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Utilisation des silicates de calcium
pour l’obturation canalaire
I - Introduction
Les silicates de calcium sont largement utilisés en endo-
dontie en raison de leurs propriétés physico-chimiques et
biologiques intéressantes. Différentes formulations et condi-
tionnements ont été proposés depuis les années 1990 pour
optimiser leurs utilisations cliniques et les résultats associés.
Plus récemment ont été introduits sur le marché des ciments
endodontiques dits biocéramiques (à base de silicate de
calcium) spécifiquement destinés à l’obturation canalaire
en association avec la gutta-percha en condensation hydrau-
lique. L’objectif de ce chapitre est d’aborder de façon syn-
thétique l’évolution des matériaux à base de silicate de
calcium utilisés en endodontie ainsi que leurs propriétés
avant de décrire les indications et l’utilisation spécifique
des formulations destinées à l’obturation canalaire.
II - Les silicates de calcium
A - Historique et clarification
terminologique
Dans les années 1990 a été développé et mis sur le marché
un nouveau matériau minéral, le mineral trioxide aggregate
(ProRoot MTA Dentsply Sirona). Le MTA a connu un essor
important en odontologie, avec de larges indications telles
que les traitements des perforations, la chirurgie endo-
dontique (Ford et al., 1995 ; Lee et al., 1993 ; Torabinejad
et al., 1993) mais également dans le domaine des thérapeu-
tiques de coiffages pulpaires pour lesquelles la FDA (Food
and Drug Administration) a autorisé dans les années qui ont
suivi, ses différentes utilisations cliniques.
Ce matériau est un dérivé de la formulation des ciments de
Portland, utilisés dans le domaine du bâtiment. Ce matériau
est fabriqué par « clinkerisation » (cuisson à haute tempé-
rature) de carbonate de calcium et d’argile. Ce clinker
obtenu, broyé, est une poudre constituée majoritairement
de silicates dicalciques (2CaO.SiO2 ou « C2S »), tricalciques
(3CaO.SiO2 ou « C3S »), d’aluminates tricalciques (3CaO.Al2O3
ou « C3A »), d’aluminoferrites tétracalciques (4CaO Al2O3
Fe2O ou « C4AF ») et de gypse (CaSO4.2H2O) (Camilleri et
Pitt Ford, 2006 ; Estrela et al., 2000). En réalité, la principale
différence entre cette formulation et les formulations déri-
vées du ciment de Portland de type 1, de granulométrie
adaptée, est la présence d’un radio-opacifiant, l’oxyde de
29
F. BUKIET, T. GIRAUD
bismuth, permettant le contrôle radiographique de la pro-
cédure opératoire (Funteas et al., 2003). Ce matériau est par
définition un ciment, puisqu’il va, après avoir été mélangé à
de l’eau, former une « pâte », aboutissant après le processus
de prise à un matériau solide et compact.
Des nombreuses formulations ont ensuite été développées,
principalement pour pallier les imperfections du matériau
mais aussi pour élargir ses applications cliniques du fait
de ses propriétés physico-chimiques et biologiques parti-
culières. Actuellement, différentes formulations et déno-
minations sont retrouvées, d’une part en raison de leur
composition et d’autre part en fonction de leurs propriétés
ou de leurs indications cliniques élargies.
Concernant leur composition, ces ciments dits minéraux
sont souvent présentés sous le terme de « silicate de
calcium » ou encore « matériaux à base de silicate de
calcium ». En effet, les différents matériaux développés, des-
tinés à des indications endodontiques diverses ou spécifi-
quement dévolues à l’obturation canalaire, peuvent être
directement dérivés de la formulation du ciment de Port-
land ; dans ce cas, les silicates di- et tricalciques représen-
tent la majeure partie de leur composition. D’autres
formulations sont obtenues directement à partir de silicates
de calcium, expliquant ainsi cette dénomination.
Les formulations destinées à un usage en tant que ciment
endodontique en association avec la gutta-percha sont
souvent qualifiées de ciments endodontiques dits « biocéra-
miques ». La présence de silicate (dicalcique, tricalcique)
présentant dans sa formulation chimique un oxyde de sili-
cium entre dans la composition des matériaux de type
« céramique » tout comme d’autres oxydes (d’aluminium,
de zirconium). Cependant, par définition, une céramique
associe la notion de mise en forme à haute température,
ce qui n’est pas le cas de ces ciments. D’autre part, le terme
« bio », dans le cadre de la caractérisation d’un matériau, va
quant à lui désigner un matériau utilisé dans le domaine
médical, indiqué dans une utilisation au contact des tissus
vivants. Ces deux notions, ajoutées à la définition même
d’un ciment décrite précédemment, peuvent en partie expli-
quer le terme souvent utilisé de « ciments biocéramiques ».
Cependant, ce terme peut sembler excessif et la dénomina-
tion de « biocéramiques » devrait être réservée à d’autres
matériaux tels que les biocéramiques de zircone utilisées
par exemple dans la réalisation de prothèses orthopédiques
ou encore des biocéramiques de phosphates de calcium
utilisées en odontologie comme substitut osseux.
637
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29 Endodontie
Ces matériaux peuvent être décrits également comme « maté-
riaux hydrauliques » ou « matériaux hygroscopiques ». Le terme
hydraulique vient du fait que ces matériaux, par leur constitu-
tion, vont réaliser leur prise en présence d’eau (cf. partie B). Le
terme hygroscopique, lui, est défini comme une substance qui
est capable d’absorber l’humidité de l’air, par absorption ou par
adsorption. Un matériau hygroscopique va donc réaliser sa
prise par l’intermédiaire de l’environnement. Ces deux termes
s’avèrent relativement proches mais concernant l’hygroscopie,
un phénomène d’expansion dit hygroscopique peut être consé-
cutif et associé à cette capacité d’absorption.
Enfin, le terme hydraulique est aussi retrouvé dans la notion
de « condensation hydraulique » largement répandue aux
États-Unis mais avec un sens totalement différent. Par défi-
nition, l’adjectif hydraulique est défini comme un effet lié au
mouvement d’un fluide, se déplaçant dans un espace
confiné, sous pression. L’évolution des concepts d’obtura-
tion en endodontie sera décrite dans la deuxième partie de
ce chapitre, mais la condensation hydraulique peut donc
être définie comme une obturation liée à « l’effet piston »
d’un ou plusieurs cônes de gutta-percha dont la mise en
place permettra au ciment de pénétrer et se répartir au
sein du réseau endodontique par effet hydraulique.
B - Propriétés et caractéristiques
communes des matériaux à base
de silicate de calcium
Le MTA et les premières formulations qui en sont dérivées
ont fait l’objet de nombreux travaux concernant les carac-
téristiques et propriétés propres à cette classe de matériaux.
Celles-ci, directement étudiées sur les formulations à usage
de scellement canalaire, seront présentées plus largement
dans la suite de ce chapitre ; il est cependant capital de
mentionner les propriétés propres au développement du
MTA à l’origine de ses utilisations cliniques et des évolutions
des formulations.
Ces matériaux sont constitués de particules hydrophiles. En
effet, la réaction de base de prise des ciments minéraux est
caractérisée par une réaction d’hydratation suivie d’une
réaction de précipitation (fig. 29.1). La réaction d’hydratation
est principalement due à la présence de silicates de calcium
dans la formulation des ciments minéraux. En effet les sili-
cates dicalciques (C2S) et tricalciques (C3S) vont réagir avec
les molécules d’eau (H2O) pour aboutir à la formation d’un
gel de silicate de calcium hydraté (CSH) et d’hydroxyde de
calcium (Ca(OH)2). De cette première réaction naissent des
produits d’hydratation, tels que les ions silicium (Si4+) à partir
de la couche hydratée, et des ions calcium (Ca2+) et hydro-
xyles (OH-) issus de la dissociation du Ca(OH)2 formé. Ces
produits de réaction sont responsables des différentes
propriétés physico-chimiques et biologiques présentées
ci-après. Une réaction de précipitation va être retrouvée
entre l’hydroxyde de calcium précédemment formé et les
phosphates de calcium présents dans le milieu à proximité.
Cette seconde réaction va aboutir à la formation d’hydro-
xyapatite (Ca10(PO4)6(OH)2) caractéristique de cette famille
de matériau (Giraud et al., 2019).
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Figure 29.1 Réaction de prise schématique des silicates de
calcium. Les silicates di (C2S) et tricalciques (C3S) réagissent
avec l’eau pour former par une réaction d’hydratation (1) un
gel de silice hydraté (CSH) et de l’hydroxyde de calcium
(Ca(OH)2). Des ions silicium, calcium et hydroxyles sont ainsi
formés. L’hydroxyde de calcium et les phosphates de calcium
réagissent par précipitation (2) aboutissant à la formation
d’hydroxyapatite (d’après Giraud et al., 2019).
En parallèle du développement du MTA et par la suite, de
nombreuses études ont donc été menées pour caractériser
les propriétés physico-chimiques, mécaniques et biologiques
de celui-ci. La libération d’ions est responsable de l’alcalini-
sation du milieu (OH-) et de la biocompatibilité et bioactivité
décrite du matériau. Ces propriétés ont été notamment étu-
diées au niveau parodontal mettant en évidence une néo-
apposition cémentaire (Torabinejad et al., 1995) mais aussi au
niveau osseux, avec la libération de facteurs impliqués dans
la formation osseuse et l’adhésion des cellules ostéoblasti-
ques directement sur le matériau (Koh et al., 1997). Enfin, il a
été démontré la création de ponts dentinaires après exposi-
tions pulpaires et manœuvres de coiffage (Ford et al., 1996).
En parallèle, l’hydrophilie du matériau contribue à sa tolé-
rance à l’humidité, s’avérant être une propriété intéressante
au contact de fluides biologiques, par rapport à ses indica-
tions cliniques initiales. De plus, le MTA a été initialement
rapporté comme présentant des propriétés antibactériennes
et antifongiques (Parirokh et Torabinejad, 2010).
Ce matériau s’avère dimensionnellement très stable, présen-
tant une faible dissolution et une capacité d’étanchéité
importante (Parirokh et Torabinejad, 2010), notamment
pour des épaisseurs minimales de 3 à 4 mm (Lamb et al.,
2003 ; Valois et al., 2004). En effet, la formation précédem-
ment décrite d’hydroxyapatite à la surface du matériau par-
ticipe à cette étanchéité en créant une adhésion au sein des
tissus dentinaires par infiltration de « tags » minéraux
(Bozeman et al., 2006 ; Reyes-Carmona et al., 2009 ; Han et
Okiji, 2011). Ces propriétés ont conforté l’usage du MTA dans
ses nombreuses indications cliniques. Cependant, ce maté-
riau présente de faibles propriétés mécaniques qui sont
considérées comme acceptables dans ses indications cli-
niques (résistance en compression de l’ordre de 40 MPa)
mais insuffisantes en tant que matériau de restauration.
Ses propriétés rhéologiques, quant à elles, n’en font pas un
matériau adapté à l’obturation canalaire à l’exception de
quelques indications notamment lors des procédures
d’apexification.
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Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
C - Évolution des formulations
Les formulations initialement développées dans les années
1990 ont subi des évolutions, pour améliorer d’une part le
matériau en lui-même et d’autre part pour en élargir les indi-
cations. En effet, le MTA a notamment vu sa formulation
évoluer afin, d’une part, de diminuer son temps de prise ini-
tialement très long (supérieur à 4 heures) en réduisant la
quantité de sulfate de calcium, et d’autre part, par l’intermé-
diaire du ProRoot MTA White, pour diminuer les phénomè-
nes de dyschromies des tissus dentaires observés initialement
lors de coiffages pulpaires ou soins de perforation, cette
dernière formulation ne présentant pas d’aluminoferrites
tétracalciques (C4AF) (Camilleri, 2008). Cependant, il a été
ensuite évoqué le rôle du radio-opacifiant (oxyde de
bismuth) dans les dyschromies et notamment par interactions
de ce dernier avec l’hypochlorite de sodium (Camilleri, 2014).
En 2012, le matériau Biodentine
(Septodont, France) a fait
son apparition sur le marché initialement comme matériau
de type substitut dentinaire « bioactif ». Sa formulation a été
développée pour pallier les imperfections mécaniques et de
manipulations des différentes formulations de MTA et ses
dérivés. Il se présente également sous forme d’une poudre
et d’un liquide mélangés par vibrations mécaniques, mais est
composé uniquement de silicates (C2S) et tricalciques (C3S),
de carbonate et de chlorure de calcium, ainsi que d’un
polymère hydrosoluble. Ces adjuvants ont pour but d’aug-
menter les propriétés mécaniques du matériau, d’accélérer
sa prise et de diminuer sa porosité. Ce matériau a été large-
ment utilisé et présente des propriétés biologiques au
contact des tissus pulpaires proches de celles du MTA
(Kaur et al., 2017). Il est cependant à noter que malgré son
utilisation possible dans les mêmes indications cliniques que
les matériaux précédents, sa faible radio-opacité rend son
contrôle radiographique plus délicat.
Enfin, dans la même lignée, la dernière évolution notable
peut être présentée par l’intermédiaire du matériau Thera-
Cal LC (Bisco, USA). Il se présente sous forme de seringue
avec embout injectable de type matériau de restauration
« flow », et a été développé dans le but d’associer la bioac-
tivité des silicates de calcium à la facilité de manipulation
des résines. Il comporte donc, en plus des silicates de
calcium, une phase organique lui permettant d’être photo-
polymérisé et d’avoir donc une prise quasi instantanée, tout
en étant indiqué en coiffage pulpaire direct. De par la toxi-
cité des résines démontrée vis-à-vis du complexe pulpo-
dentinaire, de nombreuses études ont été menées sur ce
matériau. Les résultats demeurent contradictoires. Alors
que des travaux ont justifié son utilisation directe au
contact de tissus pulpaires (Cannon et al., 2014), des
études in vitro et in vivo ont à l’inverse mis en évidence
une altération de la bioactivité des silicates de calcium due à
la présence de cette phase organique (Bakhtiar et al., 2017 ;
Giraud et al., 2018 ; Jeanneau et al., 2017).
En parallèle, et par suite logique, des formulations destinées
à l’obturation canalaire ont été développées et mises sur le
marché. Les formulations ont été développées en adaptant
ces matériaux à l’usage intra-canalaire. Leurs propriétés, en
comparaison aux ciments endodontiques « convention-
29
nels », seront présentées (cf. partie D). Ainsi, de nombreuses
formulations de type ciment d’obturation canalaire dérivées
des silicates de calcium sont dorénavant disponibles. Les
principales, ainsi que leurs compositions respectives, sont
présentées dans le tableau 29.1.
Bien que de compositions proches, des différences sont
néanmoins retrouvées d’une part dans la formulation elle-
même et d’autre part dans leurs présentations. Concernant
leur formulation, ces matériaux peuvent soit contenir direc-
tement du MTA (C2S, C3S, C3A et C4AF) ou des silicates de
calcium uniquement (C3S ou C2S et C3S) ; d’autre part, le
type de radio-opacifiant est variable (oxyde de bismuth ou
oxyde de zirconium), et enfin, il est à noter la présence ou
non de phosphate et d’hydroxyde de calcium et l’ajout
d’une phase organique (résine) dans la composition du
MTA Fillapex. Concernant leur présentation, ces formula-
tions peuvent être prémixées (prêtes à l’emploi) ou à mélan-
ger (que ce soit de type pâte/pâte ou poudre/liquide).
Enfin, très récemment, des variantes spécifiques ont éga-
lement été développées pour permettre une utilisation
compatible avec les techniques de compactage à chaud
de gutta-percha (EndoSequence, BC Sealer
HiFlow et du
TotalFill, BC Sealer
HiFlow) (cf. partie IIIB).
D - Particularités des formulations
destinées à l’obturation canalaire
et comparaison avec les ciments
de scellement endodontiques
« conventionnels »
Concernant les propriétés de ces nouveaux matériaux propres
aux manœuvres d’obturation endodontique par voie ortho-
grade, il est important de noter que les études menées com-
parent diverses formulations disponibles sur le marché et
précédemment décrites (tab. 29.1). Une généralisation des
résultats retrouvés à la seule famille des ciments à base de
silicates de calcium est donc peu pertinente. Ces matériaux
sont souvent comparés à des ciments endodontiques
« conventionnels » appartenant principalement aux familles
des ciments à base d’oxyde de zinc eugénol (par exemple,
Pulp Canal Sealer, Kerr, USA) ou encore à base de résine
époxy (par exemple, AH Plus, Dentsply Sirona, France). Nous
présenterons donc les principaux résultats décrits dans la lit-
térature en fonction des formulations étudiées.
1 - Au niveau physique et mécanique
Les principales propriétés physico-chimiques décrites ci-
après relèvent de la norme ISO 6876 de 2012 intitulée
« Matériaux de scellement des canaux radiculaires ». Celle-
ci remplace la norme de 2001 « Produits dentaires pour le
scellement des canaux radiculaires ». Cette norme concerne
aussi bien les ciments que les pâtes canalaires, et unique-
ment les matériaux indiqués dans le cas d’un traitement
endodontique par voie orthograde (ISO 6876, 2012).
D’autre part, elle ne prend pas en considération les risques
biologiques du matériau mais uniquement ses propriétés
liées à son utilisation technique, à savoir ses propriétés
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29 Endodontie

