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CHAPITRE

11
Anesthésie
du patient cardiaque
Vincent Piriou, Abdellah Aouifi, Jean-Jacques Lehot

Sommaire
Abréviations INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
AIVOC : anesthésie intraveineuse à objectif ANESTHÉSIE DANS L’INSUFFISANCE CORONARIENNE . . . . . . . . . . . . 2
de concentration ANESTHÉSIE DU PATIENT HYPERTENDU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
BBG : bloc de branche gauche
ANESTHÉSIE AU COURS DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE . . . . . . . . 10
ECG : électrocardiogramme
ANESTHÉSIE EN PRÉSENCE D’UNE VALVULOPATHIE . . . . . . . . . . . . . 12
ETO : échographie trans-œsophagienne
FC : fréquence cardiaque ANESTHÉSIE CHEZ UN PATIENT SOUFFRANT
DE MYOCARDIOPATHIE HYPERTROPHIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
HTA : hypertension artérielle
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
HVG : hypertrophie ventriculaire gauche
IA : insuffisance aortique
© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.

IDM : infarctus du myocarde


IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion
IM : insuffisance mitrale
MCH : myocardiopathie hypertrophique
MET : équivalent métabolique
OG : oreillette gauche
PA : pression artérielle
PAD : pression artérielle diastolique
PAP : pression artérielle pulmonaire
PAPO : pression occlusive de l’artère pulmo-
naire (= pression capillaire pulmonaire)
PAS : pression artérielle systolique
PVC : pression veineuse centrale
RA : rétrécissement aortique
RAA : rhumatisme articulaire aigu
RM : rétrécissement mitral
VG : ventricule gauche

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 1


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

Introduction
L’insuffisance coronarienne est à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité périopératoires élevées. En France, près de 120 000 patients
coronariens courant un risque d’ischémie, d’infarctus, voire de mort subite, sont opérés chaque année. Chez ces patients coronariens, toute
inadéquation entre les apports en oxygène et sa consommation au niveau des cellules myocardiques provoque un épisode ischémique qui,
selon son intensité et sa durée, peut aboutir à l’infarctus. Il faut donc chez ces sujets s’attacher à maintenir cet équilibre entre apports et
besoins en oxygène au cours de toute la période périopératoire. En préopératoire, un bilan cardiologique et des examens paracliniques
peuvent s’avérer nécessaires. Ils permettront d’évaluer le risque opératoire, d’optimiser le traitement médical et, si besoin, de décider d’une
revascularisation préalable. En peropératoire, il faut au minimum surveiller le segment ST. Les épisodes ischémiques postopératoires
n’étant pas rares, la surveillance doit être maintenue au moins 24 heures après l’intervention.
La morbidité et la mortalité périopératoires sont également augmentées au cours des valvulopathies et des myocardiopathies hypertrophi-
ques, et peuvent être diminuées si on prend des mesures adaptées à la physiopathologie de ces cardiopathies. En dehors de l’urgence, il
convient d’évaluer le retentissement polyviscéral de la cardiopathie et d’optimiser le traitement médical. En l’absence de signes d’insuffi-
sance cardiaque, le monitorage de routine peut suffire. Dans le cas contraire ou en cas de perturbations hémodynamiques peropératoires,
une échographie transœphagienne (ETO) ou un cathétérisme artériel pulmonaire peuvent s’avérer utiles. Chez ces patients, il faut
s’attacher à maintenir la précharge, la postcharge, la contractilité myocardique et la synchronisation auriculoventriculaire.

Anesthésie dans l’insuffisance raison du vieillissement de la population et de l’incidence élevée des


cardiopathies dans cette tranche d’âge. La morbidité cardiaque péri-
coronarienne opératoire est estimée à 5 % [2]. Parmi ces patients à risque, l’inci-
dence des infarctus du myocarde périopératoires est de 10 %, ces

© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.
Le risque opératoire est majoré dans l’insuffisance coronarienne, infarctus étant responsables d’une mortalité de 50 % à deux ans [3, 4].
ce qui impose la réalisation d’un bilan destiné à évaluer le risque
opératoire, optimiser le traitement médical et, si besoin, décider d’une ÉVALUATION DU RISQUE PÉRIOPÉRATOIRE
revascularisation préalable [1].
L’évaluation du risque cardiaque avant chirurgie non cardiaque
L’insuffisance coronarienne majore la morbimortalité périopéra-
dépend de facteurs propres à chaque patient, de ses capacités d’exer-
toire. On estime actuellement qu’environ un tiers des patients opérés
cice et du type d’intervention chirurgicale [5, 6].
souffrent de coronaropathie ou présentent plus de deux facteurs de
risque cardiovasculaire. Cette proportion va en fait en augmentant en ■ Risque lié à la chirurgie
Le tableau 1 donne le risque approximatif d’accident cardiaque en
Quelques dates à retenir fonction du type d’intervention [5, 7-9]. Ce risque est le plus impor-
tant dans la chirurgie artérielle, de l’aorte ou des membres inférieurs.
• 1853 Pravaz : Mise au point de la seringue
• 1855 Wood : Mise au point des aiguilles creuses ■ Risque individuel
• 1879 Von Anreps : Anesthésie sous-cutanée (accidentelle) par la
Le risque individuel sera apprécié à partir d’un bilan. À l’interroga-
cocaïne
toire, il faudra faire préciser les facteurs de risque cardiovasculaire, la
• 1885 Roberts : Anesthésie hypodermique
capacité fonctionnelle du patient (possibilité de réaliser un effort) et la
• 1889 Reclus : Anesthésie intradermique
stabilité de l’angine de poitrine. Il existe un seuil, de quatre équivalents
• 1896 Reclus : Bases et essor de l’anesthésie locale (cocaïne)
métaboliques (impossibilité de monter un étage sans s’arrêter) [10],
• 1897 Braun : Adrénaline (limitation de la toxicité de la cocaïne)
au-delà duquel le risque à court et long terme est majoré. Chez ces
• 1904 Einhorn : Procaïne
patients à risque, des examens paracliniques non invasifs sont sou-
• 1908 Bier : Anesthésie locale endoveineuse
vent nécessaires [11]. Au minimum, un examen clinique cardiaque et
• 1963 Holmes : Anesthésie locorégionale intraveineuse moderne
vasculaire soigneux ainsi qu’un électrocardiogramme (ECG) de repos
(un seul garrot)
doivent être systématiques.

2 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
● Tableau 1 Risque lié à l’intervention chirurgicale en chirurgie non risque majeurs. Un angor stable, des antécédents d’infarctus du myo-
cardiaque (d’après ACC/AHA task force 1996) carde datant de plus de 30 jours, d’insuffisance cardiaque ou de dia-
bète constituent des facteurs de risque intermédiaire. Enfin, un âge
Haut risque Risque intermédiaire Risque faible avancé, des anomalies électrocardiographiques, un rythme non sinu-
(> 5 %) (1-5 %) (< 1 %) sal, un retentissement fonctionnel important, une hypertension arté-
Chirurgie urgente Endartériectomie Endoscopie rielle non contrôlée ou des antécédents d’accident vasculaire cérébral
Chirurgie aortique carotidienne Chirurgie sont des facteurs de risque mineurs.
Chirurgie vasculaire Chirurgie cervicale superficielle
ou céphalique ● Examens paracliniques.
périphérique Chirurgie
Chirurgie prolongée Chirurgie abdominale de la cataracte Des examens non invasifs peuvent permettre de préciser le risque
associée à des pertes ou thoracique Chirurgie mammaire en fonction du type de chirurgie, du risque individuel et de la capacité
liquidiennes Chirurgie orthopédique fonctionnelle (Figure 1). Une épreuve d’effort qui mime les contrain-
ou sanguines Chirurgie prostatique tes subies en périopératoire ou, si cette dernière est contre-indiquée
ou ininterprétable, une scintigraphie au thallium-dipyridamole, per-
mettront de reclasser les patients à risque intermédiaire [12]. Une
● Tableau 2 Risque lié au patient en chirurgie non cardiaque (d’après [5]) alternative à ces examens est l’échocardiographie de stress à la dobu-
Risque majeur (> 15 %)
tamine. Une coronaroventriculographie peut s’avérer nécessaire dans
les syndromes coronariens sévères ou quand les examens non inva-
Syndrome coronarien instable sifs décèlent un risque important. Cet examen est toutefois réservé
Infarctus récent (7 à 30 j) aux cas où une revascularisation myocardique sera envisageable. La
Angor instable ou sévère (stade III ou IV de la classification cana- revascularisation coronarienne préopératoire ne se justifie que si on
dienne) pense en tirer un bénéfice supérieur au risque cumulé de la chirurgie
Insuffisance cardiaque congestive décompensée non cardiaque et de la chirurgie cardiaque. La situation est donc
Troubles du rythme sévères variable en fonction des centres [13]. En pratique, la revascularisation
coronarienne préopératoire n’est utile que chez les patients corona-
Bloc auriculoventriculaire de haut degré
riens devant subir une intervention majeure [14].
Arythmie ventriculaire symptomatique
Arythmie auriculaire avec rythme ventriculaire non contrôlé
CARACTÉRISTIQUES DE L’INFARCTUS
Valvulopathie sévère
DU MYOCARDE PÉRIOPÉRATOIRE
Risque intermédiaire (5 à 15 %) Classiquement, l’infarctus du myocarde périopératoire revêt des
Angor stable peu invalidant (stade I ou II de la classification cana- aspects particuliers (Tableau 3). Il s’agit généralement d’une ischémie
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dienne)
Infarctus du myocarde ancien (interrogatoire ou ondes Q à l’ECG)
Insuffisance cardiaque compensée ou antécédents d’insuffisance Facteurs de risque Facteurs de risque Facteurs de risque
cardiaque congestive majeurs intermédiaires mineurs
Diabète
Risque modéré (< 5 %)
Âge avancé (> 70 ans) Risque chirurgical Risque chirurgical Risque chirurgical
majeur intermédiaire mineur
Anomalies électrocardiographiques : HVG, BBG, troubles
de repolarisation)
Rythme non sinusal
Réserve fonctionnelle faible (incapacité à monter un étage en portant Aptitude à Épreuve d’effort
un sac de provision) l’effort < 4 MET Scintigraphie
thallium-dipyridamole
Antécédents d’accident vasculaire cérébral
– Échographie de stress
Hypertension artérielle non contrôlée +
+ –
● Bilan clinique Coronarographie Bloc opératoire
Des éléments cliniques laissant présager un risque ont pu être
individualisés [5, 9] (Tableau 2). Un syndrome coronarien aigu (infarc- MET = Équivalent métabolique
tus du myocarde datant de moins de 30 jours, angor instable), une
insuffisance cardiaque décompensée, une valvulopathie sévère, des ● Figure 1 Algorithme décisionnel en fonction du risque opératoire
troubles du rythme ou de la conduction graves sont des facteurs de et individuel (d’après [9])

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 3


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

● Tableau 3 Caractéristiques de l’infarctus du myocarde périopératoire artérielle). On peut les administrer en bolus (0,5 à 1 mg) ou en perfu-
sion continue (1 à 2 mg/h). Leur principal effet indésirable est l’hypo-
Ischémie silencieuse tension artérielle qui peut être particulièrement mal tolérée chez le
Succession d’ischémies itératives (rôle de l’hypo-/hypertension, coronarien. Les bolus de dérivés nitrés sont particulièrement indiqués
de la tachycardie) pour traiter les sous- ou les sus-décalages du segment ST peropéra-
Absence d’onde Q toires sans altération de l’hémodynamique. L’utilisation prophylac-
Topographie sous-endocardique tique de la trinitrine ne doit pas être systématique chez le coronarien,
Sous-décalage du segment ST à l’ECG car elle fait courir un risque d’hypovolémie relative, et donc d’hypo-
tension artérielle, dangereuse sur ce terrain, par augmentation de la
Risque maximal en postopératoire (24-48 premières heures)
capacitance veineuse.
Gravité du pronostic Les alpha-2 agonistes (clonidine, dexmédétomidine, mivazérol ;
seule la clonidine est actuellement commercialisée en France) exerce-
raient un effet protecteur contre l’ischémie myocardique en bloquant
sous-endocardique évoluant vers des infarctus sans onde Q [15] ; elle les effets délétères de l’hypertonie sympathique contemporaine de la
se manifeste par des sous-décalages prolongés et répétés du seg- période périopératoire, surtout au cours des interventions à risque,
ment ST. Ces épisodes d’ischémies itératives sont en relation avec des comme en chirurgie vasculaire [27-30]. Ils préviennent essentielle-
épisodes d’instabilité hémodynamique, tels que des épisodes d’hypo- ment les variations tensionnelles susceptibles de survenir en périopé-
tension ou de tachycardie périopératoires. Ces ischémies prolongées ratoire [31], mais il semble qu’ils augmentent l’incidence des épisodes
et cumulées accroissent la morbidité cardiaque [15, 16]. Cependant, d’hypotension artérielle. La clonidine peut s’utiliser à la posologie de
en anatomie pathologique, on a constaté une similitude entre les 2 à 5 μg/kg per os lors de la prémédication, en ayant soin de dimi-
infarctus périopératoires et les infarctus « classiques » [17]. En effet, les nuer la posologie des agents anesthésiques. Les antiagrégants
autopsies de patients décédés d’un infarctus périopératoire ont plaquettaires seront poursuivis ou non en fonction du risque hémor-
montré que les lésions étaient généralement pluritronculaires et qu’il ragique de l’intervention. Le choix de l’agent anesthésique [23, 32] et
y avait des ruptures de plaque. Les infarctus périopératoires sont le la technique d’anesthésie, médullaire ou générale [33, 34] ne sem-
plus souvent indolores (infarctus dits « silencieux ») [15, 18, 19] ; ils blent pas influencer l’incidence des événements ischémiques.
surviennent en phase postopératoire précoce, entre J0 et J2 [19]. Un
sus-décalage du segment ST doit faire évoquer un infarctus trans- MONITORAGE
mural ou un spasme coronarien sensible aux inhibiteurs calciques La période postopératoire est la période la plus à risque chez le
[20]. Ce dernier s’observe notamment sous anesthésie locorégionale. coronarien, en raison des modifications de la balance apport/
Le diagnostic biologique de l’infarctus du myocarde périopératoire demande en oxygène myocardique et de l’environnement prothrom-
repose sur le dosage de la troponine I [21], qui est un marqueur spé- botique lié au syndrome inflammatoire et à l’hypercoagulabilité [35].
cifique [22] dont la concentration plasmatique s’élève à la 3e heure On dépistera une ischémie myocardique périopératoire par le moni-

