You are on page 1of 88

N° 40 - Fév. Mar.

Avril 2022
®

ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022

Hématologie
Coordinateur du numéro
Pr R.A. BOUHASS

Dossier
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin
Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres

Dysfonction ventriculaire gauche systolique


Syndrome de Waardenburg
Maladie de Fabry
Psychotraumatisme

www.el-hakim.net
N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022
®

Sommaire
ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022

Hématologie
Coordinateur du numéro

Dépôt légal : Fév.Mar. Avril 2022


Pr R.A. BOUHASS

Dossier
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin
Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou

ISSN 2478-0227
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres

Dysfonction ventriculaire gauche systolique


Syndrome de Waardenburg
Maladie de Fabry
Psychotraumatisme

www.el-hakim.net

3. Editorial : Pr R.A. BOUHASS

Dossier

4. A. ARABI : Prise en charge des stades étendus de 39. A. ARABI : Overview of 134 patients with Immunologic
lymphome de hodgkin à l’EHU-Oran Thrombocytopenic Purpura

9. B. BENZINEB : Facteurs prédictifs de l’obtention de 45. R. MESSAOUDI : Hémophilies acquises. Défis et difficultés
la rémission complète dans le lymphome de Hodgkin de prise en charge en pratique quotidienne : Expérience du
CHU d’Oran en Algérie.
14. L. LOUANCHI : L'impact de la profession et de la
consommation de tabac dans le risque du développement 52. R. MESSAOUDI : Quel est l’apport de la synoviorthèse.
des lymphomes non hodgkiniens en Algérie Dans la prise en charge de l’arthropathie hémophilique
du genou ? Expérience du Centre Hospitalo-Universitaire
22. L. LOUANCHI : Analyse descriptive et résultats d’Oran en Algérie
thérapeutiques des LDGCB Pris en charge au service
d’hématologie de Beni Messous sur une période de 3 ans. 59. R. MERABET : Covid et hémopathies, expérience du
service d'hématologie
27. H. AHMIDATOU : Insuffisance rénale dans le myélome
multiple : point de vue de l’hématologue 63. M.A. MOUEDEN : Thrombopénie et Covid-19
(expérience du CHU d'Oran en Algérie)
33. M. BENLAZAR : Qualité de vie des patients atteints de
leucémie myéloïde chronique sous inhibiteurs
de la tyrosine kinase

Médecine

67. M.A. BOUBCHIR : Maladie de Fabry 79. S. OMARI : Le syndrome de Waardenburg

75. M. BENABBAS : Et le psychotraumatisme renait 82. S. OMARI : Une cause rare de dysfonction ventriculaire
de ses cendres ! gauche systolique : à propos d’un cas

Photo de couverture : Champ de coquelicots

Éditeur : SmartBiz Solutions Comité scientifique Directrice production graphique Imprimerie


15, rue du Boulodrome, Pr R.A. BOUHASS : Pédiatrie Amel KERKACHE Eddiwan
Lot. n° 660 | Dely Brahim | Alger  Pr M. BROURI : Médecine Interne Infographe Régie publicitaire
E-mail : redaction@el-hakim.net Pr M. DERGUINI : Gynécologie Nesrine AIMEUR pub@el-hakim.net
Site web : www.el-hakim.net Pr M. SEMROUNI : Endocrinologie Service technico-commercial Abonnements
Directeur de la publication Pr N. ZIDOUNI: Pneumologie Amine SEKHRAOUI register@el-hakim.net
Atif Rafik BOUHASS Comité de rédaction Logistique
Rédaction Sihem BERRAIRIA, Anis YASSAA
redaction@el-hakim.net Atif Rafik BOUHASS Web master
Tél. : +213 23 241 003 Smartbiz ®

Mentions légales : Revue Médicale El Hakim®, ISSN N° 2478-0227 - Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022. Format électronique : www.el-hakim.net ISSN électronique N° 2507-7198 - Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022. Éditeur : SARL SmartBiz : 15, rue du Boulodrome, Lot. n° 660 |
Dely Brahim | Alger, Directeur de la publication : Atif Rafik BOUHASS. Hébergement du site : Contabo GmbH, Aschauer Straße 32a, 81549 Munich, Germany. Abonnements : par téléphone : +213 23 241 003, par e-mail : register@el-hakim.net, sur le site internet de la
revue El Hakim® : www.el-hakim.net. Conditions générales : L’accès aux informations contenues dans la revue et toute inscription implique l’acceptation inconditionnelle des conditions générales décrites ci-après. L’éditeur se réserve le droit, à sa seule discrétion et sans information préalable, de
modifier, supprimer ou ajouter des clauses aux conditions générales, et ce à tout moment. Il est donc conseillé aux utilisateurs de se référer régulièrement à la dernière version des dites conditions générales d’utilisation. L’éditeur se réserve la faculté de modifier les caractéristiques ou le contenu
de la revue. Il peut également restreindre l’accès au site et/ou à certaines rubriques et ce, sans avertissement préalable. L’éditeur peut, à sa seule discrétion suspendre, interrompre ou arrêter l’accès à tout ou partie du site pour quelque raison que ce soit incluant notamment le non-respect des
conditions générales d’utilisation du site. Il ne garantit pas que le site soit sans erreur ni que toutes les imperfections feront l’objet de corrections. L’éditeur se réserve le droit d’envoyer aux utilisateurs du site, des emails afin de les tenir informés des changements, modifications ou ajouts intervenus
sur le site. Pour signaler un contenu indésirable, inopportun ou contraire à la loi, merci de nous contacter à l’adresse : redaction@el-hakim.net. Responsabilité : la rédaction se réserve le droit de refuser toute insertion, sans avoir à justifier sa décision. Le contenu des articles publiés n’engage que
leurs auteurs, et demeure de leur responsabilité. La responsabilité de l’éditeur ne saurait être engagée pour tout préjudice et/ou dommage aux personnes et aux biens, que cela résulte de la responsabilité du fait des produits, d’une négligence ou autre, ou de l’utilisation de tous produits, méthodes,
instructions ou idées contenus dans la présente publication. L’éditeur ne pourra être tenu pour responsable de tout incident ou accident, tant aux personnes qu’aux biens, qui pourrait résulter soit de sa négligence, soit de l’utilisation de tous produits, méthodes, instructions ou idées décrits dans
la publication. En raison de l’évolution rapide de la science médicale, l’éditeur recommande qu’une vérification extérieure intervienne pour les diagnostics et la posologie. Bien que toutes les publicités insérées dans cette revue soient supposées être en conformité avec les standards éthiques et
médicaux, et la réglementation en vigueur, l’insertion de publicité dans la revue El Hakim ne constitue en aucune manière une garantie ou reconnaissance de qualité ou de la valeur d’un produit ou des déclarations faites par le producteur de celui-ci à propos de ce produit. Reproduction : Tous
droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées.
Dans ce troisième numéro consacré à l’hématologie, nous abordons les
aspects pratiques de la prise en charge des hémopathies, malignes et non
malignes, dans notre contexte.
Concernant les hémopathies malignes, les lymphomes hodgkiniens, non
hodgkiniens et les myélomes sont les plus fréquents en Algérie, totalisant
5,87/100.000 hab.1 Outre l’éloignement des patients de leur services
de soins, le problème majeur rencontré dans ces affections réside dans la
difficulté de prise en charge des formes étendues, des rechutes et/ou
des lymphomes réfractaires.
D’où l’importance d’identifier des facteurs prédictifs et de disposer des moyens d’évaluation,
diagnostiques et thérapeutiques performants (biologie moléculaire, PET Scan etc.), per-
mettant d’adapter et d'affiner les stratégies thérapeutiques, et de préserver au mieux la qualité
de vie des patients.
Quant aux troubles de l’hémostase et de la coagulation, ils sont probablement plus nombreux
en Algérie puisqu’estimés à 3.371 (dont 2.342 hémophilies, 360 maladies de Willebrand, et 669
autres troubles de la coagulation), pour une population de plus de 42 millions d'hab. en 2018
soit une prévalence de 7,98/100.000 hab.2 Leur prise en charge est tout aussi problématique
en raison parfois des difficultés diagnostiques, de leur évolution chronique nécessitant une
implication pluridisciplinaire et des moyens thérapeutiques médicamenteux souvent onéreux.
De plus, la pandémie Covid-19 vient complexifier - et donc compliquer - l’ensemble de ces
aspects de prise en charge.
La discussion est donc ouverte à l’ensemble de nos lecteurs qui, je l’espère, ne manqueront pas de
venir enrichir le contenu de ce numéro d’hématologie, par leurs commentaires constructifs mais
également, et surtout, par leur articles futurs : le champ de l’hématologie et l’hémato-oncologie
est très vaste et le partage d’expériences indispensable à son développement dans notre pays.
En vous souhaitant bonne lecture.

Professeur Rachid Amar BOUHASS


Ancien chef de service du Centre Anti-cancer Pédiatrique
Émir Abdelkader, Misserghine, Oran.

[1] Bekadja. M-A.  État des lieux des hémopathies malignes en Algérie. El Hakim N°6 ; 5-6 ; Juillet 2017
[2] Rapport du sondage mondial annuel 2018 publié par la Fédération Mondiale de l’Hémophilie. Octobre 2019.
Dossier

Prise en charge des stades étendus de lymphome de hodgkin


à l’EHU-Oran

A. ARABI, L. CHAREF, S. BOUCHAMA,


N. HAKIKI, K. AMANI, S. OSMANI, N. YAFOUR
Service d’Hématologie et de Thérapie Cellulaire, EHU 1
Novembre 1954, Oran.

Résumé
Au service d’hématologie et de thérapie cellulaire de
l’EHU-Oran, 330 patients souffrant de Lymphome de
HODGKIN (LH) de stades étendus IIB bulky, III et IV, Abstract
âgés de 16 à 75 ans ont été pris en charge du 01-01-2004
In the hematology and cell therapy department of the
au 31-12-2019. Dans ce travail nous analysons le pro- EHU-Oran, 330 patients suffering from Hodgkin lym-
fil de ces patients ainsi que les résultats des protocoles phoma (LH) of extended stages IIB bulky, III and IV, aged
thérapeutiques utilisés 6 ABVD (groupe A), 8 ABVD 16 to 75 years were treated from Jan. 1st 2004 to Dec. 31st
(groupe B) ou BEACOPP (groupe C) en première ligne. 2019. In this work, we analyze the profile of these patients
L’âge moyen de ces patients était de 32 ans (extrêmes as well as the results of the therapeutic protocols used 6
16 à 75 ans), le sexe ratio H/F 0,91 et les stades IV au ABVD (A group), 8 ABVD (B group) or BEACOPP (C group)
nombre de 208 (63%). Au terme de la première ligne de in first line treatment. The mean age of these patients was
traitement nous avons enregistré 60% de RC, 20% de 32 years (range 16 to 75 years), the sex ratio M/F 0.91, and
stages IV were 208 (63%). At the end of the first line of
RP ainsi que 15% d’échecs, 2,5% de progression-réfrac-
treatment we recorded 60% CR, 20% RP as well as 15% fai-
taire et 2,5% de décès précoces. À la date de point nous lures, 2.5% refractory or progression and 2.5% early death.
avons enregistré 73% de réponses objectives (RO) RC, At the point date we recorded 73% of objective responses
RCu et RP ainsi que 20% de formes réfractaires. Ces (RO) RC, RCu and RP as well as 20% of refractory forms.
résultats sont commentés à la lumière des conditions These results are discussed in the light of local care
locales de prise en charge. conditions.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Lymphome, Hodgkin lymphome, Chimiothérapie, Lymphoma, Hodgkin lymphoma, Chemotherapy,
BEACOPP, Traitement adapté au stade BEACOPP, Stage-adapted treatment

Introduction
Le lymphome de Hodgkin (LH) est une hémopathie maligne Au niveau de la prise en charge thérapeutique, le bilan
du tissu lymphoïde. L’étiologie reste inconnue, cependant, il d’extension initial ainsi que l’évaluation ultérieure re-
a été établi que l’infection par le virus EBV est responsable posent actuellement sur le PETSCAN qui occupe une
de l’apparition ultérieure de 25 à 40% des lymphomes (3) de place capitale dans la prise en charge du LH6,7,8. Il est
Hodgkin ; on pense également que l’âge, la race, l’ethnie, le recommandé dans la recherche d’une réponse précoce
sexe et le niveau socio-économique jouent un rôle (1). (PETSCAN 2 ou PETSCAN intermédiaire), et en fin de
C’est l’un des lymphomes les plus fréquents avec une in- traitement (PETSCAN 3).
cidence de 2 à 3 cas/100.000 habitants/an dans les pays La première ligne de traitement dépend du stade de la
développés1. En Algérie, son incidence est passée de maladie, des facteurs pronostiques et de l’existence ou
0,7 à 1,8 cas/100.000 habitants/an (2), ce qui signifie que non de comorbidités (9) : ABVD + Radiothérapie (dans
chaque année, environ 900 nouveaux patients atteints les stades localisés IA, IB, IIA, IIB non bulky du médias-
de lymphome de hodgkin sont pris en charge, ce chiffre tin), ABVD ou BEACOPPesc (dans les stades IIB bulky,
étant appelé à augmenter dans le temps. III et IV).

4 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Stades étendus de lymphome de Hodgkin

Sous ces conditions, le lymphome de Hodgkin est géné- L’âge médian des patients était de 29 ans (16-75 ans),
ralement considéré comme guérissable dans la plupart des dont 68% dans la tranche 16-35 ans. Le sex-ratio H/F de
cas, en particulier dans les stades localisés, ceci grâce 0,91 ; une très légère prédominance féminine, retrouvée
à des protocoles de chimiothérapie, aujourd’hui bien pratiquement dans toutes les tranches d’âge (figure 1).
standardisés, associés ou non à une radiothérapie. Avec un délai moyen de 5,6 mois, le diagnostic a été his-
Cependant, les stades étendus IIB bulky, III et IV, posent tologique dans 100% des cas, et le type scléro-nodulaire
encore des problèmes de prise en charge thérapeutique majoritairement retrouvé (77% des cas).
liés à l’existence de formes réfractaires ainsi qu’à la toxi- L’immunohistochimie a été faite dans 59% des cas.
cité tardive des chimiothérapies administrées. Le PETSCAN a été fait chez 15% de nos patients. Dans
Nous rapportons dans ce travail notre expérience basée l’immense majorité des cas, il s’agissait d’un PETSCAN
sur la prise en charge de 330 patients de stades étendus intermédiaire.
IB bulky, III et IV, recrutés dans notre service entre le Au plan thérapeutique, et pour notre analyse, les patients
01-01-2004 et le 31-12-2019. ont été regroupés en fonction des 3 différents protocoles
Patients et méthodes reçus en première ligne. Ainsi, 34 patients du groupe
1 ont reçu 6 cures ABVD avec ou sans radiothérapie,
Au service d’hématologie et de thérapie cellulaire de
180 patients du groupe 2 ont reçu 8 cures ABVD et 116
l’EHU-Oran, 330 patients présentant un lymphome
patients du groupe 3 ont reçu 2 cures BEACOPPesc plus
de Hodgkin de stades étendus IIB bulky, III et IV, âgés
4 cures ABVD.
de 16 à 75 ans ont été pris en charge du 01-01-2004 au
31-12-2019, soit une moyenne de 22 patients de stade Les calculs courants ont été faits sur Excel®, les calculs
étendu par année. des survie selon la méthode de Kaplan-Meier.

45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
16 à 20 20 à 25 25 à 30 30 à 35 35 à 40 40 à 45 45 à 50 50 à 55 55 à 60 60 à 65 65 >= 65

H F

Figure 1 : Recrutement par année et par sexe.

Résultats 2,5% de progression-réfractaire et 2,5% de décès précoces


Il existe une nette prédominance de stades IV (63%). Le (tableau 2). Sur les 264 patients ayant obtenu une RO, 42
caractère « bulky » médiastinal est retrouvé dans 43% des (62%) rechuteront par la suite.
cas ; il est plus fréquent chez le sexe féminin (figure 2 et Au total, en dehors de l’ABVD et du BEACOPP, nous
tableau 1). Soixante-huit pour cent des stades IIB bulky avons appliqué jusqu’à 5 lignes de traitement selon les cas
du médiastin ont pu bénéficier de la radiothérapie. en utilisant les protocoles suivants DHAC, BGEV, ICE,
Après la première ligne de traitement nous avons en- ESHAO, IVOX, M-BACOD, DEXA-BEAM.
registré 80% de réponses objectives (RO) dont 60% À la date de point (03-11-2021) nous avons enregistré
de RC et 20% de RP ainsi que 15% d’échecs ; 73% de RO (RC, RCu, RP) dont 64% de RC, ainsi que

5
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

6% de PDV, 2% d’échecs (rechute, progression, échec) et Elle est moindre entre le groupe C et B : Log Rank 0,071.
19% de décès (tableau 3). Il n’y a pas de différence significative entre les groupes A et
Si l’on se réfère à la définition des formes réfractaires C : Log Rank 0,521.
(incapacité à atteindre une rémission après un traite-
ment de première ligne et patients en rechute précoce)
on a donc 20% de formes réfractaires. IIB 15%

La survie globale tous groupes confondus est de 66% IIEB 1%


à 139 mois. Elle est de 84% à 104 mois pour le groupe C
IIIA 7%
(BEACOPP), 68% à 139 mois pour le groupe A (6
ABVD) et 59% à 139 mois pour le groupe B (8 ABVD).
Il n’y a pas de différence significative entre les groupes : IVB 55% IIIB 14%
Log Rank 0,414 et 0,756 entre le groupe A et les groupes
B et C respectivement.
IIIEB 1%
La survie sans rechute tout groupes confondus est quant
IV 1%
à elle, de 44% à 139 mois. Elle est de 83% à 139 mois
IVA 7%
pour le groupe A, 80% à 104 mois pour le groupe C, et
53% à 94 mois pour le groupe B. La différence est signi- Figure 2 : Recrutement par stade
ficative entre le groupe A et B : Log Rank 0,032.

Tableau 1 : Répartition des formes bulky en fonction du sexe.

BULKY F M Total
ABDOMINAL 1 1
MEDIASTINAL 96 46 142
MEDIASTINAL &
2 2 4
PERIPHERIQUE
PERIPHERIQUE 4 9 13
NP 5 11 16
NON BULKY 64 90 154
Total 172 158 330

Tableau 2 : Résultats en première ligne thérapeutique.