Tableau 29.1 Les principales formulations de ciments d’obturation canalaire à base de silicate de calcium (* selon les données
fournies par les fabricants et/ou disponibles dans la littérature scientifique).

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Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
physiques et mécaniques. Les aspects biologiques défi-
nissant la biocompatibilité d’un matériau sont décrits par
la norme ISO 10993-1 de 2018 « Évaluation biologique des
dispositifs médicaux. Partie 1 : Évaluation et essais au sein
d’un processus de gestion du risque » (ISO 10993-1, 2018) ainsi
que la norme ISO 7405 se rapportant spécifiquement au
domaine dentaire. Sont donc concernées dans cette
norme ISO 6876 : 2012, les propriétés du matériau telles
que sa fluidité (capacité d’écoulement), son temps de
travail et de temps de prise, son épaisseur de film, sa solu-
bilité et sa radio-opacité (ISO 6876, 2012).
a - Fluidité/écoulement
Dans le cadre des matériaux à usage endodontique et plus
précisément d’obturation canalaire par voie orthograde, le
comportement rhéologique du matériau est théoriquement
censé lui permettre de sceller l’ensemble des ramifications
et « irrégularités » du réseau endodontique, en combinaison
avec l’usage de la gutta-percha. La norme définit que
l’échantillon du matériau à tester (0,05 mL), placé entre
deux lames de verre, sur lesquelles est déposée une masse,
doit après 10 minutes représenter une surface d’au moins
17 mm de diamètre. Au niveau des différentes études retrou-
vées, il a notamment été montré que les matériaux MTA
Fillapex, EndoSequence BC Sealer
(Zhou et al., 2013) et
Endoseal MTA (Lee et al., 2017) répondaient à cette valeur
minimale, cependant le matériau BioRoot
RCS a été carac-
térisé par des résultats légèrement inférieurs à la norme
(16 mm) (Khalil et al., 2016), alors qu’une autre étude présente
pour ce dernier, des valeurs répondant à la norme (Kebudi
Benezra et al., 2017). Les valeurs décrites sont globalement
proches du ciment AH plus utilisé en comparaison.
b - Épaisseur de film
L’épaisseur de film du matériau à tester va être déterminée
sous contrainte en plaçant l’échantillon de matériau entre
deux lames de verre. Celle-ci ne doit pas excéder 50 mm à
la fin des conditions d’essai. Cette propriété est respectée
par les diverses formulations comme par exemple l’Endo-
Sequence BC Sealer
(Zhou et al., 2013) ou l’Endoseal MTA
ou MTA Fillapex (Kebudi Benezra et al., 2017) avec des
valeurs supérieures à l’AH Plus. Dans ce même travail, le
matériau BioRoot
RCS présente les valeurs les plus
élevées, alors qu’une autre étude les décrit comme légère-
ment supérieures à la norme (Khalil et al., 2016). Cependant,
on peut considérer que cette caractéristique, pour cette
famille de ciments endodontiques, n’est potentiellement
pas aussi préjudiciable cliniquement que dans le cas de
ciments endodontiques conventionnels.
c - Temps de travail/temps de prise
Le temps de travail du matériau va déterminer un temps
maximal permettant au praticien de manipuler le matériau
de façon adéquate. Globalement, ce temps est déterminé
d’une manière proche de celle des tests d’écoulement mais à
des temps plus élevés. La charge est appliquée 15 secondes
avant la fin du temps donné par le fabricant et la surface
obtenue doit respecter les 17 mm de diamètre pour que le
temps de travail soit considéré comme adéquat.
29
Concernant le temps de prise, il représente le temps néces-
saire au matériau pour réaliser sa prise complète, par l’évalua-
tion d’indentations créées sur un échantillon de matériau.
Lorsque celles-ci ne sont plus visibles, il est considéré que la
prise du matériau est terminée. Pour les matériaux nécessitant
de l’humidité pour réaliser leur prise, un moule en gypse pré-
cédemment incubé en atmosphère humide est utilisé. Cepen-
dant, de nombreux facteurs peuvent influencer le temps prise
et ce dernier est très variable en fonction des formulations et
des études publiées. Par exemple, il a été montré que le maté-
riau BioRoot
RCS avait un temps de prise inférieur à 6 heures
alors que le matériau MTA Fillapex n’avait pas fini sa prise après
une semaine (Prüllage et al., 2016). Une autre étude, avec des
conditions d’essai modifiées (apport hydrique accru), a mis en
évidence un temps de prise inférieur à 3 heures pour les maté-
riaux EndoSequence BC Sealer
et MTA Fillapex (Zhou et al.,
2013). Bien que variables, ces valeurs restent globalement
proches voire inférieures aux ciments conventionnels de
type eugénates ou à base de résines époxy se situant aux
alentours de 10 heures selon les études.
d - Solubilité
La solubilité d’un matériau est définie comme la capacité
d’un matériau à se dissoudre, généralement dans l’eau. Celle-
ci va correspondre à la masse perdue après son immersion
dans de l’eau pour un temps donné, cette propriété est
importante en endodontie puisqu’un matériau trop soluble
pourrait engendrer une perte d’étanchéité apicale après
traitement et ne plus répondre aux impératifs de celui-ci.
La norme définit que le matériau ne doit pas perdre plus de
3 % en masse après 24 heures dans de l’eau. De plus, visuel-
lement, aucun signe de désintégration de l’échantillon ne
doit être mis en évidence. Cependant, lorsque le matériau
ne nécessite pas d’humidité pour sa prise, le protocole
consiste à utiliser un échantillon de matériau à un temps
de prise supérieur de 50 % à celui donné par le fabricant, or,
comme décrit précédemment, ces temps au niveau de la
littérature sont souvent variables et éloignés des temps
donnés par les fabricants. Cependant ces temps peuvent
être allongés pour assurer une prise complète. D’autre
part, la dernière version de la norme préconise de réaliser
la prise pendant 24 heures en présence d’eau lorsque le
ciment concerné nécessite de l’humidité. Les ciments à
base de silicates de calcium présentent des valeurs de solu-
bilité d’une manière générale plus élevées que le matériau
AH Plus décrit comme présentant une très faible solubilité.
Par exemple, les valeurs de solubilité retrouvées pour les
matériaux BioRoot
RCS et MTA Fillapex restent supérieures
mais dans la norme ; de plus, celles-ci sont diminuées avec
le temps et l’utilisation d’une solution tampon PBS, plus
proche des conditions cliniques et ce jusqu’à 28 jours
(Prüllage et al., 2016). Des résultats proches ont été mis en
évidence pour le MTA Fillapex, tout comme pour l’Endo-
Sequence BC Sealer
mais avec des conditions de prises du
matériau modifiées (Zhou et al., 2013), comme décrit précé-
demment. Enfin, la simulation de mise en contact avec des
fluides biologiques par l’utilisation d’enzymes estérases
semble majorer la solubilité de l’EndoSequence BC Sealer