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après le début de la nécrose et qui atteint un pic vers la 24e heure. En torage continu du segment ST qui devra être poursuivi en postopéra-
chirurgie non cardiaque, un seuil de 1,5 ng/mL reflète un infarctus du toire [36, 37]. Des électrocardiogrammes et un dosage de troponine I
myocarde périopératoire. Cependant, ce marqueur a une demi-vie postopératoires permettront de diagnostiquer précocement un
prolongée et ne permet donc pas de diagnostiquer une récidive pré- infarctus.
coce d’un infarctus [22]. Au bloc opératoire et en salle de surveillance post-intervention-
nelle, le monitorage doit comporter la surveillance du segment ST et
TRAITEMENTS PRÉVENTIFS la mesure continue et régulière de la fréquence cardiaque et de la
La poursuite d’un traitement par bêtabloquants [23], voire sa pres- pression artérielle. L’échocardiographie transœsophagienne [38] et le
cription en période périopératoire, s’est avérée bénéfique sur la sur- cathétérisme droit [39] ne sont pas nécessaires en l’absence de myo-
venue de l’infarctus du myocarde périopératoire, sur la mortalité dans cardiopathie.
les deux ans après la chirurgie [24] et sur la survenue de l’ischémie
périopératoire [25]. L’effet des bêtabloquants est d’autant plus net que PRÉVENTION ET TRAITEMENT DE L’INFARCTUS
la population est à haut risque (facteurs de risque clinique et échocar- PÉRIOPÉRATOIRE
diographie de stress positive) et doit subir une intervention elle aussi La prévention et le traitement de l’infarctus périopératoire sont
à haut risque chirurgical (chirurgie vasculaire) [26]. résumés dans le tableau 4. Pour prévenir l’ischémie myocardique
Les inhibiteurs calciques doivent également être poursuivis en postopératoire, il faut lutter contre l’hypothermie [40, 41] ; la tempéra-
périopératoire, même si on n’a pas formellement établi leur intérêt ture corporelle doit dépasser 36,5 ˚C avant d’envisager le sevrage res-
dans la prévention de l’infarctus périopératoire, car leur arrêt peut piratoire. Un hématocrite postopératoire inférieur à 28 % doit faire
entraîner un phénomène de rebond. proposer une transfusion [42], même si des chiffres inférieurs sont
Les dérivés nitrés intraveineux (isosorbide dinitrate, Risordan, ou bien tolérés en peropératoire [43]. Ces recommandations ne font tou-
trinitrine, Lénitral) peuvent être utilisés en périopératoire lors de tefois pas l’unanimité, et on note une certaine hétérogénéité entre les
l’apparition d’une ischémie, à condition qu’elle ne s’accompagne pas équipes vis-à-vis du seuil acceptable d’hémoglobine [44]. L’analgésie
d’une anomalie hémodynamique globale (tachycardie, hypotension doit être efficace [45], et on préviendra tout épisode de désaturation

4 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
● Tableau 4 Mécanismes favorisant la constitution d’un infarctus du CAS PARTICULIER DE L’INFARCTUS RÉCENT
myocarde lors de la période postopératoire et moyens d’éviter l’ischémie Le risque opératoire, et notamment de récidive d’un infarctus, est
Déséquilibre de la balance apport/besoin en oxygène majeur chez le sujet ayant présenté un infarctus depuis moins d’un
mois [5]. Chez de tels patients, la conduite à tenir dépend des cir-
Augmentation de la consommation d’oxygène au niveau constances. Dans tous les cas, il faut autant que possible retarder le
du myocarde (MVO2) geste opératoire, pour essayer d’en arriver au cas du patient ayant un
Tachycardie Analgésie, remplissage en cas infarctus ancien. Si l’intervention est urgente, le bilan complémentaire
d’hypovolémie, bêtabloquants est réduit à son minimum (groupage sanguin, recherche d’anticorps
Hypertension artérielle Analgésie, antihypertenseur irréguliers, ionogramme sanguin, bilan de coagulation, hématocrite et
ECG). Le bilan coronarien sera effectué après l’intervention. Le moni-
Frisson Réchauffement per-
et postopératoire torage hémodynamique et myocardique périopératoire a ici une
importance capitale.
Diminution des apports en oxygène au niveau du myocarde En cas d’intervention semi urgente (carcinologique par exemple), le
Hypotension artérielle Remplissage, vasoconstricteurs patient doit être considéré comme à risque élevé. En accord avec le
Désaturation en oxygène Oxygénation cardiologue, on pourra effectuer quelques examens complémentaires
non invasifs tels qu’une épreuve d’effort, une scintigraphie myocar-
Anémie Transfusion si hématocrite < 28 % (?)
dique au thallium-dipyridamole. Si ces examens sont positifs, on dis-
Tachycardie (raccourcissement Analgésie, remplissage en cas cutera une éventuelle coronarographie afin d’envisager un geste de
de la diastole) d’hypovolémie, bêtabloquants
revascularisation (angioplastie, voire pontage aortocoronarien) pré-
Environnement prothrombotique lié à la chirurgie opératoire.
La prise en charge opératoire de ces patients doit impérativement
Hypercoagulabilité Reprise du traitement antiagrégant
Syndrome inflammatoire préopératoire faire l’objet d’un consensus entre le chirurgien, le cardiologue et
(en accord avec le chirurgien) l’anesthésiste, afin d’opérer le patient au meilleur moment en fonction
du risque périopératoire. En effet, dans chaque cas, il faut mettre en
balance le risque de temporiser et l’avantage de profiter d’un délai de
artérielle par une oxygénothérapie. Le traitement suivi par le patient
plus de 3 mois après l’infarctus, afin de minimiser les risques de réci-
avant son intervention devra être rapidement repris. Sur le plan
dive. Ces patients posent trois problèmes.
hémodynamique, il faudra bien évidemment prévenir et traiter tout
1) En peropératoire, il faut assurer une anesthésie stable (Tableau 5),
épisode de tachycardie et d’hypo- ou d’hypertension artérielle.
sans variation hémodynamique susceptible de faire réapparaître une
Devant une ischémie persistante, après avoir entrepris un traite-
ischémie et une nécrose myocardique aiguë. Le monitorage du seg-
ment anti-angineux, on peut recommander de transférer le patient en
ment ST est indispensable, de même qu’un contrôle permanent de la
urgence vers un centre de cardiologie interventionnelle, afin de dis-
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pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Un dosage de tropo-


cuter l’indication d’une coronaroventriculographie et d’une angio-
nine I et des ECG itératifs seront réalisés en postopératoire. Naturelle-
plastie coronaire. Aucune étude n’a toutefois confirmé l’intérêt de
ment, ces patients seront surveillés en unité de soins intensifs durant
cette démarche. La fibrinolyse est généralement exclue du fait de la
les 48 à 72 premières heures postopératoires. Sinon, les recomman-
chirurgie récente. La prise en charge de ces patients doit être multi-
dations sont identiques à celles du coronarien citées plus haut.
disciplinaire, avec participation du chirurgien, de l’anesthésiste et du
2) Ces patients peuvent présenter une insuffisance cardiaque isché-
cardiologue.
mique. Le bilan préopératoire doit être minutieux, avec échocardio-
graphie et électrocardiogramme de repos, et l’interrogatoire lors de la
Évaluation du risque opératoire consultation préopératoire doit être soigneux, pour préciser la capa-
cité fonctionnelle du patient. En cas de myocardiopathie ischémique
• Le risque opératoire dépend de facteurs liés au patient et au
sévère, les recommandations sont les mêmes que celles citées dans le
type de chirurgie.
paragraphe « Anesthésie au cours de l’insuffisance cardiaque » (voir
• L’infarctus périopératoire survient le plus souvent dans les deux
plus loin).
jours qui suivent l’intervention.
3) Beaucoup de coronariens sont traités par anticoagulants ou anti-
• Le monitorage des patients à risque comporte la surveillance du
agrégants plaquettaires, traitement qui peut poser des problèmes
segment ST, des dosages répétés de la troponine I et des ECG
pour une intervention chirurgicale. Les sujets souffrant de
itératifs.
dysfonction ventriculaire sévère sont souvent traités par des anti-
• L’administration périopératoire de bêtabloquants réduit la fré-
coagulants, en cas de troubles du rythme (fibrillation auriculaire) ou
quence de l’infarctus.
d’atteinte polyvasculaire. Le traitement antiagrégant repose le plus
• Il faut prévenir et traiter tout épisode de tachycardie et d’hypo-
souvent sur de faibles doses d’aspirine (< 300 mg) prescrites par les
ou d’hypertension artérielle.
cardiologues à titre de prévention secondaire, car il réduit la morbi-
• La correction de l’anémie, de l’hypothermie, ainsi qu’une oxygé-
mortalité coronarienne [46, 47]. L’aspirine est administrée seule ou
nation et une analgésie optimale, permettent de prévenir les acci-
associée à la ticlopidine (Ticlid) ou au clopidogrel (Plavix) en cas de
dents coronariens.
mise en place d’une endoprothèse coronaire dans les mois précé-

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 5


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

● Tableau 5 Exemple de conduite à tenir chez un patient coronarien hypertendu devant être opéré d’un anévrisme de l’aorte abdominale
(à titre indicatif car il existe de nombreuses autres possibilités)

Protocole recommandé Protocole alternatif


Consultation d’anesthésie - Examen et interrogatoire complet
- Vérifier la PA
- Si capacité d’effort < 4 MET: scintigraphie ± coronarograhie
- Échodoppler des troncs supra-aortiques
Préparation du patient - Poursuivre les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques Flurbiprofène 50 mg, 2 fois par jour
et les α2-agonistes
- Arrêt de l’aspirine 7 j avant
- Arrêt des diurétiques et IEC 24 à 48 h avant
Prémédication Benzodiazépines et/ou pipérazinique (par exemple hydroxyzine
100 mg + alprazolam 1 mg 1 h avant)
Risques peropératoires - Variations tensionnelles
particuliers - Tachycardie
- Ischémie myocardique
Monitorage recommandé FC, PA invasive, diurèse, segment ST, curarisation, température
Induction - Propofol (AIVOC) - Étomidate ou sévoflurane
- Sufentanil - Fentanyl
- Atracurium - Autre myorelaxant
Entretien anesthésique - Propofol ou isoflurane - Sévoflurane
- Sufentanil - Fentanyl
- Atracurium - Autre myorelaxant
- À éviter : kétamine
Précautions/surveillance - Récupération-lavage du sang
dans cas particuliers - Lutte contre l’hypothermie

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- Assurer une analgésie profonde
- Transfusion si hématocrite < 28 %
- Stabilité tensionnelle
- Éviter la tachycardie
Réveil - En salle de soins intensifs post-interventionnels ou réanimation
- Normothermie (> 36,5 °C)
- Traitement des frissons (péthidine 30 mg)
Analgésie postopératoire - Titration de morphine (2 mg/5 min) puis PCA
- Propacétamol (2 g/6 h)
Traitements postopératoires - Fraxiparine 0,3 à 0,4 mL/j SC selon le poids jusqu’à déambulation
- Reprise des traitements cardiovasculaires préopératoires en évitant
toute hypotension
Risques postopératoires - Risque : instabilité tensionnelle, ischémie myocardique,
particuliers risque hémorragique
- Surveillance : PA, troponine I et ECG (48 h)

dents. L’arrêt de ce traitement exposant au risque de récidive de souf- chirurgical est important (voir Tableaux 1 et 2) ou quand le succès de
france coronaire, son maintien doit être discuté avec le chirurgien. Il l’intervention dépend de la qualité de l’hémostase (chirurgie ORL, chi-
faut ici mettre en balance le risque hémorragique lié à la poursuite rurgie prostatique, chirurgie ophtalmologique, neurochirurgie…), il
des antiagrégants et le risque coronarien lié à leur arrêt. Si le risque faut interrompre temporairement les antiagrégants plaquettaires en

