, les coordonnées b et X identifient Max K[b, X] au plan
affine K 2 , et Z0 ∩ Max K[b, X] correspond à l’hyperbole d’équation bX = 1). La
partie π(Z0 ) est l’image de l’application

π|Z0 : Z0 → Spec K[b, X]/I → Spec K[X]

induite par l’homomorphisme naturel i : K[X] → K[b, X]/I ; mais l’isomorphisme



naturel K[b, X]/I → K[X, X −1] identifie i avec l’homomorphisme de localisation,
donc π|Z0 est un homéomorphisme de Z0 sur la partie ouverte D(X) ⊂ Spec K[X]
(voir l’exemple 2.29(i)). De même, la restriction π|Z

0
: Z0 → Spec K[b] de la pro-
jection π : Spec K[b, X] → Spec K[b] est un homéomorphisme de Z0 sur la partie

ouverte D(b) ⊂ Spec K[b] ; il s’ensuit que la projection Spec B[X] → Spec B se
restreint en un homéomorphisme de Z sur la partie ouverte Spec B[b−1 ] ⊂ Spec B.
On peut résumer la situation par le diagramme commutatif

Z / Spec B[X] / Spec B


φ′ φ
  
/ Spec K[b, X] π′ / Spec K[b]
Z0
π
  
D(X) / Spec K[X] / Spec K.

Or, l’image dans D(X) du point générique ηZ0 de Z0 est évidemment le point
générique de Spec K[X] ; d’autre part, l’image de ηZ0 dans Spec K[b] est évidem-
ment η. Il s’ensuit que φ′−1 (ηZ0 ) est homéomorphe à φ−1 (η), et en particulier
φ′−1 (ηZ0 ) 6= ∅, i.e. ηZ0 ∈ φ′ (Z), donc finalement ψ(Z) contient le point générique
de Spec K[X]. Mais ψ(Z) est une partie fermée de Spec K[X], donc on doit avoir
ψ(Z) = Spec K[X] ; mais cela est absurde, car ψ(Z) ⊂ π(Z0 ) = D(X).
296 å Vierge

Partie (ii) : Si B est une A-algèbre finie, A′ ⊗A B est une A′ -algèbre finie
pour toute A-algèbre A′ , donc Spec f est universellement fermée (remarque 6.24).
Réciproquement, soit Spec f universellement fermée ; en particulier, pour tout p ∈
Spec A l’application induite Spec (k(p)⊗A f ) : Spec k(p)⊗A B → Spec k(p) est aussi
universellement fermée, et elle est donc entière et de type fini, i.e. finie, d’après la
partie (i). Donc, f est un homomorphisme quasi-fini d’anneaux. Soit B ′ ⊂ B la
fermeture intégrale de f (A) dans B ; on est ramené à montrer que B ′ = B. Mais
on peut factoriser l’inclusion i : B ′ → B à travers les homomorphismes :
B ′ ⊗A f p
B ′ −−−−→ B ′ ⊗A B −
→B

où p est l’application surjective : b′ ⊗ b 7→ b′ b. Or, Spec (B ′ ⊗A f ) est fermée, et


de même pour Spec (p) ; il s’ensuit aisément que Spec (i) : Spec B → Spec B ′ est
aussi fermée. Comme l’image de Spec (i) est dense (exercice 2.33), l’on conclut que
Spec (i) est surjective, et même un homéomorphisme, au vu du corollaire 6.58(ii).
En dernier lieu, l’homomorphisme i induit, pour tout p ∈ Spec B ′ , un isomorphisme

ip : Bp′ → Bp (théorème 6.56), et il suffit alors d’invoquer la proposition 4.43.

Exercice 6.63 : Soit I ⊂ A un idéal ; par hypothèse, pour tout s ∈ S l’idéal


Is ⊂ As est de type fini, donc il existe une partie finie
S Σs ⊂ I dont l’image dans As
engendre Is . Soit I ′ ⊂ I l’idéal de A engendré par s∈S Σs ; au vu de la remarque
6.62(i), il suffit de montrer que I = I ′ . Or, par hypothèse, pour tout p ∈ Spec A
il existe s ∈ S tel que p ∈ D(s), et donc Ap est une localisation de As ; il s’ensuit
que Ip est engendré par l’image de Σs dans Ap . Cela montre que Ip′ = Ip pour tout
p ∈ Spec A, et il suffit d’invoquer la proposition 4.43 pour conclure.

Problème 6.64, partie (i) : Soit I ∈ F un élément maximal ; évidemment I 6= A,


donc il suffit de montrer que si a, b ∈ A \ I, alors ab ∈ / I. Supposons par l’absurde
que ab ∈ I ; on pose J := I + Aa et J ′ := {x ∈ A | ax ∈ I}. On voit aisément que
J ′ est un idéal de A contenant I, et comme b ∈ J ′ \ I, il s’ensuit que J ′ ∈ / F , par
maximalité de I ; de même a ∈ J \ I, d’où J ∈ / F . Soit alors b• := (b1 , . . . , bn )
(resp. b′• := (b′1 , . . . , b′m )) un système fini de générateurs de J (resp. de J ′ ) ; pour
tout i = 1, . . . , n il existe ci ∈ I et di P ∈ A tels que bi = ci + ad Pi .n Or, soit x ∈ I ;
n
il existe xP1 , . . . , xn ∈ A tels que x = i=1 xi b i . Posons y := i=1 xi di ; il vient
n
x = ay + i=1Pxi ci . En particulier ay ∈ I, i.e. Pn y ∈ J ′
, donc
Pm il existe y1 , . . . , ym ∈ A
m
tels que y = j=1 yj b′j , et finalement x = i=1 xi ci + j=1 yj ab′j . Cela montre
que le système fini c1 , . . . , cn , ab′1 , . . . , ab′m engendre I, contradiction.
Partie (ii) : Compte tenu de (i), il suffit de montrer que si F est non vide, il
admet des éléments maximaux. Cependant, S soit (Iλ | λ ∈ Λ) une famille totalement
ordonnée d’éléments de F , et on pose I := λ∈Λ Iλ ; on voit aisément que I ∈ F .
Pour conclure, il suffit alors d’invoquer le lemme de Zorn.

Exercice 6.65, partie (i) : Pour tout entier n > 0, soit In ⊂ C ([0, 1]) l’idéal
engendré par la fonction fn : [0, 1] → R telle que fn (t) = t1/n pour tout t ∈ [0, 1] ;
évidemment In ⊂ In+1 pour tout n > 0. Supposons que In = In+1 pour quelque
n > 0 ; alors il existe une fonction continue g : [0, 1] → R avec fn+1 = g · fn , et en
particulier g(0) = limt→0+ fn+1 (t)/fn (t). Mais cette limite est +∞, contradiction.
Partie (ii) : On considère d’abord l’anneau H (+∞) des fonctions holomorphes
C → C. Pour cela, remarquons que la fonction holomorphe entière z 7→ sin(πz)
a un zéro simple
Qn en tout entier ; il s’ensuit que pour tout n ∈ N, l’application
z 7→ sin(πz) · k=0 (z − k)−1 se prolonge en une fonction holomorphe fn : C → C
telle que fn (k) 6= 0 pour k = 0, . . . , n et fn (k) = 0 pour tout k ∈ Z \ {0, . . . , n},
et évidemment fn = (z − n − 1) · fn+1 pour tout n ∈ N. Soit In ⊂ H (+∞) l’idéal
§ 6.6: Solutions 297

engendré par fn pour tout n ∈ N ; il vient In ⊂ In+1 pour tout n ∈ N. Si In = In+1


pour quelque n ∈ N, il existe une fonction holomorphe entière g avec fn+1 = g · fn ;
mais fn+1 /fn = (z − n − 1)−1 sur la partie ouverte C \ {n + 1}, contradiction.
Ensuite, pour tout ρ ∈]0, +∞[ on a un isomorphisme d’anneaux évident :


H (ρ) → H (1) f (z) 7→ f (zρ)

donc il suffit de montrer que H (1) n’est pas noethérien. Pour cela, on remarque
que l’application z 7→ h(z) := sin(π/(z − 1)) est holomorphe sur D(1) et a un zéro
simple enQntout pointnde−1 l’ensemble {n/(n + 1) | n ∈ N} ; il s’ensuit que l’application
z 7→ h · k=0 (z − n+1 ) se prolonge en une fonction holomorphe fn sur D(1), et
fn = (z − n+1n
) · fn+1 pour tout n ∈ N. On peut alors raisonner comme dans le cas
précédent pour déduire une suite dénombrable strictement croissante d’idéaux de
H (1) : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
Partie (iii) : En raisonnant comme dans la partie (ii), on est ramené aisément
au cas où ρ = 1, et on pose D(1) := {z ∈ C | |z| ≤ 1}. Pour tout f ∈ H (1) \ {0},
l’ensemble Z (f ) := {z ∈ D(1) | f (z) = 0} est fini, car il est une partie discrète de
l’espace topologique compact D(1). Pour tout w ∈ Z (f ), Q soit n(w) ∈ N l’ordre
de zéro de f en w ; il s’ensuit que l’application z 7→ f (z) · w∈Z (f ) (z − w)−n(w)
se prolonge en une fonction holomorphe g : D(ρ′ ) → C pour quelque ρ′ > 1 avec
Z (g) = ∅. Quitte à remplacer ρ′ par un nombre réel dans ]1, ρ′ [ on peut même
supposer que g soit inversible dans H (ρ′ ), et donc aussi dans H (1). Cela achève
de montrer que tout élément de H (1) est le produit d’un polynôme de C[z] et d’un
élément inversible de H (1). Or soit I un idéal de H (1) ; l’idéal J := I ∩ C[z] de
C[z] est principal, et par ce qui précède l’on a I = J · H (1) d’où l’assertion.

Exercice 6.72, partie (i.a) : Soit M un A-module de type fini, disons engendré par
n éléments, et φ : An → M une application A-linéaire surjective. Par la proposition
6.66, le noyau de φ est un A-module de type fini, donc M est de présentation finie.
De même, si B est une A-algèbre de type fini, soit ψ : A[X1 , . . . , Xn ] → B un
homomorphisme surjectif de A-algèbres ; par le théorème 6.67, le noyau de ψ est un
idéal de type fini, donc B est de présentation finie.
Partie (i.b) : Compte tenu de (i.a), il suffit d’invoquer le corollaire 5.4(ii).
Partie (i.c) : Soit P le produit d’une famille (Pλ | λ ∈ Λ) de A-modules plats, et
πλ : P → Pλ la projection canonique, pour tout λ ∈ Λ. Soit aussi I ⊂ A un idéal ;
grâce à (i) on sait que I est un A-module de présentation finie ; pour tout A-module
M , notons par φI,M : M ⊗A I → M l’application telle que m ⊗ a 7→ am. D’après
∼ Q
l’exercice 4.9(ii), l’on a un isomorphisme ω : P ⊗A I → Q := λ∈Λ (Pλ ⊗A I) de
A-modules dont la composition avec la projection canonique Q → Pλ ⊗A I coïncide
avec πQλ ⊗A I, pour tout λ ∈ Λ. Il s’ensuit aisément que φI,P ◦ ω −1 : Q → P coïncide
avec λ∈Λ φI,Pλ . Comme Pλ est plat, φI,Pλ est injectif pour tout λ ∈ Λ, donc de
même pour φI,P , et l’assertion suit alors de la proposition 4.57.
Partie (ii) : D’après la remarque 5.15(ii), pour tout anneau A, le produit d’une
famille finie de A-modules injectifs est injectifs, donc la somme directe J d’une
famille arbitraire de A-modules injectifs (Jλ∈ΛL | λ ∈ Λ) est la limite directe du
système filtré des A-modules injectifs (JΛ′ := λ∈Λ′ Jλ | Λ ⊂ Λ), indexé par les

parties finies Λ de Λ ; pour chaque telle partie Λ , notons par jΛ′ : JΛ′ → J
′ ′

l’inclusion naturelle. Si maintenant A est noethérien, compte tenu de (i) et de


l’exercice 4.9(ii), pour tout idéal I ⊂ A l’on a un isomorphisme de A-modules


Q′ := lim
−→
HomA (I, JΛ′ ) → HomA (I, J)
Λ′ ⊂Λ
298 å Vierge

dont la composition avec l’application naturelle HomA (I, JΛ′ ) → Q′ coïncide avec
HomA (I, jΛ′ ) ; i.e. pour toute application A-linéaire ψ : I → J il existe une partie
finie Λ′ ⊂ Λ et une application A-linéaire ψ ′ : I → JΛ′ telle que ψ = jΛ′ ◦ ψ ′ . Il
s’ensuit que ψ ′ se prolonge en une application ψ ′′ : A → JΛ′ et jΛ′ ◦ ψ ′′ : A → I
prolonge ψ. Par le critère de Baer (proposition 5.16), cela montre que J est injectif.
Réciproquement, si la condition
S est vérifiée, soit I0 ⊂ I1 ⊂ · · · une suite crois-
sante d’idéaux de A, et I := n∈N In ; pour tout n ∈ N on choisit un A-module injec-
tif Jn et un homomorphisme
L φn : I → Jn de A-modules avec Ker φn = In . Par hypo-
thèse, J := n∈N Jn est un A-module injectif, et l’association a 7→ (φn (a) | n ∈ N)
pour tout a ∈ I définit un homomorphisme de A-modules φ : I → J. Soit
ψ : A → J un prolongement A-linéaire de φ ; évidemment il existe k ∈ N tel
Lk
que ψ(1) ∈ n=0 Jn , et il s’ensuit aisément que φn (I) = 0 pour tout n > k, i.e.
I = Ik . Cela achève de montrer que A est noethérien.

Exercice 6.75, partie (i) : Evidemment (b) ⇒ (a), par le corollaire 6.69.
De plus, (a) implique que A0 est noethérien, car A0 = A/A+ . Il reste à montrer
que si A est noethérien, A est une A0 -algèbre de type fini. En effet, soit S :=
{x1 , . . . , xt } un système fini de générateurs de l’idéal A+ (voir la remarque 6.62(i)).
On peut écrire chaque xi sous la forme xi = xi1 + · · · + xiki avec xij homogène
de
St degré > 0 pour tout i = 1, . . . , t et j = 1, . . . , ki ; quitte à remplacer S par
i=1 {xi1 , . . . , xiki } on peut donc supposer que xi est homogène de degré di > 0,
pour tout i = 1, . . . , t. On va montrer que A = B := A0 [x1 , . . . , xt ]. Pour cela, il
suffit de vérifier que Ak ⊂ B pour tout k ∈ N. On raisonne par récurrence sur k.
Pour k = 0, l’assertion est triviale ; soit maintenant y ∈ Ak pour un entier k > 0,
et on supposePque Ai ⊂ B pour tout i < k. Par hypothèse, on a une identité de
t
la forme y = i=1 ai · xi pour certains a1 , . . . , at ∈ A. Pour tout i = 1, . . . , t, soit
ai ∈ Ak−di la composante de degré k − di de ai (si k − di < 0, on pose a′i := 0) ;

Pt
on voit aisément que y = i=1 a′i · xi , et par hypothèse de récurrence on a a′i ∈ B
pour tout i = 1, . . . , t. D’où y ∈ B, CQFD.
Partie (ii) : Soit A = A0 [x1 , . . . , xt ] comme ci-dessus, de telle façon que xi est
homogène de degré di > 0, pour tout i = 1, . . . , t. Soit aussi m1 , . . . , ms un système
de générateurs de M ; raisonnant comme dans la preuve de (i), on peut supposer
que mi soit homogène de degré ei ∈ N, pour tout i = 1, . . . , s. On voit aisément
que, pour tout n ∈ N, le A0 -module Mn est engendré par le système

{xr11 · · · xrt t mj | j = 1, . . . , s, ej + r1 d1 + · · · + rt dt = n}.

Partie (iii) : L’anneau A est de type fini sur son sous-anneau A0 , et ce dernier
est noethérien, par la partie (i). De plus, si a ∈ A est homogène de degré k, on
a ad ∈ Akd ⊂ A(d) , pour tout k ∈ N ; comme la A0 -algèbre A est engendrée par
ses éléments homogènes, on déduit que A est entier sur A(d) . Il suffit maintenant
d’invoquer la proposition 6.74 pour conclure.

Exercice 6.77, partie (i) : L’assertion suit aussitôt de l’exercice 6.26(i) et la


proposition 6.74.
Partie (ii) : Evidemment, pour tout i, j ∈ N le monôme X i Y j est un vecteur
propre pour l’action de σ, de valeur propre ζni−j . Il s’ensuit que K[X, Y ]hσi est le
K-espace vectoriel engendré par le système

(X i Y j | i, j ∈ N tels que i − j ∈ nZ)

et on voit aisément que ce dernier est la K-sous-algèbre de K[X, Y ] engendrée par

Z := XY T := X n S := Y n .
§ 6.6: Solutions 299

Au vu de la relation T S = Z n on déduit un homomorphisme surjectif de K-algèbres


f : R := K[S, T, Z]/(ST − Z n ) → R′ := K[X, Y ]hσi .
On remarque que R est intègre, car K[S, T, Z] est factoriel (voir le problème 5.36(ii))
et le polynôme ST −Z n est irréductible. On va montrer l’injectivité de f . Pour cela,
noter que l’application naturelle R0 := K[S, T ] → R est injective, donc on peut voir
l’algèbre de polynômes R0 comme un sous-anneau de R ; de plus, la restriction de f
à R0 est injective, et son image est le sous-anneau K[X n , Y n ] de R′ . Soit maintenant
E0 le corps des fractions de R0 ; on considère le diagramme commutatif
f
R / R′

 g

E0 ⊗R0 R / E0 ⊗R0 R′

avec g := E0 ⊗R0 f et dont les flèches verticales sont les applications naturelles.
Comme R et R′ sont intègres, on voit aisément que les flèches verticales sont in-
jectives, et en particulier E0 ⊗R0 R′ 6= 0 ; d’autre part, E0 ⊗R0 R est le corps
E0 [Z]/(Z n − ST ), donc g est aussi forcément injective, d’où l’assertion. Cela achève
la construction d’une presentation de K[X, Y ]hσi par générateurs et relations.
Ensuite, pour tout (i, j) ∈ N2 avec i ≥ j soit Vij ⊂ K[X, Y ] le K-sous-espace
L
vectoriel engendré par le système (X i Y j , X j Y i ) ; évidemment K[X, Y ] = i≥j Vij ,
et chaque Vij est stable par l’action de D2n sur K[X, Y ]. On a :

K · (X Y + X Y ) si i − j ∈ nN \ {0}
 i j j i
D2n
Vij = K · X Y i j
si i = j


0 si i − j ∈
/ nZ

donc K[X, Y ]D2n est le K-sous-espace vectoriel de base


XjY j X iY j + X j Y i ∀i > j ≥ 0 tels que i − j ∈ nN.
On remarque que si i − j = kn ≥ 0, on a X i Y j + X j Y i = X j Y j · (X kn + Y kn ). De
l’autre côté, pour tout r ∈ Q soit ⌊r⌋ le plus grand entier ≤ r ; on a l’identité :
⌊k/2⌋  
X k
n n k kn kn
(X + Y ) = X +Y + · X in Y in · (X (k−2i)n + Y (k−2i)n ).
i=1
i

Par récurrence sur k on déduit que K[X, Y ]D2n est la K-sous-algèbre engendrée par
S := XY et T := X n + Y n , d’où un homomorphisme surjectif de K-algèbres
h : K[S, T ] → K[X, Y ]D2n .
Pour conclure,
P montrons que h est injective. On raisonne par l’absurde : soit
P := i,j∈N a ij S i T j ∈ K[S, T ] un polynôme non nul de degré minimal dans le
noyau de h ; donc P (XY, P X + Y jn) = 0 dans K[X, Y ]. Si on prend X = 0, on
n n

obtient 0 = P (0, Y ) = j∈N a0j Y , d’où a0j = 0 pour tout j ∈ N. Cela veut dire
n

que S divise P , et donc S −1 ·P ∈ Ker h, ce qui contredit la minimalité du degré de P .

Exercice 6.78, partie (i) : Remarquons d’abord que E est bien une A-sous-algèbre
de B : en effet, soit ψ : A → B le morphisme structurel de B ; pour tout a ∈ A
on a φ1 (ψ(a)) = φ2 (ψ(a)) = · · · = φn (ψ(a)) (car les φi sont des homomorphismes
de A-algèbres), d’où ψ(a) ∈ E. Au vu de la proposition 6.74, il suffit alors de
montrer que B est entier sur E. Soit donc b ∈ B ; on pose ci := φi (b) ∈ C pour
i = 1, 2, . . . , n. Par hypothèse, pour tout i = 1, 2, . . . , n il existe un polynôme
300 å Vierge

Qn
unitaire Pi (X) ∈ A[X] tel que Pi (ci ) = 0 dans C ; soit P (X) := i=1 Pi (X).
Comme φj est un homomorphisme de A-algèbres, on a
n
Y n
Y
φj (P (b)) = φj (Pi (b)) = Pi (cj ) = 0 ∀j = 1, . . . , n.
i=1 i=1

Donc, P (b) ∈ E ; si on pose Q(X) := P (X) − P (b) on conclut que Q(X) est un
polynôme unitaire de E[X] et Q(b) = 0, d’où l’assertion.
Partie (ii) : On considère l’homomorphisme de E-modules
Φ : B → C n−1 b 7→ (φi (b) − φ1 (b) | i = 2, . . . n).
Evidemment E = Ker Φ, et l’équaliseur de φ1 ⊗E E ′ , . . . , φn ⊗E E ′ est le noyau de
Φ ⊗E E ′ : B ⊗E E ′ → (C ⊗E E ′ )n−1 . Mais Ker (Φ ⊗E E ′ ) = E ⊗E E ′ = E ′ , car E ′
est une E-algèbre plate.

Exercice 6.84, partie (i) : D’abord, soit P (X, Y ) ∈ R := K[X, Y ] un poly-


nôme qui s’annulePsur l’axe {(a, 0) | a ∈ K} ; si le degré total de P est n, on peut
n
écrire P (X, Y ) = i,j=0 bij X i Y i pour certains coefficients bij ∈ K, et la condition
P (a, 0) = 0 pour tout a ∈ K se traduit par les identités
n
X
(∗) bi0 ai = 0 ∀a ∈ K.
i=0

Or, K est algébriquement clos, en particulier il est infini, donc (∗) implique que
bi0 = 0 pour tout i = 0, . . . , n. Cela veut dire que Y divise P . Réciproquement, il
est évident que si Y divise P , alors P s’annule sur A1 . De même, P s’annule sur
{(0, a) | a ∈ K} si et seulement si X divise P . Donc I = XR ∩ Y R = XY R.
Partie (ii) : Soit d’abord P (X, Y, Z) ∈ R′ := K[X, PY, Z] un polynôme qui s’an-
n
nule sur l’axe A1 := {(a, 0, 0) | a ∈ K} ; si P = i,j,k=0 bijk X Y Z , il vient
i j k
Pn
i=0 bi00 a = 0 pour tout a ∈ K, d’où bi00 = 0 pour i = 0, . . . , n, et donc P est un
i

élément de J1′ := Y R′ + ZR′ . Réciproquement, tout élément de J1′ s’annule sur A1 ,


i.e. J1′ est l’idéal des polynômes qui s’annulent sur A1 . De même, J2′ := XR′ + ZR′
et J3′ := XR′ + Y R′ sont les idéaux des polynômes qui s’annulent respectivement
sur A2 := {(0, a, 0) | a ∈ K} et sur A3 := {(0, 0, a) | a ∈ K} ; il vient :
I ′ = J1′ ∩ J2′ ∩ J3′ = J ′ := XY R′ + XZR′ + Y ZR′ .
En effet, pour vérifier la dernière identité, soit P ∈ I ′ ; comme P (0, 0, 0) = 0, on peut
écrire P = XP1 (X) + Y P2 (Y ) + ZP3 (Z) + Q1 (X, Y, Z) pour certains P1 ∈ K[X],
P2 ∈ K[Y ], P3 ∈ K[Z] et Q1 ∈ J ′ . Mais on a P (a, 0, 0) = 0, d’où aP1 (a) = 0 pour
tout a ∈ K, et donc P1 = 0. De même, P2 = P3 = 0, d’où P ∈ J ′ .
Partie (iii) : Comme ci-dessus, on voit aisément que l’idéal des polynômes de
R′′ := K[X, Y, Z, W ] qui s’annulent sur {(a, b, 0, 0) | a, b ∈ K} (respectivement sur
{(0, 0, a, b) | a, b ∈ K}) est J1′′ := ZR′′ + W R′′ (respectivement J2′′ := XR′′ + Y R′′ ),
donc le même argument montre que
I ′′ = J1′′ ∩ J2′′ = XZR′′ + Y ZR′′ + XW R′′ + Y W R′′ .

Exercice 6.85 : Choisissons n ∈ N tel qu’il existe des présentations


A = K[X1 , . . . , Xn ]/(P1 , . . . , Pr ) B = K[Y1 , . . . , Yn ]/(Q1 , . . . , Qs ).
φ
Par hypothèse, il existe des homomorphismes de K ′ -algèbres A′ := K ′ ⊗K A −

ψ
′ ′
B := K ⊗K B − → A tels que φ ◦ ψ = IdB ′ et ψ ◦ φ = IdA′ . Or, φ équivaut

§ 6.6: Solutions 301

à la donnée d’une suite (φ1 , . . . , φn ) de polynômes de K ′ [Y1 , . . . , Yn ] et pour tout


i = 1, . . . , r, d’une suite (Ri1 , . . . , Ris ) de polynômes de K ′ [Y1 , . . . , Yn ] telles que :
s
X
Pi (φ1 , . . . , φn ) = Rij Qj ∀i = 1, . . . , r.
j=1

De même, ψ est la donnée d’une suite (ψ1 , . . . , ψn ) de polynômes de K ′ [X1 , . . . , Xn ]


et pour tout i = 1, . . . , s, d’une suite (Ri1
∗ ∗
, . . . , Rir ) de polynômes de K ′ [X1 , . . . , Xn ]
vérifiant les identités :
Xr

Qi (ψ1 , . . . , ψm ) = Rij Pj ∀i = 1, . . . , s.
j=1

En dernier lieu, les conditions ψ ◦ φ = IdA′ et φ ◦ ψ = IdB ′ équivalent à l’existence,


pour tout i = 1, . . . , n de suites (Ui1 , . . . , Uir ) et (Ui1∗ ∗
, . . . , Uis ) de polynômes de
K [X1 , . . . , Xn ] et respectivement de K [Y1 , . . . , Yn ] tels que
′ ′

r
X
φi (ψ1 , . . . , ψn ) = Xi + Uij Pj
j=1
Xs
ψi (φ1 , . . . , φn ) = Yi + Uij∗ Qj .
j=1

Soit maintenant C ⊂ K la K-algèbre engendré par tous les coefficients de tous


les polynômes φi , Rij , ψi , Rij



, Uij et Uij ; évidemment la même suite φ• définit un

isomorphisme de C-algèbres φ′ : C ⊗K A → C ⊗K B et la suite ψ• définit un inverse

ψ : C ⊗K B → C ⊗K A pour φ . Soit m ⊂ C un idéal maximal arbitraire ; comme
′ ′

C est une K-algèbre de type fini, le corps résiduel k(m) est algébrique sur K, par
le Nullstellensatz, donc k(m) = K, car K est algébriquement clos. On déduit un

isomorphisme k(m) ⊗C φ′ : A → B de K-algèbres, comme souhaité.

Problème 6.86, partie (i) : Plus généralement, pour tout corps k et tout k-espace
vectoriel V de dimension finie, soit
trV /k : Endk (V ) → k
l’application qui associe à tout k-endomorphisme de V sa trace. Si le corps k ′ est une
extension arbitraire de k, on a un diagramme commutatif d’applications k ′ -linéaires
ω
k ′ ⊗k Endk (V ) / Endk′ (k ′ ⊗k V )
▼▼▼ ♣♣
▼▼▼ ♣♣♣

k′ ⊗k trV /k ▼▼▼ ♣♣♣tr ′ ⊗ V /k′
k
& x♣♣ k
k′
où ω est l’isomorphisme tel que x ⊗ φ 7→ x · (k ′ ⊗k φ) pour tout x ∈ k ′ et φ : V → V
(voir l’exercice 5.13(ii)). Soit maintenant E la clôture Galoisienne de F (dans une
clôture algébrique fixée de F ). On déduit aisément qu’il suffit de montrer que la
forme bilinéaire TrE⊗K F/E est non-dégénérée. D’autre part, grâce à l’exercice 4.28,

on a un isomorphisme de E-algèbres E ⊗K F → E n , avec n := dimK F . Cela veut
dire qu’il existe des idempotents e1 , . . . , en ∈ E ⊗K F tels que ei · ej = 0 pour tout
i 6= j, et e1 + · · · + en = 1. La matrice de TrE⊗K F/E par rapport à la base e1 , . . . , en
est la matrice diagonale Idn de taille n × n, d’où l’assertion.
Partie (ii) : La trace d’un endomorphisme φ d’un K-espace vectoriel V est
une combinaison Z-linéaire des valeurs propres de φ, i.e. des racines du polynôme
minimal µφ (X) ∈ K[X] de φ. Or, si P (φ) = 0 pour un polynôme unitaire P (X) ∈
A[X], d’un côté on sait que toute racine de P est entière sur A, et de l’autre côté, µφ
divise P ; on conclut que toute racine de µφ est entière sur A, et par conséquent il en
302 å Vierge

est de même pour la trace de φ. Mais trV /K (φ) ∈ K, et comme A est intégralement
fermé, on voit que trV /K (φ) ∈ A. Maintenant, si x ∈ B, on a bi x ∈ B pour tout
i = 1, . . . , n, d’où TrF/K (x, bi ) = trF/K (xbi ) ∈ A, par ce qui précède.
Partie (iii) : Soit τF/K : F → F ∗ := HomK (F, K) l’application K-linéaire cor-
respondante à TrF/K , suivant la bijection naturelle de la remarque 4.3(iii) ; notons
aussi que M := Ab1 + · · ·+ Abn , est un A-module libre de rang n avec K ⊗A M = F .
La partie (ii) montre que
−1
B ⊂ τF/K (M ∗ ) avec M ∗ := HomA (M, A) ⊂ F ∗ .
Or, M ∗ est aussi un A-module libre de rang n ; comme A est noethérien, et comme
τF/K est un isomorphisme, grâce à (i), on déduit que B est un A-module de type
fini (voir la proposition 6.66), d’où l’assertion.

Exercice 6.87 : On suppose d’abord que K soit algébriquement clos. Disons que
A = K[X1 , . . . , Xn ]/I pour un entier n et un idéal I de B := K[X1 , . . . , Xn ]. Soit
J ⊂ B l’intersection des idéaux maximaux de B qui contiennent I ; évidemment,
J (A) = J/I ; d’autre part, J = rad(I), par le corollaire 6.83, d’où J/I = N (A),
comme souhaité. Dans le cas général, soit K ′ une clôture algébrique de K, et on pose
A′ := K ′ ⊗K A ; l’application naturelle A → A′ est injective, car A est une K-algèbre
plate (comme toute K-algèbre), et l’inclusion K ⊂ K ′ est évidemment entière, donc
de même pour l’inclusion A ⊂ A′ (corollaire 6.5) ; compte tenu du cas précédent et
de l’exercice 6.23(i), on trouve J (A) = A ∩ J (A′ ) = A ∩ N (A′ ) = N (A).

Exercice 6.89, partie (i) : Les hypothèses sur A′′ impliquent que f induit un

isomorphisme g : F → F ′′ du corps des fractions de A sur celui de A′′ ; or, par
définition on a A′ ⊂ F , et g(A′ ) est un sous-anneau de F ′ intégralement clos et entier
sur g(A) ; comme g(A) ⊂ A′′ , on voit donc que g(A′ ) = A′′ , i.e. g se restreint en un

isomorphisme h : A′ → A′′ de A-algèbres. Réciproquement, un tel isomorphisme h
de A-algèbres se prolonge en un isomorphisme du corps des fractions de A′ sur F ′′ ;
mais le corps des fractions de A′ est F , donc ce prolongement doit coïncider avec
l’homomorphisme g, et on voit que h est forcément la restriction de g.
Partie (ii) : Grâce à la proposition 6.12 on voit que Unor est la partie des
idéaux premiers p de A tels que l’application Ap → A′p soit bijective. Or, si
p ∈ D(a) = Spec A[a−1 ], on a Ap = A[a−1 ]p et A′ [a−1 ]p = A′p , d’où D(a) ⊂ Unor .
De plus, soit M := A′ /A ; le lemme 6.88 implique que M est un A-module de type
fini, et évidemment p ∈ Unor si et seulement si Mp = 0. Autrement dit, Unor est
précisément le complémentaire du support de M , et il est donc une partie ouverte,
par la remarque 4.46(ii).

Exercice 6.91, partie (i) : Soit P (T ) ∈ B ; par construction on a P (−1) = P (0) =


P (1), et si on pose b := P (0), on voit que le polynôme P (T ) − b s’annule aux points
−1, 0, 1, donc il est un multiple de X := (T − 1)T (T + 1). Autrement dit :
B = {b + X · Q(T ) | b ∈ C, Q(T ) ∈ C[T ]}.
Il suffit donc de montrer que pour tout polynôme Q(T ) il existe Q1 , Q2 , Q3 ∈ C[X]
tels que Q(T ) = Q1 (X) + T Q2 (X) + T 2 Q3 (X). On raisonne par récurrence sur le
degré d de Q(T ) : si d ≤ 2, l’assertion est évidente (dans ce cas, Q1 , Q2 et Q3 sont
des constantes). Si d ≥ 3, on a Q(T ) = X · P1 (T ) + P2 (T ) avec deg P2 (T ) ≤ 2
et deg P1 (T ) = d − 3 ; par récurrence, on peut trouver R1 , R2 , R3 ∈ C[X] tels que
P1 (T ) = R1 (X)+T R2 (X)+T 2 R3 (X), et si P2 (T ) = a0 +a1 T +a2 T 2 , on a l’identité
souhaitée avec Q1 (X) := XR1 (X) + a0 , Q2 := XR2 (X) + a1 , Q3 := XR3 (X) + a2 .
Partie (ii) : La preuve de (i) montre déjà que tout élément de B s’écrit de la
forme Q1 (X) + Y Q2 (X) + ZQ3 (X), et il ne reste qu’à montrer l’unicité de cette
§ 6.6: Solutions 303

écriture. Donc, supposons que Q1 (X) + Y Q2 (X) + ZQ3 (X) = 0 ; cela veut dire que
Q1 ((T − 1)T (T + 1)) = −T XQ2(X) − T 2 XQ3 (X) avec X = (T − 1)T (T + 1).
Mais le degré de Q1 ((T − 1)T (T + 1)) par rapport à la variable T est évidemment
divisible par 3 ; d’autre part, si Q2 6= 0 ou Q3 6= 0, le degré de −T XQ2(X) −
T 2 XQ3 (X) par rapport à la variable T n’est pas divisible par 3, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Un calcul direct donne les identités :
Y 2 = ZX Z 2 = Y X 2 + ZX Y Z = X 3 + Y X.
Cela montre que B est un quotient de la C-algèbre
B ′ := C[X, Y, Z]/(Y 2 − ZX, Z 2 − Y X 2 − ZX, Y Z − X 3 − Y X).
D’autre part, ces identités impliquent aisément que tout élément de B ′ est une
combinaison C[X]-linéaire de 1, Y et Z ; i.e. on a une application surjective
φ : C 3 → B′ (Q1 , Q2 , Q3 ) 7→ Q1 + Y Q2 + ZQ3 .
Or, notons π : B → B la projection naturelle ; la partie (ii) nous dit que π ◦ φ :

C 3 → B est une bijection, donc φ est aussi injective, et la définition de B ′ nous


donne une présentation de B. En particulier, cela montre que la variété obtenue en
recollant les points −1, 0, 1 de A1C peut être réalisée par un sous-ensemble algébrique
de C3 : l’intersection d’une quadrique et de deux hypersurfaces cubiques dans C3 .

Exercice 6.97 : On a un diagramme commutatif d’applications continues :


Spec B ′ / Spec A′

 Spec (j) 
Spec B / Spec A
dont les flèches verticales sont surjectives et induisent les topologies des espaces
Spec A et Spec B ; de plus la flèche horizontale en haut identifie Spec B ′ avec la
partie ouverte Spec A′ \ {m′0 }. Il s’ensuit aisément que Spec (j) identifie Spec B
avec la partie ouverte Spec A \ {m0 }. Supposons maintenant par l’absurde, que
B = S −1 A pour un partie S ⊂ A, et soit s ∈ S ; on peut supposer que s ∈ / A× ,
et il s’ensuit que le seul idéal premier de A contenant s est m0 (proposition 2.28),
et donc le seul idéal premier de A′ = Q[T ] contenant s est m′0 . Cela veut dire que
s = qT n pour quelque q ∈ Q× et un entier n > 0 ; mais on voit aisément que A ne
contient aucun élément de cette forme, contradiction.
Compte tenu de la proposition 4.56(ii), pour vérifier que B est une A-algèbre
plate il suffit d’exhiber des éléments a1 , a2 ∈ A avec D(a1 ) ∪ D(a2 ) = Spec A
et tels que les homomorphismes induits ji : A[a−1 −1
i ] → B[ai ] pour i = 1, 2
soient plats. Pour cela, prenons a1 := (T − p)(T − p) et a2 := a1 − p2 . Comme
2 3

m∈ / D(a1 ), on a A[a−1 ′ −1 −1 ′ −1
1 ] = A [a1 ] et B[a1 ] = B [a1 ] (voir le paragraphe 6.4.1) ;
′ −1 ′ −1
mais B [a1 ] est une A [a1 ]-algèbre plate, donc j1 est plat. Ensuite, notons que
a2 = T 2 (T 3 − pT − p), donc A′ [a−1 ′ −1
2 ] = B [a2 ] ; d’autre part, comme A = B ∩ A ,

−1 −1 ′ −1 −1
l’on a A[a2 ] = B[a2 ] ∩ A [a2 ] = B[a2 ], et donc j2 est un isomorphisme.

Exercice 6.100 : Par hypothèse il existe n ∈ N, un idéal I ⊂ A[X1 , . . . , Xn ], et un



isomorphisme de A-algèbres B → A[X1 , . . . , Xn ]/I. L’idéal K⊗A I ⊂ K[X1 , . . . , Xn ]
est de type fini (corollaire 6.69), donc il existe un sous-idéal I0 ⊂ I de type fini de
A[X1 , . . . , Xn ] avec K ⊗A I0 = K ⊗A I, et la A-algèbre B0 := A[X1 , . . . , Xn ]/I0 est
de présentation finie. Par le théorème de platitude générique, il existe f ∈ A \ {0}
tel que B0,f soit un Af -modules libre ; d’autre part, par construction l’on a une
surjection de A-algèbres φ : B0 → B telle que K ⊗A φ est un isomorphisme. Il
s’ensuit que φf : B0,f → Bf est surjective et son noyau est un sous-A-module de
304 å Vierge

torsion de B0,f ; mais Af est intègre et B0,f est un Af -module libre, en particulier
il est sans torsion. Donc Ker φf = 0, i.e. φf est un isomorphisme, et Bf est ainsi
une Af -algèbre de présentation finie. De même, choisissons un isomorphisme de

B-modules M → B n /N pour quelque n ∈ N et un sous-B-module N ⊂ B n ; la K-
algèbre BK := K ⊗A B est de type fini, en particulier elle est un anneau noethérien,
donc il existe un sous-B-module N0 ⊂ N de type fini tel que K ⊗A N0 = K ⊗A N , et
on pose M0 := B n /N0 . Par le théorème de platitude générique, il existe f ∈ A \ {0}
tel que M0,f soit un Af -module libre, et en raisonnant comme ci-dessus, l’on voit

aisément que la surjection ψ : M0 → M induit un isomorphisme ψf : M0,f → Mf
de Bf -modules, donc Mf est un Bf -module de présentation finie.

Exercice 6.103 : On est ramené aussitôt à l’assertion correspondante pour l’ho-


momorphisme k(p) ⊗A f : k(p) → k(p) ⊗A B, donc on peut supposer du départ que
A soit un corps, et dans ce cas il faut montrer que f est quasi-fini au point q si
et seulement si Bq est une A-algèbre finie. La nécessité de la condition suit de la
proposition 6.37. Réciproquement, si Bq est une A-algèbre finie, l’on voit comme
dans le solution du problème 6.43 que q est un point fermé de Spec B. De plus,
l’espace Spec Bq est discret (remarque 6.19(ii)) ; mais ce dernier est l’ensemble des
générisations de q dans Spec B, donc q est l’unique point de Spec Bq , et q n’admet
aucune générisation stricte dans Spec B. D’autre part, B est un anneau noethérien
(théorème 6.67), donc Spec B est un espace noethérien, et alors la partie fermée {q}
est constructible dans Spec B (remarque 6.102(vi)). Au vu du corollaire 2.50(ii), la
partie {q} est ainsi ouverte dans Spec B, i.e. q est un point isolé.

Exercice 6.105,
S partie (i) : Soit G ⊂ F une partie totalement ordonnée ; on
pose W := S∈G et on munit W de la topologie induite par l’inclusion dans T .
Montrons d’abord que W est un espace topologique irréductible. Pour cela, soient
par l’absurde W0 , W1 ⊂ W deux parties fermées telles que W0 , W1 6= W et W =
W0 ∪ W1 . On a donc w0 ∈ W0 \ W1 et w1 ∈ W1 \ W0 , et on trouve S0 , S1 ∈ G tels
que wi ∈ Si pour i = 0, 1. Mais on a Si = (Si ∩ W0 ) ∪ (Si ∩ W1 ), et comme Si
est irréductible, il vient Si ⊂ Wi et Si 6⊂ W1−i pour i = 0, 1. Quitte à échanger les
indices, on peut supposer que S0 ⊂ S1 , d’où S0 ⊂ W1 , contradiction.
Ensuite, montrons que l’adhérence W de W dans T est une partie fermée irréduc-
tible de T . En effet, soient X, X ′ ⊂ T deux parties fermées telles que W = X ∪ X ′ ;
il vient W = (W ∩X)∪(W ∩X ′ ), et par ce qui précède, l’on peut alors supposer que
W = W ∩ X. Il s’ensuit que W = W ∩ X ⊂ W ∩ X, i.e. W = X, d’où l’assertion.
Cela achève de montrer que W ∈ F ; par le lemme de Zorn, l’on déduit que F
admet des éléments maximaux, comme souhaité.
Partie (ii) : Soit P(Z) la propriété : “Z est une partie fermée de T qui n’a
qu’un nombre fini de composantes irréductibles”. Soit maintenant Z une partie
quelconque, et on suppose que P(Z ′ ) est vraie pour toute partie fermée Z ′ de T
strictement contenue dans Z. Si Z est irréductible, trivialement P(Z) est vraie ;
sinon, on a une décomposition Z = Z ′ ∪ Z ′′ pour deux parties fermées Z ′ , Z ′′ de T
strictement contenues dans Z. Mais dans ce cas, on voit aisément que l’ensemble
des composantes irréductibles de Z est contenu dans la réunion des ensembles des
composantes irréductibles de Z ′ et de Z ′′ ; en particulier, P(Z ′ ) et P(Z ′′ ) entraînent
P(Z). Par récurrence noethérienne (lemme 6.104), P(Z) est vraie pour toute partie
fermée Z de T ; en particulier, P(T ) est vraie, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Les composantes irréductibles d’un espace spectral T sont les adhé-
rences des parties {t} pour t ∈ Max T ; l’assertion donc découle aussitôt de (ii).
§ 6.6: Solutions 305

Exercice 6.106, partie (i) : On sait que N (Am ) = N (A)m (exercice 2.34), et
par hypothèse N (Am ) = 0 pour tout m ∈ Max A. On déduit que N (A) = 0, par
la proposition 4.42. S
Partie (ii) : D’un côté, on a : Spec A = p∈Min A V (p). De l’autre côté, montrons
que V (p) ∩ V (p′ ) = ∅ pour tout couple d’idéaux premiers minimaux p 6= p′ . En
effet, si q ∈ V (p) ∩ V (p′ ), l’anneau Aq aurait au moins deux idéaux premiers mi-
nimaux, à savoir pAq et p′ Aq ; mais par hypothèse Aq est intègre, donc son unique
idéal premier minimal est l’idéal 0, contradiction. Comme Min A est un ensemble
fini, il s’ensuit que V (p) est une partie ouverte et fermée de Spec A pour tout
∼ Q
p ∈ Min A, et on a une décomposition : A → p∈Min A B (p) telle que l’image de
l’application induite Spec B (p) → Spec A est V (p) pour chaque p ∈ Min A (voir
l’exercice 4.27(iii)) ; en particulier, chaque B (p) a un unique idéal premier minimal,
dont l’image dans Spec A est p. Noter aussi que A est réduit, par (i) ; il s’ensuit
aisément que B (q) est réduit, et donc son unique idéal premier minimal est l’idéal
0. On conclut que le noyau de la projection A → B (p) est p, pour tout p ∈ Min A,
d’où l’assertion.

Problème 6.112, partie (i) : Soit φ := Spec f ; noter que φ−1 (p) ∩ D(b) = D(b(p))
pour tout p ∈ Spec A. D’autre part, D(b(p)) = ∅ si et seulement si b(p) est nilpotent
dans B ⊗A k(p) ; on conclut que Σb = φ(D(b)), et il suffit alors d’invoquer le
théorème de Chevalley 6.110 et son corollaire 6.111.
Partie (ii) : Soit C un anneau quelconque tel que Spec C est un espace topolo-
gique réductible ; alors il existe des idéaux I, I ′ ⊂ C avec Spec C = V (I) ∪ V (I ′ ) et
V (I), V (I ′ ) strictement contenus dans Spec C. Cela veut dire que I ∩ I ′ ⊂ N (C), le
nilradical de C, et I, I ′ 6⊂ N (C). Donc, il existe c ∈ I, c′ ∈ I ′ tels que c, c′ ∈
/ N (C)
et cc′ ∈ N (C). Réciproquement, si c, c′ ∈ C vérifient ces deux dernières conditions,
alors Spec C = V (Cc) ∪ V (Cc′ ) et V (Cc), V (Cc′ ) sont strictement contenus dans
Spec C, donc ce dernier est réductible. Or, soit p ∈ Spec A ; il s’ensuit que la fibre
φ−1 (p) est réductible si et seulement s’il existe b̄/s, b̄′ /s′ ∈ B ⊗A k(p) = (B/pB)p
non nilpotents, tels que b̄b̄′ /(ss′ ) soit nilpotent. Cela équivaut aussi à dire qu’il existe
b, b′ ∈ B dont les classes b̄/1, b̄′/1 ∈ (B/pB)p ne sont pas des éléments nilpotents,
et tels que bb′ /1 le soit. L’on conclut aisément que :
[
Σ′ = (Σb ∩ Σb′ ) \ Σbb′
b,b′ ∈B

et cette partie est alors ind-constructible, compte tenu de la partie (i).


Ensuite, d’après l’exercice 4.27(iii), si Spec C est disconnexe, il existe des anneaux

C ′ , C ′′ 6= 0 et un isomorphisme C → C ′ × C ′′ ; l’élément (1, 0) ∈ C ′ × C ′′ correspond
alors à un idempotent x ∈ C tel que x, 1 − x 6= 0. De l’autre côté, si c ∈ C est un
élément tel que c, 1−c ∈ / N (C) et c·(1−c) ∈ N (C), l’on voit que Spec C = V (Cc)∪
V (C(1 − c)) et V (Cc), V (C(1 − c)) 6= ∅, et évidemment V (Cc) ∩ V (C(1 − c)) = ∅.
En raisonnant comme dans le cas précédent, l’on conclut que
[
Σ′′ = (Σb ∩ Σ1−b ) \ Σb(1−b) .
b∈B

Partie (iii) : D’après (ii), le complémentaire Ω′ (resp. Ω′′ ) de Σ′ (resp. Σ′′ )


dans Spec A est une partie pro-constructible ; son adhérence Ω′ (resp. Ω′′ ) est alors
l’ensemble des spécialisations des points de Ω′ (resp. de Ω′′ ), par le corollaire 2.50(i).
Par hypothèse, p0 ∈ / Ω′ (resp. p0 ∈ / Ω′ (resp. p0 ∈
/ Ω′′ ), d’où p0 ∈ / Ω′′ ) ; en particulier
le complémentaire de Ω′ (resp. de Ω′′ ) est la partie ouverte non vide souhaitée.
Partie (iv) : Il suffit de montrer que Max A rencontre toute partie constructible
non vide T ⊂ Spec A, et on est aussitôt ramené au cas où T = U ∩Z pour une partie
306 å Vierge

ouverte U et une partie fermée Z de Spec A. On a alors U = D(a1 ) ∪ · · · ∪ D(an )


pour certains a1 , . . . , an ∈ A, et il suffit de montrer que Max A rencontre D(ai ) ∩ Z
pour au moins un indice i ≤ n. Mais l’inclusion D(a) = Spec A[a−1 ] → Spec A
envoit Max A[a−1 ] dans Max A (corollaire 6.82), donc on peut remplacer A par la
K-algèbre de type fini A[a−1 ], et supposer que T soit une partie fermée non vide de
Spec A, i.e. T = Spec A/I pour un idéal I 6= A. On conclut avec le corollaire 1.22.
Partie (v) : D’après (ii) et l’exercice 6.72(i), les parties Σ′ et Σ′′ sont ouvertes
pour la topologie constructible de Spec A, et par hypothèse on a Max A ∩ Σ′ = ∅
(resp. Max A ∩ Σ′′ = ∅) ; au vu de (iv), il vient Σ′ = ∅ (resp. Σ′′ = ∅), CQFD.

Problème 6.114, partie (i) : Disons que B = A[X1 , . . . , Xk ]/I, pour un idéal
I engendré par un système fini de polynômes P1 , . . . , Pr , et que b soit la classe
d’un polynôme Q ∈ A[X1 , . . . , Xk ]. Soit alors A0 ⊂ A le sous-anneau engendré
par les coefficients de P1 , . . . , Pr , Q, et I0 ⊂ A0 [X1 , . . . , Xk ] l’idéal engendré par
P1 , . . . , Pr ; on pose B0 := A0 [X1 , . . . , Xk ]/I0 , et soit f0 : A0 → B0 le morphisme
structurel de l’A0 -algèbre B0 . Soit aussi b0 ∈ B0 la classe de Q, et on considère la
partie Ωb0 ⊂ Spec A0 des idéaux premiers p0 tels que b0 (p0 ) := b0 ⊗ 1 6= 0 dans
B0 ⊗A0 k(p0 ). Or, si p ∈ Spec A, soit p0 := A0 ∩ p ∈ Spec A0 ; on a un isomorphisme
naturel de k(p)-algèbres :

∼ ∼
B ⊗A k(p) → B0 ⊗A0 k(p) → (B0 ⊗A0 k(p0 )) ⊗k(p0 ) k(p).

En particulier, les homomorphismes naturels i : A0 → A, B0 → B, k(p0 ) → k(p)


induisent un homomorphisme injectif d’anneaux B0 ⊗A0 k(p0 ) → B ⊗A k(p) qui
envoit b(p0 ) sur b(p). Cela montre que Ωb = (Spec i)−1 (Ωb0 ), et on est ainsi ramené
à montrer que Ωb0 est constructible dans Spec A0 . On peut donc remplacer A et B
par A0 et B0 , et supposer du départ que A soit noethérien. On applique le critère
de la proposition 6.109 : soit p ∈ Spec A ; il faut montrer que si l’adhérence de
V (p) ∩ Ωb n’a pas interieur vide dans V (p), alors V (p) ∩ Ωb contient une partie
ouverte non vide de V (p). Posons A := A/p et B := A ⊗A B, et soit b̄ ∈ B l’image
de b, et Ωb̄ ⊂ Spec A la partie des idéaux premiers p tels que b̄ ⊗ 1 6= 0 dans
B ⊗A k(p) ; évidemment l’inclusion naturelle Spec A → Spec A identifie V (p) ∩ Ωb
avec Ωb̄ . Quitte à remplacer A et B par A et B, on peut ainsi supposer que A soit
intègre, et on est ramené à montrer que si Ωb est une partie dense de Spec A, alors
Ωb contient une partie ouverte non vide de Spec A. Pour cela, soit K le corps des
fractions de A, et supposons d’abord que {0} ∈ / Ωb , i.e. b ⊗ 1 = 0 dans B ⊗A K,
auquel cas, Ωb ne contient aucune partie ouverte non vide ; cette condition veut
dire qu’il existe a ∈ A \ {0} tel que f (a) · b = 0 dans B, et donc b ⊗ 1 = 0 dans
B ⊗A A[a−1 ]. Cela implique que Ωb ne rencontre pas la partie ouverte non vide
D(a) ⊂ Spec A, donc l’adhérence de Ωb est contenue dans la partie fermée V (a), et
en particulier Ωb n’est pas dense. Il reste à montrer que si {0} ∈ Ωb , alors Ωb contient
une partie ouverte non vide. Or, d’après le théorème de platitude générique, il existe
a ∈ A \ {0} tel que B[a−1 ] soit un A[a−1 ]-module libre. Soit b′ ∈ B[a−1 ] l’image de
b, et Ωb′ ⊂ Spec A[a−1 ] la partie des idéaux premiers p ⊂ A[a−1 ] tels que b′ ⊗ 1 6= 0
dans B[a−1 ] ⊗A[a−1 ] k(p) ; évidemment l’inclusion naturelle Spec A[a−1 ] → Spec A
identifie Ωb′ avec Ωb ∩ D(a). Quitte à remplacer A et B par A[a−1 ] et B[a−1 ], on
peut alors supposer que B soit un A-module libre. Dans ce cas, on trouve aisément
une décomposition B = L ⊕ L′ pour deux A-modules libres L et L′ , avec L de rang
fini et Ab ⊂ L ; en invoquant à nouveau le théorème de platitude générique, on
trouve de plus a ∈ A tel que (L/Ab) ⊗A A[a−1 ] soit un A[a−1 ]-module libre, et donc
de même pour (B/Ab) ⊗A A[a−1 ] = ((L/Ab) ⊗A A[a−1 ]) ⊕ (L′ ⊗A A[a−1 ]). Quitte à
remplace A et B par A[a−1 ] et B[a−1 ], on peut donc supposer aussi que B/Ab soit
§ 6.6: Solutions 307

un A-module libre, et l’on déduit un isomorphisme de A-modules



B → Ab ⊕ (B/Ab).
En particulier, pour tout p ∈ Spec A on a b⊗1 = 0 dans B ⊗A k(p) si et seulement si
(Ab) ⊗A k(p) = 0. Autrement dit, Ωb = SuppA (Ab) est une partie fermée contenant
le point générique de Spec A, d’où Ωb = Spec A, et cela achève la preuve.
En dernier lieu, supposons que f soit un homomorphisme plat, et pour tout
p ∈ Spec A on pose bhpi := b ⊗ 1 ∈ B ⊗A A/p ; pour q ⊂ p deux idéaux premiers de
A, on a les homomorphismes d’anneaux naturels :
B ⊗A A/q → B ⊗A A/p → B ⊗A k(p) bhqi 7→ bhpi 7→ b(p).
En particulier, b(p) 6= 0 ⇒ bhqi 6= 0. De plus, par la platitude de B, l’homomor-
phisme naturel B ⊗A A/q → B ⊗A k(q) est injectif, d’où : bhqi 6= 0 ⇒ b(q) 6= 0.
Cela montre que p ∈ Ωb ⇒ q ∈ Ωb , i.e. la partie constructible Ωb contient toutes les
générisations des ses points, et elle est alors ouverte, d’après le corollaire 2.50(ii).
Partie (ii) : Soient (Aλ | λ ∈ Λ) et (Bλ′ | λ′ ∈ Λ′ ) les systèmes filtrés des sous-
K-algèbres de type fini de A et respectivement B ; d’après l’exercice 4.11, la K-
algèbre A⊗K B est la limite inductive du système filtré induit (Aλ ⊗K Bλ′ | (λ, λ′ ) ∈
Λ × Λ′ ). Or, si Aλ ⊗K Bλ′ est intègre (resp. réduit) pour tout (λ, λ′ ) ∈ Λ × Λ′ ,
il s’ensuit aisément que A ⊗K B est intègre (resp. réduit). On est ainsi ramené
au cas où A et B sont des K-algèbres de type fini ; en particulier, A et B sont
noethériens, et l’homomorphisme naturel f : A → C := A ⊗K B est de présentation
finie (exercice 6.72(i.a)). Supposons d’abord que A et B soient intègres, et soit
m ∈ Max A ; d’après le Nullstellensatz on a k(m) = K, donc l’homomorphisme

naturel B → k(m) ⊗K B → k(m) ⊗A C est un isomorphisme, et en particulier,
k(m) ⊗A C est intègre, donc (Spec f )−1 (m) est irréductible pour tout m ∈ Max A.
D’après le problème 6.112(v), il s’ensuit que (Spec f )−1 (p) est irréductible pour
tout p ∈ Spec A. Soit p0 = {0} le point générique unique de Spec A, et q0 le point
générique unique de (Spec f )−1 (p0 ). On remarque que f est un homomorphisme
plat d’anneaux, donc Spec f est générisante (théorème 4.62). Soit alors q ∈ Spec C ;
le point p := (Spec f )(q) est une spécialisation de p0 , donc q admet une générisation
q′ ∈ (Spec f )−1 (p0 ), et q′ est à son tour une spécialisation de q0 . Cela montre que
tout point de Spec C est une spécialisation de q0 , i.e. Spec C est irréductible, et q0
est l’unique idéal premier minimal de C. Donc q0 est aussi le nilradical de C, et pour
conclure il suffit de montrer que C n’a aucun élément nilpotent non nul (théorème
1.32(ii)). Soit alors x ∈ C nilpotent ; avec la notation de (i), pour tout m ∈ Max A
l’élément x(m) ∈ C ⊗A k(m) est nilpotent, et comme on vient de voir que C ⊗A k(m)
est intègre, il vient x(m) = 0 pour tout m ∈ Max A. Autrement dit, Ωx ∩Max A = ∅,
et comme Max A est une partie dense dans la topologie constructible de Spec A
(problème 6.112(iv)), la partie constructible Ωx doit ainsi être vide. En particulier,

x(p0 ) = 0 ; mais l’homomorphisme naturel C → C ⊗A k(p0 ) → B ⊗K k(p0 ) est
injectif, car B est une K-algèbre plate et l’homomorphisme naturel A → k(p0 ) est
l’inclusion de A dans son corps des fractions. D’où, finalement x = 0, CQFD.
Ensuite, si A et B sont de K-algèbres réduites et de type fini, les ensembles Min A
et Min B des idéaux premiers minimaux de A et B sont finis (exercice 6.105(iii)),
et les homomorphismes naturels
Y Y
A→ A/p B→ B/q
p∈Min A q∈Min B

sont injectifs, donc de même pour l’homomorphisme induit


Y
A ⊗K B → A/p ⊗K B/q.
(p,q)∈(Min A)×(Min B)
308 å Vierge

On est ainsi ramené à montrer que chaque facteur A/p ⊗K B/q est réduit ; mais
comme A/p et B/q sont des K-algèbres intègres, cela suit du cas précédent.
7. Balance æ

Les premières deux sections de cette leçon nous fourniront un langage et des
instruments efficaces pour explorer la géographie des modules sur les anneaux noe-
thériens : d’abord on munira tout tel module M d’un ensemble d’idéaux premiers
associés ; on montrera que cet ensemble est fini si M est de type fini, et dans ce
cas les éléments minimaux de cet ensemble (sous l’ordre partiel déduit de l’inclu-
sion d’idéaux) nous indiquent précisément le support de M , cette partie fermée du
spectre de l’anneau sur laquelle M étale son extension. A l’intérieur de ce territoire,
les premiers associés non minimaux signalent, d’autre part, des sortes de pics où
trouvent leur demeure des sous-modules de M de support plus borné. Cette es-
quisse est ensuite détaillée davantage avec la décomposition primaire de M , qui fait
l’objet de la deuxième section, et que l’on mettra à contribution dès la troisième
section, dediée aux anneaux de Dedekind, i.e. les anneaux noethériens intègres et
intégralement clos de dimension un : elle jouera un rôle crucial pour montrer que
tout idéal d’un tel anneau admet une factorisation unique comme produit de puis-
sances d’idéaux premiers. De plus, on emploiera les premiers associés pour énoncer
et démontrer une importante caractérisation des anneaux noethériens intègres et
intégralement clos de dimension arbitraire (théorème 7.43), ainsi que pour établir
les résultats classiques de Matlis concernant la classification des modules injectifs
sur les anneaux noethériens : voir le problème 7.12.
En route on aura occasion, d’un côté, de développer les bases de la théorie des
anneaux artiniens, en particulier le théorème de Akizuki, qui identifie cette classe
d’anneaux avec celle des anneaux noethériens de dimension zéro ; de l’autre côté, on
touchera brièvement aux anneaux de valuation discrète, les premiers exemples d’une
classe plus générale d’anneaux que l’on étudiera en détail dans la leçon suivante.
La quatrième section est un court interlude algébro-géométrique : on y montre
comment construire la normalisation d’une courbe cubique nodale à l’aide du fais-
ceau des droites du plan passant par le nœud de la courbe, et on interprète l’issue
de cette méthode en termes algébriques. La leçon s’achève avec une dernière sec-
tion de saveur homologique, consacrée à la construction de la suite des foncteurs
dérivés (à droite ou à gauche) d’un foncteur additif ; en particulier on introduit les
bifoncteurs Ext•A pour les modules sur un anneau A, ainsi que leurs alliés, les fonc-
teurs TorA• , qui interviendront notamment dans la leçon 12, pour la caractérisation
homologique des anneaux locaux réguliers (théorème de Serre).

7.1. Idéaux premiers associés à un module. Soit A un anneau, M un A-


module de type fini, x1 , . . . , xk un système de générateurs de M . On rappelle que
k
[
(∗) Z := SuppA M = SuppA (xi )
i=1
310 æ Balance

et le support de chaque xi est une partie fermée de Spec A (voir la remarque


4.46(ii)). Donc, en général Z sera une partie réductible du spectre de A ; sup-
posons que Z se découpe de la forme Z = Z1 ∪ · · · ∪ Zr , avec Z1 , . . . , Zr des parties
fermées de Spec A, strictement contenues dans Z, telles que Zi * Zj pour i 6= j. On
peut se demander si cette décomposition topologique du support de M correspond
à quelque sorte de décomposition algébrique du A-module M . Supposons de plus,
que l’on puisse trouver une décomposition maximale de Z, i.e. avec les Zi tous
irréductibles ; on voit aisément qu’il existe au plus une décomposition de ce type,
et on pourrait s’attendre à que la décomposition algébrique correspondante de M
soit elle aussi unique et maximale, dans un certain sense ; réciproquement, à une
telle décomposition de M on devrait pouvoir associer un découpage correspondant
du support de M . Cette section et la suivante sont dédiées à préciser ces questions,
et à leur fournir, du moins partiellement, des réponses.
On voit déjà de la presentation (∗), qu’afin de décomposer le support de M il
faudra étudier le support des éléments de M , et les éléments dont le support est
irréductible devraient jouer un rôle spécial dans nos considérations. On est donc
améné à la définition suivante :
Définition 7.1. Soit A un anneau, M un A-module, p ∈ Spec A un idéal premier.
On dit que p est associé à M , s’il existe m ∈ M tel que
SuppA (m) = V (p).
On pose
AssA (M ) := {p ∈ Spec A | p est associé à M }.
Remarque 7.2. (i) Soit p ∈ Spec A associé à l’A-module M , et m ∈ M dont
le support est V (p). Par la remarque 4.46(ii) on sait que V (p) = V (AnnA (m)) ;
compte tenu du corollaire 2.1, on déduit que
p = rad(AnnA (m)).
(ii) Soit M un A-module, M ′ ⊂ M un A-sous-module ; évidemment on a
AssA (M ′ ) ⊂ AssA (M ).
(iii) Il est aussi évident que
AssA (M ) ⊂ SuppA (M ) pour tout A-module M.
Exemple 7.3. Soient p1 , . . . , pk ∈ Spec A des idéaux premiers tels que pi * pj
pour tout i 6= j, donc V (pj ) * V (pi ) pour i 6= j, et on pose M := A/(p1 ∩ · · · ∩ pk ).
On va montrer que
AssA (M ) = {p1 , . . . , pk }.
(i) Considérons d’abord le cas où
(∗) pi + pj = A ∀i 6= j.
Par le lemme des chinois, dans ce cas l’application canonique
k
M
φ
M −→ A/pi
i=1

est un isomorphisme, et évidemment SuppA M est la réunion des SuppA A/pi =


V (pi ). Remarquons que (∗) se traduit par la condition topologique :
V (pi ) ∩ V (pj ) = ∅ ∀i 6= j
donc le support est la réunion disjointe V (p1 ) ⊔ · · · ⊔ V (pk ). Plus généralement, si
M est un A-module de type fini tel que Supp M est la réunion d’un nombre fini de
parties fermées disjointes Z1 , . . . , Zk , l’exercice 4.27 implique que M se décompose
§ 7.1: Idéaux premiers associés à un module 311

comme somme directe de A-modules M1 , . . . , Mk tels que SuppA Mi = Zi pour tout


i = 1, . . . k (les détails seront laissés en exercice au lecteur).
(ii) Dans le cas général, l’application φ est injective, mais pas forcément sur-
jective. Néanmoins, grâce au T lemme 2.3, pour tout i = 1, . . . , k on peut trou-
ver ai ∈ A tel que ai ∈ ( j6=i pj ) \ pi . Soit āi ∈ M la classe de ai ; on voit
que φ(āi ) = (b1 , . . . , bk ), avec bj = 0 pour tout j 6= i, et bi 6= 0. Or, comme
A/pi est un anneau intègre, AnnA (b) = pi pour tout élément b 6= 0 de A/pi ,
donc SuppA (āi ) = SuppA (φ(āi )) = SuppA (bi ) = V (pi ). On conclut déjà que
AssA (A/pi ) = {pi } pour i = 1, . . . , k, et {p1 , . . . , pk } ⊂ AssA (M ). Pour obtenir
l’inclusion opposée, on utilise la remarque 7.2(ii) et le lemme général suivant :
Lemme 7.4. Soient M , N deux A-modules. On a
AssA (M ⊕ N ) = AssA (M ) ∪ AssA (N ).
Démonstration. L’inclusion ⊇ est une consequence immédiate de la remarque 7.2(ii).
Pour montrer l’inclusion opposée, soit (m, n) ∈ M ⊕ N tel que Z := SuppA (m, n) =
V (p) pour un p ∈ Spec A ; évidemment on a aussi
Z = SuppA (m) ∪ SuppA (n).
Mais par hypothèse Z est irréductible (et les supports de m et n sont des parties
fermées de Spec A), donc on a soit Z = SuppA (m), soit Z = SuppA (n) ; d’où : soit
p ∈ AssA (M ), soit p ∈ AssA (N ). 
Remarque 7.5. L’exemple 7.3 illustre quelques points importants qui seront dévé-
loppés ci-dessous :
(i) Premièrement, on peut remarquer que l’ensemble des premiers associés à
l’A-module M est fini, alors que le support de M sera en général infini ; néanmoins,
le support de M est complètement déterminé par AssA (M ) : il n’est rien d’autre
que l’adhérence de ce dernier dans Spec A.
(ii) De plus, considérons deux idéaux premiers p ⊂ q et soit M := A/p, N :=
A/q. Evidemment M et M ⊕ N ont le même support V (p) ; d’autre part, le lemme
7.4 nous dit que AssA M = {p} et AssA (M ⊕ N ) = {p, q}. Donc, du moins pour ces
simples exemples, l’ensemble des premiers associés code le support d’un module M
par un invariant plus compacte, et au même temps revèle de façon plus précise la
structure algébrique de M , car il permet de détecter la presence d’un sous-module
M ′ dont le support est “caché” car ses composantes irréductibles sont strictement
contenues dans celles du support de M (on dit que le support de M ′ est immergé
dans celui de M ). On verra que ces remarques restent valables pour des modules
de type fini arbitraires, du moins si l’anneau A est noethérien. Le point de départ
est la proposition suivante, qui est l’analogue de la remarque 4.46(iii) :
Proposition 7.6. Soit A un anneau noethérien, S ⊂ A une partie multiplicative,
M un A-module. On a :
AssS −1 A (S −1 M ) = AssA (M ) ∩ Spec S −1 A.
Démonstration. Soit p ∈ AssA (M ) ∩ Spec S −1 A, et on choisit m ∈ M dont le
support est V (p) ; évidemment S −1 (Am) = S −1 A · (m/1) (où m/1 ∈ S −1 M dénote
l’image de m), et la remarque 4.46(iii) nous dit que
(∗) SuppS −1 A (m/1) = SuppA (m) ∩ Spec S −1 A = V (S −1 p)
donc S −1 p ∈ AssS −1 A S −1 M . Réciproquement, soit m/s ∈ S −1 M dont le support
est irréductible, et soit p ∈ Spec A tel que SuppS −1 A (m/s) = V (S −1 p) ; évidemment
SuppS −1 A (m/s) = SuppS −1 A (m/1), donc on peut supposer que s = 1. Grâce à (∗)
on déduit p ∈ SuppA (m), d’où
V (p) ⊂ SuppA (m)
312 æ Balance

car V (p) est irréductible et SuppA (m) est un partie fermée de Spec A. Comme A
est noethérien, p admet un système fini de générateurs {x1 , . . . , xk }, et la remarque
7.2(i) montre qu’il existe N ∈ N tel que
m
xNi · = 0 dans S −1 M ∀i = 1, . . . , k.
1
Donc, pour tout i = 1, . . . , k il existe ui ∈ S tel que ui xN i m = 0 dans M .
On pose u := u1 · · · uk , d’où xN
i · um = 0 dans M pour tout i = 1, . . . , k, et
donc SuppA (um) ⊂ V (p). Mais SuppS −1 A (um/1) = SuppS −1 A (m/1), d’où V (p) ⊂
SuppA (um). On conclut que SuppA (um) = V (p), et finalement p ∈ AssA (M ). 
Corollaire 7.7. Soit A un anneau noethérien, et
0 → M ′ → M → M ′′ → 0
une suite exacte courte de A-modules. On a :
AssA M ′ ⊂ AssA M ⊂ AssA M ′ ∪ AssA M ′′ .
Démonstration. La première inclusion a déjà été observée dans la remarque 7.2(ii).
Soit maintenant p ∈ AssA M , et on choisit m ∈ M dont le support est V (p) ; il faut
montrer que p ∈ AssA M ′ ∪ AssA M ′′ . Pour cela, soit N := Am, N ′ := M ′ ∩ N et
N ′′ := N/N ′ ; les applications naturelles N ′ → M ′ et N ′′ → M ′′ sont injectives,
donc (encore par la remarque 7.2(ii)) il suffit de montrer que p ∈ AssA N ′ ∪AssA N ′′ .
Or, évidemment SuppA N ′ ⊂ SuppA N = V (p) ; si n ∈ N ′ , le support de n est une
partie fermée de V (p), donc il est soit V (p), soit une partie qui ne contient pas p. S’il
existe n avec SuppA (n) = V (p), la preuve est achevée ; sinon, il s’ensuit que Np′ = 0,
et donc la projection Np → Np′′ est un isomorphisme. Dans ce cas, la proposition
7.6 implique que pAp ∈ AssAp Np′′ = AssA N ′′ ∩ Spec Ap , d’où le corollaire. 
Exercice 7.8. Soit A un anneau noethérien et M, N deux A-modules.
(i) Montrer que si M est plat, AssA (M ⊗A N ) ⊂ (SuppA M ) ∩ AssA N .
(ii) Montrer que si M est de type fini, AssA HomA (M, N ) = (SuppA M )∩AssA N .
Soit maintenant M un A-module de type fini ; on sait que le support Z de M
est une partie fermée de Spec A, donc Z est identifié à Spec A/I, pour un idéal
I ⊂ A. Par l’exercice 2.7(i), tout élément de Spec A/I contient un idéal premier
minimal de A/I ; en particulier, si Z 6= ∅, l’ensemble des éléments minimaux de Z
est non vide, et tout p ∈ Z contient un élément minimal de Z. On a l’observation
importante suivante :
Corollaire 7.9. Soit A un anneau noethérien, M un A-module.
(i) AssA M 6= ∅ si et seulement si M 6= 0.
(ii) Soit p ∈ AssA M . Alors il existe m ∈ M tel que p = AnnA (m).
S S
(iii) p∈AssA M p = m∈M\{0} AnnA (m).
(iv) Si M est de type fini, AssA M contient les éléments minimaux de SuppA M .
Démonstration. (i) : On fixe m ∈ M \ {0}, et on pose
Fm := {AnnA (am) | a ∈ A, am 6= 0}.
On remarque que A ∈ / Fm . Comme A est noethérien, Fm admet des éléments
maximaux, donc soit I ∈ Fm maximal. Disons que I = AnnA (cm) ; on sait que
SuppA (cm) = V (I), donc il suffit de montrer que I est un idéal premier. Or, soient
a, b ∈ A tels que ab ∈ I et a ∈ / I ; cela veut dire que abcm = 0 mais acm 6= 0,
donc J := AnnA (acm) ∈ Fm , b ∈ J, et évidemment I ⊂ J, d’où I = J, par la
maximalité de I. Il s’ensuit que b ∈ I, comme souhaité.
§ 7.1: Idéaux premiers associés à un module 313

(ii) : Soit x ∈ M tel que SuppA (x) = V (p). Si x/1 ∈ Mp est l’image de x, on
sait que SuppAp (x/1) = {pAp } (par la remarque 4.46(iii)). Par le raisonnement
précédent avec la famille Fx/1 on déduit qu’il existe a/s ∈ Ap tel que pAp =
AnnAp (ax/s). Soit y1 , . . . , yk un système de générateurs de p ; pour tout i = 1, . . . , k
il existe alors ui ∈ A \ p tel que yi ui ax = 0 dans M . On pose m := u1 · · · uk ax ;
évidemment p ⊂ AnnA (m). D’autre part, AnnAp (m/1) = AnnAp (x/1) = pAp , d’où
AnnA (m) ⊂ p, et on conclut que AnnA (m) = p.
(iii) : On vient de voir que tout premier associé à M est l’annulateur d’un élément
de M ; d’autre part, la preuve de (i) ci-dessus montre que tout idéal de la forme
AnnA (m) (avec m ∈ M ) est contenu dans un premier associé à M , d’où l’assertion.
(iv) : Soit p un élément minimal du support de M . D’après la remarque 4.46(iii)
on a SuppAp Mp = Spec Ap ∩ SuppA M = {pAp }, d’où AssAp Mp = {pAp }, grâce à
(i). Par la proposition 7.6, on déduit que p ∈ AssA M . 
Exercice 7.10. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux noethériens, M un
B-module, N un A-module, et φ := Spec f : Spec B → Spec A.
(i) Montrer que AssA M[f ] = φ(AssB M ).
(ii) Montrer que si f est plat, AssB (B ⊗A N ) ⊂ φ−1 (AssA N ).
On déduit aussi le résultat de dévissage suivant pour les A-modules de type fini :
Corollaire 7.11. Soit A un anneau noethérien, M un A-module non nul de type
fini. Alors il existe une chaîne finie de sous-modules
0 = M0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂ Mn = M
et pour tout i = 1, . . . n un idéal premier p de A tel que Mi /Mi−1 ≃ A/pi .
Démonstration. On construit inductivement une telle suite de la façon suivante. On
a AssA M 6= ∅ grâce au corollaire 7.9(i), donc soit p1 ∈ AssA M ; par le corollaire
7.9(ii), il existe x ∈ M tel que Ax ≃ A/p1 et on pose M1 := Ax, M ′ := M/M1 .
Si M ′ = 0, la chaîne 0 ⊂ M1 = M convient. Sinon, on a AssA M ′ 6= ∅, et de la
même façon on trouve M1′ ⊂ M ′ et p2 ∈ AssA M ′ tels que M1′ ≃ A/p2 ; on prend
pour M2 ⊂ M l’unique sous-module qui contient M1 et tel que M2 /M1 = M1′ . En
procédant ainsi on construit pas par pas une chaîne 0 ⊂ M1 ⊂ M2 ⊂ · · · qui doit
être stationnaire, car A est noethérien et M de type fini, d’où l’assertion. 
Problème 7.12. Soit A un anneau noethérien, M un A-module, S ⊂ A une partie.
(i) Montrer que si M est injectif, S −1 M est un S −1 A-module injectif.
(ii) Montrer que si φ : M → N est une extension essentielle de M , alors S −1 φ :
S M → S −1 N est une extension essentielle de S −1 M .
−1

(iii) En particulier, si (E, φ : M → E) est une enveloppe injective de M , alors


(S −1 E, S −1 φ) est une enveloppe injective de S −1 M (voir la définition 5.19).
(iv) Pour tout p ∈ Spec A, fixons une enveloppe injective φ(p) : A/p → EA (p)
du A-module A/p. Montrer que AssA EA (p) = {p}.
(v) Montrer que pour tout p ∈ Spec A le A-module EA (p) est indécomposable,
i.e. il n’est pas isomorphe à une somme directe de deux A-modules non nuls.
(vi) Réciproquement, montrer que tout A-module injectif indécomposable non
nul est isomorphe à EA (p) pour un unique p ∈ Spec A.
(vii) Montrer que pour tout p ∈ Spec A et tout a ∈ A \ p, la multiplication
scalaire par a sur EA (p) est un automorphisme, i.e. EA (p) est un Ap -module.
(viii) Soient q ⊂ p deux idéaux premiers de A, et j : A/q → Ap /qAp la localisa-
tion. Montrer qu’il existe un isomorphisme Aq -linéaire

τ : EA (q) → EAp (qAp ) tel que τ ◦ φ(q) = φ(qAp ) ◦ j.
(ix) Montrer que tout A-module injectif est isomorphe à une somme directe de
A-modules injectifs indécomposables.
314 æ Balance

(x) Si M est injectif, d’après (v),(vi) et (ix), il existe un système d’ensembles


(Λp | p ∈ Spec A) et un isomorphisme A-linéaire
M ∼
ω: I(p) → M avec I(p) := EA (p)(Λp ) ∀p ∈ Spec A.
p∈Spec A

Montrer que pour tout p ∈ Spec A on a p ∈ AssA M si et seulement si Λp 6= ∅, et le


sous-module ω(I(p)) est le plus grand des sous-modules N ⊂ M avec AssA N = {p}.
(xi) Dans la situation de (x), montrer de plus que l’on a un isomorphisme de
k(p)-espaces vectoriels

k(p)(Λp ) → HomAp (k(p), Mp ) ∀p ∈ Spec A.
En particulier, la cardinalité de chaque Λp est indépendante de l’isomorphisme ω.
7.2. Décomposition primaire. On veut maintenant généraliser l’exemple 7.3 à
un module arbitraire de type fini sur un anneau noethérien.
Définition 7.13. Soit A un anneau, M un A-module, N ⊂ M un A-sous-module.
— Soit aussi p ⊂ A un idéal premier. On dit que N est p-primaire, si
AssA (M/N ) = {p}.
— On dit que N est primaire, s’il est q-primaire pour quelque q ∈ Spec A.
— On dit que N est réductible, s’il existe des sous-modules N1 , N2 ⊂ M tels que
N = N1 ∩ N2 et N 6= N1 , N2 .
— On dit que N est irréductible, s’il n’est pas réductible et N M .
Exemple 7.14. (i) On a déjà observé dans l’exercice 7.3(ii) que tout idéal premier
p ⊂ A est trivialement un sous-module p-primaire de A.
(ii) Si m ∈ Max A, tout idéal I de A tel que rad(I) = m est m-primaire, car
SuppA (A/I) = {m}. Mais si le radical de I est un idéal premier p non maximal, le
sous-module I de A n’est pas forcément p-primaire (voir la remarque 7.20(i)).
Proposition 7.15. Soit A un anneau noethérien, M un A-module. On a :
(i) Tout sous-module irréductible de M est primaire.
(ii) Si M est de type fini, tout sous-module N M est intersection finie de
sous-modules irréductibles.
Démonstration. (i) : Soit N M irréductible, et supposons par l’absurde que
{p1 , p2 } ⊂ AssA (M/N ). Par le corollaire 7.9(ii), pour i = 1, 2 il existe mi ∈ M/N tel
que AnnA (Ami ) = pi , donc Ami ≃ A/pi . En particulier, pour tout x ∈ Ami \{0} on
a AnnA (x) = pi ; comme p1 6= p2 , il s’ensuit que Am1 ∩Am2 = 0. Soient m1 , m2 ∈ M
des représentants pour les classes m1 , m2 ; on déduit que (Am1 + N ) ∩ (Am2 + N ) =
N , ce qui contredit l’irréductibilité de N .
(ii) : Soit G la famille des sous-modules de M qui ne sont pas intersections
finies de sous-modules irréductibles ; comme A est noethérien et M de type fini, G
admet des éléments maximaux, s’il n’est pas vide (voir la proposition 6.66). Soit
N un élément maximal de G ; en particulier, N n’est pas irréductible, donc disons
N = N1 ∩ N2 pour deux sous-modules N1 , N2 de M qui contiennent strictement N .
Par maximalité de N , on a N1 , N2 ∈ / G ; donc N1 et N2 sont intersections finies de
sous-modules irréductibles. Mais alors N l’est lui aussi, contradiction. 
Remarque 7.16. La décomposition fournie par la proposition 7.15(ii) est en général
non unique. Par exemple, si A est un corps, M est un A-espace vectoriel, et les
A-sous-modules irréductibles de M sont les hyperplans de M . Un A-sous-espace
vectoriel de M admet évidemment plusieures représentations différentes comme
intersection d’hyperplans. On peut obtenir des résultats positifs sur l’unicité, si
on remplace la décomposition en termes de sous-modules irréductibles, par une en
termes de sous-modules primaires, du type contemplé dans la définition suivante :
§ 7.2: Décomposition primaire 315

Définition 7.17. Soit A un anneau, M un A-module. Une décomposition primaire


de M est la donnée d’une partie finie S ⊂ Spec A et une famille N := (N(p) | p ∈ S)
de sous-modules de M tels que :
— NT(p) est p-primaire pour tout p ∈ S.
— p∈S N(p) = 0.
Le support et la longueur de N sont respectivement la partie S etT la cardinalité de
S. On dit que la décomposition N est non redondante, si on a q∈S\{p} N(q) 6= 0
pour tout p ∈ S.
Théorème 7.18. Soit A un anneau noethérien, M 6= 0 un A-module de type fini.
(i) M admet une décomposition primaire N .
(ii) Si N est non redondante, le support de N est AssA M .
(iii) En particulier, AssA M est une partie finie de Spec A.
Démonstration. (i) : Par la proposition 7.15, il existe une décomposition 0 = P1 ∩
· · · ∩ Pn par des sous-modules irréductibles P1 , . . . , Pn de M , et chaque Pi est pi -
primaire, pour quelque pi ∈ Spec A. Soit S := {p1 , . . . , pn } ; on pose
\
T(p) := {1 ≤ i ≤ n | Pi est p-primaire} N(p) := Pi ∀p ∈ S.
i∈T(p)

Il suffit de remarquer que N(p) est p-primaire pour tout p ∈ S : en effet,


M
M/N(p) ⊂ M/Pi
i∈T(p)
S
d’où AssA (M/N(p) ) ⊂ i∈T(p) AssA (M/Pi ) = {p}.
L
(ii) : Soit S le support de N ; comme M ⊂ M ′ := p∈S M/N(p) , on a
[
AssA M ⊂ AssA M/N(p) = S.
p∈S

D’autre part, l’hypothèse


T que N ne soit pas redondante veut dire que pour tout
p ∈ S on a N(p)′
:= q∈S\{p} N(q) 6= 0, donc il existe xp ∈ N(p)′
\ N(p) . L’image
de xp dans M ′ est l’élément y := (yq | q ∈ S) avec yq = 0 pour tout q 6= p, et
où yp 6= 0 est la classe de xp dans M/N(p) . Donc, AssA (Axp ) = AssA (Ay) =
AssA (Ayp ) ⊂ AssA (M/N(p) ) = {p} ; mais AssA (Axp ) 6= ∅, par le corollaire 7.9(i),
d’où AssA (Axp ) = {p}, ce qui achève la preuve de (ii). L’assertion (iii) est une
consequence immédiate. 
On déduit du théorème 7.18 que si A est noethérien, le support de toute dé-
composition primaire d’un A-module de type fini M contient AssA M , et toutes les
décompositions primaires non redondantes de M ont la même longueur, qui est la
cardinalité de AssA M . La question de l’unicité de la décomposition est le sujet du
corollaire suivant :
Corollaire 7.19. Soit A un anneau noethérien, M 6= 0 un A-module de type fini,
N := (N(p) | p ∈ S) une décomposition primaire de M . Soit p un élément minimal
de S, et notons j(p) : M → Mp l’application de localisation. On a :
N(p) = Ker j(p) .
En particulier, p ∈ AssA M , et la composante p-primaire N(p) est indépendante de
la décomposition primaire N .
Démonstration. Evidemment on a
\
(∗) 0= N(q),p dans Mp .
q∈S
316 æ Balance

Mais pour tout q ∈ S on a aussi, grâce à la proposition 7.6 :


AssAp Mp /N(q),p = AssAp (M/N(q) )p
= Spec Ap ∩ AssA (M/N(q) )
= Spec Ap ∩ {q}
(
{p} si p = q
=
∅ sinon

car p est minimal dans l’ensemble S. Au vu du corollaire 7.9(i), il vient N(q),p = Mp


pour tout q ∈ S \ {p}, et si on compare avec (∗) on voit que N(p),p = 0, d’où N(p) ⊂
Ker j(p) . On déduit aussi que p ∈ AssA M , car sinon la décomposition primaire N
serait redondante (par le théorème T 7.18(ii)) et on pourrait omettre sa composante
N(p) ; mais on vient de voir que q∈S\{p} N(q),p = Mp 6= 0, contradiction.
Il reste donc à montrer que Ker j(p) ⊂ N(p) . Pour cela, soit x ∈ M \N(p), et notons
x̄ ∈ M/N(p) la classe de x ; comme x̄ 6= 0, on a AssA (Ax̄) = {p} ⊂ SuppA (Ax̄). En
particulier, la classe x̄/1 de x̄ dans (M/N(p) )p est non nulle, et a fortiori, l’élément
x/1 ∈ Mp n’est pas nul non plus, i.e. x ∈ / Ker j(p) . 