Groupes % % %
DCD ECHEC PROG REFRA RC RP Total
therapeutiques RC RP ECHEC
Groupe A
(IIBx Med) 6 7 3 17 7 34 50% 21% 21%
ABVD +/- RT
Groupe B
(IIBx, III, IV)
8 ABVD 3 31 3 1 107 35 180 59% 19% 17%
Groupe C
(IIBx, III, IV)
2 BEACOPP/
5 12 1 73 25 116 63% 22% 10%
ABVD
Total 8 50 7 1 197 67 330 60% 20% 15%

6 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Stades étendus de lymphome de Hodgkin

Tableau 3 : Résultats thérapeutiques à la date de point

Groupes
DCD ECHEC PROG RECH RC RCu RP PDV Total
therapeutiques
Groupe A
(IIBx Med) 6 6 1 18 5 4 34
ABVD +/- RT
Groupe B IIBx,
41 1 1 2 112 1 11 11 180
III, IV) 8 ABVD
Groupe C
(IIBx, III, IV)
16 81 2 12 5 116
2 BEACOPP/
ABVD
Total 63 1 2 2 211 3 28 20 330

1,0 1,0

0,8 0,8
Survie cumulée
Survie cumulée

0,6 0,6

0,4 0,4

0,2 0,2
Survie Globale 66% à 139 mois Survie sans rechute 44 % à 139 mois

0,0 0,0

0 25,0 50,0 75,0 100,0 125,0 0 25,0 50,0 75,0 100,0 125,0
Survie Globale Mois SSR Mois

Figure 3 : Survie globale tous groupes confondus Figure 5 : Survie sans rechute tous groupes confondus

1,0 1,0
Grp A : SSR 83% à 139 mois
Grp C : 84% à 100 mois

0,8 0,8 Grp C : SSR 80% à 104 mois


Grp A : 68% à 139 mois
Survie cumulée
Survie cumulée

0,6 0,6
Grp B : 59% à 139 mois
Grp B : 53% à 130 mois

0,4 0,4

0,2 0,2

0,0 0,0

0 25,0 50,0 75,0 100,0 125,0 0 25,0 50,0 75,0 100,0 125,0
Survie Globale Mois SSR Mois

Figure 4 : Survie globale selon les groupes Figure 6 : Survie sans rechute selon les groupes

7
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Discussion (DHAC, BGEV, GEMOX, ICE, ESHAP, IVOX, M-BACOD,


Avec un recrutement moyen de 41 patients par année dont 22 DEXA-BEAM). Avec ces protocoles, une deuxième ligne
sont des stades étendus, notre population étudiée se caracté- a été nécessaire dans 115 cas avec obtention d’une rémission
rise par un âge relativement jeune, avec un pic à 25-30 ans et complète dans 33 cas (29%) ; une troisième ligne a été faite
un âge médian de 29 ans, qui semble légèrement inférieur à dans 82 cas avec obtention d’une rémission complète dans
la médiane dans les populations européennes (qui est de 33 20 cas (24%), puis une quatrième ligne dans 62 cas avec
ans (4). Ceci est certainement en rapport avec la structure de la obtention d’une rémission compète dans 6 cas (10%), et une
pyramide des âges de la population algérienne (17). cinquième ligne dans 56 cas avec obtention d’une rémission
complète dans 2 cas (4%), soit un total de 53% de RC sur les
Par ailleurs, il existe une légère prédominance féminine 115 réfractaires.
(sex-ratio H/F de 0,91) retrouvée pratiquement dans toutes
les tranches d’âge, ceci diffère également des populations Date de soumission
européennes dans lesquelles la prédominance masculine est 01 Décembre 2021.
constante.
La fréquence des stades étendus IIB bulky, III et IV est plus Liens d’intérêts
grande du fait d’un délai diagnostic long estimé à 5-6 mois, ce Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts
qui implique pour nous une prise en charge plus complexe à
gérer du fait du nombre élevé de formes réfractaires (estimé à Références
20% dans notre série), associé à l’irrégularité quant à la dispo- 1. Harris NL, Jaffe ES, Diebold J, et al. The WHO classification of hematological mali-
gnancies, report of the clinical advisory committee meeting. Mod Pathol 2000; 13: 193
nibilité des drogues et des traitements de soutien, à l’éloigne- 2. M.T Abad – Presse Médicale -9 juillet 2017
ment des patients, en effet un patient résidant à plus de 100 3. Urayama KY, Jarrett RF, Hjalgrim H, et al. Genome-wide association study of
cHL and EBV status defined subgroups. J Natl Cancer Inst 2012; 104: 240–53.
km de notre centre ne peut se permettre des déplacements
4. Yung L, Linch D. Hodgkin’s lymphoma. Lancet 2003; 361: 943–51
durant 3 jours consécutifs en domicile - hôpital de jour pour 5. Greaves P, Clear A, Coutinho R, et al. Expression of FOXP3, CD68, and CD20
y recevoir un protocole BEACOPPesc. at diagnosis in the microenvironment of classical Hodgkin lymphoma is predic-
tive of outcome. J Clin Oncol 2013; 31: 256–62.
Ceci nous amène à opter pour un protocole en fonction, au 6. Eichenauer DA, Aleman BMP, André M, et al. Hodgkin lymphoma: ESMO
Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol
minimum, du lieu de résidence du patient et de la disponibi- 2018; 29 (suppl 4): iv19–29. 1
lité des drogues. 7. Barrington SF, Mikhaeel NG, Kostakoglu L, et al. Role of imaging in the staging and
response assessment of lymphoma: consensus of the International Conference on Mali-
Or actuellement on obtient dans les pays développés 96,4% de gnant Lymphomas Imaging Working Group. J Clin Oncol 2014; 32: 3048–58. 1
survie globale à 5 ans dans les stades localisés (13). 8. Cheson BD, Fisher RI, Barrington SF, et al. Recommendations for initial eva-
luation, staging, and response assessment of Hodgkin and non-Hodgkin lym-
Dans les stades étendus, l’obtention d’un consensus a été plus phoma: the Lugano classification. J Clin Oncol 2014; 32: 3059–68. 1
compliquée, l’école Allemande restant une fidèle du BEA- 9. Klimm B, Goergen H, Fuchs M, et al. Impact of risk factors on outcomes
COPPesc, alors que le reste des pays Européens et les États- in early-stage Hodgkin’s lymphoma: an analysis of international staging defini-
tions. Ann Oncol 2013; 24: 3070–76.
Unis préféraient l’ABVD ; une comparaison de ces 2 proto- 10. Ann S. LaCasce. Treating Hodgkin Lymphoma in the new millenium : Re-
coles a montré une survie sans évènement à 7 ans de 85% lapsed and refractory disease. Hematological Oncology 2019 ; 375(S1) ; 87-91
pour le BEACOPPesc et de 73% pour l’ABVD (p=0,004) (14,15). 11. Alison J.Moskowitz.Optimizing The Role of Brentuximab Vedotin in Classi-
cal Hodgkin Lymphoma Therapy.Hematology 2018 ; 207-2012
Mais la toxicité du traitement est nettement plus importante 12. Jacobs EM, Peters FC, Luce JK, Zippin C, Wood DA. Mechlorethamine hcl and
dans le Groupe ayant reçu le BEACOPPesc. cyclophosphamide in the treatment of hodgkin's disease and the lymphomas. JAMA
: the journal of the American Medical Association. 1968; 203(6):392–398. [PubMed:
Gallamini et coll. (16) ont démontré la valeur pronostique du 4865234] 3
PETSCAN intermédiaire et grâce à cette donnée, le traitement 13. Howlader, N.N, A.Krapcho, M.Miller, D.Bishop, K.Kosary, CL.Yu, M.Ruhl,
J.Tatalovich, Z.Mariotto, A.Lewis, DR.Chen, HS.Feuer, EJ., Cronin, KA., editors.
des stades étendus est standardisé : 2 cycles BEACOPPesc et SEER Cancer Statistics Review, 1975-2014. National Cancer Institute; Bethesda,
évaluation : si PETSCAN négatif, désescalade par 4 ABVD, si MD: based on November 2016 SEER data submission, posted to the SEER web
PETSCAN positif, selon les cas, adjonction de 2 cycles BEA- site, April 2017.; https://seer.cancer.gov/csr/1975_2014/ 5
14. Merli F, Luminari S, Gobbi PG, et al. Long-Term Results of the HD2000
COPPesc, ou passage à un protocole de rattrapage. Trial Comparing ABVD Versus BEACOPP Versus COPP-EBV-CAD in Untrea-
Quant aux formes réfractaires, aux États-Unis, Ann S. La ted Patients With Advanced Hodgkin Lymphoma: A Study by Fondazione Ita-
liana Linfomi. Journal of Clinical Oncology. 2016; 34(11): 1175–1181. [PubMed:
Casce rapporte entre 15 et 30% de LH réfractaires (10). Une 26712220] 5
chimiothérapie comprenant Brentuximab, Nivolumab ou 15. Carde P, Karrasch M, Fortpied C, et al. Eight Cycles of ABVD Versus Four
Cycles of BEACOPPescalated Plus Four Cycles of BEACOPPbaseline in Stage
Pembrolizumab suivie d’une autogreffe de cellules souches
III to IV, International Prognostic Score >/= 3, High-Risk Hodgkin Lymphoma:
permet d'obtenir 75% de rémission complète First Results of the Phase III EORTC 20012 Intergroup Trial. Journal of clinical
Dans le même ordre d’idée, Alison J. Moskowitz publie 90% oncology : official journal of the American Society of Clinical Oncology. 2016;
34(17):2028–2036. [PubMed: 27114593] 5
de rémission complète avec une survie sans progression à 2 16. Gallamini A, Hutchings M, Rigacci L, et al. Early interim 2-[18F]fluoro-2-deoxy-
ans de 84% chez 60 patients présentant un LH réfractaire (11) D-glucose positron emission tomography is prognostically superior to internatio-
traités par Brentuximab Vedotin. nal prognostic score in advanced-stage Hodgkin’s lymphoma: a report from a joint
Italian-Danish study. Journal of clinical oncology : official journal of the American
Or dans notre contexte, aucune de ces drogues n’est disponible, Society of Clinical Oncology. 2007; 25(24): 3746–3752. [PubMed: 17646666] 5
et ceci nous oblige à choisir des protocoles plus classiques 17. Algérie « fiche pays » - Population data.net ; 2020.

8 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Facteurs prédictifs de l’obtention de la rémission complète


dans le lymphome de Hodgkin
B. BENZINEB, N. HOUTI, N. BENKHIRA, L. AICI,
M. FLITI, L. KAZI TANI, Y. BOUKLI, S. YADI,
A. BENDAHMANE, N. MESLI,
Centre de lutte contre le Cancer, Tlemcen.

Résumé
Introduction : Plus de 90% des lymphomes de Hodgkin
localisés et près de 80% des stades étendus atteignent
une survie sans maladie à long terme. L’obtention de la
rémission complète reste un facteur pronostique pri-
mordial. Le but de ce travail est d’évaluer les facteurs
prédictifs de l’obtention de rémission compète dans le Abstract
lymphome de Hodgkin après une seule lignée de traite- Introduction: Over 90% of early-stage Hodgkin lympho-
ment. Patients et méthodes : Dans ce travail rétrospec- mas and nearly 80% of advanced stages achieve long-
tif, nous avons inclus les patients adultes présentant un term disease-free survival. Achieving complete remis-
lymphome de Hodgkin. Les patients ont bénéficié des sion remains an important prognostic factor. The aim of
protocoles thérapeutiques ABVD et BEACOPP selon this work is to assess the predictive factors for obtaining
les stades et les groupes pronostiques. Résultats : Sur 221 complete remission in Hodgkin lymphoma after a first
patients inclus dans ce travail, 70% des patients ont ob- line treatment. Patients and methods: In this retros-
tenu la rémission complète. Ce taux a été de 81,4% chez pective study, we included adult Hodgkin lymphoma
patients, treated with ABVD and or BEACOPP regimens;
les patients en stade localisé et 55,6% chez patients en
according to the stages and prognostic groups. Results:
stade étendu. Un Performance status supérieur ou égal two hundred twenty-one patients were included in this
à 2, l’obtention de la rémission complète, la présence des study and 70% of them were achieved CR. The response
signes d’évolutivité clinique, une atteinte médullaire, rate was better in the early-stage HL 81,4% versus 55,6 in
splénique et la présence d’une masse tumorale volumi- the advanced stage HL. Performance status according
neuse ont un impact négatif sur la rémission complète. to ECOG greater than or equal 2, achievement of com-
Le stade localisé de la maladie, le groupe pronostique plete remission, B symptoms, bone marrow and spleen
favorable pour les stades localisés et de risque standard involvement and presence of a large tumour mass had
pour les stades étendus ont un effet positif sur la rémis- a negative impact on complete remission. Lymph nodes
low than 3, early-stage Hodgkin lymphoma, favourable
sion. Conclusion : le premier objectif thérapeutique
early stage and standard risk advanced stage had a posi-
des lymphomes de Hodgkin est d’obtenir la rémission tive effect on complete remission. Conclusion: The first
complète. Elle prédit une meilleure survie. Un mauvais therapeutic goal in Hodgkin lymphoma is to achieve the
état général, un lymphome de Hodgkin disséminé, une complete remission. It predicts a better long-term survi-
présence des signes d’évolutivité clinique, et une masse val. Impaired general condition; advanced stage Hodgkin
tumorale volumineuse ont un impact sur la réponse au lymphoma, B symptoms and large tumour mass impact
traitement. the complete remission achievement.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Lymphome de Hodgkin, pronostic, réponse au traitement. Hodgkin Lymphoma, prognosis, treatment response.

Introduction
Le lymphome de Hodgkin (LH) représente 10% des annuelle est de 1,8 cas/100.000 habitants/an, avec un pic
cas de lymphomes nouvellement diagnostiqués. Sur d’incidence entre 16 et 34 ans [2]. Une polychimiothé-
l’ensemble des décès liés aux lymphomes, seulement rapie (ABVD / BEACOPP) reste le standard thérapeu-
5% sont observés dans le LH [1]. En Algérie, l’incidence tique, complétée par une radiothérapie dans les formes

9
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point

localisées de la maladie. Après un protocole de polychi- reçu et la réponse au traitement. Le FDG-PET Scan
miothérapie, le taux de rémission complète (RC) est de reste l’examen de référence afin d’évaluer la masse tumo-
63% dont 87% pour les groupes pronostiques favorables rale au diagnostic et après le traitement.
et 55% pour les groupes défavorables [3]. Dans les formes Puisque seule une minorité de nos patients a pu accé-
étendues, le taux de RC est estimé de 51,5% [4]. der à cet examen, l’évaluation de la réponse au traite-
La survie à long terme dépend des scores pronostiques ment a été réalisée selon les critères de Cheson 1999 [7]
déjà établis ; le score EORTC [5] pour les stades localisés (tableau 1).
et IPS [6] pour les stades étendus. Un syndrome tumo- Les patients inclus ont bénéficié du traitement classique
ral volumineux, une chimio sensibilité et la durée de la du LH, soit polychimiothérapie de type ABVD ou BEA-
RC ont un impact sur la survie globale et la survie sans COPP. L’analyse des données a été réalisée par le logiciel
progression des patients. Dans ce travail, nous avons EPI INFO® version 7.
recherché les facteurs qui permettent de prédire l’obten- Une variable est considérée comme statistiquement si-
tion de la RC. gnificative si la valeur p est ≤ 0,05 et pour fournir des
informations sur la pertinence des résultats, des inter-
Patients et méthodes valles de confiances à 95% ont été calculés. La mesure
Dans ce travail rétrospectif qui s’étale de Janvier 2009 d’une relation entre un éventuel facteur et l’obtention
à Décembre 2020, nous avons collecté les données des de la RC a été évaluée d’abord par une analyse univa-
patients adultes présentant un LH. Le questionnaire riée suivie d’une analyse multivariée, en incluant les
de travail établi contient les données civiles, cliniques variables statistiquement significatives à la valeur ≤ 0,1
et biologiques du patient, le score pronostique, le traitement en analyse univariée.

Tableau 1 : Les critères de réponse au traitement.

Réponse Critères
RC •Absence du syndrome tumoral
•TDM normal
• BOM normal.
RCu •Correspond à RC
Mais • Masse résiduelle mesurant > 1,5 cm de plus grand diamètre
• qui a diminué de plus de 75%
RP • Réduction d’au moins 50% de la somme des produits de diamètres des 6 plus gros ganglions
• Pas d’augmentation en taille des autres ganglions
• Pas de nouveau site atteint
• Les nodules parenchymateux doivent avoir régressé d’au moins 50%
Maladie stable Moins qu’une réponse partielle • Mais ce n’est pas une maladie progressive
Progression augmentation > 25% d’au moins une lésion ou nouvelle lésion
RC : rémission complète, RCu : rémission complète incertaine, RP : réponse partielle

Résultats Au total, 190 patients (86%) ont été traités par le pro-
tocole ABVD, et 31 patients (14%) par le protocole
Sur une période de 11 ans nous avons inclus 221 pa- BEACOPP. La RC a été obtenue chez 70,1% des cas (155
tients. L’âge médian était de 31 ans (16-80 ans), et 54% patients), dont 65% (101 patients) présentaient un stade
étaient de sexe masculin. Cent dix-sept patients, soit localisé (tableau 2).
80% des cas, avaient un PS ≥ 2. La forme scléro-nodu- Les patients ont été catégorisés en 2 groupes, le groupe
laire était majoritaire, retrouvée chez 98% des cas. Les des patients en RC ou RCu, et celui des patients en RP,
stades localisés représentaient 56% des cas, 55% des maladie stable, progression, ou décédés. Nous avons
patients en stade localisé avaient un pronostic favo- effectué des tests de comparaison sur l’ensemble des
rable selon EORTC, 46% des patients en stades étendus variables à tester (tableau 3).
avaient un risque SPI standard. Les paramètres VS (p<0,001), le taux des phospha-

10 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin

Tableau 2 : Répartition de la réponse au traitement en fonction du stade de la maladie.

Réponse Stade localisé (N) Stade étendu (N)


Rémission complète/ rémission complète incertaine 101 54
Réponse partielle 14 15
Maladie stable 4 15

Progression 1 4
Décès 2 11
N : nombre des patients

Tableau 3 : Caractéristiques clinico-biologique et les résultats des tests de comparaisons.

Variable RC Non RC p
Age 34 (14-80) 36 (62-14) 0,22*
Homme 80 (36,2%) 39 (17,6%) 0,30*
PS≥ 2 20 (12,9%) 20 (30,3%) 0,45*
Symptôme B 89 (57,4%) 54 (81,4%) 0,13*
Nombre des aires ganglionnaires ≥ 3 18 (8%) 29 (13%) 0,063*
Splénomégalie 22 (14,2%) 18 (27,3%) 0,2*
Atteinte médullaire 8 (5,2%) 12 (18%) 0,09*
Masse Bulky 30 (19,4%) 23 (35%) 0,14*
Stade localisé 50 (44%) 29 (32%) 0,2*
Score EORTC : Défavorable 19 (32%) 49 (29%) 0,45*
Score SPI : Risque standard 22 (15%) 24 (33%) 0,25*
LDH 390 (1154- 32) 450 (2134-62) 0,085**
RC : Rémission complète, PS : Performance status selon ECOG, Symptôme B : signes d’évolutivités cliniques, Bulky : adénopathie > 10 cm de diamètre et ou IMT > 0,33. LDH : Lactate
dyshydrogénèse. P : P value.* : Test de Chi 2. ** : Test de Student

tases alcaline (p=0,003), le taux des protides sériques tumorale volumineuse (index : masse médiastinale/
(p=0,04) et le taux d’albumine (p<0,001) n’ont pas été thorax >0,33 et/ou une adénopathie >10 cm) [OR 2,2
inclus dans l’analyse uni et multivariée. IC 1,2-4,2 p:0,015] réduisaient les chances d’avoir une
Le résultat de l’impact des facteurs sur l’obtention de la RC après un traitement standard de première ligne.
RC est résumé dans le tableau 4. Dans notre étude, l’âge L’atteinte de moins de trois aires ganglionnaires [OR
du patient et le sexe n’avaient pas un impact sur l’obten- 0,8 IC 0,6-1,2 p:0,05], un stade localisé de la mala-
tion de la RC. die ; I et II selon la classification de ANN ARBOR
Par contre, le PS selon ECOG [OR 2,8 IC 1,4-5,8 [OR 0,28 IC 0,15-0,5 p<0,001], un score pronostique
p:0,003], la présence des signes d’évolutivité clinique favorable dans les stades localisés [OR 0,2 IC 0,06-
[OR 3,6 IC 1,7-7,3 p:0,001], la splénomégalie [OR 0,63 p:0,006], et un score standard pour les formes
2,2 IC 1,07-4,7 p:0,029], l'atteinte médullaire [OR étendues de la maladie [OR 0,7 IC 0,3-0,82 p:0,005]
4,1 IC 1,5-10,4 p:0,004] et la présence d’une masse augmentaient la probabilité d’obtenir une RC.

11
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point

Tableau 4 : L’analyse uni et multivarié de l’impact des facteurs sur l’obtention de la rémission complète.

Variable RC Non RC P
Age 0,9 0,9-1,07 0,22
Homme 1,3 0,7- 2,4 0,3
PS≥ 2 2,8 1,4- 5,8 0,003
Symptôme B 3,6 1,7- 7,3 0,001
Nombre des aires ganglionnaires ≥ 3 0,8 0,6-1,02 0,05
Splénomégalie 2,2 1,07- 4,7 0,029
Atteinte médullaire 4,1 1,5- 10,5 0,004
Masse Bulky 2,2 1,2- 4,2 0,015
Stade localisé 0,28 0,15- 0,5 < 0,001
Score EORTC favorable 0,2 0,06- 0,63 0,006
Score SPI : risque standard 0,7 0,3- 0,82 0,005
LDH 0,99 0,98- 1,02 0,09
OR : Odds Ratio, PS : Performance status selon ECOG, IC: Intervalle de confiance, EORTC : European organization for research and treatment of cancer. SPI: Système prognostic
international.

Discussion La présence d’une masse tumorale volumineuse aggrave


le pronostic des LH de stade localisé [14,15]. De ce fait,
L’évaluation de l’état général des patients par le PS selon
actuellement, il est suggéré de traiter les LH de stade II B
ECOG est primordiale lors de leur prise en charge. Les
Bulky selon le même protocole que les stades avancés [16,17].
auteurs d’une étude des années 1980 ont constaté qu’une
chimiothérapie administrée aux patients ayant un PS se- Dans notre série, parmi les 93 patients classés en stade
lon ECOG médiocre diminue le taux de réponse au trai- II, 25% (24 patients) étaient des II B Bulky et la RC n’a
tement, la survie et augmente la toxicité [8,9]. Ainsi, l'American été obtenue que chez 42% d’entre eux, avec un odds ratio
society of clinical oncology (ASCO) déconseille l’utilisation (OR) significatif [OR 3, IC 1,1-8,4 p:0,03].
de la chimiothérapie chez les patients atteints d’un can- L’infiltration de la moelle osseuse témoigne d’une mala-
cer solide et ayant un PS supérieur ou égal à 3 [10]. Dans die disséminée, elle est rare chez les patients atteints de
notre travail, 25% des patients ayant un PS ≥ 2 ont des LH, son incidence varie entre 4% et 14% selon les séries
signes d’évolutivité clinique et 30% d'entre eux ont un rapportées au cours des trente dernières années [18,19].
stade avancé de la maladie. Son implication s’avère être un marqueur de mauvais
L’atteinte splénique dans le LH peut prendre plusieurs pronostic indépendant pour prédire à la fois la résis-
formes, une splénomégalie homogène, une infiltration tance au traitement, la survie sans progression, et la sur-
diffuse, des lésions miliaires ou des atteintes nodu- vie globale [20].
laires uniques ou multiples [11]. Ainsi, une rate de taille Le taux estimé de RC dans les stades localisés est de
normale peut être le siège d’une localisation lympho- 63%, il est nettement meilleur dans les groupes favo-
mateuse. Par ailleurs, il est difficile de préciser la taille rables selon le score de l’EORTC, avec un taux de RC
réelle d’une rate [12]. Cheson et al., proposent un dia- estimé de 87% versus 55% de RC dans les groupes défa-
mètre vertical supérieur à 13 cm pour définir une splé- vorables, cette différence a été rattrapée par la radiothé-
nomégalie [12]. L’atteinte splénique est mieux déterminée rapie [3]. Dans les formes étendues du LH le taux de RC
par le PET-FDG [11]. Dans une étude de la relation entre a été estimé à 51,4% [4].
atteinte splénique et obtention de la RC U. Rueffer et al., Actuellement le traitement des formes localisées dépend
en 2003, constatent que la présence d’une splénomégalie du score pronostique. Les groupes favorables reçoivent
diminue le taux de la RC, en effet, 61,6% des patients 3 cycles d’ABVD suivi d’une radiothérapie de consolida-
n’ayant pas obtenue la RC, ont eu une splénomégalie au tion, et les groupes défavorables bénéficient de 4 cycles
diagnostic [13]. d’ABVD plus radiothérapie.