6 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
préopératoire, pendant sept jours pour l’aspirine et dix jours pour la La maladie hypertensive provoque de nombreuses altérations
ticlopidine (Ticlid) et le clopidogrel (Plavix). La desmopressine injec- organiques (Tableau 7) qu’il faudra rechercher lors de la consultation
table (Minirin) semble avoir peu d’intérêt en chirurgie non cardiaque d’anesthésie : insuffisance rénale par néphro-angiosclérose, rétino-
et pourrait même s’avérer dangereuse, en provoquant des nécroses pathie, coronaropathie et une augmentation du risque d’accident
myocardiques [48]. Pendant le temps d’interruption des antiagrégants vasculaire cérébral. Sur le plan cardiovasculaire, l’HTA augmente la
plaquettaires, on pourra prendre un relais par un anti-inflammatoire rigidité artérielle [51] et provoque une hypertrophie concentrique du
à demi-vie courte tel que le flurbiprofène (Cébutid) à la posologie de ventricule gauche [50, 52], avec diminution de la compliance ventri-
50 mg × 2 par jour, qui sera interrompu 12 à 24 heures avant l’inter- culaire, et donc altération de la fonction diastolique. Les variations de
vention chirurgicale. Cet anti-inflammatoire inhibe la cyclo-oxygé- volémie et de tonus sympathique sont donc moins bien tolérées chez
nase de façon réversible, avec une activité antiagrégante identique à l’hypertendu, avec risque important d’instabilité tensionnelle. Le
celle de l’aspirine mais plus brève, de l’ordre de 24 heures [49]. Des baroréflexe est déplacé vers des chiffres de pression artérielle plus
protecteurs gastriques seront administrés en cas d’antécédents ulcé- élevés [53]. Enfin, le tonus sympathique basal est augmenté [54].
reux, et la fonction rénale sera surveillée. Après l’intervention, une fois Au cours de l’HTA, il existe une hypovolémie relative en raison de
le risque hémorragique disparu, on reprendra le traitement antiagré- l’augmentation des résistances vasculaires systémiques, de la diminu-
gant plaquettaire préopératoire. Cette attitude est recommandée dans tion de la capacitance veineuse et de la petite taille de la cavité ventri-
la plupart des cas, mais certaines interventions, comme la chirurgie culaire gauche. Cette hypovolémie est de plus majorée chez le sujet
carotidienne par exemple, peuvent être effectuées sous couvert
d’antiagrégants plaquettaires. ● Tableau 6 Principales causes d’hypertension artérielle
En ce qui concerne les traitements anti-angineux, en particulier les Essentielle (la plus fréquente, > 90 %)
bêtabloquants, ils sont en général maintenus, voire introduits [24, 26].
Erreur de mesure, effet « blouse blanche »
Métabolique : hypercapnie, hypercalcémie, rétention hydrosodée
Risques et conduite à tenir en cas Circonstancielle : douleurs, diminution du niveau d’anesthésie,
d’infarctus récent clampage artériel chirurgical, stress, anxiété
• L’infarctus récent constitue un facteur de risque opératoire Endocrinienne : phéochromocytome, syndrome de Cushing,
important. acromégalie, adénome de Conn
• Il faut, dans la mesure du possible, repousser l’intervention chi- Maladie rénale : insuffisance rénale chronique,
rurgicale. Si l’intervention est impérative, une coronarographie sténose de l’artère rénale, glomérulopathie
permet de déterminer si une reperméabilisation coronarienne Coarctation aortique
préopératoire pourrait s’avérer utile. Cérébrale : accident vasculaire cérébral, hypertension intracrânienne,
• Les précautions à prendre sont les mêmes que dans la chirurgie prééclampsie
du coronarien et de l’insuffisant cardiaque. Toxique : cocaïne, intoxication aux métaux lourds, excès de réglisse
© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.

• Pour décider de l’arrêt ou de la poursuite d’un traitement anti- ou d’antésite


agrégant plaquettaire, il faut mettre en balance le risque hémorra- Médicale : sympathicomimétiques, antidépresseurs, stéroïdes...
gique de l’intervention avec le risque de récidive de l’ischémie
myocardique. Si le traitement est interrompu, on peut lui substi- ● Tableau 7 Lésions viscérales induites par l’HTA
tuer un anti-inflammatoire d’action brève, le flurbiprofène.
Conséquences chroniques
Viscérales : augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral,
néphroangiosclérose (aggravation de l’HTA), évolution vers l’insuffi-
Anesthésie du patient hypertendu sance rénale chronique, rétinopathie, coronaropathie
Vasculaires : augmentation des résistances vasculaires systémiques,
L’hypertension artérielle (HTA) est une maladie fréquente qui atteint diminution de la compliance artérielle, diminution de la capacitance
environ 10 % de la population adulte. Sa prévalence augmente avec veineuse ==> hypovolémie (aggravation par les traitements diuré-
l’âge, mais le nombre de patients hypertendus a considérablement tiques)
régressé en 30 ans du fait de la généralisation des traitements anti- Myocardiques : augmentation de la postcharge → hypertrophie
hypertenseurs. En effet, l’étude de cohorte de Framingham a rapporté concentrique VG → diminution de la compliance VG (fonction diasto-
une évolution de la prévalence de l’HTA de 18,5 à 9,2 % chez les hom- lique). Évolution vers une myocardiopathie hypertensive terminale
mes et de 28 à 7,7 % chez les femmes entre 1950 et 1989 [50]. L’HTA Risque coronarien élevé
est définie par une pression artérielle systolique (PAS) > 160 mmHg Repositionnement du baroréflexe
et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) > 95 mmHg, mesurée
Conséquences aiguës
en position assise, dans des conditions de repos, à plus de deux
occasions. L’HTA essentielle, qui correspond à une augmentation des Épisodes hypertensifs fréquents
résistances vasculaires, est la plus fréquente, mais il existe de nom- Risque important d’hypotension périopératoire = syndrome des
breuses autres causes d’HTA (Tableau 6). « montagnes russes »

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 7


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

traité par diurétiques. Le risque d’ischémie myocardique est majoré, ● Tableau 8 Conduite à tenir chez un patient hypertendu traité
en raison de l’association d’une part de l’hypertrophie ventriculaire par inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
gauche (HVG) qui diminue la perfusion sous-endocardique, d’autre
part d’une coronaropathie [55]. Les patients hypertendus présente- Préopératoire
ront donc des à-coups hypertensifs liés à l’hyperréactivité sympa- Arrêt du traitement 24 à 48 h avant l’intervention
thique et des épisodes d’hypotension liés à l’hypovolémie relative. Relais par inhibiteur calcique (almodipine ou nicardipine par exemple)
en cas d’HTA sévère
ÉVALUATION DU RISQUE PÉRIOPÉRATOIRE Peropératoire
Lors de la consultation d’anesthésie, il faut mesurer la pression Remplissage avant induction anesthésique (500 mL de Ringer-lactate
artérielle au repos. Si elle trop élevée (PAD > 100 mmHg ou PAS ou d’hydroxyéthylamidon)
> 200 mmHg), et si l’intervention n’est pas urgente, il semble raison-
Utilisation « douce » des agents anesthésiques de façon à éviter une
nable de retarder l’intervention afin de l’équilibrer [7, 55, 56]. Quand la vasodilatation trop importante (propofol sous AIVOC ou étomidate +
pression artérielle est contrôlée médicalement, le patient ne présente midazolam par exemple)
pas de risque particulier, sauf en cas de coronaropathie associée ou
de chirurgie à risque hémorragique [13, 57, 58]. Cependant, dans une En cas de collapsus
étude rétrospective portant sur 115 décès postopératoires de cause Continuer le remplissage ; hydroxyéthylamidon sans dépasser
cardiovasculaire, Howell et coll. [59] ont constaté que les antécédents 33 mL/kg
d’HTA traitée constituaient l’un des trois principaux facteurs de risque Mettre le patient en position de Trendelenburg
de morbidité périopératoire. Recourir si besoin aux vasoconstricteurs : éphédrine (bolus itératifs
de 3 à 6 mg), ou terlipressine (Glypressine), en bolus de 1 mg à répéter
CONDUITE À TENIR VIS-À-VIS DU TRAITEMENT une fois si besoin
PRÉOPÉRATOIRE
Certains traitements antihypertenseurs doivent être impérative-
pour des interventions longues, une association de flunitrazépam
ment continués jusqu’au jour de l’intervention. C’est le cas des bêta-
(Rohypnol) 1 mg et d’hydroxyzine (Atarax) 100 mg par voie orale, et
bloquants qui vont stabiliser les variations hémodynamiques et
pour des interventions plus courtes une association d’alprazolam
diminuer l’incidence de l’ischémie myocardique et de l’infarctus du
(Xanax) 0,5 à 1 mg et d’hydroxyzine (Atarax) 100 mg. Le monitorage
myocarde [24-26, 60].
doit permettre d’éviter et de diagnostiquer rapidement une hypovolé-
Les inhibiteurs calciques et les alpha-2-mimétiques préviennent les mie. Quand le risque de variation peropératoire de la volémie est
poussées d’HTA périopératoires [61, 62]. Les diurétiques doivent de important ou en cas de retentissement viscéral de la maladie hyper-
préférence être interrompus 48 heures avant l’intervention, car ils majo- tensive, il ne faudra pas hésiter à recourir à un monitorage invasif de
rent l’hypovolémie relative initiale liée à la maladie hypertensive [63]. la pression artérielle, afin de pouvoir anticiper et traiter rapidement

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Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) (Tableau 8), quant à toute variation tensionnelle. L’augmentation des variations de la pres-
eux, doivent être arrêtés entre 18 (cas du captopril) et 48 heures avant sion artérielle systolique avec la respiration est un témoin intéressant
l’intervention en fonction de leur demi-vie. En effet, l’inhibition du d’hypovolémie. Si l’intervention le justifie (cure d’anévrisme de l’aorte
système sympathique liée à l’anesthésie et le blocage pharmaco- abdominale par exemple), une voie veineuse centrale pourra per-
logique du système rénine angiotensine induit par les IEC majorent le mettre de monitorer la pression veineuse centrale et éventuellement
risque de collapsus lors de l’induction anesthésique [64-66]. Un tel d’injecter des vasoconstricteurs. Il faut également monitorer le seg-
collapsus sera traité par remplissage vasculaire (cristalloïdes de type ment ST car les épisodes d’ischémie myocardique sont fréquents.
Ringer-lactate, colloïdes ou hydroxyéthylamidons) sans dépasser la Lors de l’induction, qui doit être douce, il faut assurer un remplissage
dose de 33 mL/kg. Le volume du remplissage sera dicté par le réta- en raison du risque de chute tensionnelle (Tableau 5 à titre d’exem-
blissement de la pression artérielle habituelle. S’il est inefficace seul, ple). Dans les interventions à risque, il est utile de contrôler la pré-
on peut y associer des vasoconstricteurs tels l’éphédrine (bolus itéra- charge par échocardiographie trans-œsophagienne (ETO) (Figure 2).
tifs de 3 à 6 mg) ou l’arginine vasopressine (terlipressine, Glypres- L’altération de la compliance ventriculaire gauche doit faire interpréter
sine), en bolus de 1 mg à répéter une fois si besoin [67]. La conduite avec prudence les valeurs mesurées de la pression capillaire pulmo-
à tenir est identique pour les inhibiteurs des récepteurs AT1 de naire par cathétérisme de Swan-Ganz.
l’angiotensine II (losartan, Cozaar par exemple) [68]. Dans les inter-
L’anesthésie doit comporter une analgésie adaptée au type et à la
ventions en urgence chez un patient traité par des IEC, il faut assurer
durée de l’intervention, ainsi qu’aux différents temps opératoires, afin
un remplissage adéquat (800 mL de NaCl à 0,9 %, de Ringer-lactate
d’éviter les poussées hypertensives liées à une hyperstimulation sym-
ou 300 mL d’hydroxyéthylamidon), et des vasoconstricteurs doivent
pathique. Les morphiniques intraveineux tel que le fentanyl, le sufen-
être prêts à l’emploi.
tanil et le rémifentanil sont habituellement bien supportés sur le plan
hémodynamique. Les halogénés devront être titrés, et il faut les éviter
PRISE EN CHARGE PÉRIOPÉRATOIRE à concentrations élevées chez le sujet traité par des inhibiteurs cal-
La prémédication doit être efficace pour permettre de diminuer ciques en préopératoire, en raison de leurs interactions. On peut uti-
l’hypertonie sympathique de base. On peut proposer par exemple, liser le propofol, mais il faut veiller à ses effets vasodilatateurs et

8 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11

Analgésie, sédation non Approfondissement


et ventilation optimales de l’anesthésie
Épaississement de la paroi ventriculaire gauche
oui

Fonction cardiaque

Baisse de compliance VG :
À pression équivalente, le remplissage VG est inférieur
Bonne Médiocre ou mauvaise

Intérêt d’utiliser la mesure du volume télédiastolique


à l’ETO : une surface télédiastolique < 5 cm2/m2
Tachycardie
témoigne d’une hypovolémie

oui non
Urapidil
● Figure 2 Conséquences de la diminution de la compliance ventriculaire Bêtabloquants
(nitroprussiate
de sodium
gauche (VG) chez l’hypertendu chronique Nicardipine IV
diltiazem en cas d’echec)

cardiodépresseurs [69]. L’anesthésie intraveineuse à objectif de


concentration (AIVOC) en permettra une utilisation plus souple. Les
● Figure 3 Conduite à tenir en cas d’hypertension peropératoire
benzodiazépines sont habituellement bien tolérées mais doivent être ● Tableau 9 Principales caractéristiques des agents utilisés pour traiter
évitées à fortes doses en raison de leur longue durée d’action. Si la
une hypertension peropératoire
clonidine a été prescrite jusqu’à la prémédication, il faudra en dimi-
nuer les posologies anesthésiques de 50 %. Urapidil Nicardipine Esmolol
Les anesthésies périmédullaires induisent un blocage sympathique (Eupressyl) (Loxen) (Brévibloc)
qui diminue en particulier le tonus veineux. Elles restent possibles
Classe α1-bloquant Inhibiteur Bêtabloquant
chez le patient hypertendu, à condition de réaliser au préalable un pharmacologique et sérotoni- calcique
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remplissage satisfaisant (par exemple 800 mL de NaCl à 0,9 % ou de nergique


Ringer-lactate, ou 300 mL d’hydroxyéthylamidon avant l’induction de
l’anesthésie médullaire). Posologie 12,5-25 mg 0,5-1 mg 0,5 mg/kg
bolus bolus

TRAITEMENT DES MODIFICATIONS Pharmacocinétique


HÉMODYNAMIQUES 1/2 vie d’élimination 3h 4h 9 min
Les épisodes hypertensifs périopératoires (Figure 3) peuvent se Métabolisme hépatique hépatique érythro-
compliquer d’œdème aigu du poumon, d’infarctus du myocarde, cytaire
d’accident vasculaire cérébral ou d’hémorragie au niveau du site opé- Pharmacodynamique
ratoire. Le plus souvent, ils sont dus à une élévation des résistances
Vasodilatation ++ ++ 0
vasculaires systémiques. Tout épisode hypertensif doit en premier artérielle
lieu faire réévaluer la profondeur de l’anesthésie. Si celle-ci est cor-
Vasodilatation ++ 0 0
recte, il faut traiter l’HTA. En cas de tachycardie, et quand la fonction
veineuse
ventriculaire gauche est bonne, on peut utiliser un bêtabloquant
(esmolol, bolus de 0,3 à 0,5 mg/kg) ou un inhibiteur calcique (diltia- FC #0 ↑ ↓
zem 0,15 mg/kg). En l’absence de tachycardie, on pourra utiliser la Inotropisme 0 ↓ ↓↓
nicardipine (0,5 à 1 mg toutes les 3 minutes) ou un alpha-1-bloquant Coût ++ + ++
(urapidil en bolus de 12,5 à 25 mg), ce dernier agent étant préféré en
cas d’altération de la fonction ventriculaire gauche, même si, en les principales caractéristiques pharmacologiques des thérapeutiques
dehors de l’anesthésie, la nicardipine n’altère pas significativement antihypertensives injectables utilisées au bloc opératoire. La trinitrine
une fonction cardiaque préalablement diminuée [70]. Au cours de doit être évitée en raison de l’hypovolémie préexistante et de la dimi-
l’anesthésie, la nicardipine peut en effet précipiter un bas débit car- nution du retour veineux responsables d’une tachycardie et d’une
diaque quand la fonction du VG est altérée [71]. Le tableau 9 résume diminution du volume d’éjection ventriculaire.