(Marashded et al., 2019).
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29 Endodontie
e - Stabilité dimensionnelle
La stabilité dimensionnelle des matériaux de scellement
canalaire était définie dans la précédente version de la
norme en fonction de la rétraction de prise et de son éven-
tuelle expansion. La rétraction devait être inférieure à 1 %
alors que l’expansion devait être inférieure à 0,1 %. Une
étude qui a comparé cette stabilité entre trois matériaux à
base de résines époxy (dont l’AH Plus) et l’Endoseal MTA a
mis en évidence les variations dimensionnelles les plus
faibles pour l’AH Plus et l’Endoseal MTA, ce dernier se révé-
lant à 30 jours légèrement inférieur. Les deux autres formu-
lations à base de résines époxy présentaient des valeurs bien
supérieures à la norme (Lee et al., 2017). D’autre part, une
faible rétraction a également été mise en évidence pour le
MTA Fillapex, alors que l’EndoSequence BC Sealer
pré-
sentait une légère expansion (inférieure à 0,1 %) (Zhou et al.,
2013). Cependant, cette expansion est moindre et apparaît
influencée par la mise en contact du ciment avec des
enzymes (Marashded et al., 2019).
f - Radio-opacité
Selon la norme, la radio-opacité d’un matériau de scelle-
ment canalaire doit être supérieure ou égale à celle d’un
échantillon d’aluminium d’une épaisseur de 3 mm. Cette
propriété permet bien évidemment le contrôle clinique pos-
topératoire de l’acte endodontique d’une manière suffisante
en permettant de distinguer le matériau d’entités anato-
miques présentes. Les différentes formulations retrouvées
présentent toutes des radio-opacités supérieures aux
recommandations de la norme, comme par exemple pour
le matériau BioRoot
RCS (Khalil et al., 2016) et les matériaux
EndoSequence BC Sealer
, Endoseal MTA ou encore MTA
Fillapex (Lee et al., 2017).
g - Interaction avec la dentine/adhésion/étanchéité
L’étanchéité de l’obturation endodontique est liée à l’adhé-
sion créée entre le ciment de scellement endodontique et
les parois dentinaires, ainsi qu’à l’interface entre le ciment et
la gutta-percha. Cette capacité d’adhésion est déterminée
par la force de liaison entre celui-ci, la dentine et la gutta-
percha par test push-out. Dans certaines études, des tests de
filtration par fluide et analyse par microscopie électronique
sont réalisés pour évaluer l’étanchéité de l’obturation.
Une étude évaluant la force d’adhésion des ciments Endo-
Sequence BC Sealer
et AH Plus a été réalisée par test
push-out concluant à l’absence de différence entre les deux
matériaux. La présence de boue dentinaire n’influençait
pas non plus les valeurs d’adhésion de ces deux ciments
(Shokouhinejad et al., 2013). Ces résultats sont confirmés
dans une autre étude, par test push-out, ne mettant pas en
évidence de différence entre l’iRoot SP et l’AH Plus. Cepen-
dant les valeurs d’adhésion retrouvées sont supérieures à
celles de deux autres ciments à base d’hydroxyde de
calcium et résines métacrylates (Ersahan et Aydin, 2010).
Une étude a mis en évidence, par technique de filtration de
fluide, une étanchéité équivalente entre les matériaux iRoot
SP et AH plus, jusqu’à 8 semaines (Zhang et al., 2009b). Il est
intéressant de noter que cette étude a également montré que
l’utilisation du matériau iRoot SP en obturation par com-
642
paction de gutta chaude en une vague n’avait pas d’influence
sur l’étanchéité du matériau. L’analyse en microscopie élec-
tronique n’a pas non plus mis en évidence de différence entre
les deux matériaux en ce qui concerne la présence de vides
(Zhang et al., 2009b). Concernant le MTA Fillapex, une étude a
démontré que ce matériau présentait des valeurs d’adhésion
inférieures au matériau AH26 (résines époxy) (Shakouie et al.,
2017). Le matériau BioRoot
RCS a été comparé à l’AH Plus
par utilisation de test de filtration de fluide et microsphères
(Viapiana et al., 2016). Cette étude n’a pas mis en évidence de
différence au niveau de l’étanchéité des deux matériaux.
Cependant l’analyse microscopique révèle l’interaction diffé-
rente de ces matériaux avec la surface dentinaire mettant en
évidence une véritable infiltration du matériau BioRoot
RCS
au niveau de la dentine (Viapiana et al., 2016).
Globalement, les ciments endodontiques à base de silicate de
calcium (ou dérivés du MTA) répondent d’une manière géné-
rale aux recommandations de la norme ISO 6876. Les pro-
priétés caractérisées sont nécessaires au succès clinique de
par la définition du cahier des charges d’un ciment endo-
dontique. Il est important de noter que certaines de ces
propriétés présentées sont à modérer en tenant compte de
la nature chimique de ces matériaux. Par exemple, les temps
de prise retrouvés (en fonction des études) parfois prolongés
peuvent susciter des interrogations. En effet, il est souvent
décrit pour les matériaux « conventionnels » que leurs poten-
tiels géno- et cytotoxiques sont supérieurs lorsque ceux-ci
sont fraîchement mélangés, et diminuent après la prise du
matériau (Camargo et al., 2014). Cependant ces valeurs restent
dans l’ensemble inférieures aux ciments conventionnels et de
plus ces matériaux à base de silicates présentent d’excellen-
tes propriétés biologiques, décrites ci-après et ce même
avant la prise finale des matériaux. Il en est de même pour
les valeurs importantes de solubilité supérieures aux ciments
conventionnels. En effet, ces matériaux présentent un com-
portement et des interactions avec les milieux biologiques
très spécifiques pouvant expliquer cette caractéristique.
Cependant, et comme il sera défini plus loin dans ce chapitre,
même si au niveau rhéologique ces ciments respectent les
recommandations de la norme, les techniques d’obturation
préconisées avec ces matériaux peuvent impliquer des pré-
cautions particulières importantes à connaître.
2 - Au niveau biologique
Afin d’étudier, et de comparer les propriétés biologiques
de ces ciments endodontiques, de nombreuses études ont
été menées. Ces études vont concerner leurs propriétés
antibactériennes, leur biocompatibilité, en évaluant
notamment leur éventuelle génotoxicité, cytotoxicité
ainsi que leur potentiel bioactif par l’intermédiaire de
l’étude de leurs effets sur la régénération induite sur les
tissus dentaires et péri-apicaux. Comme évoqué précé-
demment, ces aspects sont décrits par la norme ISO
10993-1 « Évaluation biologique des dispositifs médicaux.
Partie 1 : Évaluation et essais au sein d’un processus de
gestion du risque » (ISO 10993-1, 2018). Il est entre autres
préconisé pour les matériaux dentaires, des essais pri-
maires de génotoxicité et cytotoxicité (partie 3 et 5 de
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 669
Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
la norme) ainsi que des essais secondaires d’implantation
(partie 6).
a - Libération d’ions et alcalinisation
De par la réaction de prise décrite précédemment, des
études portant sur les formulations à usage intracanalaire
ont été menées concernant les phénomènes de relargage
par libération et d’alcalinisation du milieu. Une étude a mis
en évidence, en comparaison avec le MTA et le matériau
Biodentine
, la capacité du matériau EndoSequence BC
Sealer
à relarguer des ions Ca2+ mais d’une manière
moins importante que les deux précédents matériaux (Han
et Okiji, 2013). Ces résultats sont également retrouvés dans
une autre étude qui décrit une libération ionique importante
des matériaux iRoot SP, MTA Fillapex, à l’inverse du maté-
riau AH Plus (Borges et al., 2012). Il est important de noter
que ce phénomène, qui débute lors de la prise du matériau,
se poursuit dans le temps jusqu’à 3 semaines, dans le cas du
matériau BioRoot
RCS (Khalil et al., 2016). De même pour le
phénomène d’augmentation du pH lié à ce phénomène,
celui-ci se révèle important pour la plupart des formulations
et est prolongé dans le temps. C’est notamment le cas du
matériau TotalFill BC Sealer
(Zamparini et al., 2019). Une
autre étude récente a mis en évidence une alcalinisation
plus importante du BioRoot
RCS en comparaison au MTA
Fillapex (à l’inverse du matériau AH Plus), de plus des valeurs
importantes de pH (supérieures à 10) ont été relevées dans le
cas du matériau BioRoot
RCS jusqu’à 6 mois (Urban et al.,
2018).
b - Potentiel génotoxique
L’évaluation de la génotoxicité peut être réalisée selon divers
essais tels que le test des comètes, le test des micronoyaux
par exemple ; le but est de mettre en évidence des fractures
d’ADN ou des anomalies lors de divisions cellulaires, les cel-
lules cibles pouvant être diverses. Il a été montré notamment
que les matériaux EndoSequence BC Sealer
et iRoot SP
étaient sensiblement moins génotoxiques en comparaison
à un ciment eugénate (Nair et al., 2018).
De même en comparaison avec le ciment AH Plus, le maté-
riau EndoSequence BC Sealer
n’est pas considéré comme
génotoxique (Candeiro et al., 2016). Enfin, une dernière étude
a mis en évidence, toujours en comparaison avec le matériau
AH Plus, que les matériaux MTA Fillapex, iRoot SP et
BioRoot
RCS présentaient le moins de potentiel géno-
toxique, mais dans une moindre mesure pour le MTA Filla-
pex (Eldeniz et al., 2016).
c - Effets après implantation
Des essais ont été menés sur certaines formulations, ils ont
pour but d’évaluer la réaction tissulaire au contact du maté-
riau, en analysant sur coupes histologiques la présence de
signes d’inflammation (afflux cellulaire), de signes d’encapsu-
lation fibreuse ou encore de congestions tissulaires. Il a été
notamment montré chez le rat, l’apparition, avec l’utilisation
du matériau EndoSequence dans sa version putty, de réac-
tions inflammatoires tissulaires lors des premiers temps
d’implantation, en comparaison au MTA. Cependant, la réac-
tion tissulaire s’est avérée acceptable au bout de 6 semaines
29
(Taha et al., 2016). L’évaluation de la réaction consécutive à la
mise en place du matériau MTA Fillapex a mis en évidence,
tout comme le matériau AH Plus, une réaction tissulaire
inflammatoire importante à 1 semaine après implantation ;
cette réaction s’est avérée plus modérée à 60 jours mais
avec la présence de structures fibreuses dans le cas du MTA
Fillapex à l’inverse de l’AH Plus (Tavares et al., 2013). Enfin, des
résultats similaires ont été décrits pour ce même matériau en
comparaison à un eugénate lors d’implantation chez le rat
après 90 jours (Zmener et al., 2012).
d - Propriétés antibactériennes
L’étude de leur effet antimicrobien présente des résultats
variables en fonction des souches bactériennes étudiées et
des méthodes d’évaluation. Il a, par exemple, été montré un
effet antibactérien sur E. fæcalis du matériau Endo-
Sequence BC Sealer
similaire à celui de l’AH Plus, par
test de diffusion sur agar et contact direct (Candeiro et al.,
2016). Les matériaux iRoot SP et AH Plus sont efficaces en
contact direct contre E. fæcalis juste après mélange ; mais
cet effet, lorsque les matériaux ont réalisé leur prise, n’est
démontré que dans le cas du matériau iRoot SP (Zhang
et al., 2009a). Une étude a également mis en évidence une
activité antibactérienne contre E. fæcalis en utilisant un
modèle d’infection intratubulaire, des matériaux BioRoot