Remarque 7.20. Soit A un anneau noethérien, M un A-module de type fini.


(i) Les composantes d’une décomposition primaire non redondante N de M qui
correspondent aux idéaux premiers non minimaux de AssA M ne sont pas indépen-
dants de N , en général. Par exemple, soit K un corps, A := K[X, Y ] et prenons
M := A/I, où I ⊂ A est l’idéal engendré par X 2 et XY ; pour tout a ∈ K soit
aussi Na := X 2 M + (aX + Y )M ⊂ M . On a les décompositions primaires non
redondantes de M suivantes :

0 = XM ∩ Na ∀a ∈ K.

En effet, M/XM ≃ A/XA, donc XM est un sous-module XA-primaire de M , et


M/Na ≃ A/J, où J = X 2 A + (aX + Y )A est un idéal dont le radical est l’idéal
maximal m := XA + Y A, et ainsi M/Na est m-primaire, d’après l’exemple 7.14(ii).
On voit aisément que Na 6= Nb si a 6= b (les détails sont confiés aux soins du lecteur),
donc ces décompositions sont toutes différentes. On appelle idéaux premiers isolés
de M les éléments minimaux de AssA M . Les éléments non isolés de AssA M sont
appelés les idéaux premiers immergés de M . On parle aussi de composantes isolés
et composantes immergés d’une décomposition : cp. la remarque 7.2(ii).
(ii) Prenons M = A. Dans ce cas, SuppA M = Spec A, et d’autre part on sait
que AssA M contient les éléments minimaux de SuppA M (voir le corollaire 7.9(iv)),
i.e. les idéaux premiers minimaux de A. Mais on vient aussi de voir que AssA M est
un ensemble fini, par le théorème précédent. En particulier, on retrouve la finitude
du nombre d’idéaux premiers minimaux de A, qui avait été démontrée par voie
topologique dans l’exercice 6.105(iii).
(iii) De plus, appliquant le corollaire 7.9(iii) avec M = A, on voit que la réunion
des idéaux premiers associés de A est l’ensemble des diviseurs de zéro de A, et si
p ⊂ A est un idéal premier minimal, tout élément de p est un diviseur de zéro.

Problème 7.21. Soit A un anneau noethérien, A[T ] la A-algèbre des polynômes


d’une variable T , et pour tout p ∈ Spec A et tout A-module N on pose p[T ] := pA[T ]
et N [T ] := A[T ] ⊗A N . Soit M un A-module de type fini, 0 = N1 ∩ · · · ∩ Nk une
décomposition primaire non redondante, et disons que Ni est pi -primaire, pour
tout i = 1, . . . , n. Montrer que Ni [T ] est pi [T ]-primaire pour i = 1, . . . , n, et 0 =
N1 [T ] ∩ · · · ∩ Nk [T ] est une décomposition primaire non redondante de M [T ]. En
particulier, l’on a : AssA[T ] (M [T ]) = {p[T ] | p ∈ AssA M }.
§ 7.3: Anneaux noethériens de dimension zéro et un 317

L’existence d’une décomposition primaire avait été démontrée originairement par


Emmy Noether pour les idéaux d’un anneau noethérien, et avait été conçue par elle
comme une généralisation de la factorisation des idéaux dans les anneaux de Dede-
kind, en produit de puissances d’idéaux maximaux (cette dernière représentation
généralisait, à son tour, le théorème élémentaire sur la décomposition des nombres
entiers comme produit de puissances de nombres premiers). La présentation suivie
dans cette section est mon interpretation de l’évolution postérieure de ces concepts,
à l’issue de laquelle la notion d’idéal premier associé – généralisée aux modules ar-
bitraires – s’est révélée plus fondamentale que la décomposition primaire elle même.
Dans la section suivante, renversersant l’ordre historique, on déduira la factorisation
des idéaux d’un anneau de Dedekind à partir de la décomposition primaire expli-
quée ci-dessus. Une preuve directe de cette factorisation qui n’a pas recours à la
décomposition primaire se trouve dans le livre [17]. On conclut avec une exposition,
sous forme d’exercice, du point de vue de Emmy Noether :
Exercice 7.22. (Décomposition primaire à la Emmy Noether.) Soit A un anneau
noethérien, I ⊂ A un idéal tel que 1 ∈/ I.
(i) Montrer que si I est un idéal primaire, rad(I) est un idéal premier.
(ii) Montrer que I est primaire si et seulement s’il satisfait la condition suivante.
Pour tout a, b ∈ A tels que ab ∈ I on a soit a ∈ I, soit bn ∈ I pour quelque n ∈ N.
(iii) Montrer qu’il existe une suite finie I1 , . . . , Ik d’idéaux primaires de A avec
(∗) I = I1 ∩ · · · ∩ Ik .
De plus, si cette suite est non redondante, l’ensemble S := {rad(Ij ) | j = 1, . . . , k}
contient précisément k idéaux premiers, et les idéaux Ij tels que rad(Ij ) est un
élément minimal de S, sont indépendants de la décomposition (∗).
7.3. Anneaux noethériens de dimension zéro et un. Dans ce paragraphe on
appliquera les résultats de la section précédente à l’étude des anneaux noethériens
de dimension ≤ 1. On démarre avec :
Définition 7.23. On dit qu’un anneau A est artinien si toute chaîne descendante
I0 ⊃ I1 ⊃ · · · d’idéaux de A est stationnaire, i.e. il existe k ∈ N tel que In = Ik
pour tout n ≥ k.
Théorème 7.24. (Akizuki) Un anneau est artinien si et seulement s’il est noethé-
rien de dimension zéro.
Démonstration. Soit A 6= 0 noethérien de dimension zéro ; comme tout idéal pre-
mier de A est à la fois maximal et minimal, l’exercice 6.105(iii) nous dit que Spec A
est un ensemble fini. Disons que Spec A = Max A = {m1 , . . . , ms }. Le nilradical
N := m1 ∩ · · · ∩ ms est un idéal de type fini, car A est noethérien. Soit x1 , . . . , xn
un système fini de générateurs de N ; par le théorème 1.32(ii) il existe r ∈ N tel
que xri = 0 pour i = 1, . . . , n. Il s’ensuit aisément que N rn = 0, donc :
(m1 · · · ms )rn = 0
et on est ramené à montrer :
Affirmation 7.25. Soit R un anneau tel que m1 · m2 · · · mt = 0 pour des idéaux
m1 , . . . , mt ∈ Max R pas forcément distincts. Alors R est artinien si et seulement
s’il est noethérien.
Preuve : On raisonne par récurrence sur t. Si t = 1, l’anneau R est un corps,
et l’assertion est triviale. Soit t > 1 et supposons que R soit noethérien (resp.
artinien) ; on pose J := m1 · · · mt−1 , S := R/J, et on note π : R → S la projection.
Donc S est noethérien (resp. artinien), et par récurrence, S est alors aussi artinien
318 æ Balance

(resp. noethérien). De plus, J · mt = 0, donc J est un k(mt )-espace vectoriel, et


comme R est noethérien (resp. artinien), on a
(∗) dimk(mt ) J < +∞.
Soit I0 ⊃ I1 ⊃ · · · une suite descendante (resp. I0 ⊂ I1 ⊂ · · · une suite ascendante)
d’idéaux de R ; la suite J ∩ I0 ⊃ J ∩ I1 ⊃ · · · (resp. J ∩ I0 ⊂ J ∩ I1 ⊂ · · · ) est
stationnaire, à cause de (∗). De même pour la suite π(I0 ) ⊃ π(I1 ) ⊃ · · · (resp.
π(I0 ) ⊂ π(I1 ) ⊂ · · · ) car S est artinien (resp. noethérien). Il s’ensuit aisément que
la suite des Ij est stationnaire. ♦
Réciproquement, soit A 6= 0 artinien, et p ∈ Spec A. Evidemment B := A/p est
encore artinien. Soit x ∈ B \{0}. On déduit qu’il existe n ≥ 0 tel que Bxn = Bxn+1 ,
i.e. on a y ∈ B tel que xn+1 = yxn , et comme B est intègre, on obtient yx = 1 ;
donc B est un corps, et p est maximal. Cela montre que dim A = 0. Soit ensuite F
la famille des intersections finies d’idéaux maximaux de A ; comme A est artinien,
F admet un élément minimal I ; disons I = m1 ∩ · · · ∩ mn pour une suite finie
m1 , . . . , mn ∈ Max A. Il vient I = I ∩ m, i.e. I ⊂ m pour tout m ∈ Max A, et
donc il existe j ∈ {1, . . . , n} tel que mj ⊂ m (lemme 2.3) ; mais alors m = mj . Cela
montre que Max A = {m1 , . . . , mn } est un ensemble fini, et N := m1 ∩ · · · mn est le
nilradical de A. Comme A est artinien, il existe k ∈ N tel que N k = N k+1 . On va
montrer que N k = 0 ; il viendra alors (m1 · · · mn )k = 0, et pour conclure, il suffira
d’invoquer l’observation 7.25. On raisonne par l’absurde : si N k 6= 0, la famille F
des idéaux I ⊂ A tels que I · N k 6= 0 est non vide, et donc elle admet un élément
minimal J. Il existe alors x ∈ J avec xN 6= 0, et par minimalité de J il vient
J = Ax. De plus, xN · N k = xN k+1 = xN k , donc xN ∈ F , d’où xN = Ax,
toujours par minimalité de Ax. Soit alors y ∈ N tel que x = xy ; il vient x = xy r
pour tout r ∈ N, d’où x = 0, car y est nilpotent. Mais xN 6= 0, contradiction. 
Théorème 7.26. Tout anneau artinien zéro est produit d’un nombre fini d’anneaux
locaux artiniens.
Démonstration. La preuve du théorème 7.24 montre que Spec A est un espace to-
pologique discret et fini. Le théorème suit alors aussitôt de l’exercice 4.27(iii). 
Proposition 7.27. Soit (A, m) un anneau local noethérien. Alors, une des condi-
tions suivantes est vérifiée :
— soit, mi 6= mi+1 pour tout i ∈ N
— soit, il existe i ∈ N tel que mi = 0.
Le deuxième cas se vérifie si et seulement si dim A = 0.
Démonstration. Si mi = mi+1 , le lemme de Nakayama implique que mi = 0. Or, si
mi = 0, et si p ∈ Spec A, on obtient mi ⊂ p, d’où m ⊂ p, i.e. p = m, ce qui montre
que A est de dimension zéro. Réciproquement, si dim A = 0, l’anneau A est artinien,
par le théorème 7.24, donc la première condition ne peut pas se vérifier. 
Proposition 7.28. Soit (A, m) un anneau local artinien. Les conditions suivantes
sont équivalentes :
(a) A est principal, i.e. tout idéal de A est principal.
(b) L’idéal maximal m de A est principal.
(c) dimk(m) m/m2 ≤ 1.
(d) Tout idéal de A est une puissance de m.
Démonstration. Evidemment (a) ⇒ (b) ⇒ (c).
(c) ⇒ (d) : Si d := dimk(m) m/m2 = 0, on a m = m2 , d’où m = 0, par le lemme
de Nakayama. Dans ce cas, A est un corps, et (d) est trivialement vérifiée.
§ 7.3: Anneaux noethériens de dimension zéro et un 319

Si d = 1, soit x ∈ m \ m2 ; on déduit que m = Ax + m2 , d’où m = Ax, par le


corollaire 4.38. D’autre part, par la proposition 7.27 il existe n ∈ N tel que mn = 0.
Or, soit I 6= 0 un idéal de A ; on déduit qu’il existe k ∈ N tel que I ⊂ mk mais
I * mk+1 . Donc, il existe y ∈ I et a ∈ A tels que y = axk , et y ∈ / Axk+1 ; cela
implique que a ∈ / m, donc a est inversible. D’où, m ⊂ I, et donc I = mk .
k

(d) ⇒ (a) : Si m = m2 , on a déjà remarque que A est un corps, donc (a) est
trivialement vérifiée. Sinon, soit x ∈ m \ m2 ; par hypothèse, il existe k ∈ N tel
que Ax = mk , et comme Ax * m2 , on voit que k = 1, donc m est principal, et
l’hypothèse (d) implique alors que tout idéal de A est principal. 

7.3.1. Anneaux noethériens de dimension un. Dans le paragraphe précédent on a


étudié la structure des anneaux noethériens de dimension zéro. Cette classe d’an-
neaux est importante, car d’un côté est la première en ordre de complexité crois-
sante, et de l’autre côté, on peut parfois réduire des questions concernant les an-
neaux noethériens généraux au cas des anneaux artiniens. Toujours en ordre de
complexité croissante, on trouve en deuxième position les anneaux noethériens de
dimension un. D’un point de vue géométrique, leur intérêt dérive du fait qu’ils sont
les anneaux que l’on rencontre dans l’étude des courbes algébriques ; d’autre part,
les anneaux d’entiers des extensions finies de Q appartiennent aussi à cette classe,
qui est donc fondamentale pour le dévéloppement de la théorie algébriques des
nombres. Dans ce paragraphe on démontrera les résultats classiques – dus essentiel-
lement à Dedekind – sur la décomposition des idéaux dans les anneaux noethériens
de dimension un. L’outil de base pour notre méthode est la décomposition primaire
de la section 7.2. On démarre avec :
Proposition 7.29. Si A est un anneau noethérien intègre de dimension un, tout
idéal I 6= 0 de A peut s’écrire de façon unique comme produit d’idéaux primaires,
dont les radicaux sont tous distincts.
Démonstration. Pour montrer l’existence de la factorisation, on pose M := A/I, et
on choisit une décomposition primaire non redondante de M :
0 = N1 ∩ · · · ∩ Nk .
Donc AssA M/Ni = {pi } pour tout i = 1, . . . , n, et pi 6= pj pour tout i 6= j.
Evidemment, pour tout i = 1, . . . , n il existe un idéal Ji ⊂ A contenant I, tel que
Ni = Ji /I, d’où M/Ni = A/Ji , et compte tenu de la remarque 7.2(i), on voit que
pi = rad(Ji ). De plus, comme A est intègre, 0 est l’unique idéal premier minimal
de A, et pi 6= 0 pour tout i = 1, . . . , n, car I 6= 0. Donc, tout pi est maximal (car
dim A = 1), et en particulier, pi + pj = A pour i 6= j, d’où Ii + Ij = A pour i 6= j.
Tk Qk
Par lemme des chinois, il s’ensuit que I = i=1 Ji = i=1 Ji .
Pour l’unicité : soit I = I1 · · · Ir une telle factorisation. Le même raisonnment
que ci-dessus montre que Ii + Ij = A pour tout i 6= j, donc I = I1 ∩ · · · ∩ Ir , encore
par le lemme des chinois, et 0 = (Ii /I) ∩ · · · ∩ (Ir /I) est une décomposition primaire
de M . Mais comme I 6= 0, les radicaux pi des Ii sont tous maximaux, et donc sont
au même temps tous minimaux dans l’ensemble S := {p1 , . . . , pr } ; par le corollaire
7.19, il s’ensuit que S = AssA M , et les Ii sont uniquement déterminés. 

Remarque 7.30. Avec les hypothèses de la proposition 7.29, soit I = J1 · · · Jk


l’unique factorisation de I comme produit d’idéaux primaires. Pour i = 1, . . . k, soit
pi := rad(Ji ), et notons ji : A → Api et ji′ : A/I → (A/I)pi les homomorphismes
de localisation. Le corollaire 7.19 nous dit plus précisément que Ji /I = Ker ji′ , i.e.
Ji = ji−1 (Ipi ) ∀i = 1, . . . , k.
On est donc amené à étudier la structure des idéaux primaires des localisations Api .
320 æ Balance

Proposition 7.31. Soit (A, m) un anneau local et noethérien avec dim A > 0. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) A est intègre, intégralement clos, et dim A = 1.
(b) L’idéal maximal m de A est principal.
(c) dimk(m) m/m2 = 1.
(d) Tout idéal I 6= 0 de A est une puissance de m.
Démonstration. Remarquons d’abord :
Affirmation 7.32. Soit A comme dans la proposition, et I 6= 0 un idéal de A. Si de
plus A est intègre et dim A = 1, il existe n ∈ N tel que mn ⊂ I.
Preuve : En effet, dans ce cas on a Spec A = {0, m}. Or, si I = A, l’assertion est
triviale ; sinon, on a rad(I) = m (corollaire 2.1). Soit x1 , . . . , xk un système fini de
générateurs pour m ; on trouve N ∈ N tel que xN i ∈ I pour tout i = 1, . . . , k, et on
déduit aisément que m(N −1)k+1 ⊂ I. ♦
(a)⇒(b) : Soit a ∈ m \ {0} ; d’après l’observation 7.32 il existe n > 0 tel que
mn ⊂ Aa et mn−1 * Aa. Soient b ∈ mn−1 \ Aa et x := ab−1 ∈ Frac(A). L’ensemble
x−1 m := {x−1 y | y ∈ m} est un sous-A-module de A, car bm ⊂ mn ⊂ Aa ; i.e. x−1 m
est un idéal de A. Si x−1 m ⊂ m, l’idéal m serait un A[x−1 ]-module fidèle de type fini
(car A est noethérien et intègre), donc x−1 serait entier sur A, par la proposition
6.3. Mais par construction, x−1 ∈ / A, et A est intégralement clos, contradiction. Il
s’ensuit que x−1 m = A, i.e. m = Ax (et x ∈ m).
(b)⇔(c) : La condition (b) implique que dimk(m) m/m2 ≤ 1. D’autre part, on a
m 6= m2 , par la proposition 7.27, d’où (c). Réciproquement, on déduit (b) à partir
de (c) avec la proposition 4.39.
(b)⇒(a),(d) : Soit p 6= m un idéal premier de A, et disons que m = Ax pour
quelque x ∈ A ; comme p ⊂ m, il existe une suite finie a1 , . . . , ak d’éléments de
A telle que a1 x, . . . , ak x est un système de générateurs de p. Mais x ∈ / p, donc
a1 , . . . , ak ∈ p, et il vient mp = p, d’où p = 0, par le lemme de Nakayama. Cela
montre que A est intègre et dim A = 1. Soit I 6= 0 un idéal de A ; par l’observation
7.32, il existe alors n ∈ N tel que mn ⊂ I. Or, A/mn est de dimension zéro, d’idéal
maximal m := m/mn , et (b) implique que dimk(m) m/m2 = 1. Par la proposition
7.28, il vient I/mn = mk pour quelque k < n, d’où I = mk . En dernier lieu, soient
a, b ∈ A\{0} tels que a−1 b est entier sur A ; il faut montrer que a−1 b ∈ A. Par ce qui
précède, Aa = Axj , Ab = Axi pour certains i, j ∈ N ; d’autre part, Axk 6= Axk+1
pour tout k ∈ N, par la proposition 7.27. Il s’ensuit que a = uxj , b = vxi pour
certains u, v ∈ A \ m, i.e. u et v sont inversibles dans A. D’où, a−1 b = wxi−j avec
w ∈ A× . Si i − j ≥ 0, on a xi−j ∈ A, d’où a−1 b ∈ A, comme souhaité. Sinon, xi−j
est entier sur A, donc de même pour x−1 , et on a
x−n + a1 x−n+1 + · · · + an = 0 pour certains a1 , . . . , an ∈ A.
D’où, 1 = −x · (a1 + · · · + an xn−1 ), i.e. x est inversible dans A, contradiction.
(d)⇒(b) : On a déjà remarqué que m 6= m2 , donc soit x ∈ m \ m2 ; par hypothèse,
il existe k ∈ N tel que Ax = mr , et comme Ax * m2 , on doit avoir r = 1. 
Définition 7.33. Un anneau local noethérien de dimension 1 satisfaisant les condi-
tions équivalentes de la proposition 7.31 est dit un anneau de valuation discrète.
Remarque 7.34. Cette terminologie s’explique par l’observation suivante. A tout
anneau de valuation discrète A, on peut associer un homomorphisme de groupes
v : Frac(A)× → Z
appelé la valuation de A. Pour cela, soient a, b ∈ A \ {0}, et notons m l’idéal
maximal de A ; on sait que Aa = mj , Ab = mi pour certains i, j ∈ N, et on pose
§ 7.3: Anneaux noethériens de dimension zéro et un 321

v(a−1 b) := i−j. On vérifie aisément que v(a−1 b) dépend seulement de x := a−1 b (et
il ne dépend pas du choix de a et b tels que x = a−1 b) ; il s’ensuit immédiatement
que v est un homomorphisme du groupe (multiplicatif) Frac(A)× dans le groupe
(additif) Z. On peut prolonger v en une application que l’on appelera encore
v : K := Frac(A) → Z ∪ {+∞}
si on pose v(0) := +∞. (on prolonge aussi l’addition de Z par : n + ∞ = +∞ + n =
+∞ pour tout n ∈ Z ∪ {+∞}). Avec cette convention, on vérifie aisément que
v(x + y) ≥ min(v(x), v(y))
(∗) ∀x, y ∈ K.
v(x · y) = v(x) + v(y)
Exercice 7.35. Réciproquement, soit K un corps, v : K → Z ∪ {+∞} une appli-
cation surjective qui satisfait les conditions (∗) ci-dessus : une telle application est
dite une valuation de K à valeurs entiers.
(i) Montrer que K + := {x ∈ K | v(x) ≥ 0} est un sous-anneau de K.
(ii) Montrer que K + est un anneau de valuation discrète, de valuation v.
Donc, les anneaux de valuation discrète sont précisément les anneaux obténus à
partir d’une valuation sur un corps, à valeurs dans Z ∪ {+∞}.
Exemple 7.36. (i) Soit p ∈ Z un nombre premier fixé. On considère l’application
 a
vp : Q× → Z telle que vp pn · := n ∀n, a, b ∈ Z avec (a, p) = (b, p) = 1.
b
On voit aisément (exercice !) que vp est une valuation, appelée la valuation p-adique
de Q. L’anneau de valuation correspondant est la localisation ZpZ de Z.
(ii) Soit K un corps, et a ∈ K un élément fixé. On considère l’application
 P (T ) 
va : K(T )× → Z telle que va (T − a)n · := n
Q(T )
pour tout n ∈ Z et tous polynômes P, Q ∈ K[T ] tels que P (a), Q(a) 6= 0. Donc,
pour toute fonction rationelle R ∈ K(T ), l’entier va (R) est l’ordre de multiplicité
du zéro de R au point a. On voit aisément que va est une valuation du corps K(T ).
L’anneau de valuation correspondant est la localisation K[T ]m, où m est l’idéal
maximal engendré par T − a.
(iii) L’application P (T ) 7→ − degT P (T ) sur K[T ] se prolonge en une valuation
v∞ : K(T )× → Z telle que v∞ (P/Q) := degT Q − degT P ∀P, Q ∈ K[T ] \ {0}.
On peut interpréter v∞ (P/Q) comme l’ordre de multiplicité du zéro de P/Q au
point “à l’infini” de la droite projective P1K .
Théorème 7.37. Soit A un anneau intègre et noethérien de dimension un. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) A est intégralement clos.
(b) Tout idéal primaire de A est une puissance d’un idéal premier.
(c) Ap est un anneau de valuation discrète, pour tout p ∈ Max A.
(d) Pour tout p ∈ Max A on a dimk(p) p/p2 = 1.
Démonstration. On sait que (a)⇔(c), d’après la proposition 7.31, et grâce au fait
que la propriété d’être intégralement clos est locale (proposition 6.13).
(c)⇔(d) : Evidemment k(p) = k(pAp ) pour tout p ∈ Spec A, et il suffit de
remarquer que l’application naturelle

p/p2 → pAp /p2 Ap → (p/p2 ) ⊗A Ap
est un isomorphisme de k(p)-espaces vectoriels.
322 æ Balance

(b)⇒(c) : Soit I 6= 0 un idéal de Ap , notons j : A → Ap la localisation, et J :=


j −1 I ; comme l’application induite A/J → Ap /I est injective, on voit aisément que
rad(AnnA (x)) ⊃ p pour tout x ∈ A/J. Mais p est maximal, donc SuppA (x) = {p},
pour tout x ∈ A/J \ {0}, i.e. AssA A/J = {p}. Autrement dit, J est p-primaire,
et par hypothèse, cela implique que J = pk pour quelque k ∈ N ; mais dans ce cas
I = Jp = pk Ap (voir le lemme 2.27). On a donc montré que tout idéal de Ap est
une puissance de l’idéal maximal, d’où (c).
(c)⇒(b) : Soit I ⊂ A un idéal p-primaire ; il faut montrer que I est une puissance
de p. Si p = 0, on a I = 0, et l’assertion est triviale. Si p 6= 0, la remarque 7.30
implique que I = j −1 (Ip ), où j : A → Ap est la localisation. Mais par hypothèse,
Ip = pk Ap , pour quelque k ∈ N. D’autre part, pk est aussi un idéal p-primaire (voir
l’exemple 7.14(ii)), donc pk = j −1 (pk Ap ), encore par la remarque 7.30 ; on conclut
que I = pk , d’où (b). 

Définition 7.38. Un anneau intègre et noethérien de dimension un qui satisfait


les conditions équivalentes du théorème 7.37 est dit un anneau de Dedekind.

Corollaire 7.39. Si A est un anneau de Dedekind, tout idéal I 6= 0 se factorise de


façon unique comme produit de puissances d’idéaux premiers de A.

Démonstration. C’est une consequence immédiate du théorème 7.37 et de la pro-


position 7.29. 

Exercice 7.40. Soit A un anneau de Dedekind, et a, b ∈ A. Montrer que ab ∈


Aa2 + Ab2 .

Exercice 7.41. Soit K un corps de nombres, i.e. une extension finie de Q, et notons
OK l’anneau des entiers de K, i.e. la fermeture intégrale de Z dans K. Montrer
que OK est un anneau de Dedekind. (On pourra utiliser le problème 6.86(iii)).

Problème 7.42. Soit A un anneau de Dedekind, I ⊂ A un idéal non nul.


(i) Montrer que si Max A est un ensemble fini, alors A est un anneau principal.
(ii) Montrer que I peut être engendré par deux éléments.
(iii) Montrer que I est un A-module projectif de rang constant 1.
(iv) Montrer que pour tout A-module projectif P de rang fini n il existe des idéaux
I1 , . . . , In de A et un isomorphisme de A-modules

P → I1 ⊕ · · · ⊕ In .

(v) Soit P comme dans (iv). Montrer qu’il existe un isomorphisme de A-modules :

P → An−1 ⊕ (ΛnA P )
et que le déterminant ΛnA P est un A-module inversible. Donc, la classe d’isomor-
phisme de P est complètement déterminée par le couple (n, L) ∈ N × Pic A, où n
est le rang et L la classe d’isomorphisme du déterminant de P .
(vi) Montrer que tout A-module de type fini M admet une décomposition :
M ≃ Mtor ⊕ P

où Mtor est le sous-module des éléments de torsion de M , et P est un A-module


projectif. En particulier, M est projectif si et seulement s’il est sans torsion.
(vii) Soit t > 0 un entier, p ⊂ A un idéal maximal, et on pose A′ := A/pt . Montrer
que A′ est un A′ -module injectif.
(viii) Montrer que tout A-module de torsion de type fini est une somme directe de
A-modules cycliques.
§ 7.3: Anneaux noethériens de dimension zéro et un 323

7.3.2. Intersections de valuations discrètes. On voit aisément que l’intersection


d’une famille arbitraire d’anneaux de valuation discrète d’un corps K est un sous-
anneau intégralement clos de K. Le résultat suivant nous dit que, réciproquement,
tout sous-anneau noethérien intégralement clos de K admet une telle description.
Théorème 7.43. Soit A un anneau intègre noethérien. Alors A est intégralement
clos si et seulement s’il satisfait les conditions suivantes :
(a) Pour tout p ∈ Spec A de hauteur 1, l’anneau Ap est de valuation discrète.
(b) Pour tout a ∈ A \ {0}, tout p ∈ AssA (A/aA) est de hauteur 1.
De plus, si ces conditions sont vérifiées, on a :
\
(∗) A= Ap .
ht p=1

Démonstration. Si A est intégralement clos et p ⊂ A est un idéal premier avec ht p =


1, l’anneau Ap est noethérien, intégralement clos et de dimension 1 (proposition
6.13), d’où (a). Soient ensuite a ∈ A \ {0}, A := A/aA, et p ∈ AssA (A) ; d’après le
corollaire 7.9(ii) on trouve b ∈ A tel que AnnA (bA) = p, d’où AnnAp (bAp ) = pAp
(remarque 4.46(ii)). Avec x := a−1 b ∈ Frac A, il vient x ∈ (pAp )−1 (notation du
paragraph 5.2.1) et x ∈ / Ap . Si l’on avait x · pAp ⊂ pAp , l’élément x serait entier sur
Ap , car pAp serait un Ap [x]-module fidèle de type fini (proposition 6.3) ; mais Ap est
intégralement clos, d’où x ∈ Ap , contradiction. Donc x · pAp = Ap ; en particulier,
pAp est un idéal inversible de Ap , et il est alors principal, d’après la proposition
5.26. Noter que p 6= 0, car a 6= 0 ; il s’ensuit que dim Ap > 0, et avec la proposition
7.31 on conclut que dim Ap = 1, d’où (b).
Supposons réciproquement que (b) soit vérifiée ; pour T conclure la preuve du théo-
rème, il suffira de montrer l’égalité (∗). Soit alors x ∈ ht p=1 Ap ⊂ Frac A, et disons
que x = a−1 b pour certains a, b ∈ A avec a 6= 0 ; il vient b ∈ aAp pour tout idéal
premier p ⊂ A de hauteur 1. Soit A := A/aA et {p1 , . . . , pn } = AssA (A) ; choisis-
sons une décomposition primaire 0 = q1 ∩ · · · ∩ qn de A avec qi un sous-A-module
pi -primaire pour tout i = 1, . . . , n, dont l’image réciproque qi dans A est alors un
idéal pi -primaire. Par hypothèse, chaque pi est de hauteur 1, donc qi = A ∩ aApi
pour tout i = 1, . . . , n (corollaire 7.19). Mais q1 ∩ · · · qn = aA, d’où b ∈ aA et
finalement x ∈ A, comme souhaité. 
Problème 7.44. Soient K un corps, v1 , . . . , vk : K → Z ∪ {+∞} une suite de
valuations de K, et Ai ⊂ K l’anneau de valuation de vi , pour i = 1, . . . , k. On
suppose que Ai * Aj pour tout i 6= j. Montrer les assertions suivantes :
(i) Il existe x ∈ K tel que v1 (x) = 0 et vi (x) > 0 pour i = 2, . . . , k.
(ii) Il existe (x1 , . . . , xk ) ∈ A1 × · · · × Ak tel que :
vi (xi − 1) > 0 et vi (xj ) > 0 ∀i, j = 1, . . . , k avec i 6= j.
(iii) Pour tout u1 , . . . , uk ∈ K et tout n1 , . . . , nk ∈ Z il existe u ∈ K tel que :
vi (u − ui ) = ni ∀i = 1, . . . , k.
J’ai trouvé l’exercice suivant dans les notes d’un cours de M.Hochster (voir
http://www.math.lsa.umich.edu/∼hochster/614F15/614.pdf) :
Exercice 7.45. (i) Soit f : A → B une inclusion d’anneaux intègres, telle que
f (A) soit un facteur direct du A-module B[f ] . Montrer que si B est intégralement
clos, il en est de même pour A.
(ii) Soit K un corps, n, d > 0 deux entiers, B := K[X1 , . . . , Xn ], et A ⊂ B
la sous-K-algèbre engendrée par les monômes de degré total d. Montrer que A est
noethérien, intègre et intégralement clos, mais A n’est pas factoriel si n, d > 1.
324 æ Balance

Exercice 7.46. (Modules réflexifs) Soient A un anneau noethérien, intègre et inté-


gralement clos, M un A-module sans torsion et de type fini, et K := Frac A. Pour
tout p ∈ Spec A les localisations M → Mp → MK := K ⊗A M sont injectives, donc
on peut identifier naturellement M et Mp à des sous-A-modules de MK .
(i) Montrer que le A-module dual M ∨ est de type fini et sans torsion, et que pour
tout p ∈ Spec A on a un isomorphisme naturel de Ap -modules :
(M ∨ )p ≃ Ap ⊗A M ∨ → (Mp )∨ := HomAp (Mp , Ap ) x ⊗ φ 7→ x · φp .
T
(ii) Soit Σ := {p ∈ Spec A | ht p = 1}. Montrer que M = p∈Σ (M ∨ )p (il s’agit de

l’intersection d’une famille de sous-modules de (M ∨ )K ).


(iii) Soit R un anneau ; on dit qu’un R-module N est réflexif, si l’application de
bidualité βN : N → N ∨∨ est un isomorphisme (voir l’exemple 1.51). Par exemple,
d’après l’exercice 5.13(iii), tout R-module projectif de type fini est réflexif.
(a) Soit R un anneau noethérien, S une R-algèbre plate et N un R-module réflexif
de type fini. Montrer que S ⊗R N est un S-module réflexif.
(b) Avec la notation de (i), montrer que M ∨ est un A-module réflexif.
T
(c) Montrer que M est réflexif si et seulement si M = p∈Σ Mp .
(d) Soit V un K-espace véctoriel, W ⊂ V un sous-K-espace vectoriel, et M, M ′ ⊂
V deux sous-A-modules réflexifs. Montrer que M ∩ M ′ et M ∩ W sont deux
A-modules réflexifs.
7.4. Un exemple géométrique. A l’exception près de la proposition 7.29, les
résultats du paragraphe 7.3.1 ne sont concernés qu’avec des anneaux intègres et
intégralement clos. La discussion de la section 6.4 explique pourquoi cette condition
ne soit pas arbitraire : si l’anneau A est une C-algèbre de type fini et dimension
un, l’ensemble algébrique Max A est une courbe dans un espace affine Cn ; or, si
A est de Dedekind, cette courbe est une sous-variété analytique complexe connexe
et non-singulière de Cn . Du point de vue géométrique, ces anneaux sont donc les
plus simples parmi les anneaux noethériens de dimension un ; de l’autre côté, la
presence de singularités sur une courbe C = Spec A associée à une C-algèbre A
de dimension un se répercute sur la géométrie de l’application de normalisation
φ : C ′ → C, et l’analyse de cette dernière nous fournit un moyen efficace pour
classifier ces singularités : par exemple, la cardinalité de la fibre de φ au dessus d’un
point singuliér de C est déjà une première mésure quantitative de la complexité
de la singularité. Du point de vue algébrique, C ′ sera simplement le spectre de
la fermeture intégrale A′ de A dans son corps des fractions (du moins, si A est
intègre ; si Q
A n’est pas intègre, on prendra plutôt la fermeture intégrale de A dans
le produit p∈Min A k(p), où Min A dénote l’ensemble fini des premiers minimaux de
A). Toutefois, la définition de A′ est assez abstraite, et ne conduit pas à des procédés
effectifs pour sa détermination, ce qui est un obstacle, justement si on veut l’utiliser
pour l’étude des singularités de la courbe originelle C. Pour contourner ce problème,
les géométres algebristes ont dévéloppés des algorithmes qui modifient la courbe C
en plusieures étapes par des constructions géométriques explicites, jusqu’à obtenir
une courbe non-singulière. Dans cette section on veut illustrer ces idées par un
exemple assez simple.
• On considère d’abord la C-algèbre
A0 := C[X, Y ]/(X 2 − Y 2 ).
La factorisation X 2 −Y 2 = (X −Y )·(X +Y ) montre que C := Spec A se décompose
comme la réunion de deux parties irréductibles V (X − Y ) ∪ V (X + Y ), deux droites
qui se rencontrent dans un point unique, l’idéal maximal m(0,0) qui correspond
à l’origine du plan coordonné complexe C2 . L’anneau A n’est pas intègre, et la
§ 7.4: Un exemple géométrique 325

désingularisation de C ′ → C s’obtient simplement séparant les deux composantes


irreductibles, ce qui correspond à considérer l’inclusion

A0 ֒→ C[X, Y ]/(X − Y ) × C[X, Y ]/(X + Y ) → C[T ] × C[T ].
• Ensuite, on introduit une “petite perturbation” dans l’équation précédente :
on rajoute le terme X 3 , pour obtenir l’anneau
A := C[X, Y ]/(X 2 − Y 2 − X 3 ).
D’un côté, on voit aisément que le polynôme X 2 − Y 2 − X 3 est irréductible, donc A
est intègre, et Spec A est maintenant irréductible ; de l’autre côté, pour des petites
valeurs de X et Y la perturbation X 3 est négligible par rapport aux termes quadra-
tiques, donc on s’attend que dans un voisinage U du point (0, 0) ∈ C2 la géométrie
de la partie U ∩ Max A soit essentiellement la même que celle de U ∩ Max A0 . Et
en effet, sur un voisinage U suffisament petit de (0, 0), l’application holomorphe

φ : U → C2 (z, w) 7→ (z · (1 − z)1/2 , w)
est bien définie, et comme la matrice Jacobienne de φ est inversible au point (0, 0),
l’image de φ contient un voisinage U ′ de (0, 0) tel que la restriction
φ−1 U ′ → U ′
soit un isomorphisme de variétés analytiques complexes. On voit aisément que
φ−1 (U ′ ∩ Max A0 ) = φ−1 (U ′ ) ∩ Max A
donc, les variétés analytiques complexes Max A0 et Max A sont isomorphes dans un
voisinage de (0, 0).
• On examine maintenant les propriétés algébriques de A : tout d’abord, l’idéal
m(0,0) = (X, Y ) ∈ C[X, Y ] contient X 2 − Y 2 − X 3 , donc il correspond à un idéal
maximal m de A. Si on note X et Y les classes de X et Y dans A, on a m2 =
2 2
(X , X·Y , Y ), donc m/m2 = CX⊕CY . Cela montre que Am n’est pas un anneau de
valuation discrète, et donc A ne peut pas être un anneau de Dedekind. D’autre part
A est noethérien, car il est une C-algèbre de type fini. Il est aussi de dimension un,
car il existe une projection finie de Max A sur la droite affine C, à savoir l’application
Max A → C (x, y) → x.
Cette application correspond à l’homomorphisme injectif de C-algèbres
C[X] → A X 7→ X
qui est évidemment un homomorphisme entier d’anneaux (la C[X]-algèbre A est
engendrée par son élément Y , qui est racine du polynôme unitaire P (T ) := T 2 −
X 2 + X 3 ). Or, on sait que dim C[X] = 1, et le corollaire 6.18 implique que la
dimension de A coïncide avec celle de C[X].
• On remarque que l’idéal m est l’unique point singuliér de Spec A : si p ∈
Max A \ {m}, la localisation Ap est un anneau de valuation discrète. En effet, il
existe (a, b) ∈ C2 \ {(0, 0)} tel que p est engendré par (X − a, Y − b), d’où une
application surjective d’espaces C-vectoriels C(X − a) ⊕ C(Y − b) → p/p2 ; d’autre
part, si on pose
P := (X − a)2 Q := (Y − b)2 R := X 2 − Y 2 − X 3
on trouve la relation
(X + 2a − 1) · P + Q + R = (2a − 3a2 ) · (X − a) − 2b · (Y − b)
326 æ Balance

par un calcul direct. Comme (a, b) 6= (0, 0), et a2 − b2 − a3 = 0, on a soit b 6= 0,


soit 2a − 3a2 6= 0, et comme les images de P, Q dans A sont des éléments de p2 (et
l’image de R est 0 dans A), on obtient la combinaison C-linéaire non triviale
(2a − 3a2 ) · (X − a) − 2b · (Y − b) = 0 dans p/p2
ce qui montre que dimC p/p2 ≤ 1. Comme p 6= 0, on ne peut pas avoir p = p2 , car
sinon on aurait pAp = p2 Ap , ce qui contredirait la proposition 7.27. On conclut
dimC p/p2 = 1
d’où l’assertion. De consequence, l’anneau A[1/X] (i.e. la localisation de A qui rend
X inversible) est un anneau de Dedekind : en effet, Max A[1/X] = Max A \ V (X) =
Max A\{m}, et si p ∈ Max A\{m} on a évidemment Ap = A[1/X]p , d’où l’assertion.
• D’après le lemme 6.88, la fermeture intégrale B de A dans son corps des
fractions est une A-algèbre finie, et on souhaite donner une construction explicite
de B. Or, pour tout λ ∈ C, soit Dλ ⊂ C2 la droite d’équation Y = λX. Donc,
(0, 0) ∈ Dλ , et 0 est racine double du polynôme R(X, λX) (avec R comme ci-
dessus) ; d’où : Dλ ∩ Max A = {(0, 0), (xλ , yλ )}, avec (xλ , yλ ) ∈ C2 tels que
yλ = λ · xλ x2λ − yλ2 − x3λ = 0.
En résolvant, on trouve xλ = 1 − λ2 , yλ = λ − λ3 . On a alors une application
φ : C → Max A λ → (1 − λ2 , λ − λ3 ).
Cette dernière correspond évidemment à l’homomorphisme de C-algèbres
f : A → C[λ] X 7→ 1 − λ2 Y 7→ λ − λ3 .
On voit que φ−1 (0, 0) = {1, −1}, et φ se restreint en une bijection

C \ {1, −1} → Max A \ {(0, 0)}.
A cette bijection correspond l’unique isomorphisme de C-algèbres

A[1/X] ⊗A f : A[1/X] → C[λ, 1/(1 − λ2 )]
qui prolonge f . On conclut que f identifie le corps des fractions de A avec celui de
l’anneau de Dedekind C[λ] ; en conclusion, la fermeture intégrale cherchée de A est
donnée par B := C[λ].

7.4.1. Une observation analytique. On revient à l’exemple du paragraphe précé-


dent. On a vu que, pour tout p := (X̄ − a, Ȳ − b) ∈ Max A \ {m̄} on a l’identité :
R = (2a − 3a2 ) · (X − a) − 2b · (Y − b) − (X + 2a − 1) · (X − a)2 − (Y − b)2
avec R := X 2 − Y 2 − X 3 . D’où vient cette expression ? Elle vient de la formule de
Taylor ! En effet, le dévéloppement de Taylor de R au point (a, b) est de la forme
∂R ∂R
R(X, Y ) = R(a, b) + (a, b) · (X − a) + (a, b) · (Y − b) + S(X, Y )
∂X ∂Y
pour un reste S(X, Y ) ∈ C[X, Y ] tel que
∂S ∂S
(∗) (a, b) = (a, b) = 0.
∂X ∂Y
Or, on a R(a, b) = 0, car (X̄ − a, Ȳ − b) ∈ Max A, et d’autre part les conditions (∗)
veulent dire précisément que S ∈ p2 .
Plus généralement, on peut considérer un anneau de la forme
A := C[X1 , . . . , Xn ]/(R1 , . . . , Rm ).
§ 7.4: Un exemple géométrique 327

Si a := (a1 , . . . , an ) ∈ Cn est un point de Max A, i.e. si ma := (X1 −a1 , . . . , Xn −an )


contient les polynômes R1 , . . . , Rm , on obtient de la même façon :
     ∂R1 ∂R1 
R1 X 1 − a1 ∂X1 (a) · · · ∂X n
(a)
 ..   ..   .. .. .. 
 .  = J(a) ·  . +S avec J(a) :=  . . . 
Rm X n − an ∂Rm ∂Rm
∂X1 (a) ··· ∂Xn (a)

pour un reste S ∈ m2a . Soit ma := ma /(R1 , . . . , Rm ) ∈ Max A ; évidemment ma /m2a


est un quotient de
V := C(X1 − a1 ) ⊕ · · · ⊕ C(Xn − an )
et la formule de Taylor nous montre que
Xn
∂Ri
vi := (a) · (Xj − aj ) ∈ m2a ∀i = 1, . . . , m.
j=1
∂X j

Donc ma /m2a est en fait un quotient de V /hv1 , . . . , vm i = Coker J(a). D’autre part,
supposons que l’on ait une relation C-linéaire de la forme :
n
X
w := bi · (Xi − ai ) ∈ m2a
i=1

pour certains b1 , . . . , bn ∈ C. Cela veut dire qu’il existe Ajk , Bl ∈ C[X1 , . . . , Xn ]


pour 1 ≤ j, k ≤ n et 1 ≤ l ≤ m, tels que l’on ait dans C[X1 , . . . , Xn ] l’identité :
n
X n
X m
X
bi · (Xi − ai ) = Ajk · (Xj − aj ) · (Xk − ak ) + Bl · Rl .
i=1 j,k=1 l=1

Si on applique aux deux côtés, et on évalue au point a, il vient



∂Xi
m 
X  Xm
∂Bl ∂Rl ∂Rl
bi = (a) · Rl (a) + Bl (a) · (a) = Bl (a) · (a)
∂Xi ∂Xi ∂Xi
l=1 l=1

d’où
m
X
w= Bl (a) · vl .
l=1
En conclusion, on a obtenu un isomorphisme naturel

(∗∗) Coker J(a) → ma /m2a .

En particulier, on a
dimC ma /m2a = n − rk(J(a)).
Le cas où m ≤ n et le rang de J(a) est égal à m est particulièrement interessant ; en
effet, sous ces hypothèses, le théorème des fonctions implicites nous dit qu’il existe
un voisinage U de 0 := (0, . . . , 0) ∈ Cn−m , un voisinage U ′ de a dans Cn et une
application holomorphe φ : U → U ′ avec φ(0) = a, et φ induit un homéomorphisme

U → U ′ ∩ Max A.
Donc, du moins du point de vue analytique complexe, on voit que la dimension de
U ′ ∩ Max A est égale à n − m = dimC ma /m2a . En fait, on verra plus tard que si
(A, m) est un anneau local noethérien, on a toujours l’inégalité
dim A ≤ dimk(m) m/m2 .
Pour cela, il nous faudra développer des techniques qui remplacent les considérations
analytiques ci-dessus : c’est le sujet des leçons 9 et 10.
328 æ Balance

Remarque 7.47. (i) La plupart des observations de ce paragraphe s’étend sans


peine aux algèbres de type fini sur un corps algébriquement clos K arbitraire. En
effet, le développement de Taylor à l’ordre 1, et les calculs ci-dessus sont valables
pour des polynômes à coefficients dans n’importe quel corps. En particulier, on a
l’isomorphisme (∗∗) pour tout idéal maximal ma d’une telle K-algèbre A, et donc
dimK ma /m2a = n − rk(J(a)) ∀ma ∈ Max A.
(ii) Comme application, supposons que A soit une K-algèbre de type fini, intègre
et de dimension un, et on considère une présentation arbitraire de A :
A = K[X1 , . . . , Xn ]/(R1 , . . . , Rm ).
Evidemment, rkJ(a) ≤ m pour tout a ∈ K n , et on déduit immédiatement :
— Si A est un anneau de Dedekind, on a m ≥ n − 1.
— S’il existe p ∈ Max A tel que Ap est de Dedekind, alors il existe une partie
finie S ⊂ Max A tel que Am est de Dedekind pour tout m ∈ Max A \ S.
En effet, soit a ∈ K n le point correspondant à p ; compte tenu de la discussion
ci-dessus, on trouve que
(†) rkJ(a) = n − 1.
Mais les coefficients de la matrice Jacobienne J sont des polynômes à coefficients
dans K, et (†) veut dire qu’il existe un mineur de J de taille (n − 1) × (n − 1)
dont le déterminant D ∈ K[X1 , . . . , Xn ] est inversible au point a. Soit U :=
Spec K[X1 , . . . , Xn , D−1 ] ; or, U est une partie ouverte de Spec K[X1 , . . . , Xn ] tel
que U ∩ Spec A 6= ∅, donc S := Spec A \ U est une partie fermée qui ne contient
pas le point générique de Spec A. Comme dim A = 1, cela implique que S est une
partie finie de Max A, d’après l’exercice 6.105(iii). Maintenant, si m ∈ Max A \ S,
le rang de J(a) est au moins n − 1, et on trouve d := dimK m/m2 ≤ 1, par ce qui
précède ; d’autre part, d 6= 0, par la proposition 7.27, CQFD.
7.5. Foncteurs dérivés d’un foncteur additif. La construction dont il s’agit
dans cette section est au cœur de l’algèbre homologique. Soient A et B deux an-
neaux, F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif ; on choisit :
• εM
— pour tout A-module M une résolution projective à gauche PM −−→ M (voir
• εM
l’exercice 5.55), et on pose P := {PM −−→ M | M ∈ Ob(A − Mod)}.
— pour tout morphisme f : M → N un morphisme de résolutions
• εM
PM /M
f• f
 εN 
PN• /N

(un tel morphisme f • est fourni par le théorème 5.56).


Noter que P tient compte des résolutions chosies, mais il ne tient pas compte des
choix auxiliaires des morphismes de résolutions f • ci-dessus.
Théorème 7.48. Soit i ∈ N. Avec les notations ci-dessus, on a :
(i) Les associations
M 7→ LiP F (M ) := H i (F (PM

))
f H i (F (f • ))
→ N ) 7→ LiP F (f ) := (LiP F (M ) −−−−−−−→ LiP F (N ))
(M −
définissent un foncteur additif LiP F : A − Mod → B − Mod, appelé le i-ème
foncteur dérivé à gauche du foncteur F associé au système de choix P.
(ii) Ce foncteur dépend seulement de P (et il ne dépend pas des choix auxiliaires
des morphismes f • ).
§ 7.5: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 329

(iii) Si P ′ est un autre système de résolutions comme ci-dessus, on a un isomor-


phisme de foncteurs additifs
i i i ∼
ωP,P ′ : LP F → LP ′ F.

(iv) De plus, si P ′′ est un troisième système de résolutions, on a


i i i
ωP ′ ,P ′′ ◦ ωP,P ′ = ωP,P ′′ .

Démonstration. (i) : Si f : M → N et g : N → Q sont deux homomorphismes


de A-modules, on pose h := g ◦ f . Les choix effectués ci-dessus nous donnent des
morphismes de complexes
f • : PM

→ PN• g • : PN• → PQ• h• : PM

→ PQ•
tels que
f ◦ εM = εN ◦ f 0 g ◦ εN = εQ ◦ g 0 h ◦ ε M = ε Q ◦ h0 .
Au vu du théorème 5.56, on déduit que h• est homotopiquement équivalent à g • ◦f • ,
donc F (h• ) est homotopiquement équivalent à F (g • ◦ f • ) = F (g • ) ◦ F (f • ), par la
remarque 5.52(v). Compte tenu de la remarque 5.52(iii), il vient
LiP F (g ◦ f ) = LiP F (g) ◦ LiP F (f ) ∀i ∈ Z.
De même, soit i•M : PM •
→ PM •
le morphisme associé ci-dessus à l’identité IdM :
M → M ; par le théorème 5.56 on sait que i•M est homotopiquement équivalent à
• , donc F (i
M ) est homotopiquement équivalent à F (IdPM ) = IdF (PM • ) , et il

IdPM •

s’ensuit que LP F (IdM ) = IdLiP F (M) pour tout i ∈ N.


i

En dernier lieu, soient f1 , f2 : M → N deux homomorphismes de A-modules, et


f1• , f2• : PM•
→ PN• les deux morphismes de complexes associés comme ci-dessus à
ces homomorphismes ; soient aussi a, b ∈ Z, et f3• : PM •
→ PN• le morphisme associé
à f3 := af1 + bf2 . On montre de même que f3 est homotopiquement équivalent à

af1• + bf2• , donc F (f3• ) est homotopiquement équivalent à F (af1• + bf2• ) = aF (f1• ) +
bF (f2• ). Il s’ensuit que LiP F (af1 + bf2 ) = aLiP F (f1 ) + bLiP F (f2 ), ce qui achève
de montrer que LiP F est un foncteur additif.
(ii) : Pour voir que LiP F (f ) ne dépend pas du choix du morphisme f • : PM •
→ PN•
tel que f ◦ εM = εN ◦ f , il suffit de rappeler que tout autre choix g pour un tel
0 •

morphisme sera homotopiquement équivalent à f • , toujours grâce au théorème


5.56 ; donc F (f • ) sera homotopiquement équivalent à F (g • ), et finalement f • et g •
induisent la même application LiP F (M ) → LiP F (N ), par la remarque 5.52(iii).
(iii) : C’est analogue aux raisonnements précédents. En effet, soit
ε′
P ′ = {Q•M −−
M
→ M | M ∈ Ob(A − Mod)}
un autre système de choix de résolutions. Par le théoreme 5.56 on obtient des
morphismes de complexes
εM ε′M

PM /M Q•M /M
φ• IdM ψ• IdM
 ε′M   εM 
Q•M /M •
PM /M

d’où des morphismes de complexes


εM ε′M

PM /M Q•M /M
ψ • ◦φ• IdM ψ • ◦φ• IdM
 εM   ε′M 

PM /M Q•M /M
330 æ Balance

et encore par le théorème 5.56, on déduit que ψ • ◦ φ• est homotopiquement équi-


valent à IdPM • , et φ ◦ ψ
• •
est homotopiquement équivalent à IdQ•M . Il s’ensuit que
F (ψ ) ◦ F (φ ) est homotopiquement équivalent à IdF (PM
• • • ) et F (φ ) ◦ F (ψ ) est
• •

homotopiquement équivalent à IdF (Q•M ) Compte tenu de la remarque 5.52(iii), on


voit que H i F (φ• ) : LiP (M ) → LiP ′ (M ) est un isomorphisme, et H i F (ψ • ) est son
inverse. Le même type d’argument montre que l’application M 7→ H i F (φ• ) est
indépendante du choix de φ• , et donne bien un isomorphisme de foncteurs additifs.
Aussi l’assertion (iv) du théorème se démontre par des raisonnements analogues :
les détails seront laissés aux soins du lecteur. 
Remarque 7.49. (i) La signification du théorème 7.48 se résume en disant que
la construction du foncteur dérivé est aussi canonique que possible, compte tenu
des circonstances, i.e. compte tenu du fait qu’elle dépend d’un grand nombre de
choix, codés dans le système de résolutions P. On pourrait exhiber un système
P canonique, et obtenir de telle façon une définition univoque pour les foncteurs
dérivés, mais en tout cas, le théorème montre que même un choix arbitraire pour
P donne lieu à une famille de foncteurs canoniquement isomorphes à ceux que l’on
obtient à partir de n’importe quel autre choix ; de plus, même ces isomorphismes
canoniques sont tous compatibles entre eux (par la partie (iv) du théorème). En
pratique, il n’est donc pas nécessaire specifier le système P adopté, qui pourra être
tout simplement négligé dans la notation, et dans toute discussion des foncteurs
dérivés et leurs propriétés. Donc, désormais on notera, pour tout i ∈ N
Li F
le foncteur additif fourni par le théorème 7.48, à partir du choix d’un système P
arbitraire, et on l’appelera le i-ème foncteur dérivé à gauche du foncteur F .
(ii) Soient F, G : A − Mod → B − Mod deux foncteurs additifs, et η : F → G
une transformation naturelle. Pour tout A-module M , et toute résolution projective
PM•
→ M , le système (ηPMi : FP
M → GPM | i ∈ N) est évidemment un morphisme
i i

de complexes ηPM : F PM → GPM , d’où une application B-linéaire



• •

(Li η)M := H i (ηPM i i


• ) : L F M → L GM ∀i ∈ N
et l’on voit aisément que l’association M 7→ (Li η)M définit une transformation
naturelle Li η : Li F → Li G, la i-ème dérivée à gauche de η, pour tout i ∈ N.
(iii) Dans la situation de (ii), soit H : A−Mod → B −Mod un troisième foncteur
additif, et τ : G → H une autre transformation naturelle ; on voit aisément que
Li (τ ◦ η) = Li τ ◦ Li η ∀i ∈ N.
(iv) La construction du théorème 7.48 s’applique aussi verbatim aux foncteurs
additifs contravariants : si F est un tel foncteur, l’on obtient ainsi pour tout i ∈ N
un i-ème foncteur derivé à gauche
LiP F : (A − Mod)op → B − Mod M 7→ H −i (F (PM

))
avec un système compatible d’isomorphismes de foncteurs pour choix différents du
système auxiliaire P. De même, toute transformation naturelle de tels foncteurs
induit un système de transformations naturelles dérivées à gauche, comme dans (ii).
(v) Une dernière variante importante du théorème 7.48 s’obtient en remplaçant
εM
P par un système I := {M −− → I•M | M ∈ Ob(A − Mod)} de résolutions injectives
à droite : cela donne, pour tout foncteur additif F , un i-ème foncteur dérivé à droite
i
RI F : A − Mod → B − Mod M 7→ Hi (F (I•M )) ∀i ∈ N
avec, bien entendu, un système d’isomorphismes de foncteurs, pour choix différents
du système auxiliaire I . En effet, grâce au problème 5.58, la preuve du théorème
s’adapte sans peine à cette situation : les détails seront laissés aux soins du lecteur.
§ 7.5: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 331

De même, on peut construire les foncteurs dérivés à droite des foncteurs additifs
contravariants, comme dans (iv). Pour ces variantes aussi, toute transformation
naturelle admet des dérivées à droite analogues à celles de (ii).
Exercice 7.50. Soit F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif.
(i) Montrer que pour tout A-module projectif P et tout entier i > 0 on a Li F P = 0.
(ii) Montrer que si F est exact à droite, on a un isomorphisme canonique de
foncteurs additifs

L0 F → F.
(iii) Par exemple, pour un A-module fixé M , soit FM le foncteur M ⊗A − de la
remarque 4.6(iii). Les foncteurs dérivés Li FM sont traditionellement notés :
N 7→ TorA
i (M, N ).
Déduire de (ii) un isomorphisme naturel pour tout A-modules M, N

TorA
0 (M, N ) → M ⊗A N.
(iv) Utiliser les résolutions trouvées dans l’exercice 5.55(ii,iii,iv) pour calculer
TorA
i (k(m), k(m))
1
TorA ′ ′
i (k(m ), k(m ))
2
TorA ′′ ′′
i (k(m ), k(m ))
3
∀i ∈ N.
(v) Soit A un anneau, M un A-module, a ∈ A un élément régulier. Montrer qu’il
existe des isomorphismes naturels de A-modules :


M/aM si i = 0
TorA
i (M, A/aA) ≃ Ker(a · IdM : M → M ) si i = 1


0 si i > 1.
Exercice 7.51. Soit F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif.
(i) Montrer que pour tout A-module injectif I et tout entier i > 0 on Ri F (I) = 0.
(ii) Montrer que si F est exact à gauche, on a un isomorphisme canonique de
foncteurs additifs

F → R0 F.
(iii) Pour un A-module fixé M , soit FM le foncteur HomA (M, −) de la remarque
4.6(iii). Les foncteurs dérivés à droite Ri FM sont traditionellement notés :
N 7→ ExtiA (M, N ).
Déduire de (ii) un isomorphisme naturel pour tout A-modules M, N

HomA (M, N ) → Ext0A (M, N ).
Remarque 7.52. (i) Toute application A-linéaire φ : M ′ → M induit une transfor-
mation naturelle HomA (φ, −) : HomA (M, −) → HomA (M ′ , −) de la façon évidente,
et pour tout i ∈ N on notera par ExtiA (φ, −) : ExtiA (M, −) → ExtiA (M ′ , −) la i-ème
dérivée à droite de HomA (φ, −), suivant la remarque 7.49(ii). Evidemment, si φ′ :
M ′′ → M ′ est une autre application A-linéaire, on a HomA (φ′ , −) ◦ HomA (φ, −) =
HomA (φ ◦ φ′ , −) ; au vu de la remarque 7.49(iii), il s’ensuit que tout A-module N
induit un foncteur ExtiA (−, N ) : (A − Mod)op → A − Mod, et une inspection directe
montre aisément que ce foncteur est additif. L’on obtient ainsi pour tout i ∈ N un
foncteur biadditif (i.e. additif séparément dans chaque argument)
ExtiA (−, −) : (A − Mod)op × (A − Mod) → A − Mod.
De même, les dérivés à gauche de − ⊗A − nous fournissent les foncteur biadditifs
ToriA (−, −) : (A − Mod) × (A − Mod) → A − Mod.
(ii) Le calcul explicite des foncteurs dérivés à droite est souvent difficile, car on
a rarement à disposition des résolutions injectives suffisamment maniables. D’autre
part, pour le calcul de ExtiA (M, N ) on peut contourner ces difficultés : l’on verra
332 æ Balance

dans la section 8.4 que ce dernier est naturellement isomorphe à Li HomA (M, N ),
où Li HomA (−, N ) dénote le i-ème foncteur dérivé à gauche du foncteur additif
contravariant HomA (−, N ). De même, l’on verra que ToriA (M, N ) est isomorphe à
Li TN (M ), où TN : A − Mod → A − Mod est le foncteur − ⊗A N .
On va maintenant joindre la construction du foncteur dérivé avec la suite exacte
longue d’homologie du paragraphe 3.5.1. On remarque d’abord :
Proposition 7.53. Soit A un anneau, et on considère une suite exacte courte
f g
0 → M′ − → M ′′ → 0
→M −
• • ε ′ ε ′′
de A-modules. Soient aussi (PM ′ , dM ′ ) −
M
−→ M ′ et (PM
• •
′′ , dM ′′ ) −
− −→ M ′′ deux
M

εM
résolutions projectives. Alors il existe une résolution projective (PM , d•M ) −−

→ M
avec PM := PM ′ ⊕PM ′′ pour tout i ∈ N, et un diagramme commutatif de résolutions
i i i

f• g•
0 / P• ′ / P• / P • ′′ /0
M M M
(∗) εM ′ εM εM ′′
 f  g

0 / M′ /M / M ′′ /0

tel que f i : PMi i i


′ → PM ′ ⊕ PM ′′ et g
i i
: PM i i
′ ⊕ PM ′′ → PM ′′ sont respectivement

l’inclusion et la projection canoniques, pour tout i ∈ N.


Démonstration. L’homomorphisme g est surjectif, et PM 0
′′ est projectif, donc εM ′′

se relève en une application A-linéaire εM : PM ′′ → M ; posons aussi ε′M := f ◦εM ′ :


′′ 0

′ → M . On déduit une application


0
PM
0
εM : PM →M (x, y) 7→ ε′M (x) + ε′′M (y)
et on voit aisément que
εM ◦ f 0 = f ◦ εM ′ et g ◦ εM = εM ′′ ◦ g 0 .
On pose d0M ′ := εM ′ et on va construire par récurrence sur i > 0 le différentiel
i−1 i−1
diM : PM ′ ⊕ PM ′′ → PM ′ ⊕ PM ′′ , sous la forme d’une matrice en blocs
i i

 i 
dM ′ (−1)i · σ i
telle que di−1 i i+1
M ′ ◦ σ ◦ dM ′′ = 0 ∀i > 0.
0 diM ′′
Avec des différentiels d•M de cette forme, on voit immédiatement que les systèmes
des inclusions (f i | i ∈ N) et des projections (g i | i ∈ N) définissent des morphismes
f • : PM ′ → PM et g ′ comme souhaité.
• • • • •
: PM → PM
Or, pour i = 1, on remarque que g ◦ ε′′M ◦ d1M ′′ = εM ′′ ◦ d1M ′′ = 0, donc Im(ε′′M ◦
d1M ′′ ) ⊂ Im(f ), et comme εM ′ est surjectif, et PM 1
′′ est projectif, on peut trouver

σ 1 : PM
1 0
′′ → PM ′ tel que f ◦ εM ′ ◦ σ 1 = ε′′M ◦ d1M ′′
ce qui nous donne notre d1M . Avec cette définition, on calcule pour tout (x, y) ∈ PM
1
:
εM ◦ d1M (x, y) = εM (d1M ′ (x) − σ 1 (y), d1M ′′ (y))
= ε′M (d1M ′ (x) − σ 1 (y)) + ε′′M (d1M ′′ (y))
= − ε′M ◦ σ 1 (y) + ε′′M ◦ d1M ′′ (y)
= 0.
Et on a aussi f ◦ εM ′ ◦ σ 1 ◦ d2M ′′ = ε′′M ◦ d1M ′′ ◦ d2M ′′ = 0, donc εM ′ ◦ σ 1 ◦ d2M = 0.
Soit ensuite i > 1, et on suppose que σ i−1 a déjà été exhibé de la forme souhaitée ;
en particulier, Im(σ i−1 ◦ diM ) ⊂ Ker(di−2 i−1
M ′ ) = Im(dM ′ ), et comme PM ′′ est projectif,
i
§ 7.5: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 333

i−1
on peut donc réléver σ i−1 ◦ diM à une application A-linéaire σ i : PM
i
′′ → PM ′ , et

de consequence on obtient notre différentiel diM . Par construction on a


di−1 i i+1
M ′ ◦ σ ◦ dM ′′ = σ
i−1
◦ diM ′′ ◦ di+1
M ′′ = 0.
De plus, on peut calculer pour tout (x, y) ∈ PM
i
:
di−1 i i−1 i i i i
M ◦ dM (x, y) = dM (dM ′ (x) + (−1) · σ (y), dM ′′ (y))

= (di−1 i i i
M ′ (dM ′ (x) + (−1) · σ (y)) + (−1)
i−1
· σ i−1 (diM ′′ (y)), 0)
= ((−1)i · di−1 i
M ′ ◦ σ (y) + (−1)
i−1
· σ i−1 ◦ diM ′′ (y), 0)
= 0.
ε
Cela achève la construction de PM •
. Il reste à vérifier que PM

→ M est une
M
−−
résolution de M . Pour cela, on remarque que f et g définissent une suite exacte
• •

′ → PM → PM ′′ → 0. On en déduit une suite exacte longue d’homologie


• • •
0 → PM
· · · → H i (PM
• i • i •
′ ) → H (PM ) → H (PM ′′ ) → · · ·

(voir le paragraphe 3.5.1). Mais par hypothèse H i (PM



′ ) = 0 = H (PM ′′ ) pour tout
i •

i > 0, d’où H (PM ) = 0 pour tout i > 0. En dernier lieu, pour i = 0, le diagramme
i •

commutatif de résolutions (∗) induit un diagramme commutatif de A-modules


H 1 (PM

′′ )
/ H 0 (P • ′ )
M
/ H 0 (P • )
M
/ H 0 (P • ′′ )
M
/ H −1 (P • ′ )
M

    
0 / M′ /M / M ′′ /0
à lignes horizontales exactes, et dont les flèches verticales, sauf éventuellement la
flèche centrale, sont des isomorphismes ; mais dans ce cas, l’exercice 3.54 nous dit
que la flèche centrale est aussi un isomorphisme, et la preuve est achevée. 
ε ′
Exercice 7.54. Montrer la version “à droite” de la proposition 7.53 : si M ′ −− M

′′ εM ′′
(I• , d• ) et M −−−→ (I• , d• ) sont deux résolutions injectives à droite, il existe une
′ ′ ′′ ′′
εM
résolution injective à droite M −− → (I• , d• ) avec In = In′ ⊕ In′′ pour tout n ∈ N, et
un diagramme commutatif de résolutions :
f g
0 / M′ /M / M ′′ /0
εM ′ εM εM ′′
 f•  g•

0 / I•′ / I• / I•′′ /0

tel que f• et g• sont respectivement les inclusions et projections canoniques.


La prochaine étape consiste à vérifier que la construction de la proposition 7.53
est compatible aux morphismes de suites exactes courtes ; pour cela on a :
Proposition 7.55. Soit A un anneau, et on considère un diagramme commutatif
f1• g1•
0 / P• ′ / P• / P • ′′ /0
M M M

εM ′ εM εM ′′
 f1  g1

0 / M′ /M / M ′′ /0
(∗) h′• h′ h h′′ h′′•
 f2  g2

0 / N′ /N / N ′′ /0
O O O
εN ′ εN εN ′′
' f2• g2• x
0 / P•′ / P• / P • ′′ /0
N N N
334 æ Balance

tel que :
— la deuxième et la troisième des lignes horizontales sont des suites exactes
courtes de A-modules, et la première et la quatrième sont des suites exactes
courtes de complexes de A-modules
— les données
• • • • • •
(PM , εM ) , (PM ′ , εM ′ ) , (PM ′′ , εM ′′ ) , (PN , εN ) , (PN ′ , εN ′ ) , (PN ′′ , εN ′′ )

sont des résolutions projectives


— h′• et h′′• sont des morphismes de complexes tels que
εN ′ ◦ h′0 = h′ ◦ εM ′ et εN ′′ ◦ h′′0 = h′′ ◦ εM ′′ .
Alors il existe un morphisme de complexes h• : PM

→ PN• tel que
(∗∗) ε N ◦ h0 = h ◦ ε M
et qui fait commuter le diagramme de complexes
f1• g1•
0 / P• ′ / P• / P • ′′ /0
M M M

(∗ ∗ ∗) h′• h• h′′•
 f2•  g2• 
0 / P•′ / P• / P • ′′ / 0.
N N N

Démonstration. Comme PM i
′ et PM ′′ sont des A-modules projectifs, on peut suppo-
i

ser que PM = PM ′ ⊕ PM ′′ pour tout i ∈ N, et f1i , g1i sont respectivement l’inclusion


i i i

canonique et la projection canonique, et pareil pour PN• et les morphismes f2• , g2• .
Soient aussi d•M ′ , d•M , d•M ′′ les différentiels des complexes PM•
′ , PM et PM ′′ , et pareil
• •

pour dN ′ , dN , dN ′′ , et noter que l’on peut décomposer les applications


• • •

i−1 i−1
diM : PM
i i
′ ⊕ PM ′′ → P
M ′ ⊕ PM ′′
diN : PNi ′ ⊕ PNi ′′ → PNi−1
′ ⊕ PNi−1
′′

comme matrices en blocs


 i   i 
i dM ′ σi dN ′ τi
dM = diN = ∀i > 0
0 diM ′′ 0 diN ′′
et les conditions di−1 i−1
M ◦ dM = 0 et dN ◦ dN = 0 se traduisent par les identités
i i

di−1 i
M′ ◦ σ + σ
i−1
◦ diM ′′ = 0 di−1 i
N′ ◦ τ + τ
i−1
◦ diN ′′ = 0 ∀i > 1.
De même, il existe des homomorphismes β : → M et γ : → N tels que
0
PM ′′ PN0 ′′
′ ⊕ PM ′′ → M et εN : PN ′ ⊕ PN ′′ → N se décomposent de façon analogue :
0 0 0 0
εM : PM
 
εM = f1 ◦ εM ′ β εN = f2 ◦ εN ′ γ avec g1 ◦ β = εM ′′ g2 ◦ γ = εN ′′
et les conditions εM ◦ d1M = 0 et εN ◦ d1N = 0 se traduisent par les identités
f1 ◦ εM ′ ◦ σ 1 + β ◦ d1M ′′ = 0 f2 ◦ εN ′ ◦ τ 1 + γ ◦ d1N ′′ = 0.
On va construire les applications hi : PM
i
′ ⊕ PM ′′ → PN ′ ⊕ PN ′′ par récurrence sur
i i i

i ∈ N, comme des matrices en blocs de la forme


 ′i 
h αi
.
0 h′′i
Noter qu’avec un morphisme h• de cette forme, le diagramme (∗ ∗ ∗) est surement
commutatif. Il reste donc à exhiber les homomorphismes αi : PM
i
′′ → PN ′ tels que
i

la condition (∗∗) soit vérifiée, et tels que


(†) hi−1 ◦ diM = diN ◦ hi ∀i > 0.
Avec la notation ci-dessus, la condition (∗∗) devient l’identité de matrices en blocs
 
f2 ◦ εN ′ ◦ h′0 f2 ◦ εN ′ ◦ α0 + γ ◦ h′′0 = h ◦ f1 ◦ εM ′ h ◦ β .
§ 7.5: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 335

Donc, il faut trouver une solution α0 de l’équation


f2 ◦ εN ′ ◦ α0 = h ◦ β − γ ◦ h′′0 .
Pour cela on remarque que
g2 ◦ (h ◦ β − γ ◦ h′′0 ) = h′′ ◦ g1 ◦ β − εN ′′ ◦ h′′0 = h′′ ◦ εM ′′ − h′′ ◦ εM ′′ = 0.
Comme la troisième ligne du diagramme (∗) est exacte, il s’ensuit qu’il existe une
application A-linéaire δ : PM 0
′′ → N telle que f2 ◦ δ = h ◦ β − γ ◦ h
′ ′′0
. Comme PM 0
′′

est projectif, et comme εN ′ est une application surjective, on peut rélever δ à une
application α0 qui est la solution souhaitée.
De même, la condition (†) se traduit par l’identité de matrices en blocs
 ′i−1   i 
h ◦ diM ′ h′i−1 ◦ σ i + αi−1 ◦ diM ′′ dN ′ ◦ h′i diN ′ ◦ αi + τ i ◦ h′′i
= .
0 h′′i−1 ◦ diM ′′ 0 diN ′′ ◦ h′′i
Il faut donc trouver, par récurrence sur i, une solution αi de l’équation
diN ′ ◦ αi = δ i := h′i−1 ◦ σ i + αi−1 ◦ diM ′′ − τ i ◦ h′′i .
Soit i > 0, et on suppose que αi−1 ait déjà été déterminée. Si i > 1, on note que
di−1 i
N′ ◦ δ = h
′i−2
◦ di−1 i
M′ ◦ σ + δ
i−1
◦ diM ′′ + τ i−1 ◦ diN ′′ ◦ h′′i
= −h′i−2 ◦ σ i−1 ◦ diM ′′ + δ i−1 ◦ diM ′′ + τ i−1 ◦ h′′i−1 ◦ diM ′′
= (δ i−1 − h′i−2 ◦ σ i−1 + τ i−1 ◦ h′′i−1 ) ◦ diM ′′
= 0.
Si i = 1, on calcule :
f2 ◦ εN ′ ◦ δ 1 = f2 ◦ h′ ◦ εM ′ ◦ σ 1 + (h ◦ β − γ ◦ h′′0 ) ◦ d1M ′′ + γ ◦ d1N ′′ ◦ h′′1
= h ◦ f1 ◦ εM ′ ◦ σ 1 + (h ◦ β − γ ◦ h′′0 ) ◦ d1M ′′ + γ ◦ h′′0 ◦ d1M ′
= −h ◦ β ◦ d1M ′′ + h ◦ β ◦ d1M ′′
= 0.
Dans les deux cas, on conclut que Im δ i ⊂ Im diN ′ ; comme PM i
′ est projectif, il

s’ensuit que δ se réléve à une application α qui fournit la solution cherchée.


i i


Exercice 7.56. Enoncer et démontrer la version “à droite” de la proposition 7.55.


Remarque 7.57. (i) Soient maintenant A, B deux anneaux, F : A−Mod → B −Mod
un foncteur additif, et rappelons que F commute avec les sommes directes finies
(remarque 4.51(ii)) ; si on revient à la situation de la proposition 7.53, on déduit
que la suite induite de complexes
• F (f • )
• • F (g• )
0 → F (PM ′) −
−−−→ F (PM ) −−−−→ F (PM ′′ ) → 0

est encore exacte courte. Or, soit P le système de choix de résolutions que l’on
a fixé pour construire le foncteurs dérivés de F ; si (PM •
′ , εM ′ ) et (PM ′′ , εM ′′ ) sont

dans P, l’homologie de F (PM ′ ) et F (PM ′′ ) calcule LP F (M ) et LP F (M ′′ ) ; mais


• • • ′ •

en général, on ne peut pas assurer que l’on ait (PM •


, εM ) ∈ P. Donc, soit P ′ le
système de choix qui diffère par P seulement car il contient (PM •
, εM ) au lieu de la
résolution choisie pour M dans P ; on obtient une suite exacte longue d’homologie
Li ′ F (f ) Li ′ F (g) ∂i ′
· · · → LiP ′ F (M ′ ) −−P
−−−−→ LiP ′ F (M ) −−P
−−−−→ LiP ′ F (M ′′ ) −−
P
→ Li−1 ′
P ′ F (M ) → · · ·

suivant le paragraphe 3.5.1. Comme les foncteurs LiP F et LiP ′ F sont canonique-
ment isomorphes, cette suite est isomorphe à une suite correspondante dont les
336 æ Balance

termes sont les foncteurs dérivés construits par le système de choix P fixé originel-
lement, avec l’homomorphisme ∂P i
′ remplacé par

i−1 ′ i i ′′
ωP ′ ,P (M ) ◦ ∂P ′ ◦ ωP,P ′ (M )

i−1
où ωP,P
i
′ et ωP ′ ,P sont les isomorphismes de foncteurs fournis par le théorème

7.48. A première vue, ce nouveau homomorphisme dépend à la fois de P et de P ′


(i.e. de P et du choix auxiliaire pour (PM •
, εM )) ; en fait on peut montrer qu’il
ne dépend que de P : pour cela, supposons que (Q•M , ε′M ) soit un autre choix
de résolution pour M qui donne aussi lieu à un diagramme commutatif comme le
diagramme (∗) de la proposition 7.53, mais avec PM •
et εM remplacés par Q•M et
εM ; on applique alors la proposition 7.55 avec :

— N ′ := M ′ , N := M , N ′′ := M ′′
— h := IdM , h′ := IdM ′ et h′′ := IdM ′′
— PN• ′ := PM •
′ , PN := QM , PN ′′ := PM ′′ et avec εN := εM .
• • • • ′

Soit aussi P le système de choix de résolutions obtenu de P après remplacement


′′

de (PM •
, εM ) par (Q•M , ε′M ). Grâce au diagramme (∗ ∗ ∗) de la proposition et à la
remarque 3.58, on déduit un diagramme de A-modules :
i
∂P ′
i ′′ Li ′ F (M ′′ ) / Li−1′ F (M ′ ) i−1 ′
ωP,P ′ (M )
❥❥❥4 P P ❚❚ω❚P❚′ ,P (M )
❥❥❥ ❚❚*
LiP F (M ′′ ) P ,P
ωi ′ ′′ (M
′′
) i−1
ωP ′
′ ,P ′′ (M ) LiP F (M ′ )
❚❚❚❚ ❥ ❥ ❥4
i ′′
❚❚*  i
∂P
 ❥❥❥i−1 ′
ωP,P ′′ (M )
LiP ′′ F (M ′′ )
′′
/ Li−1′′ F (M ′ ) ωP′′ ,P (M )
P

dont le carré au milieu est commutatif ; mais aussi les deux triangles à droite et à
gauche commutent, par la partie (iv) du théorème 7.48, d’où l’assertion.
(ii) De plus, cette suite est naturelle pour morphismes de suites exactes courtes :
à savoir, dans la situation de la proposition 7.55, le morphisme de suites exactes
courtes de A-modules qui occupe la deuxième et troisième ligne du diagramme (∗)
induit, grâce au diagramme (∗ ∗ ∗), un morphisme de suites exactes longues (où on
peut maintenant à nouveau omettre toute mention du système de choix P)
Li F (f1 ) Li F (g1 ) ∂i
· · · → Li F (M ′ ) / Li F (M ) / Li F (M ′′ ) / Li−1 F (M ′ ) → · · ·

Li F (h′ ) Li F (h) Li F (h′′ ) Li−1 F (h′ )


 Li F (f2 )
 Li F (g2 )
 
∂i
· · · → Li F (N ′ ) / Li F (N ) / Li F (N ′′ ) / Li−1 F (N ′ ) → · · ·

(iii) Soit G : A − Mod → B − Mod un autre foncteur additif, et η : F → G


une transformation naturelle. Dans la situation de la proposition 7.53, il vient un
diagramme commutatif de complexes de B-modules, à lignes horizontales exactes :
F f• F g•
0 / FP• ′ / FP• / F P • ′′ /0
M M M
ηP • ηP • ηP •
M′ M M ′′
 Gf •  Gg• 
0 / GP • ′ / GP • / GP • ′′ / 0.
M M M

Compte tenu de la remarque 3.58, l’on déduit un diagramme commutatif


∂i
Li F M ′′ / Li−1 F M ′

(Li η)M ′′ (Li−1 η)M ′ ∀i > 0.


 i


Li GM ′′ / Li−1 GM ′ .
§ 7.5: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 337

Exemple 7.58. Si on prend pour F le foncteur M ⊗A − (avec M un A-module


fixé), toute suite exacte courte 0 → N ′ → N → N ′′ → 0 induit une suite exacte
longue de foncteurs TorAi (M, −) (voir l’exercice 7.50), dont le début est :

· · · → TorA A ′′ ′ ′′
1 (M, N ) → Tor1 (M, N ) → M ⊗A N → M ⊗A N → M ⊗A N → 0.

Comme application, on a le critère suivant :


Proposition 7.59. Soit M un A-module. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes :
(a) M est un A-module plat.
(b) TorA
i (M, N ) = 0 pour tout A-module N et tout entier i > 0.
(c) TorA
1 (M, I) = 0 pour tout idéal I ⊂ A de type fini.