12 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin

L’évaluation par FDG-PET scan est proposée après deux standardize response criteria for non-Hodgkin’s lymphomas.
cycles d’ABVD [21]. Dans les stades localisés, les patients J Clin Oncol 1999; 17:1244-1253.
8. KE Stanley. Prognostic factors for survival in patients with ino-
ayant reçu une combinaison chimiothérapie et radio-
perable lung cancer. J Nat Cancer Instit. 1980; 65(1):25-32.
thérapie. La survie globale a été de 97% et la survie sans 9. JL Pater, M Loeb. Nonanatomic prognostic factors in carcino-
évènement de 93% [22]. Le SPI est un score pronostique ma of the lung: a multivariate analysis. Cancer. 1982; 50(2):326-
validé pour estimer la survie sans progression et la survie 331.
globale des LH de stade avancé [6]. Chez les patients qui ne 10. LE Schnipper, TJ Smith, D Raghavan, BW Blayney, PA Ganz, TM
présentent aucun facteur de risque, la survie sans pro- Mulvey, et al. American Society of Clinical Oncology identifies five
gression après une RC est de 84%, alors qu’elle est de key opportunities to improve care and reduce costs: the top five list
for oncology. J Clin Oncol. 2012; 30(14):1715-1724.
42% chez les patients avec 7 facteurs de risques [23]. 11. SS Saboo, KM Krajewski, KN O’Regan, A Giardino, JR Brown, N
Ramaiya, et al: Spleen in haematological malignancies: Spectrum of
Conclusion imaging findings. Br J Radiol2012; 85:81-92.
Après le diagnostic d’un LH, le premier objectif de la 12. BD Cheson, RI Fisher, SF Barrington, F Cavalli, H Chwatrz, E
Zucca, et al. Recommendations for Initial Evaluation, Staging, and
prise en charge thérapeutique est d’avoir une RC avec
Response Assessment of Hodgkin and Non-Hodgkin Lymphoma:
le minimum de toxicité et de décès. Dans cette optique, The Lugano Classification. J Clin Oncol 2014 ; 32:3059-3067.
l’identification des facteurs pouvant interférer avec 13. U. Rueffer, M Sieber, M Stemberg, A Gossmann, A Josting, T
l’obtention de la RC est donc primordiale, ceci afin de Koch, et al. Spleen involvement in Hodgkin_s lymphoma: assess-
mieux adapter le traitement à visée curative et symp- ment and risk profile. Ann Hematol 2003 ; 82:390–396.
tomatique chez ces patients, ce qui peut augmenter les 14. Fermé, H. Eghbali H, JH. Meerwaldt, C. Rieux, J. Bosq, F. Ber-
ger, et al. Chemotherapy plus involved-field radiation in early-
chances de survie des patients et leur taux de guérison.
stage Hodgkin’s disease. N Engl J Med 2007;357(19):1916-1927.
15. V. Diehl, J. Franklin, M. Pfreundschuh, B. Lathan, U. Paulus,
Date de soumission D. Hasenclever et al. Standard and increased-dose BEACOPP
27 Octobre 2021. chemotherapy compared with COPP-ABVD for advanced Hodg-
kin’s disease. N Engl J Med 2003; 348(24):2386-2395.
Liens d’intérêts 16. A. Engert, H. Haverkamp, C. Kobe, J. Markova, C. Renner, A.
Ho, et al. Reduced- intensity chemotherapy and PET-guided ra-
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
diotherapy in patients with advanced stage Hodgkin’s lymphoma
(HD15 trial): a randomised, open-label, phase 3 non-inferiority
Références trial. Lancet 2012; 379(9828):1791-1799.
1. RL Siegel, KD Miller, A Stacy, Fedewa, J Dennis, A Jemal, 17. Borchmann P, Kreissl S, Diehl V, Engert A. Treatment of Ad-
et al. Cancer statistics, 2017. CA Cancer J Clin. 2017; 67:7-30. vanced-Stage Hodgkin Lymphoma: Let Us Face the Facts. Journal
2. MT Aabad, S Taoussi, Lamraoui F, Oukid S, Benlabiod M, of Clinical Oncology 2013; 31(24):3045-3046.
Bouchakor Y et al. Épidémiologie de la maladie de Hodgkin 18. T. Alsuliman, A. Bekadja, A. Arabi, H. Touhami, F. Touhami,
en Algérie Période 2008-2012. Revue Algérienne d’Hématolo- Z. Zouaoui et al, Hodgkin Lymphoma in the West of Algeria:
gie, 2015, (10-11) ; 6-11 Panorama of Characteristics, Initial Work-up, Survival and Risk
3. F Tensaout, N Ait Amer, F Belhadri, N Abdennebi, H Mous- Factors Distribution J Blood Lymph 2014, 4 (2): 1-7
saoui, F Boukhamia, et al. Résultats thérapeutiques du proto- 19. SJ. Howell, M. Grey, J. Chang, GR. Morgenstern, R.A. Cowan,
cole ABVD-Platine. Revue Algérienne d’Hématologie, 2015, D.P Deakin, J.A Radford et al. The value of bone marrow exami-
(10-11) ; 12-17. nation in the staging of Hodgkin's lymphoma: a review of 955
4. F Talbi, K Djouadi, SE Belkhal, Y Ghassoul, MR Abadi, S cases seen in a regional cancer centre. Br J Haematol 2002; 119:
Boudjalida, et al. Résultats de l’ABVD dans les stades étendus 408-411.
de la maladie de Hodgkin. Revue Algérienne d’Hématologie, 20. A.Mangla MBBS, M. Umair Mushtaq, R. Kumar, N. Agarwal,
2015, (10-11) ; 18-22. S. Gull Chaudhary, R. Catchatourian et al. Prognostic Signifi-
5. EM Noordijk, P Carde, N Dupouy, A Hagenbeek, ADG cance of Bone Marrow Involvement in Hodgkin Lymphoma.
Krol, JC Kluin-Nelemans, et al. Combined-modality therapy Blood 2016;128 (22): 5370.
for clinical stage I or II Hodgkin’s lymphoma: long-term re- 21. RT Hoppe, RH Advani, WZ Ai, RF Ambinder, P Armand,
sults of the European Organisation for Research and Treat- CM Bello, et al. Hodgkin Lymphoma, Version 2.2020. J Natl
ment of Cancer H7 randomized controlled trials. J Clin Oncol Compr Canc Netw 2020; 18(6):755–781.
2006; 24: 3128–3135. 22. E Andeas, J Raemaekers. Treatment of early favorable and
6. D Hasenclever, V Diehl, JO Armitage, D Assouline, M early unfavorable hodgkin lymphoma – combined modality the-
Björkhlom, E Brusamolino, et al. A prognostic score for advanced rapy? seminhematol.2016; 05.004.
Hodgkin’s disease. International prognostic factors project on 23. AA Moccia, J Donaldson, M Chhanabhai, PJ Hoskins, RJ Kla-
advanced Hodgkin’s disease. N Engl J Med. 1998; 339:1506-14. sa, KJ Savage, et al. International Prognostic Score in advanced-
7. BD Cheson, SJ Horning, B Coiffier, MA Shipp, RI Fisher, stage Hodgkin’s lymphoma: altered utility in the modern era. J.
JM Connors, et al: Report of an International Workshop to Clin. Oncol. 2012; 30, 3383–3388.

13
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

L'impact de la profession et de la consommation de tabac


Dans le risque du développement des lymphomes non hodgkiniens en Algérie

L. LOUANCHI, N. BOUDJERRA,
Service d'Hématologie,
CHU Issaad Hassani, Beni Messous, Alger.

Résumé
Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) sont une pa-
thologie maligne du tissu lymphoïde dont la fréquence
est croissante. L’étiologie reste inconnue à ce jour mais
un certain nombre de facteurs sont incriminés dans
leur apparition. Dans deux tiers des cas il s’agit de fac- Abstract
teurs acquis et donc modifiables. Entre janvier 2015 et
Non-Hodgkin lymphoma (NHL) is a malignant disease of
avril 2019 nous avons colligé 301 cas et 302 témoins, le
lymphoid tissue that is increasing in frequency. The ae-
travail consiste à étudier le risque relatif de divers fac- tiology remains unknown to date but a number of factors
teurs, notamment le niveau d’instruction, la profession are implicated in their occurrence. In two thirds of cases
et le tabac, sur l’apparition de LNH. Tous les patients these are acquired and therefore modifiable factors.
atteints de LNH et les témoins sains ont répondu à un Between January 2015 and April 2019, we collected 301
questionnaire préétabli ; le risque relatif est calculé en cases and 302 controls, our work consists on studying
utilisant la méthode de régression logistique non condi- the relative risk of various factors, including education
tionnelle en raison du non appariement des cas et des level, occupation and tobacco, on the onset of NHL. All
témoins. L’âge moyen pour les cas est de 56,7 ans avec NHL patients and healthy controls responded to a pre-es-
tablished questionnaire. Relative risk is calculated using
des extrêmes (16-89), témoins 42 ans (16-92). Sex-ratio
the unconditional logistic regression method due to
de 0,9 pour les cas et 1,16 pour les témoins ; plus de 60% mismatch of cases and controls. The mean age for cases
de la population cas-témoins réside à Alger ; le nombre is 56.7 yrs with extremes (16-89), controls 42 yrs (16-92).
d’illettrés est plus important parmi les cas et le nombre Sex ratio of 0.9 for cases and 1.16 for controls; more than
des universitaires est plus élevé chez les témoins avec 60% of the case-control population resides in Algiers;
une différence significative (p<0,001), la proportion des the number of illiterates is higher among the cases and
agriculteurs dans la population des cas est significative- the number of graduates is higher among the controls
ment supérieure à celle des témoins (p=0,04) ; l’étude with a significant difference p<0.001, the proportion of
du tabac a concerné le tabac à chiquer et à fumer, ce farmers in the population of the cases is significantly
higher than that of the controls with p=0.04; the study of
dernier a montré un effet à risque sur l’apparition du
tobacco concerned chewing and smoking tobacco; the
lymphome qui est statistiquement significatif essentiel- latter showed a risk effect on the appearance of lympho-
lement pour le tabac à chiquer avec un OR de 1,70 et ma which is statistically significant mainly for chewing
IC (1,06-2,72) et un p<0,05. La comparaison de notre tobacco with an OR of 1.70 and CI (1,06-2.72) and p<0.05.
étude aux différentes études publiées montre des résul- The comparison of our study with the various studies
tats concordants avec certaines, et discordants avec published shows results which are consistent with some
d’autres. and not with others.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


LNH, facteurs de risque, profession, tabac, niveau NHL, risk factors, occupation, tobacco, education level.
d’instruction.

14 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
L'impact de la profession et de la consommation de tabac

Introduction
Les LNH sont des tumeurs malignes du système lym- Pour les diagnostics effectués en dehors des CHU, le
phatique, ils définissent un groupe hétérogène de proli- bloc est récupéré et soumis pour une relecture au niveau
férations tumorales anormales dérivées de cellules lym- du laboratoire anatomopathologique de Beni Messous.
phoïdes (lymphocytes B, T et NK), à différents stades Les cas difficiles sont revus par le comité d'experts de la
de maturation1 ou d’activation pouvant se développer région centre.
au dépend des organes lymphoïdes primaires ou secon- Les témoins ont été recrutés de façon aléatoire au niveau
daires. du service d’hématologie du CHU Béni Messous. Le re-
Leur fréquence est croissante, depuis ces deux dernières crutement s’est effectué à partir de plusieurs sources : famille
décennies et ce quelles que soient les tranches d’âge. Il des collègues de travail, accompagnateurs des autres pa-
s’agit en fait non pas d’une maladie, mais d’un ensemble tients consultant pour une autre pathologie que le LNH,
de proliférations malignes dont le type histologique, personnel hospitalier du CHU.
l’étiologie, la présentation clinique, le pronostic et le Le recrutement des cas s’est fait en consultation, et au
traitement sont différents. niveau de l’hôpital du jour. Une fois le diagnostic éta-
L’étiologie n’est pas encore connue mais un certain bli, le patient est convoqué afin de recueillir les réponses
nombre de facteurs sont incriminés dans leur apparition ; aux questions.
dans un tiers des cas, une origine génétique ou consti- Un questionnaire préalablement établi, a été soumis à
tutionnelle a été incriminée de même qu’une immuno- chaque patient et à chaque témoin de notre population.
suppression, ce sont des facteurs non modifiables. Dans La saisie des données a été effectuée au niveau de l’ins-
deux tiers des cas il s’agit de facteurs acquis et donc titut national de santé publique (INSP) sur Epi Info 6,
modifiables. les données sont ensuite converties sur fichier Excel et
Parmi les facteurs modifiables certains sont liés à l’indi- SPSS. Le calcul des chi-deux et chi-deux de tendance,
vidu lui-même d’autres sont liés à l’environnement dans étaient calculés par le logiciel SPSS V.23 pour le test de
lequel vit ou travaille l’individu. chi-deux de Pearson et par le calculateur Open-Epi v
L’objectif de ce travail est d’identifier certains facteurs 3.01 pour le chi-deux de tendance.
comme la profession et la consommation de tabac chez
Les odds ratios (OR) ou rapports de côte, ont été cal-
les patients présentant un LNH, comparer ces résultats
culés, en utilisant la méthode de régression logistique
à une population témoin, et voir s’il y a une relation de
non conditionnelle en raison du non appariement des
cause à effet entre ces deux facteurs et le développement
cas avec les témoins.
du LNH.
En plus de l’OR nous avons calculé l’intervalle de
confiance à 95%. Ceci nous permet de donner la préci-
Population et méthodes
sion de notre OR.
Il s’agit d’une étude cas témoins, réalisée sur une période
de 5 ans allant de janvier 2015 à avril 2019.
Nous avons calculé notre échantillon sur la base d’un Résultats
risque d’erreur de première espèce de 5% avec une puis- Caractéristiques générales de la population étudiée
sance de 80% ce qui nous a donné une population esti- cas/témoins
mée à 200. Ce calcul est effectué selon la méthode de C’est une étude cas/témoin qui a recruté 301 cas et 302
Kelsey et Fleiss 2,3. témoins soit un total de 603 sur une période de 05 ans
La population d’étude a concerné pour les cas, des pa- (2015-2019).
tients atteints de LNH, ganglionnaire et extra-ganglion-
naire âgés de plus de 15 ans, recrutés au niveau des 2 Étude de l’âge et le sexe
services d’hématologie de la région centre : CHU Béni La moyenne d’âge pour les cas est de 56,7+/-16,98 ans
Messous et EHS Pierre et Marie Curie. Le diagnostic et celle des témoins de 42,07+/- 14,17 ans, la différence
anatomo-pathologique a été effectué à partir d’un prélè- est cependant statistiquement très significative avec un
vement ganglionnaire ou extra-ganglionnaire, la lecture p<0,001.
a été faite au niveau des services d’anatomie patholo- Contrairement à l’étude du sexe qui montre une diffé-
gique d’Alger, les cas difficiles ont été soumis à un co- rence des ratios hommes/femmes qui est de 1,16 pour le
mité de relecture des lames mis en place par le groupe groupe témoins et 0,9 pour les patients mais statistique-
d’étude algérien des lymphomes (GEAL), région centre. ment non significative avec un p=0,13 (tableau 1).

15
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Tableau 1 : Analyse de la population cas/témoins selon l’âge et le sexe.

Cas (301) Témoins (302) P


Variables Nbre % Nbre %
Sexe
Hommes 143 47,5 162 53,6
0,13
Femmes 158 52,5 140 46,4
Sex ratio 0,9 1,16
Age (Année)
16 -25 6 2 33 10,9
26 - 35 37 12,3 74 24,5
36 - 45 38 12,6 56 18,5
46 - 55 40 13,3 77 25,5
56 - 65 64 21,2 48 15,9
66 - 75 69 23 10 3,4
76 - 85 41 13,6 3 1
86 - 95 6 2 1 0,3
Médiane d'âge 60 42
Moyenne d'âge 56,7 ±16,98 42,07 ±14,17 P<0,001

Étude du type histologique des cas Étude selon les wilayas


La répartition des types histologiques chez nos patients Plus de 60% de la population cas-témoins réside à Alger
révèle une fréquence élevée des lymphomes B (92%), (tableau 2).
avec une nette prédominance des LDGCB (55,14%)
(figure 1). Tableau 2 : Analyse selon les Wilayas

Cas Témoins
Adresse P
N % N %
Alger 208 69,1 198 65,6
Autres 0.35
93 30,9 104 34,4
Wilayas

Étude du niveau d’instruction


Le nombre des illettrés est plus important parmi les cas
alors que le nombre des universitaires est plus élevé chez
les témoins avec une différence significative p<0,001 et
un chi-deux de tendance égal à 46,06.
LDG : 55,14% LZM : 3,98% LPC : 12,62% Autrement dit, lorsque le niveau d’instruction augmente
LF :6,98% Lymphome T : 6,97% LZM : 3,98% la possibilité de réduire le risque de survenue d’un lym-
LMalt : 5,32% L Burkitt : 0,66% LB riche : 0,33%
phome augmente d’une façon significative (tendance à
LCM : 3,32% LB like :0,66% LL ymphoplasmocztaire : 0,33%
la baisse), ce qui renforce le lien de causalité (relation
L plasmoblastique : 1%
dose-effet) entre les deux variables (tableau 3).
Figure 1 : Répartition graphique des types histologiques pour les Il faut savoir que le p n’a pas tenu compte de la modalité
301 patients
"non précisé".

16 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
L'impact de la profession et de la consommation de tabac

Tableau 3 : Analyse selon le niveau d’instruction

Cas Témoins
P
Niveau d’instruction 301 302
N % N %
Illettrés 67 22.3 24 7.9
Primaire 104 34.6 63 20.9
<0,001
Secondaire 68 22.6 95 31.5
Supérieur 42 14 82 27.2
Non précisé 20 6.6 38 12.6
X² de tendance = 46.06 p<0.001

Étude du type d’habitat


Pas de différence entre les deux populations selon que l’habitat soit rural ou urbain (tableau 4)

Tableau 4 : Analyse des deux populations selon le type d’habitat

Cas Témoins P
Habitation
N % N %
Rurale/semi urbaine 143 47,5 127 42,1 0,17
Urbaine 158 52,5 175 57,9

Étude de la profession
Nous avons comparé les cas aux témoins vis-à-vis des Il faut savoir que chaque profession est comparée à l’en-
agriculteurs en confondant les autres professions la pro- semble des autres professions.
portion des agriculteurs dans la population des cas est Le p des autres professions est significatif (<0.001). Cela
significativement supérieure à celle des témoins avec un signifie qu’il n’y a pas de ressemblance entre les différentes
p=0,04 (tableau 5). professions (tableau 06).

Tableau 5 : Analyse selon les types de professions les plus fréquentes

Cas Témoins
P
301 302
OR IC à95% P
Profession N % N %

Agriculteur 22 7.3 11 3.6 2,09 1-3,8 0,047

Enseignant 23 7.6 14 4.6 1,70 0,86-1,22 0,12


0.95
Maçon 07 2.3 05 1.7 1,41 0,44-4,49 0,56

Menuisier 05 1.7 03 01 1,68 0,40-7,09 0,47

Peintre 08 2.7 03 01 2,72 0,71-10,35 0,13

17
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Tableau 06 : Analyse selon les autres types de professions.