RCS, MTA Fillapex et AH Plus, le matériau BioRoot
RCS
ayant montré les effets les plus importants (Arias-Moliz et
Camilleri, 2016). D’autre part, une étude récente a mis en
évidence un effet antibactérien des matériaux TotalFill BC
Sealer
et AH Plus sur quatre souches bactériennes
(E. fæcalis, S. mutans, S. epidermidis, et S. aureus) sous
forme planctonique, plus important dans le cas du matériau
AH Plus mais plus durable avec l’utilisation du matériau
TotalFill  BC Sealer
. D’autre part il a été mis en évidence
une efficacité de ces deux matériaux sur ces mêmes souches
cette fois-ci organisées en biofilm « mono-espèce » (Kapra-
los et al., 2018). Enfin, cette activité en contact direct sur
micro-organismes sous forme planctonique a également été
démontrée pour le matériau TotalFill BC Sealer
et un
nouveau matériau en développement versus E. fæcalis et
C. Albicans tout comme sur un modèle de biofilm sur
dentine bovine mettant en évidence une activité plus impor-
tante de ces matériaux contre E. fæcalis en comparaison de
l’AH Plus (Zordan-Bronzel et al., 2019).
e - Cytotoxicité, biocompatibilité et bioactivité
L’étude du caractère cytotoxique des matériaux est investi-
guée par des essais de toxicité basale, à savoir si les cellules
survivent ou non au contact (direct ou indirect) du matériau ;
les cellules cibles étant choisies par les investigateurs des
études. Concernant les caractères cytotoxique et/ou bio-
compatible de ces matériaux, une étude a décrit une poten-
tielle cytotoxicité du matériau MTA Fillapex sur des cellules
souches humaines du ligament parodontal tout comme le
matériau AH Plus présentant à 1 et 7 jours de faibles niveaux
de viabilité cellulaire (Collado-González et al., 2017a). De
plus, il a été démontré une meilleure biocompatibilité du
matériau BioRoot
RCS puisque induisant une faible mort de
ce même type de cellule par rapport au matériau Endoseal
643
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 670
29 Endodontie
MTA (Collado-González et al., 2017b). Ce travail a également
mis en évidence la capacité du matériau BioRoot
RCS à
induire la prolifération cellulaire tout en permettant de
conserver son caractère « souche mésenchymateux » et sa
capacité à migrer (Collado-González et al., 2017b). Des résul-
tats proches ont été observés en étudiant la toxicité de
BioRoot
RCS, MTA Fillapex AH Plus et Pulp Canal Sealer
fraîchement mélangés et après prise, sur des cellules de type
ostéoblates. Ils démontrent une toxicité importante des
ciments eugénates et à base de résine époxy tout comme
pour le MTA Fillapex, les auteurs concluent que seul le
matériau BioRoot
RCS est biocompatible pour les cellules
ostéoblastiques (Jung et al., 2018). D’autre part, il a
été montré une toxicité faible sur des fibroblastes pour le
matériau EndoSequence BC Sealer
, en comparaison d’un
matériau eugénate qui présentait une toxicité bien plus
importante (Nair et al., 2018). Une absence de cytotoxicité
vis-à-vis des cellules souches du ligament parodontal des
formulations EndoSequence BC Sealer
et EndoSequence
BC Sealer
HiFlow en comparaison au ciment AH Plus a
également été mise en évidence (Rodriguez-Lozano et al.,
2020).
Eu égard aux propriétés bioactives décrites pour le matériau
MTA et ses dérivés présentés précédemment, ce potentiel
bioactif a également été étudié pour les formulations à
usage de ciment endodontique. La bioactivité du matériau
BioRoot
RCS a été démontré sur des cellules du ligament
d’une part en induisant leur prolifération et leur migration,
et d’autre part sur l’induction de sécrétion de facteurs
angiogéniques (VEGF, FGF-2) et ostéogéniques (BMP-2), en
comparaison au matériau Pulp Canal Sealer (Camps et al.,
2015). D’autre part, il a été démontré une augmentation de
l’expression du facteur de différenciation DMP-1 par des
cellules précurseurs ostéoblastiques de souris ainsi que
leur minéralisation par l’utilisation des matériaux Endo-
Sequence BC Sealer
et ProRoot ES en comparaison au
matériau AH Plus (Giacomino et al., 2019). Il a également
récemment été montré sur les cellules du ligament paro-
dontal humain que l’utilisation de BioRoot
RCS permettait
de stimuler la prolifération de fibroblastes sans affecter la
migration de cellules souches par rapport à l’utilisation de
Pulp Canal Sealer (Jeanneau et al., 2019). De plus, cette étude
a mis en évidence un potentiel anti-inflammatoire de
BioRoot
RCS, notamment traduit par une diminution de
la sécrétion d’une cytokine pro-inflammatoire par les cel-
lules du ligament parodontal préalablement stimulées
par un motif membranaire bactérien, le LPS (lipopolysac-
charides). Il est également démontré une diminution de la
migration et de l’activation d’un modèle de cellules inflam-
matoires humaines (THP-1) par l’utilisation du matériau
BioRoot
RCS (Jeanneau et al., 2019). Une étude a comparé
l’effet de EndoSequence BC Sealer
, du MTA Fillapex et de
l’AH Plus sur des cellules osseuses de souris, préalablement
stimulées au motif membranaire bactérien LPS, montrant un
potentiel anti-inflammatoire et de différenciation des deux
matériaux à base de silicate de calcium à l’inverse de l’AH
Plus (Lee et al., 2019). Enfin, une capacité importante des
formulations EndoSequence BC Sealer
et EndoSequence
BC Sealer
HiFlow à induire des phénomènes de diffé-
644
renciation ostéo-cémentogénique a été démontrée in vitro
sur des cellules souches du ligament parodontal (Rodriguez-
Lozano et al., 2020).
En conclusion, au niveau biologique, il apparaît évident que
les résultats varient en fonction des formulations étudiées.
Concernant le potentiel antimicrobien, ces ciments à base
de silicate de calcium présentent globalement des résultats
proches d’autres familles de ciments endodontiques ;
d’autre part, les protocoles in vitro restent souvent éloignés
de l’infection endodontique qui reste complexe et pour
laquelle les procédures d’irrigation et de mise en forme
jouent des rôles majeurs. Cependant, le rôle du ciment
dans les phénomènes liés au contrôle de l’inflammation et
à la régénération des tissus en cas d’inflammation péri-
apicale demeure très largement étudié. C’est pourquoi
l’étude des propriétés de ces nouveaux matériaux sur les
populations cellulaires concernées est primordiale. Il appa-
raît évident que ces matériaux présentent, par leur nature
chimique, une absence de génotoxicité et de cytotoxicité
mais également des caractères de biocompatibilité, voire de
bioactivité. Ces propriétés peuvent laisser présager, en com-
plément d’un protocole clinique endodontique adéquat, un
potentiel impact sur les processus de cicatrisation des tissus
péri-apicaux. Les résultats plus inconstants dans la littéra-
ture du matériau MTA Fillapex, induisant dans certaines
études des réponses cellulaires potentiellement délétères,
sont souvent expliqués par les auteurs, par la présence dans
la formulation de composés résineux de type salicylique.
III - Utilisation clinique des silicates
de calcium pour l’obturation
canalaire
L’ensemble des indications et l’utilisation clinique des sili-
cates de calcium en endodontie sont abordés dans diffé-
rents chapitres. Ce paragraphe est focalisé uniquement sur
l’utilisation clinique des ciments à base de silicate de
calcium pour l’obturation canalaire.
A - Évolution des concepts
liés à l’obturation canalaire
En présence d’une infection endodontique, la complexité
anatomique rend difficile voire impossible l’élimination
complète des micro-organismes en particulier lorsque ces
derniers sont organisés sous forme de biofilm (Vertucci,
2005). Malgré des procédures de mise en forme et d’irriga-
tion canalaire de plus en plus performantes, des bactéries
résiduelles sont le plus souvent présentes. Le scellement
tridimensionnel du réseau endodontique est donc essentiel
pour « emmurer » ces dernières, les priver de sources nutri-
tives et pour empêcher le passage des toxines bactériennes
dans les tissus péri-radiculaires (Schilder, 1967).
De nombreuses techniques d’obturation canalaire ont été
proposées (Tomson et al., 2014), le plus souvent basées sur
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 671
Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
l’association d’un ciment de scellement endodontique et de
gutta-percha. Parmi elles, la technique monocône a été lar-
gement utilisée, reposant sur l’utilisation d’un cône de gutta
unique noyé dans un volume important de ciment canalaire,
considérée alors comme un véritable matériau de remplis-
sage. Cette technique est souvent considérée comme
simple, rapide à mettre en œuvre, et peu opérateur dépen-
dante (Wu et al., 2006). Cependant, certains ciments utilisés
en endodontie (et en particulier à base d’oxyde de zinc/
eugénol) présentent également une rétraction lors de leur
processus de prise et tendent à se résorber au cours du
temps. Ces inconvénients augmentant avec l’épaisseur de
ciment (De-Deus et al., 2006 ; Ørstavik et al., 2001), la
technique monocône associée aux ciments à base d’oxyde
de zinc/eugénol peut donc compromettre l’étanchéité de
l’obturation et donc le pronostic du traitement. En consé-
quence, la technique monocône en association avec les
ciments conventionnels de type oxyde de zinc/eugénol
est considérée comme inappropriée. Malgré cela, elle conti-
nue cependant à être largement utilisée.
Pour limiter l’impact de la rétraction et la dissolution des
ciments de scellement endodontiques conventionnels, il a
donc été préconisé d’augmenter le volume de gutta-percha
et de minimiser l’épaisseur du film de ciment en utilisant
différentes techniques de compactage de gutta-percha à
froid et idéalement à chaud. Ces techniques, par leur
action « compressive », ont également pour objectif
d’optimiser le scellement des irrégularités du réseau endo-
dontique.
Comme évoqué dans le paragraphe précédent, les silicates
de calcium largement utilisés en endodontie depuis l’avène-
ment du ProRoot  MTA en 1993 ont progressivement