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 9


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

En cas d’hypotension, après correction de la volémie par un rem- ● Tableau 10 Étiologies de l’insuffisance cardiaque (d’après [73])
plissage adéquat, on peut recourir à des vasoconstricteurs si la
réponse au remplissage est insuffisante : éphédrine (bolus de 3 à Cause %
6 mg à renouveler) si la fréquence cardiaque est basse, ou phényl- Ischémique 50,3
éphrine (bolus de 50 à 200 μg de Néosynéphrine) si elle est normale.
En postopératoire, le patient ne sera extubé que sous couvert d’une Non ischémique 36,4
analgésie adéquate, et en normothermie, afin d’éviter les accès hyper- Idiopathique 18,3
tensifs liés à l’hypertonie sympathique. Ces accès hypertensifs peu- Valvulaire 4,0
vent en effet engendrer des ischémies sous-endocardiques et doivent
Hypertensive 3,8
être traités par les médicaments cités ci-dessus (bêtabloquants, inhi-
biteurs calciques, alpha-1-bloquants). La clonidine intraveineuse a Alcoolique 1,8
l’avantage de prévenir les frissons. Le traitement antihypertenseur Virale 0,5
préopératoire sera repris le plus rapidement possible en évitant toute Post-partum 0,4
hypotension. Autre 7,6
Non retrouvée 13,3
Anesthésie du patient hypertendu
• Le risque d’instabilité hémodynamique périopératoire est
important chez l’hypertendu. péricardites constrictives, et les myocardiopathies hypertrophiques
• En préopératoire, le traitement doit être optimal et le patient sta- comme on les rencontre au cours du rétrécissement aortique, de
bilisé. Le traitement préopératoire sera continué, en dehors des l’HTA ou de la myocardiopathie obstructive.
IEC et des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II ; la pré-
médication doit être efficace. ÉVALUATION DU RISQUE PRÉOPÉRATOIRE
• En peropératoire, il faut éviter l’hypovolémie, effectuer des L’insuffisance cardiaque congestive décompensée fait partie des
inductions titrées et assurer une analgésie suffisante. Il faudra facteurs de risque majeur de l’anesthésie, alors qu’une insuffisance
traiter tout épisode d’hypo- et d’hypertension, ainsi que l’ischémie cardiaque équilibrée constitue un facteur de risque intermédiaire [7].
myocardique. En dehors de l’urgence, toute insuffisance cardiaque décompensée
• En postopératoire, le risque d’ischémie myocardique et d’épi- impose une consultation de cardiologie afin d’optimiser son traite-
sodes hypertensifs est élevé. L’analgésie doit être adéquate et il ment, pour minimiser autant que possible le risque opératoire [75].
faut surveiller étroitement la pression artérielle. Le traitement anti- Au cours de la consultation d’anesthésie, il faut s’attacher à recher-
hypertenseurs antérieur sera repris rapidement en fonction des cher les signes cliniques d’insuffisance cardiaque gauche et droite
chiffres de pression artérielle. (Tableau 11). À l’interrogatoire, on détermine la capacité fonctionnelle

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du patient, ce qui permet de le classer d’après les critères de la NYHA
(Tableau 12). Le risque opératoire devient important lorsque le patient
est incapable d’effectuer quatre équivalents métaboliques (montée
Anesthésie au cours de l’insuffisance d’un étage sans s’arrêter) [10]. Un certain nombre d’examens complé-
cardiaque mentaires s’avéreront nécessaires pour compléter le bilan
(Tableau 13). La radiographie thoracique de face, à la recherche d’une
élévation du rapport cardiothoracique ou d’une redistribution vas-
ÉPIDÉMIOLOGIE
En France, le nombre de patients concernés par l’anesthésie et souf- ● Tableau 11 Signes cliniques d’insuffisance cardiaque
frant d’insuffisance cardiaque est estimé à 500 000, et 120 000 nou-
veaux cas sont diagnostiqués chaque année. L’incidence de Insuffisance ventriculaire gauche
l’insuffisance cardiaque augmente avec l’âge, deux tiers des malades
Dyspnée
ayant plus de 70 ans [72]. Les causes les plus fréquentes de l’insuffi-
Bruit de galop à l’auscultation cardiaque
sance cardiaque sont les myocardiopathies ischémiques (Tableau 10)
[73]. L’étiologie de l’insuffisance cardiaque a évolué avec le temps Crépitants pulmonaires, pseudo-asthme cardiaque
puisque l’étude de cohorte de Framingham établie depuis plus de Désaturation en oxygène
40 ans incriminait à cette époque en premier lieu l’HTA (65 %) [74]. Cardiomégalie, épanchement pleural
Insuffisance ventriculaire droite
PHYSIOPATHOLOGIE Prise de poids, œdèmes déclives
L’insuffisance cardiaque répond à trois formes physiopatholo- Hépatomégalie, reflux hépatojugulaire, turgescence jugulaire
giques différentes : la myocardiopathie dilatée non obstructive qui
Ascite
représente la première indication de transplantation cardiaque, les
myocardiopathies restrictives, rares, mais dont se rapprochent les Galop droit

10 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
● Tableau 12 Classification de la NYHA (New York Heart Association) le risque d’hypotension qui sera majorée par une tachycardie
gênant le remplissage, et éventuellement une fibrillation ou un
Stade I : cardiopathie asymptomatique flutter auriculaire. En effet, la systole auriculaire, qui représente 10 à
Stade II : dyspnée aux efforts importants (ex : montée d’un étage sans 15 % du volume diastolique au cours de l’insuffisance cardiaque,
s’arrêter) joue un rôle primordial dans le remplissage diastolique. À l’inverse,
Stade III : Dyspnée aux efforts courants (ex : dyspnée lors du ménage) un remplissage excessif fait courir le risque de défaillance ventri-
Stade IV : dyspnée de repos culaire gauche avec œdème pulmonaire aigu ;
– en cas de myocardiopathie dilatée, le principal facteur de décom-
● Tableau 13 Examens complémentaires chez l’insuffisant cardiaque pensation hémodynamique est l’augmentation des résistances
vasculaires systémiques. La perte de la systole auriculaire peut, ici
Nécessaires (en dehors de l’urgence) aussi, avoir des conséquences désastreuses.
Pesée, oxymétrie de pouls à l’air ambiant Les digitaliques seront poursuivis jusqu’au jour de l’opération ; on
vérifiera cependant l’absence de surdosage et d’hypokaliémie sur le
Cliché thoracique
ionogramme préopératoire. On conseille habituellement de pour-
ECG suivre les inhibiteurs de l’enzyme de conversion au cours de l’insuffi-
Échocardiographie transthoracique sance cardiaque, contrairement à ce qui est prôné dans l’HTA (voir
Ionogramme sanguin chapitre VII-8, Interactions entre médicaments cardiovasculaires et
Créatininémie anesthésie). L’arrêt des IEC pourrait en effet entraîner une décompen-
Bilan hépatique
sation de l’insuffisance cardiaque [76].
Bilan de coagulation
MONITORAGE
Optionnels
Le monitorage recommandé est résumé dans le tableau 14. Dans
Gazométrie artérielle l’insuffisance cardiaque sévère et les interventions à risque de varia-
Facteurs différentiels de la prothrombine tion volémique importante, il faut monitorer le segment ST et la pres-
Doppler veineux des membres inférieurs sion artérielle par voie invasive. On peut proposer un monitorage
Échocardiographie transœsophagienne périopératoire par échocardiographie transœsophagienne, mais
d’une part ce monitorage nécessite un personnel médical formé,
Scintigraphie myocardique
d’autre part il s’agit d’un monitorage non continu, opérateur dépen-
dant et onéreux. Un monitorage par cathéter de Swan-Ganz pourra
culaire témoignant d’une insuffisance ventriculaire gauche, doit être être proposé en cas de chirurgie à risque dans des centres ayant
systématique. Par un élecrocardiogramme de repos, on recherche des l’habitude de ce type de monitorage [77]. Il convient cependant de
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signes d’hypertrophie ventriculaire gauche, des troubles du rythme


(fibrillation auriculaire, extrasystoles ventriculaires) ou des séquelles
d’infarctus. Une échocardiographie préopératoire [7] permet d’éva-
● Tableau 14 Monitorage périopératoire de l’insuffisant cardiaque sévère
luer la fonction ventriculaire (systolique et diastolique) par la fraction Nécessaire
de raccourcissement (qui doit se situer normalement aux environs de
35 %), l’épaisseur des parois ventriculaires et le diamètre ventriculaire. ECG
Pression non invasive
Oxymétrie de pouls
PRISE EN CHARGE PEROPÉRATOIRE
Capnographie
Au cours de l’insuffisance cardiaque, plusieurs mécanismes de
compensation sont mis en jeu : hyperaldostéronisme secondaire, Température
activation du système rénine-angiotensine et hyperstimulation sym- Optionnel (en cas de décompensation ou de chirurgie majeure)
pathique, responsables d’une augmentation du volume sanguin cir-
Pression artérielle invasive
culant et d’une élévation des résistances vasculaires systémiques. Ces
mécanismes permettent de maintenir une hémodynamique stable. En Sondage vésical
déstabilisant ces mécanismes compensateurs, l’anesthésie chez le Pression veineuse centrale
patient insuffisant cardiaque peut provoquer un collapsus cardiovas- Cathéter de Swan-Ganz (S v O2)
culaire. En effet, l’anesthésie déséquilibre l’hémodynamique en atté- Échocardiographie (remplissage et contractilité)
nuant l’hypertonie sympathique compensatrice ; de plus, le risque de Échodoppler aortique transœsophagien (intervalles de temps systo-
collapsus est majoré par les anesthésiques cardiodépresseurs. lique, débit aortique)
La physiopathologie des déséquilibres hémodynamiques diffère Gazométries
selon les causes de l’insuffisance cardiaque :
Lactatémie
– dans les cardiomyopathies hypertrophiques, les conditions de
remplissage jouent un rôle majeur : toute hypovolémie fait courir Troponine I

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 11


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

noter qu’à ce jour, l’intérêt du monitorage par cathéter de Swan-Ganz [78]. Dans les cas difficiles, il faut surveiller la diurèse horaire (valeurs
en phase périopératoire n’a pas été formellement établi par des normales entre 1 et 2 mL/kg/h) qui est un bon témoin de l’équilibre
études à haut niveau de preuve [39]. Dans l’insuffisance cardiaque hémodynamique. La prévention de la maladie thromboembolique,
cependant, le cathéter de Swan-Ganz permet de mesurer en continu avec utilisation de bas de contention, d’un lever précoce et d’hépari-
la saturation veineuse en oxygène, qui permet d’évaluer globalement nes de bas poids moléculaire, doit être particulièrement méticuleuse.
l’oxygénation tissulaire. De même, quand l’hémodynamique est insta-
ble, on pourra proposer des dosages répétés de lactate sanguin.
En peropératoire, il faut prévenir l’hypothermie, une diminution Anesthésie de l’insuffisant cardiaque
trop importante du tonus sympathique, l’hypovolémie, l’augmenta- • L’insuffisance cardiaque est un facteur de risque périopératoire,
tion de la postcharge et les troubles du rythme auriculaire. On évitera surtout quand elle est mal équilibrée.
les anesthésiques inotropes négatifs (l’isoflurane ou le sévoflurane • Les altérations du tonus sympathique et les variations de volé-
seront préférés à l’halothane, le propofol pourra être utilisé mais pas mie sont mal tolérées dans l’insuffisance cardiaque.
à forte dose, l’étomidate sera préféré au thiopental). Il faudra veiller à • L’anesthésie reposera essentiellement sur les morphinomimé-
conserver une fréquence cardiaque stable grâce à une analgésie et à tiques.
un remplissage suffisants, dans l’idéal monitorés par échocardiogra- • Il conviendra d’extuber ces patients dans des conditions opti-
phie transœsophagienne. En effet, une tachycardie, en diminuant le males (température, calme, analgésie…).
remplissage, peut être mal supportée. De plus, il existe souvent en
préopératoire une hypovolémie relative due au régime hyposodé et
éventuellement aux diurétiques. L’induction anesthésique pourra être
réalisée avec de l’étomidate (0,3 mg/kg). Le propofol pourra être Anesthésie en présence
administré à faible débit, au pousse-seringue électrique, à objectif de
concentration, de manière à éviter toute vasodilatation ou cardio-
d’une valvulopathie
dépression potentielles. Les halogénés devront être utilisés à faible Pour prendre en charge l’anesthésie au cours d’une valvulopathie, il
concentration, en évitant l’halothane qui est le plus cardiodépresseur. faut bien connaître le retentissement de la lésion valvulaire sur la
L’anesthésie reposera essentiellement sur les morphiniques qui sont fonction cardiaque. Il existe un risque de décompensation cardiaque,
bien tolérés dans l’insuffisance cardiaque et qui permettront d’abor- avec troubles du rythme, œdème pulmonaire, voire désamorçage de
der la phase postopératoire dans de bonnes conditions. Il faut éviter la pompe cardiaque, chez la plupart des patients souffrant de valvu-
les anesthésies périmédullaires, en particulier les rachianesthésies, qui lopathie [57] (Tableau 15). L’arrêt des traitements préopératoires, un
provoquent un bloc sympathique et risquent de déséquilibrer déséquilibre de la volémie ou un déséquilibre hydroélectrolytique,
l’hémodynamique. l’anxiété, l’induction anesthésique, l’agression chirurgicale, la douleur,
Si un bas débit cardiaque avec hypotension artérielle apparaissent, l’hypoxie et l’hypercapnie sont des facteurs majeurs de décompensa-
il faut effectuer un remplissage prudent (250 mL d’hydroxyéthyl- tion [79].