Cas : 301 Témoins : 302


N % N %
Agent de service 35 11,6 34 11,3
Artisan 2 0,7 2 0,7
Cadre et agent
50 16,61 56 18,5
administratif
Chauffeur 15 5 17 5,6
Coiffeur 2 0,7 2 0,7
Commerçant 14 4,7 19 6,3
Couturier 10 3,3 10 3,3
Cuisinier 6 2 8 2,6
Électricien 2 0,7 1 0,3
Étudiant 0 0 3 1
Laborantin 1 0,3 1 0,3
Manip chimique 3 1 3 1
Mécanicien 4 1,3 4 1,3
P. Hospitalier 8 2,7 15 5
Plombier 0 0 2 0,7
Pompier 1 0,3 2 0,7
Soudeur 5 1,7 4 1,3
Sportif 1 0,3 1 0,3
FAF 77 25,6 82 27,2
FAF : femme au foyer

Étude de la consommation de tabac effet à risque sur l’apparition du lymphome qui est sta-
L’étude de ce facteur de risque a concerné deux types tistiquement significatif, essentiellement pour le tabac à
de tabac, à chiquer et à fumer. Ce dernier a montré un chiquer (tableau 7).

Tableau 7 : Analyse de la consommation de tabac

Rythme de Témoins : 302 Cas : 301


Tabac OR IC 95% P
consommation N % N %
Oui 97 32,1 105 34,9
1.13 (0.81-1.59) 0.47
Non 205 67,9 196 65,1
Tabac à 1 - ≤10 20 20,6 26 24,8 1 - 0,75
fumer 10 - ≤19 14 14,4 18 17,1 1.01 0.4 – 2.5
≥ 20 20 20,6 34 32,4 0.76 0.34 -1.71
NP* 43 44,3 27 25,7 - - -
Tabac à Oui 33 10.9 52 17.3
1.72 1.06 – 2.72 <0.05
chiquer Non 269 89.1 249 82.7
*les NP sont éliminés ; Chi deux de tendance = 0.32 p =0.57

18 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
L'impact de la profession et de la consommation de tabac

Discussion du niveau d’instruction nous révèle qu’il existe davan-


tage d’analphabètes dans la population malade que dans
De nombreux progrès ont été réalisés dans les domaines la population témoin. Alors que les niveaux d’instruc-
du diagnostic, de la prise en charge thérapeutique et du tion secondaire et supérieur sont plus élevés chez la
pronostic des lymphomes, cependant le volet étiologique population témoin (tableau 03), ces résultats rejoignent
reste largement méconnu ce qui a mené de nombreux ceux retrouvés dans la littérature8,9 .
auteurs à effectuer de nombreuses études épidémiolo- Malgré l’absence d’appariement, nous ne notons pas de
giques à la recherche de facteurs de risques, notamment différence significative concernant le sexe (p=0,13) et le
l’obésité, le tabac, la profession, l’alimentation, etc. type d’habitat (p=0,17), alors qu’une différence signifi-
Dans ce chapitre, nous allons comparer nos résultats cative est retrouvée concernant l’âge et le niveau d’ins-
sur l’exposition de la profession et la consommation du truction (p<0,001) (tableaux 1-3-4).
tabac, dans le risque de l’apparition du LNH avec les ré-
sultats des autres études internationales (européennes, Profession
américaines, canadiennes, moyen-orientales). L’étude de la profession a montré une différence entre
Nous avons effectué une étude cas/témoins non appa- les deux populations concernant la profession d’agri-
riée, dans laquelle la population de cas représentée par culteur, d’enseignement, mais aussi les professions
des patients présentant un LNH, est comparée à une liées au bâtiment (maçon, électricien, menuisier,
population témoins n’ayant aucun lien de parenté avec peintre) (tableau 05). Cependant nous ne retrouvons
les malades. En raison du non appariement des deux pas de différence concernant d’autres professions
populations et des différences significatives retrouvées telles que : imprimerie, métallurgie, médecin, ou net-
au niveau de l’âge et du niveau d’instruction nous avons toyeurs (tableau 06), comme cela a été noté par diffé-
utilisé pour nos calculs la méthode de régression logis- rents auteurs dont les études ont été réalisées sur des
tique non conditionnelle. échantillons plus importants.
Notre étude est prospective, elle a débuté en 2015, c’est Concernant la profession d’agriculteur nous objecti-
une étude cas/témoins (301/302), l’âge médian des pa- vons une différence significative (tableau 05), avec un
tients est de 60 ans avec des extrêmes [16-89] et celui OR 2,09 et IC 95% (1-4,38) et un p=0,047, cette diffé-
des témoins est de 42 ans avec des extrêmes [16-92], rence a été notée par plusieurs auteurs10–14. Une étude
un sex-ratio (H/F) de 0,9 pour les malades et 1,16 pour a cependant rapporté l’absence de différence significative15
les témoins. Les LNH les plus fréquents sont de type (tableau 8).
B (93,35%), parmi eux le type histologique le plus fré- L’hypothèse pouvant expliquer ce mécanisme est
quemment retrouvé est le LDGCB (55,14 %), ces chiffres l’exposition prolongée aux produits chimiques très
rejoignent ceux retrouvés dans la littérature 4–7. L’étude toxiques à savoir les pesticides.

Tableau 8 : Analyse de nos résultats sur la l’agriculture avec les données de la littérature

Auteurs Population OR IC Effet sur LNH Signification


A.T. Mannetje 10 C :10046/T :12025 - - - -
437/404 1,19 1.03, 1.37 Risque S
L Orsi 12
C :244/T :436 - - - -
51/73 1,7 1.1 - 2.7 Risque S
P. Boffetta 11
NP 1,11 1.05-1.17 Risque S
Otto Wong 14
C :649/T :1298 - - - -
195/310 1,43 1,14-1,78 Risque S
A. Costantini 15 C :1450/T :1779 - - - -
161/NP 1,1 0.8–1.4 Risque NS
Laurent Orsi 13
C :399/T :701 - - - -
42/47 1,6 1,0–2.6 Risque S
Notre étude C :301/T :302 - - - -
22/11 2,09 1,0-4,38 Risque S
NP : non précisé

19
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Tabac Concernant le tabac à chiquer nous n’avons pas retrouvé


Selon la revue de la littérature, contrairement aux autres d’études publiées dans ce domaine.
types de cancers où nous retrouvons un risque bien Cependant notre étude sur le tabac reste incomplète par
connu notamment pour le cancer du poumon et de la apport à plusieurs points qui manquent :
vessie, l’association LNH et tabac fait l’objet de résultats Nous n’avons pas étudié la consommation de cigarettes
contradictoires. Certaines études ont montré un risque selon le sexe d’autant que dans notre série le nombre de
statistiquement significatif 16–18, d’autres par contre ne femmes qui fument (0,3%) n’est pas aussi important qu’en
montrent aucun effet concernant l’association 9,19–29. Les Europe, le résultat peut être probablement différent.
types de LNH incriminés sont les lymphomes follicu- • L’analyse selon la variété de la cigarettes (blondes-
laires et les lymphomes T. brunes) n’a pas non plus été faite en sachant que dans
Les résultats de notre étude ne montrent pas de corrélation la littérature le tabac blond est plus souvent incriminé30.
entre le tabac à fumer et le risque de LNH alors que pour le • Il en est de même de la quantité et de la durée de consom-
tabac à chiquer, il existe un risque significatif de développer mation de cigarettes alors que Kanda en 2009 31, a trouvé
un LNH. Nos résultats rejoignent les données de la littéra- un risque significatif pour une durée de tabagisme qui
ture pour le tabac à fumer (9,19,25,27) (tableau 9). dépasse 40 ans avec un OR 1,86 et IC à 95% (1,32-2,60).

Tableau 9 : Analyse de nos résultats sur le tabac à fumer avec les données de la littérature.

Auteurs/référence Population Rythme de consommation OR IC Effet sur LNH Signification


S. Parodi 9
199/ 279 -- - - - -
104/153 Jamais 1 Référence - -
52/73 Anciens fumeurs cig 1 0,6-1,7 Risque NS
42/51 Fumeur cig actuel 1,1 0,7-1,9 Risque NS
M. Taborelli 27
571/1004 - - - - -
239/426 Jamais 1 Référence - -
146/296 Anciens fumeurs cig 0,91 0.68–1.20 Préventif
186/282 Fumeur cig actuel 1,18 0.91–1.54 Risque NS
P. Fernberg 19
357/99,530 - 1 0.86–1.16 Risque NS
Hommes 276 <10 1.02 0.87–1.20 Risque NS
179 11–20 1.04 0.86–1.25 Risque NS
22 >20 0.72 0.47–1.11 Préventif NS
C. Schöllkopf 25 1,628/1,665 - 0,97 0.87-1.08 Préventif NS
124/141 01≤9 1,01 0.77-1.31 Risque NS
362/357 10≤19 1,05 0.88-1.24 Risque NS
180/201 ≥20 0,91 0.73-1.14 Préventif NS
J. Kanda 31
257/1,188 - 1,27 1.03-1.57 Risque S
73/421 ≤10 1,05 0.79-1.40 Risque NS
199/831 11≤20 1,42 1.13-1.79 Risque S
125/635 ˃20 1,17 0.89-1.54 Risque NS
A.Nieters21 1304 - - - - -
532 Jamais 1 Référence - -
239 Fumeur cig actuel 0,93 0.79- 1.09 Préventif NS
439 Anciens fumeurs cig 1,12 0.98-1.28 Risque NS
57 Autre Tabac 1,13 0.85, 1.50 Risque NS
37 Cigares/pipe 1,17 0.83, 1.6 Risque NS

20 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
L'impact de la profession et de la consommation de tabac

Auteurs/référence Population Rythme de consommation OR IC Effet sur LNH Signification


W. Diver 28
1926 -- - - - -
801 Jamais 1 Référence - -
1,015 Fumeur cig actuel 1,11 1.01–1.23 Risque S
110 Anciens fumeurs cig 1,09 0.89–1.33 Risque NS
Notre étude 301/302 - - - - -
Tabac à fumer 105/97 - 1,13 0,81-1,59 Risque NS
C :26/T :20 1≤10 0,85 0,41-1,76 Préventif NS
C :18/T :14 10≤19 0,86 0,38-1,92, Préventif NS
C :34/T :20 ≥20 1,31 0,64-2,67 Risque NS
C :27/T43 NP - - - -
Tabac à chiquer C :52/T :33 - 1,70 1,06-2,72 Risque S

Conclusion occupational risk factors by subtypes of the WHO classification. Chem. Biol. Inte-
ract. 2010;184(1–2):129–146.
Il s’agit d’une première étude sur la recherche de facteurs 15. Costantini AS, Miligi L, Kriebel D, et al. A multicenter case-control study
in Italy on hematolymphopoietic neoplasms and occupation. Epidemiol. Camb.
de risque dans les lymphomes faite en Algérie et même Mass. 2001;12(1):78–87.
à l’échelle maghrébine. Dans notre série, l’analyse de la 16. Besson H, Renaudier P, Merrill RM, et al. Smoking and non-Hodgkin’s lym-
profession d’agriculteur et l’exposition aux pesticides, phoma: a case–control study in the Rhône-Alpes region of France. Cancer Causes
Control. 2003;14(4):381–389.
confirme l’hypothèse d’une prédisposition au lym- 17. Besson H, Brennan P, Becker N, et al. Tobacco smoking, alcohol drinking and
phome, il en est de même concernant le tabac à chiquer. Hodgkin’s lymphoma: a European multi-centre case–control study (EPILYMPH).
Br. J. Cancer. 2006;95(3):378–384.
18. Stagnaro E, Ramazzotti V, Crosignani P, et al. Smoking and Hematolympho-
poietic Malignancies. Cancer Causes Control. 2001;12(4):325–334.
Date de soumission 19. Fernberg P, Odenbro Å, Bellocco R, et al. Tobacco use, body mass index and
18 Octobre 2021. the risk of malignant lymphomas—A nationwide cohort study in Sweden. Int. J.
Cancer. 2006;118(9):2298–2302.
20. Besson H, Brennan P, Becker N, et al. Tobacco smoking, alcohol drinking
Liens d’intérêts and non-Hodgkin’s lymphoma: A European multicenter case-control study (Epi-
lymph). Int. J. Cancer. 2006;119(4):901–908.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. 21. European prospective investigation into cancer and nutrition. Am. J. Epide-
miol. 2008;167(9):1081–1089.
22. Nieters A, Deeg E, Becker N. Tobacco and alcohol consumption and risk of
Références lymphoma: results of a population-based case-control study in Germany. Int. J.
Cancer. 2006;118(2):422–430.
1. Sebban C. Facteurs de risque du lymphome Cancer et environnement 8 .02 .2019. 23. Lim U, Morton LM, Subar AF, et al. Alcohol, smoking, and body size in rela-
2. Fleiss. Statistical Methods for Rates and Proportions, formulas 3.18 &3.19. tion to incident Hodgkin’s and non-Hodgkin’s lymphoma risk. Am. J. Epidemiol.
3. Kelsey et al. Methods in observational Epidemiology 2nd Edition, Table 12-15 . 2007;166(6):697–708.
4. Skrabek P, Turner D, Seftel M. Epidemiology of Non-Hodgkin Lymphoma. 24. Sergentanis TN, Kanavidis P, Michelakos T, Petridou ET. Cigarette smoking
Transfus. Apher. Sci. 2013;49(2):133–138. and risk of lymphoma in adults: a comprehensive meta-analysis on Hodgkin and
5. VARET. Le livre de l’interne en hématologie - 3e édition. Lavoisier; 2012. non-Hodgkin disease. Eur. J. Cancer Prev. Off. J. Eur. Cancer Prev. Organ. ECP.
6. Boudjerra N, Perry AM, Audouin J, et al. Classification of non-Hodgkin lym- 2013;22(2):131–150.
phoma in Algeria according to the World Health Organization classification. Leuk. 25. Schöllkopf C, Smedby KE, Hjalgrim H, et al. Cigarette smoking and risk of
Lymphoma. 2015;56(4):965–970. non-Hodgkin’s lymphoma--a population-based case-control study. Cancer Epide-
7. Aliouane DMA-. Evaluation du protocole RCHOP dans le traitement des lymphomes miol. Biomark. Prev. Publ. Am. Assoc. Cancer Res. Cosponsored Am. Soc. Prev.
malin non hodgkinien diffus à grandes cellules B chez l’adulte : Etude prospective. 238. Oncol. 2005;14(7):1791–1796.
8. Balasubramaniam G, Saoba S, Sarade M, Pinjare S. Case-control study of risk 26. Herrinton LJ, Friedman GD. Cigarette smoking and risk of non-Hodgkin’s lym-
factors for Non-Hodgkin lymphoma in Mumbai, India. Asian Pac. J. Cancer Prev. phoma subtypes. Cancer Epidemiol. Biomark. Prev. Publ. Am. Assoc. Cancer Res.
APJCP. 2013;14(2):775–780. Cosponsored Am. Soc. Prev. Oncol. 1998;7(1):25–28.
9. Parodi S, Santi I, Marani E, et al. Lifestyle factors and risk of leukemia and 27. Taborelli M, Montella M, Libra M, et al. The dose-response relationship
non-Hodgkin’s lymphoma: a case-control study. Cancer Causes Control CCC. between tobacco smoking and the risk of lymphomas: a case-control study. BMC
2016;27(3):367–375. Cancer. 2017;17(1):421.
10. Andrea T, Mannetje A, De Roos AJ, Boffetta P, et al. Occupation and Risk of 28. Diver WR, Teras LR, Gaudet MM, Gapstur SM. Exposure to environmental
Non-Hodgkin Lymphoma and Its Subtypes: A Pooled Analysis from the Inter tobacco smoke and risk of non-Hodgkin lymphoma in nonsmoking men and
Lymph Consortium. Environ. Health Perspect. 2016;124(4):396–405. women. Am. J. Epidemiol. 2014;179(8):987–995.
11. Boffetta P, de Vocht F. Occupation and the risk of non-Hodgkin lymphoma. 29. Troy JD, Hartge P, Weissfeld JL, et al. Associations between anthropometry,
Cancer Epidemiol. Biomark. Prev. Publ. Am. Assoc. Cancer Res. Cosponsored Am. cigarette smoking, alcohol consumption, and non-Hodgkin lymphoma in the
Soc. Prev. Oncol. 2007;16(3):369–372. Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial. Am. J. Epidemiol.
12. Orsi L, Delabre L, Monnereau A, et al. Occupational exposure to pesticides and 2010;171(12):1270–1281.
lymphoid neoplasms among men: results of a French case-control study. Occup. 30. Stagnaro E, Tumino R, Parodi S, et al. Non-Hodgkin’s lymphoma and type of
Environ. Med. 2009;66(5):291–298. tobacco smoke. Cancer Epidemiol. Biomark. Prev. Publ. Am. Assoc. Cancer Res.
13. Orsi L, Troussard X, Monnereau A, et al. Occupation and lymphoid malignancies: Cosponsored Am. Soc. Prev. Oncol. 2004;13(3):431–437.
results from a French case-control study. J. Occup. Environ. Med. 2007;49(12):1339–1350. 31. Kanda J, Matsuo K, Kawase T, et al. Association of Alcohol Intake and Smoking
14. Wong O, Harris F, Armstrong TW, Hua F. A hospital-based case-control study with Malignant Lymphoma Risk in Japanese: A Hospital-Based Case-Control Study at
of non-Hodgkin lymphoid neoplasms in Shanghai: analysis of environmental and Aichi Cancer Center. Cancer Epidemiol. Prev. Biomark. 2009;18(9):2436–2441.

21
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Analyse descriptive et résultats thérapeutiques des LDGCB


Pris en charge au service d’hématologie de Beni Messous sur une période de 3 ans.

L. LOUANCHI, N. BOUDJERRA,
Service d'Hématologie,
CHU Issaad Hassani, Beni Messous, Alger.

Résumé
les lymphomes diffus à grandes cellules B(LDGCB) repré- Abstract
sentent la forme majoritaire des lymphomes non hodgkiniens
(LNH), ils peuvent être ganglionnaires ou extra ganglion- Diffuse large B-cell lymphomas (LDGCB) represent the
naires. Ce sont des lymphomes agressifs mais qui peuvent main form of non-Hodgkin's lymphomas (NHL), they can
guérir dans plus de 50% des cas. Leur pronostic dépend de be ganglionic or extra-ganglionic. These are aggressive
l’expression de leur propre génomique, ils peuvent être de lymphomas but can be cured in more than 50% of cases.
sous type GC ou non GC, double Hit ou triple Hit. Patients Their prognosis depends on the expression of their own
et méthodes : Il s’agit d’une étude monocentrique, réalisée sur genomics, they can be of the GC or non-GC subtype,
une période de 3 ans (janvier 2014- décembre 2016). Tous les double Hit or triple Hit. Patients and methods: This is a
patients recrutés ont été diagnostiqués sur un prélèvement single-centre study, carried out over a period of 3 years
histologique avec étude immunohistochimique (IHC). L’éva- (Jan. 2014 to Dec. 2016). All the patients recruited were dia-
luation a porté sur les taux de réponse et les taux de survie cal- gnosed on a histological sample with an immunohistoche-
culés selon la méthode de Kaplan-Meier. Résultats : Au total mical study (IHC). The assessment focused on response
96 patients ont été recrutés, l’âge médian des patients est de rates and survival rates calculated using the Kaplan-Meier
53 ans (23-88), sex-ratio H/F égal à 1,04, le délai moyen de method. Results: A total of 96 patients were recruited, the
median age of the patients is 53 years (23-88), sex ratio M/F
diagnostic est de 5 mois (1 – 24 mois), le siège de la biopsie
equal to 1.04, the mean time to diagnosis is 5 months (1-24
est ganglionnaire dans 65%, ORL (10%), digestif (6,3%). Au
months), the site of the biopsy is lymph node in 65%, ENT
diagnostic les patients présentaient un ECOG >1 dans 48%
(10%), digestive (6.3%). At diagnosis, patients presented
(46 patients), de symptômes B dans 70,83% (68 patients), une
with ECOG>1 in 48% (46 patients), B symptoms in 70.83%
atteinte extra ganglionnaire : 73,6% (70 patients), une forme
(68 patients), extranodal involvement: 73.6% (70 patients),
bulky > 10 cm dans 47% (45 patients), stades III et IV, 59% a bulky form>10cm in 47% (45 patients), stages III and IV,
(56 patients), LDH élevé 44% (42 patients) plus de la moitié 59% (56 patients), elevated LDH 44% (42 patients) more
des patients étaient classés selon l’IPI standard en risque faible than half of the patients were classified according to the
(61%), selon le RIPI : 12,6% (12 patients) sont classés en très standard IPI as low risk (61%), according to the RIPI: 12.6% (12
bon pronostic, 48% (46) en bon pronostic, et 39% de mauvais patients) are classified with a very good prognosis, 48% (46)
pronostic (37 patients). La majorité des patients a été traitée with a good prognosis, and 39% with a poor prognosis (37
en première ligne par le protocole RCHOP (83%), deux pa- patients). The majority of patients were treated in the first
tients sont décédés avant tout traitement, une rémission com- line by the RCHOP protocol (83%), two patients died before
plète est obtenue dans 67% des cas (63 patients), une réponse any treatment, complete remission is obtained in 67% of
partielle dans 3,19%, un échec dans 17% des cas (16 patients), cases (63 patients), a partial response in 3.19%, failure in
12,7% sont décédés (12 patients) la survie globale (SG) à 5 17% of cases (16 patients), 12.7% died (12 patients) overall
ans est de 60%. Conclusion : Le diagnostic histologique des survival (OS) at 5 years is 60%. Conclusion: The histologi-
LDGCB est fiable grâce à la relecture des lames par le GEAL cal diagnosis of LDGCB is reliable thanks to the re-reading
mais reste incomplet du point de vue immunohistochimique, of the slides by the GEAL but remains incomplete from an
cette dernière nous permet de reconnaître les patients à haut immunohistochemical point of view, the latter allows us
risques qui constituent une urgence diagnostic et thérapeu- to recognize high-risk patients who constitute a diagnostic
tique nécessitant un traitement intensifié par une autogreffe and therapeutic emergency requiring an intensified treat-
et des médicaments de la catégorie des inhibiteurs de l’histone ment by autologous transplant and drugs from the class of
désacétylase qui constituent une voie potentielle pour amélio- histone deacetylase inhibitors which are a potential route
rer leur pronostic. to improve their prognosis.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