Démonstration. (a) ⇒ (b) : Soit donc M un A-module plat ; si P • → N est une


résolution d’un A-module N arbitraire, on sait que le complexe M ⊗A (P • → N )
est encore exact, par la proposition 4.52(iii) ; autrement dit, M ⊗A P • → M ⊗A N
est une résolution de M ⊗A N , d’où (b).
Trivialement on a (b) ⇒ (c). Si la condition (c) est vérifiée, la suite exacte longue
de l’example 7.58 implique que l’application M ⊗A I → M induite par l’inclusion
I → A est injective ; on peut alors invoquer la proposition 4.57 pour déduire (a). 
Remarque 7.60. La discussion précédente s’applique, mutatis mutandis, aussi aux
variantes considérées dans la remarque 7.49(iv,v). Ainsi, si F : (A − Mod)op →
B − Mod est un foncteur additif contravariant, toute suite exacte courte comme
dans la proposition 7.53 induit une suite exacte longue d’homologie
Li F (g) Li F (f ) ∂i
· · · → Li F (M ′′ ) −−−−→ Li F (M ) −−−−→ Li F (M ′ ) −→ Li+1 F (M ′′ ) → · · ·
et si G : A − Mod → B − Mod est un foncteur additif, la même suite exacte courte
induit une suite exacte longue d’homologie pour les foncteurs dérivés à droite :
Ri G(f ) Ri G(g) ∂i
· · · → Ri G(M ′ ) −−−−−→ Ri G(M ) −−−−−→ Ri G(M ′′ ) −→ Ri+1 G(M ′ ) → · · ·
grâce aux exercices 7.54 et 7.56 (et l’on obtient de même des suites exactes longues
associées aux foncteurs dérivés à droite des foncteurs additifs contravariants). De
même, ces suites exactes longues sont compatibles avec toute transformation na-
turelle de foncteurs, et sont naturelles pour morphismes de suites exactes courtes,
comme dans la remarque 7.57(ii,iii).
Exercice 7.61. Soit F : A − Mod → B − Mod un foncteur additif exact à droite
(resp. à gauche). Montrer que F est exact si et seulement si L1 F = 0 (resp. R1 F =
0), et si et seulement si Li F = 0 (resp. Ri F = 0) pour tout i > 0.
Problème 7.62. (Extensions de Yoneda) Soit A un anneau ; pour tout A-modules
M, N on considère l’ensemble des 1-extensions de Yoneda de M par N , noté :
Y on1A (M, N )
f g
dont les éléments sont les suites exactes courtes Σ := (0 → N − →X − → M → 0)
de A-modules, avec X arbitraire. Soit ∼ la relation d’équivalence sur Y on1A (M, N )
telle que Σ ∼ Σ′ si et seulement s’il existe un morphisme de suites exactes courtes
φ• : Σ → Σ′ avec φ0 = IdN : N → N et φ2 = IdM : M → M :
Σ 0 /N /X /M /0
φ• φ1
 
Σ′ 0 /N / X′ /M / 0.
338 æ Balance

On voit aisément (e.g. par le lemme du serpent) que φ1 est alors un isomorphisme.
L’ensemble des classes de 1-extensions de Yoneda de M par N est le quotient
YExt1A (M, N ) := Y on1A (M, N )/ ∼ .
Soit maintenant Σ une suite exacte courte comme ci-dessus, et φ : M ′ → M , ψ :
N → N ′′ deux applications A-linéaires. L’on considère le diagramme commutatif :
f′ g′
φ∗ Σ 0 /N / X′ / M′ /0
π′ φ
 f  g 
() Σ 0 /N /X /M /0
ψ π ′′
  f ′′
 g′′
ψ∗ Σ 0 / N ′′ / X ′′ /M /0

avec X ′ := X ×M M ′ (voir l’exemple 3.4) et X ′′ := Coker(j : N → N ′′ ⊕ X), où


j est l’application telle que n 7→ (ψ(n), −f (n)) pour tout n ∈ N . Les applications
π ′ et g ′ sont les restrictions des projections canoniques X ← X ⊕ M ′ → M ′ , et les
applications π ′′ et f ′′ sont la composition de la projection N ′′ ⊕ X → X ′′ avec les
inclusions canoniques N ′′ → N ′′ ⊕ X ← X. Aussi, f ′ est définie par : n 7→ (f (n), 0)
pour tout n ∈ N , et g ′′ est induite par l’application N ′′ ⊕ X → M : (n′′ , x) 7→ g(x).
(i) Montrer que les lignes horizontales φ∗ Σ et ψ∗ Σ sont des suites exactes courtes.
Montrer aussi que si Σ1 ∼ Σ2 sont deux éléments de Y on1A (M, N ), on a φ∗ Σ1 ∼
φ∗ Σ2 et ψ∗ Σ1 ∼ ψ∗ Σ2 . On a ainsi associé à φ et ψ des applications
ψ∗ φ∗
YExt1A (M, N ′′ ) ←−− YExt1A (M, N ) −→ YExt1A (M ′ , N ).
(ii) Montrer la commutativité du diagramme :
φ∗
YExt1A (M, N ) / YExt1A (M ′ , N )

ψ∗ ψ∗
 ∗ 
φ
YExt1A (M, N ′′ ) / YExt1A (M ′ , N ′′ ).

(iii) Soient φ′ : M ′′ → M ′ et ψ ′ : N ′′ → N ′ deux autres applications A-linéaires.


Montrer que :
φ′∗ ◦ φ∗ = (φ ◦ φ′ )∗ et ψ∗′ ◦ ψ∗ = (ψ ′ ◦ ψ)∗ .
(iv) La suite exacte courte Σ induit une suite exacte longue d’homologie pour les
foncteurs ExtiA (M, −), et en particulier on a la suite exacte :
g∗ ∂0
(∗) HomA (M, X) −→ HomA (M, M ) −→ Ext1A (M, N ).
On pose cM,N (Σ) := ∂ 0 (IdM ). Montrer que cM,N (Σ) dépend seulement de la classe
[Σ] de Σ dans YExt1A (M, N ). On a ainsi une application
cM,N : YExt1A (M, N ) → Ext1A (M, N ).
Montrer aussi que cM,N est surjective, et que cM,N (Σ) = 0 si et seulement si Σ est
scindée, i.e. s’il existe une application A-linéaire s : M → S telle que g ◦ s = IdM .
(v) Montrer que le diagramme :
ψ∗ φ∗
YExt1A (M, N ′′ ) o YExt1A (M, N ) / YExt1A (M ′ , N )

(∗∗) cM,N ′′ cM,N cM ′ ,N


 Ext1A (M,ψ)
 Ext1A (φ,N )

Ext1A (M, N ′′ ) o Ext1A (M, N ) / Ext1A (M ′ , N )
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 339

commute (notation de la remarque 7.52(i)).


(vi) Soient Σ1 , Σ2 deux éléments de Y on1A (M, N ) ; la somme directe de complexes
Σ1 ⊕ Σ2 est un élément de Y on1A (M ⊕ M, N ⊕ N ), et l’on voit aisément que sa
classe [Σ1 ⊕ Σ2 ] dans YExt1A (M ⊕ M, N ⊕ N ) ne dépend que des classes [Σ1 ], [Σ2 ] ∈
YExt1A (M, N ). Soient aussi s : N ⊕ N → N l’application telle que (n, n′ ) 7→ n + n′
et ∆ : M → M ⊕ M l’application telle que m 7→ (m, m) ; on pose
[Σ1 ] + [Σ2 ] := s∗ ◦ ∆∗ [Σ1 ⊕ Σ2 ].
Montrer que la loi de composition ainsi obtenue sur YExt1A (M, N ) est associative.
(vii) Soient φ1 , φ2 : M ′ → M deux applications A-linéaires ; montrer que
φ∗1 [Σ] + φ∗2 [Σ] = (φ1 + φ2 )∗ [Σ] ∀[Σ] ∈ YExt1A (M, N ).
(viii) Déduire de (vii) que YExt1A (M, N ) est un groupe avec la loi de composition
de (vi), et cM,N est un isomorphisme de groupes, pour tout couple de A-modules
M, N . En particulier, YExt1A (M, N ) est un groupe abélien, et les opérations φ∗ et
ψ∗ de (i) sont des morphismes de groupes.
Remarque 7.63. L’interprétation des foncteurs Ext1A (−, −) en terme d’extensions
de Yoneda expliqué ci-dessus se généralise en tout degré n ∈ N : l’on obtient ainsi un
isomorphisme naturel entre ExtnA (M, N ) et un groupe de classes de n-extensions
de Yoneda de M par N , ces dernières étant représentées par les suites exactes
0 → N → X1 → · · · → Xn → M → 0 de longueur n + 2 : voir [20, Ch.III].
Exercice 7.64. Soit G un groupe abélien de type fini. Montrer que G est libre si
et seulement si Ext1Z (G, Z) = 0.
Remarque 7.65. Autour 1950, J.H.C.Whitehead avait conjecturé que l’exercice 7.64
reste valable sans hypothèse de finitude sur G. Cependant, le logicien S.Shelah a
apporté en 1974 une reponse assez étonnante à cette question : la validité de la
conjecture dépend de la théorie des ensembles dans laquelle on la formule. Elle
est indécidable à l’intérieur du système axiomatique le plus courant, la théorie
ZFC (Zermelo-Fraenkel avec axiome du choix), mais dévient vraie dans certaines
extensions bien connues de ZFC, et fausse en d’autres systèmes encore : voir [26].
L’application suivante de la dualité de Pontryagin est empruntée à l’article [12]
de L.Gruson et M.Raynaud.
φ ψ
Problème 7.66. (i) Soit Σ := (0 → M1 − → M2 − → M3 → 0) un complexe de A-
modules. On dit que Σ est une suite universellement exacte si le complexe N ⊗A Σ
est exact pour tout A-module N . Montrer l’équivalence des conditions suivantes :
(a) Σ est une suite universellemente exacte.
(b) M1∗ ⊗A φ est une application injective (notation du paragraphe 5.1.2).
ψ∗ φ∗
(c) La suite Σ∗ := (0 → M3∗ −−→ M2∗ −→ M1∗ → 0) est scindée.
(d) La suite Σ∗ est universellement exacte.
(e) Pour tout A-module de présentation finie N , l’application HomA (N, ψ) :
HomA (N, M2 ) → HomA (N, M3 ) est surjective.
(f) Σ est isomorphe à la limite directe d’un système filtré de suites exactes courtes
scindées de A-modules.
(ii) Soit Σ comme dans (i). Montrer les assertions suivantes :
(a) Si M3 est un A-module plat, Σ est une suite universellement exacte.
(b) Si M2 est un A-module plat et Σ est universellement exacte, M3 est un A-
module plat.
340 æ Balance

7.6. Solutions aux exercices et problèmes.


Exercice 7.8, partie (i) : Soit p ∈ AssA (M ⊗A N ), et x1 , . . . , xn un système fini
de générateurs de p. On a p = rad(AnnA (m)) pour quelque m ∈ M ⊗A N (remarque
7.2(i)), donc il existe k ∈ N tel que xki m = 0 dans M ⊗A N pour i = 1, . . . , n. D’après
le théorème 4.65 de Lazard, M est la limite inductive d’un système filtré (Lλ | λ ∈ Λ)
de A-modules libres de rang fini ; notons (jλ : Lλ → M | λ ∈ Λ) le co-cône universel
correspondant, et rappelons que le co-cône induit (jλ ⊗A N : Lλ ⊗A N → M ⊗A N ) est
encore universel (proposition 3.25(ii)). On trouve alors λ ∈ Λ et mλ ∈ Lλ ⊗A N tel
que (jλ ⊗A N )(mλ ) = m. Pour λ′ ≥ λ, soit aussi fλλ′ : Lλ → Lλ′ l’homomorphisme
de transition, et posons mλ′ := (fλλ′ ⊗A N )(mλ ) ; comme (jλ ⊗A N )(xki mλ ) = 0,
il existe λ′ ≥ λ tel que xki mλ′ = (fλλ′ ⊗A N )(xki mλ ) = 0 pour tout i = 1, . . . , n.
En particulier, p ⊂ rad(AnnA (mλ′ )) ; de l’autre côté, on a rad(AnnA (mλ′ )) ⊂
rad(AnnA (jλ′ ⊗A N )(mλ′ )) = rad(AnnA (m)) = p, d’où V (p) = SuppA (mλ′ ). Cela
montre que p ∈ AssA (Lλ′ ⊗A N ) ; mais AssA (Lλ′ ⊗A N ) = AssA N , par le lemme 7.4.
De l’autre côté, AssA (M ⊗A N ) ⊂ SuppA (M ⊗A N ) ⊂ SuppA M , d’où l’assertion.
Partie (ii) : Soit H := HomA (M, N ) ; on a a Hp ≃ HomAp (Mp , Np ) pour tout p ∈
Spec A, d’après l’exercice 5.13(ii), d’où AssA H ⊂ SuppA H ⊂ SuppA M . Ensuite,
soit x1 , . . . , xn un système de générateurs du A-module M , et φ ∈ H dont le
support
Sn est V (p) pour un idéal premier p ; l’on voit aisément que SuppA (φ) =
i=1 Supp A (φ(xi )), et comme V (p) est irréductible, il vient V (p) = SuppA (φ(xi ))
pour quelque i ≤ n, d’où p ∈ AssA N . Cela montre que AssA H ⊂ AssA N .
Pour la réciproque, soit p ∈ (SuppA M ) ∩ AssA N ; grâce à la proposition 7.6,
il suffit de montrer que pAp ∈ AssAp Hp = AssA HomAp (Mp , Np ), et on a pAp ∈
(SuppAp Mp ) ∩ AssAp Np . On peut donc supposer que (A, p) soit local. Dans ce cas,
par le corollaire 7.9(ii) on trouve x ∈ N tel que AnnA (x) = p, donc Ax ⊂ N est un
k(p)-espace vectoriel non nul. D’autre part, on a 0 6= M (p) = M/pM (remarque
4.46(ii)) ; il existe alors une application k(p)-linéaire M (p) → Ax non nulle, et sa
composition φ : M → N avec la projection M → M (p) et l’inclusion Ax → N est
une application A-linéaire telle que SuppA (φ) = {p}, d’où l’assertion.

Exercice 7.10, partie (i) : Soit p ∈ AssA M[f ] ; notons fp : Ap → Bp la localisation


de f , et φp := Spec fp . On a pAp ∈ AssAp (Mp )[fp ] et φp (AssBp Mp ) ⊂ φ(AssB M )
(proposition 7.6), donc on peut remplacer f par fp , et supposer que (A, p) soit local.
Soit m ∈ M[f ] avec p = rad(AnnA (m)) ; il vient pB ⊂ rad(AnnB (m)). Soit alors q
un élément minimal de SuppB (m) = V (AnnB (m)) ⊂ V (pB) ; comme pB ⊂ q, l’on
a φ(q) = p, et de l’autre côté q ∈ AssB (Bm) ⊂ AssB M , par le corollaire 7.9(iv).
Réciproquement, soit q ∈ AssB M ; d’après le corollaire 7.9(ii) il existe m ∈ M avec
q = AnnB (m), d’où φ(q) = AnnA (m) et donc φ(q) ∈ AssA M[f ] .
Partie (ii) : On a φ(AssB (B⊗A N )) = AssA (B⊗A N )[f ] grâce à (i), et AssA (B⊗A
N )[f ] ⊂ AssA N , d’après l’exercice 7.8(i).

Problème 7.12, partie (i) : Par le critère de Baer, il suffit de montrer que pour
tout idéal J ⊂ A, l’inclusion j : J → A induit une application surjective

(S −1 j)∗ : HomS −1 A (S −1 A, M ) → HomS −1 A (S −1 J, M ).

Or, d’un côté J est un A-module de présentation finie, car A est noethérien (exercice
6.72(i.a)), et de l’autre côté, S −1 A est une A-algèbre plate ; au vu de l’exercice
5.13(ii), l’application (S −1 j)∗ est alors naturellement identifiée avec S −1 A ⊗A j ∗ ,
où j ∗ : HomA (A, M ) → HomA (J, M ) est l’application analogue. Cette dernière est
surjective, car M est injectif, d’où l’assertion.
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 341

Partie (ii) : Il suffit de montrer que pour tout x ∈ N il existe a ∈ A tel que
ax/1 ∈ S −1 M \ {0}. Pour cela, posons Ja := AnnA (ax) pour tout a ∈ A, et soit
F := {Ja | a ∈ A et ax/1 6= 0 dans S −1 N }.
Comme A est noethérien, on peut choisir b ∈ A tel que Jb soit maximal parmi
les éléments de F , et posons I := AnnA (Abx/(M ∩ Abx)). Noter que l’inclusion
Jb ⊂ I est stricte, car N est une extension essentielle de M ; donc, on a I =
Jb + Aa1 + · · · + Aak pour un système fini d’éléments a1 , . . . , ak ∈ I \ Jb . Par
construction on a ai bx ∈ M \{0} pour tout i = 1, . . . , k. Or, supposons par l’absurde
que ai bx/1 = 0 dans S −1 M pour tout i = 1, . . . , k ; il existe alors t1 , . . . , tk ∈ S
avec a1 t1 bx = · · · = ak tk bx = 0 dans M . Soit t := t1 · · · tk ; il vient tbx/1 6= 0 dans
S −1 N , et I ⊂ AnnA (tbx), ce qui contredit la maximalité de Jb .
Partie (iii) : L’assertion suit aussitôt de (i) et (ii).
Partie (iv) : Soit q ∈ AssA EA (p) ; d’après le corollaire 7.9(ii) il existe x ∈ EA (p)
tel que q = AnnA (x). On a M := φ−1 (p) (Ax) 6= 0 et il vient AnnA (y) = q pour tout
y ∈ M \ {0} ; mais évidemment on a aussi AnnA (y) = p pour un tel y, d’où q = p.
Partie (v) : Soient E1 , E2 ⊂ EA (p) des sous-A-modules tels que EA (p) = E1 ⊕E2 ,
et pour i = 1, 2 notons par πi : A/p → Ei la composition de φ(p) avec la projection
EA (p) → Ei . On a 0 = Ker φ(p) = (Ker π1 )∩(Ker π2 ), d’où aussi (Ker π1 )·(Ker π2 ) =
0. Mais comme A/p est intègre, cela veut dire que soit Ker π1 = 0, soit Ker π2 = 0.
Disons que 0 = Ker π1 = φ−1 (p) (E2 ) ; comme EA (p) est une extension essentielle de
A/p, il vient E2 = 0, d’où l’assertion.
Partie (vi) : Soit E 6= 0 un A-module injectif, et p ∈ AssA E ; on trouve alors

x ∈ E avec AnnA (x) = p (corollaire 7.9(ii)), d’où un isomorphisme ψ : Ax → A/p
de A-modules. La composition ω := φ(p) ◦ ψ : Ax → EA (p) est une enveloppe
injective de Ax, donc l’inclusion j : Ax → E se factorise à travers ω et une injection
A-linéaire ν : EA (p) → E (proposition 5.21(ii)). De même, IdEA (p) se factorise à
travers ν et une application A-linéaire µ : E → EA (p), car EA (p) est injectif ; il
vient E = Im(ν) ⊕ Ker(µ), et si E est indécomposable, on doit avoir E = Im(ν) et
Ker µ = 0 ; i.e. ν est un isomorphisme. L’unicité de p découle aussitôt de (iv).
Partie (vii) : Soit µa : EA (p) → EA (p) l’application A-linéaire : x 7→ ax. Evi-
demment φ−1 (p) (Ker µa ) = 0, car la classe ā ∈ A/p de a est non nulle, et A/p est
intègre. Comme EA (p) est une extension essentielle de A/p, il vient Ker µa = 0.
Donc N := Im(µa ) est un A-module isomorphe à EA (p), et il est en particulier
injectif ; en raisonnant comme dans la preuve de (vi), l’on déduit que N est un
facteur direct de EA (p) ; mais ce dernier est indécomposable, d’où N = EA (p).
Partie (viii) : L’assertion suit aussitôt de (iii) et de la proposition 5.21(iii).
Partie (ix) : Pour tout A-module injectif E 6= 0, soit E (E) l’ensemble des sous-
modules injectifs indécomposables de E ; la preuve de (vi) montre que E (E) 6= ∅.
Pour toute partie E ′ ⊂ E (E), on considère l’unique application A-linéaire
M
jE ′ : E′ → E
E ′ ∈E ′

dont la restriction à E ′ coïncide avec l’inclusion E ′ → E, pour tout E ′ ∈ E ′ . Soit


aussi F la famille des parties E ′ ⊂ E (E) telles que jE ′ est injective, et on munit F
de l’ordre partiel induit par inclusion de parties de E (E). Or,Ssi (Eλ′ | λ ∈ Λ) est une
chaïne totalement ordonnée d’éléments de FL , posons E ′ := λ∈Λ Eλ′ ; évidemment
jEλ′ est la restriction de jE ′ au sous-module E ′ ∈E ′ E ′ , pour tout λ ∈ Λ. Comme
λ
chaque jEλ′ est injectif par hypothèse, il s’ensuit qu’il en est de même pour jE ′ , i.e.
E ′ ∈ F . Par le lemme de Zorn, F admet L alors un élément maximal M . D’après
l’exercice 6.72(ii), le A-module EM := E ′ ∈M E ′ est injectif ; en raisonnant comme
dans la preuve de (vi), l’on déduit aisément que jM (EM ) est un facteur direct de
342 æ Balance


E, donc jM se prolonge en un isomorphisme de A-modules EM ⊕ F → E, pour un
sous-A-module F de E qui est injectif à son tour (remarque 5.15(ii)). Mais si F 6= 0,
on a E (F ) 6= ∅, et évidemment M ∪ {F ′ } ∈ F si F ′ ∈ E (F ), ce qui contredit la
maximalité de M . Donc F = 0, et jM est l’isomorphisme souhaité.
Partie (x) : D’abord, montrons que AssA I(p) = {p} si Λp 6= ∅. En effet, soit
V (q) = V (AnnA (x)) pour quelque x ∈ I(p) et q ∈ Spec A ; il existe une partie finie
′ ′
non vide Λ′ ⊂ Λp telle que x ∈ EA (p)(Λ ) ⊂ I(p), et donc q ∈ AssA (EA (p)(Λ ) ) =
{p}, d’après (iv) et le lemme 7.4, d’où l’assertion. Ensuite, soit N ⊂ M un sous-
module avec AssA N = {p} ; comme ω(I(p)) est un facteur direct de M , il existe un
sous-module N ′ ⊂ N tel que N ′′ := N + ω(I(p)) = N ′ ⊕ ω(I(p)), d’où AssA N ′′ =
AssA N ′ ∪ AssA I(p) = {p}. Donc, le système F des sous-modules N S ⊂ M tels
que AssA N = {p} est filtré par inclusion, et le sous-module Q := N ∈F N est
l’uniqueL élément maximal de F . De plus, Q = ω(I(p) ⊕ Q′ ) pour un sous-module
Q ⊂ q∈Spec A\{p} I(q). Si Q 6= 0, on doit alors avoir AssA Q′ = {p} (corollaire
′ ′

7.9(i)) ; soit donc y ∈ Q′ tel que V (AnnA (y)) = V (p) ; il existe une partie finie
Σ ⊂ Spec A \ {p} et pour tout q ∈ Σ une partie finie non vide Λ′q ⊂ Λq tels que y ∈
L ′
Q′′ := q∈Σ EA (q)(Λq ) . Mais par ce qui précède on a AssA Q′′ = Σ, contradiction.
Cela montre que l’on a bien Q = ω(I(p)), et que AssA M = {p ∈ Spec A | Λp 6= ∅}.
Partie (xi) : Soit q ∈ Spec A ; si q 6⊂ p, on a AssAp EA (q)p = (Spec Ap ) ∩
AssA EA (q) = ∅, d’après (iv) et la proposition 7.6, d’où I(q)p = 0 (corollaire
7.9(i)). D’autre part, si q ⊂ p, on a I(q)p = I(q) = EAp (qAp )(Λq ) , d’après (vii) et
(viii). On peut alors remplacer A et M respectivement par Ap et Mp , et sup-
poser que (A, p) soit local ; en particulier k(p) est un A-module cyclique, d’où
AssA HomA (k(p), EA (q)) = {p}∩AssA EA (q) = ∅ si q 6= p. Au vu du corollaire 7.9(i)
et l’exercice 4.9, il s’ensuit que HomA (k(p), I(q)) = HomA (k(p), EA (q))(Λq ) = 0
pour q 6= p, et donc HomA (k(p), M ) ≃ HomA (k(p), EA (p))(Λp ) . On est donc ramené
à vérifier que HomA (k(p), EA (p)) est un k(p)-espace vectoriel de dimension 1 ; mais
ce dernier est naturellement identifié au sous-module F := {x ∈ EA (p) | p · x = 0}.
Soient par l’absurde x, y ∈ F deux éléments k(p)-linéairement indépendants ; il vient
−1
Ax ∩ Ay = 0, et d’autre part φ(p) (Ax), φ−1(p) (Ay) 6= 0, car EA (p) est une extension
essentielle de A/p. Comme A/p est intègre, l’on déduit 0 6= φ−1 −1
(p) (Ax) · φ(p) (Ay) ⊂
φ−1 −1 −1 −1
(p) (Ax) ∩ φ(p) (Ay) = φ(p) (Ax ∩ Ay) = φ(p) (0), contradiction.

Problème 7.21 : Observons d’abord qu’il suffit de montrer que Ni [T ] est pi [T ]-


primaire. En effet, comme A[T ] est un A-module libre, pour tout A-module N on a
N = 0 ⇔ N [T ] = 0, et si N ′ , N ′′ ⊂ N sont deux sous-modules, on a N ′ [T ]∩N ′′ [T ] =
(N ′ ∩ N ′′ )[T ] ; donc, si chaque Ni [T ] est pi [T ]-primaire, on aura la décomposition
primaire non redondante 0 = (N1 ∩ · · · ∩ Nk )[T ] = N1 [T ] ∩ · · · ∩ Nk [T ] de M [T ].
De plus, comme (M/Ni )[T ] ≃ M [T ]/Ni [T ], on est ramené à montrer que si
AssA M = {p} pour quelque p ∈ Spec A, alors AssA[T ] M [T ] = {p[T ]}. Or, soit
φ : Spec A[T ] → Spec A l’application continue induite par l’inclusion A → A[T ] ; si
AssA M = {p}, l’exercice 7.10(ii) nous dit déjà que AssA[T ] M [T ] ⊂ φ−1 (p), et au
vu de la proposition 7.6 l’on déduit :

AssA[T ] M [T ] = (AssA[T ] M [T ]) ∩ Spec A[T ]p = AssA[T ]p M [T ]p = AssAp [T ] Mp [T ].

De même, on a AssAp Mp = {pAp } ; ainsi on peut remplacer A et M par Ap et


Mp , et supposer aussi que (A, p) soit local. Ensuite, soit I := AnnA M ; on a {p} =
SuppA M = V (I) d’après la remarque 4.46(ii) et le corollaire 7.9(iv), donc le radical
de I est p, et A′ := A/I est un anneau local de dimension 0. Evidemment M est un
A′ -module et l’inclusion fermée Spec A′ ⊂ Spec A identifie AssA′ M ′ avec AssA M
(exercice 7.10(i)) ; de même, l’inclusion fermée Spec A′ [T ] = Spec A[T ]/I[T ] ⊂
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 343

Spec A[T ] identifie AssA′ [T ] M ′ [T ] avec AssA[T ] M [T ]. On peut ainsi remplacer A par
A′ , et supposer que p soit l’unique idéal premier de A. D’après le corollaire 7.11,
il existe alors une chaîne finie de sous-modules 0 = M0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂ Mn = M
avec Mi /Mi−1 ≃ A/p pour tout i = 1, . . . , n. Cela induit la chaîne de sous-A[T ]-
modules 0 ⊂ M0 [T ] ⊂ M1 [T ] ⊂ · · · ⊂ Mn [T ] = M [T ], et au vu du corollaire
7.7 on est aisément ramené à vérifier que AssA[T ] (Mi [T ]/Mi−1 [T ]) = {p[T ]} pour
i = 1, . . . , n. Comme Mi [T ]/Mi−1 [T ] ≃ (Mi /Mi−1 )[T ], on peut alors remplacer M
par Mi /Mi−1 , et supposer du départ que M soit un k(p)-espace vectoriel de dimen-
sion finie ; puis, au vu du lemme 7.4, on est ramené au cas où M = k(p). Dans ce
cas, M [T ] = k(p)[T ], et l’inclusion fermée Spec k(p)[T ] ⊂ Spec A[T ] identifie d’un
côté l’idéal premier 0 ⊂ k(p)[T ] avec pA[T ] ⊂ A[T ], et de l’autre côté AssA[T ] k(p)[T ]
avec Assk(p)[T ] k(p)[T ] = {0} encore par l’exercice 7.10(i). Cela achève la preuve.

Exercice 7.22, partie (i) : Supposons que I soit p-primaire, pour un idéal premier
p de A. Cela veut dire que AssA A/I = {p}, et donc rad(AnnA (x)) = p pour tout
élément non nul x ∈ A/I (remarque 7.2(i,ii) et corollaire 7.9(i)). Avec x = 1 on
trouve rad(I) = p, d’où l’assertion.
Partie (ii) : Supposons d’abord que I soit p-primaire, et soient a, b ∈ A tels que
ab ∈ I. Si a ∈ / I, la classe ā de a dans A/I est non nulle, et b ∈ AnnA (ā) ; on
a remarqué dans la preuve de (i) ci-dessus que cela implique b ∈ p, et finalement
bn ∈ I pour quelque n ∈ N.
Réciproquement, supposons que pour tout a, b ∈ A tels que ab ∈ I on ait soit
a ∈ I, soit bn ∈ I pour quelque n ∈ N. Vérifions que p := rad(I) est un idéal
premier : en effet, si xy ∈ p, il existe k ∈ N tel que xk y k ∈ I, donc, soit xk ∈ I,
soit y kn ∈ I pour quelque n ∈ N, i.e. soit x ∈ p, soit y ∈ p. Ensuite, soit x ∈ A
un élément dont la classe x̄ ∈ A/I est non nulle, et soit b ∈ rad(AnnA (x̄)) ; cela
veut dire que x ∈ / I et bn x ∈ I pour quelque n ∈ N, d’où b ∈ p. D’autre part,
comme I ⊂ AnnA (x̄), on voit que p ⊂ rad(AnnA (x̄)). Cela achève de montrer que
AssA A/I = {p}, i.e. I est bien p-primaire.
Partie (iii) : On pose M := A/I, et soit AssA M = {p1 , . . . , pk } ; par le théo-
rème 7.18(i,ii) il existe une suite finie (Ni | i = 1, . . . , k) de sous-modules de M avec
Tk
i=1 Ni = 0, et tels que Ni est pi -primaire pour tout i = 1, . . . , k. Pour chaque
i = 1, . . . , k on a Ni = Ii /I pour un unique idéal Ii ⊂ A, et comme M/Ni = A/Ii ,
on voit que Ii est pi -primaire, et évidemment I = I1 ∩· · ·∩Ik . La propriété d’unicité
des Ij tels que rad(Ij ) est minimal dans AssA M se déduit du corollaire 7.19.

Exercice 7.35, partie (i) : Montrons d’abord que v(1) = 0 : en effet, on a v(1) =
v(1 · 1) = v(1) + v(1), donc soit v(1) = 0, soit v(1) = +∞. Mais si v(1) = +∞, on
aurait v(x) = v(x · 1) = v(x) + ∞ = +∞ pour tout x ∈ K + , ce qui est absurde, car
v est surjective. Ensuite, observons aussi que v(x) = +∞ si et seulement si x = 0 :
en effet, par hypothèse il existe y ∈ K avec v(y) = +∞, d’où v(0) = v(0 · y) =
v(0) + ∞ = +∞, et d’autre part, si x 6= 0 on a 0 = v(x · x−1 ) = v(x) + v(x−1 ), d’où
v(x) 6= +∞. Donc, 0, 1 ∈ K + , et si v(x), v(y) ≥ 0, on voit que v(x + y), v(xy) ≥ 0,
i.e. K + est un sous-anneau de K.
Partie (ii) : Observons que v(x) = 0 si et seulement si v(x−1 ) = 0, donc les
inversibles de K + sont précisément les éléménts x ∈ K tels que v(x) = 0. De
plus, on vérifie aisément que pour tout n ∈ N la partie In := {x ∈ K | v(x) ≥
n} est un idéal de K + . Réciproquement, soit J ⊂ K + un idéal non nul, posons
n := min(v(x) | x ∈ J), et soit x ∈ J avec v(x) = n ; si y ∈ K et v(y) ≥ n, on a
v(x−1 y) ≥ 0, i.e. x−1 y ∈ K + , et donc y ∈ J. Cela montre que tout idéal non nul
de K + est de la forme In pour quelque n ∈ N, et on voit de plus que ces idéaux
sont tous principaux ; en particulier, K + est noethérien. Noter aussi que In = I1n
344 æ Balance

pour tout n ∈ N, donc I1 est l’unique idéal premier non nul de K + , i.e. K + est
local de dimension un. Il reste donc seulement à vérifier que K + est intégralement
clos. Pour cela, soit x ∈ K qui satisfait une identité de la forme
xn + a1 xn−1 + · · · + an = 0 avec a1 , . . . , an ∈ K + .
Il s’ensuit que
n · v(x) ≥ min((n − i) · v(x) + v(ai ) | i = 1, . . . , n) ≥ min((n − i) · v(x) | i = 1, . . . , n).
Soit i ∈ {1, . . . , n} tel que n · v(x) ≥ (n − i)v(x) ; il vient i · v(x) ≥ 0, donc v(x) ≥ 0,
i.e. x ∈ K + , d’où l’assertion.

Exercice 7.40 : Soit I := Aa2 +Ab2 ⊂ A, et J := I +Aab ; on doit vérifier que l’in-
clusion I → J est surjective, et d’après la proposition 4.43 il suffit de montrer que
Ip = Jp , i.e. que Ap ab ⊂ Ap a2 +Ap b2 pour tout p ∈ Max A. Soit vp : K → Z∪{+∞}
la valuation de Ap ; cela revient à montrer que vp (ab) ≥ µ := min(vp (a2 ), vp (b2 ))
pour tout p ∈ Max A. Disons que vp (a) ≥ vp (b) ; il vient vp (ab) = vp (a) + vp (b) et
µ = 2vp (b), d’où l’assertion.

Exercice 7.41 : L’extension finie Q ⊂ K est trivialement séparable, car Q est


un corps de caractéristique nulle, donc le problème 6.86(iii) nous dit que OK est
un anneau noethérien. De plus, OK est une extension entière de Z, donc il est de
dimension 1 (corollaire 6.18), d’où l’assertion.

Problème 7.42, partie (i) : Soient m1 , . . . , mk les idéaux maximaux de A ; on pose


Tk
J := i=1 m2i , B := A/J et mi := mi /J pour i = 1, . . . , k. Evidemment J 6= 0, donc
dim B = 0, i.e. B est un anneau artinien et ses idéaux maximaux sont m1 , . . . , mk .
Par le théorème 7.26, l’anneau B est le produit des localisations
Bi := Bmi = Ami /Jmi = A/m2i
et on dénote πi : B → Bi la projection. Pour chaque i = 1, . . . , k, choisissons xi ∈ B
tel que πj (xi ) = 1 pour tout j 6= i, et πi (xi ) ∈ mSi Bi \ {0} ; soit aussi xi ∈ A un
représentant de la classe xi . Evidemment xi ∈ / j6=i mj ; de plus, xi ∈ mi \ m2i .
Grâce au corollaire 7.39, on déduit aisément que Axi = mi pour i = 1, . . . , k. En
particulier, tout idéal maximal de A est principal, et donc tout idéal de A est
principal, encore par le corollaire 7.39.
Partie (ii) : Soit x ∈ I \ {0}, et notons J := Ax ; évidemment il suffit de
montrer que l’idéal IQ:= I/J de B := A/J Q est principal. Mais B est un anneau
artinien, donc B = m∈Max B Bm , et I = m∈Max B I m (théorème 7.26). Or, si
pour tout m ∈ Max B on trouve un générateur xm de l’idéal I m de Bm , l’élément
(xm | m ∈ Max B) de B sera évidemment un générateur de I. On est donc ramené
à montrer que Bm est principal pour chaque m ∈ Max B. Mais on a m = n/J pour
un idéal maximal n de A, et Bm = An /Jn ; d’autre part, An est principal, par le
théorème 7.37, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Montrons d’abord que I est projectif : comme A est noethérien, tout
A-module de type fini est de preséntation finie ; compte tenu du corollaire 5.4(ii),
on est donc ramené à vérifier que I est un A-module plat, et grâce à la proposition
4.56(i) il suffit de montrer que Im est un Am -module plat pour tout m ∈ Max A.
Mais Im est principal (par le théorème 7.37) et non nul, et Am est intègre, donc Im
est un Am -module libre de rang 1, d’où l’assertion. La preuve montre aussi que le
rang de I est égal à 1.
Partie (iv) : On raisonne par récurrence sur n. Si n = 0, il n’y a rien à montrer.
Soit donc n > 0, et on suppose que l’assertion est connue pour tous A-modules
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 345

projectifs de rang n − 1. Par le lemme 5.3(ii), on sait qu’il existe k ∈ N, un A-



module Q et un isomorphisme P ⊕ Q → Ak . Evidemment k ≥ n, donc il existe
une projection π : Ak → A telle que I1 := π(P ) soit un idéal non nul de A. Par
(iii) ci-dessus, on sait que I1 est un A-module projectif de rang 1, et π induit une
surjection P → I1 ; si on pose P ′ := P ∩ Ker π, l’on déduit un isomorphisme de

A-modules P → I1 ⊕ P ′ . En particulier, P ′ est un A-module projectif (encore par
le lemme 5.3), et évidemment rkP = rkI1 + rkP ′ = 1 + rkP ′ , i.e. rkP ′ = n − 1.
Par hypothèse de récurrence il existe des idéaux non nuls I2 , . . . , In de A et un

isomorphisme P ′ → I2 ⊕ · · · ⊕ In , d’où l’assertion.
Partie (v) : Remarquons d’abord qu’il suffit d’exhiber un A-module D et un
isomorphisme P ≃ An−1 ⊕ D, car alors D serait évidemment inversible, et ΛnA P ≃
n−1
ΛA (An−1 ) ⊗A Λ1A (D) ≃ D, d’après le problème 4.69(iii) et l’exercice 5.11(ii).
On raisonne par récurrence sur n ≥ 1. Si n = 1, il n’y a rien à prouver. Pour
n = 2, d’après (iv) on sait que P ≃ I1 ⊕ I2 pour deux idéaux non nuls I1 , I2 ⊂ A ;
soit x1 ∈ (I1 ∩ I2 ) \ {0} et posons J := Ax1 ; la preuve de (ii) montre que l’anneau
A/J 2 est principal, donc soit x2 ∈ I2 dont la classe dans A/J 2 soit un générateur
de I2 /J 2 , de telle façon que I2 = Ax2 + J 2 . On considère l’application A-linéaire

φ : A → I1 ⊕ I2 a 7→ (ax1 , ax2 ).

Evidemment φ est injective ; montrons que C := Coker φ est un A-module plat.


Pour cela, il suffit de montrer que Cp est un Ap -module plat pour tout p ∈ Max A
(proposition 4.56(i)) ; or, si Jp = (I1 )p on a (I1 ⊕ I2 )p = (Im φp ) ⊕ (I2 )p , et dans
ce cas Cp ≃ (I2 )p est bien plat. Si Jp (I1 )p ⊂ Ap , il vient Jp2 Jp ⊂ (I2 )p ,
d’où (I2 )p = Ap x2 , et dans ce cas (I1 ⊕ I2 )p = (Im φp ) ⊕ (I1 )p , donc Cp ≃ (I1 )p
est encore plat. Comme C est aussi de présentation finie (exercice 6.72(i.a)), il est
projectif (corollaire 5.4(ii)), et donc la projection I1 ⊕ I2 → C admet une inverse à
∼ ∼
droite C → I1 ⊕ I2 , d’où l’isomorphisme souhaité I1 ⊕ I2 → (Im φ) ⊕ C → A ⊕ C.
En dernier lieu, si n > 2, on trouve un isomorphisme P ≃ I1 ⊕ · · · ⊕ In comme
dans (iv) ; la somme directe P ′ := I1 ⊕ · · · ⊕ In−1 est alors un A-module projectif
de rang n − 1, et par hypothèse de récurrence il existe un A-module inversible D′
avec An−2 ⊕ D′ ≃ P ′ ; par ce qui précède, on trouve ensuite un A-module inversible
D avec un isomorphisme D′ ⊕ In ≃ A ⊕ D, et finalement P ≃ An−1 ⊕ D.
Partie (vi) : Soient x, y ∈ Mtor , de telle façon que ax = by = 0 pour certains
a, b ∈ A \ {0} ; il vient a · (a′ x) = 0 pour tout a′ ∈ A et ab · (x + y) = 0, avec
ab 6= 0. Cela montre que Mtor est bien un sous-module de M . Posons ensuite P :=
M/Mtor ; il suffit de montrer que P est projectif, car alors la projection π : M → P
admet un inverse à droite P → M et l’on déduit aisément l’isomorphisme souhaité.
Remarquons d’abord que P est sans torsion : car, si x ∈ M et a · π(x) = 0 pour
a ∈ A \ {0}, il vient ax ∈ Mtor , donc il existe b ∈ A \ {0} tel que bax = 0, et
comme ba 6= 0, l’on conclut que x ∈ Mtor et finalement π(x) = 0. Evidemment P
est de type fini, donc aussi de présentation finie (exercice 6.72(i)), et on est ramené
à montrer que tout A-module N sans torsion est plat (corollaire 5.4(ii)) ; pour cela,
il suffit encore de montrer que Nm est un Am -module plat, pour tout m ∈ Max A,
et comme Nm est sans torsion, on peut remplacer A, N par Am , Nm et on est donc
ramené au cas où A est un anneau de valuation discrète. L’assertion suit alors de
l’exercice 4.60(ii).
Partie (vii) : Remarquons d’abord que pA′ est l’unique idéal premier de A′ ,
donc A′ est local, et l’homomorphisme de localisation A′ → A′p ≃ Ap /pt Ap est un
isomorphisme. On peut alors remplacer A, p par Ap , pAp , et supposer du départ que
A soit un anneau de valuation discrète ; en particulier, avec x ∈ p \ p2 on a p = Ax.
On applique le critère de Baer (proposition 5.16) : soit donc J ⊂ A′ un idéal, et
φ : J → A′ une application A′ -linéaire ; on doit exhiber une application A′ -linéaire
346 æ Balance

ψ : A′ → A′ telle que ψ|J = φ. Or, on a pt = Axt et J = (Axk )/(Axt ) pour


quelque k ≤ t, et notons par xk ∈ J la classe de xk ; il vient xt−k · φ(xk ) = 0, donc
φ(xk ) ∈ (Axk )/(Axt ). Disons que φ(xk ) = y · xk pour quelque y ∈ A′ ; l’application
ψ souhaitée s’obtient en posant ψ(a) := ay pour tout a ∈ A′ .
Partie (viii) : Soit x1 , . . . , xn un système de générateurs
Tn de M ; on a Ji :=
AnnA (xi ) 6= 0 pour tout i = 1, . . . , n, et J := AnnA M = i=1 Ji , d’où J 6= 0, car
A est intègre. Donc A′ := A/J est un anneau artinien et M est un A′ -module ;
d’après le théorème 7.26, il existe des anneaux locaux artiniens A′1 , . . . , A′k avec un

isomorphisme d’anneaux A′ → A′1 × · · · × A′k . Pour tout i = 1, . . . , k, soit mi l’idéal
maximal de A′i , et πi : A → A′ → A′i la projection ; l’exercice 4.27 nous fournit
alors pour tout i = 1, . . . , k un A′i -module Mi′ et une décomposition naturelle :
M ≃ (M1′ )[π1 ] ⊕ · · · ⊕ (Mk′ )[πk ] .

Evidemment l’idéal mi := πi−1 (mi ) est maximal dans A et AnnA (Mi′ ) est un idéal
mi -primaire pour tout i = 1, . . . , k. On peut ainsi supposer du départ que J soit
m-primaire pour un idéal maximal m ⊂ A, et donc de même pour J1 , . . . , Jn .
D’après le théorème 7.37, il existe alors t1 , . . . , tn ∈ N tels que Ji = mti pour
i = 1, . . . , n, et J = mt avec t = max(t1 , . . . , tn ). On raisonne par récurrence sur
d := dimk(m) k(m) ⊗A M . Si d = 0, on a M = 0 par le lemme de Nakayama,
et l’assertion est trivialement vérifiée. Soit donc d > 0 ; quitte à permuter les
générateurs on peut supposer que t = t1 , et donc M ′ := A′ x1 est un sous-A′ -
module libre de M , et il est donc un A′ -module injective, d’après (vii). Mais alors
l’application IdM ′ : M ′ → M ′ se factorise à travers une application A′ -linéaire
φ : M → M ′ , et on a M = M ′ ⊕ Ker φ. Comme dimk(m) k(m) ⊗A M ′ = 1, il vient
dimk(m) k(m) ⊗A Ker φ = d − 1, et par hypothèse de récurrence Ker φ est alors
somme directe de A-modules cycliques, donc de même pour M .

Problème 7.44, partie (i) : On raisonne par récurrence sur k ≥ 2. Si k = 2, par


hypothèse il existe y ∈ A1 \ A2 . Si v1 (y) = 0, on fait x := y −1 ; si v1 (y) > 0, on
prend x := (1 + y)−1 . Soit ensuite k > 2, et on suppose que l’on a déjà trouvé pour
tout j = 2, . . . , k un élément yj ∈ K tel que v1 (yj ) = 0 et vi (yj ) > 0 pour tout
i ∈ {2, . . . , j − 1, j + 1, . . . , k}. S’il existe j ≤ k avec vj (yj ) > 0, on prendra x := yj .
Supposons donc que vj (yj ) ≤ 0 pour tout j = 2, . . . , k ; dans ce cas, on construit
des éléments y2′ , . . . , yk′ comme suit :
(a) Si vj (yj ) = 0, on pose yj′ := yj .
(b) Si vj (yj ) < 0 et v1 (yj − 1) = 0 on pose yj′ := yj /(yj − 1).
(c) Si vj (yj ) < 0 et v1 (yj − 1) > 0, et de plus v1 (2) = 0, on pose yj′ := yj /(yj + 1).
(d) Si vj (yj ) < 0 et v1 (yj −1), v1 (2) > 0, on pose yj′ := (yj3 +yj2 +yj )/(yj3 +yj +1).
On remarque que vi (yj′ ) = vi (yj ) pour tout j = 2, . . . , k et tout i 6= j. En effet, cela
est clair pour les cas (a),(b),(c). Pour le cas (d), l’assertion est également claire avec
i 6= 1, j, car on a vi (yj3 + yj2 + yj ) = vi (yj ) et vi (yj3 + yj + 1) = 0 pour ces valeurs
de i. En dernier lieu, si v1 (2) > 0, la caractéristique du corps résiduel A1 de A1 est
égale à 2, et si π : A1 → A1 est la projection, on a π(yj ) = 1 ⇔ v1 (yj − 1) > 0 ;
dans ce cas, il vient alors π(yj3 + yj2 + yj ) = 1 = π(yj3 + yj + 1), d’où v1 (yj′ ) = 0.
On remarque aussi que vj (yj′ ) = 0 pour tout j = 2, . . . , k : les détails sont laissés
aux soins du lecteur. Finalement, on voit aisément que x := y2′ · · · yk′ convient.
Partie (ii) : D’après (i), on sait déjà qu’il existe z1 , . . . , zk ∈ K tels que vi (zi ) = 0
et vi (zj ) > 0 pour tout i, j = 1, . . . , k avec i 6= j. En particulier, pour z :=
z1 + · · · + zk on a vi (z) = 0 pour tout i = 1, . . . , k. On obtient alors la suite
souhaitée avec xi := zi /z pour tout i = 1, . . . , k.
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 347

Partie (iii) : Montrons d’abord que pour tout m ∈ Z il existe x ∈ K tel que
(∗) vi (x − ui ) ≥ m ∀i = 1, . . . , k.
Pour cela, choisissons (x1 , . . . , xk ) ∈ A1 × · · · × Ak comme dans (ii), et soit n > 0
un entier vérifiant les inégalités suivantes pour tout i, j = 1, . . . , k avec i 6= j :
nvi (xi − 1) + vi (ui ) ≥ m
nvj (xi ) + vj (ui ) ≥ m.
On pose yi := 1 − (1 − xni )n pour tout i = 1, . . . , k. Noter que 1 − xni = (1 − xi ) ·
(1 + · · · + xin−1 ), d’où vi (1 − xni ) ≥ vi (1 − xi ) pour tout i = 1, . . . , k. Il vient :
vi (ui · (yi − 1)) = vi (ui ) + nvi (1 − xni ) ≥ vi (ui ) + nvi (1 − xi ) ≥ m ∀i = 1, . . . , k.
De plus, yi = xni · P (xni ) pour un polynôme P (T ) ∈ Z[T ], d’où vj (yi ) ≥ nvj (xi )
pour tout i, j = 1, . . . , n, et donc :
vj (ui yi ) ≥ m ∀i, j = 1, . . . , k avec i 6= j.
On voit aussitôt que l’élément x := u1 y1 + · · · + uk yk satisfait (∗).
Prenons maintenant m > max(n1 , . . . , nk ), et pour tout i = 1, . . . , k soit ti ∈ K
avec vi (ti ) = ni . Par ce qui précède, on trouve x′ ∈ K tel que vi (x′ − ti ) ≥ m
pour i = 1, . . . , k, et il s’ensuit aisément que vi (x′ ) = ni pour i = 1, . . . , k. Soit
aussi x ∈ K vérifiant les inégalités (∗) (pour cette même valeur de m), et on pose
u := x + x′ . Il vient vi (u − ui ) = vi (x′ + x − ui ) = ni pour tout i = 1, . . . , k.

Exercice 7.45, partie (i) : Soit p : S → R une application R-linéare avec p ◦ f =


IdR , et a, b ∈ R\{0} tels que a/b soit entier sur R ; donc a/b est entier sur S, et alors
a/b ∈ S, i.e. il existe s ∈ S avec a = bs dans S. Il vient a = p(a) = p(bs) = b · p(s)
et donc a/b = p(s) ∈ R.
Partie (ii) : Soit M le sous-A-module de B engendré par les monômes de de-
gré < d ; on voit aisément que B = A ⊕ M , et comme B est intégralement clos
(problème 6.15(iv)), il en est de même pour A, d’après (i). Evidemment A est
une K-algèbre de type fini, donc A est noethérien. Soient maintenant n, d > 1, et
supposons par l’absurde que A soit factoriel. L’on déduit aisément que tout mo-
nôme de degré d doit alors être premier dans A, car il ne se décompose pas dans A
comme produit de polynômes de degrés < d. Mais on a les factorisations distinctes :
xd1 · xd2 = (xd−1
1 x2 ) · (x1 xd−1
2 ), contradiction.

Exercice 7.46, partie (i) : Il est clair que M ∨ est sans torsion ; ensuite, soit L un
A-module libre de rang fini avec une surjection A-linéaire π : L → M ; l’on déduit
une injection A-linéaire π ∨ : M ∨ → L∨ . Evidemment L∨ est un A-module libre du
même rang que L ; comme A est noethérien, M ∨ est alors de type fini (proposition
6.66). Comme M est aussi de présentation finie (exercice 6.72(i.a)), l’isomorphisme
souhaité est fourni par l’exercice 5.13(ii).
Partie (ii) : Remarquons d’abord le diagramme commutatif :

(M ∨ )p / (Mp )∨

 

(M ∨ )K / (MK )∨

dont les flèches horizontales sont les isomorphismes de (i), et dont celles verticales
sont les localisations, et sont donc injectives. En particulier, l’on déduit une identifi-
cation naturelle de (M ∨ )p avec le sous-Ap -module de (MK )∨ := HomK (MK , K) qui
consiste des formes K-linéaires φ : MK → K telles que φ(Mp ) ⊂ Ap . De même, on
348 æ Balance

T
identifie M ∨ avec {φ ∈ (MK )∨ | φ(M ) ⊂ A}. L’intersection N := p∈Σ (M ∨ )p cor-
respond alors à la partie des formes K-linéaires φ : MK → K avec φ(MTp ) ⊂ Ap pour
tout p ∈ Spec A ; rappelant le théorème 7.43, l’on déduit que φ(m) ∈ p∈Σ Ap = A
pour tout m ∈ M . Cela montre que N ⊂ M ∨ , et l’inclusion opposée est triviale.
Partie (iii.a) : En raisonnant comme dans la preuve de (i), l’on voit aisément
que N ∨ et N ∨∨ sont des R-modules de présentation finie. Si l’on invoque deux fois
l’exercice 5.13(ii), on déduit un isomorphisme de R-modules
∼ ∼
ω : S ⊗R N ∨∨ → (S ⊗R N ∨ )∨ → (S ⊗R N )∨∨
et une inspection directe des définitions montre que le diagramme suivant commute :
S ⊗R N◆
q ◆◆◆ β
S⊗R βN qqq ◆◆S⊗ N
qqq ◆◆R◆
xqqq ◆◆'
ω
S ⊗R N ∨∨ / (S ⊗R N )∨∨

(les détails sont laissés aux soins du lecteur). L’assertion s’ensuit aussitôt.
Partie (iii.b) : D’après (i), le A-module M ∨∨∨ est de type fini et sans torsion, et
∼ ∼
les localisations M ∨ → (M ∨ )K → (MK )∨ et M ∨∨∨ → (M ∨∨∨ )K → (MK )∨∨∨ sont
injectives (ici (MK ) ∨∨∨
est le bidual du K-espace vectoriel (MK )∨ ) ; considérons
alors le diagramme :
(βM )∨ βM ∨
M ∨∨∨ / M∨ / M ∨∨∨

 (βMK )∨  β(MK )∨ 
(MK )∨∨∨ / (MK )∨ / (MK )∨∨∨

dont les flèches verticales sont les localisations. Par inspection directe des défini-
tions, l’on voit que ce diagramme commute, et la composition des deux flèches
horizontales en bas est l’identité de (MK )∨∨∨ , d’après l’exemple 1.51. Il s’ensuit
aisément que βM ∨ est un isomorphisme et (βM )∨ est son inverse, d’où l’assertion.
T Partie∨ (iii.c) : Si M est réflexif, soit N := MT∨ ; d’après (ii) on a N ∨ =
p∈Σ (N )p et par hypothèse N ≃ M , d’où M = p∈Σ Mp . Pour la réciproque,

remarquons pour tout p ∈ Spec A le diagramme commutatif :


M / Mp ❙
❙❙❙
❙❙❙ βMp
βM (βM )p ❙❙❙
❙❙❙
  ❙)
∨∨ / ∨∨ ∼ / (Mp )∨∨
M (M )p
dont les deux flèches horizontales à gauche sont les localisations, et dont celle hori-
zontale à droite est l’isomorphisme Ap -linéaire de (i). Or, si ht(p) = 1, la localisa-
tion Ap est un anneau de valuation discrète, donc Mp est un Ap -module projectif
de type fini (problème 7.42(vi)), et βMp est un isomorphisme (exercice 5.13(iii)) ;
donc (βM )p est un isomorphisme
T pour tout p ∈ Σ. De plus, M ∨∨ est réflexif
T d’après
(iii.b), donc M ∨∨ = p∈Σ (M ∨∨ )p par ce qui précède ; si on a aussi M = p∈Σ Mp ,
il s’ensuit que βM est un isomorphisme à son T tour, i.e. M est réflexif.
T
Partie (iii.d) : D’après (iii.c) on a M = p∈Σ Mp et M ′ = p∈Σ Mp′ ; il vient :
T T
M ∩ M ′ = p∈Σ (Mp ∩ Mp′ ) = p∈Σ (M ∩ M ′ )p , donc M ∩ M ′ est réflexif, en-
core par (iii.c).
T De même, on T a (W ∩ M )p = W ∩ Mp pour tout p ∈ Σ, d’où
W ∩ M = p∈Σ (W ∩ Mp ) = p∈Σ (W ∩ M )p , et cela montre que W ∩ M est réflexif.

Exercice 7.50, partie (i) : Si P est projectif, on a la résolution projective triviale


εP
P • −−→ P avec P 0 := P , P i := 0 pour i > 0, et εP := IdP ; évidemment H i (F P • ) =
0 pour i > 0, d’où l’assertion.
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 349

ε
Partie (ii) : Soit (PM •
→ M la résolution projective fixée pour définir
, d•M ) −−
M

Li F (M ) ; en particulier, on a une suite exacte de A-modules


1 M 0d1M ε
PM −−→ PM −−
→M →0
d’où, si F est exact à droite, une suite exacte
1 MF (d1 )
0 F (εM )
F (PM ) −−−−→ F (PM ) −−−−→ F (M ) → 0
(proposition 4.52(i)) et on voit que F (εM ) induit un isomorphisme

ε̄M : L0 F (M ) := Coker F (d1M ) → F (M ).
Il reste à montrer que l’association M 7→ ε̄M définit un morphisme de foncteurs.
Pour cela, soit f : M → N un homomorphisme de A-modules, et f • : PM •

PN le morphisme de résolutions choisi qui prolonge f ; on déduit un diagramme

commutatif
F (d1M ) F (εM )
1 / F (P 0 ) / F (M ) /0
F (PM ) M

F (f 1 ) F (f 0 ) F (f )
 F (d1N )
 F (εN ) 
F (PN1 ) / F (P 0 )
N
/ F (N ) /0
dont les deux lignes horizontales sont exactes. Il s’ensuit que le diagramme
ε̄M
L0 F (M ) / F (M )

L0 F (f ) F (f )
 ε̄N

L0 F (N ) / F (N )

commute, d’où l’assertion.


Partie (iii) : La proposition 4.7 (avec les isomorphismes canoniques de l’exercice
4.5(iv)) montre que le foncteur M ⊗A − est exact à droite, d’où l’assertion, compte
tenu de la partie (ii).
Partie (iv) : Le différentiel d1 : A1 → A1 de notre résolution Pk(m)

pour k(m) est
la multiplication scalaire par X, et on remarque que X ∈ m, donc Idk(m) ⊗A1 d1 = 0.
Comme k(m) ≃ K, le complexe k(m) ⊗A1 Pk(m) •
est isomorphe à
0
0→K−
→K→0
d’où : (
K si i = 0, 1
TorA
i (k(m), k(m)) ≃
1

0 sinon.
De même, les différentiels d1 et d2 de notre résolution Pk(m

′ ) pour k(m ) sont des

matrices dont les coefficients appartiennent à m , donc Idk(m′ ) ⊗A2 Pk(m′ ) est le
′ •

complexe
0 0
0→K− →K ⊕K − →K→0
d’où : 

K si i = 0, 2
A2 ′ ′
Tori (k(m ), k(m )) ≃ K ⊕ K si i = 1


0 si i > 2.
Pour le troisième cas on raisonne de la même façon, et on trouve :


K si i = 0, 3
A3 ′′ ′′
Tori (k(m ), k(m )) ≃ K ⊕ K ⊕ K si i = 1, 2


0 si i > 3.
350 æ Balance

Partie (v) : Sous nos hypothèses, on a la résolution libre de A/aA suivante :


a·Id
A ε
0 → A −−−−→ A−
→ A/aA → 0

où ε est la projection. Après tensorisation avec M , on voit que TorA


i (M, A/aA) est
isomorphe à l’homologie en degré i du complexe
M a·Id
0 → M −−−−
→M →0

pour chaque i ∈ N. L’assertion s’ensuit immédiatement.

Remarque 7.67. Il est évident que la complexité des calculs dans l’exercice 7.50(iv)
croit avec le nombre des variables, et on a donc intérêt à chercher des moyens plus
systématiques, si on veut obtenir des résultats généraux. Cela conduit à l’introduc-
tion des complexes de Koszul associés à une suite finie arbitraire d’éléments dans
un anneau ; les résolutions que l’on a construit ad hoc dans la solution de l’exercice
5.55(ii,iii,iv) sont en effet (isomorphes aux) complexes de Koszul associés respecti-
vement : à l’element X ∈ A, à la suite X, Y ∈ A2 , et à la suite X, Y, Z ∈ A3 . La
construction générale sera détaillée dans la section 10.3.

Exercice 7.51, partie (i) : On raisonne comme dans la solution de l’exercice


7.50(i) : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
εM
Partie (ii) : la preuve est duale de celle de l’exercice 7.50(ii). Soit M −−→ I•M la
résolution injective fixée qui définit R F (M ) ; on a une suite exacte
i

ε dM
→ I0M −−0→ I1M
M
0 → M −−
F (εM ) F (dM )
d’où, si F est exact à gauche, une suite 0 → F (M ) −−−−→ F (IM 0
) −−−−0 1
→ F (IM ) qui
est exacte, par la proposition 4.52(i), et l’on voit que F (εM ) induit un isomorphisme

ε̄M : R0 F (M ) → F (M ). En raisonnant comme dans la solution de l’exercice 7.50(ii),
l’on montre aisément que l’association M 7→ ε̄M est un isomorphisme de foncteurs.
Partie (iii) : cela suit aussitôt de la partie (ii) et de l’exercice 2.63.

Exercice 7.54 : On va retracer la preuve de la proposition 7.53, en renversant la


direction des flèches. D’abord, comme I0′ est injectif, il existe une application A-
linéaire ε′M : M → I0′ telle que ε′M ◦f = εM ′ ; on pose aussi ε′′M := εM ′′ ◦g : M → I0′′
et on définit εM : M → I par : x 7→ (ε′M (x), ε′′M (x)). On pose d′′−1 := εM ′′ et on va
construire par récurrence sur n ≥ 0 le différentiel dn : In′ ⊕ In′′ → In+1
′ ′′
⊕ In+1 sous
la forme d’une matrice en blocs
 ′ 
dn (−1)n+1 · σn
telle que d′n+1 ◦ σn ◦ d′′n−1 = 0 ∀n ≥ 0.
0 d′′n

Pour n = 0, on remarque que Im(f ) ⊂ Ker(d′0 ◦ ε′M ), donc il existe une applica-
tion A-linéaire σ̄0 : M ′′ → I1′ telle que σ̄0 ◦ g = d′0 ◦ ε′M ; comme I1′ est injectif,
il existe ensuite σi : I0′′ → I1′ telle que σi ◦ εM ′′ = σ̄0 . Un calcul direct que l’on
laissera aux soins du lecteur montre que d′1 ◦ σ0 ◦ d′′−1 = 0, et avec ce choix pour
σ0 on a bien d0 ◦ εM = 0. Soit ensuite n > 0, et on suppose que σn−1 a déjà été

exhibé. En particulier, d′n ◦ σn−1 se factorise à travers Coker(d′′n−2 ) → Im(d′′n−1 ),
et comme In+1 est injectif, il existe une application A-linéaire σn : In → In+1
′ ′′ ′
telle
que σn ◦ dn−1 = dn ◦ σn−1 . Un calcul direct montre que ce choix pour σn convient,
′′ ′

et achève la construction du complexe (I• , d• ). En dernier lieu, on vérifie comme


dans la preuve de la proposition 7.53 que ce complexe est bien une résolution de M .
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 351

Exercice 7.56 : On considère un diagramme commutatif de A-modules et com-


plexes de A-modules, à lignes horizontales exactes courtes :
f•1 g•1
0 / I•′ / I• / I•′′ /0
O O O
εM ′ εM εM ′′
1 1
f g
0 / M′ /M / M ′′ /0

h′• h′ h h′′ h′′



 f 2  g 2 
0 / N′ /N / N ′′ /0
εN ′ εN εN ′′
 f•2  g•2 
0 /' J•′ / J• / J•′′ w /0

tel que (I• , εM ), (I•′ , εM ′ ), (I•′′ , εM ′′ ), (J• , εN ), (J•′ , εN ′ ), (J•′′ , εN ′′ ) sont des résolu-
tions injectives. On doit exhiber un morphisme de complexes h• : I• → J• avec
(∗) h0 ◦ ε M = ε N ◦ h
et qui fait commuter le diagramme de complexes :
f•1 g•1
0 / I•′ / I• / I•′′ /0
h′• h• h′′

 f•2  g•2 
0 / J•′ / J• / J•′′ / 0.

Comme d’habitude, on retrace la preuve de la proposition 7.55, en renversant la di-


rection des flèches. D’abord, noter que, grâce à l’injectivité de In′ , l’endomorphisme
IdIn′ se prolonge en une application A-linéaire In → In′ qui est inverse à gauche de
fn1 , pour tout n ∈ N ; on peut alors supposer que In = In′ ⊕ In′′ , avec fn1 et gn1 respec-
tivement les inclusions et projections canoniques, pour tout n ∈ N. De même, on
supposera que Jn = Jn′ ⊕ Jn′′ . Donc, on décomposera les différentiels dIn : In → In+1
et dJn : Jn → Jn+1 comme matrices en blocs
 I′   J′ 
I dn σn J dn τn
dn = ′′ dn = ′′ ∀n ∈ N
0 dIn 0 dJn
et les conditions dIn+1 ◦ dIn = 0 et dJn+1 ◦ dJn = 0 se traduisent par les identités :
′ ′′ ′ ′′
dIn+1 ◦ σn + σn+1 ◦ dIn = 0 dJn+1 ◦ τn + τn+1 ◦ dJn = 0 ∀n ∈ N.
De même, il existe des homomorphismes β : M → et γ : N → J0′ tels que I0′
εM : M → I0 ⊕ I0 et εN : N → J0 ⊕ J0 se décomposent sous la forme :
′ ′′ ′ ′′
   
β γ
εM = εN = avec β ◦ f 1 = εM ′ γ ◦ f 2 = εN ′
εM ′′ ◦ g 1 εN ′′ ◦ g 2
et les conditions dI0 ◦ εM = 0 et dJ0 ◦ εN = 0 se traduisent par les identités :
′ ′
dI0 ◦ β + σ0 ◦ εM ′′ ◦ g 1 = 0 dJ0 ◦ γ + τ0 ◦ εN ′′ ◦ g 2 = 0.
Suivant la preuve de la proposition 7.55, on va donc construire les applications
hn : In′ ⊕ In′′ → Jn′ ⊕ Jn′′ par récurrence sur n ∈ N, comme des matrices en blocs
 ′ 
hn αn
.
0 h′′n
Il faut donc exhiber les applications αn : In′′ → Jn′ tels que (∗) soit vérifiée et avec
(∗∗) hn+1 ◦ dIn = dJn ◦ hn ∀n ∈ N.
352 æ Balance

Evidemment, la condition (∗) revient à l’identité de matrices en blocs :


 ′   
h0 ◦ β + α0 ◦ εM ′′ ◦ g 1 γ◦h
= .
h′′0 ◦ εM ′′ ◦ g 1 εN ′′ ◦ g 2 ◦ h
Il faut alors trouver une solution α0 de l’équation
α0 ◦ εM ′′ ◦ g 1 = γ ◦ h − h′0 ◦ β.
Pour cela, notons que (γ◦h−h′0 ◦β)◦f 1 = 0 (le calcul est laissé aux soins du lecteur) ;
donc il existe une application A-linéaire δ : M ′′ → J0′ telle que γ ◦ h − h′0 ◦ β =
δ ◦ g 1 , et par l’injectivité de J0′ , on peut prolonger δ en une application A-linéaire
α0 : I0′′ → J0′ qui fournit la solution cherchée.
De même, la condition (∗∗) montre que si n ≥ 0 et si αn a déjà été déterminée,
il faut chosir pour αn+1 une solution de l’équation
′′ ′
αn+1 ◦ dIn = δn+1 := dJn ◦ αn + τn ◦ h′′n − h′n ◦ σn .
′′
Or, si n > 1, un calcul direct que l’on laissera au lecteur montre que δn+1 ◦dIn−1 = 0.
′′ ′′
Donc δn+1 est la composition de dIn : In′′ → Im(dIn ) et d’une application A-linéaire
′′ ∼ ′′
δ̄n+1 : Im(dIn ) → Coker(dIn−1 ) → Jn′ , et par l’injectivité de Jn′ , cette dernière se
prolonge en l’application A-linéaire αn+1 cherchée.

Exercice 7.61 : Si F est exact, pour tout A-module M et toute résolution


P • → M , le complexe F P • est exact en tout degré i > 0 (proposition 4.52(iii)),
d’où Li F = 0 pour tout i > 0. De l’autre côté, si L1 F = 0, la suite exacte longue
d’homologie de la remarque 7.57(i) et l’exercice 7.50(ii) (resp. la remarque 7.60
et l’exercice 7.51(ii)) montrent que F transforme suites exactes courtes en suites
exactes courtes, donc il est exact, par la proposition 4.52(ii).

Problème 7.62, partie (i) : La vérification de l’exactitude de φ∗ Σ et ψ∗ Σ sera


fi gi
laissée au lecteur. Ensuite, soit Σi := (0 → N −→ Xi −→ M → 0) pour i = 1, 2 ;

par hypothèse, on a un isomorphisme de complexes τ• : Σ1 → Σ2 avec τ0 = IdN ,

τ2 = IdM , et τ1 : X1 → X2 un isomorphisme de A-modules tel que τ1 ◦ f1 = f2
et g2 ◦ τ1 = g1 . On pose (0 → N → Xi′ → M ′ → 0) := φ∗ Σi pour i = 1, 2 ; par
définition, Xi′ = Xi ×(gi ,φ) M ′ (notation de l’exemple 3.4). On voit aussitôt qu’il

existe un isomorphisme de complexes µ• : Σ′1 → Σ′2 tel que µ1 : X1′ → X2′ est
l’application (x1 , m′ ) 7→ (τ1 (x1 ), m′ ) et avec µ0 = IdN , µ2 = IdM ′ .
De même, on pose (0 → N ′′ → Xi′′ → M → 0) := ψ∗ Σi pour i = 1, 2 ; par
définition, Xi′′ = (N ′′ ⊕ Xi )/N . On voit aussitôt qu’il existe un isomorphisme de
∼ ∼
complexes ν• : ψ∗ Σ1 → ψ∗ Σ2 avec ν0 = IdN ′′ , ν2 = IdM , et ν1 : X1′′ → X2′′ est
induit par l’application N ⊕ X1 → N ⊕ X2 : (n , x1 ) 7→ (n , τ1 (x1 )).
′′ ′′ ′′ ′′

Partie (ii) : On revient au diagramme commutatif à lignes horizontales exactes


courtes (), et l’on considère aussi le diagramme commutatif :
f′ g′
φ∗ Σ 0 /N / X′ / M′ /0
ψ
  
ψ∗ (φ∗ Σ) 0 / N ′′ / Y ′′ / M′ / 0.

Par définition, Y ′′ est le conoyau de l’application j ′ : N → N ′′ ⊕ X ′ telle que


n 7→ (ψ(n), −f ′ (n)) pour tout n ∈ N . D’autre part, soit h : N ′′ ⊕ X ′ → X ′′
l’application telle que (n′′ , x′ ) 7→ f ′′ (n′′ )+π ′′ ◦π ′ (x′ ) ; on voit aisément que h◦j ′ = 0,
donc h induit une application A-linéaire h̄ : Y ′′ → X ′′ . L’on déduit un morphisme
de suites exactes courtes t• : ψ∗ (φ∗ Σ) → ψ∗ Σ avec t0 := IdN ′′ , t1 := h̄ et t2 := φ
(les détails sont laissés aux soins du lecteur). En dernier lieu, on vérifie aisément que
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 353

t• se factorise à travers le morphisme naturel φ∗ (ψ∗ Σ) → ψ∗ Σ et un isomorphisme



s• : ψ∗ (φ∗ Σ) → φ∗ (ψ∗ Σ) tel que s0 = IdN ′′ et s2 = IdM ′ , d’où l’assertion.
Partie (iii) : On garde la notation du diagramme (), et soient :
(0 → N → Y ′′ → M ′′ → 0) := φ′∗ (φ∗ Σ) (0 → N → Y ′ → M ′′ → 0) := (φ ◦ φ′ )∗ Σ
(0 → N ′ → Z ′′ → M → 0) := ψ∗′ (ψ∗ Σ) (0 → N ′ → Z ′ → M → 0) := (ψ ′ ◦ ψ)∗ Σ.
Par définition, Y ′′ = X ′ ×(g′ ,φ′ ) M ′′ et Y ′ = X ×(g,φ◦φ′ ) M ′′ . L’on déduit aisément un

isomorphisme de suites exactes courtes t• : (φ◦φ′ )∗ Σ → φ′ ∗(φ∗ Σ) tel que t0 = IdN ,

t2 = IdM ′′ , et t1 : Y ′ → Y ′′ est l’application telle que (x, m′′ ) 7→ ((x, φ′ (m′ )), m′′ ),
d’où la première identité souhaitée. De même, par définition Z ′ est le conoyau de
l’application j ′ : N → N ′ ⊕ X telle que n 7→ (ψ ′ ◦ ψ(n), −f (n)), et Z ′′ est le
conoyau de l’application j ′′ : N ′′ → N ′ ⊕ X ′′ telle que n′′ 7→ (ψ ′ (n′′ ), −f ′′ (n′′ )).
Soit alors τ : N ′ ⊕X → N ′ ⊕X ′′ l’application telle que (n′ , x) 7→ (n′ , π ′′ (x)) ; on voit
aisément que τ ◦ j ′ = j ′′ ◦ ψ, donc τ induit une application A-linéaire τ̄ : Z ′ → Z ′′ .
Il suffit maintenant d’observer que l’on a un isomorphisme de suites exactes courtes

s• : (ψ ′ ◦ ψ)∗ Σ → ψ∗′ (ψ∗ Σ) tel que s0 = IdN ′ , s1 = τ̄ et s2 = IdM .
Partie (iv) : La première assertion suit aussitôt de la naturalité de la suite
exacte longue d’homologie pour morphismes de suites exactes courtes (remarque
7.60). Ensuite, l’exactitude de la suite (∗) montre que cM,N (Σ) = 0 si et seulement
s’il existe s : M → X tel que IdM = g∗ (s) = s ◦ g, comme souhaité. Pour vérifier
la surjectivité de cM,N , soit ξ ∈ Ext1A (M, N ) ; on choisit une suite exacte courte
Σ := (0 → N → I → Q → 0) où I est un A-module injectif, et l’on considère la
suite exacte d’homologie induite par Σ :
∂0
HomA (M, Q) −→ Ext1A (M, N ) → Ext1A (M, I) = 0
(exercice 7.51(i)). On trouve alors une application A-linéaire φ : M → Q telle que
∂ 0 (φ) = ξ ; cette dernière induit à son tour un morphisme de suites exactes courtes
φ∗ Σ → Σ, d’où un diagramme commutatif :
∂0 / Ext1A (M, N )
HomA (M, M )
HomA (M,φ)
 ∂0
HomA (M, Q) / Ext1A (M, N )

(par la version “à droite” de la remarque 7.57(ii)) qui montre que cM,N (φ∗ Σ) = ξ,
d’où l’assertion.
Partie (v) : Par naturalité de la suite exacte longue d’homologie, le morphisme
naturel Σ → ψ∗ Σ de suites exactes courtes induit un diagramme commutatif :
HomA (M, M ) HomA (M, M )
∂0 ∂0
 Ext1A (M,ψ)

Ext1A (M, N ) / Ext1A (M, N ′′ )

d’où la commutativité du carré à gauche de (∗∗). De même, la commutativité du


carré à droite de (∗∗) suit du diagramme commutatif :
HomA (φ,M) HomA (M ′ ,φ)
HomA (M, M ) / HomA (M ′ , M ) o HomA (M ′ , M ′ )
∂0 ∂0 ∂0
 Ext1A (φ,N )
 
Ext1A (M, N ) / Ext1A (M ′ , N ) Ext1A (M ′ , N ).
dont le carré de droite est induit par le morphisme φ∗ Σ → Σ de suites exactes
courtes, et celui de gauche est fourni par la “version à droite” de la remarque 7.57(iii).
354 æ Balance

Partie (vi) : Soient Σ1 , Σ2 , Σ3 ∈ Y on1A (M, N ) ; par inspection directe on trouve :


([Σ1 ] + [Σ2 ]) + [Σ3 ] = s∗ ◦ ∆∗ ◦ (s ⊕ IdN )∗ ◦ (∆ ⊕ IdM )∗ [Σ1 ⊕ Σ2 ⊕ Σ3 ]
[Σ1 ] + ([Σ2 ] + [Σ3 ]) = s∗ ◦ ∆∗ ◦ (IdN ⊕ s)∗ ◦ (IdM ⊕ ∆)∗ [Σ1 ⊕ Σ2 ⊕ Σ3 ].
Mais compte tenu de (ii) et (iii), on a :
s∗ ◦ ∆∗ ◦ (s ⊕ IdN )∗ ◦ (∆ ⊕ IdM )∗ = s∗ ◦ (s ⊕ IdN )∗ ◦ ∆∗ ◦ (∆ ⊕ IdM )∗
= (s ◦ (s ⊕ IdN ))∗ ◦ ((∆ ⊕ IdM ) ◦ ∆)∗
= (s ◦ (IdN ⊕ s))∗ ◦ ((IdM ⊕ ∆) ◦ ∆)∗
= s∗ ◦ (IdN ⊕ s)∗ ◦ ∆∗ ◦ (IdM ⊕ ∆)∗
= s∗ ◦ ∆∗ ◦ (IdN ⊕ s)∗ ◦ (IdM ⊕ ∆)∗
d’où l’assertion.
f g
Partie (vii) : Soit Σ := (0 → N − → M → 0); au vu de (ii) et (iii), on a :
→X−
φ∗1 [Σ] + φ∗2 [Σ] = s∗ ◦ ∆∗ ◦ (φ1 ⊕ φ2 )∗ [Σ ⊕ Σ] = ((φ1 ⊕ φ2 ) ◦ ∆)∗ ◦ s∗ [Σ ⊕ Σ]
(où ∆ : M ′ → M ′ ⊕ M ′ dénote l’application diagonale de M ′ ). Or, si on pose
f′ g′
(0 → N −→ Y −→ M ⊕ M → 0) := s∗ (Σ ⊕ Σ), par définition Y est le conoyau de
l’application j : N ⊕ N → N ⊕ X ⊕ X telle que (n, n′ ) 7→ (n + n′ , −f (n), −f (n′ )).
Noter que l’image de j coïncide avec le noyau de l’application A-linéaire surjective
N ⊕X ⊕X →X ⊕M (n, x, x′ ) 7→ (x + x′ + f (n), g(x′ )).

On en déduit un isomorphisme de A-modules Y → X ⊕ M , qui identifie f ′ avec
l’application N → X ⊕M : n 7→ (f (n), 0) et g ′ avec l’application X ⊕M → M ⊕M :
(x, m) 7→ (g(x) − m, m). Il s’ensuit que ((φ1 ⊕ φ2 ) ◦ ∆)∗ ◦ s∗ (Σ ⊕ Σ) est équivalent
à la suite exacte courte 0 → N → Z → M ′ → 0, avec Z := {(x, m, m′ ) ∈ X ⊕ M ⊕
M ′ | g(x) − m = φ1 (m′ ), m = φ2 (m′ )}. En dernier lieu, soit (0 → N → Z ′ → M ′ →
0) := (φ1 + φ2 )∗ Σ, de telle façon que Z ′ = X ×(g,φ1 +φ2 ) M ′ ; on a un isomorphisme

évident de A-modules τ : Z ′ → Z : (x, m′ ) 7→ (x, φ2 (m′ ), m′ ), d’où un isomorphisme

de suites exactes courtes t• : (φ1 +φ2 )∗ Σ → ((φ1 ⊕φ2 )◦∆)∗ ◦s∗ (Σ⊕Σ) avec t0 = IdN ,
t2 = IdM ′ et t1 = τ .
Partie (viii) : Si on prend M = M ′ dans (vii), et l’on dénote par 0M : M → M
l’application nulle, l’on trouve que [Σ] + 0∗M [Σ] = (IdM + 0M )∗ [Σ] = [Σ] ; de plus
[Σ] + (−IdM )∗ [Σ] = (IdM − IdM )∗ [Σ] = 0∗M [Σ]. Mais si Σ = (0 → N → X → M →

0), par définition, 0∗M (Σ) = (0 → N → X ′ → M → 0), avec X ′ := X ×(g,0) M →
N ⊕ M ; autrement dit, 0∗M (Σ) est scindée pour tout Σ ∈ Y on1A (M, N ). Mais on
voit aisément que toutes les suites scindées sont équivalentes, et si Σ′ ∼ Σ′′ sont
deux éléments de Y on1A (M, N ), alors Σ′ est scindé si et seulement si Σ′′ est scindé
(les détails sont laissés aux soins du lecteur). On conclut que la classe [0] d’une
suite scindée est l’élément neutre pour l’addition de YExt1A (M, N ), et tout élément
[Σ] admet un inverse (−IdM )∗ [Σ], i.e. (YExt1A (M, N ), +, [0]) est un groupe.
eP pP
Ensuite, pour tout A-module P et i = 1, 2 soient P ←− i i
− P ⊕ P −−→ P les projec-
tions et les inclusions canoniques ; pour tout A-module P le foncteur contravariant
Ext1A (−, P ) est aussi additif (remarque 7.52(i)), donc on a un isomorphisme naturel

ωM,P : Ext1A (M ⊕ M, P ) → Ext1A (M, P ) ⊕ Ext1A (M, P )
qui identifie les applications Ext1A (pM 1 1
i , P ) : ExtA (M, P ) → ExtA (M ⊕ M, P ) aux
inclusions naturelles (remarque 4.51(ii)) ; compte tenu des identités pM i ◦ ∆ = IdM
pour i = 1, 2, il s’ensuit aisément que Ext1A (∆, P ) ◦ ωM,P −1
est l’application telle que
(ξ, ξ ′ ) 7→ ξ + ξ ′ pour tout ξ, ξ ′ ∈ Ext1A (M, P ). De même, on a un isomorphisme


ωP,N : Ext1A (P, N ⊕ N ) → Ext1A (P, N ) ⊕ Ext1A (P, N )
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 355

qui identifie Ext1A (P, eN 1 1


i ) : ExtA (P, N ) → ExtA (P, N ⊕ N ) à l’inclusion naturelle,
1 ′−1
et les identités s ◦ eN
i = IdN pour i = 1, 2 montrent que ExtA (P, s) ◦ ω P,N est
1
l’application telle que (η, η ) 7→ η + η pour tout η, η ∈ ExtA (P, N ). La composition
′ ′ ′

(ωM,N ′
⊕ ωM,N ) ◦ ωM,N ⊕N est un isomorphisme
2
M

ω ′′ : Ext1A (M ⊕M, N ⊕N ) → Eij avec Eij := Ext1A (M, N ) ∀i, j = 1, 2
i,j=1

dont la projection sur chaque facteur Eij est donnée par Ext1A (eM i , pj ). Par ce qui
N
1 1 1
précède, ω ′′ identifie ExtA (∆, s) := ExtA (M, s) ◦ ExtA (∆, N ⊕ N ) avec l’application
2
M 2
X
Eij → Ext1A (M, N ) (ξij | i, j = 1, 2) 7→ ξij .
i,j=1 i,j=1

Or, soient Σ1 , Σ2 ∈ Y on1A (M, N ) et ξ := cM⊕M,N ⊕N ([Σ1 ⊕ Σ2 ]) ; par (v), on a


Ext1A (eM N N M∗
i , pj )(ξ) = cM,N (pj∗ ◦ ei [Σ1 ⊕ Σ2 ]) ∀i, j = 1, 2.
On vérifie aisément que ◦ pN
j∗ ⊕ Σ2 ) est une suite scindée si i 6= j, et
eM∗
i (Σ1
pi∗ ◦ ei (Σ1 ⊕ Σ2 ) ∼ Σi pour i = 1, 2 (les détails sont laissés au lecteur). Il vient :
N M∗

ω ′′ (ξ) = (ξij | i, j = 1, 2) avec ξ12 = ξ21 = 0 ξii = cM,N ([Σi ]) i = 1, 2.