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amidon par exemple), et mettre en route une perfusion de dobuta- La conduite de l’anesthésie chez ces patients dépend de la lourdeur
mine (commencer à 3 μg/kg/min puis augmenter progressivement le du geste chirurgical, du type de valvulopathie et de son retentisse-
débit) ou d’adrénaline (commencer à 0,05 μg/kg/min puis augmenter ment. Outre le monitorage de base commun à toute anesthésie, il faut
ensuite progressivement). On pourra utiliser des vasodilatateurs (ura- pouvoir suivre l’hémodynamique en temps réel, afin d’adapter en
pidil, nitroprussiate de sodium ou nitroglycérine) ou des inodilata- continu l’anesthésie, le remplissage et d’administrer si nécessaire des
teurs qui possèdent des propriétés à la fois vasodilatatrices et traitements cardiovasculaires. Avec un monitorage adéquat
inotropes (inhibiteurs de la phosphodiestérase III ou dopexamine, (Tableau 16) et une intensification à la demande des mesures théra-
par exemple milrinone [Corotrope] à la posologie de 0,3 à 0,5 μg/kg/ peutiques, on pourrait diminuer la morbimortalité périopératoire
min après un bolus de 50 μg/kg en 10 min) si la pression artérielle est chez ces patients [80].
normale mais non en cas d’hypotension. En effet, ces agents risquent
L’anesthésie générale est souvent préférée, car elle procure une
d’engendrer ou d’aggraver des hypotensions. En cas d’échec, on peut
meilleure stabilité hémodynamique [81]. Il faut choisir des agents qui
envisager la pose d’une contrepulsion par ballonnet intra-aortique,
ne diminuent pas excessivement le débit cardiaque et respectent la
en l’absence d’insuffisance aortique.
précharge, la postcharge, la contractilité et le synchronisme auriculo-
ventriculaire. Les blocs tronculaires ou plexiques restent une bonne
SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE ET RÉVEIL alternative, et on peut éventuellement discuter des anesthésies péri-
La surveillance postopératoire, phase souvent délicate, doit s’effec- médullaires mais elles sont souvent problématiques chez des sujets
tuer de préférence en unité de soins intensifs ; en effet, une décom- traités par des anticoagulants, et elles doivent être évitées en cas de
pensation ventriculaire gauche par augmentation des résistances valvulopathies sténosantes, notamment en cas de rétrécissement
vasculaires systémiques liée à une hypertonie sympathique est fré- aortique en raison du risque d’hypotension sévère par vasoplégie
quente en postopératoire. L’extubation n’aura lieu qu’en normother- lors de l’injection. La surveillance postopératoire doit se faire de pré-
mie (> 36,5 °C), et lorsque la volémie sera optimisée. Un traitement férence en unité de soins intensifs. La prévention de l’endocardite
par dobutamine et diurétiques, éventuellement associés à des inhibi- infectieuse par une antibioprophylaxie adaptée au geste chirurgical
teurs de la phosphodiestérase, pourra aider le sevrage ventilatoire est indispensable (Tableau 17).

12 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
● Tableau 15 Risques périopératoires chez le patient porteur d’une valvulopathie
Valvulopathie Risque anesthésique Causes Conduite à tenir
Hypovolémie, vasoplégie Expansion volémique
Bolus 100 mg de Néosynéphrine
Hypotension Perte de la systole auriculaire Anti-arythmique IV (Amiodarone 100 mg IV
lente, bêtabloquants, inhibiteurs calciques)
Cardioversion électrique
Ischémie myocardique (baisse Hypotension Idem
RA de la perfusion coronaire en raison Tachycardie
de l’HVG)
Arythmie
Arrêt cardiaque Trouble du rythme Massage cardiaque externe
Désamorçage de la pompe cardiaque Cardioversion
Adrénaline IV (1 à 5 mg)
Expansion volémique
Œdème aigu du poumon Augmentation de la régurgitation Analgésie ou vasodilatateurs
IA Hypertension artérielle pulmonaire Poussée d’HTA Atropine (0,25 à 0,5 mg IV)
(HTAP) Bradycardie
Œdème aigu du poumon Augmentation de la régurgitation Analgésie ou vasodilatateurs
IM HTAP Poussée d’HTA Atropine (0,25 à 0,5 mg IV)
Trouble du rythme Bradycardie
Trouble du rythme Dyskaliémie Ne pas arrêter les anti-arythmiques
RM HTAP Acidose, hypoxie, hypercapnie Optimiser la ventilation
Insuffisance ventriculaire droite Remplissage excessif Limiter le remplissage

● Tableau 16 Monitorage peropératoire proposé en cas de valvulopathie selon l’acte réalisé

Type de chirurgie Exemples Monitorage


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Chirurgie à faible risque Résection endo-urétrale de prostate, hernie inguinale, PA non invasive
chirurgie artérielle périphérique en l’absence d’atteinte ECG (D2 et V5) avec mesure du segment ST
cardiaque, chirurgie veineuse… Oxymètre de pouls
Capnographie si intubation ou masque laryngé
Chirurgie à haut risque Chirurgie aortique, chirurgie thoracique, chirurgie intra- Idem
péritonéale, chirurgie orthopédique (hanche)… + PA invasive (cathéter radial)
Échocardiographie ou cathéter de Swan-Ganz

● Tableau 17 Antibioprophylaxie en cas de valvulopathie selon le type d’intervention

Actes portants sur les voies aériennes supérieures Chirurgie urogénitale, digestive
Type de chirurgie (ORL, stomatologie) (y compris endoscopie), orthopédique, vasculaire
1 heure avant le geste 6 heures après 1 heure avant le geste 6 heures après
Absence d’allergie Amoxicilline : 2 g IV (perf Amoxicilline : 1 g per os - Amoxicilline : 2 g IV (perf - Amoxicilline : 1 g per os
de 30 min) de 30 min)
- Gentamicine : 1,5 mg/kg - pas de 2e dose
(perf de 30 min ou IM)
Allergie aux Vancomycine : 1 g IV (perf Pas de 2e dose Vancomycine : 1 g IV (perf - pas de 2e dose
bêtalactamines de 60 min) de 60 min)
Ou Téicoplanine : 400 mg Ou Téicoplanine : 400 mg
IV lente IV lente

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 13


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE ■ Physiopathologie


Au cours du RA, il existe un gradient de pression entre le ventricule
gauche et l’aorte. Ce gradient de pression, dû à une gêne à l’éjection
■ Étiologie
ventriculaire, se caractérise par une augmentation de la pression sys-
Le rétrécissement aortique (RA), parfois congénital, est habituelle- tolique à l’intérieur du ventricule gauche. La réponse adaptative à
ment acquis (Tableau 18), avec une prédominance variable selon les cette surcharge de pression, consiste en une hypertrophie ventricu-
zones géographiques. Essentiellement d’origine rhumatismale dans laire gauche (HVG) concentrique [82]. Cette HVG diminue le diamètre
les pays en voie de développement, il est le plus souvent dû à des de la cavité ventriculaire et abaisse la compliance diastolique pariétale
calcifications valvulaires chez le sujet âgé dans les pays développés [83], ce qui diminue le remplissage ventriculaire et élève la pression
[82]. télédiastolique du ventricule gauche (Tableau 19). La part de la systole

● Tableau 18 Étiologies et aspects lésionnels des différentes valvulopathies

Valvulopathie Étiologie Aspects lésionnels


RA calcifié du sujet âgé (maladie de Monkeberg) Proliférations calcaires obstructives
RA congénital Bicuspidie
RA
Rhumatisme articulaire aigu Soudure commissurale, épaississement des feuillets valvulaires,
rétraction des sigmoïdes
Rhumatisme articulaire aigu Soudure commissurale, épaississement des feuillets valvulaires,
rétraction des sigmoïdes
Endocardite infectieuse Lésions ulcérovégétantes, perforations valvulaires,
rupture de cordage
RA calcifié du sujet âgé Perte de la mobilité des sigmoïdes par les proliférations calcaires
(RA + IA)
IA
Anévrisme aortique Dilatation de l’aorte ascendante, dystrophie valvulaire
Maladie annulo-ectasiante

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Dissection chronique
Syphilis tertiaire
Spondylarthrite ankylosante Fibrose valvulaire
Congénitale Bicuspidie
Dystrophique (dégénérative) Maladie de Barlow : épaississement et ballonisation
de la valve mitrale
Dégénérescence fibro-élastique : amincissement des feuillets,
rupture de cordage
RAA Soudure commissurale, épaississement des feuillets valvulaires,
rétraction des sigmoïdes
IM
Ischémique Ischémie ou rupture d’un pilier et/ou d’un cordage
Post-endocardite infectieuse Lésions ulcérovégétantes, perforations valvulaires,
rupture de cordage, abcès
Congénitales Fente mitrale lors d’un canal atrioventriculaire
Myocardiopathie dilatée Dilatation de l’anneau mitral
RAA Soudure commissurale, épaississement des feuillets valvulaires,
RM rétraction des sigmoïdes, calcification de l’anneau mitral
Congénital Sténose congénitale

14 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
● Tableau 19 Physiopathologie des valvulopathies

Valvulopathie Mécanisme lésionnel Conséquenses Danger


RA Obstacle à l’éjection Baisse de la volémie : diminution Hypovolémie
(surcharge en pression) = hypertrophie de la taille des cavités Vasodilatation
ventriculaire gauche Remplissage ventriculaire dépendant Hypotension
de la systole auriculaire (20 à 40 %)
Tachycardie
Sensibilité à l’ischémie myocardique par
inadéquation entre la vascularisation Arythmie
et la masse musculaire
IA Fuite volémique de l’aorte vers le VG Hypertrophie pariétale et dilatation Poussées d’HTA
(surcharge en volume) ventriculaire. Vasoconstriction
= hypertrophie et dilatation Pression artérielle diastolique basse : Bradycardie
baisse de la perfusion coronaire
Augmentation de la régurgitation lors
d’une bradycardie (diastole longue)
IM Fuite volémique du VG vers l’OG Dilatation de l’OG (troubles du rythme, Poussées d’HTA
= surcharge en volume formation de thrombus) Vasoconstriction
Hypertension artérielle pulmonaire Remplissage excessif
et œdème aigu du poumon
Dilatation ventriculaire
RM Obstacle au remplissage du VG Dilatation de l’OG (troubles du rythme, Arythmie (stimulation adrénergiques,
formation de thrombus) arrêt des antiarythmiques)
Hypertension artérielle pulmonaire Remplissage excessif
et insuffisance ventriculaire droite
VG chroniquement peu rempli :
amincissement des parois

auriculaire dans le remplissage ventriculaire devient notable et toute cardiaque avec dyspnée d’effort, épisodes d’œdème aigu du poumon,
perte du rythme sinusal se caractérise par une baisse importante du voire insuffisance cardiaque globale. Cependant, il est important de
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débit cardiaque. En raison de la réduction du volume cavitaire, le noter que le risque de mort subite périopératoire n’est pas négli-
volume d’éjection est quasiment fixe et le débit cardiaque ne devient geable, même dans les RA asymptomatiques.
dépendant que de la fréquence cardiaque. Une bradycardie impor-
tante peut alors s’accompagner d’une baisse significative du débit ■ Conduite de l’anesthésie
cardiaque. Au cours du RA, les modifications de la volémie, de la fré- En dehors de l’urgence, il faut demander l’avis d’un cardiologue
quence cardiaque et la perte du rythme sinusal ont donc des réper- pour déterminer si le RA ne doit pas bénéficier d’un traitement chirur-
cussions majeures. De plus, l’HVG altère l’équilibre métabolique du gical avant l’anesthésie proposée. En périopératoire, l’objectif est
myocarde, avec augmentation de la consommation d’oxygène et d’éviter toute hypotension, toute arythmie ou toute ischémie myocar-
diminution de la perfusion coronaire. Le risque d’ischémie myocar- dique. Il faut impérativement maintenir une volémie adaptée et le
dique est donc majoré, en particulier lors d’une tachycardie ou d’une rythme sinusal, et il convient d’éviter toute variation de la postcharge
hypotension, et ce d’autant plus qu’il existe une hypertrophie concen- (Tableau 20 à titre d’exemple).
trique des parois du ventricule gauche. La prémédication doit être adaptée à l’âge et au degré d’insuffi-
sance cardiaque. Elle repose essentiellement sur les benzodiazépines.
■ Évaluation clinique Le monitorage doit comporter un électrocardiogramme avec deux
Le RA reste longtemps asymptomatique. Il peut être découvert lors dérivations (V5, D2) et analyse continue du segment ST (mais l’inter-
d’un examen systématique ou lors d’une consultation d’anesthésie prétation de l’électrocardiogramme et du segment ST doit tenir
par l’auscultation d’un souffle d’éjection holosystolique à la base du compte des troubles de repolarisation dus à l’HVG), une oxymétrie de
cœur. Le RA devient symptomatique lorsque la surface aortique pouls et une capnographie. Dans les interventions prolongées, la
devient inférieure à 1 cm2. Le principal symptôme est alors un angor mesure de la température et un sondage urinaire peuvent s’avérer
d’effort, avec des coronaires saines dans la moitié des cas. L’appari- nécessaires. Selon le degré d’insuffisance cardiaque et de risque opé-
tion d’une syncope d’effort marque un tournant dans l’évolution de la ratoire, la mesure de la PVC peut être utile. Le cathétérisme cardiaque
maladie, avec un risque de mort subite non négligeable. À long terme, droit comporte un risque de trouble du rythme. Le monitorage de
la surcharge en pression entraîne une dilatation ventriculaire et une choix est l’échographie transœsophagienne qui apporte des informa-
altération de la fonction systolique, puis s’installe une insuffisance tions capitales sur la volémie et la compliance ventriculaire [84].