évolué ; plus récemment ont donc été proposées des
formulations particulières destinées à l’obturation canalaire
en association avec un ou plusieurs cônes de gutta-percha
(Camilleri, 2017). Les propriétés optimisées de ces ciments
hydrauliques, hygroscopiques par comparaison aux ciments
de scellement endodontiques conventionnels (Jafari et
Jafari, 2017 ; Prati et Gandolfi, 2015 ; Silva Almeida et al.,
2017) ont contribué à une nouvelle évolution des concepts
de l’obturation canalaire notamment en réactualisant la
technique dite monocône (Trope et al., 2015). Outre leurs
propriétés antibactériennes et bioactives, ces matériaux
hydrophiles présentent même une légère expansion au
contact de l’eau ; durant leurs processus de prise impliquant
une hydratation du matériau, de l’hydroxyde de calcium est
formé et des ions calcium sont libérés, se liant aux ions
phosphates de la dentine pour créer une véritable couche
d’infiltration minérale contribuant à optimiser l’adhésion du
ciment aux surfaces dentinaires et l’étanchéité de cette
interface (Atmeh et al., 2012).
Si aujourd’hui les techniques de compactage de gutta-
percha en association avec les ciments conventionnels
(principalement à base d’oxyde de zinc/eugénol ou plus
récemment de résine époxy) demeurent les techniques de
référence, l’avènement des silicates de calcium destinés à
l’obturation canalaire a donc donné à la technique mono-
cône un regain d’intérêt évident (fig. 29.2). Cette dernière est
d’ailleurs la technique recommandée par la plupart des
29
Figure 29.2 Évolution des concepts d’obturation canalaire.
a. Technique monocône initialement basée sur l’utilisation
d’un cône de gutta-percha placé au sein d’une pâte canalaire
à base d’oxyde de zinc/eugénol. b. Techniques basées sur
l’utilisation de gutta-percha compactée associée à une fine
couche de ciment de scellement endodontique. c. Technique
monocône réactualisée basée sur l’utilisation d’un cône de
gutta-percha de conicité légèrement inférieure à celle de la
mise en forme inséré au sein d’un ciment à base de silicate de
calcium (condensation hydraulique).
firmes commercialisant les ciments endodontiques à base
de silicate de calcium même si certaines formulations auto-
risent la mise en œuvre de techniques de compactage à
froid et/ou à chaud.
La technique monocône réactualisée redonne au ciment un
véritable rôle de remplissage alors que la présence du cône
de gutta-percha se limite à deux intérêts principaux :
- après mise en place du ciment à base de silicate de
calcium, le cône se comporte en tuteur ou encore
« condenseur » aidant la pénétration et la répartition du
ciment au sein du réseau endodontique (notion de
condensation hydraulique préalablement définie) ;
- en cas d’indication de retraitement endodontique non
chirurgical, le cône de gutta peut être aisément éliminé
pour faciliter l’accès au tiers apical et ré-établir la per-
méabilité apicale. Ce point sera néanmoins discuté dans
la suite de ce chapitre.
B - L’utilisation clinique des silicates
de calcium pour l’obturation canalaire
soulève de nouvelles questions
1 - Irrigation finale et technique de séchage canalaire
La présence d’humidité est susceptible d’affecter la prise
des ciments conventionnels mais également leur adhésion
aux surfaces dentinaires (Zmener et al., 2008). A contrario,
les silicates de calcium nécessitent quant à eux la présence
d’humidité pour amorcer le processus de prise.
Cela a donc une implication sur la méthode de séchage à
appliquer avant obturation canalaire, en particulier concer-
nant les formulations prémixées prêtes à l’emploi (sans ajout
d’un liquide additionnel) et conditionnées en seringues
(TotalFill BC Sealer
, EndoSequence BC Sealer
, iRoot
SP). Pour ce type de formulations, l’eau présente naturelle-
645
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 672
29 Endodontie
n a
n b
Figure 29.3 a. Exemples de dispositifs permettant une aspira-
tion intracanalaire. Aspiration chirurgicale connectée à un
embout d’injection habituellement utilisé en dentisterie restau-
ratrice. b. Embout flexible Capillary tips (Ultradent) pouvant
être connecté sur l’aspiration.
ment dans les tubuli dentinaires est censée initier la réaction
de prise de ces biomatériaux. Ce mécanisme interroge
notamment dans le tiers apical où la densité des tubuli
dentinaires est beaucoup plus faible (Mjör et Nordahl, 1996).
La plupart des études publiées recommandent donc l’utili-
sation des dispositifs habituels tels que pointes de papier
stériles et/ou mini-aspiration intracanalaire (voir fig. 29.3)
pour effectuer le séchage mais ce dernier doit être
modéré sans déshydratation des surfaces dentinaires cana-
laires (Nagas et al., 2012 ; Taxsdemir et al., 2014). C’est donc
l’intensité du séchage qui est moindre dans le cadre d’une
condensation hydraulique avec les silicates de calcium. Un
parallèle peut être établi avec la dentisterie adhésive lors
des procédures de type wet bonding pour lesquelles il était
recommandé de « sécher sans dessécher » la dentine après
son mordançage pour éviter un effondrement du réseau de
collagène avant application de certains systèmes adhésifs
(Kanca, 1992 ; Pashley et al., 2011).
Dans le cadre de l’obturation canalaire avec des silicates de
calcium, l’utilisation d’alcool avant séchage est donc pro-
scrite puisqu’elle induit une déshydratation dentinaire. Une
enquête internationale menée auprès de praticiens généra-
listes et d’endodontistes a pourtant révélé que 10 % des
utilisateurs de ciments à base de silicate de calcium décla-
raient malgré tout l’utilisation d’alcool lors de la procédure
de séchage en association avec des pointes de papier
(Guivarc’h et al., 2019).
À la différence des techniques utilisant des ciments conven-
tionnels, le séchage doit donc être modéré en intensité en
évitant l’obtention d’une surface dentinaire déshydratée et
d’aspect crayeux. Le même protocole de séchage peut être
utilisé pour les silicates de calcium nécessitant un mélange
préalable poudre/liquide (comme le BioRoot
RCS) même
si l’incorporation de ce dernier amorce la réaction d’hydra-
tation et donc le processus de prise du biomatériau.
Puisqu’un séchage modéré est recommandé, il convient
donc de s’interroger sur les interactions potentielles entre
les résidus de la dernière solution d’irrigation utilisée encore
présents dans les tubuli dentinaires et ces biomatériaux. En
effet, des études ont montré les effets potentiellement
646
délétères des solutions d’irrigation les plus fréquemment
utilisées sur les silicates de calcium :
- interactions entre hypochlorite de sodium et oxyde de
bismuth contenu notamment dans le ProRoot MTA à
l’origine de dyschromies sévères (Camilleri, 2014 ; Marciano
et al., 2015). Si les ciments endodontiques à base de MTA
incluent de l’oxyde de Bismuth comme radio-opacifiant
(MTA Fillapex, Endoseal MTA, CPM), les silicates de
calcium « purifiés » (BioRoot RCS, iRoot  SP, Endo-
Sequence BC Sealer
, TotalFill BC Sealer
) n’en
contiennent pas, ce dernier étant remplacé avantageuse-
ment par un opacifiant inerte, l’oxyde de zirconium ;
- interactions de ces biomatériaux avec la chlorhexidine ou
encore l’EDTA à l’origine potentielle d’une adhésion
moindre des silicates de calcium sur les surfaces dentinaires
canalaires (Harik et al., 2016 ; Razmi et al., 2016). Par ailleurs,
l’EDTA étant un agent chélateur du calcium, il est également
susceptible de modifier la chimie des silicates de calcium.
Les conséquences cliniques réelles de telles interactions
restent cependant aujourd’hui à éclaircir mais dans l’attente
de nouvelles études, il convient de préconiser un rinçage
final à l’eau stérile avant réalisation du séchage canalaire
modéré décrit en amont.
Enfin, la présence d’un exsudat inflammatoire ou de pus
ne pouvant être contrôlé impliquera une médication à
l’hydroxyde de calcium et le fait de différer l’obturation
canalaire indépendamment de la technique et du type de
ciment utilisés.
2 - Choix des cônes de gutta-percha
a - Qualité de l’interface gutta-percha/silicates
de calcium
L’étanchéité globale de l’obturation dépend de la qualité
des interfaces dentine/ciment mais également ciment/
gutta-percha. Comme mentionné précédemment les sili-
cates de calcium sont des matériaux hydrophiles alors que
la gutta-percha est un matériau hydrophobe. La liaison entre
les deux biomatériaux n’est pas optimale et cette interface
pourrait donc constituer une voie de pénétration pour les
micro-organismes en cas de recontamination coronaire.
Pour améliorer la qualité de cette interface, les firmes
commercialisant les silicates de calcium prémixés ont
recommandé l’utilisation de cônes de gutta-percha spéci-
fiques recouverts d’une fine couche de nanoparticules de
biocéramiques censée optimiser la liaison avec le ciment
associé (notion d’obturation monobloc). Ces cônes spéci-
fiques restent cependant rarement utilisés d’après une étude
récente (Guivarc’h et al., 2019).
De plus, une interface de moins bonne qualité entre ces
cônes de gutta-percha spécifiques et les ciments silicates
de calcium correspondants a été rapportée par comparaison
à l’utilisation de cônes de gutta-percha conventionnels
(Eltair et al., 2018).
À l’inverse, la société Septodont préconise quant à elle
l’utilisation de tout type de cônes de gutta-percha, souli-
gnant le fait que le produit BioRoot
RCS contient la Povi-
done, un polymère organique, qui optimiserait la liaison du
ciment BioRoot
RCS avec la gutta-percha.
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 673
Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
À notre connaissance, aucune étude pertinente à ce jour ne
permet de soutenir scientifiquement l’utilisation de cônes
spécifiques pré-imprégnés de biocéramiques et en parti-
culier la réalité d’une liaison chimique réelle entre ces der-
niers et le ciment à base de silicate de calcium associé.
De même, à notre connaissance, l’impact de la Povidone sur
l’amélioration de l’interface entre gutta-percha et BioRoot