On peut maintenant calculer :
cM,N ([Σ1 ] + [Σ2 ]) = cM,N (s∗ ◦ ∆∗ ([Σ1 ⊕ Σ2 ])) = Ext1A (∆, s)(ξ)
= cM,N ([Σ1 ]) + cM,N ([Σ2 ])
i.e. cM,N est un morphisme de groupes, et même un isomorphisme, compte tenu de
(iv) ; en particulier YExt1A (M, N ) est un groupe abélien, et grâce à (v) il s’ensuit
aussi que les opérations φ∗ et ψ∗ de (i) sont des morphismes de groupes.

Exercice 7.64 : Si G est libre, toute 1-extension de Yoneda 0 → Z → X → G → 0


est scindée, donc Ext1Z (G, Z) = 0, par le problème 7.62(viii). Si G n’est pas libre, il
admet un facteur direct Z/nZ, pour quelque n > 1, et comme le foncteur Ext1Z (−, Z)
commute avec les sommes directes finies, il suffit de montrer que Ext1Z (Z/nZ, Z) 6= 0.
n·Id
Pour cela, on remarque que la 1-extension de Yoneda 0 → Z −−−→ Z
Z → Z/nZ → 0
n’est pas scindée, et on invoque à nouveau le problème 7.62(viii).

Problème 7.66, partie (i) : Evidemment (a) ⇒ (b). Pour vérifier que (b) ⇒ (c),
notons que l’exercice 4.16 fournit un isomorphisme de A-modules

ωM,N : (M ∗ ⊗A N )∗ → HomA (M ∗ , N ∗ ) ∀M, N ∈ Ob(A − Mod)
et l’on voit aisément que l’association (M, N ) 7→ ωM,N définit une transformation
naturelle des foncteurs (A − Mod) × (A − Mod)op → A − Mod (les détails sont laissés
au lecteur). On déduit un diagramme commutatif
(M1∗ ⊗A φ)∗
(M1∗ ⊗A M2 )∗ / (M1∗ ⊗A M1 )∗
ωM1 ,M2 ωM1 ,M1
 HomA (M1∗ ,φ∗ ) 
HomA (M1∗ , M2∗ ) / HomA (M ∗ , M ∗ ).
1 1

Or, si M1∗ ⊗A φ est injectif, son dual (M1∗ ⊗A φ)∗ est surjectif, d’après le problème
5.18(i), donc de même pour HomA (M1∗ , φ∗ ) ; en particulier il existe une application
A-linéaire τ : M1∗ → M2∗ telle que φ∗ ◦ τ = IdM1∗ , d’où l’assertion.

Ensuite, la donnée d’une inverse à droite pour φ∗ induit un isomorphisme M2∗ →
M3∗ ⊕ M1∗ qui identifie ψ ∗ et φ∗ respectivement avec l’inclusion et la projection
356 æ Balance

naturelles ; d’autre part, pour tout A-module N , le foncteur N ⊗A − commute avec


les sommes et les produits directs, d’où (c) ⇒ (d).
(d)⇒(e) : Soit N un A-module de présentation finie ; l’application ψ ∗ ⊗A N est
injective, par (d). D’autre part, pour tout A-module P soit σP,N l’isomorphisme
du problème 5.18(iii,iv) ; on vérifie aisément que l’association P 7→ σP,N définit un
isomorphisme de foncteurs (−)∗ ⊗A N → HomA (N, −)∗ . Il s’ensuit que l’application
HomA (N, ψ)∗ est injective, donc HomA (N, ψ) est surjective, par le problème 5.18(i).
(e) ⇒ (f) : Suivant la preuve du théorème 4.65, on trouve un co-cône universel de
A-modules (jλ : Nλ → M3 | λ ∈ Λ), indexé par un ensemble partiellement ordonné
filtré Λ, tel que Nλ est de présentation finie pour tout λ ∈ Λ. Soit Σλ := jλ∗ Σ = (0 →
M1 → M2,λ → Nλ → 0) pour tout λ ∈ Λ (voir le problème 7.62). La condition (e)
implique qu’il existe une application A-linéaire sλ : Nλ → M2 telle que ψ ◦ sλ = jλ ;
on en déduit une application A-linéaire tλ : Nλ → M2,λ ⊂ M2 ⊕ Nλ telle que
x 7→ (sλ (x), x) pour tout x ∈ Nλ . Cela montre que Σλ est scindée pour tout λ ∈ Λ ;
évidemment, on obtient ainsi un système direct filtré (Σλ | λ ∈ Λ) de suites exactes
courtes, et soit Σ′ := (0 → M1′ → M2′ → M3′ → 0) sa limite directe dans la
catégorie C(A − Mod). Le système de morphismes naturels (Σλ → Σ | λ ∈ Λ) est un
co-cône dans C(A − Mod), induisant un morphisme de complexes β• : Σ′ → Σ, et
il reste à vérifier que β• est un isomorphisme. Rappelons que les colimites dans la
catégorie C(A − Mod) se calculent terme à terme (exercice 3.49(ii)) ; il s’ensuit que
β1 : M1′ → M1 et β3 : M3′ → M3 sont des isomorphismes. Compte tenu de l’exercice
3.54, on est alors ramené à montrer que Σ′ est une suite exacte. Mais chaque Σλ
est exacte par construction, et on sait que pour tout i ∈ Z le foncteur d’homologie
Hi commute avec les colimites filtrées (exercice 3.57), d’où l’assertion.
(f) ⇒ (a) : Soit N un A-module, et supposons que Σ soit isomorphe à la limite
directe du système filtré (Σλ | λ ∈ Λ) de suites exactes courtes scindées. Comme
les colimites de C(A − Mod) se calculent terme à terme, et comme le foncteur
N ⊗A − : A − Mod → A − Mod commute aux colimites, il s’ensuit que N ⊗A Σ est
isomorphe à la limite directe du système induit de complexes (N ⊗A Σλ | λ ∈ Λ).
Comme le foncteur d’homologie Hi commute avec les colimites filtrées en tout degré
i ∈ Z, on est alors ramené à vérifier que N ⊗A Σλ est une suite exacte pour tout
λ ∈ Λ ; mais évidemment cette dernière est même scindée, d’où l’assertion.
Partie (ii.a) : Le A-module plat M3 est la limite directe d’un système filtré
(Lλ | λ ∈ Λ) de A-modules libres (théorème 4.65) ; en raisonnant comme dans (i),
l’on déduit que Σ est la limite directe d’un système de suites exactes
ψλ
Σλ : 0 → M1 → M2,λ −−→ Lλ → 0 ∀λ ∈ Λ.

Mais comme Lλ est libre, l’application ψλ admet une inverse à droite, donc Σλ est
scindée pour tout λ ∈ Λ, et il suffit d’appliquer l’implication (f) ⇒ (a) de (i).
Partie (ii.b) : Soit f : N → N ′ un homomorphisme injectif de A-modules ; on
obtient un diagramme commutatif à lignes exactes :

0 / N ⊗A M1 / N ⊗A M2 / N ⊗A M3 /0

f ⊗A M1 f ⊗A M2 f ⊗A M3
  
0 / N ′ ⊗A M1 / N ′ ⊗A M2 / N ′ ⊗A M3 /0

et par hypothèse f ⊗A M2 est injectif ; de plus, Coker (f ⊗A Mi ) s’identifie natu-


rellement à (Coker f ) ⊗A Mi pour i = 1, 2, 3 (proposition 4.7) ; par le lemme du
serpent, l’on déduit une suite exacte :
i
0 → Ker (f ⊗A M3 ) → (Coker f ) ⊗A M1 −
→ (Coker f ) ⊗A M2 .
§ 7.6: Foncteurs dérivés d’un foncteur additif 357

Mais le complexe (Coker f ) ⊗A Σ est aussi exact par hypothèse, donc i est injectif,
d’où Ker (f ⊗A M3 ) = 0, et cela montre que M3 est plat (remarque 4.54(ii)).
8. Scorpion ç

8.1. Valuations sur les anneaux. On a vu que les anneaux locaux noethériens
intègres et intégralement fermés de dimension un peuvent être caracterisés par la
donnée d’une valuation à valeurs entiers définie sur leurs corps des fractions : voir
la remarque 7.34. Plus généralement, des valuations à valeurs dans des groupes
ordonnés arbitraires surgissent naturellement en de nombreuses situations et ap-
plications de l’algèbre commutative. Notamment, on les utilise pour enrichir un
anneau d’une structure métrique, analogue à celles que l’on trouve le plus souvent
dans l’étude des algèbres réelles de l’analyse fonctionelle ; cela explique en partie le
rôle fondamental que les valuations ont acquis lors du développement des nouvelles
géométries analytiques non-archimédiennes qui ont vu le jour au début des années
90s (variétés analytiques de Berkovich et espaces adiques de Huber). Cette section
est une première introduction au cercle d’idées autour de la théorie des valuations.
Le point de départ est la définition suivante :
Définition 8.1. (i) Un groupe abélien ordonné est un groupe abélien (Γ, +, 0)
muni d’une relation d’ordre totale ≤ telle que :
γ ≤ γ′ ⇒ γ + δ ≤ γ′ + δ ∀γ, γ ′ , δ ∈ Γ.
On prolonge ≤ en un ordre total sur l’ensemble
Γ◦ := Γ ⊔ {+∞}
de telle façon que +∞ soit l’élément maximal. On prolonge aussi la loi d’addition
de Γ, avec : γ + (+∞) = (+∞) + γ = +∞ pour tout γ ∈ Γ◦ . De plus, on pose
Γ+ := {γ ∈ Γ | γ ≥ 0} et Γ◦+ := Γ+ ⊔ {+∞}.
(ii) Un morphisme de groupes ordonnés f : (Γ, ≤) → (Γ′ , ≤) est un homomor-
phisme de groupes f : Γ → Γ′ tel que :
γ≤δ ⇒ f (γ) ≤ f (δ) ∀γ, δ ∈ Γ.
(iii) Un sous-groupe ∆ ⊂ Γ est convexe, s’il satisfait la condition suivante. Pour
tout γ ∈ Γ tel qu’il existe δ ∈ ∆ avec 0 ≤ γ ≤ δ, on a γ ∈ ∆. On dénote par
Spec Γ
l’ensemble des sous-groupes convexes de Γ. Noter que tout morphisme de groupes
ordonnés f : Γ → Γ′ induit une application :
Spec f : Spec Γ′ → Spec Γ ∆′ 7→ f −1 ∆′ .
(iv) Soit A un anneau ; une valuation sur A à valeurs dans Γ est une application
v : A → Γ◦
§ 8.1: Valuations sur les anneaux 359

telle que v(1) = 0, v(0) = +∞, et :


v(a + b) ≥ min(v(a), v(b))
∀a, b ∈ A.
v(a · b) = v(a) + v(b)
On dit que deux valuations v : A → Γ◦ et v ′ : A → Γ◦′ sont équivalentes s’il existe
deux morphismes injectifs f : Γ′′ → Γ et g : Γ′′ → Γ′ de groupes ordonnés, et une
valuation v ′′ : A → Γ◦′′ tels que
f ◦ v ′′ = v et g ◦ v ′′ = v ′ .
Exercice 8.2. Soit A un anneau, VA l’ensemble des valuations de A, et pour tout
v, v ′ ∈ VA on écrit v ∼ v ′ ⇔ v est équivalente à v ′ . Montrer que ∼ est une relation
d’équivalence sur VA . (Voir aussi l’exercice 8.15.)
Exemple 8.3. (i) Soient Γ1 , . . . , Γn des groupes (abéliens) ordonnés ; on peut
munir Γ := Γ1 × · · · × Γn de l’ordre lexicographique, tel que pour tous γ• :=
(γ1 , . . . , γn ), γ•′ := (γ1′ , . . . , γn′ ) ∈ Γ on a γ• < γ•′ si et seulement s’il existe k ≤ m
tel que γi = γi′ pour i = 1, . . . , k − 1, et γk < γk′ . On voit aisément que (Γ, ≤) est
un groupe ordonné. Noter que pour tout k = 1, . . . , n, on a le sous-groupe convexe
∆k := {0} × · · · × {0} × Γk × · · · × Γn ⊂ Γ.
(ii) Il est évident que si ∆, ∆′ sont deux sous-groupes convexes d’un groupe
ordonné Γ, on a soit ∆ ⊂ ∆′ , soit ∆′ ⊂ ∆. Le supremum des longueurs n des
chaînes ∆0 ⊂ ∆1 ⊂ · · · ⊂ ∆n de sous-groupes convexes de Γ est appelé le rang
convexe de Γ. Il s’agit donc d’un invariant à valeurs dans N ∪ {+∞}.
(iii) Par exemple, le rang convexe de Zn := Z × · · · × Z, muni de son ordre
lexicographique, est égal à n. Plus généralement, si r1 , . . . , rn sont les rangs convexes
des groupes Γ1 , . . . , Γn de (i), alors le rang convexe de Γ est r1 + · · ·+ rn (exercice !).
Exercice 8.4. Soit (Γ, ≤) un groupe abélien ordonné, ∆ ⊂ Γ un sous-groupe.
(i) Montrer que Γ est un groupe sans torsion. En déduire que le seul groupe
abélien ordonné de rang convexe 0 est le groupe trivial {0}.
(ii) Montrer que ∆ est convexe si et seulement s’il existe une structure de
groupe ordonné sur le quotient Γ/∆, telle que la projection canonique Γ → Γ/∆
est un morphisme de groupes ordonnés. Noter que le groupe ordonné (Γ/∆, ≤) est
complètement déterminé par cette dernière condition.
(iii) Soit i : ∆ → Γ l’inclusion ; montrer que Spec i : Spec Γ → Spec ∆ est
une application surjective, et même bijective si Γ/∆ est un groupe de torsion. En
particulier, si r∆ et rΓ sont les rangs convexes de ∆ et Γ, on a r∆ ≤ rΓ , avec égalité
si Γ/∆ est de torsion.
Définition 8.5. Soit v : A → Γ◦ une valuation ; le sous-groupe Γv de Γ engendré
par v(A) \ {+∞} est le groupe de valuation de v, et son rang convexe est le rang
de v. Evidemment les groupes de valuation de deux valuations équivalentes sont
isomorphes ; en particulier, le rang ne dépend que de la classe d’équivalence de v.
Exemple 8.6. (i) Pour tout anneau intègre A, l’application P 7→ − degT P est
une valuation de l’anneau A[T ] à valeurs dans le groupe ordonné des entiers (le
polynôme nul a degré +∞ ; comparer avec l’exemple 7.36(iii)).
(ii) On peut généraliser (i) comme suit. Soient m, n > 0 des entiers, et M une
matrice de taille n × m, à coefficients réels. On munit Rn = R × · · · × R de son
ordre lexicographique (déduit de l’ordre naturel sur chaque facteur R) ; soit aussi
ν
B := A[T1 , . . . , Tm ]. Pour tout ν ∈ Nm on pose T• := T1ν1 · · · Tm νm
; évidemment,
pour chaque P (T1 , . . . , Tm ) ∈ B \ {0} il existe une partie finie S ⊂ NPm
non vide, et
ν
un système unique d’éléments (aν | ν ∈ S) de A \ {0} tel que P = ν∈S aν T• , et
360 ç Scorpion

on définit
vM (P ) := max(M · ν | ν ∈ S) ∈ Rn ainsi que vM (0) := +∞.
On voit aisément que si A est intègre, vM est une valuation de rang ≤ n sur B ;
en effet, le rang de vM dépend des propriétés diophantiennes de la matrice M . Si
A = K est un corps, on peut décrire à l’aide de la valuation vM un algorithme
de division avec reste pour polynômes de m variables, généralisant l’algorithme
euclidien bien connu pour n = 1 : si P, Q1 , . . . , Qk ∈ K[T1 , . . . , Tm ], cet algorithme
produira des polynômes D1 , . . . , Dk , R ∈ K[T1 , . . . , Tm ] tels que
k
X
P = Qi · Di + R et vM (R) > max(vM (Q1 ), . . . , vM (Qk )).
i=1
Les propriétés diophantiennes de M influencent les caractéristiques de l’algorithme
associé : en particulier, même pour assurer que l’algorithme se termine en temps
fini, il est nécessaire de choisir M de telle façon que le rang de vM soit égal à m (et
donc, il faut que n ≥ m). Ces algorithmes construits à partir de vM (ou de variantes
de vM ) sont des outils de base de l’algèbre computationelle moderne.
Remarque 8.7. Soient (Γ, ≤) un groupe abélien ordonné, A un anneau, v : A → Γ◦
une valuation de A.
(i) Noter que 2 · v(−1) = v((−1)2 ) = 0, d’où v(−1) = 0, grâce à l’exercice 8.4(i).
Il s’ensuit que v(a) = v(−a) pour tout a ∈ A.
(ii) De plus, si a, b ∈ A et v(a) < v(b), on a v(a + b) = v(a). En effet, supposons
que v(a + b) > v(a) ; il vient v(a) ≥ min(v(a + b), v(−b)) > v(a), ce qui est absurde.
Exercice 8.8. Soit v une valuation de l’anneau A, et S ⊂ A une partie multipli-
cative telle que v(s) 6= +∞ pour tout s ∈ S. Montrer qu’il existe une valuation
unique w : S −1 A → Γv◦ telle que v = w ◦ j, où j : A → S −1 A est la localisation.
Définition 8.9. Le support d’une valuation v de A est la partie
Supp(v) := v −1 (+∞) ⊂ A.
On voit aisément que Supp(v) est un idéal premier de A, et on dénote son corps
résiduel par k(v) ; de plus, v se factorise à travers une unique valuation résiduelle
v : k(v) → Γv◦ .
En effet, on voit d’abord aisément que v se factorise à travers une valuation v ′ de
A := A/Supp(v), et ensuite v ′ admet un prolongement unique sur k(v) = Frac(A),
grâce à l’exercice 8.8. Donc, la donnée d’une valuation sur A est équivalente à celle
d’un idéal premier p ∈ Spec A, et d’une valuation sur le corps résiduel k(p).
8.1.1. Anneaux de valuation. L’étude des valuations est donc ramenée au cas des
valuations des corps. Soit v une valuation définie sur un corps K ; la première
observation est que la partie
K + := {x ∈ K | v(x) ≥ 0}
est un sous-anneau de K, qu’on appelle l’anneau de valuation de v. Noter que
v(x) = +∞ si et seulement si x = 0, car v(x) + v(x−1 ) = 0, si x 6= 0 ; de même,
un élément x ∈ K + est inversible (dans K + ) si et seulement v(x) = 0, et la partie
m := {x ∈ K | v(x) > 0} est un idéal. Il s’ensuit que m est le plus grand idéal
strictement contenu dans K + , donc (K + , m) est un anneau local. Il est évident que
K + ne dépend que de la classe d’équivalence de v. De plus, on voit aisément que
tout idéal de type fini de K + est principal : en effet, si x1 , . . . , xn est un système
de générateurs pour l’idéal I ⊂ V , on peut supposer que v(x1 ) ≤ v(xi ) pour tout
i = 2, . . . , n, d’où K + xi ⊂ K + x1 pour i = 2, . . . n, et donc I = K + x1 . Remarquons
§ 8.1: Valuations sur les anneaux 361

aussi que K + est intégralement clos : cela se démontre en effet comme dans la
solution de l’exercice 7.35(ii).
Le spectre premier de K + admet une description très simple en terme du groupe
de valuation Γv de la valuation correspondante :
Proposition 8.10. Avec la notation ci-dessus on a :
(i) Il existe une bijection naturelle renversant l’ordre d’inclusion

Spec K + → Spec Γv
qui associe à chaque idéal premier p ⊂ K le sous-groupe convexe
∆(p) := {γ ∈ Γv | γ, −γ < v(x) pour tout x ∈ p}
dont l’inverse associe à chaque sous-groupe convexe ∆ ⊂ Γv l’idéal premier
p(∆) := {x ∈ K + | γ < v(x) pour tout γ ∈ ∆}.
(ii) En particulier, Spec K + est totalement ordonné par inclusion, et on a :
v −1 (∆+ ) = K + \ p(∆) ∀∆ ∈ Spec Γv .
Démonstration. (i) : Quel que soit ∆ ∈ Spec Γv , on voit aisément que p(∆) est un
idéal premier de K + : les détails seront laissés aux soins du lecteur.
Ensuite, soient γ, γ ′ ∈ ∆(p) ; si γ < 0 ou γ ′ < 0, il est clair que γ +γ ′ < v(x) pour
tout x ∈ p. Si γ, γ ′ > 0, il existe y, y ′ ∈ K + tels que v(y) = γ et v(y ′ ) = γ ′ , et par
hypothèse on a y, y ′ ∈ / p, d’où yy ′ ∈
/ p, ce qui implique à nouveau que γ + γ ′ < v(x)
pour tout x ∈ p (car sinon, v(x yy ′ ) ≥ 0, i.e. yy ′ ∈ xK + ⊂ p, contradiction). Cela
−1

montre que ∆(p) est un sous-groupe de Γv , et la convexité de ∆(p) est évidente.


Or, posons q := p(∆) ; les définitions donnent aussitôt l’inclusion ∆ ⊂ ∆(q).
Pour la réciproque, soit γ ∈ Γv \ ∆ ; on veut montrer que γ ∈ / ∆(q), et quitte à
remplacer γ par −γ, on peut supposer que γ ≥ 0. Dans ce cas, il existe y ∈ K + tel
que v(y) = γ ; d’autre part, la convexité de ∆ implique que γ > δ pour tout δ ∈ ∆.
Il s’ensuit que y ∈ q, d’où l’assertion. En particulier, cela montre que l’application
p 7→ ∆(p) est une surjection de Spec K + sur Spec Γv . Pour voir qu’elle est aussi une
injection, soient p, q ∈ Spec K + et on suppose qu’il existe x ∈ p \ q ; évidemment
γx := v(x) ≥ 0 et γx ∈ / ∆(p). Il suffit de montrer que γx ∈ ∆(q) ; mais si γx ∈ / ∆(q),
il existe z ∈ q tel que v(z) ≤ γx , d’où v(z −1 x) ≥ 0, i.e. x ∈ zK + ⊂ q, contradiction.
(ii) suit aussitôt de (i). 
Exercice 8.11. (Ramification des valuations) Soit K un corps, K ′ une extension
algébrique de K, et v ′ une valuation de K ′ ; on pose Γ′ := Γv′ , Γ := v ′ (K × ), et
dénote par v : K → Γ◦ la restriction de v ′ . Soient aussi k et k ′ les corps résiduels
des anneaux de valuation K + et K ′+ correspondants, et notons
e(v ′ |v) := [Γ′ : Γ] f (v ′ |v) := [k ′ : k].
(i) Montrer que e(v ′ |v) · f (v ′ |v) ≤ [K ′ : K]. Les entiers e(v ′ |v) et f (v ′ |v) sont
appelés respectivement l’indice de ramification et le degré de v ′ sur v.
(ii) Montrer que l’on a un diagramme commutatif
Spec K ′+ / Spec Γ′

Spec i Spec j
 
Spec K + / Spec Γ

dont les flèches horizontales sont les bijections de la proposition 8.10(i), et les flèches
verticales sont induites par les inclusions i : K → K ′ et j : Γ → Γ′ .
(iii) En déduire que Spec i : Spec K ′+ → Spec K + est une bijection.
On peut caractériser comme suit les sous-anneaux de valuation dans K :
362 ç Scorpion

Lemme 8.12. Soit K un corps, A ⊂ K un sous-anneau. Le deux conditions sui-


vantes sont équivalentes :
(a) A est l’anneau de valuation d’une valuation v de K.
(b) Pour tout x ∈ K × on a soit x ∈ A, soit x−1 ∈ A.
Démonstration. Evidemment, (a)⇒(b), car pour tout x ∈ K × on a soit v(x) ≥ 0,
soit v(x−1 ) = −v(x) ≥ 0.
(b)⇒(a) : on pose Γ := K × /A× ; donc (Γ, +) est un groupe abélien (son élément
neutre 0 est la classe de 1 ∈ K × ), et la projection v : K × → Γ est un homo-
morphisme de groupes que l’on prolonge à K par v(0) := +∞. On munit Γ de la
relation d’ordre total suivante : si γ, γ ′ ∈ Γ sont les classes d’éléments x, x′ ∈ K × ,
on dit que γ ≤ γ ′ si et seulement si x′ /x ∈ A. On voit aisément que cette définition
ne dépend pas des représentants x et x′ , et que si γ ≤ γ ′ et γ ′ ≤ γ ′′ , alors γ ≤ γ ′′ ;
de plus, si on a à la fois γ ≤ γ ′ et γ ′ ≤ γ, on voit que x′ /x est inversible dans A,
d’où γ = γ ′ . Evidemment, A = {x ∈ K | v(x) ≥ 0}, donc il ne reste qu’à montrer
que v(x + y) ≥ min(v(x), v(y)) pour tout x, y ∈ K. Pour cela, on peut supposer
que +∞ = 6 v(x) ≤ v(y), i.e. y/x ∈ A, d’où (x + y)/x = 1 + y/x ∈ A, et finalement
v(x + y) ≥ v(x), comme souhaité. 
Les anneaux de valuation des valuations de K seront appelés simplement les
anneaux de valuations de K : ils sont les anneaux de valuations contenus dans K,
et dont le corps des fractions coïncide avec K.
Remarque 8.13. (i) Comme corollaire, on voit que tout sous-anneau V ⊂ K conte-
nant un anneau de valuation K + , est aussi un anneau de valuation de K ; de plus, il
est une localisation de K + : en effet, si mV ⊂ V est l’idéal maximal, et p := K + ∩mV ,
le lemme 8.12 implique aisément que V = Kp+ , et si Γ dénote le groupe de valuation
de K + , la preuve du même lemme montre aussi bien que le groupe de valuation
de V est (naturellement identifié avec) Γ/∆(p), où ∆(p) ⊂ Γ est le sous-groupe
convexe correspondant à p, suivant la bijection canonique de la proposition 8.10.
(ii) De même, pour tout p ∈ Spec K + , le quotient K + /p est un anneau de
valuation de k(p) : en effet, rappelons que la projection K → K + /p se prolonge
en une surjection Kp+ → k(p) ; or si x ∈ k(p) \ (K + /p), d’après le lemme 8.12 il
faut montrer que x−1 ∈ K + /p. Pour cela, on est ramené à montrer que pour tout
y ∈ Kp+ \ K + on a y −1 ∈ K + , et cela suit encore du même lemme. De plus, la
proposition 8.10(ii) entraîne une identification naturelle du groupe de valuation de
K + /p avec ∆(p). Voir aussi le problème 8.61.
Exercice 8.14. (Composition de valuations) Soit K un corps, V un anneau de
valuation de K, et m ⊂ V son idéal maximal. Soit aussi π : V → k(m) la projection
canonique, et V ′ un anneau de valuation de k(m). Montrer que π −1 V ′ est un anneau
de valuation de K.
Exercice 8.15. Soit A un anneau, v et w deux valuations de A. Montrer que v et
w sont équivalentes si et seulement si, pour tout a, b ∈ A on a :
v(a) ≥ v(b) ⇔ w(a) ≥ w(b).
Un lecteur (très) perspicace aura à ce point cru entrevoir des analogies formelles
avec notre discussion des filtres et ultrafiltres dans la section 1.6 : rappelons que si F
est un ultrafiltre (ou plus généralement, un filtre premier) sur un espace topologique
T , et si Z ⊂ T est une partie fermé, alors soit Z ∈ F , soit l’adhérence de T \ Z
appartient à F . Cela fait écho à la condition (b) du lemme 8.12. On peut alors
soupçonner aussi que la construction d’anneaux de valuation de K s’effectuera en
général par application du lemme de Zorn sur un ensemble partiellement ordonné
convenable associé à K. En effet, on a la définition suivante :
§ 8.1: Valuations sur les anneaux 363

Définition 8.16. Soit K un corps. On dénote par LK l’ensemble des sous-anneaux


locaux de K, et pour tout A ∈ LK soit mA l’idéal maximal de A. On munit LK
de l’ordre partiel tel que pour tout A, B ∈ LK on a
A≤B ⇔ A ⊂ B et mA = mB ∩ A.
Théorème 8.17. Soit K un corps, et A ∈ LK . On a :
(i) Il existe un élément maximal V de LK tel que A ≤ V .
(ii) Les éléments maximaux de LK sont les anneaux de valuation de K.
Démonstration. (i) : Soit (Aλ | λ ∈ Λ) une partie totalement ordonnée de LK avec
S ≤ Aλ pour tout λ ∈ Λ ; par le lemme de Zorn, il suffit de remarquerSque V :=
A
λ∈Λ Aλ est un élément de LK (car l’unique idéal maximal de V est λ∈Λ mAλ )
et Aλ ≤ V pour tout λ ∈ Λ.
(ii) : Montrons d’abord que tout anneau de valuation V de K est maximal dans
LK . En effet, soit A ∈ LK avec V ≤ A. Donc V ⊂ A ; si x ∈ A \ V , on aurait
x−1 ∈ V \ V × , donc x−1 ∈ mV ⊂ mA (lemme 8.12), d’où x ∈ / A, contradiction.
Soit maintenant V un élément maximal de LK , et x ∈ K ; par le lemme 8.12,
il suffit de vérifier que l’on a soit x ∈ V , soit x−1 ∈ V . On raisonne par l’absurde ;
supposons donc que x ∈ / V , notons f : V → V [x] ⊂ K l’inclusion, et soit φ :=
Spec f : Spec V [x] → Spec V .
Affirmation 8.18. La fibre φ−1 (mV ) = Spec V [x] ⊗V k(mV ) est vide.
Preuve : En effet, si p ∈ φ−1 (mV ), il vient V [x]p ∈ LK , et V ≤ V [x]p . Mais
par construction, V est strictement contenu dans V [x]p ; cela est absurde, car V est
maximal dans LK . ♦
L’observation implique que V [x]⊗V k(mV ) = 0 (théorème 1.21), i.e. 1 ∈ mV ·V [x].
Donc, il existe n ∈ N et a0 , . . . , an ∈ mV tels que
(∗) 1 = a0 + a1 x + · · · + an xn .
Mais 1 − a0 ∈ V × , donc si on pose bi := (1 − a0 )−1 · ai pour i = 1, . . . , n, il vient
1 = b1 x + · · · + bn xn avec b1 , . . . , bn ∈ mV .
Le même argument s’applique au cas où x −1
/ V , et donne une identité :

−1 −m
(∗∗) 1 = c1 x + · · · + cm x avec c1 , . . . , cm ∈ mV .
Choisissons maintenant des identités (∗) et (∗∗) avec n et m minimaux. Quitte à
échanger x et x−1 , on peut aussi supposer que n ≥ m ; dans ce cas, on obtient
1 = a0 + a1 x + · · · + an−1 xn−1 + an (c1 xn−1 + · · · + cm xn−m ).
Cette dernière est une identité du type (∗), mais chaque puissance de x dans cette
expression a degré < n, ce qui contredit la minimalité de n. 
Comme corollaire, on déduit la description suivante de la fermeture intégrale
d’un sous-anneau de K, généralisant le théorème 7.43 :
Corollaire 8.19. Soit K un corps, A ⊂ K un sous-anneau. La fermeture intégrale
de A dans K est l’intersection de tous les anneaux de valuation de K contenant A.
Démonstration. On a déjà remarqué que tout anneau de valuation de K est in-
tégralement clos, donc l’intersection des anneaux de valuation de K contenant A
est aussi intégralement close, et en particulier contient la fermeture intégrale de A
dans K. Soit donc x ∈ K un élément qui n’est pas entier sur A ; on doit exhiber un
anneau de valuation V de K tel que A ⊂ V et x ∈ / V . Pour cela, posons y := x−1 ;
l’idéal yA[y] de l’anneau A[y] ⊂ K ne contient pas 1, car autrement on aurait une
identité de la forme 1 = a1 y + · · · + an y n , pour certains a0 , . . . , an ∈ A, d’où l’iden-
tité xn − a1 xn−1 − · · · − an = 0, donc x serait entier sur A, une contradiction. Il
364 ç Scorpion

existe alors un idéal premier p ⊂ A[y] avec yA[y] ⊂ pA[y] ⊂ pA[y]p (corollaire 1.23) ;
par le théorème 8.17 on trouve un anneau de valuation V de K tel que A[y]p ⊂ V
et mV ∩ A[y]p = pA[y]. En particulier, y ∈ mV , et donc x ∈
/ V , comme souhaité. 

Exercice 8.20. Soit K un corps, A ∈ LK , et notons par VK/A ⊂ LK l’ensemble


des anneaux de valuations
T V de K tels que A ≤ V .
(i) Montrer que V ∈VK/A V est la fermeture intégrale de A dans K.
(ii) Soit K ⊂ E une extension de corps arbitraire. Montrer que toute valuation
v de K se prolonge en une valuation w de E (donc, avec Γv ⊂ Γw ).
Le cas d’un anneau qui s’écrit comme intersection d’un nombre fini d’anneaux
de valuations de K peut être analysé plus en détail ; pour cela, on utilisera le lemme
suivant, une astuce due à Nagata :

Tn 8.21. Soit K un corps, V1 , . . . , Vn des anneaux de valuation de K ; on pose


Lemme
A := i=1 Vi . Alors, pour tout a ∈ K il existe un entier s ≥ 2 tel que A contient
bs := (1 + a + · · · + as−1 )−1 et abs .
Démonstration. On considère chaque Vi séparement. Si a ∈
/ Vi , on a c := a−1 ∈ mi ,
l’idéal maximal de Vi , d’où
bs = cs−1 /(1 + c + · · · + cs−1 ) ∈ Vi ∀s ≥ 1
et abs = cs−2 /(1 + c + · · · + cs−1 ) ∈ Vi pour tout s ≥ 2. Ensuite, supposons que
a ∈ Vi et 1 − at ∈ K \ mi pour tout t ≥ 1 ; dans ce cas, 1 − at ∈ Vi× pour t ≥ 1, et
l’identité bs = (1 − a)/(1 − as ) montre que bs , abs ∈ Vi pour tout s ≥ 1.
Si 1 − a ∈ mi \ {0}, noter que ct := (1 − at )/(1 − a) = 1 + a + · · · + at−1 ∈ Vi
pour tout t ≥ 1, d’où
s−1
X
1 + a + · · · + as−1 = s + (a − 1) + · · · + (as−1 − 1) = s + (a − 1) · ct ∈ Vi×
t=1

pour tout s ≥ 2 qui n’est pas divisible par la caractéristique du corps résiduel k(mi ) ;
il s’ensuit que bs , abs ∈ Vi pour ces mêmes entiers s. Il est en de même si a = 1.
En dernier lieu, supposons que a ∈ Vi , 1 − a ∈ / mi , et il existe t ≥ 2 tel que
1 − at ∈ mi ; dans ce cas, notons t0 := min(t ≥ 2 | 1 − at ∈ mi ). On remarque que
1 − akt0 = (1 − at0 ) · (1 + at0 + · · · + a(k−1)t0 ) ∈ mi pour tout k ≥ 1, et d’autre
part, at0 , 1 − ar ∈ Vi× pour tout 0 < r < t0 . Si s ∈ N, écrivons s = kt0 + r avec
0 ≤ r < t0 ; il vient
1 − as = 1 − akt0 + akt0 · (1 − ar ) ∈ mi ⇔ r = 0.
Donc, bs , abs ∈ Vi pour tout s ≥ 2 qui n’est pas un multiple de t0 . En conclusion,
pour chaque i = 1, . . . , n il existe un entier di ∈ N \ {1} tel que bs , abs ∈ Vi pour
tout s ∈ N \ ({1} ∪ di N), d’où le lemme. 

Théorème 8.22. Soit K un corps, V1 T , . . . , Vn des anneaux de valuations de K,


n
avec Vi * Vj pour i 6= j ; on pose A := i=1 Vi . Pour tout i = 1, . . . , n, soit aussi
mi l’idéal maximal de Vi , et pi := mi ∩ A. Alors on a :
(i) Max A = {p1 , . . . , pn }.
(ii) De plus, Api = Vi pour tout i = 1, . . . , n.
Démonstration. (ii) : Evidemment Api ⊂ Vi pour tout i = 1, . . . , n. De l’autre côté,
soit a ∈ Vi , et choisissons un entier s ≥ 2 vérifiant les conditions du lemme 8.21 ;
on pose b := (1 + a + · · · + as−1 )−1 , donc b, ab ∈ A, et par construction b ∈ Vi× . En
particulier, b ∈ A \ pi , d’où a = (ab)/b ∈ Api .
§ 8.1: Valuations sur les anneaux 365

(i) : Il vient de (ii) que pi * pj pour i 6= j. Or, siSI ⊂ A est un idéal qui n’est
n
contenu dans aucun des p1 , . . . , pn , il existe x ∈ I \ i=1 pi (proposition 2.5) ; on
déduit que x ∈ Vi× pour i = 1, . . . , n, d’où x ∈ A× . L’assertion s’ensuit aussitôt. 

Problème 8.23. Soit K un corps, E une extension algébrique de K, et V un


anneau de valuation de K. On définit VE/V ⊂ LE comme dans l’exercice 8.20, et
soit A la fermeture intégrale de V dans E. Montrer que :
(i) Si E est une extension finie de K, l’ensemble VE/V est fini.
(ii) Si E est une extension normale de K, le groupe de Galois Gal(E/K) agit
transitivement sur l’ensemble VE/V . (Noter que si σ ∈ Gal(E/K) et W ∈
VE/V , le sous-anneau σ(W ) ⊂ E est aussi un élément de VE/V .)

(iii) On a une bijection naturelle Max A → VE/V : m 7→ Am .
Exercice 8.24. Soit V un anneau de valuation, M un V -module.
(i) On suppose que M soit de type fini et sans torsion (voir le paragraphe 1.1.3).
Montrer que M est libre (de rang fini).
(ii) Déduire de (i) que tout V -module sans torsion est plat.
(iii) On suppose que M soit de présentation finie, et on considère une application
V -linéaire surjective φ : L → M avec L un V -module libre de rang fini. Noter que
N := Ker φ est un V -module de type fini, par l’exercice 3.56(iv), donc aussi libre
de rang fini, par (i). Soit ensuite L∨ := HomV (L, V ) le dual de L, et notons
ε : N ⊗V L∨ → V x ⊗ α 7→ α(x)
la restriction de l’application d’évaluation. Montrer qu’il existe α ∈ L∨ et x ∈ N
tels que Im ε = V · α(x), et en déduire que N = V x ⊕ (N ∩ Ker α).
(iv) Dans la situation de (iii), posons a := α(x). Montrer qu’il existe y ∈ L tel
que x = ay et L = V y ⊕ Ker α.
(v) Déduire de (iii) et (iv) qu’il existe une base y1 , . . . , yn de L, un entier k ≤ n
et des éléments a1 , . . . , ak ∈ V tels que N = (V a1 y1 )⊕· · ·⊕(V ak yk ). En particulier,
tout V -module de présentation finie est somme directe finie de V -modules cycliques.
8.1.2. Algèbres de type fini sur un anneau de valuation. Soit V un anneau de va-
luation arbitraire ; on achève cette section avec un résultat concernant les modules
sur les V -algèbres de type fini, qui nous sera utile plus tard, pour la preuve d’un
important théorème de Gruson et Raynaud.
Proposition 8.25. Soit V un anneau de valuation, (A, f : V → A) une V -algèbre
de type fini, M un A-module de type fini tel que M[f ] soit un V -module plat. Alors
M est un A-module de présentation finie.
Démonstration. Par hypothèse il existe n ∈ N et un homomorphisme surjectif de
g
V -algèbres A0 := V [T1 , . . . , Tn ] −
→ A, et soit I := Ker g. Supposons que le A0 -
module M[g] soit de présentation finie, i.e. il existe un isomorphisme A0 -linéaire

ω : Ak0 /N → M[g] pour quelque k ∈ N et un sous-A0 -module N ⊂ Ak0 de type
fini ; l’on déduit via g une structure naturelle de A-module libre de rang k sur
Q := Ak0 /IAk0 , et noter que IAk0 ⊂ N , de telle façon que N := N/(IAk0 ) est
naturellement un sous-A-module de type fini de Q, et ω induit un isomorphisme

A-linéaire Q/N → M , ce qui montre que M est un A-module de présentation finie.
Ainsi, il suffit de prouver la proposition avec A = V [T1 , . . . , Tn ]. Dans ce cas, pour
tout i ∈ N soit A(i) ⊂ A[f ] le sous-V -module des polynômes de degré total ≤ i, et
on pose
M
R(A(•) ) := U i A(i) ⊂ A[U ].
i∈N
366 ç Scorpion

Donc, R(A(•) ) est l’ensemble des polynômes P := U d ad + · · · + a0 ∈ A[U ] de degré


quelconque d ∈ N, tels que ai (T1 , . . . , Tn ) ∈ A soit un polynôme de degré total ≤ i
pour tout i = 0, . . . , d. Comme U i A(i) · U j A(j) ⊂ U i+j A(i+j) pour tout i, j ∈ N,
l’on voit que R(A(•) ) est un sous-anneau de A[U ], et il est même un anneau gradué
(voir le paragraphe 6.3.1) : sa composante homogène de degré i est U i A(i) , pour
tout i ∈ N. On remarque :

Affirmation 8.26. Il existe un isomorphisme V [U, X1 , . . . , Xn ] → R(A(•) ) de V -
algèbres.
Preuve : En effet, l’on obtient un tel isomorphisme par les associations : U 7→ U
et Xi 7→ U Ti pour i = 1, . . . , n. Son inverse est l’homomorphisme de V -algèbres tel
que U d T1i1 · · · Tnin 7→ U d−(i1 +···+in ) X1i1 · · · Xnin pour tout d, i1 , . . . , in ∈ N tels que
i1 + · · · + in ≤ d. ♦
Soit ensuite M [U ] := A[U ] ⊗A M ; noter que le système (U i | i ∈ N) est une base
du A-module libre A[U ], donc on peut identifier naturellement M [U ] avec l’ensemble
des termes de la forme U d xd + U d−1 xd−1 + · · · + x0 pour tout d ∈ N et toute suite
x0 , . . . , xd ∈ M . Soit aussi Σ := {y1 , . . . , yr } un système fini de générateurs pour
le A-module M , et pour tout i ∈ N notons par M(i) ⊂ M [U ] le sous-V -module
engendré par la famille {U i ay | a ∈ A(i) , y ∈ Σ} ; on pose de même
M
R(M(•) ) := M(i) ⊂ M [U ].
i∈N

Or, le A[U ]-module M [U ] devient un R(A(•) )-module gradué après restriction des
scalaires suivant l’inclusion R(A(•) ) ⊂ A[U ], et l’on voit aisément que R(M(•) )
est un sous-R(A(•) )-module gradué de M [U ]. En dernier lieu, soit φ : Ar → M
la surjection A-linéaire telle que φ(a1 , . . . , ar ) := a1 y1 + · · · + ar yr pour tout
a1 , . . . , ar ∈ A ; noter que U i · φ(Ar(i) ) = M(i) pour tout i ∈ N, et on pose

M(i) := U i · (Ar(i) ∩ Ker φ) ⊂ R(A(•) )r ∀i ∈ N.
L
La somme directe R(M(•)′
) := i∈N M(i) ′
est un sous-R(A(•) )-module gradué du
R(A(•) )-module R(A(•) ) , d’où une suite exacte de R(A(•) )-modules gradués :
r

e
φ

C(•) : 0 → R(M(•) ) → R(A(•) )r −
→ R(M(•) ) → 0

avec φe l’application R(A(•) )-linéaire telle que : (U i1 a1 , . . . , U ir ar ) 7→ U i1 a1 y1 +· · ·+


U ir ar yr pour tout U i1 a1 , . . . , U ir ar ∈ R(A(•) ). Par construction, C(•) est la somme
directe des ses composantes homogènes C(i) := (0 → M(i) ′
→ Ar(i) → M(i) → 0), et
chaque complexe C(i) est une suite exacte courte de V -modules sans torsion ; de plus,
chaque M(i) est un V -module de type fini, donc libre de rang fini (exercice 8.24(i)).
Mais alors C(i) est un complexe scindé de V -modules libres, pour tout i ∈ N ; le
produit tensoriel k ⊗V C(•) de C(•) avec le corps résiduel k de V est donc encore une
suite exacte courte de k ⊗V R(A(•) )-modules. D’après l’observation 8.26, l’anneau
gradué R := k ⊗V R(A(•) ) (dont la graduation est induite par celle de R(A(•) ))
est isomorphe à k[U, X1 , . . . , Xn ], et en particulier il est noethérien, donc le noyau
k ⊗V R(M(•) ′
) de k ⊗V φe est un R-module gradué de type fini (dont la graduation
est induite par celle de R(M(•) ′
)). Soit Σ′ := {U d1 x′1 , . . . , U ds x′s } une famille finie
d’éléments homogènes de R(M(•) ′
) (pour certains ′ x1 , . . . , x′s ∈ Ker φ) telle que
1 ⊗ U d1 x′1 , . . . , 1 ⊗ U ds x′s soit un système de générateurs de k ⊗V R(M(•) ′
), et notons
par R(M(•) ) ⊂ R(M(•) ) le sous-R(A(•) )-module engendré par Σ . Donc R(M(•)
′′ ′ ′ ′′
)
est la somme directe des ses composantes homogènes M(i) , et par construction ′′

l’inclusion M(i) ′′
→ M(i) ′
induit une surjection k ⊗V M(i) ′′
→ k ⊗V M(i) ′
pour tout
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 367

i ∈ N ; d’après le corollaire 4.38, il s’ensuit que M(i) ′′ ′


= M(i) pour chaque i, d’où
R(M(•) ) = R(M(•) ), i.e. Σ engendre le R(A(•) )-module R(M(•)
′′ ′ ′ ′
). L’on déduit
aisément que le système {x1 , . . . , xs } engendre le A-module Ker φ, donc M est bien
′ ′

de présentation finie. 
8.2. Ordres sur les anneaux et corps formellement réels. On va mainte-
nant s’autoriser un détour afin de revisiter l’anneau C (X) des fonctions continues
à valeurs réels d’un espace topologique X, dont la proximité avec les anneaux de
valuation a déjà été suggérée au début de notre discussion. On veut montrer com-
ment les mêmes considérations “de nature métrique” que l’on a exploité pour ces
derniers, sont efficaces aussi pour étudier le spectre premier de C (X) : notamment,
la notion de convexité (rencontrée déjà dans la définition 8.1(iii)) y joue un rôle
similaire, et conduit à des consequences analogues. Ma présentation est empruntée
à l’article [5].
Définition 8.27. (i) Un anneau partiellement ordonné est la donnée (A, ≤) d’un
anneau A et une relation d’ordre partiel sur A telle que pour tout a, b, c ∈ A on a :
— Si a ≤ b, alors a + c ≤ b + c
— Si a ≤ b et c ≥ 0, alors a · c ≤ b · c.
(ii) Un anneau totalement ordonné est un anneau partiellement ordonné (A, ≤)
dont l’ordre ≤ est total.
(iii) Un morphisme d’anneaux partiellement ordonnés φ : (A, ≤) → (B, ≤) est
un homomorphisme d’anneaux φ : A → B qui est aussi un morphisme d’ensembles
partiellement ordonnés (définition 1.18). Evidemment, les anneaux partiellement
ordonnés et les morphismes d’anneaux partiellement ordonnés forment une catégorie
poAnn.
L’exemple fondamental pour nous sera l’anneau partiellement ordonné (C (X), ≤)
associé à tout espace topologique X, où pour tout f, g ∈ C (X) l’on déclare que
f ≤g ⇔ f (x) ≤ g(x) ∀x ∈ X.
Remarque 8.28. Soit f : (A, ≤) → (B, ≤) un morphisme d’anneaux partiellement
ordonnés tel que l’application f : A → B est bijective.
(i) Noter que f est un isomorphisme dans la catégorie Z − Alg, mais il n’est pas
forcément un isomorphisme de la catégorie poAnn. Par exemple, on peut munir Z
de son ordre standard ≤, et de l’ordre trivial ≤′ tel que n ≤′ m si et seulement si
n = m, pour tout n, m ∈ Z ; l’identité IdZ : (Z, ≤′ ) → (Z, ≤) est un morphisme de
poAnn, mais il n’est pas un isomorphisme de cette catégorie.
(ii) Toutefois, si de plus (A, ≤) est un anneau totalement ordonné, alors f est
un isomorphisme de poAnn : la vérification sera laissée au lecteur.
Exercice 8.29. Soit (A, ≤) un anneau ordonné, I ⊂ A un idéal, et π : A → A/I
la projection. Le foncteur h(A,≤) : poAnn → Ens admet un sous-foncteur
FI : poAnn → Ens (B, ≤) 7→ {f : (A, ≤) → (B, ≤) | I ⊂ Ker f }
(notation de la section 2.2). Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) On a sur A/I une unique structure (A/I, ≤) d’anneau partiellement ordonné
telle que π : (A, ≤) → (A/I, ≤) soit un morphisme d’anneaux partiellement
ordonnés, et le couple ((A/I, ≤), π) soit universel pour le sous-foncteur FI .
(b) L’idéal I est convexe, i.e. il satisfait la propriété suivante : pour tout a ∈ A
et b ∈ I, si on a 0 ≤ a ≤ b, alors a ∈ I.
Si I est convexe, la relation d’ordre sur A/I caractérisée par (a) ci-dessus sera
appelée l’ordre partiel induit par (A, ≤).
368 ç Scorpion

Exercice 8.30. Soit ((A• , ≤), g•• ) un système d’anneaux partiellement ordonnés,
indexé par un ensemble Λ filtré (voir l’exercice 3.12 ; donc, gλµ : Aλ → Aµ est un
morphisme d’anneaux partiellement ordonnés, pour tout λ, µ ∈ Λ avec λ < µ). Soit
aussi (A, (iλ : Aλ → A | λ ∈ Λ)) un co-cône universel pour le système d’anneaux
(non ordonnés) (A• , g•• ). Montrer qu’il existe un ordre partiel unique ≤ sur A, tel
que (A, ≤) soit un anneau partiellement ordonné, les homomorphismes iλ soient
tous des morphismes d’anneaux partiellement ordonnés, et le co-cône ((A, ≤), i• )
soit universel pour le système d’anneaux partiellement ordonnés ((A• , ≤), g•• ). En
particulier, (A, ≤) représente la limite directe de ce système dans la catégorie poAnn.
Lemme 8.31. Pour tout espace topologique X on a :
(i) Soient f, g ∈ C (X) et on suppose que |f | ≤ |g|. Alors f 2 ∈ g · C (X).
(ii) Tout idéal premier de C (X) est convexe.
(iii) Si p ⊂ C (X) est un idéal premier, le quotient C (X)/p, muni de l’ordre partiel
induit par (C (X), ≤), est un anneau totalement ordonné.
Démonstration. (i) : On considère la fonction h : X → R telle que h(x) :=
f (x)2 /g(x) si g(x) 6= 0, et h(x) := 0 sinon. On voit aisément que h est continue, et
f 2 = g · h.
(ii) : Soient p ⊂ C (X) un idéal premier, g ∈ p et f ∈ C (X) tels que 0 ≤ f ≤ g ;
par (i) on déduit que f 2 ∈ g · C (X) ⊂ p, d’où f ∈ p.
(iii) : Quel que soit f ∈ C (X), on a évidemment |f | ≥ 0 et −|f | ≤ 0. D’autre
part, 0 = f 2 − |f |2 = (f − |f |) · (f + |f |), d’où soit f ≡ |f | ≥ 0 (mod p), soit
f ≡ −|f | ≤ 0 (mod p), d’où l’assertion. 
Remarque 8.32. Soit X un espace topologique.
(i) Il est évident que si (A, ≤) est un anneau totalement ordonné, et I, J ⊂ A
sont deux idéaux convexes, on a soit I ⊂ J, soit J ⊂ I : les détails seront laissés au
lecteur. Compte tenu du lemme 8.31(ii,iii), il s’ensuit que, pour tout idéal premier
p de C (X), l’ensemble Spec C (X)/p est totalement ordonné par inclusion, comme
déjà vu pour le spectre premier de tout anneau de valuation (proposition 8.10(ii)).
(ii) En particulier, C (X)/p est un anneau local. De plus, le radical de tout idéal
de C (X)/p est premier : en effet, le radical d’un idéal est l’intersection des idéaux
premiers qui le contiennent (corollaire 2.1), et l’intersection d’une famille d’idéaux
premiers totalement ordonnée par inclusion est un idéal premier (voir la solution
de l’exercice 2.7).
(iii) Supposons que X soit complètement régulier, fixons x ∈ X, et notons par
m ⊂ C (X) l’idéal maximal des fonctions qui s’annulent au point x. Grâce à l’exercice
3.14, on sait que la localisation C (X)m est identifiée naturellement à l’anneau des
germes des fonctions continues autour de x. Noter que pour toute inclusion de voi-
sinages U ⊂ V de x dans X, l’homomorphisme de restriction ρUV : C (V ) → C (U )
est un morphisme d’anneaux ordonnés ; compte tenu de l’exercice 8.30, il s’ensuit
qu’il existe un ordre partiel unique sur C (X)m tel que (C (X)m , ≤) représente la
limite directe du système (C (U ), ρUV | x ∈ U ⊂ V ⊂ X) dans poAnn. En par-
ticulier, pour tout voisinage ouvert U de x dans X, l’homomorphisme canonique
ρU : C (U ) → C (X)m est un morphisme d’anneaux partiellement ordonnés. On
déduit que tout idéal premier p ⊂ C (X)m est convexe : en effet, soient f ∈ C (X)m ,
g ∈ p avec 0 ≤ f ≤ g ; on vient de remarquer qu’il existe un voisinage ouvert U de
x et des fonctions continues f ′ , g ′ : U → R telles que ρU (f ′ ) = f et ρU (g ′ ) = g, et
quitte à remplacer U par un voisinage plus petit, on peut supposer que 0 ≤ f ′ ≤ g ′ .
En particulier, g ′ ∈ q := ρ−1U p, et q est un idéal convexe de C (U ), par le lemme
8.31(ii) ; donc f ′ ∈ q, d’où f ∈ p.
(iv) Dans la situation de (iii), soit p un idéal premier de C (X) contenu dans
m, et munissons le quotient C (X)/p (resp. C (X)m /pC (X)m ) de l’ordre induit par
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 369

C (X) (resp. par C (X)m ) ; grâce à (ii) on voit que l’homomorphisme naturel de
C (X)-algèbres
C (X)/p → C (X)m /pC (X)m
est un isomorphisme ; de plus, une inspection directe montre que cette applica-
tion est un morphisme d’anneaux partiellement ordonnés. Compte tenu du lemme
8.31(iii) et de la remarque 8.28(ii), on déduit qu’il s’agit d’un isomorphisme d’an-
neaux partiellement ordonnés.
(v) Toujours pour X comme dans (iii), remarquons aussi que tout élément
a ∈ mC (X)m est “infinitésimal”, i.e. −ρ < a < ρ pour tout nombre réel ρ > 0 (on
identifie tout réel ρ avec la fonction constante X → R de valeur ρ). En effet, a
correspond à un germe de fonction continue autour de x, i.e. la classe d’un couple
(U, α), consistant d’un voisinage ouvert U de x, et une fonction continue α : U → R
telle que α(x) = 0 ; quitte à restreindre U , on peut alors supposer que −ρ < α(t) < ρ
pour tout t ∈ U , d’où l’assertion. Au vu de (iv), le même résultat reste valable pour
C (X)/p : tout élément non inversible de cet anneau est infinitésimal.
On est maintenant prêt pour montrer :
Théorème 8.33. Soit X un espace topologique compact et séparé, x0 ∈ X un
point, et m ⊂ C (X) l’idéal maximal des fonctions qui s’annulent en x0 . Supposons
que l’homomorphisme naturel R → C (X)m ne soit pas un isomorphisme. Alors
dim C (X)m = ∞.
Démonstration. Montrons d’abord que C (X)m contient un idéal premier non maxi-
mal. En effet, sinon mC (X)m serait l’unique idéal premier, et il serait donc le radical
nilpotent de C (X)m (théorème 1.32(ii)). Mais évidemment le radical nilpotent de
C (X) est l’idéal 0, donc de même pour sa localisation C (X)m (voir l’exercice 2.34) ;
on conclut que mC (X)m = 0, d’où C (X)m = (C (X)/m)m = R, ce qui contredit
notre hypothèse.
Soit donc p ⊂ m un idéal premier non maximal ; évidemment il suffit de montrer
qu’il existe un autre idéal premier q de C (X) tel que p ( q ( m. Pour cela,
choisissons un élément non nul ā de l’idéal maximal m/p de A := C (X)/p ; grâce
au lemme 8.31(iii) on peut supposer que ā > 0. Notons par q le radical de l’idéal
āA ; on sait que q est un idéal premier de A (voir la remarque 8.32(ii)), et on est
donc ramené à montrer que q est strictement contenu dans mA. Or, comme l’ordre
de A est induit par C (X), on peut trouver a ∈ m tel que a > 0 et dont la classe
dans A coïncide avec ā. On considère la fonction b : X → R telle que
(
| log a(x)|−1 si a(x) 6= 0
b(x) :=
0 si a(x) = 0.
On vérifie aisément que b est continue sur X, et comme b(x0 ) = 0, on a b ∈ m ;
notons b̄ la classe de b dans A. Rappelons que pour tout entier k > 0 il existe
δk > 0 tel que | log y| < y/k pour tout réel y > δk , ou de façon équivalente,
| log y|k < 1/y pour 0 < y < 1/δkk ; il s’ensuit aisément que b(x)k ≥ a(x) pour tout
x ∈ Uk := a−1 ([0, 1/δkk [), et évidemment Uk est un voisinage ouvert de x0 dans X.
On déduit que bk ≥ a dans la localisation C (X)m , et donc
(∗) b̄k ≥ ā dans A, pour tout entier k > 0.
Pour conclure, il suffit de montrer que b̄ ∈ / q. On raisonne par l’absurde : si b̄ ∈ q, il
existe n ∈ N et c̄ ∈ A tels que b̄n = ā · c̄, donc b̄n+1 = ā · c̄ · b̄ ≤ ā/2, par la remarque
8.32(v) ; compte tenu de (∗), on déduit que ā ≤ ā/2, i.e. ā ≤ 0, contradiction. 
Exemple 8.34. Soit m ⊂ C ([0, 1]) l’idéal des fonctions f : [0, 1] → R telles que
f (0) = 0. Comme A := C ([0, 1])m est l’anneau des germes de fonctions continues
370 ç Scorpion

autour de 0, on voit que le noyau de l’homomorphisme de localisation C ([0, 1]) → A


est l’idéal des fonctions qui s’annulent dans un voisinage de 0. En particulier, la
fonction g telle que g(x) = x pour tout x ∈ [0, 1] n’est ni nulle ni inversible dans
A, ce qui montre que l’homomorphisme naturel R → A n’est pas un isomorphisme.
Donc, le théorème 8.33 nous montre que pour tout idéal premier non maximal p
de A il existe une chaîne strictement ascendante p0 ⊂ p1 ⊂ · · · de longueur infinie,
avec p0 = p. Pour compléter cette discussion, on va montrer qu’il existe aussi des
chaînes infinies strictement descendantes d’idéaux premiers de A ; plus précisément,
on va exhiber une suite décroissante infinie de filtres premiers de [0, 1] : grâce au
lemme 1.56(ii,iv), on en déduira la chaîne d’idéaux premiers cherchée. J’ai appris
les constructions qui suivent de J.-F.Burnol.
D’abord, pour tout n ∈ N, notons Dn ⊂ [0, 1[ la partie des nombres réels dont
l’écriture décimale comporte exactement n fois le chiffre 1, et que des zéros ailleurs
(e.g. D0 = {0} et D1 = {10−n−1 | n ∈ N}). Pour n ≥ 1 et tout x ∈ Dn , on dénote
k1 (x) < k2 (x) < · · · < kn (x) les entiers tels que
x = 10−k1 (x) + 10−k2 (x) + · · · + 10−kn (x) .
On pose aussi k0 (0) := 0. Pour tout n ≥ 1, on considère l’application
∂n : Dn → Dn−1 x 7→ 10−k1 (x) + 10−k2 (x) + · · · + 10−kn−1 (x)
et pour toute partie W ⊂ Dn−1 et toute fonction f : W → N \ {0}, on définit
Z(W, f ) := {y ∈ Dn | ∂n (y) ∈ W et y − ∂n (y) ≤ 10−f (∂n (y))−kn−1 (∂n (y)) }
et l’on dénote par Z(W, f ) l’adhérence de Z(W, f ) dans [0, 1].
Remarque 8.35. (i) Notons que pour tout W ⊂ Dn−1 on a
W = {∂n (z) | z ∈ Z(W, f )} pour toute fonction f : W → N \ {0}.
De plus, si g : W → N \ {0} est une autre fonction, on a Z(W, f ) = Z(W, g)
si et seulement si f = g : cela se voit en remarquant que, pour x1 , x2 ∈ Dn−1
avec x1 < x2 , les intervalles [x1 , x1 + 10−1−kn−1 (x1 ) ] et [x2 , x2 + 10−1−kn−1 (x2 ) ] sont
disjoints, car x1 + 10−1−kn−1 (x1 ) < x2 .
(ii) Soient W1 , . . . , Wk ⊂ Dn−1 et fi : Wi → N \ {0} une fonction donnée pour
tout i = 1, . . . , k ; si W := W1 ∩ · · · ∩ Wk et g(w) := max{f1 (w), . . . , fk (w)} pour
tout w ∈ W , on voit aisément que
Z(W1 , f1 ) ∩ · · · ∩ Z(Wk , fk ) = Z(W, g).
Lemme 8.36. Avec la notation ci-dessus, pour tout n ∈ N on a :
(i) L’adhérence Dn de Dn dans [0, 1] est D0 ∪ D1 ∪ · · · ∪ Dn .
(ii) La topologie de [0, 1] induit la topologie discrète sur Dn .
(iii) Si une suite (yn | n ∈ N) de points de Dn+1 converge vers un point x ∈ Dn ,
il existe i ∈ N tel que ∂n+1 (yj ) = x pour tout j ≥ i.
(iv) Pour toute partie W ⊂ Dn et toute fonction f : W → N \ {0} on a
Z(W, f ) ∩ Dn = W.
Démonstration. (i) : En effet, il est clair que la réunion des D0 , . . . , Dn est dans
l’adhérence de Dn . Si x ∈ [0, 1] n’est pas dans cette réunion :
— soit il existe k ∈ N tel que le dernier chiffre de la partie entière N de 10k x est
dans {3, 4, 5, 6, 7, 8, 9}, et alors ](N − 1)/10k , (N + 1)/10k [ est un voisinage
ouvert de x qui ne rencontre pas Dn
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 371

— soit x n’a que des 0, 1 et 2 dans son écriture décimale, et il existe k ∈ N tel
que le dernier chiffe de la partie entière N de 10k x est 2. Or, si 10k x n’est
pas un entier, tout réel de ]N/10k , (N + 1)/10k [ (qui est un voisinage ouvert
de x) ont le chiffre 2 dans leur écriture décimale. Si 10k x = N est un entier,
alors tous les réels de ]x − 10−k−1 , x + 10−k [ ont soit le chiffre 2, soit le chiffre
9 dans leur écriture décimale
— soit x n’a que des 0 et 1 dans son écriture décimale, et donc au moins n + 1
fois le chiffre 1. Soit k := kn+1 (x) et N la partie entière de 10k x ; donc
](N − 1)/10k , (N + 1)/10k [ contient x, et tous les réels de cet interval soit ont
au moins N + 1 fois le chiffre 1, soit ont N fois le chiffre 1, et au moins un
chiffre distinct de 0 et 1. Donc, ici aussi x n’est pas dans l’adhérence de Dn .
(iii) : On raisonne par récurrence sur n. Pour P n =−k0 il n’y a rien à montrer,
donc supposons que n > 0. Remarquant que ∞ k=1 10 = 1/9, on voit aisément
que x ∈] 9 · 10
8 −k1 (x) 10
, 9 · 10 −k1 (x)
[ et yj ∈] 9 · 10
8
, 9 · 10−k1 (yj ) [ pour tout
−k1 (yj ) 10

j ∈ N ; ces intervalles étant séparés si k1 (x) 6= k1 (yj ), on en déduit qu’il existe


i ∈ N tel que k1 (x) = k1 (yj ) pour tout j ≥ i. Quitte à éliminer un nombre fini de
termes, on peut alors supposer que k1 (x) = k1 (yj ) pour tout j ∈ N ; dans ce cas,
posons x′ := x − 10−k1 (x) et yj′ := yj − 10−k1 (x) pour chaque j ∈ N. Il s’ensuit que
x′ ∈ Dn−1 , yj′ ∈ Dn pour tout j ∈ N, et la suite (yj′ | j ∈ N) converge vers x′ ; par
hypothèse de récurrence, on conclut qu’il existe i ∈ N tel que ∂n (yj′ ) = x′ pour tout
j ≥ i, et finalement ∂n+1 (yj ) = x pour tout j ≥ i.
(ii) : La preuve de (iii) ci-dessus montre aussi bien que tout suite (yj | j ∈ N) de
Dn convergente vers un point de Dn doit être stationnaire, d’où l’assertion.
(iv) : Soit x ∈ Z(W, f )∩Dn ; si (yk | k ∈ N) est une suite de points de Z(W, f ) qui
converge vers x, la partie (iii) nous donne k ∈ N tel que ∂n+1 (yk ) = x, donc x ∈ W
(remarque 8.35(i)). Evidemment on a aussi W ⊂ Z(W, f ), d’où l’assertion. 
On construit maintenant, par récurrence sur n, un ultrafiltre Gn de Dn , pour
chaque n ∈ N. Evidemment, on prend G0 := {{0}}. Soit n ≥ 0, et on suppose
que Gn a déjà été construit ; on considère la famille Qn+1 des parties de Dn+1
de la forme Z(W, f ) avec W ∈ Gn et f : W → N \ {0} une fonction arbitraire.
Comme la topologie de Dn+1 est discrète (lemme 8.36(ii)), tout élément de Qn+1
est trivialement une partie fermée de Dn+1 . De plus, une simple récurrence sur
n montre que ∅ ∈ / Qn+1 , et Qn+1 est stable par intersections finies, grâce à la
remarque 8.35(ii). Par l’exemple 1.54(ii) et le lemme 1.53, l’on déduit que Qn+1 est
contenu dans un ultrafiltre Gn+1 de Dn+1 . Montrons ensuite que
Hn := {Z ∩ Dn | Z ∈ Gn+1 } = Gn ∀n ∈ N
(où Z dénote, comme toujours, l’adhérence de Z dans [0, 1]). En effet, évidemment
toute intersection finie d’éléments de Hn contient un élément de Hn , et le lemme
8.36(iv) implique que Gn ⊂ Hn ; comme Gn est maximal, il suffit de vérifier que
∅∈ / Hn , car dans ce cas Hn engendre un filtre de Dn (voir l’exemple 1.54(ii)) et
doit donc coïncider avec Gn . On raisonne par l’absurde : si Z ∈ Gn+1 et Z ∩Dn = ∅,
pour tout x ∈ Dn on peut chosir un entier f (x) ≥S1 tel que Z ne rencontre pas
Ix := [x, x + 10−f (x)−kn (x) ]. Mais l’ensemble Dn+1 ∩ x∈Dn Ix est par définition un
élément de la famille Qn+1 , donc un élément du filtre Gn+1 ; comme l’intersection
avec Z est vide, on a une contradiction.
Or, grâce à l’exemple 1.54(iii,iv) on sait que l’image directe Fn de Gn suivant
l’inclusion Dn → [0, 1] est un filtre premier de [0, 1]. On obtient ainsi une suite
(Fn | n ∈ N) de filtres premiers de [0, 1], et il suffit de montrer que cette suite est
strictement décroissante. Mais notons que Dn ∈ Fn pour tout n ∈ N ; par contre,
pour m > n, les éléments de Fm ont intersection non vide avec Dm , et comme
Dm ∩ Dn = ∅ (lemme 8.36(i)), on voit déjà que Fn 6= Fm pour m > n.
372 ç Scorpion

Il reste donc à montrer l’inclusion Fn+1 ⊂ Fn pour tout n ∈ N. Pour cela, soit
W ∈ Fn+1 ; alors Z := W ∩ Dn+1 est un élément de Gn+1 . D’autre part, on vient
de voir que Z ∩ Dn ∈ Gn , d’où Z ∈ Fn ; mais évidemment Z ⊂ W , donc W ∈ Fn ,
et la preuve est achevée.
Remarque 8.37. Une publication récente (voir [24]) montre qu’il existe des familles
strictement décroissantes (Fλ | λ ∈ Λ) de filtres premiers de [0, 1] indexées par
l’ensemble bien ordonné Λ des nombres ordinaux de cardinalité ≤ ℵ1 (la cardinalité
de Λ est ℵ2 ), et aussi des familles strictement croissantes de filtres premiers indexées
par ce même Λ. Plus généralement, l’article montre que ces résultats sont valables
pour la classe des espaces polonais de cardinalité ≥ ℵ1 .
Problème 8.38. (Compactifications de Stone-Čech) Notons
csTop et crTop
les sous-catégories pleines de Top dont les objets sont respectivement les espaces
compacts et séparés et les espaces complètement réguliers (voir l’exercice 1.40(iv)),
et soit i : csTop → crTop le foncteur d’inclusion. Rappelons que dans la section 1.2
on a associé à tout espace topologique T une application continue naturelle
φT : T → β(T ) := Max C (T ).
(i) Montrer que l’application φT a image dense et β(T ) est séparé.
(ii) Montrer que si T est complètement régulier, la topologie de T coïncide avec
celle induite par β(T ) via φT . En particulier, φT est injective.
(iii) Soit f : T → S une application continue entre espaces topologiques. Mon-
trer qu’il existe une unique application continue β(f ) : β(T ) → β(S) telle que le
diagramme suivant commute (on pourra utiliser le corollaire 2.57) :
f
T /S
(∗) φT φS
 β(f ) 
β(T ) / β(S).

(iv) Déduire de (iii) que les associations T 7→ β(T ) et (f : T → S) 7→ β(f )


définissent un foncteur β : crTop → csTop, et l’association T 7→ φT est une trans-
formation naturelle φ : 1crTop → i ◦ β.
(v) Montrer que β est adjoint à gauche de i. L’espace β(T ) est (homéomorphe
à) la compactification de Stone-Čech de l’espace complètement régulier T .
8.2.1. Corps formellement réels. On a déjà constaté le rôle privilégié joué par les
corps valués dans la théorie des valuations ; de même, on verra que l’étude des corps
ordonnés est fondamental pour la théorie des ordres des anneaux généraux. Je suis
essentiellement la présentation du premier chapitre de [2].
Définition 8.39. (i) Un corps K est dit formellement réel, s’il existe une relation
d’ordre ≤ tel que (K, ≤) soit un un anneau totalement ordonné.
(ii) Un corps formellement réel clos est un corps formellement réel K qui n’admet
aucune extension algébrique non triviale K ( E avec E formellement réel.
(iii) Un cône d’un corps K est une partie C ⊂ P telle que :
— pour tout x, y ∈ C on a x + y ∈ C et xy ∈ C
— pour tout x ∈ K on a x2 ∈ C.
De plus, on dit que le cône C est propre si −1 ∈ / C.
Remarque 8.40. (i) Si (K, ≤) est un corps totalement ordonné, la partie
C(K, ≤) := {x ∈ K | x ≥ 0}
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 373

est évidemment un cône propre de K, appellé le cône positif de (K, ≤). Noter que
C(K, ≤) ∪ −C(K, ≤) = K avec − C(K, ≤) := {−x | x ∈ C(K, ≤)}.
Noter aussi que C(K, ≤) contient l’image de N dans K ; il s’ensuit aussitôt que la
caractéristique de tout corps totalement ordonné est zéro.
(ii) Réciproquement, si C est un cône propre d’un corps K avec C ∪ −C = K,
alors C est le cône positif de (K, ≤), pour la relation ≤ telle que :
x≤y ⇔ y−x∈C ∀x, y ∈ K.
En effet, il est clair que si x ≤ y, on a x + z ≤ y + z pour tout z ∈ K, et xz ≤ yz
pour tout z ≥ 0. Aussi, la réflexivité et transitivité de la relation ≤ sont évidentes.
Ensuite, soit x ∈ K tel que x, −x ∈ C ; il vient −x2 ∈ C, et si x 6= 0, l’on déduit
que −1 = (−x2 ) · (1/x)2 ∈ C, contradiction. Donc x = 0, d’où l’antisymetrie de ≤.
Autrement dit, l’association : (K, ≤) 7→ C(K, ≤) établit une bijection entre les
structures de corps ordonné sur K et les cônes propres maximaux de K.
(iii) La partie ΣK 2 des sommes de carrés d’éléments de K est un cône contenu
dans tous les cônes de K. Noter Pn que2 ΣK est un cône propre si et seulement si,
2

pour tout n ≥ 1, l’équation i=1 xi = 0 admet dans K l’unique solution x1 =


· · · = xn = 0 (les détails sont laissés aux soins du lecteur).
Lemme 8.41. Soit K un corps, et C un cône propre de K. Alors il existe un ordre
≤ sur K tel que (K, ≤) soit un corps totalement ordonné et C ⊂ C(K, ≤).
Démonstration. On remarque d’abord :
Affirmation 8.42. Si −a ∈ K \ C, alors C[a] := {x + ay | x, y ∈ C} est encore un
cône propre de K.
Preuve : Si −1 = x + ay avec x, y ∈ C, on doit avoir y 6= 0, car C est propre ;
mais alors −a = (1/y)2 y(1 + x) ∈ C, contradiction. Donc, −1 ∈/ C[a], et l’on voit
aisément que C[a] est un cône de K. ♦
Soit C l’ensemble de tous les cônes propres de K, partiellement ordonné par
l’inclusion de cônes ; on a C 6=S∅, car C ∈ C , et si (Cλ | λ ∈ Λ) est une partie
totalement ordonnée de C , on a λ∈Λ Cλ ∈ C . Par le lemme de Zorn, C admet donc
un élément maximal Q, et il suffit de montrer que Q est le cône positif d’un ordre de
K. Pour cela, d’après la remarque 8.40(ii), il suffit de vérifier que Q ∪ −Q = K. Or,
soit a ∈ K \Q ; d’après l’observation 8.42, le cône Q[a] est propre, et par maximalité
de Q l’on a donc Q = Q[a], i.e. a ∈ Q, d’où l’assertion. 
Théorème 8.43. (Artin-Schreier) Un corps K est formellement réel si et seulement
si ΣK 2 est un cône propre de K.
Démonstration. C’est une consequence immédiate du lemme 8.41 et de la remarque
8.40(iii). 
Proposition 8.44. Soit K un corps. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
(a) K est formellement réel clos.
(b) K admet un unique ordre tel que (K, ≤) soit un corps totalement ordonné,
dont le cône positif est la partie Q := {x2 | x ∈ K}, et tout polynôme de K[X]
de degré impair a une racine dans K.
/ Q et le corps K[i] := K[X]/(X 2 + 1) est algébriquement clos.
(c) On a −1 ∈
Démonstration. (a)⇒(b) : Soit a ∈ K \ Q ; alors E := K[a1/2 ] est une extension
non triviale de K, et donc n’est pas formellement réel, d’après (a). Par le théorème
8.43, il existe ainsi un entier n ≥ 1 et x1 , y1 , . . . , xn , yn ∈ K tels que
(x1 + a1/2 y1 )2 + · · · + (xn + a1/2 yn ) = −1.
374 ç Scorpion

Pn Pn Pn
Soit u := i=1 x2i , v := i=1 yi2 et w := 2 i=1 xi yi ; l’on déduit la relation K-
linéaire (1 + u + av) + a1/2 w = 0, et comme {1, a1/2 } est une base du K-espace
vectoriel E, il vient 1+u+av = w = 0. Ainsi, −a = v −1 ·(1+u) ∈ ΣK 2 . Cela montre
que ΣK 2 ∪ −ΣK 2 = K, donc d’après la remarque 8.40(ii) il n’y a sur K qu’un seul
ordre possible ≤ tel que (K, ≤) soit un corps totalement ordonné, et son cône positif
est ΣK 2 . L’on déduit aussi que si un élément de K n’est pas un carré, il est négatif
pour cet ordre, et donc Q = ΣK 2 . En dernier lieu, soit P ∈ K[X] de degré impair
d > 1, et supposons que P soit irréductible sur K, donc E := K[X]/P · K[X] est
une extension non triviale de K ; d’après (a) et le théorème 8.43, il existe alors un
entier n ≥ 1 et R1 , . . . , Rn ∈ K[X] tels que
R := R12 + · · · + Rn2 ≡ −1 (mod P )
dans K[X], et l’on peut aussi supposer que di := deg(Ri ) < d pour i = 1, . . . , n. Soit
Ri := ai0 + ai1 X + · · · + aidi X di pour tout i = 1, . . . , n ; noter que a2idi est le terme
de plus haut degré de RP i . On pose e := max(d1 , . . . dn ) et S := {i ≤ n | di = e}, et
2

on remarque que a := i∈S a2idi > 0 ; il s’ensuit que deg(R) = 2e, et le terme de
plus haut degré de R est a. Disons que R + 1 = P · T avec T ∈ K[X] ; l’on vient de
voir que deg(R + 1) = 2e ≤ 2d − 2, et comme deg(P ) = d est impair, il en est alors
de même pour deg(T ), et ce dernier est ≤ d − 2. Par hypothèse de récurrence, T
admet une racine x dans K ; mais alors −1 = R1 (x)2 + · · · + Rn (x)2 , contradiction.
Donc tout polynôme P de degré impair est réductible sur K ; mais si P = P1 P2
avec P1 , P2 ∈ K[X] de degré < deg(P ), un de ces facteurs doit à son tour avoir
degré impair. Une simple récurrence sur d montre alors que P admet un facteur de
degré 1, et donc P admet une racine dans K.
(b)⇒(c) : Soit P ∈ K[X] de degré d = 2m n avec n impair ; montrons par récur-
rence sur m que P admet une racine dans K[i]. La condition (b) nous donne l’as-
sertion pour m = 0 ; soit donc m > 0, et on suppose que l’assertion soit déjà connue
pour les polynômes de degré 2m−1 t avec t impair. Fixons une clôture algébrique K a
de K, et disons que P = (X − y1 ) · · · (X − yd ) pour certains y1 , . . . , yd ∈ K a ; soit
aussi A := Z[X, T1 , . . . , Td ], et on pose
Y
Rh (X, T1 , . . . , Td ) := (X − Ti − Tj − hTi Tj ) ∀h ∈ Z.
i<j

Le groupe symétrique Sn agit naturellement sur A par automorphismes de Z[X]-


algèbre : pour tout σ ∈ Sn et tout i = 1, . . . , d on fait σ(Ti ) := Tσ(i) . Rappelons
que la sous-Z[X]-algèbre des invariants de A pour cette action de Sn est engendré
par les polynômes symétrique s1 , . . . , sd des variables T1 , . . . , Tn . L’on voit aisément
que chaque Rh est un polynôme Sn -invariant de degré N := d(d − 1)/2, donc on a
N
Y
Rh = ai (T1 , . . . , Tn )X i avec a1 , . . . , aN ∈ Z[s1 , . . . , sn ].
i=1

Il s’ensuit aussitôt que rh (X) := Rh (X, y1 , . . . , yd ) ∈ K[X]. Noter que N = 2m−1 t


avec t impair ; par hypothèse de récurrence, rh admet donc une racine dans K[i],
i.e. il existe i, j ∈ {1, . . . , n} avec yi(h) + yj(h) + hyi(h) yj(h) ∈ K[i]. On trouve alors
i0 , j0 ∈ {1, . . . , n} et une partie infinie Σ ⊂ Z telle que i(h) = i0 et j(h) = j0 pour
tout h ∈ Σ, et l’on conclut aisément que u := yi0 + yj0 ∈ K[i] et v := yi0 yj0 ∈ K[i].
Mais yi0 et yj0 sont les racines du polynôme F := X 2 − uX + v ∈ K[i][X], donc
l’on est ramené à montrer :
Affirmation 8.45. Le polynôme F est√scindé dans K[i][X].
Preuve : Le racines de F sont (−u ± u2 − 4v)/2, donc il suffit de vérifier que tout
élément de K[i] admet ses racines carrés dans K[i]. Soit donc a + ib ∈ K[i] ; on
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 375

cherche x, y ∈ K satisfaisant l’identité :


a + ib = (x + iy)2 = (x2 − y 2 ) + i2xy i.e. a = x2 − y 2 b = 2xy
Il vient : a + b = (x + y ) , et a + b > 0 est le carré d’un c ∈ K positif, par (b) ;
2 2 2 2 2 2 2

d’où c = x2 + y 2 , et x (resp. y) est la racine carré de (c + a)/2 (resp. (c − a)/2). ♦


(c)⇒(a) : Vérifions que K est formellement réel : comme −1 ∈ / Q, d’après le
théorème 8.43 il suffit de montrer que Q = ΣK 2 ; pour cela, il suffit de montrer que
pour tout a, b ∈ K on a a2 + b2 ∈ Q. Or, comme K[i] est algébriquement clos, il
existe c, d ∈ K avec a+ib = (c+id)2 , et il vient a2 +b2 = (c2 +d2 )2 . En dernier lieu,
il est clair que K[i] est la seule extension algébrique non triviale de K, car toute
telle extension devrait être contenue dans K[i] ; cela achève de montrer (a). 
Exercice 8.46. Soit K un corps formellement réel clos, P ∈ K[X], et a, b ∈ K
avec a < b. On notera [a, b] := {x ∈ K | a ≤ x ≤ b} et ]a, b[:= [a, b] \ {a, b}.
(i) Montrer que si P (a)P (b) < 0, il existe c ∈]a, b[ avec P (c) = 0.
(ii) Montrer que si P (a) = P (b) = 0, il existe c ∈]a, b[ avec P ′ (c) = 0 (ici P ′
dénote le polynôme dérivé du polynôme P ).
(iii) Montrer qu’il existe c ∈]a, b[ tel que P (b) − P (a) = (b − a) · P ′ (c).
(iv) Soit P ∈ K[X] tel que P ′ (x) est strictement positif (resp. strictement
négatif) pour tout x ∈]a, b[. Montrer que P est strictement croissante sur [a, b].
Dans la situation de l’exercice 8.46, si P est sans racine multiple, i.e. si P et
P ′ sont premiers entre eux, l’on dispose d’un algorithme effectif pour compter le
nombre de racines de P dans l’intervalle [a, b]. Pour cela, soit
P0 , P1 , . . . , Pk
la suite des polynômes obtenue par l’algorithme euclidien de calcul du pgcd(P, P ′ ) ;
donc P0 := P , P1 := P ′ , et Pn pour n > 1 est défini inductivement par l’identité
Pn−2 = Pn−1 Qn − Pn avec Qn ∈ K[X] et deg Pn < deg Pn−1 . Le dernier polynôme
Pk est une constante non nulle, car pgcd(P, P ′ ) = 1. Si x ∈ K n’est pas une racine
de P , on note v(x) := σ0 (x) + · · · + σk−1 (x) le nombre de changements de signe
dans la suite P0 (x), P1 (x), . . . , Pk (x), calculé comme suit. Pour tout i = 0, . . . , k − 1
on pose σi (x) := 1 si Pi (x)Pl (x) < 0 avec l = i + 1 ou avec l > i + 1 et Pi+1 (x) =
· · · = Pl−1 (x) = 0 ; sinon, on pose σi (x) := 0.
Théorème 8.47. (Sturm) Avec la notation ci-dessus, supposons que P (a), P (b) 6=
0. Alors le nombre de racines dans l’intervalle [a, b] est v(a) − v(b).
Démonstration. Soit c1 < c2 < · · · < cr la suite ordonnée des racines de R :=
P0 P1 · · · Pk dans [a, b] ; compte tenu de l’exercice 8.46(i), l’on voit que pour tout
i = 0, . . . , k − 1 la fonction σi est constante sur chaque intervalle ]cj , cj+1 [. Donc,
il suffit de montrer que s’il existe une unique racine c de R dans l’intervalle ]a, b[,
alors v(a) − v(b) est égal à 1 si c est une racine de P , et est égal à 0 sinon.
• Or, dans le cas où c est une racine de P , l’on a P ′ (c) 6= 0, et comme c est
l’unique racine de R dans ]a, b[, l’on voit que P ′ (x) 6= 0 pour tout x ∈]a, b[. Le signe
de P ′ est alors constant sur ]a, b[, par l’exercice 8.46(i) ; donc P est strictement
monotone sur l’intervalle ]a, b[, d’après l’exercice 8.46(iv). L’on déduit aisément
que P0 (x)P1 (x) < 0 pour x ∈]a, c[ et P0 (x)P1 (x) > 0 pour x ∈]c, b[. Cela donne
σ0 (x) = 1 pour x ∈]a, c[ et σ0 (x) = 0 pour x ∈]c, b[.
• Ensuite, si Pi (c) 6= 0 pour tout i = 1, . . . , k, il s’ensuit que les polynômes
P1 , . . . , Pk n’ont aucune racine dans ]a, b[ (car c est l’unique racine de R), et leurs
signes sont constants sur cet intervalle, d’après l’exercice 8.46(i), donc de même
pour les fonctions σ1 , . . . , σk−1 .
• En dernier lieu, si c ∈ [a, b] est racine de Pi avec i > 0, rappelons que
pgcd(Pj , Pj+1 ) = pgcd(P0 , P1 ) = 1 ∀j = 0, . . . , k − 1.
376 ç Scorpion