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 15


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

● Tableau 20 Exemple de conduite à tenir chez un patient souffrant de RA propofol doit être évité car il est vasodilatateur, et on lui préfère l’éto-
et devant subir une résection endo-urétrale de prostate. midate, surtout en cas d’altération de la fonction ventriculaire gauche
(L’anesthésie rachidienne est contre-indiquée) et lorsque l’hémodynamique est précaire. L’association à un morphi-
(à titre indicatif car il existe de nombreuses autres possibilités) nique permet d’atténuer la tachycardie et les poussées hypertensives
lors des stimulations nociceptives, particulièrement lors de la laryn-
Temps goscopie et de l’intubation trachéale. L’analgésie doit être adaptée au
Protocole recommandé Protocole alternatif
anesthésique geste chirurgical. Le choix du curare est important car ils ont des
Prémédication - Hydroxyzine 100 mg Idem effets différents sur la fréquence cardiaque, et il faut savoir que tant la
- Alprazolam 1 mg bradycardie que la tachycardie sont délétères [85]. Quel que soit le
protocole choisi, l’induction doit être progressive afin d’éviter toute
Préparation - Abord veineux de bon Idem hypotension. L’anesthésie peut être entretenue par des réinjections et
calibre (16 G)
éventuellement par des halogénés. Ces derniers doivent être utilisés
- Perfusion : Ringer-lactate
500 mL avec prudence, car ce sont des dépresseurs myocardiques et ils dimi-
nuent la postcharge. On choisit généralement l’isoflurane, le des-
Antibio- - 1 h avant : amoxicilline : Idem flurane et le sévoflurane qui modifient moins la contractilité
prophylaxie 2 g IV (perf de 30 min) myocardique et les résistances vasculaires. En peropératoire, on traite
+ gentamicine : 1,5 mg/kg
les chutes tensionnelles d’abord par expansion volémique puis, dans
(perf de 30 min ou IM)
- 6 h après : amoxicilline : un deuxième temps, par un vasoconstricteur de type phényléphrine
1 g per os [86]. Il faut éviter les inotropes, car en raison de l’hypertrophie ventri-
culaire gauche, la réponse du myocarde aux catécholamines est exa-
Monitorage - ECG (DII, V5), segment Idem gérée et ces agents peuvent provoquer une instabilité tensionnelle.
recommandé ST
- PA non invasive
- SpO2, CO2 expiré ■ Place de l’anesthésie locorégionale
- Diurèse Pour la chirurgie des extrémités, il faut préférer une anesthésie
- Curarisation tronculaire ou plexique, lorsqu’elle est possible, car elle n’interfère pas
avec l’hémodynamique. La rachianesthésie est en revanche formelle-
Induction - Étomidate : 0,25 - Midazolam :
à 0,40 mg/kg 0,2 mg/kg ment contre-indiquée au cours du RA, en raison du risque majeur
- Sufentanil : 0,25 μg/kg - Fentanyl : 2 à que représente la brusque diminution des résistances vasculaires
- Atracurium : 0,3 5 μg/kg systémiques. En effet, en raison de l’obstacle valvulaire, l’hypotension
à 0,6 mg/kg - Vécuronium : 0,05 n’est plus compensée par l’augmentation du volume d’éjection systo-
à 0,1 mg/kg lique. Le risque est alors une hypotension réfractaire, à l’origine d’une
Entretien - Desflurane - Isoflurane ischémie myocardique, d’arythmies, voire d’inefficacité circulatoire

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anesthésique - Réinjection de sufentanil ou sévoflurane irréversible. Le massage cardiaque est moins efficace dans le RA, tou-
- Réinjection jours en raison de l’obstacle valvulaire. L’anesthésie épidurale, si on
de fentanyl prend les précautions nécessaires, peut être mieux tolérée. Cette
méthode s’est avérée relativement « populaire », comme l’a montré
Réveil/ - Normothermie Idem
Analgésie (> 36,5 °C) une enquête concernant la pratique de l’anesthésie locorégionale en
postopératoire - Propacétamol (2 g/6 h) France [87]. Pour les anesthésies épidurales, il faut impérativement
préparer le patient pour minimiser le retentissement hémodyna-
Traitements - Fraxiparine 0,3 à 0,4 mL/j Idem mique, par une expansion volémique préalable. Ensuite, l’injection
postopératoires SC selon le poids jusqu’à
des anesthésiques locaux doit être lente et fractionnée. Si une hypo-
déambulation
- Reprise des traitements tension apparaît, on augmente l’expansion volémique, puis on admi-
cardiovasculaires nistre de la phényléphrine par voie IV (Néosynéphrine, bolus de 50 à
préopératoires en évitant 200 μg renouvelable).
toute hypotension
Risques post- - Instabilité tensionnelle, Idem ■ Période postopératoire
opératoires ischémie myocardique, En postopératoire, l’objectif est de maintenir une stabilité hémody-
particuliers arythmie namique, en évitant l’hypertension et la tachycardie qui augmentent
- Surveillance : pression
la consommation d’oxygène du myocarde, et l’hypotension qui dimi-
artérielle, troponine I
et électrocardiogramme nue les débits régionaux, en particulier coronaires. Le réveil doit être
(48 h) progressif, sans agitation, afin d’éviter toute élévation de la post-
charge. L’extubation est réalisée chez un patient réveillé, normother-
On peut proposer une anesthésie associant un hypnotique, un mique, ne souffrant pas et stable sur le plan hémodynamique.
morphinique et un myorelaxant. Les benzodiazépines sont intéres- L’antagonisation des benzodiazépines, des morphiniques, voire des
santes en raison de leurs faibles effets circulatoire et myocardique. Le curares est déconseillée, en raison d’un effet propre de ces antago-

16 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
nistes sur la fréquence cardiaque et donc sur la balance myocardique fusion coronaire avec risque d’ischémie myocardique. À l’inverse, les
en oxygène. Dans les RA avancés avec insuffisance cardiaque, et poussées d’HTA lors des stimulus nociceptifs majorent la régurgita-
selon la lourdeur du geste chirurgical, une surveillance postopéra- tion. Il faut les prévenir ou les traiter par un approfondissement de
toire continue en unité de soins intensifs peut s’avérer indispensable. l’anesthésie au cours des gestes douloureux, et éventuellement
recourir à des vasodilatateurs. La bradycardie, en allongeant le temps
INSUFFISANCE AORTIQUE de diastole, augmente le volume de régurgitation, et donc la dilata-
tion ventriculaire. Le risque est alors une surcharge pulmonaire avec
■ Étiologie œdème pulmonaire. Parmi les halogénés, l’isoflurane, le sévoflurane
L’insuffisance aortique (IA) se définit par une incontinence de et le desflurane sont intéressants en raison de leur effet vasodilata-
l’appareil valvulaire aortique par défaut d’affrontement des sigmoïdes teur avec absence de bradycardie.
ou par perforation valvulaire. Elle a plusieurs causes (Tableau 18) : En postopératoire, les poussées d’HTA doivent être contrôlées acti-
rhumatisme articulaire aigu (en voie de régression dans les pays vement par une analgésie suffisante et si besoin par des antihyper-
développés), endocardite bactérienne (qui survient sur un cœur sain tenseurs, de préférence vasodilatateurs. La nicardipine (Loxen) à la
ou sur valve pathologique entraînant des lésions ulcérovégétantes), posologie de 0,5 à 1 mg en bolus IV est bien tolérée si la fonction
dissection aortique, dilatation de l’aorte ascendante chez les sujets ventriculaire gauche est conservée. Si la fonction cardiaque est
hypertendus et les patients présentant une maladie annulo- altérée, on préconise l’urapidil (Eupressyl) en bolus IV de 5 à 25 mg.
ectasiante, et maladie aortique calcifiée qui transforme l’orifice aorti-
que en « gicleur » immobile et béant. D’autres causes comme la spon-
dylarthrite ankylosante, la syphilis tertiaire, les IA congénitales et les
INSUFFISANCE MITRALE
IA post-traumatiques sont plus rares [82].
■ Étiologie
■ Physiopathologie L’insuffisance mitrale (IM) est l’incontinence de l’appareil valvulaire
Les conséquences de l’atteinte valvulaire sont la régurgitation auriculoventriculaire gauche. Elle est due à une distension de
diastolique : une partie du volume sanguin éjecté dans l’aorte en sys- l’anneau mitral, une altération des feuillets valvulaires ou une anoma-
tole retourne dans le ventricule gauche lors de la diastole suivante lie des cordages ou des piliers (Tableau 18). Elle a plusieurs causes :
(Tableau 19). Cette régurgitation est proportionnelle à la taille de l’ori- dystrophiques, infectieuses, ischémiques ou congénitales. Parmi les
fice régurgitant, au gradient de pression transvalvulaire et à la durée formes chroniques, les causes dystrophiques ou dégénératives sont
de la diastole. Elle provoque une surcharge en volume et en pression actuellement les plus fréquentes, avec d’une part la maladie de
qui, à son tour, entraîne une dilatation cavitaire et une hypertrophie Barlow qui constitue une dégénérescence myxoïde avec épaississe-
pariétale. Ce mécanisme compensateur permet de longtemps main- ment et ballonisation des feuillets valvulaires, d’autre part, la dégéné-
tenir le débit cardiaque : c’est l’effet Franck-Starling. L’augmentation rescence fibroélastique du sujet âgé où les feuillets sont amincis et les
de la masse myocardique et la baisse de la pression artérielle diasto- cordages parfois rompus. Les causes rhumatismales sont plus rares,
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lique concourent à une ischémie myocardique, même avec des coro- avec soudure commissurale, rétraction et épaississement des feuillets,
naires saines. et parfois calcification et sténose de l’orifice mitral. Parmi les formes
aiguës, l’endocardite infectieuse provoque des lésions ulcérées ou
■ Évaluation clinique végétantes. Les IM ischémiques sont dues à une ischémie ou rupture
L’IA est le plus souvent latente, et alors découverte lors d’un exa- d’un cordage ou d’un pilier, le plus souvent postérieur. Les IM congé-
men systématique ou d’une consultation d’anesthésie. Le souffle nitales sont rares [82].
holodiastolique à la base du cœur, le pouls bondissant, une pression
artérielle différentielle élargie avec une pression artérielle diastolique ■ Physiopathologie
basse sont caractéristiques. À la longue, il apparaît une décompensa- La régurgitation du ventricule gauche vers l’oreillette gauche
tion, avec insuffisance ventriculaire gauche dont l’évolution spon- dépend de la taille de l’orifice régurgitant, du gradient de pression
tanée est rapidement défavorable. La présence d’une hypertension entre le VG et l’oreillette gauche (OG) en systole, et de la durée de la
artérielle pulmonaire témoigne d’une atteinte myocardique avancée systole (Tableau 19). Toute augmentation des résistances vasculaires
[82]. systémiques et toute bradycardie majorent la régurgitation et dimi-
nuent le débit cardiaque [89]. La régurgitation mitrale chronique
■ Conduite de l’anesthésie impose au ventricule gauche une surcharge en volume, à l’origine
La prémédication par benzodiazépines doit être adaptée au degré d’une hypertrophie pariétale et surtout d’une dilatation cavitaire.
d’insuffisance cardiaque et à l’hypoxémie. Le monitorage de base est Dans les formes chroniques, la régurgitation s’accompagne simulta-
celui de toute intervention et doit être complété, dans les interven- nément d’une dilatation de l’oreillette gauche qui protège les capil-
tions lourdes, par la mesure de la pression veineuse centrale, voire laires pulmonaires de l’hyperpression pendant la phase initiale de la
des pressions artérielles pulmonaires. On peut utiliser les mêmes maladie. Cette dilatation auriculaire est un facteur favorisant de
anesthésiques que pour le rétrécissement aortique, mais la vasodila- fibrillation auriculaire. À long terme apparaît une surcharge capillaire
tation systémique est ici utile, parce qu’elle réduit la régurgitation [88]. avec hypertension artérielle pulmonaire. En aval, le reflux rétrograde
Cependant, une hypotension importante peut compromettre la per- vers l’oreillette gauche diminue la postcharge du ventricule gauche, et