LNH, LDGCB, score pronostic, RCHOP LNH, LDGCB, prognosis score, RCHOP

22 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans

Introduction
Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) sont des tu- les cas douteux ont été soumis à un comité de relecture
meurs des cellules du système immunitaire. Découverts des lames mis en place par le groupe d’étude algérien des
pour la première fois en 1994 par le REAL1 (Revised lymphomes (GEAL).
European American Classification of Lymphoid Neo- Un bilan clinique complet, radiologique et biologique
plasms), les lymphomes diffus à grandes cellules B (LD- est effectué avant toute chimiothérapie, les patients sont
GCB) représentent la variété la plus fréquente des LNH classés selon le stade Ann Arbor et les scores pronos-
de l’adulte avec une fréquence de 30 à 40% en Europe tiques (IPI-RIPI-IPIaa).
et en France2 et 50 à 60% en Algérie3. Le diagnostic est Le traitement a porté sur l’association d’une immuno-
évident dans 90 à 95%, il pose dans quelques cas un thérapie (Rituximab) à la dose de 375 mg/m2, associé
problème de diagnostic différentiel avec d’autres types à une polychimiothérapie de type CHOP (cyclophos-
de lymphomes, il repose exclusivement sur l’analyse phamide : 750 mg/m2 en perfusion J1, Adriamycine 50
anatomopathologique du tissu tumoral, le plus souvent mg/m2 IV J1, Vincristine 1,4 mg/m2 J1, prednisone 40
obtenu par biopsie d’une adénopathie. mg/m2 de J1 à J5). Quatre à huit cycles sont effectués
Il s’agit d’une prolifération monoclonale de lymphocytes tous les 21 j ; le nombre de cycle et la dose sont ajustés
B matures du follicule ganglionnaire, la localisation est en fonction de l’index pronostic et de l’âge. Les résul-
le plus souvent ganglionnaire (60%) ou extra ganglion- tats thérapeutiques ont été évalués cliniquement après
naire (40%). 2 cycles et radiologiquement après 4 cycles et à la fin du
Il est bien reconnu aujourd’hui qu’il n’y a pas un seul et traitement.
unique LDGCB, mais que les affections ainsi désignées • Une rémission complète est définie par la disparition
constituent un groupe hétérogène de tumeurs. L’avène- de toute les lésions en rapport avec le lymphome.
ment des nouvelles techniques de biologie moléculaire • Une rémission partielle correspond à la disparition de
a permis de mieux comprendre les origines génétiques 50% des lésions.
des différents sous-types de LDGCB. • Un échec / progression : se définit comme réponse thé-
Ils prennent naissance en général dans les ganglions rapeutique inferieur à 50% ou absence totale de réponse
lymphatiques mais ils peuvent affecter de manière pri- voire progression de la maladie.
mitive ou secondaire les autres organes ou tissus, ils La toxicité au traitement est évaluée selon la classifica-
se voient à tout âge, les LDGCB sont des lymphomes tion OMS (grade 1,2,3,4).
agressifs qui surviennent le plus souvent de novo ou L’analyse finale a été réalisée en décembre 2018. Les sur-
plus rarement secondaires à une transformation d’un vies globales et survies sans progression (SSP) ainsi que
lymphome à petites cellules (folliculaire, la zone mar- la comparaison des survies entre les groupes pronos-
ginale, lymphocytique, leucémie lymphoïde chronique). tiques sont estimées selon la méthode de Kaplan Meier.
Ils sont rarement synchrones ou métachrones d’un
hodgkin classique, l’étiologie reste encore inconnue Résultats
à ce jour. L'objectif est de décrire les caractéristiques De janvier 2014 à décembre 2016, nous avons colligé
cliniques et la réponse thérapeutique des patients suivis 96 patients, l’âge médian est de 53 ans (23-88), sex-ra-
pour LDGCB au sein du service d’hématologie de Beni tio H/F de 1,04. Quatre-vingt-quatre patients (89%) ont
Messous. reçu un traitement par du RCHOP, 4 patients (4,2%) ont
reçu une radiothérapie complémentaire, aucun patient
Patients et méthodes n’a été auto-greffé, 02 patients sont décédés avant toute
C’est une étude monocentrique faite sur une période chimiothérapie. Les caractéristiques des patients sont
de 3 ans (Jan. 2014 – Déc. 2016) au niveau du service résumées sur le tableau 1, les résultats du traitement ont
d’hématologie du CHU Beni Messous. Elle a porté sur été analysés chez 94 patients, une RC est obtenue dans
des patients âgés de plus de 15 ans et atteints de LDGCB, 67% des cas (63 patients) (tableau 2).
tous les patients recrutés ont été diagnostiqués sur la Une toxicité de grade 3 est observée chez 25 patients (26%)
base d’un prélèvement ganglionnaire ou extra ganglion- elle est hématologique dans 100%, infectieuse dans 64%, et
naire et une étude histologique avec IHC (CD3-CD20), un syndrome de lyse a été constaté dans 8% des cas.

23
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Tableau 1 : Répartition selon les caractéristiques cliniques et biologiques des patients

Paramètres Nombre %
LDGCB 96 100
Sexe
Masculin 49 51
Féminin 47 49
Sex-ratio 1,04
Age (années)
≤60ans 59 61,5
>60ans 37 38,5
Age moyen 54 ans
Délai au diagnostic
≤3 mois 34 35,4
>3 mois 62 64,6
ECOG
0-1 50 52
>1 46 48
Symptôme B
Oui 68 70,8
Non 28 29,2
Atteinte extra ganglionnaire 70 73,6
Stade clinique
I-II 39 41
III-IV 57 59
LDH
Normal 54 56
Élevé 42 44
Volume tumoral
Bulky 45 47
Non Bulky 51 53
IPI standard
Faible 29 30,2
Intermédiaire faible 29 30,2
Intermédiaire élevé 20 20,8
Élevé 18 18,7
IPI-R
Très bon pronostic 13 13,5
Bon pronostic 46 47,9
Mauvais pronostic 37 39
IPI aa
Faible 19 19,8
Intermédiaire faible 26 27
Intermédiaire élevé 29 30,2
Élevé 22 22,9

24 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans

Le traitement standard, utilisé en première ligne est le ou du passage au protocole de rattrapage.


protocole R-CHOP, d’autres protocoles sont utilisés Soixante-trois patients sont déclarés en rémission com-
dans les formes de mauvais pronostic et chez les patients plète (67%), 03 en réponse partielle (3,2%), 12 décès
très âgés. (12,7%) et 16 échecs (17%) (tableau II).
À la fin de la chimiothérapie les patients sont réévalués Pour les patients réfractaires ou en rechute d’autres pro-
une deuxième fois pour décider de l’arrêt du traitement tocoles plus agressifs sont utilisés.

Tableau 2 : Résultats de la réévaluation thérapeutique finale

Effectif : 94 100%
Réponse globale 66 70,2
RC 63 67
RP 03 3,2
Échec/progression 16 17

Décès 12 12,7

Une toxicité de grade ≥3 est observée chez 25 patients, infections mycosiques, et un syndrome de lyse tumoral
représentée essentiellement par des cytopénies, des dans 8% des cas (tableau 3).

Tableau 3 : Toxicité à la chimiothérapie

Toxicités (grade≥3) Effectif : 25 (%) Type

Hématologique 25 100 Anémie, neutropénie, thrombopénie

Infectieuses 16 64 Mucite++, ORL, Pulmonaire

Syndrome de lyse 02 8

Au cours de l’évolution 08 patients (8,5%) ont rechuté et ont


Survival function
reçu des protocoles de rattrapage au même titre que les échecs.
1,0
Ainsi, au bout de 05 années d’évolution, 57 patients (60,6%)
sont vivants en rémission complète, 34 patients (36,1%) sont 0,8
décédés dont 8 après rechute et 26 durant le traitement initial,
Cum survival

et 3 patients (3,2%) sont toujours en échec (figure 1). 0,6

0,4

0,2

1 0,0
57 7 0 10 20 30 40 50 60

Survie globale
26
3 Survival function Censored
VRC DCD ECHEC
Figure 1 : Répartition selon le devenir des patients Figure 2 : Courbe de survie globale

25
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Survival function Survival function


1,0 1,0

0,8 0,8

Cum survival
Cum survival

0,6 0,6

0,4 0,4

0,2 0,2

0,0
0,0
0 10 20 30 40 50 60
0 10 20 30 40 50
lPlaa Survie globale
Survie sans progression
Eleve IE Eleve-censored IE-censored
Faible IF Faible-censored IF-censored

Figure 3 : Courbe de survie sans progression Figure 5 : Courbe de survie globale en fonction de l’IPIaa

Survival function Survival function


1,0 1,0

0,8 0,8

Cum survival
0,6 0,6
Cum survival

0,4 0,4

0,2 0,2

0,0 0,0

0 10 20 30 40 50 60 0 10 20 30 40 50 60
lPl Survie globale P-lPl Survie globale
Eleve IE Eleve-censored IE-censored Bon Tres bon Mauvais-censored
Faible IF Faible-censored IF-censored Mauvais Bon-censored Tres bon-censored

Figure 4 : Courbe de survie globale en fonction de l’IPI Figure 6 : Courbe de survie globale en fonction du R-IPI

Discussion l’objectif à atteindre lors de la prise en charge d’un LDGCB.


Les LDGCB représentent le type le plus fréquent des LNH La stratégie thérapeutique chez les patients avec un
(54% dans notre série), ceci a été noté dans les études na- mauvais score pronostic doit comporter une immuno-
tionales3,4 et internationales2. L’âge moyen de nos patients chimiothérapie suivie d’une intensification, avec une
est de 54 ans (23-88) avec une légère prédominance mas- autogreffe de cellules souches hématopoïétiques chez
culine, les mêmes résultats ont été retrouvé dans l’étude les patients éligibles en cas de réponse.
épidémiologique algéro-tunisienne3, l’âge médian est plus Un très grand nombre de nouvelles molécules ont vu
avancé dans les études internationales (63 ans), le délai le jour grâce à la meilleure compréhension de la phy-
de diagnostic est supérieur à 3 mois dans 60% des cas. La siopathologie des LDGCB, et pourraient venir modifier
présence de signe généraux est fréquente dans notre série les stratégies thérapeutiques dans les prochaines années.
(70,83%) et les stades étendus (59%). Le volume tumoral, Date de soumission
défini par une masse tumorale ≥10 cm3 est retrouvé dans 18 Octobre 2021.
47%. L’étude des index pronostiques montre un score élevé Liens d’intérêts
dans 38,9% selon IPI standard, un pronostic mauvais dans Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
39% selon R-IPI, et un score élevé à 53,67% selon IPIaa. Le Références
protocole RCHOP a été utilisé dans la grande majorité des 1. Bruch J-F, Duprez-Paumier R, Sizaret D, Kervarrec T, Maître F. Étude historique des lym-
phomes et de leurs classifications. Rev. Francoph. Lab. 2014;2014(458):59–65.
cas, une rémission complète a été obtenue dans 67%, une 2. Li S, Young KH, Medeiros LJ. Diffuse large B-cell lymphoma. Pathology (Phila.). 2018;50(1):74–87.
survie globale à 5 ans de 63%, et une survie sans évène- 3. N. Boudjerra and al. Profil épidémiologique Algéro-Tunisien des LDGCB sur une période de 5 ans.
4. Boudjerra N, Perry AM, Audouin J, et al. Classification of non-Hodgkin lymphoma in Algeria
ment à 60%. Le nombre de rechutes dans notre série a été according to the World Health Organization classification. Leuk. Lymphoma. 2015;56(4):965–970.
5. Dupas B. Bilan d’extension et suivi : lymphomes et myélome. 142.
de 8,5% (8 patients). 6. Delarue R, Tilly H, Mounier N, et al. Dose-dense rituximab-CHOP compared with standard
rituximab-CHOP in elderly patients with diffuse large B-cell lymphoma (the LNH03-6B study): a
Conclusion randomised phase 3 trial. Lancet Oncol. 2013;14(6):525–533.
7. Ext. 8661. Un nouveau traitement offre un espoir de rémission chez les patients présentant une
L’obtention d’une réponse complète métabolique (RC) est récidive d’un lymphome diffus à grandes cellules B. Salle Presse.

26 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Insuffisance rénale dans le myélome multiple :


point de vue de l’hématologue
H. AHMIDATOU, N. BOUDJERRA
Service d’Hématologie, CHU Issaad Hassani, Beni Messous, Alger.

Résumé
L’insuffisance rénale (IR) est une complication fré-
quente et sévère du myélome multiple (MM), elle est
liée à un risque élevé de mortalité. Elle est rapportée
chez 15 à 40% des patients atteints de MM. Sa physio-
pathologie est complexe, elle est associée à des méca-
Abstract
nismes sous-jacents multiples et variés. L’atteinte rénale Renal insufficiency (RI) is a common severe complica-
est dans la majorité des cas, attribuée à un endomma- tion of symptomatic multiple myeloma (MM), it is related
gement tubulo-interstitiel où le rein myélomateux, est to higher mortality. It is reported in 15 to 40% of patients
la conséquence directe de l’accumulation et la préci- diagnosed with MM. Its physiopathology is complex; it is
pitation des chaines légères libres (CLL) sériques. Les associated with multiple and varied underlying mecha-
nisms. Renal involvement is, in the majority of the cases,
autres causes incluent la déshydratation, l’hypercalcé-
related to a tubulo-interstitial damage. Myeloma kidney
mie, l’hyperuricémie, le dépôt amyloïde, les infections is the direct consequence of an accumulation and a pre-
et l’exposition aux médicaments néphrotoxiques. La cipitation of circulating serum free light chains. The other
néphropathie à cylindres myélomateux est le type his- mechanisms include dehydration, hypercalcemia, hype-
tologique majoritaire dans plusieurs études atteignant ruricemia, amyloid deposits, infection and exposition to
environ 60% des patients dans certaines séries. Lors de nephrotoxic drogues. Myeloma cast nephropathy (MCN)
l’actualisation des critères diagnostiques du MM par is the most frequent histological type in many studies, it
l’International Myeloma Working Group (IMWG), la is seen in 60% of patients in certain series. Throughout
définition de l’IR a été précisée, avec l’ajout d’une valeur the update of diagnostic criteria of MM, the internatio-
nal myeloma working group (IMWG) has specified the
seuil de la clairance de la créatinine < 40 ml/mn. L’IR
definition of renal insufficiency by adding a threshold
dans le MM est une urgence médicale, qui nécessite une to the creatinine clearance < 40 ml/mn. RI in MM is a
gestion optimale incluant l’instauration immédiate des medical emergency, it requires an optimal management
soins de support, et l’institution rapide d’une chimio- including an immediate initiation of supportive care, and
thérapie anticancéreuse. Le but du traitement est de res- a rapid prescription of chemotherapy. The objective of
taurer rapidement la fonction rénale du patient (réver- treatment is to restore urgently the renal function of the
sibilité de l’IR). patient (reversibility).

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Myélome multiple, insuffisance rénale, diagnostic, trai- Multiple myeloma, renal insufficiency, diagnosis, treat-
tement, pronostic. ment, prognosis.

Introduction Définition de l’insuffisance rénale


Parmi les facteurs qui aggravent le pronostic dans le Le terme "insuffisance rénale" exprime l’incapacité des
myélome multiple (MM), nous citons l’insuffisance reins à exercer une fonction excrétoire normale résul-
rénale (IR). Le rein est un organe cible majeur dans le tant d’une rétention des déchets azotés sanguins. Il y a
MM (1). L’IR est de mauvais pronostic fonctionnel et deux types d’IR, l’aiguë et la chronique (2).
vital. Dans cette mise au point, nous allons aborder le
diagnostic, l’épidémiologie, la physiopathologie, le pro- Épidémiologie
nostic et la prise en charge de l’IR au cours du MM du L’IR est rapportée chez 15 à 40% des patients atteints de
point de vue de l’hématologue. MM. Au diagnostic, 30 à 40% des patients ont une créatinine

27
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point

supérieure à la valeur normale limite, et la majorité ont Quand les chaines légères sont produites en excès dans
une créatinine inférieure à 40 mg/L(3). En Algérie, sur les le MM, les mécanismes de réabsorption sont dépassés
1.010 patients recensés par le registre algérien du myé- dans le tube proximal, de ce fait, les FLC traversent le
lome multiple (AMMR), 24% avaient une dégradation tube distal, avec une élimination consécutive de la pro-
de la fonction rénale au diagnostic, ils étaient classés au téine de Bence Jones (PBJ) dans les urines. Dans le tube
stade B de la classification de Salmon et Durie (créati- distal, la PBJ interagit avec la protéine de Tamm-Hors-
nine ≥ 20mg/L) entre 2014 et 2016 (4). fall, résultant en la formation de cylindres myéloma-
teux, engendrant à leur tour une obstruction (7). Cette
Mécanismes physiopathologiques formation obstructive des tubes par les CL et d’autres
de l’insuffisance rénale dans protéines du MM est classiquement appelée "néphropa-
thie à cylindres myélomateux (NCM)" ou "tubulopathie
le myélome multiple
myélomateuse" (figure 1). De plus, l’excès de sFLC, peut
La physiopathologie de l’IR au cours du MM est com- causer directement une destruction des cellules du tube
plexe, elle est associée à des mécanismes sous-jacents proximal, à travers une induction d’une réaction pro-
multiples et variés. L’atteinte rénale est dans la majorité inflammatoire médiée par l’IL-6, IL-8, TNF et d’autres
des cas, attribuée à un endommagement tubulo-inters- voies conduisant à la mort des cellules tubulaires8. Elles
titiel où le rein myélomateux, est la conséquence directe peuvent aussi engendrer une insuffisance rénale fonc-
de l’accumulation et la précipitation des chaines légères tionnelle, conduisant au syndrome de Fanconi qui est
libres (CLL) sériques. Les autres causes incluent la dés- caractérisé par une atteinte du tube proximal, dans
hydratation, l’hypercalcémie, l’hyperuricémie, le dépôt lequel il y a un défaut de réabsorption du glucose, des
amyloïde, les infections, l’exposition aux médicaments acides aminés, de l’acide urique, des phosphates et
néphrotoxiques comme les anti-inflammatoires non bicarbonates.
stéroïdiens, l’injection de produits de contraste et l’infil- Les chaines légères interfèrent, en outre, avec l’apoptose
tration plasmocytaire (5). des neutrophiles conduisant à un état inflammatoire
Les chaines légères libres sériques (sFLC) sont essen- chronique⁷. Donc, les FLC urinaires causent une IR, soit
tiellement métabolisées par le rein suite à la filtration par la formation intratubulaire de cylindres myéloma-
glomérulaire, suivie par une endocytose arrivant au teux, soit par toxicité directe tubulaire, soit par inflam-
tube proximal, ensuite une dégradation lysosomale (6). mation.

ChaÎnes légères libres (CLL)


Glomerule

Tubule
Tubule disal
proximal
Amylose AL
Fibrilles de CLL dans le glomerule

Maladie de dépôts de chaÎnes


Dépôt de CCL le long des membres basales

Néphropathie à cylindres myélomateux


Syndrome de fanconi (également connue sous le nom d'insuffisance
Cristaux de CCL dans cellules épithéliales
rénale due au myélome)
Endocytose excessive Les CLL forment des czlindres cireux dans la lumière du tubule
Lesion et nécrose des cellules tubulaires

Figure 1 : Schéma illustrant les étapes de développement de la néphropathie à cylindres myélomateux au cours du MM.