RCS n’a pas encore été investigué et démontré.
De plus, comme pour toute technique d’obturation cana-
laire, les cônes de gutta-percha doivent être désinfectés
en amont de leur utilisation par immersion dans une solu-
tion désinfectante. Des études ont clairement montré la
dégradation possible de la gutta-percha à la suite d’une
immersion prolongée notamment dans des solutions
d’hypochlorite de sodium et en fonction de la concentra-
tion (Prado et al., 2012 ; Valois et al., 2005). Il est donc
légitime de s’interroger sur une possible dégradation de la
fine couche de nanoparticules de biocéramiques présente à
la surface des cônes spécifiques pré-imprégnés.
b - Sélection de la conicité du maître-cône
de gutta-percha
Si le calibrage du maître-cône en diamètre se fait selon les
mêmes critères que pour les techniques d’obturation
conventionnelles (correspondance avec le diamètre apical
du canal et ajustage à la longueur de travail), le choix de la
conicité peut être sujet à discussion.
En effet, dans le cadre d’une technique d’obturation mono-
cône, le choix de la conicité du maître-cône a une influence
directe sur l’épaisseur de ciment. Le choix d’un maître-cône
de conicité inférieure à celle de la mise en forme canalaire,
préconisé par certains cliniciens, se traduira par une
augmentation de l’épaisseur de ciment. Si cette épaisseur
est néfaste pour les ciments à base d’oxyde de zinc/
eugénol, elle pourrait en revanche être favorable dans le
cadre des ciments à base de silicate de calcium.
3 - Techniques de mise en place des ciments
endodontiques à base de silicate de calcium
Une enquête internationale récente a révélé que, pour 38 %
des praticiens interrogés (et en particulier les praticiens
généralistes), la technique monocône en association avec
les silicates de calcium pouvait être indiquée indépendam-
ment de l’anatomie canalaire (Guivarc’h et al., 2019).
Dans le cadre de la condensation hydraulique et en parti-
culier de la technique monocône, en l’absence de compac-
tage intracanalaire de la gutta-percha (à l’exception de la
partie coronaire après section du cône de gutta-percha), le
ciment joue donc un rôle essentiel et doit idéalement péné-
trer dans l’ensemble du réseau endodontique (action réelle
de « remplissage » canalaire).
Le ciment doit donc être introduit en volume suffisant en
tenant compte de l’anatomie pour limiter la présence de
vides au sein de l’obturation et pour favoriser sa pénétration
tridimensionnelle par condensation hydraulique. En effet, la
présence de vides au sein de l’obturation canalaire pourrait
autoriser la prolifération de micro-organismes résiduels et
compromettre les résultats du traitement (Hammad et al.,
2009). Il est cependant important de rappeler qu’aucune
29
technique ne permet de s’affranchir totalement de la pré-
sence de vides au sein de l’obturation et que les consé-
quences cliniques réelles de ces derniers restent à éclaircir.
Comme évoqué plus haut, la pénétration tridimensionnelle
de ces ciments est optimisée notamment grâce à leurs
caractères hydrophiles et également du fait de propriétés
rhéologiques favorisant leur écoulement.
Plusieurs études récentes ont investigué l’influence des tech-
niques d’obturation et du type de ciment sur la présence de
vides. La technique monocône semble cependant être à
l’origine de vides plus importants par comparaison aux
autres techniques d’obturation et ce indépendamment du
ciment utilisé (Celikten et al., 2015, 2016 ; Gordon et al.,
2005 ; Viapiana et al., 2016). En revanche, à notre connais-
sance au moment de la rédaction de ce chapitre, l’influence
de la technique de mise en place intracanalaire des ciments à
base de silicate de calcium sur la présence de vides n’a pas
été étudiée alors qu’il pourrait s’agir d’un paramètre impor-
tant dans le cadre de la technique monocône, le ciment
occupant une partie significative du volume canalaire. Une
étude récente a révélé que 51 % des praticiens interrogés
utilisaient un dispositif additionnel (embouts d’injection ou
bourre-pâte) aidant l’insertion et la pénétration du ciment au
sein du réseau canalaire (Guivarc’h et al., 2019).
Concernant les formulations prémixées, les embouts d’injec-
tion fournis et connectés à la seringue permettent de placer
le ciment directement à l’intérieur du canal. Si ces embouts
sont pratiques, il est néanmoins préférable d’effectuer cette
injection sous contrôle visuel afin de mieux contrôler la
quantité de matériau introduite dans le canal. Après injec-
tion dans les deux premiers tiers (en fonction de l’anatomie
canalaire), l’insertion lente et continue du cône de gutta-
percha à la longueur de travail guidera ensuite le ciment vers
le tiers apical et les irrégularités du système canalaire.
Concernant les produits impliquant un mélange préalable,
l’introduction du ciment dans le canal à l’aide d’une pointe
de papier stérile est proscrite (fig. 29.4). En effet, cette der-
nière aurait pour conséquence d’absorber l’humidité du
mélange qui est essentielle à la prise du matériau.
Figure 29.4 Mise en place du ciment endodontique à l’aide
d’une pointe de papier stérile. Dans le cadre de la technique
monocône, la mise en place du ciment dans le canal à l’aide
d’une pointe de papier préalablement enduite de ciment à base
de silicate de calcium est proscrite car cette dernière absorbe
l’humidité nécessaire à la prise du ciment.
647
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 674
29 Endodontie
Théoriquement, en technique monocône et plus géné-
ralement en condensation hydraulique, le maître-cône se
comporte comme un tuteur et est censé guider la péné-
tration tridimensionnelle du ciment au sein du réseau endo-
dontique. La mise en place du ciment à l’aide du cône de
gutta-percha (fig. 29.5) ou d’un instrument endodontique
stérile est envisageable mais préférentiellement dans le
cadre de canaux étroits et de section circulaire, c’est-à-
dire lorsque le volume de ciment nécessaire est peu impor-
tant et finalement assez comparable au volume nécessaire
de ciment lors d’une technique d’obturation convention-
nelle basée sur le compactage de gutta-percha.
L’utilisation d’un bourre-pâte type Lentulo peut présenter
aujourd’hui un regain d’intérêt évident dans le cadre de la
technique monocône réactualisée (Guinesi et al., 2014)
(fig. 29.6). En effet, en présence de canaux larges, aplatis
ou d’anatomies irrégulières le volume de ciment nécessaire
est plus important et une action réelle de remplissage est
recherchée. L’utilisation d’un bourre-pâte permet donc le
remplissage du canal à l’aide de silicates de calcium préala-
blement à l’insertion lente, progressive et continue du
maître-cône à la longueur de travail. Le bourre-pâte peut
être avantageusement utilisé sur le moteur d’endodontie à
des vitesses de rotation de l’ordre de 700 à 800 tours/min
pour un bon compromis efficacité/sécurité. Le Lentulo est
en revanche totalement inutile lors de la mise en œuvre de
techniques d’obturation conventionnelles impliquant un
compactage de la gutta-percha car l’épaisseur de ciment
doit être la plus fine possible.
Enfin, dans le cadre d’anatomies particulières ou de canaux
particulièrement larges, si une technique de condensation
hydraulique est sélectionnée, des cônes de gutta-percha
accessoires peuvent être éventuellement insérés pour opti-
miser les composantes hydrauliques. Dans ces situations, il
est cependant important de préciser que les techniques
Figure 29.5 Section transversale à 6 mm de l’apex d’une racine
obturée en technique monocône/silicates de calcium. La mise
en place du ciment dans le canal à l’aide du cône de gutta-
percha préalablement enduit de ciment à base de silicate de
calcium peut s’avérer insuffisante dans des canaux larges et/ou
ovales. Noter la présence d’un vide important en regard de la
flèche rouge à comparer avec le remplissage adéquat en regard
de la flèche verte.
648
d’obturation conventionnelles basées sur un compactage
de gutta-percha apparaissent plus appropriées.
4 - Silicates de calcium et compactage de gutta chaude
De nombreux praticiens utilisent dans leurs pratiques quo-
tidiennes des techniques d’obturation basées sur le compac-
tage de gutta chaude (thermocompaction, compactage
vertical et technique dérivées, techniques à tuteurs...). Afin
de limiter les risques liés à la technique monocône tout en
bénéficiant des propriétés optimisées des ciments à base de
silicate de calcium, il a été proposé d’utiliser ces ciments en
association avec les techniques conventionnelles de compac-
tage de gutta-percha (Celikten et al., 2016 ; Fernández et al.,
2016). Si cette approche peut apparaître cohérente, elle
soulève néanmoins la question d’une éventuelle modification
des propriétés des ciments à base de silicate de calcium
lorsqu’ils sont soumis à une élévation de température.
Il a notamment été démontré que les propriétés physiques
de ces ciments, leur temps de prise ainsi que leur adhésion à
la dentine pouvaient être modifiés lorsqu’ils étaient soumis
à des élévations de température lors de l’application de
techniques de compactage à chaud (Camilleri, 2015 ;
DeLong et al., 2015). D’autre part, il a été mis en évidence
une perte d’eau pour la formulation BioRoot
RCS et une
perte de propylène glycol pour le TotalFill BC Sealer