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 17


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

la fraction d’éjection du ventricule gauche semble normale, même ● Tableau 21 Exemple de conduite à tenir chez un patient souffrant
quand le ventricule gauche commence à être altéré. d’une IM devant subir une résection endouréthrale de la prostate
(à titre indicatif car il existe de nombreuses autres possibilités)
■ Évaluation clinique
L’IM peut être totalement asymptomatique, découverte lors d’un Protocole
Protocole recommandé
examen systématique par la constatation d’un souffle holosystolique. alternatif
Ailleurs, elle peut être découverte à l’occasion d’une fièvre en cas Prémédication Hydroxyzine 100 mg Idem
d’endocardite infectieuse, d’arythmie complète lors d’un passage en Alprazolam 1 mg
fibrillation auriculaire ou lors d’un épisode de dyspnée au stade
Antibio- 1 h avant : amoxicilline : 2 g Idem
d’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque et l’hypertension
prophylaxie IV (perf de 30 min) +
artérielle pulmonaire s’installent en des délais variables, qui dépen- gentamicine : 1,5 mg/kg (perf
dent du type de lésion, du volume de la régurgitation et de la fonction de 30 min ou IM)
de l’OG. Le plus souvent, l’évolution est lente et progressive pendant 6 h après : amoxicilline : 1 g
des dizaines d’années. Dans la maladie de Barlow, la symptomato- per os
logie est variable : fatigue, intolérance à l’effort, vertiges, syncopes,
Préparation Accès veineux de bon calibre idem
palpitations, parfois accidents ischémiques transitoires. Cette patho-
logie explique certaines morts subites chez le jeune [82]. Perfusion : Ringer-lactate
500 mL
■ Conduite de l’anesthésie Monitorage ECG (D2, V5), segment ST Idem
Un exemple de protocole d’anesthésie est donné dans le recommandé PA non invasive
tableau 21. La prémédication doit être adaptée à l’âge et au degré SpO2, CO2 expiré
d’insuffisance cardiaque. Comme dans l’insuffisance aortique, l’induc- Diurèse
tion anesthésique est généralement bien tolérée car elle s’accompa-
Curarisation
gne d’une diminution de la régurgitation par baisse des résistances
vasculaires systémiques [90]. L’anesthésie peut être entretenue par Induction Propofol : 1 à 5 mg/kg Rachianesthésie à
des réinjections ou par des halogénés. Parmi ces derniers, l’isoflurane Sufentanil : 0,25 μg/kg la marcaïne 0,5 %
(2 à 3 mL)
reste l’agent de choix en raison de son effet vasodilatateur. Il faut en Atracurium : 0,3 à 0,6 mg/kg
revanche éviter l’halothane qui peut provoquer une bradycardie et a
Entretien Isoflurane/Desflurane/Sévo-
un effet arythmogène. Le sévoflurane et le desflurane peuvent être anesthésique flurane
utilisés. Comme pour l’IA, il faut prévenir et traiter toute poussée
Réinjection de sufentanil
d’HTA et toute bradycardie [91]. Les poussées d’HTA peuvent être trai-
tées par un approfondissement de l’anesthésie (intérêt de l’isoflurane) Réveil / Analgésie Normothermie (> 36,5 °C) Idem

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ou par des vasodilatateurs. L’anesthésie périmédullaire, qui provoque postopératoire Propacétamol (2 g/6 h)
une vasodilatation et une accélération de la fréquence cardiaque, est Traitements Fraxiparine 0,3 à 0,4 mL/j SC Idem
également bien tolérée. Elle doit être discutée selon l’indication chi- postopératoires selon le poids jusqu’à
rurgicale et la coagulation. déambulation
Reprise des traitements car-
■ Période postopératoire diovasculaires préopératoires
En postopératoire, il faut prévenir les poussées hypertensives et les en évitant toute hypotension
arythmies, en assurant une analgésie efficace et précoce et une séda-
Risques Instabilité tensionnelle, Idem
tion suffisante, notamment lors de l’extubation. Il faut éviter toute postopératoires fibrillation auriculaire
hypoxémie, hypercapnie et acidose qui peuvent majorer l’hyperten- particuliers Surveillance : pression
sion artérielle pulmonaire. Des arythmies supraventriculaires sont artérielle et électrocardio-
possibles et font courir un risque de tachyarythmie. Leur traitement gramme (48 h)
repose sur les digitaliques ou l’amiodarone. Il faut systématiquement
prévenir les complications thromboemboliques par une anticoagula-
tion débutée précocement, dès que les suites chirurgicales le permet- des commissures et des feuillets peuvent apparaître. Les RM congé-
tent. Par ailleurs, les traitements cardiovasculaires préopératoires nitaux sont rares (Tableau 18).
(diurétiques, vasodilatateurs) sont repris le soir même ou le lende-
main de l’intervention.
■ Physiopathologie
RÉTRÉCISSEMENT MITRAL La gêne à l’évacuation du sang entraîne une dilatation de l’oreillette
gauche qui peut devenir ectasique, à paroi amincie et fibreuse
■ Étiologie (Tableau 19). La stase sanguine favorise la constitution de thrombus qui
Le rétrécissement mitral (RM) est pratiquement toujours d’origine se logent préférentiellement dans l’auricule gauche et qui peuvent être à
rhumatismale [82]. Le rhumatisme soude les commissures, et rétracte l’origine d’embols systémiques. L’élévation des pressions dans l’oreillette

18 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
gauche se transmet passivement en amont vers les veines pulmonaires, pathologies digestives, soit pour bilan étiologique d’une endocardite
avec transudation pouvant provoquer un œdème pulmonaire. La infectieuse. L’évaluation préopératoire est la même. Le monitorage
compliance pulmonaire diminue, avec apparition d’une dyspnée. doit comporter au minimum un ECG, une SpO2 et une mesure de la
L’hypertension artérielle pulmonaire et l’augmentation des résistances pression artérielle non invasive. Une anesthésie générale en ventila-
pulmonaires se répercutent en amont, avec insuffisance cardiaque tion spontanée est habituellement bien tolérée. L’oxygénothérapie au
droite. En aval, le débit cardiaque est diminué par baisse du volume masque facial doit être systématique. Le midazolam et le propofol
d’éjection systolique. La fonction ventriculaire gauche, longtemps nor- (0,5 à 1 mg/kg en IV lente) sont les hypnotiques de choix. L’associa-
male, finit par s’altérer par insuffisance d’apport volémique [82]. tion d’un morphinique de courte durée d’action comme l’alfentanil
(Rapifen : 0,25 à 0,5 mg en bolus ou rémifentanil 0,2 à 0,3 μg/kg) est
■ Évaluation clinique conseillée pour diminuer la réponse aux stimulations douloureuses. Il
Le RM, souvent longtemps méconnu, peut être découvert à l’occa- faut assurer une antibioprophylaxie de l’endocardite.
sion d’un examen systématique mettant en évidence un roulement
diastolique caractéristique. Il peut également se manifester par une Anesthésie chez un patient porteur
dyspnée d’effort, un œdème pulmonaire aigu, une hémoptysie, un
d’une valvulopathie
trouble du rythme. Il peut également être découvert à l’occasion
d’une embolie systémique [82]. • Les interventions chirurgicales au cours des valvulopathies
exposent à des risques de complication cardiaque périopératoire.
■ Conduite de l’anesthésie Un monitorage adéquat associé à une intensification des mesures
Les principaux risques anesthésiques sont les troubles du rythme, thérapeutiques peropératoires permet de diminuer la morbimor-
la surcharge pulmonaire et la majoration de l’hypertension artérielle talité de ces interventions.
pulmonaire à l’origine d’une insuffisance ventriculaire droite. Aussi, il • Pendant toute la période périopératoire, il faut impérativement
convient de demander un avis cardiologique quant à l’opportunité assurer une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse adap-
d’un traitement préalable du RM. La place d’un monitorage invasif tée au geste chirurgical.
des pressions pulmonaires dépend du degré de sténose mitrale et du • Dans le RA, l’objectif est d’éviter toute hypotension ou ischémie
type d’intervention [92, 93]. La prémédication doit être légère, afin myocardique. Le maintien d’une volémie adaptée et du rythme
d’éviter une hypoxémie. Les traitements anti-arythmiques, notam- sinusal est fondamental. Quel que soit le protocole anesthésique
ment les digitaliques, doivent être poursuivis jusqu’au matin de choisi, l’induction doit être progressive afin d’éviter toute diminu-
l’intervention, pour préserver le rythme sinusal ou éviter les tachycar- tion des résistances vasculaires systémiques. Les anesthésies péri-
dies. Il en est de même des diurétiques pour prévenir un œdème pul- médullaires sont déconseillées.
monaire. Le protocole anesthésique choisi doit permettre d’atténuer • Dans l’IA, la vasodilatation artérielle est favorable parce qu’elle
la réponse adrénergique aux stimulations, toute augmentation du réduit la régurgitation, mais une hypotension importante peut
tonus sympathique risquant de majorer l’hypertension artérielle pul- compromettre la perfusion coronaire avec risque d’ischémie myo-
© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.

monaire [94]. Les agents dépresseurs myocardiques doivent être cardique. Les poussées d’HTA lors des stimulus nociceptifs majo-
évités, et les anesthésies périmédullaires sont mal tolérées. En effet, la rent la régurgitation. Il faut les prévenir ou les traiter par un
baisse de la postcharge induite par la vasodilatation n’est pas approfondissement de l’anesthésie ou par des vasodilatateurs. La
compensée par une augmentation du volume d’éjection systolique bradycardie prolonge la diastole et augmente le volume régurgité,
en raison de l’obstacle mitral. Le remplissage et les vasoconstricteurs entraînant alors une dilatation ventriculaire délétère.
augmentent le retour veineux et donc le risque de surcharge pulmo- • Dans l’IA comme dans l’IM, l’anesthésie périmédullaire est bien
naire. Des postures augmentant le retour veineux majorent égale- tolérée par la vasodilatation qu’elle provoque. De même, l’induc-
ment la surcharge pulmonaire et l’hypertension artérielle pulmonaire. tion anesthésique est généralement bien tolérée en raison d’une
diminution de la régurgitation par baisse de la postcharge.
■ Période postopératoire • Dans le RM, les risques anesthésiques sont les troubles du
L’hypoxémie, l’hypercapnie, l’acidose et les stimulations adréner- rythme, la surcharge pulmonaire et la majoration de l’hyperten-
giques doivent être prévenues car elles font courir le risque d’hyper- sion artérielle pulmonaire à l’origine d’une insuffisance ventricu-
tension artérielle pulmonaire. En fonction de l’importance du geste laire droite. Les anti-arythmiques doivent être poursuivis jusqu’au
chirurgical, une surveillance en réanimation avec assistance ventila- matin de l’intervention afin de préserver le rythme sinusal. Le pro-
toire peut s’avérer nécessaire, en particulier en présence d’une sur- tocole anesthésique retenu doit permettre d’atténuer la réponse
charge pulmonaire. adrénergique qui majore l’hypertension artérielle pulmonaire.

CAS PARTICULIER DE L’ANESTHÉSIE Anesthésie chez un patient souffrant


POUR EXPLORATION ENDOSCOPIQUE DIGESTIVE
EN CAS DE VALVULOPATHIE
de myocardiopathie hypertrophique
L’anesthésie pour endoscopie digestive chez un sujet souffrant de La myocardiopathie hypertrophique (MCH), maladie à transmis-
valvulopathie est une éventualité fréquente, soit dans le cadre de sion autosomique dominante [95], se caractérise par une hyper-

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 19


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

trophie idiopathique du cœur, avec ou sans obstacle à l’éjection Dans de rares cas, on retrouve une dyspnée, un angor ou des antécé-
ventriculaire gauche. Des formes familiales permettent un diagnostic dents de syncope. Il faut rechercher une notion de palpitations car les
précoce dans la fratrie [96]. Les patients sont le plus souvent asymp- anomalies de conduction et les arythmies, notamment ventriculaires,
tomatiques [97]. L’hypertrophie du cœur, asymétrique, intéresse le sont fréquentes chez ces patients [104]. À l’examen clinique, on peut
septum interventriculaire et s’étend parfois à la paroi antérolatérale entendre un souffle d’éjection systolique au bord inférieur gauche
du VG [96]. Cette pathologie concerne des adultes jeunes et comporte du sternum et à l’apex, et dont l’intensité est augmentée par les
un risque de mort subite. Le diagnostic, qui reposait auparavant sur manœuvres de Valsalva. De même, un épanchement péricardique,
l’exploration hémodynamique invasive, est maintenant plus simple une anémie et une hypovolémie augmentent le degré d’obstruction
depuis la généralisation de l’échocardiographie [98]. Il existe des du VG et donc l’intensité du souffle. On recherchera systématique-
formes inhabituelles de MCH localisées à l’apex ou responsables ment une IM associée [105].
d’obstruction médioventriculaire. Sur L’ECG, on note des ondes Q dans 20 à 50 % des cas, dues à
une amplification de la dépolarisation septale. On peut également
RISQUE PÉRIOPÉRATOIRE noter un intervalle PR court avec déformation initiale du complexe
Au cours de la MCH, le risque de complications cardiaques péri- QRS due à des phénomènes de pré-excitation [104]. Ces aspects ECG
opératoires est important : ischémie myocardique, infarctus du myo- témoignent d’une augmentation du risque de tachyarythmie.
carde, arythmies et œdème pulmonaire [99]. Une insuffisance L’examen clé pour l’évaluation de la myocardiopathie obstructive
circulatoire aiguë peropératoire, due à une diminution du volume est l’échocardiographie qui met en évidence une hypertrophie du
d’éjection systolique par obstruction de la chambre de chasse ventri- septum interventriculaire avec apposition en systole de la grande
culaire, est également possible. Comme dans les valvulopathies, il faut valve mitrale [98], ainsi qu’une altération de la fonction diastolique,
assurer une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse au cours liée à l’hypertrophie ventriculaire [106].
de la MCH.
PRISE EN CHARGE ANESTHÉSIQUE
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’OBSTRUCTION
DE LA CHAMBRE DE CHASSE VENTRICULAIRE ■ Préparation du patient
L’objectif est d’éviter une obstruction de la chambre de chasse ven-
L’obstruction de la chambre de chasse du VG est due à l’hyper-
triculaire et la survenue de troubles du rythme ou d’une ischémie
trophie septale, avec apposition en systole de la valve mitrale à ce
myocardique. Les meilleurs garants d’une anesthésie stable sont une
septum hypertrophié (Figure 3) [100]. On retrouve cette obstruction
diminution modérée de la contractilité myocardique, une bradycardie
sous-valvulaire au repos, à différents degrés, chez 20 à 30 % des
modérée et une volémie optimisée. En pratique, il faut lutter contre
patients souffrant de MCH [101]. Le plus souvent, l’obstruction
l’hypovolémie, l’hypotension et les stimulations adrénergiques.
n’apparaît qu’à l’exercice [102]. Des manœuvres de provocation telles
Un éventuel traitement bêtabloquant préopératoire doit être main-
que la manœuvre de Valsalva, qui diminue le volume ventriculaire
tenu jusqu’à l’intervention. Il permet de conserver un rythme sinusal,