Donc Pi−1 (c), Pi+1 (c) 6= 0, et comme Pi−1 (c) = Pi (c)Qi+1 (c)−Pi+1 (c) = −Pi+1 (c),
il vient Pi−1 (c)Pi+1 (c) < 0. De plus, comme c est l’unique racine de R dans ]a, b[, on
a Pi (x) 6= 0 pour tout x ∈]a, b[\{c}, et le signe de Pi−1 (x) (resp. de Pi+1 (x)) est égal
au signe de Pi−1 (c) (resp. de Pi+1 (c)) pour tout x ∈]a, b[, encore grâce à l’exercice
8.46(i). On conclut que σi−1 (c) = 1, σi (c) = 0, et pour x 6= c, si σi−1 (x) = 1 (resp.
σi−1 (x) = 0) l’on doit avoir σi (x) = 0 (resp. σi (x) = 1).
L’assertion souhaité s’obtient maintenant par inspection de ces trois cas. 
Définition 8.48. Soit (K, ≤) un corps totalement ordonné, et K ⊂ E une extension
de corps. On dit que E est une clôture formellement réelle de (K, ≤) si E est à la
fois formellement réel clos et une extension algébrique de K, et l’unique ordre ≤ de
E tel que (E, ≤) soit un corps totalement ordonné, prolonge l’ordre de K.
Exemple 8.49. Evidemment R est formellement réel clos. Avec le critère (b) de
la proposition 8.44, l’on voit qu’il en est de même pour son sous-corps Ralg des
nombres algébriques réels : ceci est alors une clôture formellement réelle de Q.
Théorème 8.50. Tout corps totalement ordonné (K, ≤) admet une clôture formel-
lement réelle, unique à isomorphisme unique près d’extensions de corps de K.
Démonstration. Fixons une clôture algébrique K a de K, et soit E la famille des
corps totalement ordonnés (E, ≤) tels que K ⊂ E ⊂ K a , et tels que l’ordre de
E prolonge l’ordre de K. On munit E de la relation d’ordre partiel  telle que
(E, ≤)  (E ′ , ≤′ ) si et seulement si E ⊂ E ′ et l’ordre de E ′ prolonge l’ordre de
E. Si ((Eλ , ≤λS) | λ ∈ Λ) est une partie totalement ordonnée de E , il est clair que
le corps E := λ Eλ admet un ordre unique ≤E tel que (Eλ , ≤λ )  (E, ≤E ) pour
tout λ ∈ Λ ; par le lemme de Zorn, E a alors un élément maximal (F, ≤), et on va
montrer que F est formellement réel clos. Tout d’abord, soit a > 0 un élément de
F ; si a n’est pas un carré dans F , soit C ⊂ F [a1/2 ] ⊂ K a la partie des éléments :
Xn
bi (ci + di a1/2 )2
i=1
pour n > 0 arbritraire, avec b1 , c1 , d1 , . . . , bn , cn , dn ∈ F et b1 , . . . , bn > 0. L’on
voit aisément
Pn que C est un cône de F [a1/2 ], et il est en fait un cône propre, car si
−1 = i=1 bi (ci + di a1/2 ),P en raisonnant comme dans la preuve de la proposition
n
8.44, l’on trouverait −1 = i=1 bi (c2i + ad2i ) > 0 dans F , contradiction. Mais alors
C est contenue dans le cône positif d’un ordre de F [a1/2 ], d’après le lemme 8.41 ;
comme C(F, ≤) ⊂ C, cela contredit la maximalité de F . Donc tout élément a > 0
de F est un carré dans F , et cela entraîne qu’il existe une unique structure de corps
totalement ordonné sur F . Or, si F ′ ⊂ K a est une autre extension formellement
réelle de K avec F ⊂ F ′ , il s’ensuit que toute structure de corps totalement ordonné
sur F ′ doit nécessairement prolonger l’unique telle structure de F ; par maximalité
de F , l’on doit ainsi avoir F = F ′ , i.e. F est formellement réel clos.
Affirmation 8.51. Si i : (K, ≤) → (F ′ , ≤) est un homomorphisme de corps totale-
ment ordonnés, avec F ′ formellement réel clos, il existe un unique homomorphisme
de corps totalement ordonnés j : (F, ≤) → (F ′ , ≤) tel que j|K = i.
Preuve : Soit F la famille des homomorphismes de corps totalement ordonnés
φ : (E, ≤) → (F ′ , ≤) avec K ⊂ E ⊂ F , et où l’ordre de E est la restriction de
l’ordre de F . On munit F de la relation d’ordre partiel  telle que pour deux
tels homomorphismes φ et φ′ : (E ′ , ≤) → (F ′ , ≤) on a φ  φ′ si et seulement si
E ⊂ E ′ et φ′|E = φ. Evidemment, si (φλ : (Eλ , ≤) → (F ′ , ≤) | λ ∈ Λ) est une partie
S
totalement ordonné de F , il existe un unique homomorphisme φ : λ Eλ → F ′
avec φ|Eλ = φλ pour tout λ ∈ Λ, et φ ∈ F . Par le lemme de Zorn, F admet
alors un élément maximal Φ : L → F ′ , et on doit montrer que L = F . Supposons
§ 8.2: Ordres sur les anneaux 377

Pq−1
donc que a ∈ F \ L, et soit P = X q + i=0 ci X i son polynôme minimal sur L ;
rappelons que K est de caractéristique nulle (remarque 8.40(i)), donc P n’a pas
de racines multiples. Soient a1 < · · · < an les racines de P dans F , et disons
que a = aj pour un index j ≤ n. Par le théorème de Sturm 8.47, il s’ensuit que
Pq−1
Φ(P ) := X q + i=0 Φ(ci )X i a aussi n racines distinctes b1 < · · · < bn dans F ′ , et
on peut ainsi prolonger Φ en un homomorphisme Ψ : L[a] → F ′ par Ψ(a) := bj .
Montrons maintenant que Ψ est un homomorphisme de corps ordonnés. En effet, soit
y ∈ L[a] un élément positif, et choisissons x1 , . . . , xn−1 , z ∈ F tels que x2i = ai+1 −ai
pour i = 1, . . . , n − 1 et z 2 = y. Comme L est un corps de caractéristique nulle,
son extension finie L′ := L[a1 , x1 , . . . , xn , z] admet un élément primitif α, et en
raisonnant comme ci-dessus l’on voit que Φ se prolonge en un homomorphisme
Ψ′ : L′ = L[α] → F ′ . Noter que L[a1 , . . . , an ] ⊂ L′ , et Φ′ (ai ) est évidemment une
racine de Φ(P ), pour tout i = 1, . . . , n ; comme Φ′ (ai+1 ) − Φ′ (ai ) = Φ′ (xi )2 > 0
pour tout i = 1, . . . , n − 1, il s’ensuit que Φ′ (ai ) = bi pour i = 1, . . . , n, et en
particulier Φ′ (a) = bj , donc Φ′|L[a] = Ψ. Alors Ψ(y) = Φ′ (y) = Φ′ (z)2 > 0, ce qui
montre que Ψ preserve l’ordre. Cela contredit la maximalité de Φ.
Il reste à vérifier l’unicité de l’homomorphisme j : (F, ≤) → (F ′ , ≤). Soit donc
j : (F, ≤) → (F ′ , ≤) un autre homomorphisme de corps totalement ordonnés, et

pour a ∈ F , soient a1 < · · · < an les racines dans F du polynôme minimal P ∈ K[X]
de a sur K ; alors j(a1 ) < · · · < j(an ) est la suite des racines de P dans F ′ , et de
même pour j ′ (a1 ) < · · · < j ′ (an ). Donc j(ai ) = j ′ (ai ) pour tout i = 1, . . . , n, et en
particulier j(a) = j ′ (a), d’où j = j ′ , comme souhaité. ♦
On peut maintenant vérifier l’unicité à isomorphisme unique près de F : si F ′ est
une autre clôture formellement réelle de K, d’après l’observation 8.51 il existe des
homomorphismes uniques j : F → F ′ et j ′ : F ′ → F de corps totalement ordonnés
avec j|K = j|K

= IdK ; de même, les compositions j ′ ◦ j : F → F et j ◦ j ′ : F → F ′
doivent coïncider avec IdF et IdF ′ , encore par l’observation 8.51. En dernier lieu,
noter que tout homomorphisme de corps F → F ′ preserve les ordres de ces corps,
car les respectifs cônes positifs sont les ensembles des carrés (proposition 8.44) ; en

résumant, il existe un unique K-isomorphisme F → F ′ , et cela achève la preuve. 
Voici une application qui complète le lemme 8.31 ; ce résultat m’a été communi-
qué par O.Gabber.
Proposition 8.52. Soit T un espace topologique, et p ⊂ C (T ) un idéal premier.
(i) Le corps résiduel k(p) est formellement réel clos.
(ii) Le quotient C (T )/p est un anneau intègre intégralement clos.
Démonstration. (i) : D’après le lemme 8.31(iii), le quotient A := C (T )/p est un
anneau totalement ordonné, pour l’ordre induit par la projection C (T ) → A. On
prolonge naturellement l’ordre de A à k(p) : si x, y ∈ k(p), on écrit x = a/b, y = c/d
avec a, b, c, d ∈ A et b, d > 0, et on déclare que x ≤ y si et seulement si ad ≤ bc.
L’on voit aisément que cette définition ne dépend pas du choix de a, b, c, d, et avec
cette relation ≤, le couple (k(p), ≤) est un corps totalement ordonné : les détails
sont laissés aux soins du lecteur. De plus, si x ∈ k(p) est un élément strictement
positif, on a x = a/b avec a, b > 0 dans A ; par définition, a et b sont les classes
de fonctions continues f, g : X → R avec f (t), g(t) ≥ 0 pour tout t ∈ T . Mais
alors f 1/2 , g 1/2 : T → R≥0 sont bien définies et continues, et leurs classes dans A
sont des racines carrés positives de a et b ; cela montre que tout élément positif de
k(p) est un carré, i.e. le cône positif de (k(p), ≤) est l’ensemble des carrés. D’après
la proposition 8.44, il reste à vérifier que tout polynôme P ∈ k(p)[X] de degré
impair admet une racine dans k(p). Pour cela, on considère pour tout entier n > 0
l’application ρn : Rn → Rn définie comme suit. Pour tout a := (a1 , . . . , an ) ∈ Rn ,
378 ç Scorpion

notons Pa := X n + a1 X n−1 + · · · + an ; soit Z (a) l’ensemble des racines complexes


de Pa , et pour P tout z ∈ Z (a) soit ν(a, z) > 0 la multiplicité de la racine z, de
telle façon que z∈Z (a) ν(a, z) = n. Pour tout z ∈ C, on dénote par ℜ(z) ∈ R la
partie réelle de z ; on pose R(a) := {ℜ(z) | z ∈ Z P (a)} et pour tout x ∈ R(a) soit
Z (a, x) := {z ∈ Z (a) | ℜ(z) = x} et ν ′ (a, x) := z∈Z (a,x) ν(a, z), de telle façon
P
que x∈R(a) ν ′ (a, x) = n. Alors ρn (a) ∈ Rn est l’unique suite (b1 , . . . , bn ) telle que
b1 ≤ b2 ≤ · · · ≤ bn et dans laquelle chaque valeur x ∈ R(a) apparaît ν(a, x) fois.
Affirmation 8.53. Pour tout n > 0, l’application ρn : Rn → Rn est continue.
Preuve : Munissons Rn de la norme || · || : Rn → R telle que ||a|| := max(a1 , . . . , an )
pour tout a := (a1 , . . . , an ) ∈ Rn . On doit montrer que pour tout ε > 0 et tout
a ∈ Rn il existe δ > 0 tel que si ||a − b|| < δ, alors ||ρn (a) − ρn (b)|| < ε. Si
R(a) (resp. Z (a)) contient un unique point, soit M := 1 (resp. M ′ := 1), et sinon
soit M := min(|x − x′ | | x, x′ ∈ R(a), x 6= x′ ) (resp. M ′ := min(|z − z ′ | | z, z ′ ∈
Z (a), z 6= z ′ )). On peut supposer que ε < 12 · min(M, M ′ ). Pour tout z ∈ Z (a),
soit aussi γz : [0, 1] → C l’application telle que t 7→ z + ε · e2πit pour tout t ∈ [0, 1] ;
donc γz est un lacet simple, le bord d’un disque D(z, ε) centré en z et de rayon ε.
Par notre condition sur ε, il est clair que ces disques D(z, ε) et D(z ′ , ε) sont disjoints
pour tout z, z ′ ∈ Z (a) distincts, et en particulier Pa (γz (t)) 6= 0 pour tout t ∈ [0, 1]
et tout z ∈ Z (a) ; l’on voit aussi aisément qu’il existe δ > 0 tel que :
||a − b|| < δ ⇒ |Pa (γz (t)) − Pb (γz (t))| < |Pa (γz (t))| ∀t ∈ [0, 1].
D’après le théorème de Rouché (voir e.g. [6, Ch.III, Ex.19]), on a alors
X
ν(b, w) = ν(a, z)
w∈Z (b)∩D(z,ε)

pour tout z ∈ Z (a) et tout b ∈ Rn tel que ||a − Sb|| < δ. Cela veut dire que
les racines de Pb sont contenues dans la réunion z∈Z (a) D(z, ε). De plus, soit
(t1 , . . . , tn ) := ρn (a), (s1 , . . . , sn ) := ρn (b), et x ∈ R(a), et disons que tj =
tj+1 = · · · = tj+ν(a,x)−1 = x ; notre condition sur ε entraîne que chaque valeur
sj , . . . , sj+ν(a)−1 est la partie réelle d’une racine w de Pb avec w ∈ D(z, ε) pour une
racine z de Pa telle que ℜ(z) = x (les détails sont laissés aux soins du lecteur). Il
s’ensuit que |tk − sk | < ε pour tout k = j, . . . , j + ν(a, x) ; comme cela est vrai pour
tout x ∈ R(a), on a finalement ||ρn (a) − ρn (b)|| < ε. ♦
Or, soit P ∈ k(p)[X] un polynôme unitaire de degré n, et a ∈ A\{0} tel que aP ∈
A[X] ; alors Q := an P (a−1 X) ∈ A[X] et les racines de Q sont de la forme ax, avec x
une racine de P . En particulier, P admet une racine dans k(p) si et seulement s’il en
est de même pour Q, et on peut donc supposer que P soit l’image dans A[X] d’un
P
polynôme unitaire Pe ∈ C (T )[X]. Disons que Pe = Pe (t, X) = X n + nj=1 αj X n−j
pour certaines fonctions continues α1 (t), . . . , αn (t) : T → R. L’on obtient ainsi
une application continue α : T → Rn : t 7→ (α1 (t), . . . , αn (t)). Noter que pour
tout t ∈ T , le coordonnées r1,t , . . . , rn,t du vecteur r•,t := ρn ◦ α(t) ∈ Rn sont les
parties réelles des racines complexes de Pe(t, X) ∈ R[X], et d’après l’observation
8.53, chaque application t 7→ rj,t est une fonction continue rj ∈ C (T ). Soit alors

R(t) := Pe(t, r1,t ) · · · Pe(t, rn,t ) ∀t ∈ T.

Noter que si n est impair, pour tout t ∈ T au moins une des racines de Pe(t, X) est
réelle, donc elle est une des coordonnées rj,t ; cela veut dire que dans ce cas R(t) = 0
pour tout t ∈ T , donc R = 0 dans A. Comme A est intègre, un des facteurs P (rj )
est déjà égal à zéro dans A, i.e. l’image rj ∈ A de rj est la racine cherchée de P .
(ii) : Il nous faudra l’observation générale suivante :
§ 8.3: Le spectre valuatif 379

Affirmation 8.54. Soit A ( B une extension entière d’anneaux, telle que pour tout
q ∈ Spec B l’extension résiduelle k(A ∩ q) ⊂ k(q) soit de degré ≤ 2. Alors il existe
b ∈ B \ A et un polynôme unitaire P ∈ A[X] de degré 2 avec P (b) = 0.
Preuve : Noter que si A ( C ( B, pour tout p ∈ Spec C il existe q ∈ Spec B tel
que p = C ∩ q (corollaire 6.22(i)), et on a k(p ∩ A) = k(q ∩ A) ⊂ k(p) ⊂ k(q),
donc le degré de de k(p) sur k(p ∩ A) est encore ≤ 2. On peut donc remplacer B
par C := A[c] pour n’importe quel c ∈ B \ A, et supposer du départ que B soit
une extension finie de A. Dans ce cas, Z := SuppA (B/A) est une partie fermée de
Spec A (remarque 4.46(ii)) ; soit p un point maximal de Z, i.e. le point générique
d’une composante irréductible de Z (voir l’exercice 6.105(i)). On a (B/A)p 6= 0,
i.e. Ap ( Bp , et cette inclusion est une extension entière et finie ; supposons qu’il
existe b′ ∈ Bp \ Ap et Q ∈ Ap [X] unitaire de degré 2 avec Q(b′ ) = 0 dans Bp . Il
existe alors s ∈ A \ p tel que b′ = c/s et Q := X 2 + (a/s)X + (a′ /s) pour certains
c ∈ B et a, a′ ∈ A, et il vient c2 + ac + a′ s = 0 dans Bq , donc il existe t ∈ A \ p
tel que t(c2 + ac + a′ s) = 0 dans B, et l’élément b := tc ∈ B vérifie la condition
souhaitée (noter que b ∈ / A, car b′ ∈/ Ap ). On peut ainsi remplacer A et B par Ap et
Bp , et supposer du départ que (A, m) soit local, et Supp(B/A) = {m} (remarque
4.46(iii)). Cette dernière condition revient à dire que m est le radical de AnnA (B/A)
(remarque 4.46(ii)), et il s’ensuit aisément que pour tout sous-idéal I ⊂ m de type
fini il existe n ∈ N tel que I n (B/A) = 0 : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
Rappelons que J (B) = rad(mB) (exercice 6.23(ii)) ; or, si m ( J (B), soit
f ∈ J (B) \ m ; alors il existe m ∈ N tel que f m ∈ mB, et donc il existe aussi un
sous-idéal I ⊂ m de type fini tel que f m ∈ IB. Par ce qui précède, on trouve n ∈ N
tel que f nm (B/A) = 0, d’où f nm ∈ A ; soit alors p le plus grand entier tel que
b := f p ∈ B \ A. On a a := b2 ∈ A, et l’assertion suit dans ce cas avec P := X 2 − a.
Donc, on est ramené au cas où m = J (B). Or, si (B, mB ) est local, par hypothèse
l’extension résiduelle k(m) ⊂ k(mB ) a degré d ≤ 2 ; mais comme m = mB et B 6= A,
l’on a k(m) 6= k(mB ), donc d = 2. Soit b ∈ B dont l’image b dans k(mB ) n’est pas
dans k(m), et soit Q ∈ A[X] unitaire de degré 2 dont l’image dans k(m)[X] est le
polynôme minimal de b ; il vient a := Q(b) ∈ m, et l’assertion suit avec P := Q − a.
En dernier lieu, si m = J (B) et B n’est pas local, soit {m1 , . . . , mk } = Max B
(remarque 6.19(ii)) ; par le lemme des Chinois, l’on trouve b ∈ B tel que b − 1 ∈ m1
et b ∈ mj pour tout j = 2, . . . , k. Comme m1 ∩ A = m2 ∩ A, il s’ensuit que b ∈ / A,
et a := b2 − b ∈ m1 ∩ · · · ∩ mk = m, donc l’assertion suit avec P := X 2 − X − a. ♦

Or, supposons par l’absurde que A := C (T )/p ne soit pas intégralement clos,
et soit B la clôture intégrale de A dans son corps des fractions k(p). Compte tenu
de (i) et de la proposition 8.44, il s’ensuit que pour tout p ∈ Spec B l’extension
résiduelle k(p ∩ A) ⊂ k(p) est de degré ≤ 2. D’après l’observation 8.54, il existe
ainsi b ∈ B \ A et un polynôme P := X 2 + aX + c ∈ A[X] tel que P (b) = 0 ; pour
x := b + a/2, il vient x2 = a2 /4 − c ∈ A et x ∈ B \ A. Mais x2 est un élément positif
du corps formellement réel clos k(p), donc il est aussi positif pour l’ordre de A, et
alors x est la classe d’une fonction f : T → R continue et partout non-négative ;
la racine carré f 1/2 : T → R≥0 est encore un élémént de C (T ), et sa classe y ∈ A
fournit une racine carré de x2 , i.e. x = ±y, d’où x ∈ A, contradiction. 

8.3. Le spectre valuatif. Jusqu’ici, les espaces spectraux rencontrés sur notre
parcours provenaient tous des spectres premiers, ou parfois des parties construc-
tibles de ces derniers, mais il existe d’autres constructions permettant d’associer
un espace spectral à tout anneau, et en fait la plus ancienne de ces constructions
précède l’introduction du spectre premier et remonte, comme celui-ci, aux travaux
séminaux de Zariski ; dans cette section on présente une version moderne de la
même idée qui a été dévéloppée en grande généralité et avec remarquable succès
380 ç Scorpion

par R.Huber. Tout d’abord, pour tout anneau A on considère l’ensemble


Spv A
des classes d’équivalence des valuations de A (avec la notation de l’exercice 8.2, il
s’agit de l’ensemble quotient VA /∼). Pour tout a, b ∈ A soit aussi
a
RA := {v ∈ Spv A | v(a) ≥ v(b) 6= +∞}.
b
Noter que si v et v ′ sont deux valuations équivalentes de A, on a v(b) 6= +∞ si
et seulement v ′ (b) 6= +∞, et v(a) ≥ v(b) si et seulement si v ′ (a) ≥ v ′ (b), donc la
définition de cette partie de Spv A est bien posée. Plus généralement, à tout n ∈ N
et tout a1 , . . . , an , b1 , . . . , bn ∈ A on associe le sous-ensemble rationnel
  \n  
a1 an ai
RA ,..., := RA .
b1 bn i=1
bi

Définition 8.55. Avec la notation ci-dessus, soit TA la topologie sur Spv A en-
gendrée par les sous-ensembles rationnels. Le spectre valuatif de A est l’espace
topologique (Spv A, TA ).
Théorème 8.56. Pour tout anneau A, le spectre valuatif Spv A est un espace
spectral, dont les sous-ensembles rationnels forment une base d’ouverts compacts.
Démonstration. Munissons l’ensemble {0, 1} de la topologie discrète, et P :=
{0, 1}A×A de la topologie du produit (voir l’exemple 3.2(iii)) ; à toute valuation
v de A on associe l’application φv : A × A → {0, 1} telle que φv (a, b) = 1 si et
seulement si v(a) ≥ v(b). D’après l’exercice 8.15, deux valuations v et w de A sont
équivalentes si et seulement si φv = φw , d’où une application injective bien définie
φ : Spv A → P v 7→ φv
et soit TA′ la topologie de Spv A induite par P via φ. Explicitement, posons
a
QA := {v ∈ Spv A | v(a) ≥ v(b)} ∀a, b ∈ A.
b
On voit aisément que TA′ est la topologie engendrée par la prebase formée de toutes
les parties QA ab et des leurs complémentaires.
Affirmation 8.57. L’image de φ est l’ensemble des applications f : A × A → {0, 1}
vérifiant les conditions suivantes, pour tout a, b, c ∈ A :
(a) On a f (a, b) = 1 ou f (b, a) = 1
(b) Si f (a, b) = f (b, c) = 1, alors f (a, c) = 1
(c) On a f (a + b, a) = 1 ou f (a + b, b) = 1
(d) Si f (a, b) = 1, alors f (ac, bc) = 1
(e) Si f (ac, bc) = 1 et f (c, 0) = 0, alors f (a, b) = 1
(f) f (1, 0) = 0.
Preuve : Evidemment, toute application f dans l’image de φ satisfait ces conditions.
Réciproquement, soit f : A × A → {0, 1} vérifiant (a)–(f) ; de (a), (f) et (d) il vient :
(g) f (0, x) = 1 pour tout x ∈ A.
Soit p := {a ∈ A | f (a, 0) = 1}. Montrons que p est un idéal de A. En effet, (a)
implique que 0 ∈ p. Ensuite, soient a, b ∈ p ; d’après (c) on peut supposer que
f (a + b, a) = 1, et avec (b) il vient f (a + b, 0) = 1, i.e. a + b ∈ p. En dernier lieu,
si a ∈ p et b ∈ A, l’on déduit ab ∈ p avec (d), d’où l’assertion. De plus, (e) et (f)
impliquent que p est un idéal premier ; soit alors K := k(p). Noter aussi que :
(h) f (a, a + x) = f (a + x, a) = 1 pour tout a ∈ A et x ∈ p.
§ 8.3: Le spectre valuatif 381

En effet, supposons par l’absurde que f (a, a+x) = 0 ; avec (c) l’on déduit f (a, −x) =
1, et au vu de (b) il vient f (a, 0) = 1. Mais d’après (g) on a aussi f (0, a + x) = 1, et
encore par (b) l’on déduit f (a, a+ x) = 1, contradiction. Ensuite, posons b := a+ x ;
par ce qui précède on a f (b, b − x) = 1, ce qui revient à la deuxième identité de (h).
Montrons ensuite que f se factorise à travers la projection A × A → A/p × A/p et
une application
f : A/p × A/p → {0, 1}.
En effet, soient a, b ∈ A et c ∈ p, et supposons d’abord que f (a, b) = 1 ; il faut
montrer que f (a + c, b) = 1. Pour cela, il suffit d’invoquer (b) et (h) ; de même on
montre que f (a, b + c) = 1 dans ce cas. D’autre part, si f (a, b) = 0, on doit avoir
f (a + c, b) = 0, car sinon par ce qui précède l’on aurait f (a, b) = f (a + c − c, b) =
f (a + c, b) = 1, contradiction ; de même l’on voit que f (a, b + c) = 0. Cela achève
de vérifier que f est bien définie, et par construction on a :
(i) f (x, 0) = 0 pour tout x ∈ A/p \ {0}.
Or, soit x ∈ k(p), et disons que x = b−1 a pour certains a, b ∈ A/p ; on dira que x
est f -positif si f (a, b) = 1. Avec (e) et (i) l’on voit aisément que cette condition
ne dépend pas des choix de a et b, et l’on dénote par V ⊂ k(p) la partie des
éléments f -positifs. Soient x, y ∈ V , et disons que x = b−1 a, y = b−1 a′ pour certains
a, a′ , b ∈ A/p avec b 6= 0 ; au vu de (c) on peut supposer que f (a + a′ , a) = 1, et avec
(b) il vient alors f (a + a′ , b) = 1, i.e. x + y ∈ V . De même, avec (d) l’on obtient
f (aa′ , ba′ ) = f (ba′ , bb′ ) = 1, et (b) donne alors f (aa′ , bb′ ) = 1, i.e. xy ∈ V . De plus
(a) implique que l’on a soit f (−1, 1) = 1, soit f (1, −1), et dans les deux cas l’on
conclut que −1 ∈ V ; puis 1 = (−1)2 ∈ V et 0 = 1 + (−1) ∈ V . Cela achève de
montrer que V est un sous-anneau de k(p), et (a) et le lemme 8.12 entraînent alors
qu’il est l’anneau de valuation d’une valuation w de k(p) ; la composition de w avec
la projection A → k(p) est ainsi une valuation v de A, et il suffit maintenant de
constater que φv = f : les détails seront laissés aux soins du lecteur. ♦
L’observation 8.57 entraîne aisément que l’image de φ est une partie fermée de
P ; or, d’après le théorème de Tychonoff (problème 3.5(ii)), P est une espace
topologique compact et séparé, donc de même pour (Spv A, TA′ ).
Affirmation 8.58. (Spv A, TA ) est un espace de type T0 (voir la remarque 2.38(iv)).
Preuve : Soient v, w ∈ Spv A deux valuations non équivalentes, et supposons
d’abord qu’il existe
 b ∈ A tel que w(b) = +∞ et v(b) 6= +∞ ; dans ce cas il
vient v ∈ RA bb et w ∈ / RA bb . On raisonne de même s’il existe b ∈ A tel que
v(b) = +∞ et w(b) 6= +∞. On est donc ramené au cas où Supp(v) = Supp(w),
et d’après l’exercice 8.15, quitte à échanger v et w l’on peut supposer qu’il existe
a, b ∈ A tel que v(a) ≥ v(b) et w(a) < w(b). Dans ce cas  on a w(a) 6=a +∞, d’où
aussi v(a) 6= +∞ et alors v(b) 6= +∞ ; il vient v ∈ RA ab et w ∈ / RA b . ♦
Noter aussi que tout sous-ensemble rationnel de Spv A est
 une partie
 ouverte
et fermée pour la topologie TA′ , car on a RA ab = QA ab \ QA 0b pour tout
a, b ∈ A. Au vu de l’observation 8.58, il suffit alors d’invoquer la proposition 2.43
pour achever la preuve du théorème. 
Remarque 8.59. (i) Avec la notation de la preuve du théorème 8.56, pour tout
n ∈ N et tout a1 , . . . , an , b1 , . . . , bn ∈ A, soit
  \n  
a1 an ai
QA ,··· , := QA .
b1 bn i=1
bi
La preuve du théorème montre aussi que  toute partie
 constructible
 de Spv A est
réunion finie de parties de la forme QA b1 , · · · , bn \ QA d1 , · · · , dm pour cer-
a1 an c1 cm

taines suites a• , b• et c• , d• d’éléments de A de longueurs n et m arbitraires.


382 ç Scorpion

(ii) Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux ; pour toute valuation v :


B → Γ◦ de B, la composition v ◦ f : A → Γ◦ est évidemment une valuation de A, et
si v ′ : B → Γ◦′ est une autre valuation équivalente à v, les valuations v ◦ f et v ′ ◦ f
sont évidemment équivalentes ; l’on obtient ainsi une application bien définie
Spv f : Spv B → Spv A v 7→ v ◦ f.
De plus, par inspection directe des définitions on voit que
a  
f (a)
(Spv f )−1 RA = RB ∀a, b ∈ A.
b f (b)
Donc l’application Spv f est continue et compacte (voir la remarque 2.45(ii)), et les
associations A 7→ Spv A et f 7→ Spv f définissent un foncteur contravariant
Spv : (Z − Alg)op → Top
de la catégorie des anneaux vers la catégorie des espaces topologiques.
(iii) Noter aussi que l’application
σA : Spv A → Spec A v 7→ Supp(v)
est continue et compacte, car on a :
a
−1
σA (D(a)) = RA ∀a ∈ A.
a
On voit aisément que l’association A 7→ σA définit une transformation naturelle
σ : Spv → Spec.
(iv) De plus, pour tout p ∈ Spec A on a un homéomorphisme naturel
∼ −1
Spv k(p) → σA (p)
−1
où l’on munit la fibre σA (p) de la topologie induite par l’inclusion dans Spv A.
En effet, l’on a déjà observé que toute valuation v avec support p se factorise à
travers la projection π : A → k(p) et une unique valuation résiduelle v : k(p) → Γv◦
(et évidemment deux valuations v et w de A avec support p sont équivalentes
si et seulement s’il en est de même pour leurs respectives valuations résiduelles).
Donc l’application continue Spv π : Spv k(p) → Spv A est injective et son image est
−1
σA (p). Il reste à vérifier que la topologie de Spv k(p) coïncide avec celle induite
par Spv A via Spv π. Pour cela, soient x, y ∈ k(p), et écrivons x = π(a)/π(c),
y = π(b)/π(c) avec a, b ∈ A et c ∈ A\p ; comme v(π(c)) 6= +∞ pour toute valuation
  
v de k(p), l’on a Rk(p) xy = Rk(p) π(a)π(b) = (Spv π)
−1
RA ab , d’où l’assertion.
(v) Noter aussi que σA admet une section continue
τA : Spec A → Spv A
qui associe à tout p ∈ Spec A l’unique valuation τA (p) de A avec Supp(τA (p)) = p
et ΓτA (p) = {0}. On dit que τA (p) est la valuation triviale de A avec support p.

Pour vérifier la continuité de τA , noter que τA−1 (RA ab ) = D(b) pour tout b ∈ A.
Exercice 8.60. Soient f : A → B et g : A → A′ deux homomorphismes d’anneaux,
et B ′ := A′ ⊗A B. Les homomorphismes canoniques f ′ : A′ → B ′ et g ′ : B → B ′
induisent une application continue d’espaces topologiques
φ : Spv B ′ → Spv A′ ×Spv A Spv B v 7→ (v ◦ f ′ , v ◦ g ′ ).
Montrer que φ est surjective.
§ 8.3: Le spectre valuatif 383

Problème 8.61. (Spécialisations dans Spv A) Soit v : A → Γ◦ une valuation,


∆ ⊂ Γ un sous-groupe convexe ; le sous-groupe caractéristique de v, noté :
cΓv
est le sous-groupe convexe de Γv engendré par v(A) \ Γ◦+ . On considère l’application
(
v(a) si v(a) ∈ ∆
v ∆ : A → ∆◦ a 7→
+∞ sinon.
(i) Montrer que v ∆ est une valuation si et seulement si cΓv ⊂ ∆.
(ii) On suppose que cΓv ⊂ ∆. Montrer que v ∆ est une spécialisation de v dans
Spv A. Dans ce cas, on dit que v ∆ est la spécialisation primaire de v associée à ∆,
et aussi que v est une générisation primaire de v ∆ .
(iii) Rappelons qu’il existe une structure unique de groupe ordonné sur Γ/∆ telle
que la projection π : Γ → Γ/∆ soit un morphisme de groupes ordonnés (exercice
8.4(ii)), et soit π◦ : Γ◦ → (Γ/∆)◦ le prolongement de π tel que π◦ (+∞) = +∞. On
voit aussitôt que la composition de v avec π0 est une valuation
v∆ : A → (Γ/∆)◦ a 7→ π◦ ◦ v(a).
Montrer que v∆ est une générisation de v. On dit que v∆ est la générisation secon-
daire de v associée à ∆, et aussi que v est une spécialisation secondaire de v∆ .
(iv) Soit w une générisation de v dans Spv A. Montrer que w est une générisation
secondaire de v si et seulement si Supp(v) = Supp(w).
(v) On dit qu’idéal I ⊂ A est v-convexe si pour tout a ∈ A tel qu’il existe b ∈ I
avec v(a) ≥ v(b), on a a ∈ I. Montrer que les supports des spécialisations primaires
de v sont les idéaux premiers v-convexes de A.
(vi) Soit p ⊂ Supp(v) un idéal premier ; montrer qu’il existe une générisation
primaire w de v avec Supp(w) = p. En particulier, l’application σA de la remarque
8.59(iii) est générisante.
(vii) Soient v, w, w′ trois valuations de A, tels que w est une spécialisation pri-
maire de v et w′ est une spécialisation secondaire de w. Montrer qu’il existe une
spécialisation secondaire v ′ de v telle que w′ est une spécialisation primaire de v ′ .
Proposition 8.62. Soit A un anneau et v ∈ Spv A. Toute spécialisation de v dans
Spv A est une spécialisation primaire d’une spécialisation secondaire de v.
Démonstration. Soit w une spécialisation de v, et supposons d’abord que cΓv = {0}
et v(a) ≤ 0 pour tout a ∈ A \ Supp(w). Dans ce cas, v {0} est une spécialisa-
tion primaire de v et Supp(v {0} ) ⊂ Supp(w) ; soit u l’unique valuation de A avec
Supp(u) = Supp(w) et Γu = {0}. Alors w est une spécialisation secondaire de u, et
la remarque 8.59(v) implique aisément que u est une spécialisation de v {0} ; donc
w est une spécialisation de v {0} . D’après le problème 8.61(vi) il existe une généri-
sation primaire w′ de w avec Supp(w′ ) = Supp(v {0} ), et évidemment w′ est une
spécialisation secondaire de v {0} . En résumant, l’on a une chaîne de spécialisations :
v ≥ v {0} ≥ w′ ≥ w
dont la première et la dernière sont primaires, et celle au milieu est secondaire.
D’après le problème 8.61(vii) il existe alors une spécialisation secondaire v ′ de v
qui est une générisation primaire de w′ ; évidemment, w est alors une spécialisation
primaire de v ′ , d’où l’assertion.
On peut ainsi supposer que soit cΓv 6= {0}, soit il existe x ∈ A \ Supp(w) avec
v(x) > 0. Remarquons maintenant :
Affirmation 8.63. Soient a, b ∈ A tels que v(a) ≥ v(b), w(a) 6= +∞ et w(b) = +∞.
Alors v(a) = v(b) 6= +∞.
384 ç Scorpion

 
Preuve : En effet, les hypothèses impliquent que w ∈ RA b
a , d’où v ∈ RA b
a ; i.e.
v(b) ≥ v(a) 6= 0, et l’assertion s’ensuit. ♦
Affirmation 8.64. Supp(w) est un idéal premier v-convexe.
Preuve : En effet, soient x, y ∈ A tels que
(∗) v(x) ≥ v(y) et w(y) = +∞
et supposons par l’absurde que w(x) 6= +∞. L’observation 8.63 nous dit alors que
(∗∗) v(x) = v(y) 6= +∞.
Considérons d’abord le cas où cΓv 6= {0}, et soit donc a ∈ A avec v(a) < 0.
Avec (∗) l’on déduit v(x) ≥ v(ay) et w(ay) = +∞, d’où v(x) = v(ay), toujours
par l’observation 8.63 ; mais v(ay) < v(y), et cela contredit (∗∗). En dernier lieu,
si v(a) > 0 pour quelque a ∈ A tel que w(a) 6= +∞, il vient v(ax) ≥ v(y) et
w(ax) 6= +∞, auquel cas l’observation 8.63 donne v(ax) = v(y), qui contredit à
nouveau (∗∗). ♦
L’observation 8.64 et le problème 8.61(v) impliquent qu’il existe une spéciali-
sation primaire u de v avec Supp(u) = Supp(w) ; montrons que w est une spé-
cialisation de u. Pour cela, soient a, b ∈ A tels que w ∈ RA ab , comme v est
une générisation de w, il vient v ∈ RA ab , et comme u est une spécialisation pri-
maire de v, il vient u(a) ≥ u(b). De plus, u(b) 6= 0, car Supp(w) = Supp(v) ; donc
u ∈ RA ab , d’où l’assertion. On a ainsi la chaîne de spécialisations :
v≥u≥w
dont la première est primaire, et la deuxième est secondaire (problème 8.61(iv)).
Pour conclure la preuve, il suffit maintenant d’invoquer le problème 8.61(vii). 
Lemme 8.65. Soit f : A → B un homomorphisme d’anneaux, et v, w ∈ Spv B
deux valuations. On a :
(i) Si w est une spécialisation primaire (resp. secondaire) de v, alors Spv(f )(w)
est une spécialisation primaire (resp. secondaire) de Spv(f )(v).
(ii) Spv f induit une surjection de l’ensemble des spécialisations (resp. générisa-
tions) secondaires de v sur l’ensemble des spécialisations (resp. générisations)
secondaires de Spv(f )(v).
Démonstration. (i) suit aussitôt des définitions.
(ii) : Soit v ′ := Spv(f )(v) ; il est clair que l’homomorphisme induit i : Γv′ → Γv
est injectif, et Spec(i) est alors surjectif, d’après l’exercice 8.4(iii), donc Spv f induit
une surjection des générisations secondaires de v sur les générisations secondaires de
v ′ . Ensuite, soit w′ ∈ Spv A une spécialisation secondaire de v ′ . On a k(w′ ) = k(v ′ ),
et l’anneau de valuation k(w′ )+ de la valuation résiduelle de w′ est contenu dans
l’anneau de valuation k(v ′ )+ de la valuation résiduelle de v ′ , et contient l’idéal
maximal m′ de k(v ′ )+ , d’après le lemme 8.12 (les détails sont confiés aux soins du
lecteur). Soit aussi m l’idéal maximal de l’anneau de valuation k(v)+ de la valuation
résiduelle v de v, de telle façon que m′ = m ∩ k(v ′ ). Donc, K := k(v ′ )+ /m′ est un
sous-corps de E := k(v)+ /m, et K + := k(w′ )+ /m′ est un anneau de valuation de K
(remarque 8.13(ii)). D’après l’exercice 8.20(ii), il existe alors un anneau de valuation
E + de E avec K + = K ∩ E + , et d’après l’exercice 8.14, l’image inverse W ⊂ k(v)+
de K + est l’anneau de valuation d’une valuation w de k(v) ; la composition w : A →
Γw de la projection A → k(v) avec w est donc une valuation de A. Par construction
on a k(w′ )+ = W ∩ k(w′ ), et w est une spécialisation secondaire de v (voir la
remarque 8.13(i)) ; il s’ensuit aussitôt que w est une spécialisation secondaire de v,
et Spv(f )(w) = w′ . 
§ 8.3: Le spectre valuatif 385

Les résultats suivants sont analogues aux théorèmes 4.62, 6.21 et 6.27.
Théorème 8.66. Soit f : A → B un homomorphisme plat d’anneaux, et v une
valuation de B. On a :
(i) Spv f induit une surjection entre la partie des générisations primaires de v
dans Spv B et la partie des générisations primaires de Spv(f )(v) dans Spv A.
(ii) L’application Spv f est générisante.
Démonstration. (i) : Soit wA une générisation primaire de vA := Spv(f )(v) dans
Spv A ; on cherche une générisation primaire w de v dans Spv B avec Spv(f )(w) =
wA . Soit q := Supp(wA ) et notons par πA : A → A/q et πB : B → B/qB les
projections ; évidemment il existe sA , tA ∈ Spv A/q et s ∈ Spv B/qB tels que tA est
une générisation primaire de sA avec Spv(πA )(sA ) = vA et Spv(πA )(tA ) = wA , ainsi
que Spv(πB )(s) = v et Spv(f ⊗A A/q)(s) = sA . Si t est une générisation primaire de
s dans Spv B/qB avec Spv(f ⊗A A/q)(t) = tA , l’on pourra prendre w := Spv(πB )(t)
(lemme 8.65(i)). Quitte à remplacer f par f ⊗A A/q, l’on peut alors supposer que A
soit intègre et q = 0, donc wA est la restriction d’une valuation wK de K := Frac A.
Soit K + ⊂ K l’anneau de valuation de wK et ∆ ⊂ ΓwK un sous-groupe convexe tel
que vA = wA ∆
; notons aussi p := p(∆) ⊂ K + l’idéal premier correspondant à ∆,
suivant la bijection naturelle de la proposition 8.10(i). On a w−1 K (∆ ) = K \ p, et
+ +
+
avec A := Kp il vient wK (A ) = ∆ · ΓwK ◦ , ainsi que A ⊂ A , car cΓwK ⊂ ∆ (cp. la
′ ′ + ′

preuve du problème 8.61(vii)). Soit wA′ : A′ → ΓwK ◦ la restriction de wK ; le sous-


groupe caractéristique de wA′ est le plus petit sous-groupe convexe de Γw′ contenant
∆ · Γw+K \ Γw+K . L’on voit aisément que ce groupe n’est rien d’autre que ∆, donc la
valuation v A′ := (wA′ )∆ de A′ est bien définie, et elle est une spécialisation primaire
de wA′ qui prolonge la valuation vA de A. Soit B ′ := A′ ⊗A B ; d’après l’exercice 8.60,
les homomorphismes canoniques f ′ := A′ ⊗A f : A′ → B ′ et g : B → B ′ induisent
une surjection φ : Spv B ′ → Spv A′ ×Spv A Spv B, donc il existe vB ′ ∈ Spv B ′ avec
φ(vB ′ ) = (v A′ , v). On est ainsi ramené à exhiber une générisation primaire wB ′ de
vB ′ dans Spv B ′ telle que Spv(f ′ )(wB ′ ) = wA′ , car l’on pourra alors prendre w :=
Spv(g)(wB ′ ). Or, comme f ′ est plat, il existe un idéal premier r ⊂ s := Supp(vB ′ ) de
B ′ avec f −1 (r) = 0 (théorème 4.62) ; on pose B ′′ := Bs′ /rBs′ , de telle façon que vB ′ se
factorise à travers l’homomorphisme naturel g ′ : B ′ → B ′′ et une unique valuation
vB ′′ de B ′′ (voir l’exercice 8.8). Avec f ′′ := g ′ ◦ f ′ : A′ → B ′′ , il suffit alors d’exhiber
une générisation primaire wB ′′ de vB ′′ dans Spv B ′′ telle que Spv(f ′′ )(wB ′′ ) = wA′ .
Pour cela, noter que B ′′ est un anneau local intègre, donc il existe un anneau de
valuation (V, mV ) de E := Frac B ′′ tel que B ′′ ⊂ V et sB ′′ = mV ∩ B ′′ (théorème
8.17) ; soit πV : V → k(mV ) la projection, et noter que le corps résiduel k(s) de
B ′′ est un sous-corps de k(mV ). D’après l’exercice 8.20(ii), la valuation résiduelle
v B ′′ : k(s) → ΓvB′′ ◦ de vB ′′ se prolonge en une valuation w de k(mV ) ; notons par W
l’anneau de valuation de w. Par l’exercice 8.14, le sous-anneau W := πV−1 (W ) ⊂ V
est l’anneau de valuation d’une valuation wE de E. Montrons que la restriction de
wE au sous-anneau B ′′ est la valuation wB ′′ souhaitée. En effet, par construction la
restriction de wE au sous-anneau V est une générisation primaire de Spv(πV )(w),
et cette dernière prolonge la valuation vB ′′ ; donc wB ′′ est une générisation primaire
de vB ′′ . En dernier lieu, pour voir que Spv(f ′′ )(wB ′′ ) = wA′ il suffit de remarquer
que d’un côté l’anneau de valuation de wK est K + ⊂ A′ , et de l’autre côté on a
W ∩ f ′′ (A′ ) = f ′′ (K + ).
(ii) suit de (i), lemme 8.65 et proposition 8.62. 
Théorème 8.67. Soit f : A → B un homomorphisme entier d’anneaux, v et v ′
deux valuations de B. On a :
(i) Si v ′ est une spécialisation de v et Spv(f )(v) = Spv(f )(v ′ ), alors v = v ′ .
386 ç Scorpion

(ii) Spv f induit une bijection entre la partie des spécialisations primaires de v
dans Spv B et la partie des spécialisations primaires de Spv(f )(v) dans Spv A.
(iii) L’application Spv f est fermée.
(iv) Si f est injectif, l’application Spv f est surjective et la topologie de Spv A
coïncide avec la topologie induite par Spv B via Spv f .
Démonstration. Posons w := Spv(f )(v), et soient q et q′ les supports de v et v ′ .
(i) : Par hypothèse on a Supp(w) = f −1 (q) = f −1 (q′ ), et q′ est une spécialisation
de q dans Spec B (remarque 8.59(iii)) donc q = q′ (corollaire 6.18). D’après le
problème 8.61(iv), la valuation v ′ est alors une spécialisation secondaire de v, et
noter que k(v) = k(v ′ ) est une extension algébrique de k(w), car f est entier.
D’après l’exercice 8.11(ii,iii), l’inclusion j : Γw → Γv′ induit une bijection Spec j :

Spec Γv′ → Spec Γw ; d’autre part, le noyau de la projection π : Γv′ → Γv est un
sous-groupe convexe ∆ avec ∆ ∩ Γw = {0}, car aussi π ◦ j : Γw → Γv est injective.
D’où ∆ = {0}, et v = v ′ .
(ii) : Soit Sv (resp. Sw ) l’ensemble des spécialisation primaires de v dans Spv B
(resp. de w dans Spv A). Par définition, l’on a une surjection
πv : Spec(Γv /cΓv ) → Sv ∆/cΓv 7→ v ∆
et de même pour Sw ; de plus, ces surjections sont des morphismes d’ensembles
partiellement ordonnés, pour l’ordre induit par spécialisation de valuations. Comme
les spectres des groupes abéliens ordonnés sont totalement ordonnés (voir l’exemple
8.3), il en est alors de même pour Sv et Sw ; compte tenu de (i), il s’ensuit déjà que
Spv f se restreint en une application injective Spv(f )|Sv : Sv → Sw .
Affirmation 8.68. Dans la situation du théorème, pour tout b ∈ B il existe a ∈ A
avec w(a) ≤ v(b).
Preuve : Soient a1 , . . . , an ∈ A tels que bn + a1 bn−1 + · · · + an = 0 ; on alors
v(bn ) ≥ v(ai bn−i ) pour quelque i > 0. Si v(b) ≥ 0, l’assertion est triviale ; sinon,
l’on déduit v(b) > v(bi ) ≥ w(ai ). ♦
Noter le diagramme commutatif d’ensembles totalement ordonnés :
Spec(̄)
Spec(Γv /cΓv ) / Spec(Γw /cΓw )
πv πw
 Spv(f )|Sv 
Sv / Sw

où l’homomorphisme ̄ : Γw /cΓw → Γv /cΓv est induit par l’inclusion j : Γw → Γv .


Mais l’observation 8.68 implique aisément que cΓw = cΓv ∩ Γw , et d’autre part l’on
a déjà remarqué que Spec j : Spec Γv → Spec Γw est une bijection ; il s’ensuit que
Spec(̄) est bijective, et finalement, Spv(f )|Sv est une bijection.
(iii) : On déduit aussitôt de (ii), lemme 8.65(ii) et proposition 8.62 que Spv f est
spécialisante. L’assertion suit alors de la proposition 2.52(i) et la remarque 8.59(ii).
(iv) : On sait déjà que Spec f est surjective sous ces hypothèses (corollaire
6.22(i)). Soit alors w ∈ Spv A, et q ⊂ B un idéal premier tel que f −1 (q) = Supp(w) ;
donc k(w) est un sous-corps de k(q), et d’après l’exercice 8.20(ii), la valuation ré-
siduelle de w se prolonge en une valuation v de k(q). La composition v : B → Γv
de la projection B → k(q) avec v est une valuation telle que Spv(f )(v) = w, d’où
la surjectivité de Spv f . L’assertion sur la topologie de Spv A se déduit avec la
proposition 2.52(ii). 
Exercice 8.69. Soit A un anneau intègre et intégralement clos, B la fermeture inté-
grale de A dans une extension normale E de K := Frac A, et j : A → B l’inclusion.
Tout K-automorphisme σ de E induit par restriction un A-automorphisme σ|B de
§ 8.4: Complexes doubles 387


B, d’où un homéomorphisme Spv(σ|B ) : Spv B → Spv B. L’on obtient ainsi une
action du groupe G des K-automorphismes de E sur l’espace topologique Spv B.
Montrer que G agit transitivement sur (Spv j)−1 (w) pour tout w ∈ Spv A.
Théorème 8.70. Soit f : A → B un homomorphisme injectif et entier d’anneaux,
avec B intègre et A intégralement clos, et soit v une valuation de B. On a :
(i) Spv f induit une surjection entre la partie des générisations primaires de v
dans Spv B et la partie des générisations primaires de Spv(f )(v) dans Spv A.
(ii) L’application Spv f est générisante.
Démonstration. (i) : Soit w := Spv(f )(v), et w′ ∈ Spv A une générisation primaire
de w ; on cherche une générisation primaire v ′ de v dans Spv B avec Spv(f )(v ′ ) = w′ .
Pour cela, choisissons une extension normale E du corps Frac A contenant Frac B,
et soit C la fermeture intégrale de A dans E. Notons par g : A → C et h : B → C les
inclusions ; d’après le théorème 8.67(iv) il existe vC , wC

∈ Spv C avec Spv(g)(wC ′
)=
w et Spv(h)(vC ) = v. D’après le théorème 8.67(ii) il existe une spécialisation

primaire wC de wC ′
dans Spv C avec Spv(g)(wC ) = w. Par construction l’on a
Spv(g)(wC ) = Spv(g)(vC ) ; d’après l’exercice 8.69, il existe alors un automorphisme
σ de la A-algèbre C tel que Spv(σ)(wC ) = vC , et l’on voit aisément que la valuation
v ′ := Spv(σ ◦ h)(wC ′
) convient.
(ii) suit aussitôt de (i), lemme 8.65 et proposition 8.62. 

8.4. Complexes doubles. On a déjà noté (remarque 7.52(i)) que pour tout i ∈ N
l’association (M, N ) 7→ TorA
i (M, N ) définit un foncteur biadditif sur la catégorie
(A − Mod) × (A − Mod), qui pour i = 0 est isomorphe au foncteur − ⊗A − de la
remarque 4.6(iii). Cela étant, on peut se demander si l’isomorphisme canonique

M ⊗A N → N ⊗A M
se prolonge pour tout i ∈ N en un système d’isomorphismes de foncteurs

TorA A
i (M, N ) → Tori (N, M ).

Dans cette section on étudiera cette question à l’aide des complexes doubles, qui
interviendront plus tard aussi en d’autres situations.
Définition 8.71. Soit A un anneau ; un complexe double de A-modules est “un
complexe de complexes de A-modules”, i.e. la donnée d’un système (M p,• | p ∈ Z)
de complexes de A-modules et de morphismes de complexes :
dp+1,• dp,•
· · · → M p+1,• −−−−→ M p,• −−→ M p−1,• → · · ·
tel que dp,• ◦ dp+1,• = 0 pour tout p ∈ Z.
De façon équivalente, un complexe double peut être vu comme un système
(M p,q | p, q ∈ Z) de A-modules, muni de deux systèmes de différentiels
dp,q
h
M p,q / M p−1,q

dp,q
v
p−1,q
dv
 p,q−1
dh 
M p,q−1 / M p−1,q−1

tels que
dp,q p+1,q
h ◦ dh = 0 = dp,q p,q+1
v ◦ dv et dvp−1,q ◦ dp,q p,q−1
h = dh ◦ dp,q
v ∀p, q ∈ Z.
On appelle d••
h et dv respectivement les différentiels horizontaux et verticaux.
••
388 ç Scorpion

• Le formalisme des complexes doubles est complètement analogue à celui des


complexes (ordinaires) de A-modules : tout d’abord, un morphisme de complexes
doubles f •• : M •• → N •• est la donnée d’un système de morphismes de complexes

dp+1,•
M dp,•
M
··· / M p+1,• / M p,• / M p−1,• / ···

f p+1,• f p,• f p−1,•


 dp+1,•  dp,• 
N N
··· / N p+1,• / N p,• / N p−1,• / ···
p+1,• p+1,•
tels que f p,• ◦ dM = dN ◦ f p+1,• pour tout p ∈ Z. Ces morphismes peuvent
être composés de la façon évidente.
• Pour un tel f •• , le noyau Ker f •• est le complexe double (Ker f p,• | p ∈ Z),
dont les différentiels sont les restrictions des d•• M.
• Le conoyau Coker f •• et l’image Im f •• de f •• sont respectivement les suites
(Coker f p,• | p ∈ Z) et (Im f p,• | p ∈ Z), avec les différentiels induits par les d••
N.
• Si f •• , g •• : M •• → N •• sont deux morphismes de complexes doubles, une
homotopie de f •• vers g •• est la donnée d’un système de morphismes de complexes
p+1,•
sp,• : M p,• → N p+1,• tels que f p,• −g p,• = dN ◦sp,• +sp−1,• ◦dp,•
M ∀p ∈ Z.
• On peut bien sur itérer ces définitions, et obtenir la notion de complexe triple
qui sera un complexe de complexes doubles (et ainsi de suite). En particulier, une
suite exacte courte de complexes doubles est la donnée
f •• f ••
(∗) 0 → M •• −−
1
→ N •• −−
2
→ P •• → 0
de morphismes de complexes doubles, tels que
Ker f1•• = Coker f2•• = 0 et Ker f2•• = Im f1•• .
Cela revient à dire que (∗) est un système de suites exactes courtes de A-modules
f p,q f p,q
0 → M p,q −−
1
→ N p,q −−
2
→ P p,q → 0 ∀p, q ∈ Z.
Le deux opérations suivantes sur les complexes doubles n’ont pas des analogues
pour les complexes ordinaires :
• Si P •• est un complexe double, on peut échanger les lignes avec les colonnes
de P •• (et les différentiels horizontaux avec les verticaux), pour obtenir un nouveau
complexe double
fl(P )••
qu’on appelera le flip de P •• : donc fl(P )p,q := P q,p pour tout p, q ∈ Z. De même,
à tout morphisme de de complexes doubles f •• : M •• → N •• on associe son flip
fl(f )•• : fl(M )•• → fl(N )••
défini de la façon évidente.
h , dv ) un complexe ordinaire, appelé le com-
• On peut aussi associer à (P •• , d•• ••

plexe total de P , en posant :


••

M
Tot(P •• )n := P p,q ∀p, q ∈ Z.
p+q=n

Le différentiel d : Tot(P ) → Tot(P •• )n−1 est l’unique application A-linéaire


n •• n

dont la restriction au facteur direct P pq (pour tout p, q ∈ Z tels que p + q = n) est :


dp,q p p,q
h + (−1) · dv : P
pq
→ P p−1,q ⊕ P p,q−1 ⊂ Tot(P •• )n−1 .
§ 8.4: Complexes doubles 389

Vérifions que l’on a bien dn−1 ◦ dn = 0 : en effet, soit x ∈ P p,q ; on calcule


dn−1 ◦dn (x) = dn−1 (dp,q p p,q
h (x) + (−1) · dv (x))

= (dhp−1,q + (−1)p−1 dvp−1,q )(dp,q p,q−1


h (x))+(dh + (−1)p dvp,q−1 )(dp,q
v (x))

= (−1)p−1 · dvp−1,q ◦ dp,q p p,q−1


h (x) + (−1) · dh ◦ dp,q
v (x)
= 0.
Tout morphisme f •• : M •• → N •• de complexes doubles induit un morphisme
Tot(f )• : Tot(M )• → Tot(N )•
L
de complexes totaux : à savoir, Tot(f )n := p+q=n f p,q pour tout n ∈ Z. Il s’ensuit
immédiatement que tout suite exacte courte (∗) de complexes doubles induit une
suite exacte courte de complexes totaux :
Tot(f1 )• Tot(f2 )•
0 → Tot(M )• −−−−−→ Tot(N )• −−−−−→ Tot(P )• → 0.
Evidemment, un complexe double et sont flip ne seront pas, en général, isomorphes ;
néanmoins, on a le lemme suivant :
Lemme 8.72. Soit P •• un complexe double de A-modules.
(i) Il existe un isomorphisme naturel de complexes de A-modules :

φ•P : Tot(P )• → Tot(fl(P ))• .
(ii) Tout morphisme de complexes doubles f •• : P •• → Q•• induit un diagramme
commutatif de complexes
φ•
P
Tot(P )• / Tot(fl(P ))•

Tot(f )• Tot(fl(f ))•


 φ•
Q

Tot(Q)• / Tot(fl(Q))• .

Démonstration. (i) : En tout degré n ∈ Z, les termes des ces complexes sont la
somme directe des mêmes A-modules P p,q avec p+q = n, et l’isomorphisme cherché
sera juste une somme directe d’applications de la forme (−1)sp,q · IdP p,q . La preuve
consiste à déterminer les bons signes (−1)sp,q qui produisent un morphisme de
complexes totaux. Or, sur le facteur direct P p,q , le différentiel de Tot(P )• est donné
par dp,q
h + (−1) · dv ; sur ce même facteur direct fl(P )
p p,q q,p
= P p,q , le différentiel de
p,q
Tot(fl(P )) est donné par dv + (−1) · dh . Il faut donc choisir les entiers s•• de
• p,q q

telle façon à obtenir un diagramme commutatif


dp,q
h
P p,q ❘❘ / P p−1,q
❘❘❘
❘❘❘
❘❘❘ ❘❘❘ sp−1,q
❘❘(−1)
(−1)p ·dp,q
v
❘❘ ❘❘❘
sp,q ❘❘
 (−1) ❘❘❘ ❘❘(
( p,q (−1)q ·dp,q
h
p,q−1 / P p−1,q
P ❘❘❘ P
❘❘❘
❘❘❘ dp,q
❘ v
(−1)sp,q−1 ❘❘❘( 
P p,q−1 .
Cela conduit au système d’équations récursives
(
p + sp,q−1 = sp,q
q + sp−1,q = sp,q
et on peut poser s0,0 := 0. On obtient la solution sp,q := pq pour tout p, q ∈ Z.
L’assertion (ii) est immédiate. 
390 ç Scorpion

Exemple 8.73. Soient (M • , d•M ) et (N • , d•N ) deux complexes de A-modules. On


obtient un complexe double
M • ⊠A N •
dont le terme de bidegré (p, q) ∈ Z × Z est le produit tensoriel M p ⊗A N q , et dont
les différentiels sont
dp,q p
h := dM ⊗A N
q
dp,q p q
v := M ⊗A dN .

On pose
M • ⊗A N • := Tot(M • ⊠A N • )• .
Les complexes doubles M • ⊠A N • et N • ⊠A M • sont en général non-isomorphes,
mais on a :
Corollaire 8.74. Soient (M • , d•M ) et (N • , d•N ) deux complexes de A-modules.
(i) Il existe un isomorphisme naturel de complexes de A-modules :

M • ⊗A N • → N • ⊗A M • .
(ii) Toute couple de morphismes de complexes (f • : M • → M ′• , g : N • → N ′• )
induit un diagramme commutatif

M • ⊗A N • / N • ⊗A M •

f • ⊗A g • g • ⊗A f •
 

M ′• ⊗A N ′• / N ′• ⊗A M ′• .

Démonstration. D’abord, soit C •• le complexe double tel que C p,q := N q ⊗A M p ,


et dont les différentiels horizontaux (resp. verticaux) sont dp,q p
h := N ⊗A dM (resp.
q
q ∼
dv := dN ⊗A M p ) pour tout p, q ∈ Z. Les isomorphismes canoniques M p ⊗A N q →
N q ⊗A M p de l’exercice 4.5(iv) induisent un isomorphisme de complexes doubles

M • ⊠A N • → C •• .
On voit aisément que le flip de C •• coïncide avec N • ⊠A M • , donc il suffit d’appliquer
le lemme 8.72 pour conclure. 
Exemple 8.75. Soit (∆• , d•∆ ) le complexe de A-modules concentré aux degrés
homologiques 0 et 1, tel que ∆0 = A ⊕ A, ∆1 = A, et avec différentiel
d1∆ : A → A ⊕ A a 7→ (a, −a).
On a deux morphismes évidents de complexes
t•1 , t•2 : A[0]• → ∆• avec t01 (a) := (a, 0) et t02 (a) := (0, a) ∀a ∈ A.
Noter aussi que les isomorphismes canoniques de l’exercice 4.5(ii) induisent, pour
tout complexe de A-modules M • , un isomorphisme naturel de complexes

A[0]• ⊗A M • → M • .
Avec cette notation, la donnée d’un couple de morphismes de complexes de A-
modules φ•1 , φ•2 : M • → L• et d’une homotopie s• de φ•1 vers φ•2 équivaut à celle
d’un morphisme de complexes
ψ • : ∆• ⊗A M • → A[0]• ⊗A L• tel que ψ • ◦ (t•i ⊗A M • ) = A[0]• ⊗A φ•i ∀i = 1, 2.
En effet, par définition on a (∆ ⊗A M ) = (∆ ⊗A M ) ⊕ (∆ ⊗A M n−1 ) ≃
• • n 0 n 1

M n ⊕ M n ⊕ M n−1 , ainsi que (A[0]• ⊗A L• )n ≃ Ln pour tout n ∈ Z ; sous ces


identifications, le différentiel de ∆• ⊗A M • est l’application A-linéaire
M n ⊕M n ⊕M n−1→ M n−1 ⊕M n−1 ⊕M n−2 (x, y, z) 7→ (dn (x)+z, dn (y)−z,−dn−1 (z)).
§ 8.4: Complexes doubles 391

Un calcul direct que l’on confiera aux soins du lecteur montre que les applications
ψ n : M n ⊕ M n ⊕ M n−1 → Ln (x, y, z) 7→ φn1 (x) + φn2 (y) + sn−1 (z) ∀n ∈ Z
définissent le morphisme ψ • souhaité. Réciproquement, si un tel morphisme ψ • est
donné, on en déduit une homotopie s• de φ•1 vers φ•2 : à savoir, on pose sn (z) :=
ψ n+1 (0, 0, z) ∈ Ln+1 pour tout z ∈ M n .
Exercice 8.76. Soient (M • , d•M ), (N • , d•N ) et (P • , d•P ) trois complexes de A-
modules. Montrer qu’il existe un isomorphisme naturel de complexes de A-modules

(M • ⊗A N • ) ⊗A P • → M • ⊗A (N • ⊗A P • ).
Proposition 8.77. Soit (P •• , d•• ••
h , dv ) un complexe double de A-modules vérifiant
l’une des conditions suivantes :
v ) est exact pour tout p ∈ N.
(a) P p,q = 0 si p < 0 et le complexe (P p,• , dp,•
(b) P p,q = 0 si q < 0 et le complexe (P •,q , d•,q
h ) est exact pour tout q ∈ N.
Alors, le complexe total (T • , d•T ) := Tot(P )• est exact.
Démonstration. On vérifie d’abord la proposition sous la condition (a). Soit donc
n ∈ Z et x•• := (xp,q | p + q = n) ∈ Z n (T • ) ; cela veut dire que tout xp,q ∈ P p,q , et
il existe q0 ∈ Z tel que xp,q = 0 pour tout q < q0 . De plus :
dp,q
h (xp,q ) + (−1)
p−1
· dp−1,q+1
v (xp−1,q+1 ) = 0 ∀p, q ∈ N tels que p + q = n.

Il faut trouver y•• := (yp,q | p + q = n + 1) ∈ T n+1 tel que dn+1


T (y•• ) = x•• i.e.

(∗) dn+1−k,k
h (yn+1−k,k ) + (−1)n−k · dvn−k,k+1 (yn−k,k+1 ) = xn−k,k ∀k ∈ Z
On va construir les yn+1−k,k ∈ P n+1−k,k par récurrence sur k, de telle façon que

(∗∗) zk := xn−k,k − dn+1−k,k


h (yn+1−k,k ) ∈ Ker dvn−k,k .
On pose yn+1−k,k := 0 pour tout k ≤ q0 ; comme xp,q = 0 si q < q0 , la condition
(∗) est trivialement vérifiée pour k < q0 , et (∗∗) est vérifiée pour k ≤ q0 .
Ensuite, soit r ≥ q0 tel que les éléments yn+1−k,k ont déjà été exhibés pour tout
k ≤ r, de telle façon que (∗) est vérifiée pour tout k < r et (∗∗) est vérifiée pour
tout k ≤ r. En particulier, comme (P n−r,• , dn−r,•
v ) est exact, la condition (∗∗) pour
k = r implique qu’il existe yn−r,r+1 ∈ P n−r,r+1 tel que
zr = (−1)n−r · dvn−r,r+1 (yn−r,r+1 ).
Avec ce choix, la condition (∗) est maintenant vérifiée pour tout k ≤ r. Il reste à
montrer que (∗∗) est vérifiée pour k = r + 1. On calcule :
dvn−r−1,r+1 (zr+1 ) = dvn−r−1,r+1 (xn−r−1,r+1 ) − dhn−r,r ◦ dvn−r,r+1 (yn−r,r+1 )
= dvn−r−1,r+1 (xn−r−1,r+1 ) − (−1)n−r · dhn−r,r (zr )
= dvn−r−1,r+1 (xn−r−1,r+1 ) + (−1)n−r−1 · dhn−r,r (xn−r,r )
= 0.
Dernièrement, comme P p,q = 0 pour tout p < 0, on a trivialement yn+1−k,k = 0
pour tout k > n, donc la suite (yp,q | p + q = n + 1) est bien un élément de T n+1
avec dn+1
T (y•• ) = x•• . En dernier lieu, si P •• vérifie la condition (b), son flip fl(P •• )
vérifie (a), et compte tenu du lemme 8.72(i), on conclut par le cas précédent. 

On est maintenant prêt pour repondre à la question posée ci-dessus :


392 ç Scorpion

Théorème 8.78. Pour tout i ∈ N et tout A-module M , il existe un isomorphisme


de foncteurs additifs

i
τM : TorA A
i (M, −) → Tori (−, M ).

De plus, tout homomorphisme de A-modules f : M → M ′ induit un diagramme


commutatif de morphismes de foncteurs :
i
τM
TorA
i (M, −)
/ TorA
i (−, M )

() TorA
i (f,−) TorA
i (−,f )
 i
τM


TorA
i (M ′
, −) / TorA
i (−, M ′ ).

Démonstration. Soit N un A-module, et choisissons des résolutions projectives


• εM ε
PM −−→ M , PN• −−N → N . Notons (P •M , dP

) le complexe augmenté de (PM

, εM )
M
(voir la définition 5.53). On a une suite exacte courte de complexes évidente
0 → M [1]• → P •M → PM

→0
(avec M [1]• comme dans la remarque 5.54(i)) d’où une suite de complexes doubles
(∗) 0 → M [1]• ⊠A PN• → P •M ⊠A PN• → PM

⊠A PN• → 0.
Or, chaque A-module PNi est plat (voir le corollaire 5.4(i)), donc la suite (∗) est
exacte courte, et on déduit une suite exacte courte de complexes totaux :
(∗∗) 0 → M [1]• ⊗A PN• → P •M ⊗A PN• → PM

⊗A PN• → 0
(notation de l’exemple 8.73). De plus, le complexe P •M est exact, donc P •M ⊗A PNp
est exact pour tout p ∈ Z, par la proposition 4.52(iii) ; compte tenu de la proposition
8.77, on déduit que P •M ⊗A PN• est aussi exact. Remarquons aussi que le terme en
degré i ∈ Z du complexe M [1]• ⊗A PN• est simplement M ⊗A PNi+1 , et le différentiel
de ce complexe en degré i est (−1)i+1 · M ⊗A di+1 N ; il s’ensuit que

H i (M [1]• ⊗A PN• ) = TorA


i+1 (M, N ) ∀i ≥ −1.
Si maintenant on considère la suite exacte longue d’homologie associée à (∗∗) on
trouve les suites exactes
∂i
0 = H i+1 (P •M ⊗A PN• ) → H i+1 (PM

⊗A PN• ) −→ TorA i • •
i+1 (M, N ) → H (P M ⊗A PN ) = 0

pour tout i ≥ −1. Autrement dit, on a obtenu un isomorphisme naturel



(†) H i (PM

⊗A PN• ) → TorA
i (M, N ) ∀i ∈ N.
Si on échange les rôles de M et N , on obtient de même un isomorphisme naturel

(††) H i (PN• ⊗A PM

) → TorA
i (N, M ) ∀i ∈ N.

De l’autre côté, l’isomorphisme naturel •
PM ⊗A PN• → PN• ⊗A PM

du corollaire 8.74
induit des isomorphismes de A-modules

(† † †) H i (PM

⊗A PN• ) → H i (PN• ⊗A PM

) ∀i ∈ N.
Finalement, on peut combiner ces isomorphismes, pour obtenir

i
τM,N : TorA A
i (M, N ) → Tori (N, M ) ∀i ∈ N.
Dernièrement, soient f : M → M ′ et g : N → N ′ deux homomorphismes de A-
εM ′ εN ′
modules ; comme d’habitude, on choisit des résolutions PM

′ −−→ M ′ et PN• ′ −− → N′
et des morphismes de complexes f : PM → PM et g : PN → PN ′ qui se prolongent
• • • • • •
§ 8.4: Complexes doubles 393

en des morphismes f • : P •M → P •M ′ et g • : P •N → P •N ′ tels que f −1 := f et


g−1 := g. On déduit un diagramme de A-modules

H i (PN• ⊗A PM •
) / TorAi (N, M )
i❘❘❘
❘❘❘ ♥ ♥♥♥6
❘❘❘ i

❘❘❘ τM,N
❘❘ ♥♥♥♥
H i (PM

⊗A PN• ) / TorA
i (M, N )

H i (g• ⊗A f • ) H i (f • ⊗A g• ) TorA
i (f,g) TorA
i (g,f )
 
H i (PM

′ ⊗A PN• ′ ) / TorA
i (M ′
, N ′)
❧ ❧ PPP
❧❧❧ P
❧❧❧ i
τM ′ ,N ′
❧❧❧❧❧ PPPP
( 
 u❧
H i
(PN• ′ ⊗A PM•
′)
/ TorAi (N ′
, M ′)

dont les flèches horizontales sont les isomorphismes (†) et (††) et les deux flèches dia-
gonales non étiquetées sont les isomorphismes (†††). Pour montrer que l’application
i
N 7→ τM,N est un isomorphisme de foncteurs additifs, et établir la commutativité
du diagramme de foncteurs additifs (), il suffit de vérifier que le trapèze à droite
commute. Or, les deux trapèzes centraux en haut et en bas commutent par défi-
nition, et le trapèze à gauche commute grâce au corollaire 8.74(ii). On est donc
ramené à montrer que les deux rectangles à l’intérieur et à l’exterieur commutent.
Mais on a un diagramme commutative de complexes

0 / M [1]• ⊗A P • / P • ⊗A P • / P • ⊗A P • /0
N M N M N

f [1]• ⊗A g• f • ⊗A g • f • ⊗A g •
  
0 / M ′ [1]• ⊗A P • ′ / P• ′ ⊗A PN• ′ / P• ′ ⊗A PN• /0
N M M

dont les deux lignes horizontales sont exactes ; compte tenu de la remarque 3.58,
on déduit la commutativité du rectangle intérieur, et quitte à échanger les rôles de
M et N et de M ′ et N ′ , le même argument s’applique au rectangle exterieur. 

Remarque 8.79. On peut aussi montrer que l’isomorphisme τM,N


i
du théorème 8.78
ne dépend pas – à isomorphisme canonique près – des choix de résolutions PM •

ε′ ε′
et PN• pour M et N . Plus précisément, soient Q•M −− M
→ M et Q•N −−N → N deux
autres résolutions. Soit aussi P le système de résolutions que l’on a adopté pour
définir les foncteurs dérivés des foncteurs M ⊗A − et N ⊗A − ; donc (PM •
, εM ) et
(PN• , εN ) sont dans P, et notons P ′ un autre système de résolutions qui contient
(Q•M , ε′M ) et (Q•N , ε′N ) au lieu de ces derniers. On notera ci-dessous TorA
i,P (−, −)
et TorA i,P ′ (−, −) les foncteurs dérivés des ces mêmes foncteurs, obtenus avec P et
respectivement avec P ′ . Alors, on a un diagramme commutatif de foncteurs :
i
τP,M
TorA
i,P (M, −)
/ TorA
i,P (−, M )

i i
ωP,P ′ (M,−) ωP,P ′ (−,M)
 i
τP ′ ,M

TorA
i,P ′ (M, −)
/ TorA
i,P ′ (−, M )

où l’application τP,M
i
est l’isomorphisme τM i
construit dans la preuve du théorème à
l’aide des résolutions PM et PN , et τP ′ ,M est l’isomorphisme analogue obtenu avec
• • i

Q•M et Q•N . Les applications ωP,P


i
′ (M, −) et ωP,P ′ (−, M ) sont les isomorphismes
i
394 ç Scorpion

canoniques fournis par la partie (iii) du théorème 7.48. En effet, on sait qu’il existe
des morphismes de complexes βM •
: PM•
→ Q•M et βN•
: PN• → Q•N tels que
ε′M ◦ βM
0
= εM et ε′N ◦ βN
0
= εN
d’où un diagramme de A-modules
H i (Q•M ⊗A Q•N ) / TorA i,P ′ (M, N )
h◗◗◗
◗H◗◗i◗(βM
• • i
ωP,P ′ (M,N )
♥♥6
◗◗◗⊗A βN ) ♥ ♥
♥♥
◗◗◗ ♥♥♥
◗ ♥♥♥
H i (PM•
⊗A PN• ) / TorA
i,P (M, N )

i i
τP,M τP ′ ,M

 
H i (PN• ⊗A PM

) / TorA (N, M )
i,P
♠♠ ♠ PPP
♠ PPP
♠♠♠ PPP
♠ ♠♠i♠(β • ⊗A β • )
♠H ωP,P ′ (N,M) PPP(
i
 v♠♠ N M 
i • •
H (QN ⊗A QM ) / TorA ′ (N, M )
i,P

dont les quatre flèches horizontales sont les isomorphismes (†) et (††) (et les ana-
logues isomorphismes obtenus remplacant PM •
et PN• par Q•M et Q•N ). Les autres
deux flèches verticales sont les isomorphismes († † †). Avec ces notations, notre ob-
jectif est de montrer que le diagramme en forme de trapèze à droite commute. Or,
les rectangles intérieurs et exterieurs commutent par définition, et le trapèze de
gauche commute grâce au corollaire 8.74(ii). Il suffit donc de montrer la commuta-
tivité des deux trapèzes centraux, en haut et en bas du diagramme. Pour cela, on
remarque que βM •
se prolonge en un morphisme de complexes augmentés
β •M : P •M → Q•M tel que β −1
M = IdM
et compte tenu de la suite correspondante
0 → M [1]• → Q•M → Q•M → 0
on obtient le diagramme commutatif de complexes
0 / M [1]• ⊗A P • / P • ⊗A P • / P • ⊗A P • /0
N M N M N

M[1]• ⊗A βN
• •
β M ⊗A β N

βM •
⊗A β N
  
0 / M [1]• ⊗A Q• / Q• ⊗A Q•N / Q• ⊗A Q• / 0.
N M M N

La commutativité du trapèze en haut s’ensuit aussitôt, grâce à la remarque 3.58.


Quitte à échanger les rôles de M et N , on obtient de même la commutativité du
trapèze en bas.
Problème 8.80. (Résolutions F -acycliques) Soient A, B deux anneaux, M un A-
εM
module, F : A−Mod → B −Mod un foncteur additif exact à droite, et (Q• , d•Q ) −−→
M une résolution F -acyclique de M , i.e. telle que Li F Qn = 0 pour tout n ∈ N et
tout i > 0. Montrer qu’il existe un isomorphisme naturel de B-modules :

Li F M → H i (F Q• ) ∀i ∈ N.
Exercice 8.81. (i) Soit (P•• , dh•• , dv•• ) un complexe de A-modules avec indexation
cohomologique, i.e. le différentiels sont des applications A-linéaires dhp,q : Pp,q →
Pp+1,q et dvp,q : Pp,q → Pp,q+1 pour tout p, q ∈ Z. On associe à P•• le complexe total
(TotΠ (P )• , d• ) tel que Y
TotΠ (P )n := Pp,q
p+q=n
§ 8.5: Solutions 395

et dont le différentiel est défini comme pour Tot(P )• : explicitement, pour tout
n ∈ Z et tout x•• := (xp,q | p + q = n) ∈ TotΠ (P )n on pose
dn (x•• ) := (dhp,q (xp,q ) − (−1)p · dvp+1,q−1 (xp+1,q−1 ) | p + q = n) ∈ TotΠ (P )n+1 .
Montrer que TotΠ (P )• est exact dans chacun des deux cas suivants :
(a) Pp,q = 0 si p < 0, et le complexe (Pp,• , dvp,• ) est exact pour tout p ∈ N.
(b) Pp,q = 0 si q < 0, et le complexe (P•,q , dh•,q ) est exact pour tout q ∈ N.
(ii) Soient M, N deux A-modules, et pour tout i ∈ N notons par Li HomA (−, N )
le i-ème foncteur dérivé à gauche du foncteur additif contravariant HomA (−, N ).
Exhiber un isomorphisme de foncteurs biadditifs :

ExtiA (M, N ) → Li HomA (M, N ) ∀i ∈ N.
(Choisir une résolution projective P • → M et une résolution injective N → I• et
adapter la preuve du théorème 8.78 à l’aide de (i)).
8.5. Solutions aux exercices et problèmes.
Exercice 8.2 : La reflexivité et symetrie de la relation ∼ sont claires. Pour la
transitivité, soient vi : A → Γi pour i = 1, 2, 3 des valuations avec v1 ∼ v2 et
v2 ∼ v3 , de telle façon qu’il existe des valuations vi′ : A → ∆i pour i = 1, 2 et
des morphismes injectifs de groupes ordonnés fi : ∆i → Γi et gi : ∆i → Γi+1
pour i = 1, 2 avec v1 = f1 ◦ v1′ , v2 = g1 ◦ v1′ = f2 ◦ v2′ , v3 = g2 ◦ v2′ . On pose
∆ := ∆1 ×Γ2 ∆2 := {(δ, δ ′ ) ∈ ∆1 × ∆2 | g1 (δ) = f2 (δ ′ )} ; on voit aisément que ∆ est
un sous-groupe du groupe ∆1 × ∆2 , et comme g1 et f2 sont injectifs, il en est de
même pour les projections pi : ∆ → ∆i , pour i = 1, 2. En particulier, il existe sur
∆ une unique structure de groupe ordonné (∆, ≤) telle que p1 soit un morphisme
de groupes ordonnés, et l’on vérifie aisément que p2 est elle aussi un morphisme de
groupes ordonnés pour cette même structure sur ∆. De plus, il existe une unique
application v ′ : A → ∆ telle que pi ◦ v ′ = vi′ pour i = 1, 2, et l’on voit aisément que
v ′ est une valuation de A. Donc f1′ := f1 ◦ p1 et g2′ := g2 ◦ p2 sont des morphismes
injectifs de groupes ordonnés avec f1′ ◦ v ′ = v1 et g2′ ◦ v ′ = v3 , d’où v1 ∼ v3 , CQFD.