lorsque ces matériaux sont soumis à des températures supé-
rieures à 100 oC (Atmeh et al., 2020).
Cependant, même si les réglages de température générale-
ment recommandés des dispositifs destinés aux techniques
de compactage vertical à chaud sont en réalité de 200 oC,
des travaux ont montré que les températures relevées au
niveau des fouloirs ou à l’intérieur du canal sont, en réalité,
bien moindres que les températures affichées et le plus
souvent nettement inférieures à 100 o C (Atmeh et al.,
2020 ; Hadis et Camilleri, 2020).
b c d
Figure 29.6 Sections transversales à 3, 6 et 9 mm de l’apex d’une
racine obturée en technique monocône/silicates de calcium.
Dans le cadre d’un canal large et/ou ovale obturé en technique
monocône, l’utilisation d’un bourre-pâte ou d’un embout d’in-
jection optimise le remplissage et la répartition intracanalaire
du ciment. Notez l’épaisseur de ciment autour du cône de
gutta-percha.
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Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire 29

D’autres travaux apparaissent nécessaires pour clarifier
l’effet de la température sur ces ciments en situation ou
simulation clinique et la réelle nécessité d’avoir recours
aux formulations spécifiques évoquées préalablement
(HiFlow) (Hadis et Camilleri, 2020).
5 - Réflexions sur les indications de la condensation
hydraulique
Avec l’intérêt suscité par ces silicates de calcium pour
l’obturation canalaire, il convient de mener une réflexion
sur leurs indications préférentielles.
a - Indications liées à l’anatomie canalaire
Classiquement la technique de compactage verticale de
gutta chaude et ses dérivés sont utilisés avec des ciments
conventionnels et imposent une pénétration intracanalaire
profonde de fouloirs verticaux de compactage.
En raison de l’anatomie canalaire mais également du type de
cavité d’accès endodontique réalisée (traditionnelle, conser-
vatrice voire ultraconservatrice), la pénétration des fouloirs
à la longueur requise n’est pas toujours possible. De ce fait,
certaines études ont investigué l’élévation de température
au sein de la gutta-percha dans les derniers millimètres
apicaux et ont conclu que cette dernière était le plus
souvent négligeable lors de l’utilisation du système B (tech-
nique dérivée du compactage vertical) (Venturi et al., 2002).
Puisque non réchauffée, la partie apicale terminale de
l’obturation pourrait donc être assimilée à une obturation
monocône avec les inconvénients des ciments convention-
nels. Ce phénomène est d’autant plus fréquent que la racine
concernée est courbe, fine et longue (fig. 29.7) et que l’accès
endodontique et la mise en forme canalaire sont conserva-
teurs (fig. 29.8).
Les anatomies particulières présentant des ramifications
(Vertucci V, VI, VII) sont également des situations délicates
à gérer sur le plan technique en particulier lors de l’obtura-
tion canalaire (fig. 29.9).
Dans l’ensemble des situations cliniques décrites ci-dessus,
l’utilisation d’une technique monocône en association avec
les silicates de calcium présente donc l’avantage de simpli-
fier considérablement le protocole clinique. En effet, la dif-
ficulté se limite alors à la mise en place du ciment et à
l’insertion du ou des cônes de gutta-percha.
En revanche, les techniques de compactage convention-
nelles devraient être plutôt privilégiées en présence de
canaux aplatis, larges, irréguliers. Ces dernières peuvent
être mises en œuvre avec des ciments conventionnels ou
éventuellement avec la formulation adaptée de silicates de
calcium précitée (EndoSequence BC Sealer
HiFlow).
b - Indications liées à l’accessibilité opératoire
La gestion de certaines situations cliniques où l’accès opé-
ratoire est difficile peut être facilitée par l’utilisation d’une
technique monocône (notamment au niveau des secondes
molaires maxillaires du fait de leurs orientations distovesti-
bulaires). En effet, une ouverture buccale limitée ou certai-
nes malpositions dentaires peuvent compliquer la mise en
œuvre de techniques de compactage en fin de séance, c’est-
à-dire au moment où le patient est souvent déjà fatigué par
les efforts accomplis pour maintenir une ouverture compa-
tible avec la réalisation des soins.
c - Indications liées à des impératifs biologiques
La cicatrisation des parodontites apicales fait intervenir des
mécanismes complexes liés à la qualité du traitement réalisé
par le praticien mais également au système immunitaire du
patient. Les facteurs intervenants dans ce processus étant

n a
n b

Figure 29.7 Traitement endodontique d’une molaire maxillaire nécrosée. a. Le traitement endodontique de la dent 17 est indiqué
suite à une nécrose pulpaire. b. L’utilisation de techniques dérivées du compactage vertical de gutta chaude est peu adaptée dans
les racines longues et fines (ici, les mésiovestibulaire et distovestibulaire). Il a été montré que, dans de tels cas, l’élévation de
température au sein de la gutta-percha est négligeable dans les derniers millimètres apicaux. L’utilisation d’une technique mono-
cône en association avec les silicates de calcium permet de court-circuiter ce problème tout en limitant les contraintes méca-
niques sur les racines concernées.

649
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 676

29 Endodontie

n a
nb

Figure 29.8 a. Échec de coiffage pulpaire direct (flèche rouge) ayant abouti à une nécrose pulpaire. b. Dans ce contexte, une cavité
d’accès conservatrice ayant été réalisée, la pénétration intracanalaire requise de fouloirs de compactage vertical apparaît impos-
sible ou imposerait une mutilation tissulaire supplémentaire. Une obturation canalaire en technique monocône/silicates de
calcium simplifie la procédure tout en permettant la préservation des tissus coronaires sains.

Figure 29.9 Traitement

endodontique d’une
prémolaire mandibulaire à
3 canaux. a. Cas de nécrose
pulpaire de la dent 35 avec
présence d’une parodontite
apicale. Notez la complexité
du système canalaire.
b. La technique monocône en
association avec un ciment
à base de silicate de calcium
a été ici sélectionnée pour
faciliter la mise en œuvre de
l’obturation à l’issue d’une
séance longue et fastidieuse. n a
nb

multiples, il est par conséquent difficile voire impossible de
discriminer in vivo l’impact du choix des biomatériaux et des
techniques d’obturation sur la cicatrisation de ces lésions.
La bioactivité et plus précisément les propriétés bio-
minéralisantes des silicates de calcium ont été démontrées
dans la littérature scientifique (voir première partie de ce
chapitre). Globalement, les propriétés biologiques et
physico-chimiques de ces ciments constituent une des
raisons majeures rapportée par les praticiens pour justifier
leur utilisation clinique (Guivarc’h et al., 2019). L’utilisation
de ces matériaux pour l’obturation canalaire en association
avec la gutta-percha pourrait permettre d’optimiser voire
d’accélérer la cicatrisation des parodontites apicales du
fait de leur biocompatibilité, bioactivité, de leur caractère
antibactérien et de leur étanchéité (fig. 29.10).
Au niveau clinique, les dépassements de ciments endo-
dontiques conventionnels (surobturation), bien que non
recommandés, sont en général bien tolérés par l’organisme
et ne compromettent pas la cicatrisation des tissus péri-
apicaux (Ricucci et al., 2016).
Les dépassements de silicates de calcium, eu égard à
leurs propriétés biominéralisantes, pourraient stimuler la
cicatrisation des tissus périradiculaires. Aucune étude
clinique aujourd’hui ne permet de recommander de

650
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 677

Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire 29

n a
n
b
n c

Figure 29.10 Retraitement endodontique d’une prémolaire maxillaire avec parodontite apicale. a. Présence d’une parodontite
apicale en regard de la 15 indiquant un retraitement endodontique. b. Résultat immédiat après obturation canalaire en technique
monocône/silicates de calcium. c. Résultat radiographique à 1 an postopératoire illustrant la cicatrisation avancée des tissus
périapicaux.

n a
n
b
n c

Figure 29.11 a. Retraitement endodontique d’une molaire mandibulaire avec parodontite apicale et résorption externe. Le patient
a été informé qu’une chirurgie endodontique sera réalisée en complément du retraitement endodontique. b. Résultat immé-
diat après obturation canalaire en technique monocône/silicates de calcium. Noter la présence d’une surobturation et la présence
d’un vide (flèche rouge). Après scellement coronaire, il est alors décidé de différer la chirurgie endodontique. c. Résultat radio-
graphique à 6 mois postopératoire illustrant la cicatrisation des tissus péri-apicaux au contact de la racine et du ciment. La chirurgie
endodontique n’est plus indiquée.

telles pratiques mais la question est pertinente. Pour les

mêmes raisons, les ciments endodontiques à base de
silicate de calcium destinés à l’obturation canalaire
peuvent être également indiqués dans certaines situations
de perforation ou résorption radiculaire (fig. 29.11). Cela
présente également l’avantage de simplifier le protocole
opératoire puisqu’une perforation de type faux canal peut
ainsi être traitée dans le même temps et avec le même
ciment que celui servant à l’obturation du canal en
condensation hydraulique (fig. 29.12).
Chez les patients immunodéprimés, les ciments de scelle-
ment endodontiques à base d’oxyde de zinc ou de formal-
déhyde sont proscrits au niveau des dents antrales en raison
du risque majoré d’aspergillose sinusienne en cas de dépas- Figure 29.12 Obturation d’une perforation radiculaire d’une
sement intrasinusien (Guivarc’h et al., 2015). Dans ces situa- molaire mandibulaire. La technique monocône en association
tions, les silicates de calcium pourraient constituer une avec un ciment à base de silicate de calcium peut être utilisée
alternative intéressante aux ciments précités. Néanmoins pour traiter certaines perforations radiculaires (flèche rouge)
le phosphate de calcium étant un produit métabolique dans le même temps que l’obturation canalaire simplifiant ainsi
d’Aspergillus fumigatus (Tanaka et al., 1993), il conviendra le protocole opératoire (en 1 temps au lieu de 2).