28 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Insuffisance rénale dans le myélome multiple

L’hypercalcémie est en général le résultat de la résorp- de classer les patients en stade A ou B selon le taux de
tion osseuse, due à l’activation des ostéoclastes, qui est la créatinine dont la valeur seuil est de 20 mg/L. Les
renforcée par la sécrétion des cytokines comme les lym- patients avec une créatinine >20 mg/L étaient classés
photoxines et l’IL-6. L’hypercalcémie contribue à l’IR en sous-groupe B. En 2003, les critères CRAB étaient
par la vasoconstriction des vaisseaux rénaux, le dépôt introduits pour standardiser les définitions des atteintes
du calcium à l’intérieur des tubules rénaux et l’augmen- organiques associées au MM symptomatique, le seuil
tation de la toxicité des CL filtrées (9). désigné pour définir l’IR était un taux sérique de créati-
L’hyperuricémie, est la conséquence de l’accélération nine >173 μmol/l (ou >2 mg/dl).
du catabolisme des acides nucléiques, puriques initia- Puis, l’IMWG a recommandé un autre critère pour le
lement vers les hypoxanthines et xanthines, puis secon- diagnostic de l’IR chez les patients atteints de MM, basé
dairement, vers l’acide urique par le biais de l’enzyme sur le calcul du taux de filtration glomérulaire par la
xanthine oxydase. Etant faiblement soluble dans l’eau, mesure de la clairance de la créatinine par la méthode
l’excès de l’acide urique peut être la cause d’une IR, suite MDRD ou en utilisant la formule CKD-EPI 200911.
à sa précipitation cristalline et dépôt à la surface des Ensuite en 2014, lors de l’actualisation des critères dia-
tubules rénaux (10). gnostiques du MM, la définition de l’IR a été précisée,
avec l’ajout d’une valeur seuil de la clairance de la créati-
Définition et diagnostic de l’insuffisance nine <40 ml/mn12. Une fois le diagnostic de l’IR attribué
rénale dans le myélome multiple au MM posé chez le patient, après élimination des autres
Le diagnostic de l’IR dans le myélome multiple a connu causes d’IR, la sévérité sera classée selon la classification
des modifications durant les années passées liées aux de " Kidney Disease Improving Global Outcomes " (13), c’est la
modifications et actualisations des critères diagnos- classification CKD (Chronic Kidney Disease). Cette clas-
tiques du MM. La première classification prenant en sification est recommandée par l’IMWG, elle regroupe
compte l’atteinte rénale est celle de Salmon et Durie 5 stades en fonction de la sévérité de l’IR (tableau 1).
(1975) (4), un sous-groupe de cette classification permettait

Tableau 1 : Classification de l’insuffisance rénale

Stade de l’IR Description DFG (ml/min/1,73m2)


1 Maladie rénale avec DFG normal ou augmenté ≥ 90
2 Maladie rénale avec DFG légèrement diminué 60 – 89
3 Insuffisance rénale modérée 30 – 59
4 Insuffisance rénale sévère 15 – 29
5 Insuffisance rénale chronique terminale < 15 ou sous dialyse
DFG : débit de filtration glomérulaire, IR : insuffisance rénale.

Classification histologique de l’atteinte Pronostic et réversibilité


rénale au cours du myélome multiple de l’insuffisance rénale
L’IR est le résultat de différentes lésions rénales hété- La mortalité précoce chez les patients atteints de MM
rogènes. Les atteintes rénales peuvent être classées soit est attribuée à l’agressivité de la maladie et ses compli-
en fonction du site primaire atteint, soit en fonction du cations incluant l’IR. Plusieurs séries ont rapporté que
type histologique ou en fonction du mécanisme physio- la médiane de survie chez les patients atteints de MM
pathologique incriminé, c'est-à-dire, lésion liée à une avec IR était de moins de 2 ans (3) mais ce chiffre est en
paraprotéine ou non. Ces pathologies rénales présentent amélioration ces dernières années, après l’introduction
des différences sur le plan clinique, implication théra- de nouvelles molécules et l’utilisation de meilleures me-
peutique et enfin pronostique. Pour cela, il est intéres- sures de support dans la prise en charge de ces patients (15).
sant de les identifier chez les patients myélomateux avec Les facteurs associés à une récupération rénale sont : une
atteinte rénale (14). La néphropathie à cylindres myélo- valeur de créatinine sérique inférieure à 4 mg/dl, une
mateux est le type histologique majoritaire dans plu- protéinurie des 24 heures moins de 1 g/24h et une cal-
sieurs études atteignant environ 60% des patients dans cémie dépassant 11,5 mg/dl16. Concernant les critères de
certaines séries (5). définition de la réponse rénale, l’IMWG recommande

29
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point

l’utilisation des nouveaux critères car ils reflètent davan- gnostic à 60 ml/mn. La réponse partielle rénale (PR
tage la profondeur de la réponse rénale au traitement, rénal) est définie comme l’amélioration durable de
que l’évaluation basée sur la mesure de la créatinine la ClCr passant de moins de 15 ml/mn au diagnostic
sérique seule (17). La MDRD est la méthode recommandée à 30-59 ml/mn.
pour l’estimation du taux de filtration glomérulaire (18). Enfin, la réponse mineure rénale (MR rénal) est défi-
La réponse complète rénale (CR rénal) est définie nie par l’amélioration durable de la ClCr soit passant de
par une amélioration durable (au moins de 2 mois) moins de 15 ml/mn à 15-29 ml/mn soit passant de 15-29
de la ClCr passant de moins de 50 ml/mn au dia- ml/mn à 30-59 (tableau 2).

Tableau 2 : Critères de définition de la réponse rénale au traitement (19)

Réponse DFG* de base (ml/min/1,73m2) Meilleure ClCr


Réponse (ml/min)
CR rénal <50 ≥ 60
PR rénal <15 30 – 59
MR rénal <15 15 – 29
15 – 29 30 – 59
ClCr, clairance de la créatinine ; CR rénal, réponse rénale complète ; DFG, débit de filtration glomérulaire ; MR rénal, réponse rénale mineure ; PR rénal, réponse rénale partielle.
*DFG basée sur la MDRD

Gestion de l’insuffisance rénale au cours inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les récepteurs de


du myélome multiple l’angiotensine II ainsi que les produits de contraste favo-
risent la diminution du débit de filtration glomérulaire
L’IR dans le MM est une urgence médicale, qui néces-
et augmentent ainsi le risque de développement d’une
site une gestion optimale incluant l’instauration immé-
néphropathie à cylindres myélomateux (11).
diate des soins de support, et l’institution rapide d’une
chimiothérapie anticancéreuse, dès la confirmation dia- Traitement des infections : toute infection est à traiter
gnostique. Le but du traitement est de restaurer rapide- en fonction du site et du germe incriminé mais il est
ment la fonction rénale du patient (réversibilité de l’IR). cependant nécessaire d’éviter les antibiotiques néphro-
toxiques.
a. Traitements de support
Réhydratation : L’hydratation se fait par voie orale ou b. Moyens mécaniques
parentérale. Apporter 3 L/jour soit approximativement Se référant aux connaissances actuelles, impliquant les
2 L/m2/jour. CLL dans le développement des lésions rénales au cours
du MM et ce, par une agression directe tubulo-inters-
Alcalinisation des urines : elle vise à obtenir un pH uri- titielle, plusieurs équipes se sont intéressé aux tech-
naire supérieur ou égal à 7 pour lutter contre l’acidité niques d’extraction de ces CLL. Les techniques incluent
qui favorise la formation des cylindres myélomateux20. l’échange plasmatique, la plasmaphérèse, la dialyse stan-
Elle se fait soit par voie orale avec l’eau de Vichy ou un dard et celle utilisant des membranes de très haute per-
autre équivalent soit par voie parentérale à l’aide du sé- méabilité (high cut-off hemodialysis, HCO-HD).
rum bicarbonaté (21).
- Échange plasmatique et plasmaphérèse : L’extraction
Traitement de l’hypercalcémie : la correction d’une des CL néphrotoxiques, par l’échange plasmatique, peut
hypercalcémie est une mesure importante dans la prise théoriquement espérer la réversibilité de l’IR, en évitant
en charge des patients. Une bonne réhydratation peut l’apparition d’autres lésions rénales.
la normaliser, de même pour les corticoïdes qui ont un - Hémodialyse avec membranes de haute perméabilité
effet bénéfique. Le recours aux biphosphonates, Deno- (HCO-HD) : De nouvelles membranes de dialyse qui éli-
sumab ou à la dialyse est recommandé en cas d’hyper- minent efficacement les CL de la circulation sanguine
calcémie menaçante. ont été récemment développées. L’utilisation des mem-
Arrêt des médicaments néphrotoxiques : Tous les branes de haute perméabilité qui permettent l’élimina-
médicaments néphrotoxiques doivent être arrêtés tion des CLL sériques grâce à leurs larges pores (pos-
immédiatement, de même qu’il convient d’éviter toute sibilité d’éliminer les molécules ayant jusqu’à 65 kD de
nouvelle prescription. Les AINS, les aminosides, les poids), a montré des résultats encourageants dans la

30 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Insuffisance rénale dans le myélome multiple

réduction de la concentration des FLC et la réversibilité Durant les séances de dialyse, la dose de Lénalidomide
de l’IR. doit être administrée après la séance. Les nouvelles
- Dialyse : L’épuration extra rénale habituelle ne permet molécules, Carfilzomib, Pomalidomide et Ixazomib,
pas l’élimination des CL mais seulement une élimina- peuvent aussi être administrées en toute sécurité aux
tion des déchets urémiques. Selon les recommanda- patients avec IR. Le Carfilzomib est administré chez les
tions du KDIGO et de l’European Renal Best Practice patients avec une ClCr >15 ml/mn. Pomalidomide, la
(ERBP), elle n’est indiquée qu’en cas de troubles hydro- troisième génération des IMiDs, est métabolisé avant
électrolytiques ou d’acidose, engageant le pronostic vital son excrétion et seulement 2% de la drogue est excrété
et ne pouvant pas être traités par un traitement conser- dans les urines. Les résultats d’une étude de phase III
vateur, tout en prenant en considération le contexte cli- suggéreraient que le Pomalidomide ne nécessite pas de
nico-biologique en sus de la valeur de l’azotémie et de la modification de doses chez les patients avec ClCr ≥45
créatinémie (22). La dialyse, comme une thérapie de rem- ml/mn(24). L’Ixazomib, le premier inhibiteur du protéa-
placement rénal, est la clé pour les patients chez qui la some oral, a été testé chez les patients avec ClCr ≥30
fonction rénale ne se rétablit pas rapidement. La trans- ml/mn lors de l’essai clinique de phase III concluant
plantation rénale est une option alternative à la dialyse, à son approbation par la FDA (25). La conclusion était
bien qu’elle soit avec succès limité à cause du risque de que la combinaison Ixazomib, Lénalidomide et Dexa-
recrudescence du MM et de la survenue d’infection. méthasone peut être administrée avec sécurité chez les
patients avec ClCr ≥30 ml/mn.
c. Traitements spécifiques (chimiothérapie)
Intensification autogreffe : L’intensification thérapeu-
De fortes doses de Dexaméthasone sont très actives chez
tique suivie d’autogreffe de CSH reste le traitement de
les patients atteints de MM avec IR. Les données dispo-
choix chez les patients éligibles diagnostiqués avec MM,
nibles des différents essais cliniques ont montré l’effica-
y compris ceux avec IR. Elle est faisable même chez les
cité et la sureté des protocoles contenant le Bortézomib
patients qui sont sous dialyse (26). L’IR n’affecte pas le re-
chez ces patients, il a amélioré la fonction rénale chez la
cueil des cellules CD34+ ni la prise de greffe seulement
majorité des patients (23) et depuis, le Bortézomib associé
les doses de Melphalan doivent être ajustées (100 à 140
à la Dexaméthasone est recommandé pour le traitement
mg/m2) en gardant toujours la même efficacité que la
des patients atteints de MM compliqué d’IR quelle que
dose totale de 200 mg/m2, (27). Cependant la procédure
soit la sévérité. Le Bortézomib doit être initié à la dose
est associée à un risque élevé de mortalité lié à la trans-
standard de 1,3 mg/m2, J1 J4 J8 et J11, un cycle tous les
plantation (TRM) pour les patients avec IR (0,4%) les
21 à 28 jours associé à la Dexaméthasone à la dose de 20
comparant aux autres patients sans IR au moment de
à 40 mg le jour de l’administration de Bortézomib +/- le
la transplantation (0,1%)26. Des analyses rétrospectives
jour d’après.
ont rapporté qu’après l’autogreffe il y avait une amélio-
Chez les patients dialysés, il est conseillé d’administrer ration de 25% de la fonction rénale chez un tiers des
les injections après la dialyse afin de réduire les concen- patients, 15 à 20% de non dépendance de dialyse et une
trations sériques du Bortézomib selon le résumé des survie globale à 5 ans approximativement de 35% (28) .
caractéristiques du produit. Le Thalidomide, est un
immun modulateur, son métabolisme par le système du
cytochrome P450 est minime, et le Thalidomide, sous Points forts à retenir
forme inchangée, n’est pas éliminé par voie rénale. De ce
fait, le métabolisme du Thalidomide n’est pas susceptible • Favoriser la clairance de la créatinine (ClCr)
d’être modifié en cas d’IR. Le Lénalidomide est essentiel- pour évaluer la fonction rénale.
lement excrété par les reins, la tolérance du traitement • Devant toute insuffisance rénale, penser au
peut être diminuée chez les patients présentant un degré myélome multiple
élevé d’IR. Le choix de la posologie devra être fait avec • Prescrire des cycles de Dexaméthasone en
précaution et il est recommandé que la fonction rénale urgence en cas d’IR aiguë avec un critère majeur
soit surveillée. Aucun ajustement de la posologie n’est de MM (composant monoclonal, plasmocytose
nécessaire chez les patients présentant une insuffisance médullaire)
rénale légère. Les ajustements de posologie sont recom- • Privilégier le Bortézomib pour le traitement
mandés en début de traitement et pendant tout le traite- des patients atteints de MM compliqué d’IR quel
ment en cas d’insuffisance rénale modérée ou sévère ou que soit la sévérité.
en cas d’insuffisance rénale terminale.

31
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Date de soumission 15. Dimopoulos MA, Kastritis E, Rosinol L, Bladé J, Ludwig H. Pathogenesis and
treatment of renal failure in multiple myeloma. Leukemia. 2008;22(8):1485–
18 Octobre 2021. 1493.
16. Bladé J, Fernández-Llama P, Bosch F, et al. Renal failure in multiple mye-
loma: presenting features and predictors of outcome in 94 patients from a single
Liens d’intérêts institution. Arch. Intern. Med. 1998;158(17):1889–1893.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. 17. Dimopoulos MA, Roussou M, Gavriatopoulou M, et al. Reversibility of
Renal Impairment in Patients With Multiple Myeloma Treated With Borte-
zomib-Based Regimens: Identification of Predictive Factors. Clin. Lymphoma
Références Myeloma. 2009;9(4):302–306.
18. Dimopoulos MA, Sonneveld P, Leung N, et al. International Myeloma Wor-
1. Dimopoulos MA, Terpos E, Chanan-Khan A, et al. Renal impairment in king Group Recommendations for the Diagnosis and Management of Myeloma-
patients with multiple myeloma: a consensus statement on behalf of the Interna- Related Renal Impairment. J. Clin. Oncol. 2016;34(13):1544–1557.
tional Myeloma Working Group. J. Clin. Oncol. 2010;28(33):4976–4984. 19. Dimopoulos MA, Terpos E, Chanan-Khan A, et al. Renal impairment in
2. Bindroo S, Challa HJ. Renal Failure. Stat Pearls. 2019; patients with multiple myeloma: a consensus statement on behalf of the Interna-
3. Kyle RA, Gertz MA, Witzig TE, et al. Review of 1027 patients with newly dia- tional Myeloma Working Group. J. Clin. Oncol. 2010;28(33):4976–4984.
20. Bridoux F, Delbes S, Sirac C, et al. Atteintes rénales des dysglobulinémies :
gnosed multiple myeloma. Mayo Clin. Proc. 2003;78(1):21–33.
avancées diagnostiques et thérapeutiques. Presse Médicale. 2012;41(3P1):276–
4. Durie BGM, Salmon SE. A clinical staging system for multiple myeloma cor-
289.
relation of measured myeloma cell mass with presenting clinical features, res-
21. Bahamida B. Les atteintes rénales au cours du myélome multiple. Faculté de
ponse to treatment, and survival. Cancer. 1975;36(3):842–854.
médecine d’Alger [thèse de doctorat en médecine]. 2015;
5. Sakhuja PV, Jha V, Varma S, et al. Renal Involvement in Multiple Myeloma: A
22. Bourial M, El Khayat S, Zamd M, et al. Indications de la dialyse aiguë au
10-Year Study. Ren. Fail. 2000;22(4):465–477.
Maroc. Néphrologie Thérapeutique. 2017;13(5):365–366.
6. Santostefano M, Zanchelli F, Zaccaria A, Poletti G, Fusaroli M. The ultras-
23. Dimopoulos MA, Roussou M, Gavriatopoulou M, et al. Reversibility of
tructural basis of renal pathology in monoclonal gammopathies. J. Nephrol.
renal impairment in patients with multiple myeloma treated with bortezomib-
2005;18(6):659–675.
based regimens: identification of predictive factors. Clin. Lymphoma Myeloma.
7. Cohen G, Hörl WH. Free immunoglobulin light chains as a risk factor in renal
2009;9(4):302–306.
and extrarenal complications. Semin. Dial. 2009;22(4):369–372.
24. Dimopoulos MA, Leleu X, Palumbo A, et al. Expert panel consensus state-
8. Sanders PW, Herrera GA, Galla JH, Hancock with the technical assistance of
ment on the optimal use of pomalidomide in relapsed and refractory multiple
JR, Lott RL. Human Bence Jones protein toxicity in rat proximal tubule epithe-
myeloma. Leukemia. 2014;28(8):1573–1585.
lium in vivo. Kidney Int. 1987;32(6):851–861.
25. Moreau P, Masszi T, Grzasko N, et al. Ixazomib, an Investigational Oral Pro-
9. Smolens P, Barnes JL, Kreisberg R. Hypercalcemia can potentiate the nephro-
teasome Inhibitor (PI), in Combination with Lenalidomide and Dexamethasone
toxicity of Bence Jones proteins. J. Lab. Clin. Med. 1987;110(4):460–465.
(IRd), Significantly Extends Progression-Free Survival (PFS) for Patients (Pts)
10. Kjellstrand CM, Campbell DC, Hartitzsch B von, Buselmeier TJ. Hyperuri-
with Relapsed and/or Refractory Multiple Myeloma (RRMM): The Phase 3
cemic Acute Renal Failure. Arch. Intern. Med. 1974;133(3):349–359.
Tourmaline-MM1 Study (NCT01564537). Blood. 2015;126(23):727–727.
11. Yadav P, Cook M, Cockwell P. Current Trends of Renal Impairment in Mul-
26. San Miguel JF, Lahuerta JJ, García-Sanz R, et al. Are myeloma patients with
tiple Myeloma. Kidney Dis. 2015;1(4):241–257.
renal failure candidates for autologous stem cell transplantation? Hematol. J.
12. Rajkumar SV, Dimopoulos MA, Palumbo A, et al. International Myeloma
2000;1(1):28–36.
Working Group updated criteria for the diagnosis of multiple myeloma. Lancet
27. Lee C-K, Zangari M, Barlogie B, et al. Dialysis-dependent renal failure in
Oncol. 2014;15(12):e538-548.
patients with myeloma can be reversed by high-dose myeloablative therapy and
13. Levey AS, Eckardt K-U, Tsukamoto Y, et al. Definition and classification of
auto-transplant. Bone Marrow Transplant. 2004;33(8):823–828.
chronic kidney disease: a position statement from Kidney Disease: Improving
28. Parikh GC, Amjad AI, Saliba RM, et al. Autologous Hematopoietic Stem Cell
Global Outcomes (KDIGO). Kidney Int. 2005;67(6):2089–2100.
Transplantation May Reverse Renal Failure in Patients with Multiple Mye-
14. Leung N, Nasr SH. Myeloma-related kidney disease. Adv. Chronic Kidney
loma. Biol. Blood Marrow Transplant. 2009;15(7):812–816.
Dis. 2014;21(1):36–47.

32 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Qualité de vie des patients atteints de leucémie myéloïde chronique


Sous inhibiteurs de la tyrosine kinase
M. BENLAZAR, A. HADJEB, F. OUADAH, N. ZEMRI, N. SIALI,
M. CHERETI (1), M. BENZINEB, N. MESLI (2), N. MEHALHAL (3)
Z. ZOUAOUI (1).
(1) Service d’hématologie, CHU Abdelkader Hassani, Sidi Bel Abbès,
(2) Service d’hématologie, CHU Tidjani Damardji, Tlemcen,
(3) Service d’hématologie, Hôpital de Mascara, Algérie.