Exercice 8.4, partie (i) : En effet, soient γ ∈ Γ \ {0} et n > 1 un entier tel
que n · γ = 0 ; quitte à remplacer γ par −γ on peut supposer que γ > 0, d’où
−k · γ < 0 pour tout entier k > 0 ; d’autre part on a γ = (1 − n) · γ, contradiction.
En particulier, il s’ensuit que le sous-groupe trivial {0} est convexe. Si maintenent
le rang convexe de Γ est 0, le seul sous-groupe convexe doit être {0}, d’où Γ = {0}.
Partie (ii) : Si (Γ/∆, ≤) est un groupe ordonné et la projection π : Γ → Γ/∆
est un morphisme de groupes ordonnés, ∆ = Ker π est convexe. Réciproquement,
si ∆ est convexe, on définit une relation ≤ sur Γ/∆ en posant
π(γ) ≤ π(γ ′ ) ⇔ ∃δ ∈ ∆ tel que γ ≤ γ ′ + δ
pour tout γ, γ ′ ∈ Γ. On voit aisément que ≤ est bien définie sur le quotient Γ/∆,
i.e. ne dépend pas du choix des représentants γ, γ ′ des classes π(γ), π(γ ′ ). Ensuite,
si π(γ) ≤ π(γ ′ ) et π(γ ′ ) ≤ π(γ ′′ ), il existe δ, δ ′ ∈ ∆ tels que γ ≤ γ ′ + δ et γ ′ ≤
γ ′′ + δ ′ , d’où γ ≤ γ ′′ + δ + δ ′ , et donc π(γ) ≤ π(γ ′′ ). Pour montrer que ≤ est une
relation d’ordre, il ne reste qu’à montrer que si π(γ) ≤ π(γ ′ ) et π(γ ′ ) ≤ π(γ ′′ ), on a
π(γ) = π(γ ′ ) ; or, par hypothèse il existe δ, δ ′ ∈ ∆ tels que γ ≤ γ ′ + δ et γ ′ ≤ γ + δ ′ ,
d’où −δ ′ ≤ γ − γ ′ ≤ δ, autrement dit 0 ≤ γ − γ ′ + δ ′ ≤ δ + δ ′ , et la convexité
de ∆ donne γ − γ ′ + δ ′ ∈ ∆, d’où l’identité souhaitée. Il est aussi évident que si
π(γ) ≤ π(γ ′ ), alors π(γ) + π(γ ′′ ) ≤ π(γ ′ ) + π(γ ′′ ) pour tout γ ′′ ∈ Γ, d’où l’assertion.
Partie (iii) : Pour tout sous-groupe convexe ∆′ de ∆, notons c(∆′ ) le plus petit
sous-groupe convexe de Γ contenant ∆′ (i.e. l’intersection des sous-groupes convexes
Γ′ ⊂ Γ tels que ∆′ ⊂ Γ′ ). Noter que c(∆′ ) est l’ensemble des γ ∈ Γ tels qu’il
396 ç Scorpion

existe δ ∈ ∆′ avec −γ, γ ≤ δ ; en effet, évidemment si γ satisfait cette condition,


alors γ ∈ c(∆′ ), et de l’autre côté, on voit aisément que l’ensemble des éléments
γ satisfaisant cette condition est un sous-groupe convexe de Γ′ , d’où l’assertion.
Il suffit de montrer que c(∆′ ) ∩ ∆ = ∆′ pour tout ∆′ ∈ Spec ∆. Or, évidemment
∆′ ⊂ c(∆′ ) ∩ ∆ ; de l’autre côté, si δ ∈ c(∆′ ) ∩ ∆, par ce qui précède il existe δ ′ ∈ ∆′
tel que −δ, δ ≤ δ ′ , d’où δ ′ ∈ ∆′ , car ∆′ est convexe dans ∆.
Ensuite, supposons que Γ/∆ soit de torsion, et montrons que Spec i est in-
jective. On raisonne par l’absurde : si Γ′′ ⊂ Γ′ sont deux sous-groupes convexes
de Γ avec Γ′′ ∩ ∆ = Γ′ ∩ ∆, on déduit un homomorphisme de groupes surjectif
Γ′ /(Γ′ ∩ ∆) → Γ′ /Γ′′ , et de l’autre côté Γ′ /(Γ′ ∩ ∆) ⊂ Γ/∆ ; en particulier, Γ′ /Γ′′
est de torsion. Mais la partie (ii) nous dit que Γ′ /Γ′′ est un groupe ordonné, d’où
une contradiction, compte tenu de (i).

Exercice 8.8 : On pose


w(a/s) := v(a) − v(s) ∀a ∈ A, ∀s ∈ S.
Montrons d’abord que w(a/s) ne dépend que de la classe de a/s dans S −1 A : en
effet, si a′ ∈ A et s′ ∈ S, on a a/s = a′ /s′ si et seulement s’il existe t ∈ S tel que
as′ t = a′ st, d’où v(a) + v(s′ ) + v(t) = v(a′ ) + v(s) + v(t). Or, par hypothèse on sait
que v(t) 6= +∞ ; il s’ensuit aisément que v(a)− v(s) = v(a′ )− v(s′ ), d’où l’assertion.
Ensuite, pour tout a, b ∈ A et tout s, t ∈ S on calcule
a b
w + =v(at + bs) − v(st)
s t
≥ min(v(a) + v(t), v(b) + v(s)) − v(s) − v(t)
≥ min(v(a) − v(s), v(b) − v(t))
≥ min(w(a/s), w(b/t)).
On voit aussi aisément que w((a/s) · (b/t)) = w(a/s) + w(b/t), ce qui achève de
montrer que w est une valuation, et évidemment c’est l’unique valuation sur S −1 A
telle que w(a/1) = v(a) pour tout a ∈ A, comme souhaité.

Exercice 8.11, partie (i) : Soit x1 , . . . , xr une suite d’éléments non nuls de K ′
tels que les classes des v ′ (x1 ), . . . , v ′ (xr ) dans Γ′ /Γ sont deux à deux distinctes.
Soit aussi y1 , . . . , ys une suite d’éléments de K ′+ telle que les classes ȳ1 , . . . , ȳs ∈ k ′
soient k-linéairement indépendantes ; noter que v ′ (y1 ) = · · · = v ′ (ys ) = 0. Il suffit
de montrer que les éléments P (xP i yj | i = 1, . . . , r; j = 1, . . . , s) sont K-linéairement
indépendants. Soit donc ri=1 sj=1 aij xi yj = 0 une relation K-linéaire (avec aij ∈
K pour tout i, j) ; grâce à la remarque 8.7(iii) on déduit aisément qu’il existe deux
couples d’indices (i, j) et (i′ , j ′ ) tels que v ′ (aij xi yj ) = v ′ (ai′ j ′ xi′ yj ′ ), donc v(aij ) +
v ′ (xi ) = v(ai′ j ′ ) + v ′ (xi′ ), contradiction.
Partie (ii) : D’abord, remarquons que Γ′ /Γ est un groupe de torsion. En effet,
si γ ∈ K ′ , il existe x ∈ K ′ avec v ′ (x) = γ, et une sous-extension finie E ⊂ K ′ de
K avec x ∈ E ; il vient [v ′ (E × ) : Γ] ≤ [E : K], par la partie (i), d’où l’assertion.
Soit ∆′ ⊂ Γ′ un sous-groupe convexe, et notons ∆ := ∆′ ∩ Γ ; par inspection de la
solution l’exercice 8.4(iii), on voit que ∆′ est l’ensemble des éléments γ ∈ Γ′ tels qu’il
existe δ ∈ ∆ avec −γ, γ ≤ δ. Or, notons p(∆′ ) ∈ Spec K ′ et p(∆) ∈ Spec K comme
dans la proposition 8.10(i) ; on doit montrer que p(∆) = K ∩ p(∆′ ), et l’inclusion
K ∩ p(∆′ ) ⊂ p(∆) vient aussitôt des définitions. Si x ∈ p(∆), on a γ < v(x) pour
tout γ ∈ ∆, donc aussi pour tout γ ∈ ∆′ , par ce qui précède, i.e. x ∈ p(∆′ ), d’où
l’assertion.
Partie (iii) : Il suffit de joindre la partie (ii) ci-dessus avec l’exercice 8.4(iii).
§ 8.5: Solutions 397

Exercice 8.14 : Soit x ∈ K \ π −1 V ′ ; si x ∈


/ V , on a x−1 ∈ m, d’où x ∈ π −1 V ′ ,
contradiction. Donc x ∈ V , et on doit avoir x ∈ V × , car sinon x ∈ m ⊂ π −1 V ′ ,
contradiction ; or π(x) ∈ k(m) \ V ′ , d’où π(x−1 ) = π(x)−1 ∈ V ′ , i.e. x−1 ∈ π −1 V ′ ,
et l’assertion suit du lemme 8.12.

Exercice 8.15 : Evidemment, la condition est vérifiée si v et w sont équivalentes.


Pour la réciproque, remarquons d’abord que la condition implique que pour tout
a ∈ A on a v(a) = +∞ si et seulement si w(a) = +∞, i.e. v et w ont le même
support, donc K := k(v) = k(w), et v et w se factorisent à travers des valuations
uniques v et w de K. Il suffit alors de montrer que v est équivalente à w, et on est
ainsi ramené au cas où A est un corps. Dans ce cas, la condition implique que pour
tout a ∈ A on a v(a) ≥ v(1) = 0 si et seulement si w(a) ≥ w(1) = 0, donc v et w ont
le même anneau de valuation V ⊂ A. La preuve du lemme 8.12 montre alors que
les groupes de valuation de v et w sont isomorphes à A× /V × , et ces isomorphismes
identifient v et w avec la projection K × → K × /A× , d’où l’assertion.

Exercice 8.20, partie (i) : Compte tenu du corollaire 8.19, il suffit de montrer
que pour tout anneau de valuation V de K contenant A, il existe un anneau de
valuation V ′ de K tel que V ′ ⊂ V et A ≤ V ′ . Pour cela, soit m l’idéal maximal de V ,
et posons p := A∩m ; donc A/p ∈ Lk(m) , et par le théorème 8.17 il existe un anneau
de valuation W de k(m) avec A/p ≤ W . Soit π : V → k(m) la projection canonique ;
d’après l’exercice 8.14, on sait que V ′ := π −1 W est un anneau de valuation de K,
et on voit aisément que A ≤ V ′ .
Partie (ii) : Soit V ⊂ K l’anneau de valuation de v, et mV son idéal maximal ;
d’après le théorème 8.17, il existe un anneau de valuation W de E, d’idéal maximal
mW , tel que V ⊂ W et mV = mW ∩V . Montrons que V = K ∩W . Pour cela, il suffit
de vérifier que K ∩ W ⊂ V ; on raisonne par l’absurde : si x ∈ K ∩ W et x ∈ / V , on a
x−1 ∈ mV (lemme 8.12), d’où x−1 ∈ mW , mais alors x ∈ / W , contradiction. On voit
aisément que la valuation w de E d’anneau de valuation W convient (rappelons
que l’on a Γv = K × /V × et Γw = E × /W × , à isomorphisme de groupes ordonnés
près : voir la preuve du lemme 8.12).

Problème 8.23, partie (i) : Remarquons d’abord que VE/V est l’ensemble des
anneaux de valuation W de E tels que W ∩K = V . En effet, si mV ⊂ V et mW ⊂ W
sont les respectifs idéaux maximaux, la condition W ∩ K = V implique aisément
que mW ∩ V = mW ∩ K = mV , d’où V ≤ W ; réciproquement, si W ∈ VE/K ,
évidemment W ∩ K est un anneau de valuation de K avec V ≤ W ∩ K, donc
l’assertion suit du théorème 8.17. De plus, pour toute extension algébrique F de E
on a une application surjective

πF/E : VF/V → VE/V W 7→ W ∩ E.

En effet, si W ∈ VF/V , on a W ∩ E ∈ VE/V par l’observation précédente. Récipro-


quement, si W ′ ∈ VE/V , on a VF/W ′ 6= ∅ (encore par le théorème 8.17), et pour
tout W ∈ VF/W ′ on a W ∩ E = W ′ , d’où W ′ ∈ VF/V . Remarquons aussi :

Lemme 8.82. Si W, W ′ ∈ VE/K sont deux éléments distincts, on a W * W ′ .

Démonstration. Supposons par l’absurde que W ⊂ W ′ ; notons par m et m′ les


idéaux maximaux de W et W ′ , et posons p := W ∩ m′ . On sait que p m, car sinon
on aurait W ≤ W ′ , d’où W = W ′ , par le théorème 8.17. Mais comme V ≤ W, W ′ ,
il vient V ∩ p = V ∩ m, et d’autre part l’exercice 8.11(iii) nous dit que l’inclusion

V → W induit une bijection Spec W → Spec V , contradiction. 
398 ç Scorpion

Or, soit F une extension finie et normale de K contenant E ; on est ramené


à montrer que VF/V est un ensemble fini, i.e. on peut supposer que E soit une
extension normale finie de K, et dans ce cas il suffit de vérifier que l’action natu-
relle de Gal(E/K) sur VE/V est transitive. Pour cela, soit W1 ∈ VE/V , et notons
{W1 , W2 , . . . , Wk } ⊂ VE/V l’orbite de W1 sous l’action de Gal(E/K), i.e. pour tout
i = 2, . . . , k il existe σ ∈ Gal(E/K) avec Wi = σ(W1 ). Supposons, par l’absurde,
qu’il existe Wk+1 ∈ VE/V \ {W1 , . . . , Wk }, on pose B := W1 ∩ · · · ∩ Wk+1 et on
dénote mi l’idéal maximal de Wi , et pi := B ∩ mi , pour tout i = 1, . . . , k + 1.
Compte tenu du lemme 8.82 et du théorème 8.22, on a Max B = {p1 , . . . , pk+1 }.
En particulier, il existe x ∈ (p1 ∩ · · · ∩ pk ) \ pk+1 (lemme 2.3). Donc, x ∈
/ mk+1 , mais
x ∈ σ −1 (m1 ), i.e. σ(x) ∈ m1 pour tout σ ∈ Gal(E/K) ; soit
Y
P (T ) := (T − σ(x)).
σ∈Gal(E/K)

On a σ(P ) = P pour tout σ ∈ Gal(E/K), donc il existe une puissance q de la


caractéristique du corps K telle que P (T )q = T r + a1 T r−1 + · · · + ar ∈ K[T ].
Il s’ensuit
Pr aisément que a1 , . . . , ar ∈ m1 ∩ K, l’idéal maximal de V . Mais alors
xr = − i=1 ai xr−i n’est pas inversible dans Wk+1 , i.e. x ∈ mk+1 , contradiction.
Partie (ii) : La preuve de (i) donne déjà l’assertion pour E une extension nor-
male finie de K. Pour le cas général, soit F l’ensemble des sous-extensions fi-
nies et normales du corps K contenues dans E ; évidemment F est un ensemble
partiellement ordonné filtré, pour l’ordre défini par l’inclusion de sous-extensions.
De plus, à toute inclusion F ⊂ F ′ d’éléments de F on a associé dans la preuve
de (i) une application naturelle πF ′ /F : VF ′ /V → VF/V , et on voit aisément que
(VF/V , πF ′ /F | F, F ′ ∈ F , F ⊂ F ′ ) est un système d’ensembles indexés par F (voir
l’exemple 3.3(i)). Avec cette notation, on a une bijection naturelle

(∗) VE/K → lim
←−
VF/V W 7→ (W ∩ F | F ∈ F ).
F ∈F

De l’autre côté on a un isomorphisme naturel de groupes



Gal(E/K) → lim
←−
Gal(F/K) σ 7→ (σ|F | F ∈ F ).
F ∈F

Choisissons W ∈ VE/V ; par (i), on a une une application surjective


ωF : Gal(F/K) → VF/V σ 7→ σ(W ∩ F ) ∀F ∈ F
et on voit aisément que (ωF | F ∈ F ) est un morphisme de systèmes indexés
(Gal(F/K) | F ∈ F ) → (VF/V | F ∈ F ). L’assertion suit, par la remarque 3.16(i).
Partie (iii) : Pour tout F ∈ F , soit AF la fermeture intégrale de V dans F ,
et pour tout W ∈ VF/K notons mW ⊂ W l’idéal maximal. Le théorème 8.22 nous
donne une bijection canonique

ηF : VF/V → Max AF W 7→ mW ∩ AF .
Si F ⊂ F ′ sont deux éléments de F , on a évidemment AF = F ∩ AF ′ , et l’inclusion
iF ′ /F : AF → AF ′ est une extension entière d’anneaux. Par le corollaire 6.17, il
s’ensuit que l’application Spec iF ′ /F se restreint en une application Max iF ′ /F :
Max AF ′ → Max AF , et on a un diagramme commutatif :
ηF ′
VF ′ /V / Max AF ′

πF ′ /F Max iF ′ /F
 ηF 
VF/V / Max AF .
§ 8.5: Solutions 399

Compte tenu de (∗), on en déduit une bijection naturelle



VE/V → lim
←−
Max AF .
F ∈F
S
De l’autre côté, aussi les inclusions AF → A = F ∈F AF sont des extensions
entières d’anneaux, d’où une application bien définie
τ : Max A → lim
←−
Max AF m 7→ (m ∩ AF | F ∈ F )
F ∈F

toujours grâce au corollaire 6.17. Par une simple inspection des définitions, on est
alors ramené à vérifier que τ est bijective. L’injectivité suit aussitôt des définitions :
les détails seront laissés aux soins du lecteur. Pour la surjectivité, considérons une
suite cohérente m• := (mF | F ∈ F ) telle queS mF est un idéal maximale de AF
pour tout F ∈ F ; on voit aisément que m := F ∈F mF est un idéal de A, et on a
m ∩ AF = mF pour tout F ∈ F , d’où m ∈ Max A, encore par le corollaire 6.17, et
de plus τ (m) = m• , d’où l’assertion.

Exercice 8.24, partie (i) : On montrera plus précisément que tout système mi-
nimal x1 , . . . , xn de générateurs de M est une base. Pour P cela, il suffit de vérifier
que la seule solution (a1 , . . . , an ) ∈ V n de l’équation ni=1 ai xi = 0 est (0, . . . , 0).
On raisonne par l’absurde, et notons par v : V \ {0} → Γv la valuation de V ;
si (a1 , . . . , an ) est une solution non nulle de cette équation, on peut supposer que
a1 6= 0 et v(a1 ) ≤ v(ai ) pour tout i = 2, . . . , n. Dans ce Pncas, posons bi := ai /a1
pour tout i = 2, . . . , n ; on a b2 , . . . , bn ∈ V et x1 = − i=2 bi xi , car M est sans
torsion. Donc, le système x2 , . . . , xn engendre M , une contradiction.
Partie (ii) : Tout V -module est la limite directe du système filtré de ses sous-
modules de type fini. Avec (i), il s’ensuit que tout V -module sans torsion est la
limite directe d’un système filtré de V -modules libres, donc il est plat (voir l’exercice
4.55(iii)).
Partie (iii) : Evidemment
Pn I := Im ε est un idéal de type fini de V , donc I est
principal. Soit t := i=1 xi ⊗ αi ∈ N ⊗V L∨ tel que ε(t) engendre I ; a fortiori, le
système (ε(xi ⊗ αi ) | i = 1, . . . , n) engendre I, et donc un de ces termes l’engendre
déjà, d’où la première assertion. Ensuite, si x ∈ N et α : L → V sont choisis tels
que α(x) engendre I, la restriction α|N : N → I est surjective, et I est un V -module
libre de rang un ; la deuxième assertion s’ensuit aussitôt. P
Partie (iv) : Soit x1 , . . . , xn une base de L ; donc x = ni=1 ai xi pour certains
a1 , . . . , an ∈ V . Pour tout i = 1, . . . , n, soit aussi πi : L → V la forme linéaire
telle que πi (xi ) = 1 et πi (xj ) = 0 pour tout j 6= i. Evidemment
Pn πi (x) = ai ∈ I,
d’où bi := ai /a ∈ V pour i = 1, . . . , n, et on pose y := i=1 bi xi . Il s’ensuit que
α(y) = α(x)/a = 1, et donc L = V y ⊕ Ker α.
Partie (v) : On raisonne par récurrence sur le rang n de L. Si n = 0, il n’y a rien
à montrer. Supposons donc que n > 0, et que l’assertion soit déjà connue pour tout
V -module libre L′ de rang n − 1 et toute application V -linéaire surjective L′ → M ′
avec M ′ de présentation finie. Par (iii) et (iv), on peut trouver y ∈ L, a ∈ V et
α ∈ L∨ tels que
N = (V ay) ⊕ (N ∩ Ker α) et L = V y ⊕ Ker α.
Posons N ′ := N ∩ Ker α, L′ := Ker α et M ′ := L′ /N ′ . Noter que N ′ et L′ sont de
type fini, car il sont facteurs direct de N et respectivement L. De plus, évidemment
L′ est sans torsion, donc libre, grâce à la partie (i), et sont rang est évidemment
n − 1. Il s’ensuit que M ′ est de présentation finie, et par hypothèse de récurrence, il
existe une base y1 , . . . , yn−1 de L′ , un entier r ≤ n−1 et des éléménts a1 , . . . , ar ∈ V
tels que N ′ = (V a1 y1 ) ⊕ · · · ⊕ (V ar yr ). Si on pose yn := y, k := r + 1, et ak := a,
il est ainsi clair que y1 , . . . , yn est une base de L et N = (V a1 y1 ) ⊕ · · · ⊕ (V ak yk ).
400 ç Scorpion

La deuxième assertion suit aussitôt.

Exercice 8.29 : L’on voit aisément que (a)⇒(b).


(b)⇒(a) : Soit donc I convexe ; on définit comme dans l’exercice 8.4(ii) une struc-
ture d’ordre partiel sur A/I telle que π soit un morphisme d’ensembles partiellement
ordonnés et telle que si π(a) ≤ π(a′ ), alors π(a) + π(b) ≤ π(a′ ) + π(b) pour tout
a, a′ , b ∈ A. Or, soient a, a′ , b ∈ A avec π(a) ≤ π(a′ ) et π(b) ≥ 0 ; par inspection de
la définition de l’ordre de A/I, on voit qu’il existe c, c′ ∈ I tels que a ≤ a′ + c et
0 ≤ b + c′ . Il vient a · (b + c′ ) ≤ (a′ + c) · (b + c′ ), i.e. ab ≤ a′ b + cb + a′ c′ + cc′ − ac′ ,
ce qui montre que π(a) · π(b) ≤ π(a′ ) · π(b). En dernier lieu, l’universalité du couple
((A/I, ≤), π) suit aisément de la construction : les détails seront confiés au lecteur.

Exercice 8.30, partie (i) : Comme Λ est filtré, la limite directe A est (isomorphe
à) l’anneau des classes d’équivalence [λ, a] des couples (λ, a) avec λ ∈ Λ, a ∈ Aλ
(voir l’exercice 3.12(iv)) ; on pose
(λ, a) ≤ (λ′ , a′ ) ⇔ ∃λ′′ ≥ λ, λ′ tel que gλλ′′ (a) ≤ gλ′ λ′′ (a′ ).
Evidemment la relation ≤ ainsi définie sur l’ensemble des couples (λ, a) est réflexive ;
montrons qu’elle est aussi transitive : en effet, si (λ, a) ≤ (λ′ , a′ ) et (λ′ , a′ ) ≤
(λ′′ , a′′ ), on peut trouver µ ≥ λ, λ′ et µ′ ≥ λ′ , λ′′ tels que
gλµ (a) ≤ gλ′ µ (a′ ) et gλ′ µ′ (a′ ) ≤ gλ′′ µ′ (a′′ ).
Or, soit µ′′ ≥ µ, µ′ ; il vient
gλµ′′ (a) = gµµ′′ gλµ (a)
≤ gµµ′′ gλ′ µ (a′ ) = gλ′ µ′′ (a′ ) = gµ′ µ′′ gλ′ µ′ (a′ ) ≤ gµ′ µ′′ gλ′′ µ′ (a′′ ) = gλ′′ µ′′ (a′′ )
d’où l’assertion. Ensuite, montrons que si (λ, a) ≤ (λ′ , a′ ), (λ, a) ∼ (µ, b) et (λ′ , a′ ) ∼
(µ′ , b′ ), alors (µ, b) ≤ (µ′ , b′ ). En effet, par hypothèse il existe ν ≥ λ, µ et ν ′ ≥
λ′ , µ′ tels que gλν (a) = gµν (b) et gλ′ ν ′ (a′ ) = gµ′ ν ′ (b′ ), ainsi que λ′′ ≥ λ, λ′ tel que
gλλ′′ (a) ≤ gλ′ λ′′ (a′ ). Choisissons ρ ≥ λ′′ , ν, ν ′ ; il vient
gµρ (b) = gνρ gµν (b) = gνρ gλν (a) = gλρ (a) = gλ′′ ρ gλλ′′ (a) ≤ gλ′′ ρ gλ′ λ′′ (a′ ) = gλ′ ρ (a′ )
et d’autre part gλ′ ρ (a′ ) = gν ′ ρ gλ′ ν ′ (a′ ) = gν ′ ρ gµ′ ν ′ (b′ ) = gµ′ ρ (b′ ), d’où l’assertion.
On conclut déjà que la relation ≤ induit une relation réflexive et transitive sur A.
Montrons que cette relation, que l’on dénotera aussi ≤, est antisymetrique : en effet,
si [λ, a] ≤ [λ′ , a′ ] et [λ′ , a′ ] ≤ [λ, a], il existe µ, µ′ ≥ λ, λ′ tels que gλµ (a) ≤ gλ′ µ (a′ )
et gλ′ µ′ (a′ ) ≤ gλµ′ (a). Soit µ′′ ≥ µ, µ′ ; il vient
gλµ′′ (a) = gµµ′′ gλµ (a) ≤ gµµ′′ gλ′ µ (a′ ) = gλ′ µ′′ (a′ )
= gµ′ µ′′ gλ′ µ′ (a′ ) ≤ gµ′ µ′′ gλµ′ (a) = gλµ′′ (a)
d’où gλµ′′ (a) = gλ′ µ′′ (a′ ), en particulier [λ, a] = [λ′ , a′ ]. Cela achève de montrer
que ≤ est un ordre partiel sur A, et on vérifie aisément que les homomorphismes
canoniques Aλ → A sont des morphismes d’ensembles partiellement ordonnés.
Il reste à montrer que si [λ, a] ≤ [λ′ , a′ ], alors [λ, a] + [µ, b] ≤ [λ′ , a′ ] + [µ, b], et
si [µ, b] ≥ 0, alors [λ, a] · [µ, b] ≤ [λ′ , a′ ] · [µ, b]. Mais, par ce qui précède, on peut
supposer que λ = λ′ = µ, auquel cas ces inégalités sont immédiates (détails laissés
aux soins du lecteur).
Pour vérifier l’universalité de ((A, ≤), i• ), soit (fλ : (Aλ , ≤) → (B, ≤) | λ ∈ Λ) un
co-cône ; l’universalité de (A, i• ) nous donne un homomorphisme unique d’anneaux
(non ordonnés) f : A → B avec f ◦ iλ = fλ pour tout λ ∈ Λ. Rappelons que
f [λ, a] = fλ (a) pour tout [λ, a] ∈ A (voir l’exercice 3.12(iv)). Or, si [λ, a] ≤ [λ′ , a′ ],
il faut montrer que f [λ, a] ≤ f [λ′ , a′ ] ; mais par ce qui précède, on peut supposer
§ 8.5: Solutions 401

que λ = λ′ , auquel cas l’assertion est immédiate.

Problème 8.38, partie (i) : En effet, supposons que φT (T ) ⊂ V (f ), pour quelque


f ∈ C (T ) ; cela revient à dire que f (t) = 0 pour tout t ∈ T , i.e. f = 0, donc
V (f ) = β(T ), ce qui montre que φT (T ) est une partie dense de β(T ). Pour voir que
β(X) est séparé, il suffit d’invoquer la remarque 8.32(ii) et le corollaire 2.57.
Partie (ii) : Soit U ⊂ T une partie ouverte, et t ∈ U un point ; on pose Z := T \U .
Par hypothèse, il existe une fonction continue f : T → [0, 1] telle que f (t) = 1 et
f (Z) = 0 ; cela veut dire que t ∈ U ′ := φT−1 (D(f )) et U ′ ⊂ U , d’où l’assertion.
Partie (iii) : Joignant le corollaire 2.57 et la remarque 8.32(ii), l’on obtient
pour tout espace topologique T une rétraction continue rT : Spec C (T ) → β(T ) ;
on note aussi par jT : β(T ) → Spec C (T ) l’inclusion, et par f ∗ : C (S) → C (T )
l’homomorphisme de R-algèbres induit par f . Cela étant, on pose
β(f ) := rS ◦ (Spec f ∗ ) ◦ jT : β(T ) → β(S).
Donc, β(f ) est continue, et on voit aisément que β(f ) ◦ φT = φS ◦ f (détails laissés
aux soins du lecteur). Pour montrer l’unicité de l’application β(f ) faisant commuter
le diagramme (∗), il suffit de noter que – d’après (i) – l’image de φT est dense dans
β(T ), et β(S) est séparé, et d’invoquer l’exercice 1.13(iv).
Partie (iv) : Si g : S → S ′ est une deuxième application continue d’espaces
complètement réguliers, la propriété d’unicité de β(g ◦ f ) implique aisément que
cette dernière coïncide avec β(g) ◦ β(f ) ; aussi, on voit directement des définitions
que β(IdT ) = Idβ(T ) pour tout espace topologique T , d’où l’assertion.
Partie (v) : Rappelons que, grâce au théorème de Gelfand-Naimark, l’application
φT est un homéomorphisme si T est compact et séparé ; on peut alors reproduire,
mutatis mutandis, l’argument utilisé dans la solution de la partie (ii.d) du problème
2.55 : les détails seront laissés aux soins du lecteur.

Exercice 8.46, partie (i) : D’après la proposition 8.44, les facteurs irréductibles
de P sur K sont soit du premier degré, soit de la forme (X − u − iv)(X − u + iv) =
(X − u)2 + v 2 avec u, v ∈ K et i2 = −1. Une somme de carré étant toujours
positive dans K, il s’ensuit que P admet un facteur linéaire L(X) = X − c tel que
L(a)L(b) < 0 ; cela entraîne que a < c < b, et évidemment P (c) = 0.
Partie (ii) : On se ramène aisément au cas où a et b sont deux racines consecutives
de P , i.e. P (x) 6= 0 pour tout x ∈]a, b[. On a ainsi P = (X − a)m (X − b)n Q0 pour
des entiers m, n > 0 et un polynôme Q0 tel que Q0 (x) 6= 0 pour tout x ∈ [a, b] ;
d’après (i), cela entraîne que le signe de Q0 est constant sur [a, b]. Il vient P ′ =
(X −a)m−1 (X −b)n−1 Q1 , avec Q1 := m(X −b)Q0 +n(X −a)Q0 +(X −a)(X −b)Q′0 .
Donc Q1 (a) = m(a − b)Q0 (a) et Q1 (b) = n(b − a)Q0 (b) sont de signes opposés ;
d’après (i), le polynôme Q1 a donc une racine c ∈]a, b[, et évidemment P ′ (c) = 0.
Partie (iii) : On applique (ii) au polynôme P − λ(X − a) − P (a), avec λ :=
(P (b) − P (a))/(b − a).
Partie (iv) : Cela suit aussitôt de (iii).

Exercice 8.60 : Soient vA′ ∈ Spv A′ et vB ∈ Spv B avec vA := Spv(g)(vA′ ) =


Spv(f )(vB ), et notons par v A ∈ Spv k(vA ), v A′ ∈ Spv k(vA′ ) et v B ∈ Spv k(vB )
les respectives valuations résiduelles ; on cherche une valuation vB ′ de B ′ telle
que φ(vB ′ ) = (vA′ , vB ). Les homomorphismes f et g induisent des extensions
de corps k(vB ) ← k(vA ) → k(vA′ ), ainsi qu’un homomorphisme d’anneaux h :
B ′ → C := k(vA′ ) ⊗k(vA ) k(vB ) ; or, si vC ∈ Spv C est une valuation dont l’image
dans Spv k(vA′ ) ×Spv k(vA ) Spv k(vB ) est le couple (v A′ , v B ), on pourra prendre
vB ′ := Spv(h)(vC ). On est ainsi ramené au cas où A, B et A′ sont des corps ;
on notera par A+ , B + et A′+ les anneaux de valuation de vA , vB et vA′ , et on pose
402 ç Scorpion

B ′+ := A′+ ⊗A+ B + . Evidemment f et g se restreignent en des homomorphismes


injectifs B + ← A+ → A′+ , et en particulier A′+ et B + sont des A+ -modules sans
torsion, donc plat (exercice 8.24(ii)) ; il s’ensuit que l’homomorphisme naturel
B ′+ → A′ ⊗A+ B + → A′ ⊗A+ B ≃ B ′
est injectif. Rappelons maintenant que l’application naturelle
Spec B ′+ → Spec A′+ ×Spec A+ Spec B +
est surjective (exercice 4.32) ; donc il existe p ∈ Spec B ′+ dont les images dans
Spec A′+ et Spec B + sont les uniques respectifs idéaux maximaux mA′ et mB . La
localisation Bp′+ → Bp′ est encore injective, en particulier Bp′ 6= 0, et soit m ⊂ Bp′
un ideal maximal. L’image de Bp′+ dans le corps résiduel k(m) est un anneau local
(D, mD ), et d’après le théorème 8.17 il existe une valuation v de k(m) dont l’anneau
de valuation (V, mV ) contient D et tel que D ∩ mV = mD . Soit π : B ′ → k(m) la
projection ; montrons que vB ′ := Spv(π)(v) convient. En effet, par construction l’on
a vB ′ (x) ≥ 0 pour tout x ∈ Bp′+ et vB ′ (x) > 0 pour tout x ∈ pBp′+ ; il s’ensuit que
vB ′ ◦ f ′ (a) ≥ 0 pour tout a ∈ A′+ et vB ′ ◦ f ′ (a) > 0 pour tout a ∈ mA′ . Compte
tenu du lemme 8.12 il s’ensuit aisément que vB ′ ◦ f ′ est équivalente à vA′ ; de même
l’on voit que vB ′ ◦ g ′ est équivalente à vB .

Problème 8.61, partie (i) : Supposons d’abord que cΓv ⊂ ∆ ; soient a, b ∈ A, et


vérifions que v ∆ (a + b) ≥ min(v ∆ (a), v ∆ (b)). Cela est clair si v(a), v(b) ∈ ∆◦ , donc
on peut supposer que v(b) ∈ / ∆◦ , le cas écheant on aura v(b) > 0, car cΓv ⊂ ∆. Or,
si v(a) ∈ ∆◦ , on doit avoir v(b) > v(a), car ∆ est convexe, d’où v(a + b) = v(a)
(remarque 8.7(ii)), et l’inégalité souhaitée s’ensuit. En dernier lieu, si v(a), v(b) ∈ /
∆◦ , on a v(a), v(b) > 0, et quitte à échanger les rôles de a et b, on peut supposer
que v(a + b) ≥ v(a), le cas écheant on doit avoir v(a + b) ∈ / ∆, car ∆ est convexe ;
l’assertion suit aussitôt. Ensuite, vérifions que v ∆ (ab) = v ∆ (a) + v ∆ (b) ; à nouveau,
cela est clair si v(a), v(b) ∈ ∆◦ , donc supposons que v(b) ∈ / ∆◦ . Si v(a) ∈ ∆◦ , l’on
déduit aisément que v(ab) ∈ / ∆, et l’égalité souhaitée suit aussitôt. En dernier lieu,
si v(a), v(b) ∈
/ ∆◦ , on doit avoir +∞ > v(a), v(b) > 0, d’où v(ab) > v(a) > 0, et
donc v(ab) ∈ / ∆, car ∆ est convexe ; l’assertion suit encore aussitôt.
Réciproquement, si cΓv 6⊂ ∆, il existe a ∈ A avec v(a) < 0 et v(a) ∈ / ∆ ; soit b :=
1 − a. D’après la remarque 8.7(ii) il vient v(b) = v(a), d’où v ∆ (a) = v ∆ (b) = +∞,
mais v ∆ (a + b) = 1, donc v ∆ n’est pas une valuation.
 
Partie (ii) : Soient a, b ∈ A avec v ∆ ∈ RA ab ; il faut montrer que v ∈ RA ab .
Par hypothèse on a v ∆ (a) ≥ v ∆ (b) 6= +∞, d’où v(b) ∈ ∆. Or, si v(a) ∈ / ∆, il vient
v(a) > 0, car cΓv ⊂ ∆, et alors v(b) < v(a), car ∆ est convexe, d’où l’assertion. Si
v(a) ∈ ∆, on a v(a) = v ∆ (a), et de même pourv(b), d’où encore l’assertion. 
Partie (iii) : Soient a, b ∈ A avec v ∈ RA ab ; il faut montrer que v∆ ∈ RA ab .
Par hypothèse on a v(a) ≥ v(b) 6= +∞, d’où v∆ (b) 6= +∞ ; pour conclure, il suffit
de remarquer que π0 est un morphisme d’ensembles ordonnés : les détails seront
laissés aux soins du lecteur.
Partie (iv) : Il est clair que si w est une générisation secondaire de v, on a
Supp(v) = Supp(w). Pour la réciproque, au vu de la remarque 8.59(iv) on peut
supposer que A soit un corps. Dans ce cas, soient  V et W les anneaux de valuation
de v et w ; noter que V = {a ∈ A | v ∈ RA a1 }, et de même pour W . Comme w
est une générisation de v, il s’ensuit que V ⊂ W . D’autre part, rappelons que les
groupes des valeurs de v et w sont respectivement Γv := A× /V × et Γw := A× /W ×
(voir la preuve du lemme 8.12) ; ainsi, la projection A× → Γw se factorise à travers
la projection A× → Γv et un morphisme surjectif de groupes ordonnés π : Γv → Γw .
Soit ∆ := Ker π ; par inspection directe des définitions, l’on voit que w est la
générisation secondaire de v associée à ∆.
§ 8.5: Solutions 403

Partie (v) : Soit ∆ ⊂ Γv un sous-groupe contenant cΓv ; soient aussi a ∈ A et


b ∈ Supp(v ∆ ) tels que v(a) ≥ v(b). Il vient v(b) ∈ / ∆, et en particulier v(b) > 0,
car cΓv ⊂ ∆ ; on doit alors avoir v(a) ∈ / ∆, car ∆ est convexe. Donc a ∈ Supp(v ∆ ) ;
cela montre que Supp(v ∆ ) est v-convexe. Réciproquement, soit p ⊂ A un idéal
premier v-convexe. En particulier, on a v(x) 6= +∞ pour tout x ∈ A \ p, et l’on
dénote par ∆0 ⊂ Γv le sous-groupe engendré par v(A \ p). Montrons que γ < v(x)
pour tout γ ∈ ∆0 et tout x ∈ p. En effet, soient par l’absurde γ ∈ ∆0 et x ∈ p
tels que γ ≥ v(x) ; comme A \ p est une partie multiplicative de A, on trouve
a, b ∈ A \ p tels que γ = v(a) − v(b), et il vient v(a) ≥ v(bx) ; comme p est v-
convexe, l’on déduit a ∈ p, contradiction. Soit maintenant ∆ ⊂ Γv le plus petit sous-
groupe convexe contenant ∆0 (i.e. l’intersection de tous les sous-groupes convexes
de Γv contenant ∆0 ) ; on voit aisément que l’on a toujours γ < v(x) pour tout
γ ∈ ∆ et tout x ∈ p. De l’autre côté, par construction on a v(A \ p) ⊂ ∆, donc
p = {x ∈ A | v(x) > γ pour tout γ ∈ ∆}. De plus, si a ∈ A et v(a) ≤ 0 = v(1), on a
a ∈ A \ p, car p est v-convexe et 1 ∈ / p ; donc v(a) ∈ ∆, et cela montre que cΓv ⊂ ∆.
Pour conclure, il suffit de remarquer que Supp(v ∆ ) = p.
Partie (vi) : La valuation v se factorise à travers la projection A → A′ := A/p et
une valuation v ′ de A′ ; quitte à remplacer A et v par A′ et v ′ , on peut alors supposer
que A soit intègre et p = 0. Dans ce cas, soit q := Supp(v) ⊂ A ; d’après le théorème
8.17 il existe un anneau de valuation (V, mV ) de K := Frac A tel que Aq ⊂ V et
qAq = Aq ∩ mV . Noter que le corps résiduel k(v) = k(q) de la valuation v est un
sous-corps du corps résiduel k(mV ) de V . D’après l’exercice 8.20(ii), la valuation
résiduelle de v se prolonge alors en une valuation w de k(mV ). Soit W l’anneau de
valuation de w, et πV : V → k(mV ) la projection ; d’après l’exercice 8.14, le sous-
anneau W := πV−1 (W ) est l’anneau de valuation d’une valuation wK de K, et on
notera w sa restriction à A. Noter que mV = Ker(πV : W → W ) est un idéal premier
de W ; la bijection de la proposition 8.10(i) lui fait correspondre un sous-groupe
convexe ∆(mV ) de ΓwK tel que mV = {x ∈ W | γ < wK (x) pour tout γ ∈ ∆(mV )}.
En particulier, l’on voit que mV est un idéal wK -convexe de W , et donc q = A ∩ mV
est w-convexe. Soit ∆ ⊂ Γw le plus petit sous-groupe convexe contenant w(A \ q) ;
la preuve de (v) montre que cΓw ⊂ ∆, et Supp(w∆ ) = q. Pour conclure, il suffit de
vérifier que w∆ est équivalent à v. Notons d’abord que pour tout a, b ∈ A l’on a :
(∗) w(a) ≥ w(b) ⇔ a ∈ bW et v(a) ≥ v(b) ⇔ πV (a) ∈ πV (b)W .
Or, supposons que w (a) ≥ w (b), et montrons que v(a)
∆ ∆
 ≥ v(b). En effet, si
w∆ (b) 6= +∞, il vient w∆ ∈ RA ab , d’où w ∈ RA ab , donc w(a) ≥ w(b), et
finalement v(a) ≥ v(b), au vu de (∗). Si w∆ (b) = +∞, on a aussi w∆ (a) = +∞, et
alors v(a) = v(b) = +∞, car Supp(w∆ ) = Supp(v). Réciproquement, supposons que
v(a) ≥ v(b) ; si v(b) = +∞, l’on voit comme ci-dessus que w∆ (a) = w∆ (b) = +∞.
Soit donc v(b) 6= +∞, et supposons par l’absurde que w∆ (a) < w∆ (b) ; il vient
w∆ (a), w∆ (b) 6= +∞, donc a, b 6= 0 et w(a) < w(b). Soient mW l’idéal maximal
de W , et mW = πV (mW ) l’idéal maximal de W ; l’on obtient b ∈ a · mW , d’où
πV (b) ∈ πV (a) · mW , et finalement v(a) < v(b), contradiction. L’équivalence de w∆
et v suit maintenant de l’exercice 8.15.
Partie (vii) : Quitte à remplacer A par A/Supp(v), on peut supposer que A soit
intègre, et k(v) = K := Frac A, donc v est la restriction d’une valuation vK de K.
Soient K + ⊂ K l’anneau de valuation de vK , et ∆ ⊂ Γv un sous-groupe convexe tel
que w = v ∆ . Par la proposition 8.10, le sous-groupe ∆ correspond à l’unique idéal
−1
premier p := p(∆) de K + tel que vK (∆+ ) = K + \ p ; avec B := Kp+ il vient :
+
vK (B) = ∆ · Γv◦ ainsi que : cΓv ⊂ ∆ ⇔ A ⊂ B.
Soit vB : B → Γv◦ la restriction de vK ; par définition, le sous-groupe caractéristique
de vB est le plus petit sous-groupe convexe de Γv contenant ∆ · Γv+ \ Γv+ . Mais l’on
404 ç Scorpion

voit aisément que ce sous-groupe n’est rien d’autre que ∆, et donc la valuation vB

de B est bien définie, d’après (i), et elle prolonge la valuation w de A. L’on voit
aussi que Supp(vB∆
) = pB et l’anneau de valuation de vB∆
est K + /p, donc

k(w) ⊂ k(vB ) = k(p)
et k(w)+ := k(w) ∩ K +/p est l’anneau de valuation de la valuation résiduelle de
w. D’autre part, k(w′ ) = k(w), et l’anneau de valuation k(w′ )+ de la valuation
résiduelle de w′ est un sous-anneau de k(w)+ . Soient m, mw , mw′ respectivement les
idéaux maximaux de K + , k(w)+ , k(w′ )+ ; il vient k(w)+ ∩ m/p = mw ⊂ mw′ . En
particulier, mw est aussi un idéal de k(w′ )+ , et l’on déduit des homomorphismes
injectifs d’anneaux :
C := k(w′ )+ /mw → k(mw ) → k(m).
Or, C est un anneau de valuation de KC := Frac C (remarque 8.13(ii)), et d’après
l’exercice 8.20(ii) il existe un anneau de valuation C ′ de k(m) avec C = C ′ ∩ KC .
D’après l’exercice 8.14, la preimage V ′ de C ′ dans K + est l’anneau de valuation
d’une valuation vK ′
de K. Montrons que la restriction v ′ de vK

au sous-anneau A est
la valuation souhaitée. En effet, comme V ⊂ K , on sait que K + est une localisa-
′ +

tion de V ′ (remarque 8.13(i)), et l’on déduit que vK



est une spécialisation secondaire
de vK , donc v est une spécialisation secondaire de v. Ensuite, soit vB
′ ′
la restriction
de vK au sous-anneau B, qui est de même une spécialisation secondaire de vB ; noter

que p est aussi un idéal de V ′ , donc V ′ /p ⊂ K + /p est l’anneau de valuation d’une


spécialisation primaire de vB ′
. Mais par construction l’on a k(w′ )+ = k(w′ ) ∩ V ′ /p,
donc w est une spécialisation primaire de v ′ , comme souhaité.

Exercice 8.69 : Soit v, v ′ ∈ (Spv j)−1 (w), et notons q, q′ les supports de v et


respectivement v ′ ; évidemment p := A ∩ q = A ∩ q′ , donc il existe σ ∈ G tel que
Spec(σ|B )(q′ ) = q (exercice 6.31). Quitte à remplacer v ′ par Spv(σ|B )(v ′ ), l’on peut
ainsi supposer que q = q′ . Soient w, v et v ′ les valuations résiduelles de w sur k(p)
et de v, v ′ sur k(q). Par hypothèse les restrictions de v et v ′ au sous-corps k(p)
sont équivalentes à w, donc il existe τ ∈ Gal(k(q)/k(p)) tel que Spv(τ )(v ′ ) = v
(problème 8.23(ii)). D’après l’exercice 6.31(ii), il existe alors τ ′ ∈ Gal(E/K) avec
Spec(τ ′ )(q) = q et tel que l’action induite de τ ′ sur k(q) coïncide avec celle de τ .
Evidemment, l’on obtient Spv(τ ′ )(v ′ ) = v, d’où l’assertion.

Exercice 8.76 : Notons Q•1 := (M • ⊗A N • ) ⊗A P • et Q•2 := M • ⊗A (N • ⊗A P • ).


Par définition, on a
M M
Qn1 := (M i ⊗A N j ) ⊗A P k Qn2 := M i ⊗A (N j ⊗A P k ) ∀n ∈ Z.
i+j+k i+j+k

De plus, le différentiel de en degré n est l’unique application A-linéaire dn1 :


Q•1
n−1
Q1 → Q1 dont la restriction au facteur direct (M i ⊗A N j ) ⊗A P k est
n

(diM ⊗A N j ) ⊗A P k + (−1)i · (M i ⊗A djN ) ⊗A P k + (−1)i+j · (M i ⊗A N j ) ⊗A dkP .


De même, le différentiel de Q•2 en degré n est l’unique application A-linéaire dn2 :
Qn2 → Q2n−1 dont la restriction au facteur direct M i ⊗A (N j ⊗A P k ) est
diM ⊗A (N j ⊗A P k ) + (−1)i · M i ⊗A (djN ⊗A P k ) + (−1)i+j · M i ⊗A (N j ⊗A dkP ).

On conclut que l’isomorphisme souhaité de complexes de A-modules Q•1 → Q•2 est
donné, en tout degré n ∈ Z, par la somme directe des isomorphismes canoniques

(M i ⊗A N j ) ⊗A P k → M i ⊗A (N j ⊗A P k ).
§ 8.5: Solutions 405

Problème 8.80 : On construit par récurrence sur n ∈ N un complexe de A-


n+1,•
v ) et un morphisme de complexes dh
modules (P n,• , dn,• : P n+1,• → P n,• , comme
ε0 εk
suit. On choisit d’abord des résolutions projectives R0,• −−→
R
M et Rk,• −−→R
Im dkQ de
M et respectivement Im dkQ , pour chaque entier k > 0. Soit (Rk,• , dk,•
R
) le complexe
augmenté de (Rk,• , εkR ) pour tout k ∈ N. Si on applique la proposition 7.53 à la
suite exacte courte
εM
0 → Im d1Q → Q0 −− →M →0
ε0
l’on obtient une résolution P 0,• −−→
P
Q0 et une suite exacte courte de complexes
α0 β0
0 → R1,• −−→ P 0,• −−→ R0,• → 0
v ) est le complexe augmenté de (P
où (P 0,• , d0,• , εP ). De même, pour tout k > 0
0,• 0

on a la suite exacte courte


0 → Im dk+1
Q → Qk → Im dkQ → 0
εk
d’où une résolution P k,• −−→
P
Qk et une suite exacte courte de complexes
αk βk
0 → Rk+1,• −−→ P k,• −−→ Rk,• → 0
v ) est le complexe augmenté de (P
où (P k,• , dk,• , εP ). Cela posé, le morphisme
k,• k

β n+1 αn
de complexes dn+1,•
h souhaité est la composition P n+1,• −−−−→ Rn+1,• −−→ P n,• ,
pour tout n ∈ N. Evidemment dn+1,• h ◦ dn+2,•
h = 0 pour tout n ∈ N, donc la donnée
n,• n,• n+1,•
••
P := (P , dv , dh | n ∈ N) est un complexe double. De même, la donnée
n+1,•
P •• := (P n,• , dn,•
v , dh | n ∈ N) est le complexe double obtenu de P •• après
troncature de la ligne horizontale en degré −1, i.e. des termes de bidegrés (n, −1),
pour tout n ∈ N. Cette ligne horizontale contient le complexe Q• , donc on aboutit
à une suite exacte courte de complexes doubles :
(∗) 0 → Q• ⊠A A[1]• → P •• → P •• → 0.
Soit T • (resp. T • ) le complexe total de P •• (resp. de P •• ), et noter que le complexe
total de Q• ⊠A A[1]• est naturellement isomorphe au décalage Q• [1] du complexe
Q• ; il vient une suite exacte courte de complexes ordinaires
(∗∗) 0 → Q• [1] → T • → T • → 0.
De plus, par construction le complexe P k,• est exact pour tout k ∈ N, donc T • est
exact (proposition 8.77) ; la suite exacte longue d’homologie associée à (∗∗) nous
donne alors des isomorphismes naturels

∂ i : H i (T • ) → H i−1 (Q• [1]) = H i (Q• ) ∀i ∈ Z.
Autrement dit, T est exact en tout degré homologique > 0, et si l’on compose


la projection T 0 → H 0 (T • ) avec ∂ 0 : H 0 (T • ) → H 0 (Q• ) et ensuite avec l’isomor-

phisme H 0 (Q• ) → M induit par l’augmentation εM , l’on obtient une augmentation
ε′M : T 0 → M qui fait du couple (T • , ε′M ) une résolution projective de M , d’où
isomorphismes naturels de B-modules :

(†) Li F M → H i (F T • ) ∀i ∈ N.
De l’autre côté, considérons la suite exacte de complexes doubles :
(††) 0 → F (Q• ⊠A A[1]• ) → F P •• → F P •• → 0
obtenue en appliquant le foncteur F terme à terme dans (∗). Par inspection directe
on trouve un isomorphisme naturel

F (Q• ⊠A A[1]• ) → (F Q• ) ⊠B B[1]• .
406 ç Scorpion

De plus, pour tout k ∈ N l’on a par hypothèse H i (F P k,• ) ≃ Li F Qk = 0 si i > 0,



et F εkP : F P k,0 → F Qk induit un isomorphisme H 0 (F P k,• ) ≃ L0 F Qk → F Qk ,
car F est exact à droite (exercice 7.50(ii)) ; autrement dit, F P k,• est un complexe
exact, pour tout k ∈ N, et donc le complexe total F T • de F P •• est exact, toujours
d’après la proposition 8.77. Donc, (††) induit une suite exacte courte de complexes
0 → F Q• [1] → F T • → F T • → 0
et la suite exacte longue d’homologie associée à cette derniere donne des isomor-
phismes naturels de B-modules :

∂ i : H i (F T • ) → H i−1 (F Q• [1]) = H i (F Q• ) ∀i ∈ N
que l’on peut composer avec les isomorphismes (†) pour conclure.
Remarque 8.83. En raisonnant comme dans la remarque 8.79, on peut montrer que

l’isomorphisme Li F M → H i (F Q• ) qui fait l’objet du problème 8.80 est indépen-
dant des choix auxiliaires effectués lors de sa construction : les détails seront confiés
aux soins du lecteur méticuleux.
Exercice 8.81, partie (i) : On montre d’abord l’assertion sous la condition (a).
Soit donc n ∈ Z et x•• := (xp,q | p + q = n) ∈ TotΠ (P )n ; on doit exhiber y•• :=
(yp,q | p + q = n − 1) ∈ TotΠ (P )n−1 avec dn−1 (y•• ) = x•• , i.e.
(∗) dhk−1,n−k (yk−1,n−k ) + (−1)k · dvk,n−k−1 (yk,n−k−1 ) = xk,n−k ∀k ∈ Z.
On va construir les yk−1,n−k ∈ Pk−1,n−k par récurrence sur k, de telle façon que
(∗∗) zk := xk,n−k − dhk−1,n−k (yk−1,n−k ) ∈ Ker dvk,n−k .
On pose yk−1,n−k := 0 pour tout k ≤ 0. Evidemment (∗) est alors vérifiée pour
k < 0, et (∗∗) est vérifiée pour k ≤ 0. Ensuite, soit r ≥ 0 tel que yk−1,n−k ait déjà
été exhibé pour tout k ≤ r, de telle façon que (∗) est vérifiée pour tout k < r et
(∗∗) est vérifiée pour tout k ≤ r. En particulier, comme (Pr,• , dvr,• ) est exact, la
condition (∗∗) implique qu’il existe yr,n−r−1 ∈ Pr,n−r−1 tel que
zr = (−1)r · dvr,n−r−1 (yr,n−r−1 ).
Avec ce choix, la condition (∗) est maintenant vérifiée pour tout k ≤ r. Un calcul
direct que l’on laissera aux soins du lecteur montre de même que (∗∗) est vérifiée
pour k = r + 1. En dernier lieu, si P•• satisfait la condition (b) du problème, on
raisonne avec le flip de P•• pour se ramener au cas précédent, comme dans la preuve
de la proposition 8.77.
εM ε
Partie (ii) : Soit (P • , d•P ) −−→ M une résolution projective et N −−N → (I• , dI• ) une
résolution injective, et notons (P • , dP•
) et (I • , dI• ) les respectifs complexes augmen-
tés (définition 5.53 et remarque 5.57). Pour tout i ≥ −1 on considère le complexe
(Qi,• , dvi,• ) := HomA (P i , I • ).
Le différentiel diP : P i → P i−1 induit un morphisme de complexes

dhi−1,• := HomA (dP


i
, I • ) : Qi−1,• → Qi,•
et la donnée Q•• := (Qi,• , dhi,• , dvi,• | i ∈ Z) est évidemment un complexe double.
On dénote aussi par Q′•• (resp. Q′′•• ) le complexe double obtenu à partir de Q••
après troncature de la ligne horizontale (resp. verticale) en degré cohomologique
−1 ; donc, Q′p,q = 0 pour q < 0 et Q′′p,q = 0 pour p < 0. Soit de plus Q•• le
complexe double obtenu à partir de Q′•• , après troncature de la ligne verticale en
degré cohomologique −1 ; évidemment l’on peut obtenir ce complexe double aussi
§ 8.5: Solutions 407

à partir de Q′′•• , par troncature de la ligne horizontale en degré cohomologique −1.


Il vient des suites exactes courtes de complexes doubles
0 → Q•• → Q′•• → A[−1]• ⊠A HomA (M, I• ) → 0
(∗)
0 → Q•• → Q′′•• → HomA (P • , N ) ⊠A A[−1]• → 0.
Or, le complexe (Q′•,q , dh•,q ) = HomA (P • , Iq ) est exact pour tout q ∈ N, car P •
est exact et Iq est injectif ; donc T ′• := TotΠ (Q′•• ) est exact, d’après (i). De même,
le complexe (Q′′p,• , dvp,• ) = HomA (P p , I • ) est exact pour tout p ∈ N, car P p est
projectif et I • est exact, donc T ′′• := TotΠ (Q′′•• ) est exact, toujours d’après (i). De
l’autre côté, (∗) induit des suites exactes de complexes totaux :
0 → T• → T ′• → HomA (M, I• )[−1] → 0
(†)
0 → T• → T ′′• → HomA (P • , N )[−1] → 0
avec T• := TotΠ (Q•• ). Les suites exactes longues d’homologie associées à (†) nous
donnent ainsi des isomorphismes naturels
∼ ∼
ExtiA (M, N ) → Hi−1 (HomA (M, I• )[−1]) → Hi (T• )
∼ ∼ ∀i ∈ N
L HomA (M, N ) → Hi−1 (HomA (P • , N )[−1]) → Hi (T• )
i


d’où l’isomorphisme souhaité ExtiA (M, N ) → Li HomA (M, N ). En dernier lieu, en
raisonnant comme dans la preuve du théorème 8.78 et dans la remarque 8.79, l’on
voit aisément que cet isomorphisme est naturel en M et N , et il ne dépend pas des
choix auxiliaires : les détails sont laissés aux soins du lecteur.
9. Sagittaire è

Au paragraphe 7.4.1 on a vu comment des simples considérations analytiques


peuvent être utiles pour déterminer la dimension de la variété analytique com-
plexe correspondant à une C-algèbre de type fini, et pour calculer des invariants
algébriques associés à l’algèbre elle-même. Dans cette section on développera des
méthodes mélangeant algèbre et topologie, qui nous permettront d’étendre à des
anneaux de type plus général ce genre d’arguments. Essentiellement, il s’agit de
dégager de l’analyse complexe les aspects plus combinatoires, qui ne s’appuient que
sur la manipulation formelle des développements en séries de puissances, et qui
donc peuvent être reproduits sur l’anneau C[[T1 , . . . , Tn ]] de séries de puissances
à coefficients complexes. Mais la topologie, ainsi apparemment évacué, réapparaît
rapidement sous une autre guise : voici une simple illustration. Supposons que
f : C[T ] → A soit un homomorphisme de C-algèbres, et que, pour quelque raison,
on se demande si 1 + f (T ) soit inversible dans A ; or, on a l’identité
1 X
= (−1)n · T dans C[[T ]].
1+T
n∈N

Donc, si on savait prolonger f en un homomorphisme de C-algèbres fb : C[[T ]] → A,


on pourrait répondre à notre question par l’affirmatif. Mais l’existence du prolonge-
ment fb est essentiellement une question de convergence d’un certain type de séries
formelles dans A, et nous conduit naturellement à considérer des topologies sur A.

9.1. Anneaux et modules topologiques. Tout d’abord, un anneau topologique


est la donnée d’un anneau A et une topologie TA sur A telle que l’addition et la
multiplication de A soient des applications continues
A×A →A
où A × A est muni de la topologie du produit de l’espace topologique (A, TA )
avec lui même : voir l’exemple 3.2(iii). De même, un A-module topologique est la
donnée d’un A-module M et une topologie TM sur M telle que l’addition et la
multiplication scalaire de M soient des applications continues
M ×M →M A×M →M
où M × M et A × M sont munis des topologies du produit (M, TM ) × (M, TM )
et (A, TA ) × (M, TM ). Les corps R et C, munis des topologies standards, sont des
exemples d’anneaux topologiques (et tout R-espace topologique au sens usuel est
un R-module topologique), mais dans cette leçon on étudiera plutôt les topologies
dont il s’agit dans la définition ci-dessous.
§ 9.1: Anneaux et modules topologiques 409

Définition 9.1. Soient (A, TA ) un anneau topologique et (M, TM ) un A-module


topologique. On dit que la topologie TM de M est linéaire, s’il existe une famille
de sous-groupes additifs (Mλ | λ ∈ Λ) de M avec les propriétés suivantes :
— Mλ est une partie ouverte de M , pour tout λ ∈ Λ
— pour tout voisinage U de 0 dans M il existe λ ∈ Λ tel que Mλ ⊂ U .
Autrement dit, la famille (Mλ | λ ∈ Λ) est un système fondamental de voisinages
ouverts de 0 dans M . En particuliér, on dira que TA est linéaire, si la topologie du
A-module topologique (A, TA ) est linéaire.
Remarque 9.2. Soient A un anneau topologique, M un A-module topologique, et
(Uλ | λ ∈ Λ) un système fondamental de voisinages ouverts de 0 dans M .
(i) Noter que pour tout x ∈ M , l’application de translation M → M : y 7→ x + y
est un homéomorphisme ; il s’ensuit aisément que toute partie ouverte de M est
une réunion de parties de la forme x + Uλ . En particulier, la famille (Uλ | λ ∈ Λ)
détermine complètement la topologie de M .
(ii) De même, si N est un deuxième A-module topologique, et f : M → N une
application A-linéaire, alors f est continue si et seulement si elle est continue au
point 0 ∈ M , i.e. si et seulement si pour tout voisinage U de 0 ∈ N l’image inverse
f −1 U contient un voisinage de 0 ∈ M . En effet, la condition est évidemment néces-
saire ; réciproquement, si cette condition est vérifiée, et V est une partie ouverte de
N , alors pour tout x ∈ f −1 V la partie V − f (x) est un voisinage de 0 ∈ N , donc
f −1 (V − f (x)) contient un voisinage U de 0 ∈ M , et U + x ⊂ f −1 V est un voisinage
de x dans M , ce qui montre que f est continue.
Exercice 9.3. Soit A un anneau topologique, Λ 6= ∅ un ensemble, M un A-module,
M• := (Mλ | λ ∈ Λ) une famille de sous-groupes additifs de M .
(i) Supposons que M soit un A-module topologique et M• un système fonda-
mental de voisinages ouverts de 0 dans M . Montrer que :
(a) Pour tout λ, µ ∈ Λ il existe ν ∈ Λ tel que Mν ⊂ Mµ ∩ Mλ .
(b) Pour tout x ∈ M , tout a ∈ A et tout λ ∈ Λ, il existe un voisinage U de 0
dans A et µ ∈ Λ tels que (U + a) · (x + Mµ ) ⊂ ax + Mλ .
(ii) Réciproquement, supposons que la famille M• vérifie les conditions (a) et (b)
ci-dessus. Montrer qu’alors il existe une unique topologie TM sur M qui fait de ce
dernier un A-module topologique, et pour laquelle M• est un système fondamental
de voisinages ouverts de 0. On appelle TM la topologie définie par la famille M• .
(iii) En particulier, en déduire que si A est un anneau, une famille (Iλ | λ ∈ Λ)
de sous-groupes additifs de A est un système fondamental de voisinages de 0 pour
une topologie linéaire sur A si et seulement si elle vérifie les conditions suivantes :
(a) Pour tout λ, µ ∈ Λ il existe ν ∈ Λ tel que Iν ⊂ Iλ ∩ Iµ .
(b) Pour tout λ ∈ Λ et tout a, b ∈ A il existe µ ∈ Λ tel que
(a + Iµ ) · (b + Iµ ) ⊂ ab + Iλ .
Remarque 9.4. (i) Si (Iλ | λ ∈ Λ) est une famille d’idéaux de A, la condition (b) de
l’exercice 9.3(iii) est superflue, car elle est toujours vérifiée avec µ = λ.
(ii) De même, dans la situation de l’exercice 9.3(ii), si le système fondamental
M• est constitué de A-sous-modules de M , la condition (b) peut être remplacée par
la condition suivante.
(b)’ Pour tout x ∈ M et tout λ ∈ Λ, il existe un voisinage U de 0 dans A avec
U · x ⊂ Mλ .
En effet, évidemment (b)⇒(b)’ ; réciproquement, si (b)’ est vérifiée, la condition
(b) est vérifiée avec µ = λ.
410 è Sagittaire

Proposition 9.5. Soient A un anneau topologique, M un A-module topologique


dont la topologie est linéaire, et (Mλ | λ ∈ Λ) un système fondamental de sous-
groupes ouverts de M .
(i) Tout sous-groupe additif ouvert N de M est aussi une partie fermée, et tout
sous-groupe N ′ de M qui contient N est aussi ouvert.
(ii) Si N est un A-sous-module de M , la topologie TN induite sur N par M
est linéaire, et la famille (Mλ ∩ N | λ ∈ Λ) est un système fondamental de
sous-groupes ouverts de N , pour la topologie TN .
(iii) Si f : M → P est une application A-linéaire surjective, la topologie TP sur
P induite par M via f est linéaire, et (P, TP ) est un A-module topologique.
Plus précisément, la famille (f (Mλ ) | λ ∈ Λ) est un système fondamental de
sous-groupes ouverts de P .
Démonstration. (i) : En effet, le complémentaire
S S de N dans M est la partie ouverte
x∈M\N (x + N ). De même, on a N = x∈N ′ (x + N ), d’où la deuxième assertion.

(ii) : La dernière assertion est claire, et évidemment (N, TN ) est un A-module


topologique ; pour voir que TN est une topologie linéaire, il suffit de remarquer que
si λ ∈ Λ, x ∈ M , et y ∈ (x + Mλ ) ∩ N , on a (x + Mλ ) ∩ N = y + (Mλ ∩ N ).
(iii) : Par définition une partie U ⊂ P est ouverte si et seulement si f −1 U est
ouverte dans M , i.e. si et seulement si pour tout x ∈ f −1 U il existe λ ∈ Λ tel
que x + Mλ ⊂ f −1 U . Cela implique que pour tout y ∈ U il existe λ ∈ Λ tel que
y + f (Mλ ) ⊂ U . Réciproquement, si U est une partie de P qui vérifie cette dernière
condition, évidemment f −1 U est une partie ouverte de M . Cela montre que TP
est la topologie linéaire définie par le système (f (Mλ ) | λ ∈ Λ) ; suivant l’exercice
9.3(ii), pour montrer que (P, TP ) est un A-module topologique, il suffit de vérifier
que pour tout a ∈ A, tout y ∈ P et tout λ ∈ Λ il existe µ ∈ Λ et un voisinage U de
0 dans A tels que
(U + a) · (y + f (Mµ )) ⊂ ay + f (Mλ ).
Mais si x ∈ f −1 (y), on peut choisir U et µ tels que (U +a)·(x+Mµ ) ⊂ ax+Mλ . 
Exemple 9.6. Les topologies linéaires les plus importantes pour nous s’obtiennent
de la façon suivante. Soit A un anneau arbitraire, I ⊂ A un idéal. Par la remarque
9.4(i), il existe une topologie linéaire unique TA,I sur A telle que la famille d’idéaux
(I n | n ∈ N)
soit un système fondamental de voisinages ouverts de 0. On appelle TA,I la topologie
I-adique de A ; si I = Ax est un idéal principal, on l’appelle aussi topologie x-adique.
De même, soit M un A-module ; par la remarque 9.4(ii), il existe une unique
topologie linéaire I-adique TM,I sur M pour laquelle la famille de sous-modules
(I n M | n ∈ N)
est un système fondamental de voisinages ouverts de 0 dans M .
Remarque 9.7. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, M un A-module muni de sa
topologie I-adique TM,I , et N ⊂ M un sous-module.
(i) On déduit sur N deux topologies : d’un côté, la topologie I-adique TN,I ;
de l’autre côté, la topologie TN′ induite par TM,I via l’inclusion de N dans M . On
remarque que I n N ⊂ I n M ∩ N pour tout n ∈ N ; compte tenu de la proposition
9.5(ii), on déduit que la topologie TN,I est plus fine de TN′ .
(ii) L’inclusion opposée est fausse, en générale : la topologie TN,I est souvent
strictement plus fine de la topologie induite par la topologie I-adique de M . Par
exemple, prenons A := Z, muni de la topologie t-adique, pour un entier t 6= ±1 ; on
considère le Z-module Q et son Z-sous-module Z : évidemment la topologie t-adique
§ 9.2: Technique de complétion 411

de Q est triviale, i.e. TQ,tZ = {∅, Q}, et induit la topologie triviale sur Z, qui est
strictement moins fine de la topologie t-adique de ce dernier.
Toutefois, on verra plus tard que si A est noethérien et M est de type fini, on a
l’égalité TN′ = TN,I pour tout sous-module N de M .
(iii) De l’autre côté, si f : M → P est un homomorphisme surjectif de A-
modules, la proposition 9.5(iii) implique que la topologie induite sur P par TM,I
coïncide avec la topologie I-adique de P .
Exercice 9.8. Soit A un anneau topologique, M un A-module topologique dont
la topologie TM est linéaire, et (Mλ | λ ∈ Λ) une famille de sous-groupes de M qui
est un système fondamental de voisinages ouverts de 0 ; on pose
\
N := Mλ .
λ∈Λ
Montrer que la topologie TM est séparée si et seulement si N = 0.
Par exemple, dans la situation de l’exemple 9.6, notons
\
I ∞ M := I n M.
n∈N
Alors, la topologie I-adique de M est séparée si et seulement si I ∞ M = 0.
Exemple 9.9. (i) Soit A un anneau ; la topologie T -adique de A[T ] est séparée.
(ii) Pour tout entier t 6= ±1, la topologie t-adique de Z est séparée.
(iii) Si A est un anneau local artinien, d’idéal maximal m, on sait qu’il existe
k ∈ N tel que mk = 0, donc la topologie m-adique de A est séparée.
Exercice 9.10. Soit A := C ([0, 1]), t ∈ [0, 1], et mt ⊂ A, l’idéal maximal des
fonctions continues qui s’annulent au point t. Montrer que m2t = mt , et en déduire
que la topologie mt -adique de A n’est pas séparée.
9.2. Technique de complétion. On va maintenant développer les rudiments de
l’analyse sur les modules topologiques :
Définition 9.11. Soit A un anneau topologique, M un A-module topologique, et
(xn | n ∈ N) une suite d’éléments de M .
— On dit que (xn | n ∈ N) converge vers l’élément y ∈ M si, pour tout voisinage
M ′ de 0 dans M , il existe n ∈ N tel que
y − xk ∈ M ′ ∀k ≥ n.
Dans ce cas, on dit que y est une limite de la suite (xn | n ∈ N).
— On dit que (xn | n ∈ N) est une suite de Cauchy si, pour tout voisinage M ′
de 0 dans M il existe n ∈ N tel que
xi − xj ∈ M ′ ∀i, j ≥ n.
— On dit que M est un A-module topologique complet, si toute suite de Cauchy
de M est convergente dans M .
Remarque 9.12. (i) Dans la situation de la définition 9.11, supposons que la topo-
logie de M soit séparée ; alors la suite x• := (xn | n ∈ N) admet au plus une limite
y ∈ M . En effet, soient y, y ′ ∈ M ′ deux limites de x• , et M ′ ⊂ M un voisinage de
0 ; notons que l’application
M ×M →M (z, z ′ ) 7→ z − z ′
est continue, donc il existe un voisinage M ′′ de 0 dans M tel que z − z ′ ∈ M ′ pour
tout z, z ′ ∈ M ′′ . De l’autre côté, par hypothèse il existe n ∈ N tel que y−xn , y ′ −xn ∈
M ′′ , d’où y − y ′ ∈ M ′ . Comme M ′ est arbitraire, on déduit que y − y ′ = 0.
(ii) On voit aisément que toute suite convergente de M est de Cauchy. La
réciproque est souvent fausse. En effet, reprenons les anneaux de l’exemple 9.9 :
412 è Sagittaire

Pn
— Dans A[T ] on a la suite de Cauchy (xn | n ∈ N) avec xn := i=0 T i pour
tout n ∈ N. Cette suite ne converge pas dans A[T ], car si P (T ) ∈ A[T ] est
un polynôme de degré d, on a xn − P (T ) ∈ / T d+2 A[T ], pour tout n ≥ d + 1.
— Dans Z, muni de Pla topologie t-adique, avec t 6= ±1, la suite analogue (an | n ∈
N) avec an := ni=0 ti est de Cauchy, mais ne converge pas, comme on voit
par un raisonnement analogue à celui ci-dessus.
— D’autre part, si A est un anneau artinien d’idéal maximal m, la topologie m-
adique de A est trivialement complète, car on sait que mk = 0 pour quelque
k ∈ N, et donc toute suite de Cauchy (an | n ∈ N) est stationnaire, i.e. il
existe n ∈ N tel que ai = aj pour tout i, j ≥ n.
(iii) Soit f : M → N un homomorphisme continu de A-modules topologiques,
et x• := (xn | n ∈ N) une suite de Cauchy de M . On voit aisément que f (x• ) :=
(f (xn ) | n ∈ N) est une suite de Cauchy de N , et si x• converge vers y ∈ M , la suite
f (x• ) converge vers f (y).

Exercice 9.13. Si une suite de Cauchy x• de M ne converge pas, on peut essayer


d’inclure M dans un A-module topologique M ′ contenant une limite de x• ; e.g. :
(i) Soit x• la suite de Cauchy de A[T ] considérée dans la remarque 9.12(ii) ; on
pose B := A[T, 1/(1 − T )], et on munit B de la topologie T -adique. Montrer que :
— La topologie de B est séparée et induit la topologie T -adique sur A, via
l’inclusion A ⊂ B.
— La suite x• converge dans B vers 1/(1 − T ).
(ii) De même, montrer que la suite a• de Z considérée dans la remarque 9.12(ii)
converge dans l’anneau topologique séparé Z[1/(1 − t)], muni de la topologie t-
adique, et l’inclusion Z ⊂ Z[1/(1 − t)] induit sur Z la topologie t-adique.

Problème 9.14. (i) Trouver un anneau topologique A dont la topologie est li-
néaire, séparée et non discrète, et tel que toute suite de Cauchy de A est stationnaire.
(Difficile !)
(ii) Soit A comme dans (i) ci-dessus, et (Iλ | λ ∈ Λ) un système fondamental de
sous-groupes ouverts de A. Montrer que la cardinalité de Λ est > ℵ0 .

Le problème 9.14 montre que les topologies linéaires qui ne peuvent pas être défi-
nies par une famille dénombrable de sous-groupes sont, en général, assez exotiques,
et peuvent exhiber des propriétés contre-intuitives. En effet, pour l’étude de ces
topologies les suites de Cauchy ne suffisent pas, et doivent être remplacées par une
notion plus générale de filtre de Cauchy. D’autre part, dorénavant on s’interessera
surtout aux topologies de type adique comme dans l’exemple 9.6, ou aux topologies
qui se déduisent d’une topologie adique (voir e.g. la remarque 9.7). Donc, toute
topologie linéaire rencontrée désormais sera définie par une famille dénombrable de
sous-groupes, et donc sera généralement indexée par l’ensemble N. Ainsi, soit M
un A-module topologique dont la topologie est linéaire, définie par une famille de
sous-groupes (Mn | n ∈ N) ; comme expliqué dans la solution du problème 9.14, on
peut même supposer que M• soit une suite descendante :

Mn+1 ⊂ Mn ∀n ∈ N.

La prochaine étape est la construction de la complétion de M , empruntée à l’analyse


classique, et formalisée dans le théorème suivant :

Théorème 9.15. Soit A un anneau topologique, M un A-module topologique dont


la topologie est linéaire et définie par une suite descendante (Mn | n ∈ N) de sous-
groupes. Alors, il existe un couple
c, jM )
(M
§ 9.2: Technique de complétion 413

constitué d’un A-module topologique M c complet et séparé pour une topologie li-
néaire, et un homomorphisme continu jM : M → M c de A-modules, appelé ap-
plication de complétion, caracterisés à isomorphisme unique près par la propriété
suivante :
— Tout homomorphisme continu f : M → P de A-modules topologiques avec P
complet et séparé pour une topologie linéaire se factorise à travers jM :
f
M /P
⑦?
jM

 ⑦ ⑦ fb
c
M
pour une unique application A-linéaire et continue fb.
Démonstration. Soit CM l’ensemble des suites de Cauchy de M . Si x• , y• ∈ CM et
a ∈ 1, on voit aisément que les suites
x• + y• := (xn + yn | n ∈ N ) et a · x• := (axn | n ∈ N)
sont aussi de Cauchy (en effet, pour x• + y• l’assertion est immediate, et pour
a · x• , elle se déduit de la remarque 9.12(iii), appliqué avec f : M → M égal à la
multiplication scalaire par a, qui est un endomorphisme continu de M ) ; on munit
ainsi CM d’une structure naturelle de A-module. Soit aussi NM ⊂ CM la partie des
suites qui convergent vers 0 ; on voit aisément que NM est un A-sous-module de
M , et on pose
c := CM /NM .
M
On a une application naturelle jM : M → M c qui associe à tout x ∈ M la suite
constante (x, x, ...). Pour tout n ∈ N on note
cn ⊂ M
M c
le sous-groupe des classes des suites de Cauchy x• telles que xk ∈ Mn pour tout
k ∈ N, et on vérifie d’abord qu’il existe sur le A-module M c une (unique) topologie
linéaire TM c
c telle que (Mn | n ∈ N) soit un système fondamental de voisinages
ouverts de 0. Grâce à l’exercice 9.3(ii), cela revient à montrer que pour tout a ∈ A,
toute suite de Cauchy x• de M et tout n ∈ N il existe k ∈ N et un voisinage U de
0 dans A tels que
(U + a) · (x• + Mck ) ⊂ a · x• + M
cn .
Or, soit k ∈ N tels que a·Mk ⊂ Mn ; quitte à remplacer x• par une suite équivalente,
on peut supposer que xi ∈ x0 + Mk pour tout i ∈ N. On peut alors choisir pour
U ⊂ A un voisinage de 0 tel que U · (x0 + Mk ) ∈ Mn .
• Vérifions que TM c est séparée : en effet, soit x• une suite de Cauchy dont la
c est dans T
classe x̄• ∈ M c
n∈N Mn ; il suffit de montrer que x̄• = 0. L’hypothèse veut
(k) (k)
dire que pour tout k ∈ N il existe une suite de Cauchy x• telle que x• − x• ∈ NM
(k)
et xn ∈ Mk pour tout n ∈ N. D’où, pour tout k ∈ N il existe n ∈ N avec
(k)
xi − xi ∈ Mk pour tout i ≥ n, et finalement, xi ∈ Mk pour i ≥ n ; il s’ensuit que
x• ∈ NM , d’où l’assertion.
(n)
• Ensuite, vérifions que TM c est complète : en effet, soit (x̄• | n ∈ N) une suite
de Cauchy de M c, et pour tout n ∈ N choissisons une suite de Cauchy x(n)
• dans la
(n) (n)
classe x̄• ; quitte à remplacer chaque x• par une sous-suite équivalente, on peut
(n) (n)
supposer que xk+1 − xk ∈ Mk pour tout n, k ∈ N. De même, on peut supposer
(n+1) (n) cn pour tout n ∈ N, i.e. qu’il existe une suite de Cauchy y•(n)
que x̄• − x̄• ∈ M
(n) (n+1) (n) (n)
de M telle que yk ∈ Mn pour tout k ∈ N, et x• − x• − y• ∈ NM . Il s’ensuit
414 è Sagittaire

(n+1) (n) (n)


que pour tout n ∈ N il existe i(n) ∈ N tel que xk − xk − yk ∈ Mn pour
(n+1) (n)
tout k ≥ i(n), donc xk − xk ∈ Mn pour k ≥ i(n), et on peut supposer que
i(n + 1) > n, i(n) pour tout n ∈ N. On considère maintenant la suite z• telle que
(n)
zn := xi(n) pour tout n ∈ N. On a
(n+1) (n) (n) (n)
zn+1 − zn = xi(n+1) − xi(n+1) + xi(n+1) − xi(n) ∈ Mn
ce qui montre que z• ∈ CM . De plus, pour tout n, k ∈ N avec k ≥ n on a
k−1
X
(n) (n) (n)
zk − xk = xi(n) − xk + (zj+1 − zj ) ∈ Mn
j=n
(n) c est dans M cn pour tout n ∈ N, et donc la suite
i.e. la classe de z• − x• dans M
(n)
(x̄• | n ∈ N) converge vers la classe de la suite z• , d’où l’assertion.
• Dernièrement, soit f : M → P une application A-linéaire continue vers un
A-module P complet et séparé pour une topologie linéaire ; grâce à la remarque
9.12(iii) on peut prolonger f en l’application
g : CM → P x• 7→ lim f (xn ).
n→+∞

On voit aisément que g se factorise à travers une application fb : Mc → P . Vérifions


b
que f est continue ; pour cela, on considère un sous-module ouvert N ⊂ P , et il
suffit de montrer que fb−1 N est un voisinage de 0 dans M c (voir la remarque 9.2(ii)).
Mais il existe n ∈ N tel que Mn ⊂ f N , et par construction, il s’ensuit que fb(M
−1 cn )
est contenu dans l’adhérence de N dans P ; d’autre part, N est une partie fermée
de P , par la proposition 9.5(i), donc fb(M
cn ) ⊂ N , d’où l’assertion.
• Il reste à montrer l’unicité du prolongement fb, et pour cela il suffit d’observer
que l’image de l’application jM est une partie dense de M c : les détails seront
laissés aux soins du lecteur. Pour conclure, on voit comme d’habitude que le couple
c, jM ) est caractérisé à isomorphisme unique près par sa propriété universelle (cp.
(M
la preuve de la proposition 2.22). 
Remarque 9.16. (i) Avec la notation du théorème 9.15, par inspection de la preuve
on voit aisément que la topologie de M coïncide avec la topologie induite par celle
c via l’application jM : plus précisément
de M
−1 c
jM (Mn ) = Mn ∀n ∈ N.
En effet, si x ∈ M et jM (x) ∈ M cn , la suite de Cauchy constante x• avec xk := x
pour tout k ∈ N est équivalente à une suite y• avec yk ∈ Mn pour tout k ∈ N,
donc il existe k ∈ N tel que x − yk ∈ Mn , d’où x ∈ Mn . Remarquons aussi que la
topologie de Mc est définie par la famille dénombrable de sous-groupes (M
cn | n ∈ N).
(ii) Plus généralement, soit N ⊂ M un sous-groupe ouvert arbitraire, et notons
par N b ⊂Mc le sous-groupe des classes des suites de Cauchy x• telles que xk ∈ N
pour tout k ∈ N ; alors on a
−1 b
jM (N ) = N
(par exemple, car on peut toujours supposer que N = M0 , quitte à remplacer la
suite (Mn | n ∈ N) par une autre suite qui définit la même topologie sur M ). Si N
−1 b
n’est pas ouvert, on a évidemment N ⊂ jM (N ), mais l’inclusion peut être stricte :
par exemple, le noyau de jM n’est pas le sous-groupe trivial 0 ⊂ M , si la topologie
de M n’est pas séparée.
Exercice 9.17. Soient M1 , M2 deux A-modules topologiques dont les topologies
sont linéaires et définies par des suites dénombrables de sous-groupes ; on pose
§ 9.2: Technique de complétion 415

M := M1 ⊕ M2 et on munit M de la topologie TM produit des topologies de M1


et M2 (voir l’exemple 3.2(iii)).
(i) Montrer que TM est linéaire, définie par une suite dénombrable de sous-groupes.
(ii) Soient Mc la complétion de M pour la topologie TM , et M ci la complétion
de Mi pour i = 1, 2. Montrer qu’il existe un unique isomorphisme de A-modules
topologiques
c→ ∼ c c2
ψ:M M1 ⊕ M tel que ψ ◦ jM = jM1 ⊕ jM2 .
Exercice 9.18. (i) Soit T un espace topologique, Z ⊂ T une partie dense, U et V
deux parties qui sont à la fois ouvertes et fermées dans T , et telles que U ∩Z = V ∩Z.
Montrer que U = V .
(ii) Soient A, M et (M c, jM ) comme dans le théorème 9.15, et N, N ′ deux sous-
groupes additifs ouverts de M c tels que j −1 N = j −1 N ′ . Déduire de (i) que N = N ′ .
M M

Corollaire 9.19. Soient M et N deux A-modules topologiques dont les topologies


sont linéaires et définies par des suites dénombrables de sous-groupes. Soit aussi
φ:M ×N →P
une application A-bilinéaire continue, avec P complet et séparé pour une topologie
linéaire. Alors, φ se factorise à travers jM × jN :
φ
M ×N /P
①<

jM ×jN ①
 ① b
φ
c
M ×Nb
b
pour une unique application A-bilinéaire et continue φ.
Démonstration. Soient x• et y• des suites de Cauchy respectivement dans M et N ,
c et N
et notons x et y leur classes dans M b ; on va d’abord montrer que (φ(xn , yn ) | n ∈
N) est une suite de Cauchy dans P . En effet, on sait que pour tout voisinage V de 0
dans P il existe des sous-groupes ouverts U1 ⊂ M , U2 ⊂ N tels que φ(U1 ×U2 ) ⊂ V ;
d’autre part, il existe i ∈ N tel que xp − xq ∈ U1 , yp − yq ∈ U2 pour tout p, q ≥ i.
Il s’ensuit que
(1) (2)
vp,q := φ(xp − xq , yp − yi ), vp,q := φ(xq − xi , yp − yq ) ∈ V ∀p, q ≥ i.
Aussi, par la continuité de φ il existe j ∈ N tel que
(3) (4)
vp,q := φ(xp − xq , yi ), vp,q := φ(xi , yp − yq ) ∈ V ∀p, q ≥ j.
Donc, si on pose r := max(i, j), on déduit
(1) (2) (3) (4)
φ(xp , yp ) − φ(xq , yq ) = vp,q + vp,q + vp,q , +vp,q ∈V ∀p, q ≥ r
d’où l’assertion. Soient CM et CN comme dans la preuve du théorème 9.15 ; on peut
donc définir l’application
Cφ : CM × CN → P (x• , y• ) 7→ lim φ(xn , yn ).
n→+∞

D’autre part, tout x• ∈ CM induit une application continue


φx• : N → P y 7→ lim φ(xn , y)
n→+∞

qui se factorise à travers une application A-linéaire continue unique φbx• : N


b → P,
grâce au théorème 9.15, et on va montrer que
Cφ (x• , y• ) = φbx (y). •

En effet, l’identité
(1) (3)
φ(xp , yp ) − φ(xq , yp ) = vp,q + vp,q
416 è Sagittaire

implique que Cφ (x• , y• ) − φx• (yp ) ∈ V pour tout p ≥ r ; mais on a


φbx• (y) = lim φx• (yq )
q→+∞

d’où l’assertion. Cela montre que Cφ (x• , y• ) ne dépend que de la classe y ; si on


échange les rôles de M et N on obtient de même une application A-linéaire conti-
nue φby• : Mc → P telle que Cφ (x• , y• ) = φby• (x), et on déduit que Cφ (x• , y• ) ne
dépend que de la classe x. Finalement, on a ainsi l’application A-bilinéaire souhaitée
φb : M
c× N b → P . Il reste à vérifier la continuité de φb ; pour cela, soient (Mn | n ∈ N)
et (Nn | n ∈ N) des systèmes fondamentaux de sous-groupes ouverts de M et res-
pectivement N ; on en déduit des systèmes fondamentaux de sous-groupes ouverts
(Mcn | n ∈ N) et (N
bn | n ∈ N) pour M c et N b comme dans la preuve du théorème 9.15,
et on sait que pour tout voisinage V de 0 dans P il existe n ∈ N tel que
bn ), φby• (M
φ(Mn , Nn ), φbx• (N cn ) ⊂ V.
b
Il vient que φ((x+ cn )×(y+ N
M b y) ⊂ φbx (N
bn ))− φ(x, bn )+ φby• (M bM
cn )+φ( cn × N
bn ) ⊂ V ,

b
d’où l’assertion. Dernièrement, la continuité de φ implique son unicité, car l’image
de jM × jN est dense dans M c×N b. 
Supposons maintenant que la topologie de l’anneau A soit linéaire, définie par
une suite descendante de sous-groupes additifs (In | n ∈ N) ; on peut alors appliquer
le corollaire 9.19 à M = N := A et avec pour φ : A × A → A la multiplication
de l’anneau A. En résulte une opération A-bilinéaire A b×A b → A b qui munit A b
d’une structure naturelle d’anneau topologique, telle que l’application de complétion
jA : A → A b soit un homomorphisme continu d’anneaux.
De plus, si M est un A-module topologique vérifiant les conditions du théorème
9.15, on peut appliquer le corollaire 9.19 à la multiplication scalaire A × M → M ,
et on obtient une opération A b×M c→ M c qui définit une structure naturelle de
b c
A-module topologique sur M : les détails seront laissés au lecteur.
Remarque 9.20. Si M et N sont deux A-modules topologiques, dont les topologies
vérifient les conditions du théorème 9.15, la propriété universelle de la complétion
implique que toute application A-linéaire continue f : M → N induit une applica-
b
tion A-linéaire continue unique
fb : M
c→N b telle que fb ◦ jM = jN ◦ f.
Explicitement, fb envoit la classe d’une suite de Cauchy (mn | n ∈ N) dans la classe
de la suite (f (mn ) | n ∈ N). De même, si A et B sont deux anneaux topologiques
dont les topologies sont définies par des suites descendantes dénombrables de sous-
groupes, tout homomorphisme continu d’anneaux φ : A → B induit un homomor-
phisme continu d’anneaux complets
φb : A
b → B.
b

Exemple 9.21. (i) Soit A un anneau, n > 0 un entier, et munissons B :=


A[T1 , . . . , Tn ] de la topologie I-adique, où I ⊂ B est l’idéal engendré par T1 , . . . , Tn .
La complétion de B est (naturellement isomorphe à) l’anneau A[[T1 , . . . , Tn ]] des
séries formelles de puissances à coefficients dans A (exercice !).
(ii) Soit t > 1 un entier, on munit Z de la topologie t-adique, et soit Z b la com-
plétion t-adique de Z. On peut représenter Z b comme l’anneau des séries formelles
X
a n tn avec an ∈ Z ∀n ∈ N.
n∈N
En effet, les sommes partielles de toute série de ce type donne une suite de Cauchy
Pk
( n=0 an tn | k ∈ N), et on voit aisément que toute suite de Cauchy est équivalente
§ 9.3: complétion et limites inverses 417

à une Psuite de ce type.