651
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 678
29 Endodontie
malgré tout d’investiguer les potentielles interactions entre
ce champignon et les silicates de calcium.
d - Indications liées à la présence d’une fêlure (fig. 29.13)
Le traitement des dents présentant une fêlure est un sujet
controversé et différentes stratégies ont été proposées,
notamment en fonction de l’extension de la fêlure, pour
essayer de maintenir la dent sur l’arcade (Michaelson,
2015 ; Sim et al., 2016).
Lorsqu’une tentative de conservation de la dent est effectuée
et que le traitement endodontique est indiqué, il apparaît
alors préférable d’éviter d’exercer des contraintes mécaniques
supplémentaires par application de techniques de compac-
tage de gutta-percha. L’utilisation d’une technique d’obtura-
tion la moins traumatique possible (de type condensation
hydraulique en association avec les silicates de calcium)
peut donc s’avérer intéressante dans ces situations cliniques.
6 - Retraitement endodontique non chirurgical
L’un des éléments les plus controversés concernant l’uti-
lisation des ciments endodontiques à base de silicate de
calcium est la possibilité de réintervention en cas d’échec
endodontique (Guivarc’h et al., 2019).
En effet, le matériau, du fait de sa dureté après le processus
de prise (Hess et al., 2011), peut devenir difficile à pénétrer.
Par ailleurs, il n’existe pas de solvant spécifique pour les
silicates de calcium. De ce fait, le cône de gutta-percha
est utilisé comme voie de désobturation pour accéder au
tiers apical. La qualité de l’ajustage du cône de gutta-percha
pourrait donc conditionner la réintervention endodontique.
Des études ont examiné la possibilité de réobtenir la per-
méabilité apicale après désobturation de canaux préalable-
ment obturés à l’aide de silicates de calcium et gutta-percha.
n a
n
b
Figure 29.13 a. Cas de nécrose pulpaire de la dent 47 avec parodontite apicale. Une fêlure coronaire est visible en distal sans
extension intracanalaire. b. Le choix d’une technique d’obturation la plus atraumatique possible est privilégié (condensation
hydraulique). Résultat immédiat après obturation canalaire en technique monocône/silicates de calcium. c. Contrôle radiogra-
phique à 1 an postopératoire illustrant la cicatrisation des tissus péri-apicaux.
652
La plupart de ces travaux ont montré que la perméabilité
apicale pouvait être obtenue de façon reproductible lorsque
le maître-cône avait été préalablement ajusté à la longueur de
travail (Carpenter et al., 2014 ; Donnermeyer et al., 2018 ; Ersev
et al., 2012 ; Hess et al., 2011 ; Neelakantan et al., 2013).
Néanmoins, la pertinence clinique de ce type de travaux
expérimentaux peut être discutée puisque la plupart des
retraitements endodontiques effectués en pratique quoti-
dienne sont indiqués en cas d’obturations insuffisantes,
généralement courtes par rapport à la longueur de travail
et associées à une parodontite apicale (Di Filippo et al., 2014)
(fig. 29.14).
D’autres études ont d’ailleurs révélé qu’il était souvent diffi-
cile voire impossible d’obtenir une perméabilité apicale
après désobturation (Hess et al., 2011 ; Oltra et al., 2017)
lorsque les obturations étaient courtes par rapport à la
longueur de travail sur des canaux courbes et même
droits. Ces situations expérimentales traduisent donc de
façon plus pertinente la réalité des situations cliniques
quotidiennes d’indication de retraitements endodontiques.
Cela suggère également la présence possible de silicates de
calcium au-delà du maître-cône pouvant compliquer le
retraitement endodontique du fait de leur dureté et
induire des manœuvres iatrogènes de type butée, voire
perforation, a fortiori dans les canaux courbes.
La problématique de la réintervention orthograde est donc
étroitement connectée à l’anatomie canalaire et à la qualité
de l’obturation préalable réalisée (fig. 29.15).
Dans le cas d’une technique monocône associée aux sili-
cates de calcium, il a été recommandé par certains auteurs
d’ajuster le maître-cône à la longueur de travail moins 1 à
2 mm afin d’obtenir un scellement apical optimisé avec
présence unique de silicates de calcium dans les derniers
millimètres (Kossev et Stefanov, 2009). Cette technique
n c
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 679
Utilisation des silicates de calcium pour l’obturation canalaire
n a
n
b
Figure 29.14 a. Diagnostic de parodontite apicale chronique sur 36 présentant un traitement endodontique incomplet et indiquant
un retraitement endodontique. b. Cliché postopératoire immédiat après retraitement endodontique. b. Cliché radiographique à
1 an postopératoire illustrant la cicatrisation des tissus péri-apicaux.
n a b
appelée « capillary condensation » est un non-sens pour
deux raisons majeures :
- elle est hautement opérateur dépendante et apparaît donc
non reproductible : en effet, comment s’assurer que le
silicate de calcium comblera le vide existant entre l’extré-
mité du maître-cône et le foramen apical ? ;
- elle pourrait compliquer voire rendre impossible l’obtention
de la perméabilité apicale si le retraitement était indiqué.
En France, trois études épidémiologiques rapportent des
pourcentages de traitements inadéquats compris entre 68
et 81 % avec des taux d’échecs de l’ordre de 30 % (Boucher
et al., 2002 ; Lupi-Pegurier et al., 2002 ; Tavares et al., 2009).
De ce fait, les indications de retraitements endodontiques
sont donc fréquentes. Ces derniers sont le plus souvent
29
n c
Figure 29.15 Possibilité de réintervention endodontique ortho-
grade. a. Technique d’obturation associant un cône de gutta-
percha ajusté à la longueur de travail et un ciment à base de
silicate de calcium dans un canal rectiligne. La perméabilité
apicale pourra être aisément obtenue en éliminant le cône de
gutta-percha si un retraitement était indiqué par la suite. Ce
modèle ne reflète pas les indications de retraitement endo-
dontique. b. Technique d’obturation associant un cône de
gutta-percha ajusté en retrait de la longueur de travail et un
ciment à base de silicate de calcium dans un canal courbe.
Cette situation reflète de façon plus pertinente les indications
de retraitement endodontique. Si tel est le cas, la perméabilité
apicale pourrait être difficile voire impossible à obtenir du fait
de la présence potentielle d’un bouchon de silicates de calcium
au-delà de l’extrémité du cône, conjuguée à la présence
fréquente d’une butée.
coûteux, complexes de mise en œuvre et particulièrement
opérateur dépendant. La difficulté liée à la réintervention
endodontique de dents préalablement obturées à l’aide de
silicates de calcium est d’ailleurs probablement sous-
estimée (Guivarc’h et al., 2019).
Compte tenu de la popularité croissante de ce type de
ciments en association avec la technique monocône, il
apparaît donc crucial de rappeler la nécessité du respect
de l’ensemble des procédures du traitement endodontique
et en particulier l’antisepsie du réseau canalaire et l’ajustage
du maître-cône à la longueur de travail ; la qualité de l’ajus-
tage du maître-cône contribuera à améliorer le pronostic
du traitement endodontique et facilitera une éventuelle
réintervention (Azim et al., 2016).
653
JPIO_Endodontie_2e_20143 - 14.10.2020 - 11:38 - page 680
29 Endodontie
7 - Synthèse du protocole clinique de la technique
d’obturation par condensation hydraulique
- Essayage et ajustage du maître-cône comme pour les tech-
niques d’obturation conventionnelles.
- Rinçage à l’eau stérile afin d’éliminer les résidus de la der-
nière solution d’irrigation utilisée.
- Séchage canalaire modéré sans déshydrater la dentine.
- Mise en place du ciment à base de silicate de calcium en
privilégiant l’utilisation d’un embout d’injection (pour les
produits prémixés) ou d’un bourre-pâte à vitesse lente
d’environ 700 tours/min (pour les produits nécessitant
un mélange manuel).
- Insertion lente et continue du maître-cône à la longueur de
travail. Uniquement si nécessaire, en fonction de l’anatomie
canalaire, possibilité d’insérer d’autres cônes de gutta-percha.
- Section à chaud du ou des cônes de gutta-percha au
niveau de l’entrée canalaire.
- Condensation uniquement coronaire de la gutta-percha à
l’aide d’un fouloir vertical (au niveau de l’entrée canalaire).
- Élimination dans la séance des excès de ciments présents
au niveau de la cavité d’accès (l’utilisation d’une boulette
de coton ou d’une microbrush imprégnée d’eau stérile ou
un nettoyage aux ultrasons est possible).
- Restauration coronaire temporaire ou restauration coro-
naire adhésive en fonction de la situation clinique.
8 - Pronostic
Compte tenu du caractère récent de l’utilisation des ciments
endodontiques à base de silicate de calcium en association
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avec la gutta-percha, peu d’études cliniques sont actuelle-
ment disponibles. Une étude rétrospective récente rapporte
un taux de succès de 90 % sur une période moyenne
d’observation de 30 mois concernant l’obturation mono-
cône associée aux silicates de calcium dans le cadre de
traitements initiaux et également de retraitements endo-
dontiques (Chybowski et al., 2018). Il est cependant capital
de rappeler que le pronostic du traitement endodontique
est influencé par l’ensemble de la procédure clinique (et en
particulier le nettoyage et l’antisepsie canalaire) et par le
facteur patient.
IV - Conclusion
Les récentes formulations de ciments à base de silicate de
calcium destinées à l’obturation canalaire sont utilisées en
association avec la gutta-percha et le plus souvent en tech-
nique monocône. Si cette technique d’obturation réactuali-
sée apparaît prometteuse, plus rapide, atraumatique et
moins complexe de mise en œuvre par comparaison aux
techniques d’obturation conventionnelles, elle suscite néan-
moins de nouvelles réflexions et implique des investigations
supplémentaires notamment pour clarifier l’étendue de ses
indications. Enfin, les excellentes propriétés biologiques et
physico-chimiques des silicates de calcium ont été démon-
trées dans de nombreuses études scientifiques in vitro impli-
quant une utilisation clinique de ces biomatériaux de plus en
plus répandue en endodontie.
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