Résumé
Objectif : Le but de cette étude est d'évaluer la qualité de vie
(QdV) des patients atteints de leucémie myéloïde chronique
(LMC), et recevant des inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK),
une maladie nécessitant une compliance quotidienne stricte, avec
prise des ITK par voie orale, ainsi que des contrôles cliniques et
Abstract
biologiques réguliers. Patients et méthodes : L’étude a concerné Purpose : The purpose of this study is to evaluate quality
61 patients atteints de LMC suivis dans trois hôpitaux de l'ouest of life (QoL) of chronic myeloid leukaemia patients (CML)
algérien, entre 2004 et 2015. La mesure de la QdV a été effectuée receiving tyrosine kinase inhibitors (TKIs), a disease requi-
avec l’outil d’évaluation fonctionnelle du traitement des maladies ring strict daily compliance with taking TKIs orally, as well
chroniques, FACIT (Functional Assessment of Chronic Illness as regular clinical and biological controls. Methods: The
Therapy, FACIT), adapté aux leucémies. Nous avons établi des study included 61 patients with CML followed in three
scores de QdV donnés par le questionnaire, FACIT, composé de hospitals in western Algeria between 2004 and 2015. The
trois échelles : le Score TOI pour Trial Outcome Index, le Score measure of QoL was performed by the tool of the functio-
FACT-G pour FACT Général, et le Score FACT-LEU pour le nal assessment of chronic illness therapy (Functional As-
FACT total de la leucémie. Des domaines spécifiques du ques- sessment of Chronic Illness Therapy FACIT) for leukaemia.
tionnaire ont été associés à la QdV des patients comme la fatigue We have established QoL scores given by the question-
et la capacité à travailler. La corrélation entre ces données et les naire, FACIT, consisting of three levels: TOI for leukaemia
scores de QdV a été évaluée en utilisant le test de Spearman. Le trial outcome index, FACT-G for general score, and FACT-
logiciel Medcalc 15.2 a été utilisé pour l'analyse statistique. Le test LEU for the total score of leukaemia. Specific areas of the
de corrélation est significatif si p <0,05 ou r >0,5. Résultats : 61 questionnaire were associated with QoL of patients such
patients atteints de LMC ont accepté de répondre au question- as fatigue and the ability to work. The correlation between
these data and QoL scores was assessed using Spearman's
naire de la QdV, des médicaments en cours d'utilisation, ainsi que
test. The Medcalc 15.2 was used for statistical analysis. The
de leurs effets secondaires. Le coefficient alpha de Cronbach pour
test is significant if p <0.05. Results: 61 patients with CML
tous les éléments du questionnaire est de 0,91. La moyenne de
have agreed to answer to the questionnaire of QoL, medi-
la QdV chez ces patients était de 93,86 (sur 124 points au total)
cations in use, and their side effects. The mean QoL of
pour le TOI, 77 (sur 108) pour le FACT-G et 128.15 (sur 176)
these patients was 93.86 (out of 124 total points) for the TOI,
pour le FACT-LEU. Les patients qui ont présenté des effets secon- 77 (out of 108) for the FACT-G, and 128.15 (out of 176) for the
daires aux ITK avaient un score bas de QdV (p=0,003), surtout FACT-LEU. Patients who presented with TKIs side effects
lorsque ces effets sont sévères (p=0,001). L’arrêt de l’ITK a été had a low score of QoL (p=0.0009), especially when these
noté chez 41,3% des patients en raison de leurs effets secondaires effects are severe (p = 0.001). Stopping ITKs medication was
indésirables. Une fatigue sévère a été observée chez 14 patients noted in 41.3% of patients with severe side effects. Severe
(22,9%), avec de faibles scores de QdV dans toutes les échelles fatigue was observed in 14 (22.9%) patients, having low QoL
(p<0,0001). Quarante patients (67, 2%) étaient en mesure de tra- scores in all scales (p<0.0001). (40) 67.2% patients were able
vailler, avec des scores plus élevés dans les trois échelles FACIT to work with higher QoL scores in the three FACIT scales
(p=0,0001, p<0,0001, p<0,0001 respectivement). Conclusion : La (p=0.0001, p<0.0001, p<0.0001, respectively). Conclusion:
QdV est un aspect important dans la prise en charge des LMC, QoL is an important aspect in the management of CML, its
son évaluation est nécessaire et doit être régulière. La capacité à assessment is necessary and must be regular. The ability
travailler et la fatigue sont des éléments importants de la QdV to work and fatigue are important components of QoL of
des patients recevant des ITK et devraient être spécifiquement patients receiving TKIs and should be specifically taken
pris en compte lors du traitement. Les effets indésirables des ITK into account during processing. Adverse effects of ITK can
peuvent interférer avec la QdV des malades et peuvent conduire interfere with QoL of patients and can lead to discontinua-
à l'arrêt du traitement de la LMC. tion of CML therapy.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Leucémie myéloïde chronique, inhibiteurs de la tyrosine ki- Chronic myelogenous leukemia, tyrosine kinase inhibitors,
nase, qualité de vie quality of life.

33
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Introduction
Depuis le développement de l'Imatinib et d'autres inhi- Éligibilité et critères d’inclusion
biteurs des tyrosines kinases (ITK), le pronostic des Soixante et un patients ont été inclus dans l'étude après
patients atteints de LMC a été nettement amélioré, de confirmation du diagnostic de LMC sur le caryotype
telle sorte que la plupart des patients nouvellement dia- par la présence du chromosome Philadelphie, ou sur
gnostiqués et traités pour LMC peuvent maintenant PCR avec mise en évidence du transcrit Bcr-Abl, quelle
espérer de très bonnes réponses au traitement ainsi que que soit la phase de la maladie : chronique, accélérée ou
de longues survies. aiguë. À l’inclusion, tous les patients sont âgés de 18 ans
La prise en charge de cette maladie implique une com- et plus, un ECOG de 0 ou 1.
pliance quotidienne et stricte des malades au traitement N'ont pas été inclus dans l'étude les patients qui ont refusé
par voie orale et aux contrôles biologiques réguliers [1]. de participer au questionnaire.
Un suivi régulier et rigoureux est nécessaire afin d'éva-
luer l'évolution des marqueurs biologiques de la maladie Évaluation de la QdV et interrogatoire
sous traitement [2,3,4,5]. De plus, le traitement et ses effets La QdV a été mesurée à l'aide des 44 items de l’évalua-
secondaires peuvent affecter la QdV de ces patients, tion fonctionnelle du traitement des leucémies (FACT-
en particulier la fatigue chronique qui est le principal Leu) [14,15], questionnaire de l’organisation FACIT (figure 1),
facteur impactant leur QdV, comme cela a été démon- qui fournit des échelles pour l’évaluation de la QdV
tré dans des études récentes [6,7]. Par ailleurs le manque de différents types de leucémies, sous divers traitements :
d’adhésion des patients au traitement par ITK serait res- le questionnaire peut être fourni en plusieurs langues,
ponsable d’une réduction de la QdV, ce qui suggère une entre autres le français, l’anglais et l’arabe.
relation étroite entre ces deux facteurs [8,9,10].
Le FACT-Leu est une approche d’évaluation de la QdV
Les symptômes tels que la fatigue, semble être l’un des des patients et des symptômes spécifiques à la leucémie
facteurs entravant l’utilisation à long terme de l'Imatinib composé de 2 modules :
et des autres ITK, et une résistance au traitement peut se 1. Le module FACT-G pour : FACT-General, ou
produire chez de nombreux patients du fait de l’arrêt de General Functional Assessment of Cancer Therapy,
ces médicaments [11,12]. (en français : Évaluation Fonctionnelle Générale du Traite-
L’évaluation de la QdV est un aspect clé dans la prise en ment du Cancer)
charge de la LMC [6,13], alors que de multiples options 2. Le module Leukemia specific subscale : sous-échelle
thérapeutiques sont possibles (en particulier après l'ap- spécifique de la leucémie.
probation des ITK de troisième génération dans
Le FACT-G est une compilation de 27 items généraux
certains pays).
scorés sur une échelle de 5 points, allant de 0 « pas du
Le but de notre étude est d'évaluer la QdV des patients tout » à 4 « très bien », évaluant le niveau de QdV. Ces
présentant une LMC et recevant un ITK, et suivis dans items sont regroupés en 4 domaines primaires : le bien-
trois centres hospitaliers de l’ouest algérien. être physique (7 items, totalisant un score de 0 à 28) ; le
bien-être social et familial (7 items, totalisant un score
Patients et méthodes de 0 à 28) ; le bien-être émotionnel (6 items, totalisant
L’étude a concerné les patients atteints de LMC suivis au un score de 0 à 24) ; et le bien-être fonctionnel (7 items,
niveau de trois services d’hématologie de l'ouest algé- totalisant un score de 0 à 28) soit un score global de 0
rien : CHU de Sidi Bel Abbes, CHU de Tlemcen, et EPH à 108. Le score le plus élevé traduisant une très bonne
de Mascara. QdV [16,17].
Entre janvier 2004 et décembre 2015, tous les patients La sous-échelle spécifique de la leucémie se compose de
vus en consultation d’hématologie et/ou lors des évalua- 17 items totalisant un score global de 0 à 68 permettant
tions biologiques de leur maladie ont été interrogés sur d'évaluer les préoccupations des patients liées à la leu-
leur perception de la maladie et des soins qu’ils avaient cémie.
reçus, les données sur les traitements et leurs effets se- Au final il existe trois niveaux d’évaluation de la QdV
condaires. Le type de relation avec leurs médecins n’a chez les patients atteints de leucémie :
pas été abordé dans notre étude. 1. Le FACT-Leukemia Trial Outcome Index (TOI) : évaluant
Tous les patients atteints de LMC ont reçu l’Imatinib et le domaine du bien-être physique, celui du bien-être
les autres ITK de seconde génération (Nilotinib, Dasatinib) à fonctionnel et la sous-échelle spécifique à la leucémie.
titre gratuit au niveau des pharmacies de santé publique Le TOI totalise un score global de 0 à 124.
de chaque établissement hospitalier. 2. Le FACT-G : (bien-être physique) + (bien-être social

34 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques

et familial) + (bien-être émotionnel) + (bien-être fonc- patients. Les réponses ont été recueillies sur des fiches
tionnel) totalisant un score global de 0 à 108. fournies par l’organisation FACIT (http://www.facit.org/
3. FACT-Leukemia total ou FACT-Leu, FACT-L : (que facitorg/questionnaires), puis toutes les données ont été
nous avons utilisé) échelle complète regroupant l’en- rassemblées sur une base informatisée de type Excel.
semble des modules du TOI et du FACT-G, totalisant Les informations concernant les variables démogra-
un score global de 0 à 176. phiques des patients, tels que l'âge, le sexe et l’origine
La figure 1 fournit une représentation sommaire et gra- géographique ont été recueillies. Le patient a également
phique de ces échelles. été interrogé sur le traitement pris au moment de l’inter-
rogatoire, et tout changement du traitement initial a été
enregistré. Nous avons, en outre, noté l’état de réponse
F
A Bien etre emotionnel de la maladie de chaque patient à la thérapeutique reçue.
F
C A
T C
- T Analyse statistique
L -
E G Bien etre social/familial Nous avons initialement créé les scores de QdV donnés
U E
K N par les scores FACIT, à savoir le TOI, le FACT-G et enfin
E E le score total de la leucémie, à savoir le FACT-LEU ou
M R
I A Bien etre physiaue FACT-L. Nous avons étudié l’impact des effets secon-
A L
daires des ITK sur la QdV des patients. La relation entre
T
O FACT-TRIAL les différents scores de QdV et certains items comme
T (FACT-G) Bien etre fonctionnel OUTCOME la fatigue et surtout la capacité des patients à travailler,
A
L
INDEX était évaluée par la corrélation de Spearman.
(TOI)
Autre sujet d'inquiétude
Le logiciel Medcalc 15.2 a été utilisé pour l'analyse sta-
(FACT-
LEU) (Leukemia-specific subscale) tistique. Le test de corrélation est significatif si p <0,05.

Figure 1 : Evaluation de la QDV, selon FACIT


(Échelle disponibles sur le site : http://www.facit.org). Résultats
Soixante et un patients atteints de LMC ont accepté de
(Échelle disponibles sur le site : http://www.facit.org). répondre au questionnaire de la QdV, des médicaments
Deux psychologues qualifiées, déjà informées sur cette en cours d'utilisation, ainsi que de leurs effets secon-
recherche, avec des précisions supplémentaires sur les daires. Les caractéristiques des patients, le traitement
leucémies myéloïdes chroniques et les modalités du reçu ainsi que la réponse aux ITK sont résumées dans
questionnaire de FACIT, ont mené l’interrogatoire des le tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques des patients

Caractéristiques N (%)
Age (années)
Médiane 52[27-80]
Sexe
Hommes 32 (52,5%)
Femmes 29 (47,5%)
Phase de la maladie
Chronique 56 (91,8%)
Accélérée ou aiguë 5 (18%)
Traitement
Imatinib 38 (62,3%)
Nilotinib 12 (19,7%)
Dasatinib 11 (18%)
Réponse au traitement
Rémission hématologique 61/61 (100%)
Rémission moléculaire 42/61 (68,9%)

35
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

La moyenne de la QdV chez ces patients était de possible de 108) pour le FACT-G et de 128,15 (pour
93,86 (pour un maximum possible de 124) pour un maximum possible de 176) pour le FACT-LEU
le TOI, elle était de 77 points (pour un maximum (tableau 2).

Tableau 2 : Les scores de QdV des patients selon les échelles du questionnaire FACIT.

Variable Moyenne SD Médiane Minimum Maximum N


TOI 93.86 16.6164 96 61 120 61

Fact-G 77 14.5012 74 47 106 61

Fact-LEU 128.15 23.5922 129 84 170 61

Vingt-neuf patients (47,5%) ont présenté un effet secon- L’arrêt de l’ITK a été noté chez 12 patients (41,3%) avec
daire aux ITK. Cet effet était sévère chez 13 d’entre eux des effets indésirables.
(21,3%). Les patients qui ont présenté des effets secon- Une fatigue sévère a été observée chez 14 patients
daires aux ITK avaient un score bas de QdV (p=0,003), (22,9%), avec de faibles scores de QdV dans toutes les
surtout lorsque ces effets sont sévères (p=0,001). échelles (p<0,0001) (tableau 3).

Tableau 3 : Corrélation entre la fatigue et les scores de QdV.

Fatigabilité Moyenne SD Médiane Min. Max. N r p

Enormément
82 15,82 75 63 113 14 <0.0001
ou Beaucoup

Moyennement 83 12,40 82,50 61 103 12 -0.558


TOI
Un peu 101 13,84 104 70 120 23

Pas du tout 107,16 7,90 107,50 96 118 12

Enormément
65,92 11,75 64 47 94 14
ou Beaucoup

Moyennement 68,83 11,70 69 48 94 12 -0.578 <0.0001


FACT-G
Un peu 83,73 12,66 86 59 106 23

Pas du tout 86,75 9,93 87 64 102 12

Enormément
107,42 15,55 108,50 93 155 14
ou Beaucoup

Moyennement 112,58 18,54 112 94 144 12 -0.639 <0.0001


FACT-L Un peu 140,73 19,26 140,73 100 170 23

Pas du tout 146,41 12,62 146,50 117 167 12

Quarante patients (65,5 %) étaient en mesure de tra- FACIT (p=0,0001, p<0,0001, p<0,0001 respectivement,
vailler, avec des scores plus élevés dans les trois échelles corrélation de Spearman) (tableau 4).

36 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques

Tableau 4 : Corrélation entre les scores de QdV et la capacité à travailler

Etes-vous
capable de Moyenne SD Médiane Min. Max. N r p
travailler
Pas du tout ou
89 7,22 89 80 100 5
Un peu
TOI Moyennement 82,86 14,59 78 63 113 15 -0.478 0.0001
Beaucoup 96 15,41 99 61 119 33
Enormément 109,37 15,74 11,5 73 120 8
Pas du tout ou
Un peu 67 7,56 71 55 74 5
FACT-G Moyennement 65,93 8,54 67 47 83 15 -0.626 <0.0001
Beaucoup 79,72 13,06 83 48 101 33
Enormément 95 10,37 98,5 73 106 8
Pas du tout ou
Un peu 116,2 11,23 122 100 126 5
FACT-L Moyennement 109,26 14,31 109 84 138 15 -0.585 <0.0001
Beaucoup 133,33 20,92 142 87 164 33
Enormément 153,62 23,55 160,5 90 170 8

Enfin il existe une corrélation étroite entre la fatigue de rattacher l’amélioration de la QdV des patients à ce
chronique des patients et la capacité à travailler (p=0,01). changement thérapeutique.
On a trouvé que les effets indésirables des ITK altèrent
Discussion de manière significative la QdV des patients atteints de
Les ITK ont révolutionné le pronostic de la LMC, ce- LMC, surtout lorsque ces effets sont sévères.
pendant la plupart des patients auront besoin d'un trai- Si le pronostic de la LMC a évolué favorablement, cette
tement à long terme, non dénué d’effets secondaires, ce réalité nouvelle a conduit au changement dans les objec-
qui pourrait altérer leur QdV. tifs du traitement de cette pathologie jadis fatale : de la
Nous avons évalué la QdV de nos patients à l'aide de lutte pour la survie à l'atténuation des effets indésirables
l’échelle de mesure FACT-Leu. L’indice TOI du ques- de ces traitements [19]. À ce jour, la plupart des études
tionnaire FACIT est la somme du bien-être physique, ont porté sur l'impact des effets secondaires sévères des
fonctionnel, et des "préoccupations supplémentaires" ou ITK [20]. Dans les études menées par Efficace et coll., tous
sous-échelle spécifique de la leucémie. Le TOI est consi- ces effets secondaires, quel que soit leur grade pouvaient
déré comme un indice de synthèse efficace, conséquence altérer la QdV des patients [7,19,21].
physique et fonctionnelle, accompagnant la réponse de Dans notre étude, parmi ces effets secondaires, une fa-
l’hémopathie à sa thérapie spécifique. Nos résultats re- tigue chronique sévère était rapportée chez 22,9% des
joignent les données de l’étude IRIS (étude randomisée, patients avec des effets négatifs sur les trois échelles de
qui a comparé l’Imatinib à l'interféron associé à l’Ara-C QdV des patients. Efficace et coll. [7] rapportent dans
à faible dose (IFN- LDAC), alors que l’Imatinib a mon- leur étude, après des analyses uni- et multivariée, que
tré un avantage de QdV, même chez les patients qui ont seule la fatigue était un facteur indépendant influant
switché de l’association IFN-LDAC vers l’ITK [18]. la QdV des patients atteints de LMC traités par Imati-
Le score moyen du TOI était de 84,3 dans l'étude IRIS nib (p<0.01), tant sur le plan physique que sur le plan
par rapport à 93,8 dans notre étude. On peut conclure mental [7]. Dans cette même étude, l’impact des fatigues
que la plupart de nos patients sous ITK font état d'une sévères était plus important, essentiellement sur les ca-
amélioration cliniquement significative. pacités fonctionnelles des patients. Le même auteur rap-
Vingt-trois patients (37,7%) recevaient au moment de porte un taux de fatigue sévère chez 29,3 % des patients
l’évaluation de la QdV, un ITK de deuxième génération, traités par Imatinib [19].
essentiellement en seconde intention car non indiqué en Dans une autre étude publiée par Aziz et coll. [22], après
première ligne dans notre pays, cependant il est difficile 6 mois de traitement par Imatinib de 99 patients atteints