P Avec cette notation, l’addition et la multiplication de deux
séries n∈N an tn , n∈N bn tn sont définies Pcomme dans l’anneau A[[T1 , . . . , Tn ]] ci-
dessus : pour la somme on prend la série n∈N (an + bn )tn , et le produit est la série
P Pn
n∈N cn t avec cn := i=0 ai bn−i pour tout n ∈ N.
n

Exercice 9.22. (i) Soient A, M et jM : M → M c comme dans le théorème 9.15, et


soit N ⊂ M un sous-module, que l’on munit de la topologie induite par l’inclusion
i : N → M . Montrer que l’application A-linéaire bı : Nb →M c induite par i comme
dans la remarque 9.20, est injective. De plus, la topologie de N b coïncide avec la
topologie induite par Mc via l’application bı.
(ii) Soit A un anneau topologique dont la topologie est linéaire, définie par une
famille dénombrable de sous-groupes additifs. Soit aussi B ⊂ A un sous-anneau
b s’identifie
ouvert, que l’on munit de la topologie induite par A. Déduire de (i) que B
b
naturellement à un sous-anneau de A. Montrer aussi que B est intégralement clos
dans A si et seulement si Bb est intégralement clos dans A.
b
9.3. Complétion et limites inverses. Soit A un anneau topologique, M un A-
module topologique, dont la topologie est linéaire et définie par une suite descen-
dante de A-sous-modules (Mn | n ∈ N). Il s’ensuit que la topologie de M induit
via les projections πn : M → M/Mn la topologie discrète sur les quotients M/Mn ,
car évidemment πn−1 (x̄) est une partie ouverte de M , pour tout x̄ ∈ M/Mn (voir
l’exemple 1.9(iii)). De plus, pour tout m ≥ n, la projection πm se factorise à travers
une application évidente πn,m : M/Mm → M/Mn , et la famille (M/M• , π•• ) est un
système projectif du type considéré à l’exercice 3.55 ; aussi, le système d’applications
(πn | n ∈ N) induit une application naturelle
iM : M → L := lim
←−
M/Mn .
n∈Nop
Munissons L de la topologie la moins fine TL telle que chaque application canonique
pn : L → M/Mn soit continue. Explicitement, une partie de L est ouverte pour la
topologie TL si et seulement s’il est la réunion de parties de la forme p−1
n (x̄), où
x̄ ∈ M/Mn est un élément arbitraire. En effet, évidemment une réunion de parties
de cette forme est encore de cette forme ; et on remarque que si m ≥ n on a
p−1 −1 −1 −1
m (ȳ) ∩ pn (x̄) = pm ({ȳ} ∩ πn,m (x̄)) ∀x̄ ∈ M/Mn , ȳ ∈ M/Mm
donc l’intersection de deux parties du type ci-dessus est encore du même type.
Autrement dit, TL est la topologie linéaire définie par le système (Ker pn | n ∈ N) ;
compte tenu de la remarque 9.4(ii), on déduit aisément que (L, TL ) est un A-module
topologique : les détails seront laissés au lecteur.
c la complétion de M , et jM : M → M
Soit aussi M c l’application de complétion ;
c
par la remarque 9.16(i), la topologie de M est celle définie par le système des sous-
modules M cn , qui sont aussi les complétions des Mn pour les topologies induites par
l’inclusion dans M . Cela posé, on a :
Proposition 9.23. Dans la situation ci-dessus, il existe un isomorphisme unique
de A-modules topologiques
c→ ∼
ω:M lim
←−
M/Mn tel que ω ◦ jM = iM .
n∈Nop

Démonstration. Toute topologie discrète est trivialement séparée et complète, ainsi


pour tout n ∈ N il existe une unique application A-linéaire continue
c → M/Mn
ωn : M telle que ωn ◦ jM = πn ∀n ∈ N.
cn . De l’unicité de ωn on
Noter que le noyau de ωn est précisément le sous-module M
déduit que πn,m ◦ ωm = ωn pour tout m ≥ n, et donc le système (ωn | n ∈ N) définit
418 è Sagittaire

un morphisme de systèmes projectifs, qui se factorise de façon unique à travers une


c → L comme souhaitée. La condition
application A-linéaire ω : M
pn ◦ ω = ω n ∀n ∈ N
implique aisément que ω est continue. Pour montrer que ω est bijective, on construit
explicitement une application inverse λ : L → M c comme suit. Rappelons qu’un
élément de L est un système x̄• := (x̄n | n ∈ N) avec x̄n ∈ M/Mn pour tout n ∈ N,
tel que πn,m (x̄m ) = x̄n pour tout m ≥ n ; pour tout x̄• ∈ L et tout n ∈ N on choisit
un représentant arbitraire xn ∈ M de la classe x̄n et on remarque que la suite
x• := (xn | n ∈ N) est de Cauchy dans M . On définit alors λ(x̄• ) comme la classe de
x• dans M c. On vérifie aussitôt que λ(x̄• ) ne depend pas du choix des représentants
xn , et donc λ est une application A-linéaire bien définie sur L, telle que ω ◦ λ = IdL .
Ensuite, soit x• une suite de Cauchy de M , et x ∈ Mc la classe de x• ; on veut montrer
que λ◦ω(x) = x, et quitte à remplacer x• par une suite équivalente, on peut supposer
que xn+1 − xn ∈ Mn pour tout n ∈ N. Ceci étant, notons x̄n ∈ M/Mn la classe de
xn pour tout n ∈ N ; il s’ensuit que le système x̄• := (x̄n | n ∈ N) est un élément
de L, et une inspection directe des définitions montre que ω(x) = x̄• et λ(x̄• ) est
évidemment représenté par x• , d’où l’assertion. Dernièrement, pour montrer que ω
est un homéomorphisme il suffit d’établir la continuité de λ, et suivant la remarque
9.2(ii), on est ramené à montrer que λ−1 (Mcn ) est un sous-module ouvert de L, pour
−1 c c
tout n ∈ N. Mais λ (Mn ) = ω(Mn ) = Ker pn , d’où l’assertion. 

Corollaire 9.24. Soit M un A-module topologique dont la topologie est définie par
une famille dénombrable de sous-modules. Soit aussi
i p
0 → M′ − → M ′′ → 0
→M −
une suite exacte courte de A-modules, et on munit M ′ et M ′′ des topologies induites
respectivement par i et par p. Alors la suite induite d’homomorphismes continus de
A-modules complets
c′ −ı c p
b b
c′′ → 0
(∗) 0→M →M −
→M
c′ et M
est exacte courte, et les topologies de M c′′ coïncident avec les topologies in-
c
duites par M via bı et respectivement pb.
Démonstration. Soit (Mn | n ∈ N) une suite descendante de A-sous-modules qui
définie la topologie de M ; par la proposition 9.23 on a un isomorphisme naturel ω
c avec la limite L inverse du système (M/Mn | n ∈ N). Comme les familles
de M
(Mn′ := M ′ ∩ i−1 (Mn ) | n ∈ N) et (Mn′′ := p(Mn ) | n ∈ N)
définissent les topologies de M ′ et M ′′ (voir la proposition 9.5), on a de même des
isomorphismes ω ′ de M c′ avec la limite inverse L′ du système (M ′ /Mn′ | n ∈ N) et
c′′ avec la limite inverse du système (M ′′ /Mn′′ | n ∈ N). D’autre part, les
ω ′′ de M
applications i et p induisent des morphismes de systèmes projectifs évidents
i p•
0 → (M ′ /Mn′ | n ∈ N) −→

(M/Mn | n ∈ N) −→ (M ′′ /Mn′′ | ) → 0
tels que pour tout n ∈ N la suite
i pn
0 → M ′ /Mn′ −→
n
M/Mn −→ M ′′ /Mn′′ → 0
soit exacte courte. Comme les applications de transition M ′ /Mm ′
→ M ′ /Mn′ sont
les projections évidentes pour m ≥ n, l’exercice 3.55(iv) nous dit que la suite induite
i p∞
(∗∗) 0 → L′ −−
→ L −−→ L′′ → 0

§ 9.4: Solutions 419

est exacte courte. Pour montrer la première assertion, il suffit donc de remarquer
que les isomorphismes ω, ω ′ et ω ′′ identifient la suite (∗) avec la suite (∗∗) : les
détails seront laissés aux soins du lecteur.
Pour montrer que la topologie de M c′ coïncide avec la topologie induite par M c
via bı, on peut utiliser l’exercice 9.22(i) ; voici une preuve alternative : il suffit de
vérifier que la topologie de L′ coïncide avec la topologie induite par L via i∞ . Pour
cela, on considère le diagramme commutatif à lignes exactes courtes
i∞ p∞
0 / L′ /L / L′′ /0

p′n pn p′′
n
 in
 pn

0 / M ′ /M ′ / M/Mn / M ′′ /M ′′ /0
n n

dont les flèches verticales sont les projections canoniques ; la topologie de L est
définie par le système (Ker pn | n ∈ N) et celle de L′ est définie par (Ker p′n | n ∈ N).
Mais on a
i−1 ′ ′
∞ (Ker pn ) = Ker in ◦ pn = Ker pn ∀n ∈ N
d’où l’assertion. De même, la topologie de L′′ est définie par (Ker p′′n | n ∈ N), et si
on applique le lemme du serpent au diagramme ci-dessus, on voit que

p∞ (Ker pn ) = Ker p′′n ∀n ∈ N.

Compte tenu de la proposition 9.5(iii), on conclut que la topologie de L′′ est induite
c′′ est induite par celle de M
par celle de L, et donc la topologie de M c. 

Corollaire 9.25. Soit M un A-module topologique dont la topologie est définie


par une famille dénombrable de sous-modules. Soit aussi N ⊂ M un sous-module
b est
ouvert, que l’on munit de la topologie induite par l’inclusion dans M . Alors N
c
un sous-module ouvert de M, et l’application naturelle
c/N
M/N → M b

est un isomorphisme de A-modules.

Démonstration. Il suffit d’appliquer le corollaire 9.24 à la suite exacte

0 → N → M → M/N → 0

et remarquer que la topologie de M/N est discrète, en particulièr séparée et com-


b est le noyau d’une projection continue M
plète ; il s’ensuit que N c → M/N , et il
c c ∼
b →
est donc ouvert dans M . On obtient ainsi un isomorphisme M /N M/N , et
l’homomorphisme du corollaire est justement l’inverse de ce dernier. 

Remarque 9.26. Soit A un anneau topologique, I ⊂ A un idéal, et M un A-module


que l’on munit de la topologie I-adique. La discussion précédente montre que la
c est définie par le système de sous-modules
topologie T c de M
M

(I[
n M | n ∈ N)

et on voit en particulier que TM


c est moins fine de la topologie I-adique TM
c,I sur
c. En général, T c est strictement moins fine de T c , mais on verra dans la
M M M ,I
prochaine leçon que ces deux topologies coïncident si A est noethérien et M est un
A-module de type fini.
420 è Sagittaire

9.4. Solutions aux exercices et problèmes.


Exercice 9.3, partie (i) : Comme Mλ ∩ Mµ est un voisinage de 0, la condition
(a) est évidemment nécessaire, et la condition (b) suit aussitôt de la continuité de
la multiplication scalaire A × M → M .
Partie (ii) : Soit TM l’ensemble des parties de M qui s’écrivent comme réunions
de parties de la forme x + Mλ , avec λ ∈ Λ et x ∈ M des éléments arbitraires.
Montrons d’abord que TM est une topologie : en effet, évidemment S ∅, M ∈ TM ,
et si (Ui | i ∈ I) est une famille arbitraire d’éléments de TM , on a i∈I Ui ∈ TM . Il
reste à vérifier que TM est stable par intersections finies, et pour cela on est ramené
à montrer que U := (x + Mλ ) ∩ (y + Mµ ) ∈ TM pour tout λ, µ ∈ Λ et tout x, y ∈ M .
Mais on voit aisément que si z ∈ U , on a z +SMλ = x + Mλ et y + Mµ = z + Mµ ; si
maintenant Mν ⊂ Mλ ∩Mµ , on obtient U = z∈U (z+Mν ), d’où l’assertion. Ensuite,
on voit aisément que l’addition de M est une application continue (M, TM ) ×
(M, TM ) → (M, TM ). La continuité de la multiplication scalaire A × M → M est
une consequence directe de la condition (b). Dernièrement, pour voir que M• est
un système fondamental de voisinages ouverts de 0 pour TM , il suffit de remarquer
que si 0 ∈ x + Mλ , alors x ∈ Mλ , et donc x + Mλ = Mλ .
Partie (iii) : La preuve de la partie (ii) montre déjà qu’il existe une unique
topologie TA sur A telle que l’addition de A soit une application continue
(A, TA ) × (A, TA ) → (A, TA )
et telle que la famille (Iλ | λ ∈ Λ) soit un système fondamental de voisinages ouverts
de 0. De plus, la condition (b) implique aisément la continuité de la multiplication
de A. Donc, A est un anneau topologique et sa topologie TA est évidemment linéaire.

Exercice 9.8 : Si x ∈ N \ {0}, tout voisinage de 0 dans M contient aussi x,


donc TM n’est pas séparée. Réciproquement, supposons que N = 0, et soient
x, y ∈ M deux éléments distincts ; donc, il existe λ ∈ Λ tel que x − y ∈
/ Mλ ,
d’où (x + Mλ ) ∩ (y + Mλ ) = ∅, ce qui montre bien que TM est séparée.

Exercice 9.10 : Soit f ∈ mt ; on pose


f1 (x) := max(0, f (x)) f2 (x) := min(0, f (x)) ∀x ∈ [0, 1].
On remarque que f = f1 + f2 et f1 , f2 ∈ mt . De plus, f1 et −f2 sont ≥ 0 partout sur
1/2
[0, 1], donc les fonctions g1 := f1 et g2 := (−f2 )1/2 sont bien définies et continues
sur [0, 1]. Evidemment g1 , g2 ∈ mt et f = g12 − g22 , d’où l’assertion.

T Exercice 9.13, partie (i) : Compte tenu de l’exercice 9.8, on doit montrer que
n∈N T B = 0. Or, tout élément non nul f (t) de B s’écrit de la forme
n

T n · P (T )
f (t) = avec k, n ∈ N et P (T ) ∈ A[T ] tel que P (0) 6= 0.
(1 − T )k
Noter aussi que 1 − T et T ne sont pas diviseurs de zéro dans A[T ] ; si on a aussi
f (T ) = T m · Q(T ) · (1 − T )−i pour certains i, m ∈ N avec m ≥ n, il s’ensuit que
P (T ) · (1 − T )i = T m−n · Q(T ) · (1 − T )k dans A[T ].
Si on évalue en 0 ces deux polynômes, on trouve que m = n (et Q(0) 6= 0) ; d’où,
/ T n+1 B, comme souhaité. Le même argument implique aussi que
f (T ) ∈
T n B ∩ A[T ] = T n A[T ] ∀n ∈ N
ce qui montre que B induit sur A[T ] la topologie T -adique de ce dernier anneau.
Ensuite, on remarque :
 1 
(1 − T ) · − xn = 1 − (1 − T ) · xn = 1 − 1 + T n+1 = T n+1
1−T
§ 9.4: Solutions 421

d’où (1 − T )−1 − xn ∈ T n+1 B pour tout n ∈ N, ce qui montre que (1 − T )−1 est
l’unique limite de x• dans B.
La partie (ii) de l’exercice est analogue : les détails seront laissés au lecteur.

Problème 9.14, partie (i) : Soit Λ l’ensemble totalement ordonné des nombres
ordinaux dénombrables (la cardinalité de Λ est ℵ1 ), et on considère l’anneau
A := Z[Tλ | λ ∈ Λ]
muni de la topologie linéaire qui admet le système fondamental d’idéaux ouverts
X
(Iλ | λ ∈ Λ) avec Iλ := Tµ A ∀λ ∈ Λ.
µ>λ

Soit maintenant (Pn | n ∈ N) une suite de Cauchy de A. On raisonne par l’absurde :


si P• n’est pas stationnaire, on peut extraire une sous-suite et supposer que Qn :=
Pn+1 − Pn 6= 0 pour tout n ∈ N ; or, pour tout n ∈ N on pose
λn := max(λ ∈ Λ | Qn ∈ Iλ )
(noter que λn est bien défini pour tout n ∈ N, car Qn est une combinaison Z-linéaire
finie non nulle de monômes de A). Quitte à remplacer P• par une sous-suite, on
peut même supposer que λn+1 > λn pour tout n ∈ N. On pose
 
µ := lim λn + 1.
n∈N

Or, µ ∈ Λ et par construction on a Pn+1 − Pn ∈ / Iµ pour tout n ∈ N, contradiction.


Partie (ii) : On raisonne parT l’absurde ; donc, supposons que la cardinalité c de Λ
soit ≤ ℵ0 . Si c est finie, J := λ∈Λ Iλ est un sous-groupe ouvert de A ; d’autre part,
J = 0, par l’exercice 9.8. Il s’ensuit que la topologie de A est discrète, contradiction.
Soit donc c = ℵT 0 . Dans ce cas, on peut supposer que Λ = N, et quitte à remplacer
chaque In par i≤n Ii , on peut aussi supposer que In+1 ⊂ In pour tout n ∈ N.
D’autre part, la suite des sous-groupes In ne peut pas être stationnaire, car sinon
la topologie de A ne pourrait pas être à la fois non-discrète et séparée (toujours à
cause de l’exercice 9.8). Donc, quitte à remplacer la suite I• par une sous-suite, on
peut supposer que In 6= In+1 pour tout n ∈ N ; autrement dit, pour tout n ∈ N on
peut trouver xn ∈ In \ In+1 . La suite (xn | n ∈ N) est non stationnaire et converge
vers 0, contradiction.

Exercice 9.17, partie (i) : Par définition, toute partie ouverte pour la topologie
TM est réunion de parties de la forme U × V , où U ⊂ M1 et V ⊂ M2 sont des
parties ouvertes arbitraires ; donc, toute partie ouverte pour TM est réunion de
parties de la forme (x1 + N ) × (x2 + P ) = (x1 , x2 ) + (N1 × N2 ), avec N ⊂ M1 et
P ⊂ M2 des sous-groupes ouverts, et x1 ∈ M1 , x2 ∈ M2 des éléments arbitraires.
Soient maintenant (Nn | n ∈ N) et (Pn | n ∈ N) des systèmes fondamentaux de sous-
groupes ouverts pour M1 et M2 respectivement ; il s’ensuit que TM est la topologie
linéaire définie par la famille dénombrable (Ni × Pj | i, j ∈ N).
Partie (ii) : Soit (x• , y• ) := ((xn , yn ) | n ∈ N) une suite d’éléments de M ; grâce
à la partie (i), on voit que (x• , y• ) est de Cauchy (respectivement converge vers
0) dans la topologie TM si et seulement si le deux suites x• et y• sont de Cauchy
(respectivement : convergent vers 0) séparément dans M1 et M2 ; autrement dit,
avec la notation du théorème 9.15, on a
CM = CM1 × CM2 et NM = NM1 × NM2
d’où l’assertion.
422 è Sagittaire

Exercice 9.18, partie (i) : Il faut montrer que U \ V = V \ U = ∅ ; or, par


hypothèse U \ V est une partie ouverte de T , donc
U \ V = ∅ ⇔ (U \ V ) ∩ Z = ∅
car Z est dense dans T . D’autre part, on a (U \ V ) ∩ Z = (U ∩ Z) \ (V ∩ Z) = ∅,
d’où U \ V = ∅. De même on voit que V \ U = ∅.
Partie (ii) : Notons M := jM (M ) ; grâce à la proposition 9.5(i) on sait que N et
N sont des parties ouvertes et fermées à la fois dans M
′ c, et l’hypothèse veut dire
c
que N ∩ M = N ∩ M . Comme M est dense dans M , il suffit d’appliquer (i).

Exercice 9.22, partie (i) : Les hypothèses impliquent qu’une suite x• d’éléments
de N est de Cauchy (respectivement : converge vers 0) pour la topologie de N si et
seulement si elle est de Cauchy (respectivement : converge vers 0) pour la topologie
de M . Autrement dit, avec la notation de la preuve du théorème 9.15, on a
CN = N ∩ CM et NN = N ∩ NM
ce qui montre que bı est bien injective. Pour la deuxième assertion, soit (Mn | n ∈ N)
une suite descendente de sous-groupes ouverts qui définissent la topologie de M ;
on pose Nn := N ∩ Mn pour tout n ∈ N. La topologie sur bı(N b ) induite par M
c est
b c
définie par la suite descendente (bı(N ) ∩ Mn | n ∈ N) ; de l’autre côté la topologie de
la complétion N b est définie par la suite descendente (N bn | n ∈ N) (rappelons que
Nbn est le sous-groupe des classes de suites de Cauchy x• de N telles que xk ∈ Nn
pour tout k ∈ N). Donc, on est ramené à montrer que
bn ) = bı(N
bı(N b) ∩ M
cn ∀n ∈ N.
bn ) ⊂ bı(N
Or, l’inclusion bı(N b) ∩ Mcn est triviale ; pour voir l’inclusion réciproque, soit
x• une suite de Cauchy de M dont la classe x• est dans bı(N b) ∩ M
cn , i.e. xk ∈ Mn
pour tout k ∈ N, et au même temps la suite x• est équivalente à une suite y• telle
que yk ∈ N pour tout k ∈ N. Il s’ensuit qu’il existe i ∈ N tel que yk − xk ∈ Mn
pour tout k ≥ n, et donc yk ∈ Mn ∩ N = Nn pour tout k ≥ i ; quitte à modifier
les premiers i termes de la suite y• , on peut donc supposer que yk ∈ Nn pour tout
n ∈ N, ce qui montre bien que x• ∈ bı(N bn ).
Partie (ii) : On peut considerer A comme un B-module topologique, grâce à
l’application d’inclusion i : B → A, donc la partie (i) nous dit déjà que bı : B b→A b
b b
est injective, et la topologie de B est induite par celle de A, via bı ; on peut alors
identifier Bb à son image bi(B) ⊂ A. b
Or, supposons que B soit intégralement clos dans A, et soit a ∈ A b un élément qui
b b
est entier sur B ; on choisit un polynôme unitaire P (T ) ∈ B[T ] tel que P (a) = 0.
Comme B est un sous-anneau ouvert de A, on peut ensuite trouver a′ ∈ A et un
polynôme unitaire Q(T ) ∈ B[T ] tels que
b
jA (a′ ) − a, P (jA (a′ )), jA (Q(a′ )) − P (jA (a′ )) ∈ B
(où jA : A → A b denote l’application de complétion). On déduit que Q(a′ ) ∈
−1 b
jA (B) = B. On pose R(T ) := Q(T ) − Q(a′ ) ; donc R(T ) ∈ B[T ] et R(a′ ) = 0, d’où
a ∈ B, par hypothèse. On conclut que a ∈ B,
′ b comme souhaité. Réciproquement, si
b d’où a ∈ B,
a ∈ A est entier sur B, on déduit aisément que jA (a) est entier sur B, b
b b −1 b
si B est intégralement clos dans A. Dans ce cas, a ∈ jA (B) = B, et finalement B
est intégralement clos dans A.
10. Capricorne é

10.1. Le lemme d’Artin-Rees. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, et M un A-


module que l’on munit de la topologie I-adique TM,I . Dans la leçon précédente, on
a déjà évoqué les deux questions suivantes :
— Si N ⊂ M est un sous-module, la topologie I-adique de N coïncide-t-elle
avec la topologie induite par TM,I ? (Voir la remarque 9.7.)
— Si (M c, T c) est la complétion de (M, TM,I ), la topologie T c coïncide-t-elle
M M
c ? (Voir la remarque 9.26.)
avec la topologie I-adique sur M
On montrera dans cette leçon que ces deux questions ont reponse affirmative, si
A est noethérien et M est un A-module de type fini, et on en déduira plusieurs
corollaires remarquables pour les complétions adiques des anneaux noethériens.
Pour cela, on utilisera la notion auxiliaire suivante :
Définition 10.1. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, M un A-module, et M• :=
(Mn | n ∈ N) une suite descendante de A-sous-modules de M . On dit que :
— M• est une I-filtration de M , si M0 = M et IMn ⊂ Mn+1 pour tout n ∈ N.
— M• est une I-filtration stable, si elle est une I-filtration, et il existe N ∈ N
tel que IMn = Mn+1 pour tout n ≥ N .
Par exemple, la filtration I-adique de M , i.e. la suite descendante (I n M | n ∈ N)
est trivialement une I-filtration stable.
Lemme 10.2. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, M un A-module, et M• , M•′
deux I-filtrations stables de M . Alors il existe k ∈ N tel que
Mn+k ⊂ Mn′ ⊂ Mn−k ∀n ≥ k.
Démonstration. On suppose d’abord que Mn′ = I n M pour tout n ∈ N. Dans ce cas,
une simple récurrence sur n ∈ N montre que Mn′ ⊂ Mn pour tout n ∈ N. D’autre
part, il existe k ∈ N tel que Mn+1 = IMn pour tout n ≥ k, donc Mn+k = I n Mk ⊂
I n M pour tout n ≥ 0.
Ensuite, pour M•′ arbitraire, grâce au cas précédente on a k, k ′ ∈ N tels que
Mn+k ⊂ I n M ⊂ Mn−k ′
Mn+k n ′
′ ⊂ I M ⊂ Mn−k′ ∀n ≥ k, k ′ .
′ ′
D’où : Mn+k+k′ ⊂ I n+k M ⊂ Mn′ ⊂ I n−k M ⊂ Mn−k−k′ pour tout n ≥ k + k ′ . 

Soient maintenant A un anneau I ⊂ A un idéal, M un A-module, et M• une


I-filtration de M comme dans la définition 10.1. On munit la somme directe
M
R(A, I) := In
n∈N
424 é Capricorne

de la structure d’anneau gradué (voir le paragraphe 6.3.1), pour laquelle le produit


est l’unique application Z-bilinéaire dont la restriction aux composantes homogènes
de degrés n et m est donnée par la multiplication de l’anneau A
I n × I m → I n+m ∀n, m ∈ N.
En particulier, la composante homogène de degré 0 de est I 0 := A, et ce dernier
est donc naturellement un sous-anneau de R(A, I). On appelle R(A, I) l’algèbre de
Rees de (A, I). De même, on munit la somme directe
M
R(M• ) := Mn
n∈N

de la structure de R(A, I)-module gradué pour laquelle la multiplication scalaire


est l’unique application Z-bilinéaire dont la restriction aux composantes homogènes
I n × Mm → Mn+m ∀n, m ∈ N
est donnée par la multiplication scalaire du A-module M . On appelle R(M• ) le
module de Rees de la I-filtration M• .
Remarque 10.3. (i) Notons que la A-algèbre R(A, I) est engendrée par sa compo-
sante homogène I de degré 1, qui est un A-module de type fini, si A est noethérien ;
en particulier, si A est noethérien, R(A, I) est une A-algèbre de type fini, et donc
est aussi un anneau noethérien.
(ii) Soient M et N deux A-modules, M• et N• des I-filtrations de M et N
respectivement. Soit aussi f : M → N un homomorphisme filtré de A-modules, i.e.
tel que f (Mn ) ⊂ Nn pour tout n ∈ N. Alors f induit un morphisme évident de
R(A, I)-modules gradués (voir le paragraphe 6.3.1) :
R(f ) : R(M• ) → R(N• )
dont la restriction aux composantes homogènes de degré n est f|Mn : Mn → Nn
pour tout n ∈ N.
Lemme 10.4. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, M un A-module de
type fini, M• une I-filtration de M . Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) R(M• ) est un R(A, I)-module de type fini.
(ii) M• est une I-filtration stable.
Démonstration. Pour tout n ∈ N on définit le R(A, I)-sous-module de R(M• ) :
M n  M 
Qn := Mi ⊕ I j+1 Mn .
i=0 j∈N
S
Evidemment, Qn ⊂ Qn+1 pour tout n ∈ N, et n∈N Qn = R(M• ). De plus, chaque
L
Qn est un R(A, I)-module de type fini, car il est engendré par ni=0 Mi , et Mi est
un A-module de type fini pour tout i ∈ N. Comme on a déjà observé que R(A, I)
est noethérien, il s’ensuit que (a) ⇔ la suite (Qn | n ∈ N) est stationnaire ⇔ (b). 
Proposition 10.5. (Lemme de Artin-Rees) Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A
un idéal, M un A-module de type fini, M ′ ⊂ M un sous-module, M• une I-filtration
stable de M . Alors M•′ := (M ′ ∩ Mn | n ∈ N) est une I-filtration stable de M ′ .
Démonstration. On voit aisément que M•′ est une I-filtration de M ′ . On a une
inclusion évidente de R(A, I)-modules
R(M•′ ) ⊂ R(M• ).
De plus, R(A, I) est noethérien, et par le lemme 10.4, on sait que R(M• ) est un
R(A, I)-module de type fini ; il s’ensuit que R(M•′ ) est un R(A, I)-module de type
fini, et l’assertion se déduit encore du lemme 10.4. 
§ 10.2: Complétions d’anneaux noethériens 425

Le lemme de Artin-Rees fournit déjà la reponse à la première question posée au


début de la leçon : si on choisit pour M• la filtration I-adique de M , on conclut que
la filtration (M ′ ∩I n M | n ∈ N) est stable, et compte tenu du lemme 10.2, il s’ensuit
que la topologie I-adique de M ′ coïncide avec la topologie induite par la topologie
I-adique de M . En fait, cet argument nous fournit du même coup l’estimation plus
précise suivante, qui nous sera utile plus tard :
Corollaire 10.6. Dans la situation de la proposition 10.5, il existe k ∈ N tel que
M ′ ∩ I n M = I n−k (M ′ ∩ I k M ) ∀n ≥ k.

10.2. Complétions d’anneaux noethériens. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal,
M un A-module, et on munit A et M des topologies I-adiques, donc M est un
A-module topologique. Dans cette situation, on a déjà remarqué que la complétion
Ab de A est naturellement une A-algèbre topologique, la complétion Mc de M est
b
naturellement un A-module, et les applications de complétion jA : A → A b et
jM : M → M c induisent une application A-linéaire
b
b ⊗A M → M
ωM : A c a ⊗ m 7→ a · jM (m).
De plus, on voit aisément que tout homomorphisme de A-modules f : M → N
induit un diagramme commutatif
ωM
b ⊗A M
A c
/M

(∗) IdAb ⊗A f fb
 
ωN
b ⊗A N
A b
/N

où N est la complétion de N pour la topologie I-adique, et fb est la complétion de


f , comme expliqué par la remarque 9.20.
Proposition 10.7. Avec les hypothèses ci-dessus, supposons de plus que A soit
b
noethérien, et M de type fini. Alors ωM est un isomorphisme de A-modules.
Démonstration. On choisit une application A-linéaire surjective f : An → M , et on
munit An de la topologie I-adique TAn ,I , et M ′ := Ker f de la topologie induite par
TAn ,I . Par la proposition 9.5(ii,iii) on sait que M ′ est aussi un A-module topologique
de type fini dont la topologie est linéaire et définie par une suite dénombrable de
sous-modules, et la topologie I-adique de M est elle aussi induite par TAn ,I . De
plus, le lemme de Artin-Rees nous assure que la topologie de M ′ coïncide avec
la topologie I-adique, et si M c′ est la complétion de M ′ , on a donc l’application
ωM ′ : A b ⊗A M → M
′ c correspondante. Compte tenu du corollaire 9.24 et de la

proposition 4.7, on déduit un diagramme commutatif à lignes exactes :


b ⊗A M ′
A b ⊗A An
/A b ⊗A M
/A /0

ωM ′ ωAn ωM
  
0 c′
/M cn
/A c
/M / 0.
Or, on voit aisément que ωAn est un isomorphisme (e.g. grâce à l’exercice 9.17), et
par le lemme du serpent, on obtient une suite exacte
0 → Ker ωM → Coker ωM ′ → 0 → Coker ωM → 0
ce qui montre que Coker ωM = 0. Mais comme M est arbitraire, la même conclusion
s’applique à ωM ′ , et la même suite exacte ci-dessus montre alors que Ker ωM = 0,
d’où la proposition. 
426 é Capricorne

Corollaire 10.8. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, et on munit A de


b de A est une A-algèbre plate.
la topologie I-adique. Alors la complétion A

Démonstration. Soit M ′ ⊂ M une inclusion de A-modules ; il faut prouver que


l’application induite j : A b ⊗A M ′ → A b ⊗A M est injective. Donc, soit y ∈ Ker j,
Pn
et on va montrer que y = 0. Pour cela, on écrit y = i=1 ai ⊗ xi avec certains
b et x1 , . . . , xn ∈ M ′ . Notons par M0′ ⊂ M ′ le sous-module engendré
a1 , . . . , an ∈ A
par x1 , . . . , xn , et soit j0′ : A b ⊗A M0′ → A b ⊗A M l’application analogue, induite
par l’inclusion M0 ⊂ M ; comme y est dans l’image de A
′ b ⊗A M0′ dans Ab ⊗A M ′ ,
il suffit de montrer que j0 est injective. On peut donc remplacer M par M0′ , et
′ ′

supposer du début que M ′ est de type fini. De plus, une inspection directe de la
construction du produit tensoriel (voir la proposition 4.2), nous montre qu’il existe
un A-sous-module de type fini M0 ⊂ M tel que l’image de y dans A b ⊗A M0 est déjà
nulle ; quitte à enlargir M0 , on peut même supposer que M ⊂ M0 . On peut donc

remplacer M par M0 et supposer aussi que M soit de type fini.


Dans ce cas, munissons M et M ′ des topologies I-adiques TM et TM ′ ; par
le lemme de Artin-Rees, TM ′ coïncide avec la topologie induite par TM , et donc
l’application induite M c′ → M c est injective, par le corollaire 9.24. Compte tenu de
la proposition 10.7, l’assertion s’ensuit aussitôt. 

Soit maintenant A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, M un A-module de


type fini. Munissons A, M et I n des topologies I-adiques, pour tout n ∈ N, et
b M
soient A, c et Icn les complétions respectives. Par ce qui précède, on sait déjà que

Ic
n est un idéal de l’anneau topologique A, b et sa topologie est induite par celle de
ce dernier. Le résultat suivant fournit la reponse à la deuxième question posée au
début de la leçon.

Corollaire 10.9. Avec la notation ci-dessus, on a :


(i) Ic b = Ibn pour tout n ∈ N.
n = I nA

(ii) L’application naturelle I n /I n+1 → Ibn /Ibn+1 est bijective, pour tout n ∈ N.
b
(iii) La topologie du A-module c coïncide avec la topologie I A-adique.
M b

(iv) Ib ⊂ J (A).
b

Démonstration. (i) : Pour montrer la première identité il suffit de prendre M = I n


et N = A dans le diagramme (∗) ci-dessus, et appliquer la proposition 10.7. La
deuxième identité s’ensuit aussitôt.
(ii) : Grâce au corollaire 9.25 l’application naturelle I n /I n+1 → Ic n /I[n+1 est

bijective, donc il suffit d’appliquer (i).


(iii) : Par la remarque 9.16, la topologie de A b est définie par la famille d’idéaux
(Ic
n | n ∈ N), donc il suffit d’appliquer (i) pour obtenir l’assertion avec M = A. Le

cas où M = An est une consequence immédiate. Pour un A-module M général,


choisissons une application A-linéaire surjective f : An → M et munissons An de la
topologie I-adique ; par la proposition 9.5(iii), la topologie I-adique de M coïncide
avec la topologie induite par An via f , donc la topologie de M c coïncide avec celle
c n bn b c n c
induite par A = A via l’application f : A → M (voir le corollaire 9.24) ; mais on
a fb(I n A)
b = I nM c pour tout n ∈ N, donc il suffit d’invoquer encore la proposition
9.5(iii) pour conclure.
P
(iv) : Soit a ∈ Ib ; grâce à (i) la série formelle n∈N an converge dans A, b et on
b (cp. la solution
voit aisément que sa limite b satisfait l’identité (1 − a) · b = 1 dans A
de l’exercice 9.13). D’où l’assertion, compte tenu du théorème 1.32(i). 
§ 10.2: Complétions d’anneaux noethériens 427

Le reste de cette section sera dédiée à l’étude de la structure des complétions


adiques des anneaux noethériens, et aux propriétés des anneaux noethériens qui
peuvent se déduire à l’aide de leurs complétions. Notamment, on verra que la com-
plétion d’un anneau noethérien est noethérienne.

Corollaire 10.10. Soit (A, m) un anneau local noethérien, et I ⊂ m un idéal. On


munit A et m des topologies I-adiques. Alors la complétion A b de A est un anneau
b de m, et on a
local dont l’idéal maximal est la complétion m

(∗) m b
b n = mn A
cn = m ∀n ∈ N.

Démonstration. L’idéal m est ouvert dans A, par la proposition 9.5(i), donc A/ b m


b=
A/m est un corps, par le corollaire 9.25, i.e. m b est un idéal maximal. D’autre part,
soit b
n un idéal maximal de A b ; la complétion I-adique Ib de I est contenue dans
n, grâce au corollaire 10.9(iv), donc b
b n est ouvert dans A. b Notons jA : A → A b
l’application de complétion, et n := jA b−1
n ; il s’ensuit que I ⊂ n, donc Ib = I A
b ⊂ nAb
b b
par le corollaire 10.9(i), et en particulier nA est un idéal ouvert de A. Or, on a
−1 b ⊂ j −1 b −1 b −1
n ⊂ jA (nA) A n = n, d’où jA (nA) = jA b n. Compte tenu de l’exercice 9.18(ii),
on conclut que b b et donc b
n = nA, n ⊂ mA b=m b ; comme b n est maximal, cela veut dire
que b b et on achève ainsi la preuve de la première assertion.
n = m,
Ensuite, on a Ibn ⊂ mn A b⊂m b n , donc mn A, b mb n et m
cn sont des idéaux ouverts
pour tout n ∈ N, au vu du corollaire 10.9(i) ; d’autre part, on a
−1
mn ⊂ jA b ⊂ j −1 (m
(mn A) n −1 c n
A b ) ⊂ jA (m ) = m
n

(la dernière égalité se déduit de la remarque 9.16(ii)) d’où jA−1 −1


b n ) = jA
(m b =
(mn A)
−1 c
jA (m ), et il suffit d’utiliser l’exercice 9.18(ii) pour obtenir (∗).
n 

Proposition 10.11. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, M un A-module


de type fini. On a :
\
I n M = {x ∈ M | ∃a ∈ I tel que (1 + a) · x = 0}.
n∈N
T
Démonstration. Posons E := n∈N I n M , et soit TE la topologie induite sur E
par la topologie I-adique de M ; évidemment l’unique voisinage de 0 dans E est le
module E lui même, donc E est aussi l’unique voisinage de chacun des ses éléments,
i.e. TE = {∅, E}. D’autre part le lemme de Artin-Rees nous dit que TE est aussi
la topologie I-adique de E, donc E = IE. Il s’ensuit qu’il existe a ∈ I tel que
(1 + a) · E = 0 (corollaire 4.36). Notons aussi que E est le noyau de l’application
de complétion I-adique jM : M → M c. Si maintenant x ∈ M et (1 + a) · x = 0 pour
quelque a ∈ I, on déduit (1 + a) · jM (x) = 0, d’où j(x) = 0, grâce au corollaire
10.9(iv) et le théorème 1.32(i) ; on conclut que x ∈ E, d’où l’assertion. 

Corollaire 10.12. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, M un A-module


de type fini. Alors :
T
n∈N I = 0 ( i.e. la topologie I-adique de A
n
(i) Si A est intègre et I 6= A, on a
est séparée).
T
(ii) Si I ⊂ J (A) on a n∈N I n M = 0 ( i.e. la topologie I-adique de M est
séparée).

Démonstration. L’assertion (i) est une consequence immédiate de la proposition


10.11, et pareil pour l’assertion (ii), car si I ⊂ J (A) on a 1 + I ⊂ A× . 
428 é Capricorne

Soit maintenant A un anneau, I ⊂ A un idéal, M un A-module, et M• :=


(Mn | n ∈ N) une I-filtration de M . On pose
M M
G(A, I) := A/I ⊗A R(A, I) ≃ I n /I n+1 G(M• ) := Mn /Mn+1 .
n∈N n∈N

Remarque 10.13. (i) Si on pose M := M1 , et on muni M de la I-filtration M•′ telle


′ ′

que Mn′ := Mn+1 pour tout n ∈ N, on déduit des inclusions de R(A, I)-modules :
I · R(M• ) ⊂ R(M•′ ) ⊂ R(M• ).
Il s’ensuit que G(M• ) = R(M• )/R(M•′ ) est un quotient du G(A, I)-module A/I ⊗A
R(M• ), et il est donc muni d’une structure naturelle de G(A, I)-module gradué.
(ii) Si N est un deuxième A-module muni d’une I-filtration N• := (Nn | n ∈ N),
et f : M → N est un homomorphisme filtré de A-modules (voir la remarque
10.3(ii)), on a un morphisme évident de G(A, I)-modules gradués
G(f ) : G(M• ) → G(N• )
dont la restriction aux composantes homogènes de tout degré n ∈ N est l’application
Mn /Mn+1 → Nn /Nn+1 induite par f .
Lemme 10.14. Avec la notation ci-dessus, soit A noethérien, M de type fini, M•
une I-filtration stable, et munissons A de la topologie I-adique. On a :
(i) G(A, I) est un anneau noethérien.
(ii) L’application de complétion A → Ab induit un isomorphisme

b I).
b
G(A, I) → G(A,
(iii) G(M• ) est un G(A, I)-module de type fini.
Démonstration. (i) : L’anneau G(A, I) est un quotient de l’algèbre de Rees R(A, I),
et cette dernière est noethérienne (voir la remarque 10.3(i)), d’où l’assertion.
(ii) : C’est une consequence immédiate du corollaire 10.9.
(iii) : C’est une consequence directe du lemme 10.4. 
Lemme 10.15. Soient A un anneau, M et N deux A-modules, M• et N• des I-
filtrations sur M et N respectivement, f : M → N un homomorphisme filtré de
A-modules. On munit M et N des topologie linéaires TM et TN définies par les
c et N
suites M• et N• , et on dénote M b les respectives complétions. On a :
(i) L’application f : (M, TM ) → (N, TN ) est continue, et donc induit une appli-
cation fb : M
c→N b.
(ii) Si G(f ) : G(M• ) → G(N• ) est injective, fb : M
c→Nb est injective.
(iii) Si G(f ) est surjective, fb est surjective.
Démonstration. L’assertion (i) se déduit aisément de la remarque 9.2(ii) et la pro-
position 9.5(i). Ensuite, on a les diagrammes commutatifs à lignes exactes :
0 / Mn /Mn+1 / M/Mn+1 / M/Mn /0

Gn (f ) f n+1 fn ∀n ∈ N
  
0 / Nn /Nn+1 / N/Nn+1 / N/Nn /0
L
tel que G(f ) = n∈N Gn (f ), et f n se déduit de f de la façon évidente, pour tout
n ∈ N. D’où, par le lemme du serpent, une suite exacte de A-modules
0 → Ker Gn (f ) → Ker f n+1 → Ker f n → Coker Gn (f ) → Coker f n+1 → Coker f n → 0.
§ 10.2: Complétions d’anneaux noethériens 429

Noter aussi que f 1 = G0 (f ). Or, supposons que G(f ) soit injective, i.e. Ker Gn (f ) =
0 pour tout n ∈ N ; par récurrence sur n, on déduit que Ker fn = 0 pour tout n ∈ N.
On obtient donc une suite exacte courte de systèmes projectifs
f
0 → (M/Mn | n ∈ N) −−→
n
(N/Nn | n ∈ N) → (Coker f n | n ∈ N) → 0
d’où, grâce à l’exercice 3.55(iii), une suite exacte de limites inverses :
0 → lim
←−
M/Mn → lim
←−
N/Nn → lim
←−
Coker f n
n∈N n∈N n∈N

et (ii) s’ensuit aussitôt, compte tenu de la proposition 9.23.


De même, si G(f ) est surjective, on a Coker Gn (f ) = 0 pour tout n ∈ N, et une
simple récurrence sur n donne Coker f n = 0 pour tout n ∈ N. On obtient dans ce
cas une suite exacte courte de systèmes projectifs
f
0 → (Ker f n | n ∈ N) → (M/Mn | n ∈ N) −−→
n
(N/Nn | n ∈ N) → 0
et on voit aussi que les morphismes de transition Ker f n+1 → Ker f n sont surjectifs
pour tout n ∈ N. Encore, grâce à l’exercice 3.55(iii), on déduit la suite exacte courte
0 → lim
←−
Ker f n → lim
←−
M/Mn → lim
←−
N/Nn → 0
n∈N n∈N n∈N

d’où l’assertion (iii), toujours par la proposition 9.23. 


Proposition 10.16. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal, M un A-module, M• :=
(Mn | n ∈ N) une I-filtration de M . On suppose que :
— A est complet et séparé pour sa topologie I-adique.
— M est séparé pour la topologie linéaire définie par M• .
— G(M• ) est un G(A, I)-module de type fini.
Alors M est un A-module de type fini.
Démonstration. Par hypothèse, il existe un système fini de générateurs x̄1 , . . . , x̄n
de G(M• ). On peut supposer chaque x̄i homogène de degré k(i) (cp. la solution de
l’exercice 6.75(i)), et on choisit un représentant xi ∈ Mk(i) de la classe x̄i , pour tout
i = 1, . . . , n. On pose F i := A pour i = 1, . . . , n, et on munit F i de la I-filtration
stable F•i telle que :
(
i A si j ≤ k(i)
Fj : =
I j−k(i) sinon.
On pose F := F 1 ⊕ · · · ⊕ F n , et on munit F de la I-filtration stable telle que
Fj := Fj1 ⊕ · · · ⊕ Fjn pour tout j ∈ N. Soit e1 , . . . , en la base canonique de F = An ;
on considère l’application A-linéaire
φ:F →M ei 7→ xi ∀i = 1, . . . , n.
On voit aisément que φ(Fj ) ⊂ Mj pour tout j ∈ N. De plus, on a ei ∈ Fk(i) , et
l’application G(φ) : G(F• ) → G(M• ) envoit la classe ēi ∈ Fk(i) /Fk(i)+1 de ei sur
x̄i ∈ Mk(i) /Mk(i)+1 , pour tout i = 1, . . . , n ; en particulier, G(φ) est surjective.
Munissons M et F des topologies linéaires définies par les filtrations M• et F• ; on
obtient un diagramme commutatif de A-modules
φ
F /M

jF jM
 b

φ
Fb c
/M

où jF et jM sont les applications de complétion, et φb est l’application induite par φ


sur les complétions de F et M . Cette dernière est aussi surjective, grâce au lemme
430 é Capricorne

10.15(iii). D’autre part, la topologie de F coïncide avec la topologie I-adique, par


le lemme 10.2, et comme A est séparé et complet pour la topologie I-adique, on
voit que jF est un isomorphisme. De pus, jM est injective, car la topologie de M
est séparée ; on conclut que φ est aussi surjective, d’où la proposition. 

b la complétion
Théorème 10.17. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal, A
b est noethérien.
I-adique de A. Alors A

Démonstration. Soit J ⊂ A b un idéal ; il faut montrer que J est de type fini. Pour
cela, on munit J de la I-filtration J• telle que Jn := J ∩ Ibn pour tout n ∈ N. Grâce
b
au lemme 10.14(ii) on en déduit une application injective de G(A, I)-modules :
b I)
G(J• ) → G(A, b ≃ G(A, I)

et le lemme 10.14(i) nous dit que G(A, I) est noethérien, donc G(J• ) est un idéal
T T
de type fini de G(A, I). De plus, n∈N Jn ⊂ n∈N Ibn = 0. L’assertion se déduit
maintenant aussitôt de la proposition 10.16. 

Exemple 10.18. Soit A un anneau noethérien, et T• A ⊂ A[T1 , . . . , Tn ] l’idéal


engendré par le système T1 , . . . , Tn . La topologie T• A-adique de A est aussi appelée
T• -adique. L’anneau des séries formelles A[[T1 , . . . , Tn ]] est la complétion T• -adique
de A[T1 , . . . , Tn ] ; il est donc noethérien, par le théorème 10.17, et sa topologie est
aussi T• -adique.

Exercice 10.19. Soit A un anneau, et pour tout idéal I ⊂ A notons A bI la com-


plétion I-adique de A.
(i) Si A est noethérien et I est engendré par une suite a1 , . . . , an d’éléments de
A, montrer qu’il existe un isomorphisme d’anneaux topologiques
∼ b
ψ : A[[T1 , . . . , Tn ]]/(T1 − a1 , . . . , Tn − an ) → AI

i.e. ψ est à la fois un isomorphisme d’anneaux, et un homéomorphisme, si on munit


R := A[[T1 , . . . , Tn ]] de sa topologie T• -adique comme dans l’exemple 10.18, et son
quotient R/(T1 − a1 , . . . , Tn − an ) de la topologie induite par R via la projection.
Cet isomorphisme fournit une description assez explicite de la complétion de A, en
terme de générateurs topologiques et relations algébriques.
(ii) Soient I ⊂ J ⊂ A deux idéaux. Montrer que l’application de complétion
jA,J : A → A bJ se factorise à travers un unique homomorphisme continu d’anneaux

bI → A
φI,J : A bJ .

(iii) On suppose que A soit noethérien, et soient I, J ⊂ A deux idéaux. Par (ii) ci-
dessus on déduit un diagramme commutatif d’homomorphismes continus d’anneaux
φI∩J,I
bI∩J
A bI
/A

φI∩J,J φI,I+J
 
φJ,I+J
bJ
A bI+J .
/A

Montrer que ce diagramme est cartesien et cocartesien, i.e. que l’on a :


bI∩J → B := A
— L’application induite bi : A bI × A bJ est injective et son image est
le sous-anneau C := {(a, a ) ∈ B | φI,I+J (a) = φJ,I+J (a′ )}.

— L’application A-linéaire pb : B → A bI+J : (a, a′ ) 7→ φI,I+J (a) − φJ,I+J (a′ ) est


surjective et son noyau est C.
§ 10.3: Le complexe de Koszul 431

10.3. Le complexe de Koszul. Ce paragraphe presente une autre application


très utile du produit tensoriel de complexes. Soit A un anneau, x ∈ A un élément ;
on dénote KA •
(x) le complexe de A-modules
x·Id
A
0 → A −−−−→ A→0
avec les deux copies de A placées aux degrés homologiques 1 et 0.
Soit maintenant x• := (x1 , . . . , xn ) une suite d’éléments de A. Le complexe de
Koszul de la suite x• est le produit tensoriel itéré
• • •
KA (x• ) := KA (x1 ) ⊗A · · · ⊗A KA (xn ).
Noter que cette notation est ambigue, car on n’indique pas l’ordre dans le quel ces
produits tensoriels doivent être effectués, que l’on pourrait signaler interposant des
parenthèses ; toutefois, grâce à l’exercice 8.76 on sait que tout choix des positions
des parenthèses donne lieu à un complexe canoniquement isomorphe à celui que
l’on obtient avec n’importe quel autre choix, donc l’ambiguité de notre notation est
en fait inoffensive. Si M est un A-module, on pose aussi
H i (x• , M ) := H i (M [0]• ⊗A KA

(x• )).
Proposition 10.20. Soit (M • , d•M ) un complexe de A-modules, et x ∈ A un élé-
ment. Pour tout q ∈ Z on a une suite exacte courte
0 → H 0 (x, H q (M • )) → H q (M • ⊗A KA

(x)) → H 1 (x, H q−1 (M • )) → 0.
Démonstration. On a une suite exacte courte de complexes évidente
0 → A[0]• → KA

(x) → A[−1]• → 0
d’où une suite exacte courte de complexes :
(∗) 0 → M • → M • ⊗A KA

(x) → M [−1]• := M • ⊗A A[−1]• → 0.
La suite exacte longue d’homologie associée à (∗) s’écrit
∂ q+1 ∂q
H q+1 (M [−1]• ) −−−→ H q (M • ) → H q (M • ⊗A KA

(x)) → H q (M [−1]• ) −→ H q−1 (M • ).
Noter que M [−1]i = M i−1 , et le différentiel en degré i du complexe M [−1]• est
di−1
M pour tout i ∈ Z. On déduit que IdM q induit une identification naturelle
H q+1 (M [−1]• ) = H q (M • ) ∀q ∈ Z.
Donc, ∂ est un endomorphisme de H (M ) pour tout q ∈ Z, et pour conclure,
q q •

il suffit de montrer que ∂ q = −x · IdH q (M • ) . Or, la suite (∗) est le système de


morphismes de suites exactes courtes
0 / M q+1 / M q ⊕ M q+1 / Mq /0

dq+1
M δ q+1 dqM
  
0 / Mq / M q−1 ⊕ M q / M q−1 /0
où δ q+1 est donné par la matrice en blocs
 
dqM 0
∀i ∈ Z
−x · IdM q dq+1
M
et les flèches horizontales sont les injections et surjections canoniques. Soit main-
tenant m ∈ H q (M • ) ; par inspection de la construction des homomorphismes de
bord, on obtient la description suivante de ∂ q+1 (m). On choisit un représentant m ∈
Ker dqM de la classe m, et on relève m en un élément m′ ∈ M q ⊕M q+1 ; par exemple,
on peut prendre m′ := (m, 0). Avec ce choix, on calcule δ q+1 (m′ ) = (0, −xm), qui
est l’image dans M q−1 ⊕ M q de l’élément −xm ∈ M i via l’injection canonique ;
alors, ∂ q+1 (m) est la classe de −xm dans H q (M • ), i.e. ∂ q+1 (m) = −x · m. 
432 é Capricorne

Par exemple, on voit que pour tout x ∈ A on a :




M/xM si i = 0
H i (x, M ) = Ker (x · IdM ) si i = 1


0 si i 6= 0, 1.
En particulier, M [0]• ⊗A KA

est une résolution de M/xM , si Ker (x · IdM ) = 0.
On peut amplifier cette observation dans la situation contemplée par la définition
suivante.
Définition 10.21. Soient A un anneau et M un A-module.
(i) On dit qu’un élément x ∈ A est M -régulier si Ker (x·IdM ) = 0 et M/xM 6= 0.
(ii) Pour tout entier n > 1, on dit que la suite x• := (x1 , . . . , xn ) d’éléments de
A est M -régulière si x1 est M -régulier et la suite (x2 , . . . , xn ) est M/x1 M -régulière.
(iii) Une suite A-régulière d’éléments de A sera appelée simplement une suite
régulière de A.
Exemple 10.22. (i) Si A0 6= {0} est un anneau, et A := A0 [X1 , . . . , Xn ], évidem-
ment (X1 , . . . , Xn ) est une suite régulière de A.
(ii) Dans l’anneau Z[X] la suite (n, X) est régulière, pour tout n ∈ Z\{−1, 0, 1}.
Corollaire 10.23. Soit M un A-module, x• := (x1 , . . . , xn ) une suite M -régulière
d’éléments de A, et on pose M/x• M := M/(x1 M + · · · + xn M ). Alors
(
M/x• M si q = 0
H q (x• , M ) =
0 sinon.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur n. Pour n = 1, l’assertion est évi-
dente. Supposons que n > 1, et on pose
x′• := (x1 , . . . , xn−1 ) M ′ := M/x′• M N • := M [0]• ⊗A KA

(x′• ).
La suite x′• est M -régulière, donc l’hypothèse de récurrence nous dit que H q (N • ) =
0 pour q 6= 0, et H 0 (N • ) = M ′ . De plus, H 0 (xn , M ′ ) = M/x• M et H 1 (xn , M ′ ) = 0,
car xn est M ′ -régulier. Pour conclure, il suffit d’appliquer la proposition 10.20 au
complexe N • , compte tenu de l’isomorphisme naturel

N • ⊗A KA

(xn ) → M [0]• ⊗A KA

(x• )
fourni par l’exercice 8.76. 
Remarque 10.24. Le corollaire 10.23 nous montre que si x• est une suite M -régulière,
le complexe M [0]• ⊗A KA•
(x• ) est une résolution de M/x• M . En particulier, si M
est un A-module projectif, on obtient ainsi une résolution projective de ce quotient
de M . On verra plus tard que le cas M = A est déjà fort utile.
L’existence de suites régulières dans un anneau A, et en particulier, la longueur
maximale d’une telle suite, encodent des propriétés géométriques subtiles du spectre
de A, premièrement sa profondeur, un invariant numérique local (i.e. une fonction
définie sur Spec A à valeurs dans N ∪ {+∞}) très important dans l’étude des pro-
priétés fines des variétés algébriques. On s’abstiendra ici de dévélopper la théorie
générale de la profondeur des anneaux, mais le problème suivant peut fournir un
aperçu des intéractions entre suites régulières et géométrie du spectre premier.
Problème 10.25. Généraliser le problème 2.32 de la façon suivante. Soit A un
anneau, (f, g) une suite régulière de A, et on considère l’idéal I := Af + Ag ⊂ A.
Montrer que l’ouvert U := Spec A \ V (I) de Spec A n’est pas représentable (au sens
de la remarque 2.30(ii)). (Noter que A/I 6= 0, donc V (I) 6= ∅, et U est strictement
contenu dans Spec A.)
§ 10.4: Solutions 433

10.4. Solutions aux exercices et problèmes.


Exercice 10.19, partie (i) : On munit A[T1 , . . . , Tn ] de sa topologie T• -adique
TT• , et on considère l’homomorphisme de A-algèbres
ψ0 : A[T1 , . . . , Tn ] → A Ti 7→ ai ∀i = 1, . . . , n.
Evidemment ψ0 est surjectif, et on voit aisément que la topologie I-adique sur A
coïncide avec celle induite par TT• via ψ0 . Munissons aussi K := Ker ψ0 de la
topologie TK induite par TT• , et remarquons que K est l’idéal engendré par la
suite T1 − a1 , . . . , Tn − an ; on déduit une suite exacte courte
ψ
b → A[[T1 , . . . , Tn ]] −→ A
0→K bI → 0

et la topologie de A bI coïncide avec celle induite par A[[T1 , . . . , Tn ]] via ψ (corollaire


9.24). De plus, comme A est noethérien, la topologie TK coïncide avec la topologie
I-adique de K, par le lemme de Artin-Rees, et donc K b est l’idéal engendré par
T1 − a1 , . . . , Tn − an (proposition 10.7), d’où l’assertion.
Partie (ii) : On a déjà observé que la topologie J-adique TA,J de A coïncide avec
la topologie induite par A bJ via jA,J (voir la remarque 9.16). De l’autre côté, comme
I n ⊂ J n , l’idéal J n est ouvert dans la topologie I-adique TA,I de A pour tout n ∈ N
(voir la proposition 9.5(i)), et donc l’application identité (A, TA,I ) → (A, TA,J ) est
continue (grâce à la remarque 9.2(ii)). Par le théorème 9.15, on conclut que jA,J
se factorise à travers jA,I : A → A bI et une application unique A bI → A bJ comme
souhaité.
Partie (iii) : On munit le A-module M := A ⊕ A de la topologie linéaire TM
définie par la suite de sous-modules (I n ⊕ J n | n ∈ N). Soit i : A → M l’application
A-linéaire telle que i(a) := (a, a) pour tout a ∈ A, et munissons A et N := Coker i
des topologies TA et TN induites par TM respectivement via i et via la projection
p : M → N . Par le corollaire 9.24, on déduit une suite exacte de complétions
(∗) b→M
0→A c→N
b → 0.
D’autre part, raisonnant comme dans l’exercice 9.17(i), on voit aisément que TM est
le produit des topologies I-adiques et J-adiques sur les deux facteurs respectifs de
M . De plus, TA est la topologie définie par la suite (I n ∩ J n | n ∈ N) et l’application

M → A : (a, a′ ) 7→ a − a′ induit un isomorphisme N → A qui identifie TN avec la
topologie linéaire TA′ de A définie par la suite (I n + J n | n ∈ N). On remarque :
— (I + J)2n ⊂ I n + J n ⊂ (I + J)n pour tout n ∈ N, donc TA′ est la topologie
(I + J)-adique de A.
— (I ∩J)2n ⊂ (IJ)n ⊂ (I ∩J)n pour tout n ∈ N, donc la topologie (I ∩J)-adique
sur A coïncide avec la topologie IJ-adique.
— Par le lemme de Artin-Rees, pour tout n ∈ N il existe m ∈ N tel que (I ∩
J)m ⊂ I m ∩ J n ⊂ (IJ)n ⊂ (I ∩ J)n , donc la topologie TA coïncide elle aussi
avec la topologie (I ∩ J)-adique de A.
Finalement, on conclut que (∗) est naturellement isomorphe à la suite
b
i p
b
bI∩J −
0→A →AbI ⊕ A
bJ −
→AbI+J → 0
et les assertions de l’exercice s’ensuivent aisément.

Problème 10.25 : On va parcourir la solution proposée du problème 2.32 et


on effectuera les modifications requises pour qu’elle marche dans la situation plus
générale contemplée ici. Donc, on raisonne encore par l’absurde : si U est représenté
par une A-algèbre jU : A → AU , on voit comme dans la solution du problème 2.32
que l’image de Spec jU doit être contenue dans U . Puis, d’un côté jU se factorise
à travers la localisation jU ′ : A → A[f −1 ], et de l’autre côté jU ′ est injective, car
434 é Capricorne

par hypothèse f est un élément régulier de A, donc jU est injective, et on peut


identifier A avec un sous-anneau de AU . Ensuite, on voit que la preuve du lemme
2.64 marche sans changement dans notre situation : elle montre que si a ∈ AU est
un élément tel que f n a = g m a = 0 pour certains n, m ∈ N, alors a est nilpotent.
De même, la preuve du lemme 2.65 est un argument formel qui marche pareil dans
la situation actuelle : elle montre que si AU existe, on a des isomorphismes uniques
de A-algèbres :
∼ ∼
A[f −1 ] → AU [f −1 ] A[g −1 ] → AU [g −1 ].
A partir de cela, on peut suivre la solution du problème 2.32 : le même argument
permet de conclure que pour tout b ∈ AU il existe m, n, p, q ∈ N et a′ , a′′ ∈ A avec
f n+p b = f p a′ g m+q b = g q a′′ dans AU .
D’où : g m+q p ′
f a = f g a dans A. Or, comme f est régulier dans A, on en
n+p q ′′

déduit que
g m+q a′ = f n g q a′′ dans A.
Par contre, g n’est pas forcément régulier dans A, donc on ne peut pas directement
éliminer le facteur g q de cette dernière identité. C’est ici que notre hypothèse sur
la suite (f, g) nous vient au secours ; on va montrer :
Lemme 10.26. Il existe c ∈ A tel que f n c = a′ et g m+q c = g q a′′ .
Démonstration. On va exhiber, par récurrence sur i = 0, . . . , n des éléments ci ∈ A
tels que f i ci = a′ et g m+q ci = f n−i g q a′′ . Evidemment, on obtiendra le lemme avec
c := cn . Pour i = 0, on peut prendre c0 := a′ . Supposons que ci soit déjà connu
pour un indice i ≥ 0 ; si i = n, on a terminé. Sinon, soient c̄i , ā′′ ∈ A/f A les classes
de ci et a′′ ; on remarque que g m+q c̄i = f n−i g q ā′′ = 0 dans A/f A, car n − i > 0.
D’autre part, g est régulier dans le quotient A/f A, car la suite (f, g) est régulière ;
il s’ensuit que c̄i = 0, i.e. il existe ci+1 ∈ A tel que ci = f · ci+1 , d’où g m+q f ci+1 =
f n−i g q a′′ , et comme f est régulier dans A, on obtient g m+q ci+1 = f n−i−1 g q a′′ ,
comme souhaité. 
On reprend les arguments du problème 2.32 : avec c comme dans le lemme 10.26,
on déduit aisément :
f n+p (b − c) = 0 = g m+q (b − c)
et, par ce qui précède, on conclut que b − c est nilpotent dans AU . Soit maintenant
N le radical nilpotent de AU ; l’idéal N ′ := jU−1 N de A n’est pas forcément nul,
car dans la situation actuelle A peut avoir des éléments nilpotents ; en effet, comme
jU est injectif, on voit aisément que N ′ est précisément le radical nilpotent de
A. L’application induite U : A/N ′ → AU /N est évidemment injective, mais elle
est aussi surjective, car on vient de voir que tout élément de AU est une somme
c + x avec c ∈ A et x ∈ N ; donc U est un isomorphisme. On peut alors modifier
comme suit la conclusion de la solution du problème 2.32 : on obtient un diagramme
commutatif d’applications continues
Spec jU
Spec AU / Spec A

 U 
/ Spec A/N ′
Spec AU /N
dont les flèches verticales sont induites par les projections canoniques AU → AU /N
et A → A/N ′ . Par le corollaire 1.33(i), on sait donc que les flèches verticales sont
des homéomorphismes, et la flèche horizontal en bas l’est bien sur aussi. Donc
Spec jU est un homéomorphisme. Mais cela est absurde, car on sait que l’image de
Spec jU est contenue dans U , et ce dernier est strictement contenu dans Spec A.
11. Verseau ê

11.1. Modules de longueur finie. Cette leçon est une introduction à l’étude de
la structure fine des anneaux noethériens ; en particulier, on établira la finitude
de la dimension des anneaux locaux noethériens, et on montrera que l’opération de
complétion pour une topologie adique ne change pas la dimension d’un anneau local
noethérien. Ces résultats reposent sur une investigation préliminaire de certains
invariants de nature essentiellement combinatoire associés aux modules de type fini
sur ces anneaux. Le point de départ est la définition suivante :
Définition 11.1. Soit A un anneau, M un A-module.
(i) M est simple, si M 6= 0 et les seules sous-modules de M sont 0 et M .
(ii) Une série de composition de M est une suite strictement croissante finie de
A-sous-modules
0 = M0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂ Mn = M
telle que Mi+1 /Mi soit un A-module simple pour tout i = 0, . . . , n − 1.
Exemple 11.2. (i) Bien sur, tout module n’admet pas une série de composition.
Par exemple, on voit aisément qu’un Z-module est simple si et seulement s’il est
cyclique de la forme Z/pZ avec p un nombre premier arbitraire. Il s’ensuit qu’un Z-
module non nul admet une série de composition si et seulement s’il est de cardinalité
finie, i.e. si et seulement s’il est de torsion et de type fini.
(ii) Plus généralement, on voit aisément que tout A-module simple doit être
cyclique, donc isomorphe à un A-module de la forme A/I pour un idéal I ( A ;
de plus, si m ⊂ A est un idéal maximal qui contient I, le A-module A/I contient
le sous-module m/I, et donc I = m. Autrement dit, tout A-module simple est
isomorphe au corps résiduel k(m) d’un idéal maximal m de A.
Proposition 11.3. Soit M un A-module qui admet une série de composition
(Mi | i = 0, . . . , n). Soit aussi 0 = N0 ⊂ N1 ⊂ · · · ⊂ Nk = M une autre suite
de sous-modules tels que Ni+1 /Ni 6= 0 pour tout i = 0, . . . , k. Alors k ≤ n.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur n. Si n = 1, M est simple, et
l’assertion est évidente. Supposons n > 1; comme M1 est simple, il existe un unique
i < k tel que Ni ∩ M1 = 0 et Ni+1 ∩ M1 = M1 , d’où Ni ( Ni + M1 ⊂ Ni+1 . Quitte
à interposer le sous-module Ni + M1 dans la deuxième suite (et ainsi remplacer k
par k + 1), on peut donc supposer que Ni+1 = Ni ⊕ M1 . On en déduit une suite
Ni+1 Ni+2 M
0 = N0 ⊂ N1 ⊂ · · · ⊂ Ni ⊂ = Ni ⊂ ⊂ ··· ⊂
Ni+1 ∩ M1 Ni+2 ∩ M1 M1
de longueur ≤ k − 1. Mais le A-module M/M1 admet la série de composition
(Mi /M1 | i = 1, . . . , n) de longueur n − 1. Par hypothèse de récurrence on déduit
que k − 1 ≤ n − 1, i.e. k ≤ n, comme souhaité. 
436 ê Verseau

Corollaire 11.4. Si le A-module M admet deux séries de composition, les lon-


gueurs de ces séries sont égales. 
Définition 11.5. Soit A un anneau, M un A-module. On dit que M est de longueur
finie s’il admet une série de composition (Mi | i = 0, . . . , n). Dans ce cas, on appelle
longueur de M l’entier n, et on la dénote
lA (M ).
Si M n’est pas de longueur finie, on pose lA (M ) := +∞. Par le corollaire 11.4 on
voit que la longueur de M ne dépend que du A-module M .
Exemple 11.6. (i) Soit M le Z-module Z/12Z ; on a la série de composition
0 ⊂ 6Z/12Z ⊂ 3Z/12Z ⊂ M
donc lZ (Z/12Z) = 3. La suite ci-dessus n’est pas l’unique série de composition de
Z/12Z, car on a aussi la série : 0 ⊂ 4Z/12Z ⊂ 2Z/12Z ⊂ M (de la même longueur).
(ii) Si K est un corps, évidemment un K-module M est de longueur finie si et
seulement s’il est de K-dimension finie, et on a lK (M ) = dimK M .
(iii) Soit φ : A → B un homomorphisme d’anneaux, et M un B-module. Au vu
de la proposition 11.3 on voit aisément que
(∗) lA (M[φ] ) ≥ lB (M ).
De plus, noter que si φ est surjectif et N est un B-module simple, N[φ] est un
A-module simple ; il s’ensuit aisément que dans ce cas on a l’égalité dans (∗).
Exercice 11.7. Soit A un anneau, S ⊂ A une partie, j : A → S −1 A l’application
de localisation, et M un A-module de longueur finie. Montrer que
lS −1 A (S −1 M ) = lA ((S −1 M )[j] ) ≤ lA (M ).
Lemme 11.8. Soit A un anneau, et
i p
0 → M′ − → M ′′ → 0
→M −
une suite exacte courte de A-modules. Alors, M est de longueur finie si et seulement
si M ′ et M ′′ le sont. Le cas échéant on a :
lA (M ) = lA (M ′ ) + lA (M ′′ ).
Démonstration. Supposons que M soit de longueur finie, et soit (Mj | j = 0, . . . , n)
une série de composition pour M . On voit aisement que, pour tout j = 0, . . . , n−1 le
sous-quotient i−1 (Mj+1 )/i−1 (Mj ) est soit nul, soit simple, donc la suite (i−1 Mj | j =
0, . . . , n) devient une série de composition pour M ′ , quitte à éliminer des répéti-
tions. De même pour le sous-quotient p(Mj+1 )/p(Mj ), et donc la suite (p(Mj ) | j =
0, . . . , n) devient une série de composition pour M ′′ , encore quitte à éliminer des
répétitions dans cette suite.
Réciproquement, si lA (M ′ ) = n′ et lA (M ′′ ) = n′′ , et si (Mi′ | i = 0, . . . , n′ ) et
(Mj′′ | j = 0, . . . , n′′ ) sont des séries de composition pour M ′ et respectivement M ′′ ,
on obtient la série de composition de M :
0 = i(M0′ ) ⊂ · · · ⊂ i(Mn′ ′ −1 ) ⊂ i(M ′ ) ⊂ p−1 (M1′′ ) ⊂ · · · ⊂ p−1 (Mn′′′′ −1 ) ⊂ M
de longueur n′ + n′′ . 
Remarque 11.9. Soit A un anneau, M un A-module, et 0 = M0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂
Mn = M une filtration finie par A-sous-modules de M . Par une simple récurrence
sur n ∈ N, on déduit aisément du lemme 11.8 que M est de longueur finie si et
seulement si Mk+1 /Mk est de longueur finie pour tout k = 0, . . . , n − 1, et le cas
échéant on a
n−1
X
lA (M ) = lA (Mk+1 /Mk ).
k=0
§ 11.2: Série de Hilbert-Poincaré d’un module gradué 437

Proposition 11.10. Soit A 6= {0} un anneau noethérien. Les conditions suivantes


sont équivalentes :
(a) dim A = 0.
(b) Tout A-module de type fini a longueur finie.
(c) lA (A) < +∞.
Démonstration. (a) ⇒ (b) : Par le théorème 7.26, on a une décomposition A =
A1 ×· · ·×Ak dont les facteurs Ai sont des anneaux locaux noethériens de dimension
zéro. Si M est un A-module, l’exercice 4.27(i) (avec une simple récurrence sur k)
nous donne une décomposition correspondante M = M1 × · · · × Mk pour certains
Ai -modules Mi (i = 1, . . . , k). Evidemment, si M est un A-module de type fini, Mi
est un Ai -module de type fini pour tout i = 1, . . . , k ; compte tenu de la remarque
11.9, on est réduit à montrer que lAi (Mi ) < +∞ pour tout i = 1, . . . , k.
On peut donc supposer du départ que A soit local. De plus, encore par la re-
marque 11.9, on est aisément réduit au cas où M est cyclique, disons M ≃ A/I pour
un idéal I ⊂ A, et grâce au lemme 11.8, il suffit de montrer que lA (A) < +∞. Or,
soit m ⊂ A l’idéal maximal ; par le théorème 7.24 il existe n ∈ N tel que mn = 0,
d’où une filtration finie 0 ⊂ mn−1 ⊂ mn−2 ⊂ · · · m ⊂ A, et une fois de plus à
l’aide de la remarque 11.9, on voit qu’il suffit de montrer que lA (mi /mi+1 ) est finie
pour tout i = 0, . . . , n − 1. Mais mi /mi+1 est un k(m)-module de type fini, donc
lk(m) (mi /mi+1 ) < +∞, d’où l’assertion (voir l’exemple 11.6(ii,iii)).
(b) ⇒ (c) est triviale.
(c) ⇒ (a) : Supposons par l’absurde, que dim A > 0, et soit m un idéal maximal
de A tel que dim Am > 0 ; compte tenu de l’exercice 11.7, il suffit de montrer que
lAm (Am ) = +∞. Cela se déduit aisément des propositions 7.27 et 11.3. 
Exemple 11.11. Comme application, on va montrer encore une autre solution
de la question (c) du problème 4.41(i). Donc, soit f : An → Am une application
A-linéaire injective ; raisonnant comme dans l’exemple 6.70 on peut supposer que
A soit noethérien, et par l’exercice 2.7(i) on peut choisir un idéal premier minimal
p ⊂ A. L’application IdAp ⊗A f : Anp → Am p est encore injective, car Ap est une
A-algèbre plate (voir la remarque 4.54(i,ii)). On peut donc remplacer A par Ap et
supposer que A soit noethérien de dimension zéro. Mais dans ce cas, grâce à la
proposition 11.10 et au lemme 11.8 on a l’identité :
lA (Im f ) + lA (Coker f ) = lA (Am ) = m · lA (A).
D’autre part, lA (Im f ) = lA (An ) = n · lA (A), car f est injective. On a lA (A) > 0,
car A 6= 0, donc n ≤ m, CQFD.
Exercice 11.12. Soit (A, m) un anneau local noethérien, et I ⊂ m un idéal de A.
Montrer que lA (A/I) < +∞ si et seulement si I est m-primaire.
L
11.2. Série de Hilbert-Poincaré d’un module gradué. Soit A := n∈N An
un anneau gradué noethérien. Grâce à l’exercice 6.75(i) on sait que A est une A0 -
algèbre de type fini, que l’on peut supposer engendrée par un système x1 , . . . , xs
d’éléments homogènes, de degrés k1 , . . . , ks > 0.
L
Définition 11.13. Avec la notation ci-dessus, soit M := n∈N Mn un A-module
gradué. On dit que M est borné s’il est de type fini et lA0 (Mn ) < +∞ pour tout
n ∈ N.
Remarque 11.14. (i) Tout quotient gradué et tout sous-module gradué d’un A-
module borné est évidemment borné.
(ii) Si A0 est artinien, tout A-module gradué M de type fini est borné ; en effet,
par l’exercice 6.75(ii) chaque composante homogène Mn de M est un A0 -module
de type fini, donc de longueur finie, par la proposition 11.10.
438 ê Verseau

A tout A-module gradué borné M on associe la série de Hilbert-Poincaré :


X
P (M, t) := lA0 (Mn ) · tn ∈ Z[[t]].
n∈N

Théorème 11.15. (Hilbert-Serre) Avec la notation ci-dessus, il existe un polynôme


f (t) ∈ Z[t] tel que
f (t)
P (M, t) = Qs ki
.
i=1 (1 − t )
De plus, si M 6= 0, la fonction méromorphe P (M, t) n’a pas de zéro pour t = 1.
Démonstration. On montrera plus précisément que pour toute partie I ⊂ {1, . . . , s}
il existe une fonction rationnelle
gI (t)
PI (M, t) = Q ki
avec gI (t) ∈ N[t]
i∈I (1 − t )
P
tel que P (M, t) = I⊂{1,...,s} PI (M, t). On raisonne par récurrence sur s. Si s = 0,
on a A = A0 , et il s’ensuit aisément qu’il existe n ∈ N tel que Mk = 0 pour tout
k ≥ n, d’où P (M, t) ∈ N[t].
Supposons donc que s > 0, et que l’assertion soit déjà connue pour tout anneau
gradué B engendré sur B0 = A0 par un système de s − 1 éléments homogènes, et
tout B-module borné de type fini. Notons que A := A/xs A est un anneau gradué,
engendré par x1 , . . . , xs−1 sur A0 = A0 , car xs est un élément homogène. Comme A
est noethérien et M de type fini, la suite des sous-modules K j := Ker (xjs · IdM ) est
stationnaire, donc disons que K r = K r+1 ; il s’ensuit que la multiplication scalaire
par xs est injective sur M ′ := M/K r . Comme xs est un élément homogène de A, la
graduation de M induit des graduations naturelles sur les modules K 1 , . . . , K r , M ′ ,
de telle façon que Kn1 ⊂ · · · ⊂ Knr ⊂ Mn et Mn′ = Mn /Knr pour tout n ∈ N.
En particulier, K 1 , . . . , K r et M ′ sont aussi des A-modules bornés, et grâce à la
remarque 11.9 on a
r−1
X
P (M, t) = P (M ′ , t) + P (K j+1 /K j , t).
j=1

De plus, évidemment K j+1 /K j est un A-module, et par hypothèse de récurrence,


on sait alors que les séries P (K j+1 /K j , t) s’ecrivent sous la forme souhaitée, pour
tout j = 1, . . . , r − 1. Il suffit donc de montrer l’assertion pour P (M ′ , t), i.e. on est
ramené au cas où la multiplication scalaire par xs est injective sur M .
Dans ce cas, on pose Mn := 0 pour tout entier n < 0 ; la multiplication scalaire
par xs sur M se restreint en une application A0 -linéaire Mn → Mn+ks pour tout
n ∈ Z, dont on dénote le conoyau Ln+ks d’où la suite exacte courte de A0 -modules
(∗) 0 → Mn → Mn+ks → Ln+ks → 0 ∀n ∈ Z.
L
Or, L := n∈Z Ln = Coker (xs · IdM ), donc L est un A-module borné de type fini.
De plus, évidemment xs · L = 0, i.e. L est un A-module. D’autre part, compte tenu
du lemme 11.8, la suite exacte (∗) donne l’identité :
lA0 (Mn ) − lA0 (Mn+ks ) + lA0 (Ln+ks ) = 0 ∀n ∈ Z.
Si on multiplie chaque identité ci-dessus par tn+ks et on additionne, on obtient
(1 − tks ) · P (M, t) = P (L, t)
et par hypothèse de récurrence la série P (L, t) s’écrit sous la forme souhaitée, donc
de même pour P (M, t). Il reste à vérifier que P (M, t) n’a pas de zéro en t = 1,
si M 6= 0. Pour cela, notons que gI (1) > 0 pour toute partie I ⊂ {1, . . . , s} avec
gI 6= 0, et de plus le polynôme 1 − tki a un zéro simple et dérivée négative en t = 1
§ 11.2: Série de Hilbert-Poincaré d’un module gradué 439

pour tout i ∈ I ; donc, pour une telle I, il existe une fonction méromorphe QI (t),
holomorphe au voisinage de t = 1, telle que
PI (M, t) = (1 − t)−dI · QI (t) avec QI (1) > 0
et où dI est la cardinalité de I. Soit d := max(dI | I ⊂ {1, . . . , s} avec gI 6= 0), et
S := {I ⊂ {1, . . . , s} | dI = d} ; il s’ensuit que P (M, t) = (1 − t)−d · Q(t),
P pour une
fonction Q(t) méromorphe et holomorphe en t = 1, et de plus Q(1) = I∈S QI (1) >
0, d’où l’assertion. 
Pour tout A-module borné M on notera
d(M ) ∈ N
l’ordre du pôle de P (M, t) en t = 1. Si M = 0, on a P (M, t) = 0, et on posera
d(M ) := 0 dans ce cas. Grâce au théorème 11.15 on voit que d(M ) ≤ s.
Corollaire 11.16. Avec la notation ci-dessus, supposons k1 = k2 = · · · = ks = 1
( i.e. la A0 -algèbre A est engendrée par sa composante homogène A1 ). Alors il existe
un polynôme HM (X) ∈ Q[X] de degré d(M ) − 1 et un entier r ∈ N tels que
lA0 (Mn ) = HM (n) ∀n ≥ r.
(Ici, on pose degX 0 = −1, donc pour d(M ) = 0, on a HM (X) = 0).
Démonstration. Si M = 0, l’assertion est triviale. Si M 6= 0, on a P (M, t) 6= 0,
et par définition P (M, t) = f (t) · (1 − t)−d pour un polynôme f (t) ∈ Z[t] tel
PN
que f (1) 6= 0, et avec d := d(M ). Disons f (t) := j=0 aj t . Si d = 0, on a
j

P (M, t) = f (t), donc lA0 (Mn ) = 0 pour tout n ≥ N , d’où le corollaire, dans ce cas.
Si d ≥ 1, un calcul standard donne le développement de Taylor
1 X d + j − 1
= · tj
(1 − t)d d−1
j∈N

d’où :
N 
X 
d+n−j−1
lA0 (Mn ) = · aj ∀n ≥ N.
j=0
d−1
On voit aisément que cette expression est un polynôme de la variable n, à coefficients
rationnels, et de degré ≤ d − 1 ; de plus, le coefficient en degré d − 1 est
N
X
1 f (1)
· aj = 6= 0
(d − 1)! j=0 (d − 1)!

d’où le corollaire. 
Le polynôme HM (X) dont l’existence est assurée par le corollaire 11.16 est appelé
le polynôme de Hilbert de M .
Exemple 11.17. Soit A0 6= {0} un anneau artinien, et on pose A := A0 [T1 , . . . , Ts ].
L’anneau A est muni de la graduation telle que An soit le A0 -module libre engendré
par les monômes de degré total n, pour tout n ∈ N. On va déterminer la série de
Hilbert-Serre P (A, t) par deux méthodes différentes :
• D’abord, on va compter le monômes de degré n en s variables pour tout
n, s ∈ N, autrement dit, la cardinalité Pscn,s de l’ensemble En,s des suites de nombres
naturels ν• := (ν1 , . . . , νs ) tels que i=1 νi = n. Or, à une telle suite ν• on associe
la suite (µ1 , . . . , µs−1 ) telle que
i
X
µi := i + νi ∀i = 1, . . . , s − 1.
j=1
440 ê Verseau

On voit que 1 ≤ µ1 < µ2 < · · · < µs−1 ≤ n + s − 1, et on dénote En,s ′


l’ensemble des
suites µ• de nombres naturels qui satisfaient cette dernière condition. On obtient
ainsi une application φ : En,s → En,s ′
qui est évidemment injective. Cette appli-
cation est aussi surjective : en effet, sa réciproque est calculée explicitement de la
façon suivante. Si µ• ∈ En,s ′
, on pose µ0 := 0, µs := n + s, et on associe à µ• la
suite ν• telle que νi := µi − µi−1− 1 pour tout i = 1, . . . , s. On voit aisément que
la cardinalité de En,s

est n+s−1
s−1 , d’où
 
n+s−1
lA0 (An ) = lA0 (A0 ) · ∀n ∈ N.
s−1
Il s’ensuit que P (A, t) = lA0 (A0 ) · (1 − t)−s (cp. la preuve du corollaire 11.16), et
finalement d(A) = s.
• La deuxième méthode consiste à développer directement en série de puissances
la fonction rationelle (1 − t)−s :
1 X s X X X  X
ν ν1 νs n
= t = t · · · t = t = cn,s tn
(1 − t)s s
ν∈N ν• ∈N n∈N ν• ∈En,s n∈N

retrouvant ainsi plus directement le même résultat.