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gauche, ou l’utilisation d’isoprénaline (Isuprel) peuvent mettre en évi-
et de diminuer la contractilité myocardique et la réponse adréner-
dence une obstruction dynamique au niveau du VG.
gique aux stimulations nociceptives [107]. Dans les obstructions
En périopératoire, l’obstruction de la chambre de chasse du VG
majeures, la mise en place préalable d’un pacemaker séquentiel
peut être provoquée ou majorée par une diminution du volume ven-
auriculoventriculaire peut s’avérer utile pour maintenir un rythme
triculaire gauche, une diminution de la postcharge, une diminution de
sinusal face à un VG non compliant et dont le remplissage dépend de
la précharge ainsi qu’une augmentation de l’inotropisme et/ou du
la systole auriculaire [108].
chronotropisme (Tableau 22) [103].
Dans l’idéal, la prémédication doit être profonde pour éviter toute
tachycardie liée à l’appréhension ou aux stimulations nociceptives.
ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE Les benzodiazépines donnent entière satisfaction. L’atropine, en
Le tableau est le plus souvent asymptomatique. On évoque géné- revanche, peut se révéler néfaste en accélérant la fréquence cardia-
ralement le diagnostic à l’interrogatoire, devant des morts subites que. L’oxygénation doit être optimale pour éviter une ischémie myo-
inexpliquées dans la famille, en particulier chez des sujets jeunes. cardique par déséquilibre de la balance myocardique en oxygène.
Pour éviter la diminution du volume d’éjection ventriculaire à
● Tableau 22 Facteurs périopératoires provoquant ou majorant l’induction, une expansion volémique est débutée dès la période
une obstruction de la chambre de chasse du VG préopératoire et poursuivie en peropératoire. Elle permet de main-
tenir la précharge et le volume d’éjection systolique.
– Augmentation de la contractilité : inotropes bêta-adrénergiques,
stimulus nociceptifs ■ Monitorage
– Tachycardie : stimulus nociceptifs, anémie Une surveillance continue de la dérivation D2 de l’ECG est impéra-
– Arythmie : sevrage des bêtabloquants, hypotension tive, pour dépister toute arythmie peropératoire, et la surveillance de
la dérivation V5 permet de détecter précocement une ischémie myo-
– Baisse de la précharge : hypovolémie, vasodilatateurs
cardique. Le monitorage invasif de la pression artérielle est habituel-
– Baisse de la postcharge : hypotension, vasodilatateurs lement nécessaire, pour détecter instantanément toute modification

20 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
de la pression artérielle. Selon l’importance et la durée du geste chi- ● Tableau 23 Exemple de conduite à tenir chez un patient atteint
rurgical, on peut être amené à monitorer la volémie. En l’absence de d’une MCH devant subir une chirurgie de l’épaule
dysfonction diastolique, la mesure de la pression veineuse centrale (à titre indicatif car il existe de nombreuses autres possibilités)
peut suffire. Il faut éviter le cathétérisme artériel pulmonaire qui fait
courir un risque d’arythmie. De plus, la compliance diastolique du VG Protocole
Protocole recommandé
étant diminuée, on risque de surestimer la PAPO. En fait, le monito- alternatif
rage de choix est l’échographie transœsophagienne (ETO) peropéra- Prémédication - Hydroxyzine 100 mg - Idem
toire [109] qui permet de suivre en continu l’évolution du volume - Alprazolam 1 mg
ventriculaire gauche en fonction des modifications de la précharge,
de la postcharge, de la fréquence cardiaque et de la contractilité. Préparation - Bêtabloquant : aténolol - Inhibiteur
L’ETO permet également de détecter une obstruction dynamique de la peropératoire 100 mg/j calcique :
chambre de chasse ventriculaire gauche et de juger de l’efficacité des diltiazem 120
à 240 mg/j
traitements.
Préparation - Accès veineux de bon calibre -Idem
peropératoire - Perfusion : Ringer-lactate
■ Anesthésie 500 mL
Un exemple de protocole d’anesthésie est donné dans le - Hydroxyéthylamidon 500 mL
tableau 23. L’analgésie (morphinomimétiques) doit être efficace, (Élohes, Hestéril)
notamment lors des gestes douloureux L’induction d’une anesthésie
Antibiopro- - 1 h avant : amoxicilline : 2 g - Idem
générale peut reposer sur les benzodiazépines (midazolam), les bar- phylaxie IV (perf de 30 min) +
bituriques (thiopental) ou l’étomidate. La légère dépression myocar- gentamicine : 1,5 mg/kg (perf
dique induite par les deux premiers agents est bien tolérée. On peut de 30 min ou IM)
également utiliser le propofol, mais il fait courir un risque d’hypoten- - 6 h après : amoxicilline : 1 g
sion par diminution de la postcharge. La kétamine, en augmentant per os
l’activité sympathique, peut induire ou majorer l’obstruction du VG.
Monitorage - ECG (D2, V5), segment ST - Idem
L’entretien de l’anesthésie doit maintenir un niveau modéré de recommandé - PA non invasive
dépression myocardique, et conserver la précharge et la postcharge. - SpO2, CO2 expiré
Parmi les anesthésiques volatils, on peut utiliser l’halothane qui pré- - Diurèse
sente l’avantage d’induire une légère dépression myocardique et de - Curarisation
ne pas avoir d’effet vasodilatateur trop marqué, mais l’inconvénient - ETO si disponible
d’être potentiellement arythmogène. L’isoflurane et le sévoflurane, qui Induction - Thiopental : 3 à 5 mg/kg - Étomidate :
diminuent la postcharge, sont moins intéressants. Le choix du myo- - Sufentanil : 0,25 à 0,5 μg/kg 0,3 mg/kg
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relaxant est également important : il faut en particulier éviter le pan- - Atracurium : 0,3 à 0,6 mg/kg - Fentanyl : 2 à
curonium en raison de son effet tachycardisant. 5 μg/kg
Lors de la ventilation mécanique, la surveillance des pressions - Vécuronium :
0,1 mg/kg
intrathoraciques est primordiale. Des pressions d’insufflation trop
élevées risquent de diminuer le retour veineux et donc l’éjection sys- Entretien - Desflurane ou halothane - Halothane ou
tolique. anesthésique - Réinjection de sufentanil sévoflurane
L’anesthésie rachidienne, qui fait chuter la postcharge, est - Réinjections
de fentanyl
déconseillée [103]. L’anesthésie épidurale serait mieux tolérée, car le
bloc sympathique qu’elle induit est plus progressif. Réveil / Analgésie - Normothermie (> 36,5 °C) - Idem +
postopératoire - Propacétamol (2 g/6 h) - Morphine
- Morphine administrée par (injections
■ Traitement d’une hypotension périopératoire pompe d’analgésie de 5 à 10 mg)
autocontrôlée
En présence d’une hypotension par obstruction de la chambre de
chasse ventriculaire, quel que soit le type d’anesthésie, il faut en Traitements - Fraxiparine 0,3 à 0,4 mL/j SC - Idem
premier lieu augmenter la volémie par un remplissage rapide postopératoires selon le poids jusqu’à
(Tableau 24) (par exemple 500 mL d’hydroxyéthylamidon). Si le rem- déambulation
- Reprise des bêtabloquants
plissage est insuffisant, il faut adjoindre un vasoconstricteur de type
en évitant toute hypotension
alpha-agoniste (phényléphrine). Les agents inotropes avec activité
bêta-adrénergique (éphédrine, isoprénaline, dopamine, dobutamine, Risques - Risque : instabilité tension- - Idem
adrénaline) doivent être évités car ils risquent de majorer l’obstruction postopératoires nelle, ischémie myocardique
du VG [110]. En cas d’hypotension par arythmie, il faut tout mettre en particuliers - Surveillance : arythmie, pres-
œuvre pour rétablir le rythme sinusal, puisque le remplissage dépend sion artérielle et électrocardio-
gramme (48 h)
en grande partie de la systole auriculaire. Les tachyarythmies supra-

Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque 21


11 VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain

● Tableau 24 Traitement d’une hypotension par obstruction de la chambre ventriculaires doivent être traitées par le vérapamil ou le diltiazem ou,
de chasse du VG mieux, par les bêtabloquants qui n’abaissent pas les résistances vas-
culaires systémiques, voire par cardioversion.
Objectif Moyens Produit et posologie
■ Période postopératoire
Augmenter - Expansion - Ringer-lactate 500
la précharge volémique à 1000 mL En postopératoire, il faut bien veiller à prévenir toute hypovolémie
et la postcharge et toute arythmie. Une analgésie postopératoire efficace, éventuelle-
- Hydroxyéthylamidon
500 mL ment par analgésie autocontrôlée, doit prendre le relais de l’analgésie
peropératoire pour prévenir les réponses sympathiques qui entraî-
nent une tachycardie. Si l’analgésie se fait par voie épidurale, il faut
- Vasoconstricteurs - Phényléphrine 50 à 200 μg
en bolus éviter toute hypotension en associant des anesthésiques locaux aux
morphiniques et en optimisant la volémie. Les traitements préopéra-
Diminuer - Bêtabloquants - Brévibloc : (0,5 mg/kg toires, notamment par bêtabloquants et inhibiteurs calciques brady-
la contractilité en 1 min) cardisants, doivent être repris rapidement.
myocardique - Aténolol : (5 mg en 5 min)

- Anesthésiques - Halothane Conclusion


- Thiopental (3 à 5 mg/kg)
Connaître la physiopathologie des cardiopathies et la pharmaco-
Diminuer - Inhibiteurs - Diltiazem (0,15 à 0,3 mg/kg logie cardiovasculaire et anesthésique est indispensable pour anes-
la fréquence calciques en 2 min thésier un patient souffrant de cardiopathie. Un avis cardiologique
cardiaque - Vérapamil (0,07 à sera recherché pour optimiser le traitement préopératoire. Dans
0,15 mg/kg en 1 min) l’insuffisance coronarienne, le monitorage repose actuellement sur la
surveillance du segment ST en l’absence de bloc de branche gauche,
- Bêtabloquants - Brévibloc : 0,5 mg/kg d’entraînement électrosystolique ou de troubles de la repolarisation.
Dans le cas contraire, l’ETO sera proposée lors d’une chirurgie
majeure, en sachant qu’une ischémie myocardique prolongée laisse
parfois présager d’un infarctus myocardique postopératoire. Le mau-
vais pronostic de ces infarctus justifie leur détection par des dosages
Anesthésie d’un patient atteint répétés de troponine I. En présence d’une ischémie myocardique
préopératoire, il faut envisager si possible une revascularisation préa-
de myocardiopathie hypertrophique

© Groupe Liaisons SA, février 2001. La photocopie non autorisée est un délit.
lable par angioplastie ou chirurgie coronaire.
• Dans les MCH, le risque de complication cardiaque est majoré L’HTA, le RA et la myocardiopathie hypertrophique posent le
en périopératoire : trouble du rythme, ischémie myocardique et problème des dysfonctions diastoliques, avec trouble du remplis-
surtout insuffisance circulatoire aiguë par obstruction de la sage du ventricule gauche. La perte de la systole auriculaire et
chambre de chasse ventriculaire. l’hypovolémie sont ici particulièrement mal supportées car elles
• L’obstruction de la chambre de chasse ventriculaire est favorisée diminuent le débit cardiaque. Pour la chirurgie majeure, l’ETO reste
par une diminution de la volémie (précharge et postcharge) et par le monitorage de référence de ces cardiopathies et de la volémie.
une augmentation de l’inotropisme et/ou du chronotropisme. Son Les vasodilatateurs et si besoin les inotropes positifs peuvent se
traitement repose sur les bêtabloquants dénués d’activité sympa- révéler utiles dans l’insuffisance cardiaque systolique et les régurgi-
thomimétique. tations valvulaires. Si l’ETO est indispensable en cas de compli-
• Le monitorage de base est complété par une mesure invasive de cation hémodynamique, le cathétérisme artériel pulmonaire, si
la pression artérielle et des pressions de remplissage ventriculaire possible avec mesure continue de la SvO2, peut rendre de réels ser-
(PVC). L’ETO peropératoire a remplacé le cathétérisme artériel pul- vices pour le monitorage, même si son intérêt n’a pas encore été
monaire dans ce contexte. formellement établi. Il faut toutefois bien respecter ses règles d’uti-
• Quel que soit le protocole d’anesthésie choisi, il faut maintenir lisation pour en éviter les complications iatrogènes. Les risques du
un niveau modéré de dépression myocardique, et lutter contre RM sont essentiellement l’œdème pulmonaire et la tachyarythmie.
l’hypovolémie et la diminution des résistances vasculaires systé- De plus, il faut tenir compte des risques particuliers de complica-
miques. tions thromboemboliques et d’endocardite infectieuse au cours de
• Les agents inotropes positifs seront évités au profit d’un rem- plusieurs cardiopathies.
plissage adéquat.
Enfin, en présence d’un décès d’origine cardiaque, il faut demander
• En raison de l’importance de la systole auriculaire dans le main-
une autopsie à la recherche d’une cardiopathie méconnue (dysplasie
tien du volume d’éjection systolique, la prévention et le traitement
arythmogène du ventricule droit, coronaropathie, MCH, anomalies
des arythmies sont importants.
du faisceau de His, prolapsus valvulaire mitral, myocardite…).

22 Chapitre 11 – Anesthésie du patient cardiaque


VII – 11 – Spécificités anesthésiques selon le terrain 11
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