Proposition 11.18. Soit A un anneau gradué noethérien, M un A-module gradué
borné, x ∈ A un élément homogène de degré k ≥ 1 et M -régulier (voir la définition
10.21(i)). Alors
d(M/xM ) = d(M ) − 1.
Démonstration. On remarque d’abord que L := M/xM est bien un A-module
gradué, car x est homogène ; plus précisément, la composante homogène de L en
degré n ∈ N est Mn /xMn−k si n ≥ k, et Mn pour n < k. Cela posé, le lemme 11.8
nous donne les identités :
lA0 (Mn ) − lA0 (Mn+k ) + lA0 (Ln+k ) = 0 ∀n ∈ N.
On procède maintenant comme dans la preuve du théorème 11.15 : on multiplie ces
identités par tn+k et on additionne, ce qui donne l’identité :
(1 − tk ) · P (M, t) = P (L, t).
Mais 1 − tk a un zéro d’ordre 1 en t = 1, d’où l’assertion. 
Exercice 11.19. On revient à la partie (ii) de l’exercice 6.77 : noter que le groupe
D2n agit sur B := K[X, Y ] par des automorphismes d’algèbres graduées, i.e. si
Bn ⊂ B dénote le K-sous-espace vectoriel des polynômes homogènes de degré n,
on a g(Bn ) = Bn pour tout n ∈ N et tout g ∈ D2n . Il s’ensuit que B hσi et B D2n
sont des K-algèbres graduées. Déterminer P (B hσi , t) et P (B D2n , t) (cela veut dire
que l’on regarde B hσi comme un B hσi -module gradué libre de type fini, et on veut
calculer la série d’Hilbert-Poincaré de ce B hσi -module, et de même pour B D2n ).
11.3. Modules filtrés et polynôme de Samuel. On va maintenant appliquer
les résultats du paragraphe précédent aux anneaux noethériens non-gradués et aux
modules munis d’une filtration.
Proposition 11.20. Soit A un anneau noethérien, I ⊂ A un idéal qui est engendré
par un système de s éléments, M un A-module de type fini, M• := (Mn | n ∈ N)
une I-filtration stable de M , et on suppose que lA (M/IM ) < +∞. Alors :
(i) lA (M/Mn ) < +∞ pour tout n ∈ N.
(ii) Il existe un polynôme g(X) ∈ Q[X] de degré ≤ s et un entier r ∈ N tels que
g(n) = lA (M/Mn ) pour tout n ≥ r.
(iii) Le degré et le coefficient principal de g(X) sont indépendants de M• .
§ 11.3: Modules filtrés et polynôme de Samuel 441

Démonstration. On définit l’anneau gradué G(A, I) et le G(A, I)-module gradué


G(M• ) comme dans le paragraphe 10.2 (voir la remarque 10.13(i)).
(i) : Au vu du lemme 10.2, il suffit de montrer que lA (M/I n M ) < +∞ pour tout
n ∈ N ; mais le lemme 11.8 implique aisément que
n−1
X
lA (M/I n M ) = lA (I k M/I k+1 M )
k=0

donc on est ramené à montrer que lA (I k M/I k+1 M ) < +∞ pour tout k ∈ N. Soit
M•′ := (I k M | k ∈ N) la filtration I-adique de M ; la multiplication scalaire du
G(A, I)-module G(M•′ ) se restreint on a une application A/I-bilinéaire naturelle
(I k /I k+1 ) × (M/IM ) → I k M/I k+1 M ∀k ∈ N
d’où une application A-linéaire (I /Ik k+1
) ⊗A/I (M/IM ) → I k M/I k+1 M qui est
évidemment surjective. Or, I /I k k+1
est un A/I-module de type fini, disons engen-
dré par des elements a1 , . . . , ap ; on déduit une application A/I-linéaire surjective
(A/I)p → I k /I k+1 , et finalement on conclut que I k M/I k+1 M est un quotient du
A/I-module (M/IM )p dont la longueur est p · lA (M/IM ) < +∞, d’où l’assertion.
(ii) : Par le lemme 10.14, le G(A, I)-module G(M• ) est de type fini, et la partie (i)
de la proposition implique que G(M• ) est borné ; évidemment G(A, I) est engendré
par sa composante homogène I/I 2 de degré 1, qui est par hypothèse un A/I-
module de type fini, engendré par un système de s éléments. Par le corollaire 11.16,
il s’ensuit qu’il existe H(X) ∈ Q[X] de degré < s et un entier r ∈ N tels que
lA (Mn /Mn+1 ) = H(n) pour tout r ≥ n. De plus, encore grâce au lemme 11.8 on a
n−1
X
lA (M/Mn ) = lA (Mi /Mi+1 ) ∀n ∈ N.
i=0
On conclut que le polynôme cherché g(X) est solution du système
(
g(r) = lA (M/Mr )
g(X + 1) − g(X) = H(X).
Pour montrer que ce système admet une solution g(X) de degré ≤ s, on dénote par
Q[X]n le Q-sous-espace vectoriel de Q[X] constitué des polynômes de degré ≤ n,
pour tout n ∈ N, et on considère l’application Q-linéaire
φ : Q[X]s → Q ⊕ Q[X]s−1 f (X) 7→ (f (r), f (X + 1) − f (X)).
Par rapport aux bases B := (1, X, . . . , X s ) de Q[X]s , B ′ := (1, . . . , X s−1 ) de
Q[X]s−1 et B ′′ := {1} de Q, l’application f admet la matrice triangulaire supérieure
 
1 r r2 · · · rs
0 1 1 · · · 1 
 
 .. .. 
. 0 2 · · · . 
 
 .. .. . . 
. . 0 . s
s−2

0 0 ··· 0 s
donc f est inversible, d’où l’assertion.
(iii) : Soit (Mn′ | n ∈ N) une autre I-filtration stable de M ; par le lemme 10.2 il
existe k ∈ N tel que
Mn+k ⊂ Mn′ ⊂ Mn−k ∀n ≥ k.
Soient donc r ∈ N et h(X) ∈ Q[X] tels que h(n) = lA (M/Mn′ ) pour tout n ≥ r′ ;

on déduit
g(n + k) ≥ h(n) ≥ g(n − k) ∀n ≥ k, r, r′
d’où limn→+∞ g(n)/h(n) = 1, et l’assertion s’ensuit aussitôt. 
442 ê Verseau

En particulier, si (A, m) est un anneau local noethérien, et I est un idéal m-


primaire de A, le quotient A/I est artinien, donc M/IM est de longueur finie
par la proposition 11.10, et la proposition 11.20 s’applique à la filtration I-adique
(I n M | n ∈ N) de M . On obtient ainsi dans ce cas un entier r ∈ N et un polynôme
χIM (X) ∈ Q[X]
tel que χIM (n) = lA (M/I n M ) pour tout n ≥ r. Le polynôme χm M (X) est parfois
appelé le polynôme de Samuel de M et sera noté dans la suite simplement χM (X).
Si M 6= 0, on pose aussi
d(M ) := deg χM (X).
Proposition 11.21. Soit (A, m) un anneau local noethérien, et M un A-module
de type fini. Alors, pour tout idéal m-primaire I de A on a
deg χIM (X) = d(M ).
Démonstration. Par hypothèse, m est le radical de I ; comme m est de type fini, il
s’ensuit qu’il existe k ∈ N tel que mk ⊂ I, d’où mkn M ⊂ I n M ⊂ mn M pour tout
n ∈ N. Donc il existe r ∈ N tel que
χM (n) ≤ χIM (n) ≤ χM (nk) ∀n ≥ r
d’où l’assertion. 
Remarque 11.22. On n’essayera pas de définir d(M ) dans le cas trivial où M =
0. Noter néanmoins que pour M 6= 0, les invariants ainsi obtenus pour anneaux
gradués et anneaux locaux non-gradués se correspondent : à savoir, compte tenu
du corollaire 11.16, une inspection directe de la preuve de la proposition 11.20
montre que d(M ) est égal à l’invariant noté d(G(M• )) au paragraphe précédent,
qui est l’ordre du pôle en tL
= 1 de la série de Hilbert-Poincaré associée au G(A, I)-
module gradué G(M• ) := n∈N I n M/I n+1 M , pour tout idéal m-primaire I de A.
Dans le cas non-gradué on a aussi la contrepartie suivante de la proposition 11.18 :
Proposition 11.23. Soit (A, m) un anneau local noethérien, M 6= 0 un A-module
de type fini, et x ∈ m un élément M -régulier. Alors
d(M/xM ) ≤ d(M ) − 1.
Démonstration. Notons M ′ := xM ⊂ M , M ′′ := M/M ′ et pour tout n ∈ N soit
Mn′ := M ′ ∩ mn M ; on a la suite exacte
0 → M ′ /Mn′ → M/mn M → M ′′ /mn M ′′ → 0.
Donc il existe r ∈ N tel que lA (M ′ /Mn′ ) = χM (n) − χM ′′ (n) pour tout n ≥ r.
D’autre part, par le lemme de Artin-Rees, la m-filtration (Mn′ | n ∈ N) est stable,
et de plus M ′ ≃ M , car x est M -régulier. Par la proposition 11.20, il s’ensuit qu’il
existe r′ ∈ N et un polynôme g(X) ∈ Q[X] dont le degré et coefficient principal
sont égaux à ceux de χM , et tel que lA (M ′ /Mn′ ) = g(n) pour tout n ≥ r′ . Cela
implique immédiatement que deg χM ′′ < deg χM . 
Corollaire 11.24. Soit (A, m) un anneau local noethérien, et
0 → M ′ → M → M ′′ → 0
une suite exacte courte de A-modules non nuls de type fini. Alors
d(M ) = max(d(M ′ ), d(M ′′ )).
Démonstration. Pour tout n ∈ N on pose Mn′ := M ′ ∩ mn M . Si on applique le
lemme 11.8 à la suite exacte
0 → M ′ /Mn′ → M/mn M → M ′′ /mn M ′′ → 0 ∀n ∈ N
§ 11.4: Théorie de la dimension des anneaux locaux noethériens 443

on déduit qu’il existe r ∈ N tel que χM (n) = lA (M ′ /Mn′ )+χM ′′ (n) pour tout n ≥ r.
De l’autre côté, la m-filtration (Mn′ | n ∈ N) est stable, par le lemme de Artin-Rees,
donc la proposition 11.20 nous donne un entier r′ ∈ N et un polynôme g(X) ∈ Q[X]
de degré d(M ′ ) tel que lA (M ′ /Mn′ ) = g(n) pour tout n ≥ r’. On conclut :
χM (n) = g(n) + χM ′′ (n) ∀n ≥ r, r′ .
Les coefficients principaux de ces polynômes sont positifs, car ils prennent leur
valeurs dans N, pour tout n ≥ r, r′ . L’assertion est une consequence immédiate. 
11.4. Théorie de la dimension des anneaux locaux noethériens. Soient
(A, m) un anneau local noethérien, M 6= 0 un A-module de type fini. On dénote
δ(M )
le plus petit des entiers n ∈ N tels qu’il existe un système x1 , . . . , xn d’éléments de
m avec lA (M/(x1 M + · · · + xn M )) < +∞.
Remarque 11.25. Compte tenu de l’exercice 11.12, on voit que δ(A) est le plus petit
des entiers n tels qu’il existe un idéal m-primaire de A engendré par n éléments.
Théorème 11.26. Avec la notation ci-dessus, on a :
δ(M ) = d(M ) = dim M.

Démonstration. Rappelons que dim M := dim(Supp M ) (remarque 4.46(ii)).


• Montrons d’abord que δ(M ) ≥ d(M ) : en effet, soit I ⊂ m un idéal engendré
par δ(M ) éléments, tel que lA (M/IM ) < +∞ ; par la proposition 11.20, il existe
r ∈ N et un polynôme g(X) ∈ Q[X] de degré ≤ δ(M ) tel que lA (M/I n M ) = g(n)
pour tout n ≥ r. Evidemment, lA (M/mn M ) ≤ lA (M/I n M ) pour tout n ∈ N, donc
d(M ) ≤ deg g(X), d’où l’assertion.
• Ensuite, montrons que d := d(A) ≥ dim A. On raisonne par récurrence sur d.
Si d = 0, la fonction n 7→ lA (A/mn ) est stationnaire, i.e. il existe n ∈ N tel que
mn = mn+1 , d’où dim A = 0, par la proposition 7.27. Soit donc d > 0 et on suppose
que l’inégalité souhaité soit déjà connue pour tout anneau local noethérien B avec
d(B) < d. Si dim A = 0, l’assertion est triviale ; sinon, on peut trouver une chaîne
strictement croissante p0 ( p1 ( · · · ( pr d’idéaux premiers de A de longueur
r ≥ 1, et dans ce cas on choisit x ∈ p1 \ p0 , on pose A := A/p0 et on dénote par
x̄ ∈ A la classe de x. Par construction, x̄ 6= 0 et A est intègre ; par la proposition
11.23 on déduit que
d(A/x̄A) ≤ d(A) − 1.
Soit aussi m := m/p0 l’idéal maximal de A ; évidemment
lA (A/mn ) ≤ lA (A/mn ) ∀n ∈ N
donc d ≥ d(A) et on conclut que d − 1 ≥ d(A/x̄A). Par l’hypothèse de récurrence,
on obtient dim A/x̄A ≤ d − 1 ; mais les images des p1 , . . . , pr nous donnent une
chaîne strictement croissante d’idéaux premiers de A/x̄A, donc r − 1 ≤ d − 1, i.e.
r ≤ d, et finalement dim A ≤ d.
• Montrons que d(M ) ≥ dim M pour un A-module de type fini M arbitraire. En
effet, par le corollaire 7.11 il existe une filtration finie 0 = M0 ⊂ M1 ⊂ · · · ⊂ Mn =
M et pour tout i = 1, . . . , n un idéal premier pi de A tel que Mi /Mi−1 ≃ A/pi . Il
s’ensuit aisément que Supp M = V (p1 ) ∪ · · · ∪ V (pn ), et donc
dim M = max(dim A/p1 , . . . , dim A/pn ).
De l’autre côté, le corollaire 11.24 implique aisément que
d(M ) = max(d(A/p1 ), . . . , d(A/pn )).
Mais on vient de voir que d(A/pi ) ≥ dim A/pi pour i = 1, . . . , n, d’où l’assertion.
444 ê Verseau

• Il ne reste qu’à montrer l’inégalité dim M ≥ δ(M ). Pour cela, soit d := dim M ;
notons aussi A := A/AnnA (M ). Evidemment M est aussi un A-module, et pour
tout quotient Q := M/(x1 M + · · · + xn M ) on a lA (Q) = lA (Q) (voir l’exemple
11.6(iii)) ; on peut alors remplacer A par A, ce qui permet de supposer que dim A =
d. Par ce qui précède, on sait déjà que d < +∞, et on va exhiber inductivement
une suite d’éléments x1 , . . . , xd ∈ m tels que, pour chaque i = 1, . . . , d la hauteur
de tout idéal premier contenu dans le support de Qi := M/(x1 M + · · · + xi M ) soit
≥ i. Comme m est l’unique idéal premier de A de hauteur d, on en déduira que
Supp Qd = {m}, i.e. le radical de I := AnnA Qq est m, donc A/I est artinien et Qd
est un A/I-module de type fini, et finalement lA (Qd ) = lA/I (Qd ) < +∞ (grâce à
la proposition 11.10 et l’exemple 11.6(iii)), d’où l’inégalité souhaitée.
Posons donc Q0 := M ; trivialement, tout p ∈ Supp Q0 a hauteur ≥ 0. Soit en-
suite d ≥ i > 0, et on suppose que le quotient Qi−1 a déjà été exhibé. Rappelons que
Supp Qi−1 admet un nombre fini d’éléments minimaux p1 , . . . , ps (voir le théorème
7.18(iii) et le corollaire 7.9(iv)). Par hypothèse, ht pj ≥ i − 1 pour tout j = 1, . . . , s,
et quitte à permuter les pj , on peut supposer qu’il existe t ≤ s tel que
ht pj = i − 1 ∀j = 1, . . . , t et ht pj ≥ i ∀j = t + 1, . . . , s.
St
En particulier, pj ( m pour tout j = 1, . . . , t, donc on peut trouver xi ∈ m \ j=1 pj
(voir la proposition 2.5), et on pose Qi := Qi−1 /xi Qi−1 . Evidemment, Supp Qi ⊂
Supp Qi−1 , d’où ht p ≥ i − 1 pour tout p ∈ Supp Qi . De l’autre côté, les seuls
éléments de Supp Qi−1 de hauteur i−1 sont les idéaux premiers p1 , . . . , pt ; mais pour
tout q ∈ Qi , on a forcément xi ∈ AnnA (q), donc aucun des p1 , . . . , pt appartient à
Supp Qi (voir le corollaire 7.9(ii)). On conclut que tout p ∈ Supp Qi a hauteur ≥ i,
ce qui achève la preuve du théorème. 
Le théorème 11.26 nous dit en particulier que tout anneau local noethérien a
dimension finie. Ce résultat est autant plus remarquable, du fait qu’il existe des
anneaux noethériens (forcément non-locaux) de dimension infinie. Notons plus pré-
cisément le corollaire suivant, qui avait déjà été annoncé au paragraphe 7.4.1 :
Corollaire 11.27. Soit (A, m) un anneau local noethérien. On a :

dim A ≤ dimk(m) m/m2 .

Démonstration. En effet, par la proposition 4.39 on sait que m est engendré par
tout système d’éléments qui relève une base de m/m2 , d’où δ(A) ≤ dimk(m) m/m2 ,
et il suffit d’appliquer le théorème 11.26. 
Exemple 11.28. (i) Soit K un corps, et on pose B := K[T1 , . . . , Tn ]. Pour a :=
(a1 , . . . , an ) ∈ K n , soit aussi m ⊂ B l’idéal maximal engendré par (T1 −a1 , . . . , Tn −
an ), et on pose A := Bm . L’idéal maximal de A est engendré par n éléments, donc
dim A ≤ n, par le corollaire 11.27 ; d’autre part, on a la chaîne strictement croissante
d’idéaux premiers de A :
0 ⊂ (T1 − a1 )A ⊂ (T1 − a1 )A + (T2 − a2 )A ⊂ · · · ⊂ mA
de longueur n, d’où : dim A = n.
(ii) Soit C une K-algèbre intègre de type fini, et notons d le degré de transcen-
dence de Frac(C) sur K. On va montrer que
ht m = d ∀m ∈ Max C
et en particulier, dim C = d. Pour cela, on utilise le problème 6.11(ii), qui nous
fournit x1 , . . . , xd ∈ C algébriquement indépendants sur K, et tels que C est entier
sur son sous-anneau C0 := K[x1 , . . . , xd ]. Or, soit m ⊂ C un idéal maximal et on
pose m0 := C0 ∩ m ; le corollaire 6.18 implique que ht m ≤ ht m0 , et le théorème du
§ 11.4: Théorie de la dimension des anneaux locaux noethériens 445

going down 6.27 nous donne l’inégalite opposée ; on est donc ramené au cas où C =
K[T1 , . . . , Td ]. Supposons d’abord que K soit algébriquement fermé ; dans ce cas,
le Nullstellensatz nous dit que tout idéal maximal de C est de la forme ma comme
dans (i) ci-dessus, pour lesquels l’assertion est déjà connue. Si K est arbitraire,
soit K une cloture algébrique de K ; l’inclusion naturelle C ⊂ C := K[T1 , . . . , Td ]
est une extension entière ; en particulier, l’application induite Max C → Max C est
surjective (corollaire 6.22(i)), et raisonnant comme ci-dessus on voit aisément que
dim C = dim C, d’où l’identité souhaitée.
Exercice 11.29. (i) Soit K un corps algébriquement clos, A une K-algèbre de type
fini, et m1 , . . . , mn un système fini d’éléments distincts de V := Max A ; notons W
l’ensemble algébrique obtenu de V , après pincement des points m1 , . . . , mn , suivant
la construction détaillée au paragraphe 6.4.1. Donc, W = Max A′ , où A′ ⊂ A est
l’équaliseur des projections A → A/mi = K (i = 1, . . . , n), et tout système t1 , . . . , tr
de générateurs de la K-algèbre A′ induit un plongement de W dans K r . Pour tout
i = 1, . . . , n, soit aussi di := dim Ami . Montrer que r ≥ d1 + · · · + dn .
(ii) Par exemple, l’ensemble algébrique obtenu en pinçant n points de l’espace
affine K d = Max K[T1 , . . . , Td ], ne peut pas être plongé dans K r , si r < nd.
Le corollaire suivant est la traduction algébrique de l’observation géométrique
intuitive selon laquelle toute composante irréductible de l’ensemble des solutions
d’un système de r équations polynomiales a codimension ≤ r.
Corollaire 11.30. Soit A un anneau noethérien, et I ⊂ A un idéal engendré par
un système de r éléments. Alors tout idéal premier minimal de V (I) a hauteur ≤ r.
Démonstration. En effet, si p est minimal dans V (I), l’idéal IAp est pAp -primaire
dans la localisation Ap (voir l’exemple 7.14(ii)), d’où δ(Ap ) ≤ r, et il suffit encore
d’appliquer le théorème 11.26. 
Corollaire 11.31. Soit A un anneau noethérien, x ∈ A un élément régulier et non
inversible. On a :
(i) (Hauptidealsatz) Tout idéal premier minimal de V (Ax) est de hauteur 1.
(ii) Si A est local, dim A/xA = dim A − 1.
Démonstration. (i) : Soit p minimal dans V (Ax) ; on sait déjà que ht p ≤ 1, grâce
au corollaire 11.30. Si ht p = 0, tout élément de p est un diviseur de zéro, par la
remarque 7.20(iii) et le corollaire 7.9(iv). Mais p contient x, contradiction.
(ii) : Par (i), on voit déjà aisément que d := dim A/xA ≤ dim A − 1 (alternative-
ment, on peut appliquer la proposition 11.23 et le théorème 11.26). D’autre part, soit
m ⊂ A l’idéal maximal ; par le théorème 11.26 il existe des éléments x1 , . . . , xd ∈ m
dont les classes dans A/xA engendrent un idéal (m/xA)-primaire. Mais alors le
système (x1 , . . . , xd , x) engendre un idéal m-primaire de A, d’où d + 1 ≥ dim A,
encore grâce au théorème 11.26. 
Corollaire 11.32. Soit (A, m) un anneau local noethérien, I ⊂ m un idéal de A,
b la complétion I-adique de A. Alors
et on dénote A
dim Ab = dim A.

Démonstration. Posons B := A b ; on munit m de la topologie I-adique, et on dénote


mB ⊂ B la complétion de m ; rappelons que B est noethérien, d’idéal maximal
mB , grâce au corollaire 10.10 et au théorème 10.17. On considère d’abord le cas où
I = m ; par les corollaires 9.25 et 10.9(i) on a des isomorphismes de A-modules
A/mn ≃ B/mnB ∀n ∈ N
d’où χA (X) = χB (X), et l’assertion s’ensuit dans ce cas, grâce au théorème 11.26.
446 ê Verseau

b
Pour un idéal I ⊂ m général, munissons B de la topologie mB -adique, et soit B
la complétion (mB -adique) de B. Par le cas précédent, on sait que
dim Bb = dim B.
De l’autre côté, mnB = mcn est un idéal ouvert pour la topologie I-adique de B, pour
tout n ∈ N (voir le corollaire 10.10), et donc l’application naturelle A/mn → B/mnB
est bijective pour tout n ∈ N ; par la proposition 9.23 on déduit un isomorphisme
b→ ∼ ∼
B lim B/mn → lim A/mn
←− B ←−
n∈Nop n∈Nop

b est aussi la complétion m-adique de A, d’où dim B


i.e. B b = dim A, par le cas
précédent, ce qui achève la preuve du corollaire. 
Comme application du Hauptidealsatz, on a le critère suivant de factorialité :
Théorème 11.33. Soit A un anneau intègre noethérien. Les conditions suivantes
sont équivalentes :
(a) A est factoriel.
(b) Tout idéal premier de A de hauteur 1 est principal.
(c) Pic A = 0 et Ap est factoriel pour tout p ∈ Spec A.
Démonstration. (a)⇒(b),(c) par le lemme 5.29(i,ii) et le théorème 5.31.
(b)⇒(a) : Appelons un élément a ∈ A\{0} irréductible, s’il n’est pas inversible et
pour toute factorisation a = bc avec b, c ∈ A on a b ∈ A× ou c ∈ A× . On va montrer
d’abord que tout x ∈ A \ {0} est produit d’éléments irréductibles. En effet, soit
S ⊂ A l’ensemble des éléments non inversibles qui ne sont pas produits d’éléments
irréductibles, et supposons par l’absurde que S 6= ∅ ; comme A est noetherién,
on trouve alors x ∈ S tel que Ax soit maximal dans la famille {Ay | y ∈ S}.
Evidemment x n’est pas irréductible, donc il existe y, z ∈ A non inversibles avec
x = yz ; il vient Ax ( Ay, Az, d’où y, z ∈ / S, par maximalité de Ax. Donc y et z
sont des produits d’éléments irréductibles, et de même pour x, contradiction.
Il suffira maintenant de montrer que tout élément irréductible x ∈ A est premier.
Pour cela, soit p un idéal minimal de la partie fermée V (Ax) ⊂ Spec A ; d’après le
Hauptidealsatz, p est de hauteur 1, et il est donc principal, par hypothèse. Disons
que p = Ay ; il vient x = ay pour quelque a ∈ A, et alors a ∈ A× , car x est
irréductible. Donc Ax = p, comme souhaité.
(c)⇒(b) : Il suffit de montrer que tout idéal premier p de A de hauteur 1 est
inversible, car la nullité du groupe Pic A entraînera alors que p soit principal. Pour
cela, il suffit de vérifier que le A-module p soit de rang constant 1 (voir l’exercice
5.12). Soit donc q ∈ Spec A ; si p 6⊂ q on a pAq = Aq , d’où rkp (q) = 1. Si p ⊂ q,
l’idéal premier pAq de Aq a hauteur 1, et Aq est factoriel par hypothèse ; par ce qui
précède, pAq est alors principal, d’où a nouveau rkp (q) = 1. 
Exercice 11.34. Soit A un anneau intègre noethérien, S ⊂ A un ensemble d’élé-
ments premiers de A. Montrer que A est factoriel ⇔ S −1 A est factoriel.
Exemple 11.35. (i) Soit A0 ⊂ R un sous-anneau factoriel, et revenons aux A0 -
algèbres An des exercices 5.43 et 5.44. Pour tout n ∈ N posons
Bn := A0 [Y1 , . . . , Yn+1 , T ]/(Y12 + · · · + Yn+1
2
− T 2 ).
L’on obtient aisément un isomorphisme de A0 -algèbres :

(∗) Bn [T −1 ] → An [T, T −1] Yi 7→ T Xi .
D’autre part, l’isomorphisme de A0 [Y1 , . . . , Yn ]-algèbres :

A0 [Y1 , . . . , Yn , U, V ]/(Y12 +· · ·+Yn2 +U V ) → Bn U 7→ Yn+1 +T V 7→ Yn+1 −T
§ 11.5: Solutions 447


induit un isomorphisme : A0 [Y1 , . . . , Yn , U, U −1 ] → Bn [(Yn+1 + T )−1 ]. Or, si A0 est
factoriel, l’anneau A0 [Y1 , . . . , Yn , U, U −1 ] est factoriel (problème 5.36(ii) et lemme
5.29(ii)). Si de plus A0 est noethérien et si l’on montre que Yn+1 + T est un élément
premier de Bn , l’on déduira que Bn est factoriel, grâce à l’exercice 11.34. Mais on
a un isomorphisme évident de A0 -algèbres :

B n := Bn /(Yn+1 + T )Bn → A0 [Y1 , . . . , Yn ]/(Y12 + · · · + Yn2 )
et l’on vérifie aisément que si n > 1 le polynôme Y12 + · · · + Yn2 est irréductible dans
l’anneau factoriel A0 [Y1 , . . . , Yn ] (les détails sont laissés aux soins du lecteur), donc
B n est intègre pour tout n > 1, et alors Bn est factoriel, ainsi que sa localisation
Bn [T −1 ], pour ces mêmes valeurs de n. Compte tenu de (∗) et de l’exercice 11.34,
il s’ensuit que An [T ] est factoriel, et l’on déduit aisément qu’il en est de même
pour An . Au vu de l’exercice 5.44(ii), l’on conclut que si A0 ⊂ R est factoriel et
noethérien, l’anneau An est factoriel si et seulement n 6= 1.
(ii) Noter que le polynôme Y12 + Y22 n’est pas irréductible dans C[Y1 , Y2 ] ;
toutefois, les mêmes arguments s’adaptent aisément pour prouver que l’anneau
An′ := C[Y1 , . . . , Yn+1 ]/(Y12 + · · · + Yn+1
2
− 1) est factoriel pour tout n 6= 2 : les
détails sont confiés aux soins du lecteur.
(iii) Noter que Max An′ est une quadrique affine complexe non dégénérée de di-
mension n, et le spectre maximal de Bn′ := C[Y1 , . . . , Yn+1 , T ]/(Y12 +· · ·+Yn+12
−T 2 )
est un cône sur cette quadrique ; donc Max Bn [T ] est la partie ouverte obtenue
′ −1

en ôtant le sommet du cône. On a des descriptions analogues pour les spectres


maximaux des anneaux An , Bn et Bn [T −1 ].
11.5. Solutions aux exercices.
Exercice 11.7 : Soit (Mi | i = 0, . . . , n) une série de composition pour M . On
a des identification naturelles : S −1 (Mi /Mi−1 ) ≃ S −1 Mi /S −1 Mi−1 pour tout
i = 1, . . . , n. D’autre part, l’exemple 11.2(ii) nous dit que Mi /Mi−1 ≃ A/m pour
un idéal maximal m de A, donc S −1 Mi /S −1 Mi−1 ≃ S −1 A/S −1 m. Or, S −1 m est
soit un idéal maximal de S −1 A, soit égal à S −1 A. Dans le premier cas on voit
aisément que l’application de localisation A/m → S −1 (A/m) ≃ S −1 A/S −1 m est
un isomorphisme, donc S −1 Mi /S −1 Mi−1 est à la fois un S −1 A-module simple et
un A-module simple ; dans le deuxième cas on a S −1 Mi = S −1 Mi−1 . On conclut
que, quitte à éliminer des répétitions, la suite (S −1 Mi | i = 0, . . . , n) est une série
de composition pour le S −1 A-module S −1 M , et aussi pour le A-module (S −1 M )[j]
d’où lS −1 A (S −1 M ) = lA ((S −1 M )[j] ) ≤ lA (M ).

Exercice 11.12 : On a lA (A/I) = lA/I (A/I), grâce a l’exemple 11.6(iii), donc


lA (A/I) < +∞ si et seulement si A/I est artinien, par la proposition 11.10. Mais
A/I est artinien si et seulement si le radical de I est m, i.e. si et seulement si I est
m-primaire.

Exercice 11.19 : On utilise la presentation de B hσi fournie par l’exercice 6.77(ii).


A savoir, on a un homomorphisme surjectif de K-algèbres
g : C := K[S, T, Z] → B hσi
dont le noyau est l’idéal principal engendré par ST − Z n . On remarque que g
est un homomorphisme de K-algèbres graduées, pourvu que l’on munit C de la
graduation telle que deg S = deg T = n et deg Z = 2, et notons aussi que ST − Z n
est homogène de degré 2n, par rapport à cette graduation. Pour tout k ∈ N, soit
Ek l’ensemble des (ν1 , ν2 , ν3 ) ∈ N3 tels que nν1 + nν2 + 2ν3 = k ; la composante
homogène Ck de C est le K-espace vectoriel engendré par les monômes S ν1 T ν2 Z ν3
avec (ν1 , ν2 , ν3 ) ∈ Ek . Avec cette notation, la deuxième méthode de comptage de
448 ê Verseau

l’exemple 11.17 se généralise aisément : on développe en série de puissances


1 X  X  X 
nν1 nν2 2ν3
= t · t · t
(1 − tn )2 · (1 − t2 ) ν1∈N ν2 ∈N ν3 ∈N
X X X 
nν1 +nν2 +2ν3
= t = tk
ν• ∈N3 k∈N ν• ∈Ek

ce qui montre que P (C, t) = (1 − t ) · (1 − t ) . Pour conclure, on raisonne


n −2 2 −1

comme dans la preuve la proposition 11.18, et on trouve :


1 − t2n 1 + tn
P (B hσi , t) = n 2 2
= .
(1 − t ) · (1 − t ) (1 − tn ) · (1 − t2 )
Le cas de B D2n est analogue : on munit K[S, T ] de la graduation telle que deg S = 2
et deg T = n, et grâce à la presentation fournie par la solution de l’exercice 6.77(ii)
on trouve par le même argument l’identité
1
P (B D2n , t) = P (K[S, T ], t) = .
(1 − tn ) · (1 − t2 )

Exercice 11.29, partie (i) : Soit π : V → W la projection, et n ∈ W l’unique point


tel que π −1 (n) = S := {m1 , . . . , mn }. On montrera plus précisément que
n
X
2
dimK n/n = dimK mi /m2i .
i=1

L’assertion s’ensuivra aussitôt, compte tenu du corollaire 11.27 et de la remarque


6.92(iii). Or, la construction de W montre que n = m1 ∩· · ·∩mn = m1 · · · mn (lemme
2.6), en particulier, on peut regarder n et n2 comme des idéaux de A. Notons ensuite
que SuppA n/n2 = S ; en effet, si p ⊂ A est un idéal premier, on a
(
m 1,p · · · m n,p p/p2 si p ∈ S
(n/n2 )p = 2 =
m1,p · · · m2n,p 0 sinon.
Donc, si I := AnnA (n/n2 ), on voit que n/n2 est un A/I-module, et Spec A/I = S est
un espace topologique discrète ; par l’exercice 4.27(i,iii) on déduit un isomorphisme
naturel de K-espaces vectoriels

n/n2 → m1 /m21 ⊕ · · · ⊕ mn /m2n
d’où l’identité souhaitée.
Partie (ii) : c’est un cas particulier de (i), compte tenu de l’exemple 11.28(ii).

Exercice 11.34 : Si A est factoriel, il en est de même pour S −1 A, grâce au


lemme 5.29(ii). Réciproquement, soit S −1 A factoriel, et p ⊂ A un idéal premier de
hauteur 1 ; d’après le théorème 11.33, il suffit de montrer que p est principal. Si
p ∩ S 6= ∅, soit s ∈ p ∩ S, de telle façon que As est un idéal premier de A contenu
dans l’idéal premier p de hauteur 1 ; donc As = p est bien principal. Si p ∩ S = ∅,
l’idéal S −1 p de S −1 A est premier et de hauteur 1, donc principal, toujours par le
théorème 11.33. Dans ce cas, la partie F := {a ∈ p | S −1 p = S −1 (Aa)} est non
vide, et comme A est noethérien, on peut choisir x ∈ F tel que Ax soit maximal
dans l’ensemble {Aa | a ∈ F } partiellement ordonné par inclusion. En particulier,
aucun s ∈ S divise x, car si x = sy, l’on aurait y ∈ p et S −1 (Ax) = S −1 (Ay), d’où
y ∈ F , mais Ax serait strictement contenu dans Ay, contradiction. Or, si a ∈ p, il
existe s1 , . . . , sk ∈ S et b ∈ A avec s1 · · · sk a = xb ; on va montrer, par récurrence
sur k, que a ∈ Ax. L’assertion est triviale si k = 0. Si k > 0, on a xb ∈ Ask
et x ∈/ Ask , donc b ∈ Ask , car sk est premier ; disons b = sk b′ avec b′ ∈ A. Il
§ 11.5: Solutions 449

vient s1 · · · sk−1 a = xb′ , d’où a ∈ Ax, par hypothèse de récurrence. Cela achève de
montrer que p = Ax, et en particulier, p est principal, comme souhaité.
12. Poissons ë

12.1. Systèmes de paramètres. On démarre avec :


Définition 12.1. Soit (A, m) un anneau local noethérien de dimension d. Un sys-
tème de paramètres pour A est une suite finie x1 , . . . , xd d’éléments de A qui en-
gendre un idéal m-primaire.
Le théorème 11.26 nous dit que tout anneau local noethérien admet un système
de paramètres. Tels systèmes jouissent d’une propriété d’indépendance algébrique
exprimée par la proposition 12.3 suivante ; pour la preuve il nous faudra :
Lemme 12.2. Soit A un anneau, f ∈ A[T ] un diviseur de zéro. Alors il existe
b ∈ A non nul tel que b · f = 0.
Démonstration. On choisit g ∈ A[T ] non nul de degré minimal tel que f · g = 0 ;
disons
Xn Xm
f= ai T i g= bi T i avec an , bm , b0 6= 0.
i=0 i=0

L’hypothèse implique que an bm = 0, donc deg(an g) < deg g ; d’autre part, on a


f · (an g) = 0. Par minimalité de deg g, on déduit que an g = 0.
Ensuite, le coefficient de f · g en degré n + m − 1 est an bm−1 + an−1 bm = an−1 bm ,
d’où an−1 bm = 0, et raisonnant comme ci-dessus on déduit que an−1 g = 0. En
procédant ainsi de suite, on voit inductivement que an−i bm = 0 et donc an−i g = 0
pour i = 0, . . . , n. En particulier, an−i b0 = 0 pour i = 0, . . . , n, i.e. b0 · f = 0. 

Proposition 12.3. Soit (A, m) un anneau local noethérien, x• := (x1 , . . . , xd )


un système de paramètres pour A, et I ⊂ A l’idéal engendré par x• . Soit aussi
f (T1 , . . . , Td ) ∈ A[T1 , . . . , Td ] homogène de degré s, tel que
f (x1 , . . . , xd ) ∈ I s+1 .
Alors f ∈ m[T1 , . . . , Td ].
Démonstration. Si s = 0, l’assertion est triviale ; on suppose donc s > 0. Or, soit
A0 := A/I ; on considère l’homomorphisme surjectif d’anneaux gradués
φ : B := A0 [T1 , . . . , Td ] → G(A, I) Ti 7→ xi
où xi ∈ I/I 2 est la classe de xi , pour tout i = 1, . . . , d. On raisonne par l’absurde :
soit aussi f ∈ B la classe de f ; l’hypothèse sur f veut dire précisément que f ∈
Ker φ, et si f ∈
/ m[T1 , . . . , Td ], le lemme 12.2 implique que f est un élément régulier
de B. D’autre part, comme f est homogène, le quotient B/f B est aussi un anneau
§ 12.2: Anneaux locaux réguliers 451

gradué, et comme I est m-primaire, A0 est artinien, donc les séries de Hilbert-
Poincaré de G(A, I), B et B/f B sont bien définies, et compte tenu du corollaire
11.16, de l’exemple 11.17 et de la proposition 11.18 on obtient
d(G(A, I)) ≤ d(B/f B) ≤ d(B) − 1 = d − 1.
Mais on sait que d(G(A, I)) = d(A) = d, par la remarque 11.22 ; contradiction. 

Corollaire 12.4. Soit K un corps, (A, m) une K-algèbre locale noethérienne. Soit
aussi x• := (x1 , . . . , xd ) un système de paramètres de A. Alors x1 , . . . , xd sont
algébriquement indépendants sur K.
Démonstration. Soit f ∈ K[T1 , . . . , Td ] tel que f (x1 , . . . , xd ) = 0 ; il faut montrer
que f = 0. On raisonne par l’absurde : si f 6= 0, on peut écrire f = fs + g, avec
fs , g ∈ K[T1 , . . . , Td ], tels que fs 6= 0 soit homogène de degré s, et g soit une somme
de monômes de degrés > s. Soit I ⊂ A l’idéal engendré par x• ; évidemment,
g(x1 , . . . , xd ) ∈ I s+1 , donc fs (x1 , . . . , xd ) ∈ I s+1 aussi. Par la proposition 12.3, il
vient fs ∈ m[T1 , . . . , Td ] ; mais K ∩ m = 0 dans A, d’où fs = 0, contradiction. 

Exemple 12.5. Soit x1 , . . . , xd un système de paramètres pour l’anneau local noe-


thérien A, et ν1 , . . . , νd une suite d’entiers > 0. On voit aisément que la suite
xν11 , . . . , xνdd est aussi un système de paramètres pour A.
12.2. Anneaux locaux réguliers.
Théorème 12.6. Soit (A, m) un anneau local noethérien de dimension d. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(i) Il existe un isomorphisme k(m)[T1 , . . . , Td ] ≃ G(A, m) de k(m)-algèbres gra-
duées.
(ii) dimk(m) m/m2 = d.
(iii) m est engendré par un système de paramètres de A.
Démonstration. Evidemment (a) ⇒ (b), et par la proposition 4.39 on a (b) ⇒ (c).
(c) ⇒ (a) : On choisit un système de paramètres x1 , . . . , xd de A qui engendre m,
et on définit l’application φ : k(m)[T1 , . . . , Td ] → G(A, m) comme dans la preuve de
Pnproposition 12.3 ; évidemment φ est surjective. Soit f ∈ Ker φ, et écrivons f =
la
s=0 f s , où f s est la composante homogène de f de degré s, pour tout s = 0, . . . , n ;
comme φ est un homomorphisme d’anneaux gradués, on voit aisément que chaque
f s est dans le noyau de φ. Or, pour tout s = 0, . . . , n choisissons un polynôme
homogène fs ∈ A[T1 , . . . , Td ] de degré s qui relève f s ; il vient fs (x1 , . . . , xd ) ∈
ms+1 pour tout s = 0, . . . , n. Dans cas, la proposition 12.3 implique que fs ∈
m[T1 , . . . , Td ], et donc f s = 0 pour chaque s = 0, . . . , n. Finalement, on voit que
f = 0, et donc φ est injective, d’où l’assertion. 

Définition 12.7. Un anneau local noethérien qui vérifie les conditions équivalentes
du théorème 12.6 est dit local régulier.
Proposition 12.8. Tout anneau local régulier est intègre.
Démonstration. Compte tenu du corollaire 10.12, il suffit de montrer :
T
Affirmation 12.9. Soit A un anneau, I ⊂ A un idéal tel que n∈N I n = 0. Si G(A, I)
est intègre, A est intègre.
Preuve : Soient x, y ∈ A\ {0}. Par hypothèse, il existe r, s ∈ N tels que x ∈ I r \ I r+1
et y ∈ I s \ I s+1 ; notons x̄ ∈ I r /I r+1 et ȳ ∈ I s /I s+1 les classes de x et y. Donc
x̄, ȳ 6= 0, d’où x̄ · ȳ 6= 0 dans G(A, I), et finalement xy 6= 0 dans A. 
452 ë Poissons

Corollaire 12.10. Soit A un anneau local noethérien de dimension 1. Les condi-


tions suivantes sont équivalentes :
(a) A est un anneau de valuation discrète.
(b) A est régulier.
Démonstration. C’est une consequence immédiate de la proposition 12.8. 
Corollaire 12.11. Soit A un anneau local régulier de dimension d > 0, et x• :=
(x1 , . . . , xd ) un système de paramètres de A qui engendre l’idéal maximal. Alors x•
est une suite régulière de A (voir la définition 10.21).
Démonstration. On raisonne par récurrence sur d := dim A. Si d = 1, tout élément
non nul de A est A-régulier, par la proposition 12.8. Soit d > 1, et on pose B :=
A/x1 A ; on sait que dim B = d − 1 par le corollaire 11.31(ii), et évidemment l’image
x• := (x2 , . . . , xd ) dans B de la suite (x2 , . . . , xd ) engendre l’idéal maximal. Donc,
B est régulier ; par hypothèse de récurrence, il s’ensuit que x• est une suite régulière
de B, et finalement x• est une suite régulière de A. 
Proposition 12.12. Soit (A, m) un anneau local noethérien, I ⊂ m un idéal de A,
et on munit A de la topologie I-adique. Alors A est régulier si et seulement si sa
b est régulière.
complétion A
Démonstration. On sait déjà que A b est noethérien, local d’idéal maximal mA,
b et
b
que dim A = dim A (théorème 10.17, corollaire 10.10 et corollaire 11.32). De plus,
l’application naturelle m/m2 → mA/m b 2A b est un isomorphisme de k(m)-espaces
vectoriels, par le corollaires 9.25 et 10.10. L’assertion s’ensuit aussitôt. 
Exemple 12.13. Soit K un corps algébriquement clos, A une K-algèbre intègre de
type fini. On peut maintenant généraliser de la façon suivante la remarque 7.47(ii) :
l’ensemble Reg(A) des idéaux maximaux m ⊂ A tels que Am est régulier est ouvert
dans Max A. En effet, soit d le degré de transcendance de Frac(A) sur K ; compte
tenu de l’exemple 11.28(ii), on voit que Reg(A) est l’ensemble de m ∈ Max A tels
que e(m) := dimk(m) m/m2 = d. On raisonne maintenant comme dans la remarque
7.47(ii) : on choisit une présentation
A = K[X1 , . . . , Xn ]/(R1 , . . . , Rm )
et on dénote J la matrice Jacobienne (∂Ri /∂Xj | i = 1, . . . , m, j = 1, . . . , n) ; on sait
que e(m) = n − rk J(m), où J(m) dénote l’image de J dans l’anneau de matrices
de taille m × n, à coefficients dans k(m). Notons aussi que e(m) ≥ d pour tout
m ∈ Max A, grâce au corollaire 11.27 et l’exemple 11.28(ii). Donc, m ∈ Reg(A) si
et seulement si J admet un mineur de taille (n − d) × (n − d) dont le déterminant
D est inversible dans le corps résiduel k(m), et dans ce cas on a
m ∈ Max A[D−1 ] ⊂ Reg(A)
d’où l’assertion.
12.3. Dimension homologique. On vient de voir que tout système minimal x• :=
(x1 , . . . , xd ) de générateurs de l’idéal maximal m d’un anneau local régulier A est
une suite régulière de A ; compte tenu de la remarque 10.24, on déduit que le
complexe de Koszul KA (x• ) est une résolution libre de longueur finie du corps
résiduel k(m). On verra que cette dernière propriété en fait est caractéristique des
anneaux locaux réguliers, et plus généralement, A est local régulier si et seulement
si tout A-module de type fini admet une résolution libre de longueur finie. Cette
caractérisation purement homologique de la régularité est un profond résultat de
Serre, et fût un des premiers succes éclatants des méthodes homologiques dans
l’algèbre commutative. Au même temps, elle rend manifeste l’importance de la
§ 12.3: Dimension homologique 453

classe des modules qui admettent une résolution projective finie. Dans ce paragraphe
on introduit cette classe, et on établit ses premières propriétés.
Définition 12.14. Soit A un anneau, M un A-module. On dit que M est de
dimension homologique finie, s’il admet une résolution projective de longueur finie.
Dans ce cas, la dimension homologique de M , notée
hom.dimA M
est le plus petit des entiers d ∈ N tels qu’il existe une résolution projective P • → M
avec P i = 0 pour tout i > d. Si M n’est pas de dimension homologique finie, on
pose hom.dimA M := +∞.
Remarque 12.15. Soit A un anneau, M 6= 0 un A-module.
(i) Evidemment M est projectif si et seulement si hom.dimA M = 0.
(ii) Noter que si la dimension homologique de M est finie, on a Li F M = 0 pour
tout i > hom.dimA M .
Pour un anneau A général, l’étude de la dimension homologique des A-modules
s’effectue à l’aide des foncteurs Ext•A (−, −), les foncteurs dérivés des foncteurs
HomA (−, −). Toutefois, dans la suite on s’interessera exclusivement aux modules
de type fini sur un anneau local noethérien ; dans ce cas, on peut se passer de ces
outils abstraits, et employer plutôt certaines résolutions concrètes, introduites par
la définition suivante, qui simplifient notablement la théorie.
Définition 12.16. Soit (A, m) un anneau local, M un A-module de type fini. Une
résolution minimale (L• , d•L ) → M est une résolution telle que :
— Li est un A-module libre de rang fini, pour tout i ∈ N
— on a diL (Li ) ⊂ mLi−1 pour tout i > 0.
Exemple 12.17. Dans la situation de la définition 12.16, soit x• := (x1 , . . . , xn )
une suite régulière de A, et on prend M := A/(x1 A + · · · + xA). Par la remarque
10.24, le complexe de Koszul KA (x• ) est une résolution libre de M , et une simple
inspection de la construction montre que c’est une résolution minimale.
Proposition 12.18. Soit (A, m) un anneau local noethérien, M un A-module de
type fini. Alors :
(i) M admet une résolution minimale.
ε
(ii) Si P • −
→ M est une résolution projective, il existe une résolution minimale

ε
L• −→ M et un complexe exact Q• de A-modules tels que
P • = L • ⊕ Q• et ε(x, y) = ε′ (x) ∀(x, y) ∈ L0 ⊕ Q0 .
ε ε′
→ M et L′• −→ M sont deux résolutions minimales, il existe un iso-
(iii) Si L• −
morphisme de complexes de A-modules

ω • : L• → L′• tel que ε = ε′ ◦ ω 0 .
(iv) Pour toute résolution minimal (L• , d•L ) → M on a
dimk(m) TorA
i (k(m), M ) = rkA L
i
∀i ∈ N
et hom.dimA M = max(i ∈ N | Li 6= 0).
Démonstration. (i) : Soit M un tel A-module ; on construit une résolution minimal
de M pas par pas, de la façon suivante. On pose r0 := dimk(m) M/mM ; par la
proposition 4.39, il existe un homomorphisme surjectif de A-modules εM : L0 :=
Ar0 → M . Ensuite, soit M1 := Ker εM ; donc, M1 est un A-module de type fini, et on
a M1 ⊂ mL0 , car k(m)⊗A εM est un isomorphisme. On pose r1 := dimk(m) M1 /mM1 ,
454 ë Poissons

et on choisit une application A-linéaire d1 := L1 := Ar1 → L0 avec Im d1 = M1 ;


à nouveau, on doit avoir M2 := Ker d1 ⊂ mL1 , car d1 induit un isomorphisme

L1 /mL1 → M1 /mM1. Ainsi de suite on obtient les A-modules Li pour tout i ≥ 0
et les différentiels di , pour tout i ≥ 1.
(iv) : En effet, on a k(m) ⊗A diL = 0 pour tout i ≥ 1, car Im(diL ) ⊂ mLi−1 , donc
H (k(m) ⊗A L• ) = k(m) ⊗A Li pour tout i ∈ N, d’où la première assertion. Compte
i

tenu de la remarque 12.15(ii), on déduit que hom.dimA M ≥ max(i ∈ N | Li 6= 0) ;


l’inégalité opposée est triviale.
ε′
(ii) : Grâce à (i), on peut choisir une résolution minimale L• −→ M , et par le
théoreme 5.56 il existe des morphismes de complexes
φ• : L• → P • ψ : P • → L• tels que ε′ = ε ◦ φ0 et ε = ε′ ◦ ψ 0 .
De plus, ω • := ψ • ◦ φ• est homotopiquement équivalent à IdL• . Soit alors s• une
homotopie de ω • vers IdL• ; donc ω i −IdLi = di+1 i
L ◦s +s
i−1
◦diL pour tout i ∈ N, et
d’autre part Im(dL ) ⊂ mL
i i−1
pour tout i ∈ N. L’on déduit que Im(ω i −IdLi ) ⊂ mLi ,
donc k(m) ⊗A ω = IdLi /mLi pour tout i ∈ N. Il s’ensuit aisément que ω i est un
i

isomorphisme pour tout i ∈ N (cp. la preuve du théorème 4.61). En particulier, ψ i



est surjectif pour tout i ∈ N, et on déduit un isomorphisme de complexes P • →
L• ⊕ (Ker ψ • ), d’où l’assertion.
(iii) est une consequence immédiate de (ii). 

Corollaire 12.19. Soit A un anneau local noethérien, M et N deux A-modules de


type fini. Alors
hom.dimA (M ⊕ N ) = max(hom.dimA M, hom.dimA N ).
Démonstration. Choisissons des résolutions minimales PM •
→ M et PN• → N ; on
obtient une résolution PM ⊕ PN → M ⊕ N qui est évidemment minimale. Compte
• •

tenu de la proposition 12.18(iv), l’assertion s’ensuit aussitôt. 

Proposition 12.20. Soit A un anneau local noethérien, M un A-module de type


fini et dimension homologique finie, a ∈ A un élément A-régulier et M -régulier.
Alors M/aM est un A/aA-module de dimension homologique finie, et on a
hom.dimA/aA M/aM = hom.dimA M.
Démonstration. On raisonne par récurrence sur h := hom.dimA M . Si h = 0, le A-
module M est projectif, donc M/aM est un A/aA-module projectif, d’où l’assertion.
εM
Soit h > 0, et on choisit une résolution minimale (L• , d•L ) −−→ M ; par la proposi-
tion 12.18(iv) on sait que Li = 0 pour tout i > h. On pose N := Ker(εM : L0 → M ),
on remarque que N 6= 0 (car M n’est pas projectif), et on a une suite exacte courte
(∗) 0 → N → L0 → M → 0.
Or, le différentiel d1 : L1 → L0 se factorise à travers une application surjective
εN : L1 → N , et si on pose Qi := Li+1 , di+1
Q := di+2
L pour tout i ≥ 0 et Qi := 0
pour i < 0, on voit aisément que le complexe (Q , dQ ) est une résolution minimale
• •

de N , avec l’augmentation εN . Encore par la proposition 12.18(iv) on conclut que


hom.dimA N = h − 1.
Mais a est A-régulier, donc L0 -régulier, et a fortiori, la multiplication scalaire par a
est injective sur N , car N ⊂ L0 ; de plus, N := N/aN est non nul, car la topologie
a-adique est séparée sur N (corollaire 10.12(ii)). Donc, a est aussi N -régulier. Par
hypothèse de récurrence, il s’ensuit que
(∗∗) hom.dimA/aA N = h − 1.
§ 12.4: Le théorème de Serre 455

D’autre part, on a des isomorphismes naturels



(∗ ∗ ∗) TorA A
1 (A/aA, M ) → Tor1 (M, A/aA) = 0

grâce au théorème 8.78, à l’exercice 7.50(v), et compte tenu des nos hypothèses sur
l’élément a. Au vu de (∗ ∗ ∗), la suite exacte longue des foncteurs TorA
i (A/aA, −)
associée à la suite (∗) nous donne une suite exacte courte
j ε
→ L0 /aL0 −−
0→N − M̄
→ M := M/aM → 0
ε
→ N une résolution minimale du
(voir l’exemple 7.58). Soit maintenant (P • , d•P ) −−N
A/aA-module N ; on définit le complexe de A/aA-modules R• par :
(
P i−1 si i > 0
Ri :=
L0 /aL0 si i = 0
avec le différentiel diR := di−1
P pour i > 1, et d1R := j ◦ εN . On voit aisément que
R• est une résolution minimale de M , dont l’augmentation R• → M est fournie
par l’application εM . Compte tenu de (∗∗) on voit que Rh 6= 0 et Ri = 0 pour tout
i > h, d’où l’assertion. 
12.4. Le théorème de Serre. On peut maintenant aborder la preuve du :
Théorème 12.21. (Serre) Soit (A, m) un anneau local noethérien. Les conditions
suivantes sont équivalentes :
(a) A est local régulier.
(b) hom.dimA k(m) = dim A.
(c) hom.dimA k(m) < +∞.
(d) Tout A-module de type fini est de dimension homologique finie.
Démonstration. (a) ⇒ (b) : Soit d := dim A; on a déjà remarqué que si x• :=
(x1 , . . . , xd ) est un système minimal de générateurs de m, la suite x• est régulière,
donc KA •
(x• ) est une résolution minimal de k(m), et évidemment KA i
(x• ) = 0 si et
seulement si i > d, d’où l’assertion, compte tenu de la proposition 12.18(iv).
(b) ⇒ (c) est une consequence triviale du corollaire 11.27.
(c) ⇒ (d) : Soit M un A-module de type fini, et L• → k(m) une résolution
minimal de k(m) ; par le théorème 8.78 on a des isomorphismes naturels
∼ ∼
TorA A i •
i (k(m), M ) → Tori (M, k(m)) → H (M ⊗A L ) ∀i ∈ N
d’où TorA i (k(m), M ) = 0 pour tout i ≥ hom.dimA k(m). Compte tenu de la propo-
sition 12.18(iv), on déduit que hom.dimA M ≤ hom.dimA k(m).
(d) ⇒ (a) : On pose h := hom.dimA k(m) et e := dimk(m) m/m2 . On raisonne
par récurrence sur e. Si e = 0, on a m = 0, par la proposition 4.39, i.e. A est un
corps, et tout corps est évidemment un anneau régulier.
Soit e > 0 ; on en déduit que m ∈ / AssA A. En effet, sinon on pourrait trouver
a ∈ A non nul tel que a · m = 0 (voir le corollaire 7.9(ii)) ; or, si L• → k(m) est
une résolution minimal, on a Lh+1 = 0 et dh (Lh ) ⊂ mLh−1 , d’où a · dh (Lh ) = 0, et
donc a · Lh = 0, car dh est injectif. Mais Lh est un A-module libre ; contradiction.
Compte tenu de la proposition 2.5, il s’ensuit que l’on peut trouver
 [ 
x ∈ m \ m2 ∪ p
p∈AssA A

et grâce à la remarque 7.20(iii) on sait que x n’est pas un diviseur de zéro dans A,
et a fortiori, x est m-régulier. Soit B := A/xA ; par la proposition 12.20 on déduit
(∗) hom.dimB m/xm = hom.dimA m < +∞.
456 ë Poissons

On va montrer que la surjection naturelle π : m/xm → mB := m/xA est scindée. En


effet, comme x ∈
/ m2 , on peut trouver un système minimal x1 , . . . , xe de générateurs
de m avec x1 = x (voir la proposition 4.39) ; on pose I := Ax2 + · · · + Axe , et on
remarque que x ∈/ I, donc I ∩ xA ⊂ xm. On obtient ainsi une suite d’applications
A-linéaires
∼ π
mB = (I + xA)/xA → I/(I ∩ xA) → m/xm − → mB
dont la composition est IdmB , comme souhaité. Par le corollaire 12.19 on déduit
hom.dimB mB ≤ hom.dimB m/xm
δ
et en particulier, hom.dimB mB < +∞, compte tenu de (∗). Or, soit (Q• , d•Q ) −
→ mB
une résolution minimale du B-module mB et j : mB → B l’inclusion ; comme mB
π
est l’idéal maximal de B, on obtient une résolution R• − → k(mB ) du B-module
k(mB ) = k(m) si on pose Ri := Qi−1 pour tout i > 0 et R0 := B, avec les
différentiels diR := di−1
Q pour i > 1 et d1R := j ◦ δ : Q0 → B ; l’augmentation
π : B → k(mB ) est alors la surjection canonique. Cela achève de montrer que
hom.dimB k(mB ) < +∞.
On vient de voir que cette dernière condition implique que B vérifie la condition
(d) du théorème ; d’autre part, évidemment d′ := mB /m2B ≤ e − 1, car mB est
engendré par les classes de x2 , . . . , xe . Par l’hypothèse de récurrence, on déduit que
B est régulier de dimension d′ . Ensuite, soit y1 , . . . , yd′ un système d’éléments de m
dont les classes dans B engendrent mB ; cela veut dire que le système x, y1 , . . . , yd′
engendre m, donc d′ + 1 ≥ e. Finalement, on conclut que d′ = e − 1 ; mais on
sait aussi que dim B = d − 1 (voir le corollaire 11.31(ii)), donc d = e, i.e. A est
régulier. 
Corollaire 12.22. Soit A un anneau local régulier, et p ⊂ A un idéal premier.
Alors Ap est régulier.
Démonstration. Comme est A régulier, le théorème 12.21 nous dit que le A-module
A/p admet une résolution projective L• → A/p de longueur finie ; on en déduit la
résolution projective de longueur finie du Ap -module
L•p → (A/p)p = k(p).
Par le théorème 12.21 il s’ensuit que Ap est régulier. 
Remarque 12.23. Avec la notation de la preuve du corollaire 12.22, noter que même
si on choisit pour L• une résolution minimale, la résolution localisée L•p ne sera
minimale que dans le cas trivial où p = m est l’idéal maximal. (Pourquoi ?)
Corollaire 12.24. Soit f : (A, mA ) → (B, mB) un homomorphisme plat et local
d’anneaux locaux noethériens, et on suppose que B soit régulier. Alors A est régulier
et dim A ≤ dim B.
Démonstration. Soit L• → k(mA ) une résolution minimale. Comme f est plat, le
complexe B ⊗A L• → B ⊗A k(mA ) est une résolution, et comme f est local, l’on voit
aisément qu’il s’agit d’une résolution minimale du B-module B ⊗A k(mA ). Comme
B est régulier, cette résolution doit alors être de longueur finie ≤ dim B, par le
théorème de Serre et la proposition 12.18(iv). Cela implique aussitôt que L• est
de longueur finie ≤ dim B. Encore par le théorème de Serre, il s’ensuit que A est
régulier, et sa dimension est la longueur de la résolution L• , d’où aussi la dernière
inégalité. 
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[23] C.Peskine, Une généralisation du “main theorem” de Zariski, Bull. Sci. Math. 90 (1966)
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[25] R.S.Pierce, Associative algebras, Springer GTM 88 (1982).
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[29] O.Zariski, Foundations of a general theory of birational correspondences, Trans. Amer.
Math. Soc. 53 (1943), pp.490–542.
Index
Algèbre, homomorphisme d’algèbres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 page 8
Algèbre associative, alternée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.68 page 159, 4.69 page 160
Algèbre de type fini, de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 page 9
Algèbre exterieure Λ•A (M ) d’un A-module M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.69 page 160
Algèbre fidèlement plate, homomorphisme fidèlement plat d’anneaux . . 4.63 page 158
Algèbre plate, homomorphisme plat d’anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.53 page 153
Algèbre symétrique Sym•A (M ), tensorielle Tens•A (M ) d’un module M . . 4.68 page 159
Algèbres : limite directe filtrée de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.12 page 82
Algèbres : produit de −, limite inverse de − . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 page 75, 3.3 page 76
Algèbres : produit fibré de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4 page 77
Algèbres : produit tensoriel B ⊗A C de −. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 page 142
Anneau intègre, principal, anneau des entiers Z . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1 page 8
Anneau local (R, m) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.29 page 52
Anneau réduit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.30 page 20
Anneau : dimension de Krull dim A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.49 page 58
Anneau : elément nilpotent, diviseur de zéro, régulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1 page 8
Anneau : localisation S −1 A, application de localisation A → S −1 A . . . . . 2.22 page 49
Anneau : localisation en un élément Af , en un idéal premier Ap . . . . . . . . 2.23 page 50
Anneaux locaux : homomorphisme local de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.63 page 158
Annulateur d’un module AnnA (M ), d’un élément AnnA (x) . . . . . . . . . . . . 1.1.3 page 10
Axiome du choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 page 16
Catégorie, objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 page 21
Catégorie : équaliseur, coéqualiseur de morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.20 page 85
Catégorie : isomorphisme, monomorphisme, épimorphisme. . . . . . . . . 1.5.2, 1.39 page 24
Catégorie : morphismes C (X, Y ), source, but, loi de composition . . . . . . . 1.5.1 page 21
Catégorie : morphisme diagonal ∆X/Y , codiagonal ∇Y /X . . . . . . . . . . . . . . . 3.38 page 95
Catégorie : morphisme identique 1X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 page 21
Catégorie : noyau Ker f , conoyau Coker f , image Im f . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 page 104
Catégorie : objet initial, objet final, produit vide, coproduit vide . . . . . . . . . 3.8 page 79
Catégorie : objet zéro, morphisme zéro . . . Q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 page 104
Catégorie : produit d’une famille d’objets i∈I Fi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 page 75
Catégorie : produit fibré Y ×(f,g) Z, Y ×X Z . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4 page 77
Catégorie : somme amalgamée Y ∐(f,g) Z, Y ∐X Z . . . . . . . . . . ` . . . . . . . . . . . 3.38 page 95
Catégorie : somme directe (coproduit) d’une famille d’objets i∈I Fi . . . . 3.7 page 78
Catégorie : sous-catégorie, sous-catégorie pleine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.37 page 23
Catégories : équivalence de −. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.44 page 26
Catégories : produit de −. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 page 75
Catégorie abélienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.53 page 107
Catégorie associée à un ensemble CS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.35 page 21
Catégorie associée à un ensemble partiellement ordonné CE . . . . . . . . . . . . . 1.35 page 21
Catégorie de A-algèbres alternées A − AlgAlt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.69 page 160
Catégorie des A-algèbres associatives A − AlgAss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.68 page 159
Catégorie des A-modules A − Mod, des A-algèbres A − Alg . . . . . . . . . . . . . 1.35 page 21
Catégorie des catégories Cat, des foncteurs Fun(C , C ′ ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.47 page 28
Catégorie des complexes de A-modules C(A). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.61 page 63
Catégorie des ensembles Ens, des espaces topologiques Top . . . . . . . . . . . . . . 1.35 page 21
Catégorie des ensembles partiellement ordonnés PoEns . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.35 page 21
Catégorie des espaces topologiques compacts et séparés csTop . . . . . . . . . . . 1.42 page 26
Catégorie des espaces topologiques totalement disconnexes TDisc . . . . . . . 2.55 page 60
Catégorie des espaces compacts totalement disconnexes cTDisc . . . . . . . . . 2.55 page 60
Catégorie des faisceaux Te, des prefaisceaux Tb sur un espace topologique 3.39 page 96
Catégorie des faisceaux et prefaisceaux d’anneaux ZTe − Alg, ZTb − Alg . . 3.42 page 99
Catégorie des morphismes Morph(C ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.50 page 105
Catégorie des parties ouvertes d’un espace topologique Ouv(T ). . . . . . . . . . . 3.4 page 95
Catégorie finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.21 page 86
§ 12.4: Index 459

Catégorie complète, finiement complète, I-complète. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.21 page 86


Catégorie cocomplète, finiement cocomplète, I-cocomplète . . . . . . . . . . . . . . 3.21 page 86
Catégorie opposée C op , morphisme opposé f op . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 page 22
Complexe de modules, différentiels d’un −, morphisme de complexes. . . . 2.60 page 62
Complexe borné inférieurement, supérieurement, suite exacte courte . . . . 2.61 page 62
Complexe M [j]• ou M [j]• concentré en degré j . . . . . . . . . . 2.61 page 62, 5.54 page 205
Complexe exacte (acyclique) en degré i, complexe exact (acyclique) . . . . . 2.60 page 62
Complexe : cycles Zi (M• ), bords Bi (M• ), homologie Hi (M• ) d’un − . . 3.5.1 page 109
Complexe : j-décalage M• [j] ou M [j]• d’un − . . . . . . . . . . . 2.61 page 62, 5.54 page 205
Complexes : suite exacte courte de −, suite exacte longue d’homologie 3.5.1 page 109
Corps, nombres rationnels Q, réels R, complexes C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1 page 8
Corps des fractions d’un anneau entier Frac(A) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.23 page 50
Corps résiduel k(p) d’un idéal premier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 page 139
Corps résiduels : extension de −, f(p) : k(p′ ) → k(p) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 page 139
Ensemble des nombres naturels N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1 page 8
Ensemble partiellement ordonné, totalement ordonné, relation d’ordre . . 1.18 page 15
Ensemble partiellement ordonné filtré, cofiltré . . . . . . . . . . . . 3.1.2 page 82, 3.15 page 83
Ensemble partiellement ordonné : élément maximal, ordre opposé . . . . . . . 1.18 page 15
Ensembles partiellement ordonnés : morphisme de −. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.18 page 15
Ensemble partiellement ordonné : partie finale, cofinale . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.18 page 84
Espace spectral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.36 page 53
Espace spectral : dimension de Krull dim T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.48 page 58
Espace spectral : hauteur d’un point ht(t) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.49 page 58
Espace spectral : involution de Hochster T ∗ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.53 page 60
Espace spectral : partie constructible, topologie constructible T c . . . . . . . . 2.37 page 54
Espace spectral : partie pro-constructible, ind-constructible . . . . . . . . . . . . . 2.37 page 54
Espace spectral : points minimaux Min T , points maximaux Max T . . . . . 2.47 page 58
Espace topologique, espace connexe, disconnexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 page 11
Espace topologique complètement régulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.40 page 24
Espace topologique de type T0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.38 page 54
Espace topologique séparé, compact, normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12 page 13
Espace topologique totalement disconnexe, compactification canonique . 2.55 page 60
Espace topologique : fonctions continues à valeurs réelles C (T ) . . . . . . . . . . 1.2 page 12
Espace topologique : fonctions continues à valeurs discrètes C (T, F2 ) . . . 2.4.1 page 54
Espace topologique : germes de fonctions à valeurs réelles OT,t . . . . . . . . . . 3.13 page 83
Espace topologique : sous-espace d’un − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9 page 12
Espaces topologiques : produit de -, ouverts fondamentaux . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 page 75
Faisceau, prefaisceau, prefaisceau séparé sur un espace topologique . . . . . 3.39 page 96
Faisceau F a associé à un prefaisceau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.41 page 98
Faisceaux, prefaisceaux : foncteur F 7→ F + . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 page 97
Faisceaux, prefaisceaux : image directe f∗ F et inverse fb−1 F , fe−1 F . . . 3.4.2 page 99
Faisceaux, prefaisceaux : morphisme de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.39 page 96
Faisceau, prefaisceau : fibre Ft , foncteur fibre (−)t : Tb → Ens . . . . . . . . . 3.4.3 page 102
Filtre, filtre premier, ultrafiltre, ultrafiltre principal . . . . . . . . . . . . . . . . 1.52, 1.54 page 32
Filtre engendré par une partie, image directe d’un filtre f∗ F . . . . . . . . . . . 1.54 page 32
Foncteur, foncteur fidèle, plein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.3 page 25
Foncteur additif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.49 page 151
Foncteur adjoint à droite, à gauche, adjonction de foncteurs . . . . . . . . . . . . 2.15 page 46
Foncteur adjoint : unité, counité, identités triangulaires . . . 1.50 page 29, 2.18 page 48
Foncteur commutant avec une limite, avec une colimite . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 page 84
Foncteur constant cX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1 page 74
Foncteur contravariant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.42 page 26
Foncteur cI : C → Fun(I, C ), ses adjoints LimI et ColimI . 3.3.1 page 91, 3.36 page 94
Foncteur Ouv(f ) : Ouv(S) → Ouv(T ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.2 page 99
Foncteur d’évaluation evi : Fun(I, C ) → C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.34 page 93
Foncteur des sections globales Γ : Tb → Ens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.39 page 96
Foncteur de Yoneda hC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.9 page 43
460 Index

Foncteur exact à gauche, exact à droite, exact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.21 page 86


Foncteur identique 1C , composition de foncteurs G ◦ F . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.42 page 25
Foncteur noyau et conoyau Ker, Coker : Morph(C ) → C . . . . . . . . . . . . . . . . 3.50 page 105
Foncteur opposé F op . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.43 page 26
Foncteur quasi-inverse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.50 page 29
Foncteur représentable, couple universel, élément universel. . . . . . . . . . . . . . 2.10 page 43
Foncteurs : colimite d’un foncteur colimI F , co-cône universel . . . . . . . . . . 3.1.1 page 78
Foncteurs : isomorphisme de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.47 page 28
Foncteurs : limite d’un foncteur limI F , cône universel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1 page 74
Foncteurs : limites finies, colimites finies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.21 page 86
Foncteurs : limite directe d’un système partiellement ordonné limλ∈Λ Xλ . 3.7 page 78
−→
Foncteurs : limite inverse d’un système partiellement ordonné limλ∈Λ Xλ . 3.3 page 76
←−
Foncteurs : monoïde E(C ) des endomorphismes du foncteur 1C . . . . . . . . 1.48 page 28
Foncteurs : sous-foncteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.14 page 45
Idéal principal, de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1 page 8
Idéal premier, idéal maximal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 page 9
Idéal premier minimal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.7 page 42, 7.20 page 316
Idéal radical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1 page 40
Idéal radical de Jacobson J (A), radical nilpotent (nilradical) N (A) . . . 1.30 page 20
Idéal d’une localisation S −1 I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 page 51
Lemme de Artin-Rees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10.5 page 424
Lemme des chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6 page 42
Lemme des cinq . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.54 page 107
Lemme de Nakayama . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.37 page 148
Lemme du serpent, application de bord ∂ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.52 page 106
Lemme de Urysohn. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.14 page 14
Lemme de Yoneda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8 page 42
Lemme de Zorn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.20 page 16
Module de type fini, cyclique, libre de rang fini, de présentation finie . . . . . 1.6 page 11
Module des homomorphismes HomA (M, N ). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7 page 11
Module dual M ∨ , homomorphisme transposé f ∨ , base duale . . . . . . . . . . . . 1.46 page 27
Module dual : application de bidualité M → M ∨∨ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.51 page 30
Module fidèle, module sans torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.3 page 10
Module libre A(Λ) , base canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 page 10
Module plat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.53 page 153
Module : dimension dim M d’un − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.46 page 150
Module : fibre M (p) d’un − au dessus d’un idéal premier p . . . . . . . . . . . 4.2.2 page 139
Module : localisation S −1 M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.3 page 140
Module : rang rkM : Spec A → N ∪ {∞} d’un −, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 page 139
Module : support SuppA M d’un − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.45 page 150
Modules : application bilinéaire, multilinéaire LA (M1 × · · · × Mk , P ) . . . 4.1 page 130
Modules : extension des scalaires B ⊗A M suivant f : A → B . . . . . . . . . . . 4.2 page 136
Modules : homomorphisme de −, noyau Ker(f ), image Im(f ) . . . . . . . . . . 1.1.3 page 10
Modules : homomorphisme de −, conoyau Coker(f ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.3 page 10
Modules : limite directe de −, limite directe filtrée de − . . . 3.7 page 78, 3.12 page 82
Modules : limite inverse de Q − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .L . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 page 76
Modules : produit direct λ∈Λ Mλ , somme directe λ∈Λ Mλ . . . . . . . . . . . . 1.5 page 10
Modules : produit fibré de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4 page 77
Modules : product tensoriel de −, M ⊗A N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 page 130
Modules : restriction des scalaires M[f ] , φ[f ] suivant f : A → B . . . . . . . . . 4.2 page 135
Modules : suite exacte courte de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.61 page 62
Modules : système projectif de − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.55 page 108
Section d’un prefaisceau, restriction d’une −, sections globales . . . . . . . . . 3.39 page 96
Spectre premier Spec A, spectre maximal Max A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 page 10
Théorème de Cayley-Hamilton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.34 page 147
Théorème de Gelfand-Naimark . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.15 page 14
Théorème de Hochster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.40 page 55
§ 12.4: Index 461

Théorème de Lazard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.65 page 159


Théorème de Tychonoff. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 page 77
Topologie chaotique, discrète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9 page 12, 3.6 page 115
Topologie de Zariski sur Max A et Spec A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1, 1.4 page 18
Topologie de Zariski : application continue Spec f . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4 page 18
Topologie de Zariski : partie ouverte D(f ), partie fermée V (I) . . . . . . 1.3.1, 1.4 page 18
Topologie de Zariski : partie irréductible de Spec A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4 page 41
Topologie de Zariski : partie représentable de Spec A . . . 2.30 page 52, 10.25 page 432
Topologie engendrée par une prebase, base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9 page 12
Topologie induite via une application continue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9 page 12
Topologie : application continue, ouverte, fermée, homéomorphisme . . . . . . 1.8 page 11
Topologie : application compacte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.45 page 57
Topologie : application spécialisante, générisante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.46 page 58
Topologie : crible couvrant une partie ouverte, Crib(U ) . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 page 97
Topologie : intérieur d’une partie, adhérence d’une partie, partie dense . . . 1.8 page 11
Topologie : moins fine, plus fine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 page 11
Topologie : partie ouverte, fermée, point, voisinage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 page 11
Topologie : partie réductible, irréductible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 page 11
Topologie : point générique d’une partie irréductible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.36 page 53
Topologie : propriété de l’intersection finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13 page 13
Topologie : recouvrement d’une partie ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.39 page 96
Topologie : spécialisation de points, générisation de points . . . . . . . . . . . . . . 2.46 page 58
Topologie : spécialisation stricte, générisation stricte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.46 page 58
Transformation naturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.4 page 27
Transformation naturelle identique 1F , transformation opposée ω op . . . . . 1.47 page 28
Transformation naturelle : cône cX → F de sommet X et base F . . . . . . . . 3.1 page 74
Transformation naturelle : co-cône F → cX de sommet X et base F . . . . 3.1.1 page 78
Transformation naturelle : limite limφ ω, colimite colimφ ω d’une − . . . . . 3.10 page 80
Transformations naturelles Nat(F, G), composition de − . . . . . . . . . . . . . . . . 1.47 page 28
Transformations naturelles : produit de Godement ω ∗ ω ′ . . . . . . . . . . . . . . 1.49 page 29
Transformations naturelles : relation d’échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.49 page 29

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