37
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

de LMC en phase chronique, le score TOI moyen est 3. Saussele S, Lauseker M, Gratwohl A, Beelen DW, Bunjes D, Schwerdtfeger R
et al (2010) Allogeneic hematopoietic stem cell transplantation (allo SCT) for
passé de 75,5 à 84,2, avec surtout une atténuation du chronic myeloid leukemia in the Imatinib era: evaluation of its impact within
degré de la fatigue, dont le score moyen diminue de 6,2. a subgroup of the randomized German CML Study IV. Blood 115(10):1880–
1885.
Il serait très probable que le degré de certains effets se- 4. Saglio G, Kim DW, Issaragrisil S, le Coutre P, Etienne G, Lobo C et al (2010)
condaires des ITK s’atténue à long terme. Nilotinib versus imatinib for newly diagnosed chronic myeloid leukemia. N
Engl J Med 362(24):2251–2259.
Un autre fait important est représenté par la capacité 5. Quintás-Cardama A, Kantarjian H, Jones D, Shan J, Borthakur G, Thomas
à travailler des patients atteints de LMC mis sous ITK. D et al (2009) Delayed achievement of cytogenetic and molecular response
is associated with increased risk of progression among patients with chronic
Notre étude montre que 67% des patients, soit environ myeloid leukemia in early chronic phase receiving high-dose or standard-
les deux tiers, étaient capables de travailler normale- dose imatinib therapy. Blood 113(25):6315–6321.
6. Phillips KM, Pinilla-Ibarz J, Sotomayor E, Lee MR, Jim HS, Small BJ et al
ment. Il existe en outre une corrélation étroite entre (2013) Quality of life outcomes in patients with chronic myeloid leukemia
cette capacité à travailler, et les différents scores de la treated with tyrosine kinase inhibitors: a controlled comparison. Support
QdV, à savoir le TOI, le FACT-G et le FACT-Leu, mais Care Cancer 21(4):1097–1103.
7. Efficace F, Baccarani M, Breccia M, Cottone F, Alimena G, Deliliers GL et
surtout entre la fatigue et la capacité à travailler. al (2013) Chronic fatigue is the most important factor limiting health-rela-
L’atténuation à long terme de la fatigue [22] et l’éducation des ted quality of life of chronic myeloid leukemia patients treated with imatinib.
Leukemia 27(7):1511–1519.
patients permettront à beaucoup de malades, non seu- 8. Efficace F, Rosti G, Cottone F, Breccia M, Castagnetti F, Iurlo A et al (2013)
lement d’adhérer au traitement mais surtout de pouvoir Profiling chronic myeloid leukemia patients reporting intentional and unin-
travailler [23,24]. Ainsi la capacité à travailler ne serait-elle tentional non-adherence to lifelong therapy with tyrosine kinase inhibitors.
Leuk Res. doi:10.1016/j.leukres.2013.07.003, [Epub ahead of print] PubMed
pas un des objectifs du traitement d’une hémopathie PMID: 23906625.
maligne chronique. 9. Efficace F, Rosti G, Aaronson N, Cottone F, Angelucci E, Molica S et al
(2013) Patient versus physician symptom and health status reporting in chro-
Malgré la taille de notre échantillon qui est réduite, nos nic myeloid leukemia. Haematologica 92(1):22– 24, [epub ahead of print]
données semblent montrer une amélioration de la QdV PubMed PMID: 24241488
10. Jabbour E, Saglio G, Hughes TP, Kantarjian H (2012) Suboptimal res-
des malades atteints de LMC traités par les ITK dans ponses in chronic myeloid leukemia: implications and management strate-
trois centres hospitaliers algériens, alors que les progrès gies. Cancer 118(5):1181–1191
thérapeutiques ont nettement amélioré la survie de ces 11. Pinilla-Ibarz J, Cortes J, Mauro MJ (2011) Intolerance to tyrosine kinase
inhibitors in chronic myeloid leukemia: definitions and clinical implications.
patients. L’adhésion au traitement et au travail est capi- Cancer 117(4):688–697
tale à la survie d’un patient. 12. Hochhaus A, O’Brien SG, Guilhot F, Druker BJ, Branford S, Foroni L et al
(2009) Six-year follow-up of patients receiving imatinib for the first-line treatment
En conclusion, la QdV est un aspect important dans la of chronic myeloid leukemia. Leukemia 23(6): 1054–1061
prise en charge de la LMC. Son évaluation est nécessaire 13. Efficace F, Cardoni A, Cottone F, Vignetti M, Mandelli F (2013) Tyrosine-
kinase inhibitors and patient-reported outcomes in chronic myeloid leuke-
et doit être régulière. Elle représente un aspect très im- mia: a systematic review. Leuk Res 37(2):206–213
portant de la réponse de cette maladie à un traitement 14. Cella D, Webster K, Beaumont J, Du H, Lai J-S, Rosen S, Tallman M, Yount
nouveau, ciblé, efficace, et long. S. Measuring health-related quality of life in leukemia: the Functional Assess-
ment of Cancer Therapy-Leukemia (FACT-Leu) Questionnaire, submitted for
15. Cella DF. Manual of the functional assessment of chronic illness therapy
Remerciements (FACIT-scales), version 4. Evanston, IL: Center on Outcomes, Research, and
Nous remercions A. Bessouiyeh et S. Bibbas, Psycho- Education (CORE), Evanston Northwestern Healthcare and Northwestern
University;1997.
logues au service d’hématologie du CHU de Sidi Bel 16. Cella D. The manual of the Functional Assessment of Chronic Illness The-
Abbès, qui ont eu la patience de recueillir les données rapy (FACIT) measurement system. Center on outcomes, research and educa-
tion. Evanston Northwestern Healthcare and Northwestern University; 1997.
auprès des malades atteints de LMC. 17. Cella DF, Tulsky DS, Gray G, et al. The Functional Assessment of Cancer
Therapy (FACT) scale: development and validation of the general measure. J
Date de soumission Clin Oncol 1993;11(3):570–9.
18. Hahn EA, Glendenning GA, Sorensen MV, et al. Quality of life in patients
15 Novembre 2021. with newly diagnosed chronic phase chronic myeloid leukemia on imatinib
versus interferon alfa plus low dose cytarabine: results from the IRIS study. J
Liens d’intérêts Clin Oncol2003; 21:2138–2146.
19. Efficace F, Baccarani M, Breccia M, et al. Health-related quality of life in
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. chronic myeloid leukemia patients receiving long-term therapy with Imatinib
compared with the general population. Blood 2011;118:4554-60
Références 20. Larson RA. CML: live long and prosper. Blood 2011;118:4499-500
1. Efficace F, Cocks K, Breccia M, Sprangers M, Meyers CA, Vignetti M et al 21. Efficace F, Breccia M, Saussele S, et al. Which health-related quality of
(2012) Time for a new era in the evaluation of targeted therapies for patients life aspects are important to patients with chronic myeloid leukemia receiving
with chronic myeloid leukemia: inclusion of quality of life and other patient- targeted therapies and to health care professionals? GIMEMA and EORTC
reported outcomes. Crit Rev Oncol Hematol 81(2):123–135. Quality of Life Group. Ann Hematol 2012; 91:1371-81
2. Lee SJ, Kukreja M, Wang T, Giralt SA, Szer J, Arora M et al (2008) Impact of 22. Aziz Z, Iqbal J, Aaqib M, Akram M, Saeed A. Assessment of quality of life
prior imatinib mesylate on the outcome of hematopoietic cell transplantation for with imatinib mesylate as first-line treatment in chronic phase-chronic mye-
chronic myeloid leukemia. Blood 112(8):3500–3507. loid leukemia . Leukemia & Lymphoma 2011; 55:9 ; 2109-2113.

38 N° 39 | Vol. VI | Novembre-Décembre 2021


®
Insuffisance rénale dans le myélome multiple

Overview of 134 patients with Immunologic Thrombocytopenic Purpura


Retrospective analysis of the clinical features and management

A. ARABI, S. BELBACHIR, L. CHAREF, S. BOUCHAMA,


B. ENTA-SOLTANE, K. AMANI, N. YAFOUR,
Hematology and Cell Therapy Service,
Hospital University Center November 1st 1954, Oran, Algeria.

Résumé
Dans cette étude rétrospective, nous avons évalué les
caractéristiques cliniques et les effets de diverses mo-
dalités de traitement sur l'évolution clinique chez des
Abstract
patients diagnostiqués avec un PTI dans notre service In this retrospective study, we evaluated the clinical fea-
entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015. Nous tures and the effects of various treatment modalities on
avons examiné rétrospectivement les dossiers médicaux the clinical course in patients diagnosed with ITP at our
de 134 (97 femmes, 37 hommes) patients. L'âge médian service between January 1st, 2013 and December 31st,
des patients au moment du diagnostic initial était de 2015. We retrospectively examined the medical records
49 ans (extrêmes : 14-86). Au diagnostic initial, 48 (36 of 134 (97 females, 37 males) patients. The median age
%) patients présentaient des signes de saignement. Cent of the patients on initial diagnosis was 49 years (range:
14-86). At initial diagnosis, 48 patients (36%) had signs of
deux de ces sujets avaient une indication de traitement
bleeding. One hundred and two of these subjects had
et tous ont été traités avec des stéroïdes standards ou an indication for treatment and all of them were treated
à forte dose comme traitement de première intention. with standard or high-dose steroids as the first-line the-
La rémission complète (RC) a été définie comme une rapy. Complete remission (CR) was defined as platelet
numération plaquettaire > 100 000/mm3 durant 3 mois count >100,000/mm3 lasting for 3 months or longer wit-
ou plus sans traitement. La RC a été obtenue chez 40 % hout treatment. CR was achieved in 40% of the patients
des patients ayant reçu des stéroïdes comme traitement given steroids as the initial therapy. Sixty-two patients
initial. Soixante-deux patients traités par Rituximab en were treated with Rituximab as a second-line therapy.
traitement de deuxième intention. Une RC a été obte- CR was obtained in 29% of the patients. Splenectomy
was performed in 18 patients and CR was obtained in
nue chez 29 % des patients. Une splénectomie a été réa-
89% of the regularly followed-up patients. Twenty-three
lisée chez 18 patients et une RC a été obtenue chez 89 % patients who relapsed after splenectomy or had medical
des patients régulièrement suivis. Vingt-trois patients conditions that contraindicated it were given Romiplos-
qui ont rechuté après une splénectomie ou qui avaient tim. CR was achieved in 83% of those patients and 8 of
des conditions médicales qui la contre-indiquaient ont those patients had a durable response after romiplostim
reçu Romiplostim. discontinuation.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Immunologic thrombocytopenic purpura. Immunologic thrombocytopenic purpura.

Introduction
Immune thrombocytopenia is mediated by platelet establish the diagnosis of ITP with accuracy. The patient’s
antibodies that accelerate destruction and inhibit their history is used to determine the presence of other medical
production. Reports of the incidence of ITP are few and disorders which may be responsible for thrombocytopenia.
their methodology is variable; for adults, the current Other medical conditions may be associated with autoim-
strongest estimate is 3,3/100.000/year (1). The dominant mune thrombocytopenia, e.g., drugs, human immunode-
clinical manifestation is bleeding, which correlates ge- ficiency virus (HIV) infection, B or C hepatitis, infection,
nerally with the severity of the thrombocytopenia. other autoimmune disorders as lupus, Ashimoto thyroi-
ITP remains a diagnosis of exclusion; there are currently ditis, coagulation disorders. Helico pylori (HP) infection
no robust clinical or laboratory parameters that are able to have been reported in studies from Italy and Japan (2,3).

39
® ®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point
Dossier

The goal of ITP management is to increase the platelet first treatment option for ITP patients, but should be
count to a safe level, letting patients out of danger while performed only after all other therapeutic modalities (10).
awaiting spontaneous or treatment-induced remission. The American Society of Hematology (ASH) suggests
ITP has no cure and relapses may occur years after see- consideration of thrombopoietin receptor agonists
mingly successful medical or surgical management (4). for patients at risk of bleeding when splenectomy is
Currently, corticosteroids (e.g., oral prednisone, intrave- contraindicated and at least one other therapy has failed,
nous methyl prednisone or high-dose dexamethasone (5,6,7) and recommends thrombopoietin receptor agonists in
are still the drug of choice for the initial management of adult patients who relapse after splenectomy and are at
acute ITP. risk for bleeding (11).
The first description of the treatment of individuals with Our goal is to set forth our opinion of the best approach
ITP with IV immunoglobulin (IVIG) was by Imbach et to managing adults with primary autoimmune throm-
al., in 1981; they noted that dose administration of IVIG bocytopenic purpura (ITP).
promoted a rapid recovery for children with ITP (8). Re-
cently, a novel approach using Rituximab, an anti-CD20 Materials and methods
chimeric monoclonal antibody, has shown promising Between January 1st, 2013 and December 31st, 2015, 134
results in patients with refractory ITP (9). Splenectomy patients with the following criteria were treated for ITP :
is another way of treating ITP, which should not be the (table 1).

Table 1: Patients characteristics:

Evolution of ITP at least one year for all patients


Median age (range) 49 (14 – 86)
Sex Ratio M/F (37/97) = 0,38
Platelet count 30x109/L to 100x109/L = 32/134 (24%)
< 30x109 /L = 102/134 (76%)
Bleeding symptoms present in 48 patients (36%)
Bleeding score above 8 8/134 (6%)

For all patients, the diagnosis of ITP was established and a renal panel.
after the following tests: platelet count in citrated Only 102 patients out of 134 (76%) were treated to
tube, peripheral blood smear examination, bone obtain a complete response (CR=platelet count above
marrow examination, standard coagulation screening 100x109/L or a Partial Response (PR) = platelet count
assays, antiphospholipid and anti-nuclear antibodies, above 30x109/L).
serum protein electrophoresis, direct coombs testing, All patients with a platelet count under 30x109/L after
testing for Hepatitis B and C infection HIV sero- one line of treatment were considered a failure and
logy, TSH levels, abdominal doppler ultrasound received a second line of treatment.

Table 2 : Therapeutic lines

No treatment required 32 patients


intravenous immunoglobulin (IVIG) as an emergency therapy (0,4 – 1g/kg/day) for 5 days 8 patients
Group 1 Corticosteroids (1mg/kg/day for three weeks) 102 patients
Group 2 Rituximab (375mg/m2/week) and Dexamethasone (40mg/week) for 4 weeks 56 patients
Group 3 Splenectomy 18 patients
Group 4 Romiplostim : 3g/kg weekly that was increased by a 1g/kg/week if a complete response 23 patients
was not achieved
When the platelet count surpasses 150x109/L for two consecutive weeks, the weekly dose
was decreased by 1g/kg
When the platelet count is above 250x109/L, the treatment is discontinued until the platelets count is
under 150x109/L again, the dose administrated then is the latest weekly dose used decreased by 1g/kg

40 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Overview of 134 patients with Immunologic
Insuffisance Thrombocytopenic
rénale Purpura
dans le myélome multiple

Results and comments 38,8% cases; in another study by Pamuk G. and al., (15),
CR was achieved in 51,9% of the patients given steroids
• Group 1 : CR was obtained in 41 patients (40%), PR as the initial therapy. Portielje JE and al., (16) recorded
in 5 patients (5%), an overall response in 45% of the a 31% CR rate and 3% PR. Even though, in all those
patients, failure to respond in 56 patients (55%). All the studies, more than half of the patients have failed to
patients failing to respond received second-line treat- respond to oral corticosteroids and had to receive a
ment and were included in the second group. second line of treatment, Prednisone is still considered
• Group 2 : CR was achieved in 16 patients (29%), PR in to be an effective initial ITP therapy.
5 patients (9%), an overall response in 38% of patients, The current results of many published case reports and
failure to respond in 35 patients (62%). Eighteen of the clinical trials using Rituximab in the treatment of ITP
patients failing to respond; underwent splenectomy and have most recently been reported showing an overall
were included in the third group. response rate of about 50%: Braenstrup and al., (17) re-
corded an overall response of 44% with 18% of CR, 15%
• Group 3 : CR was obtained in 16 patients (89%), PR in
of PR and 10% of minimal response; Arnold and al., (18)
2 patients (11%).
showed a CR of 43,6%; Stasi and al., (19) reported overall
• Group 4 : This group includes 23 patients: 6 who response of 40%. In our study, the overall response rate
relapsed after splenectomy and 17 who belong to the to Rituximab was 38% (29% of CR and 9% of PR). These
second group but are not eligible for a splenectomy. results indicate that Rituximab has a valuable effect in
CR was obtained in 19 patients (83%), PR in 3 patients patients with chronic ITP; its use as a second line treat-
(13%), a global response in 96% of the patients then, ment is justified.
and this response was durable in 8 patients. One patient Splenectomy is an effective treatment for ITP, with 66%
in this group failed to respond to the treatment. of patients achieving durable CR (20); most studies show
that splenectomy results in a stable response in 60% to
Discussion 70% of ITP patients (15,21,22,23); our current study shows
Most ITP reports in literature show that it is more common a higher success rate with CR achieved in 89% of the
in women than in men (12); our results are in accordance patients and PR in 11%, an overall initial response rate
with the available literature; in fact, the absolute majority of of 100% of all 18 patients that underwent splenectomy.
our patients are women with a sex ratio of 0,38 In the present study, Romiplostim was given to 23
In the present study, the median range at ITP onset is 49 patients, 6 which relapsed after undergoing splenec-
years with a range of 14-86 years, which is close to the tomy and 17 who had a pre-existing contraindicating
numbers given by previously published studies (12,13,14). condition.
The most commonly used first line treatment for ITP Eighty-three percent (83%) of those patients achieved a
is oral corticosteroids with a daily oral prednisone dose CR and 13% a PR with an overall response rate of 96%
of 1mg/kg. In the present study, 40% of the patients with a durable response in 8 patients after romiplos-
achieved a CR and 9% achieved a PR with an overall tim withdrawal ; those results are slightly higher than
response rate of 49%. Although not completely compa- those recorded in previous studies (table 3) ; where
rable, the response rate was similar to that reported in the treatment with romiplostim is associated with
the most recent studies. In the study done by Stasi R. short to mid-term response rate in 70 to 80% of adult
and al., (14), an initial CR to prednisone was observed in patients with ITP (30).

TABLE 3 : Studies showing the complete response rate and the sustained response after romiplostim discontinuation.

Author, year No. of patients CR rate Durable response


Kuter, 2008 (25) 83 83% 7 patients
Khellaf,2011 (26) 72 74% 2 patients
Bussel, 2009 (27) 142 87% 9 patients
Biondo, 2012 (28) 23 74% 4 patients
Biagiotti, 2013 (29) 27 81% 4 patients
Ghadaki,2013 (30) 27 29% 3 patients
Arabi, 2016 23 96% 8 patients

41
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Mise au point
Dossier

Although in most patients the withdrawal of TPO-RA of 245 patients British Journal of haematology 2003, 122(6); 966-74
therapy is associated with a drop in platelet count to the 13. Stasi R, Stipa E, Masi M, Cecconi M, Scimo MT, Olivia F, Papa G.
Long-term observation of 208 adults with chronic idiopathic thrombocy-
baseline level, in some patients the response persists topenic purpura The American Journal of medicine, 1995, 98(5); 436-42
even after treatment discontinuation, which was the 14. Aledort LM, Hayward CP, Chen MG, Nichol JL, Bussel J. Prospec-
case for 8 of our patients (34%). Generally, this pheno- tive screening of 205 patients with ITP, including diagnosis, serologi-
cal markers and the relationship between platelet counts, endogenous
menon seems to occur in 5 to 30% of TPO-RA treated thrombopoietin and circulating antithrombopoietin antibodies Ameri-
patients, highlighting a possible curative role of these can Journal of hematology 2004, 76(3); 205-13
agents bridge to recovery from cITP. 15. Pamuk G, Pamuk O, Baslar Z, Ongoren S, Soysal T, Ferhanoglu B,
Akman N Overview of 321 patients with idiopathic thrombocytope-
The mechanisms responsible are yet unknown. Pre- nic purpura Annals of hematology 2002, 81(8); 436-40
vious studies showed a correlation between the num- 16. Portielje JE, Westendorp RG, Kluin-Nelemans HC, Brand A. Morbidity and
ber of regulatory T-cells (T-Regs) and the status of mortality in adults with idiopathic thrombocytopenic purpura Blood 2001, 97(9);
2549-54
ITP activity and response to various treatments (ste- 17. Braendstrup P, Bjerrum OW, Nielsen OJ, Jensen BA, Clausen NT,
roids, rituximab, TPO-R agonists); suggesting a direct Hansen PB, Birgens HS. Rituximab chimeric anti-CD20 monoclonal
effect of platelets in modulating the immune system, in- antibody treatment for adult refractory idiopathic thrombocytopenic
purpura American journal of hematology 2005, 78(4); 275-80
ducing a possible auto-desensitizing phenomenon (30,31). 18. Arnold DM, Dentali F, Crowther MA, Meyer RM, Cook RJ, Sigouin C,
Kelton JG. Systematic review: efficacy and safety of rituximab for adults with
Date de soumission idiopathic thrombocytopenic purpura Annals of internal medicine 2007,
146(1); 25-33
19 Novembre 2021. 19. Stasi R, Pagano A, Stipa E, Amadori S. Rituximab chimeric anti-
CD20 monoclonal antibody treatment for adults with chronic idiopa-
Liens d’intérêts thic thrombocytopenic purpura Blood 2001, 98(4); 952-57
20. Kojouri K, Vesely SK, Terrell DR, George JN. Splenectomy for
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. adult patients with idiopathic thrombocytopenic purpura: a systema-
tic review to assess long-term platelet count responses, prediction of
References response, and surgical complications. Blood 2004, 104(9); 2623-34.
21. Mc Milan R, Durette C. Long-term outcomes in adults with
1. Terrell DR, Beebe LA, Vesely SK, Neas BR, Segal JB, George JN. chronic ITP after splenectomy failure. Blood,2004, 104(4), 956-60.
The incidence of immune thrombocytopenic purpura in children and 22. Portielje JE, Westendorp RG, Kluin-Nelemans HC, Brand A.
adults: A critical review of published reports Am J Hematol 2010 Mar; Morbidity and mortality in adults with idiopathic thrombocytope-
85(3); 174-80 nic purpura. - Blood 2001, 97(9); 2549-2554.
2. Emilia G, Longo G, Luppi M, et al. Helicobacter Pylori eradication can induce 23. Fenaux P, Caulier MT, Hirschauer M, Beuscart R, Goudemand
platelet recovery in idiopathic thrombocytopenic purpura Blood. 2001; 97: J, Bauters F. Re-evaluation of the prognostic factors for splenectomy in
812-814 chronic idiopathic thrombocytopenic purpura (ITP): a report on 181
3. Kohda K, Kuga T, Kogawa K, et al. Effect of Helicobacter pylori era- cases. European journal of haematology 1989, 42(3); 259-64.
dication on platelet recovery in Japanese patients with chronic idiopa- 24. Kuter DJ, Bussel JB, Lyons RM, Pullarkat V, Gernsheimer TB,
thic thrombocytopenic purpura and secondary autoimmune throm- Senecal FM, Liebman HA. Efficacy of romiplostim in patients with
bocytopenic purpura Br J Haematol. 2002; 118: 584-588 chronic immune thrombocytopenic purpura: a double-blind ran-
4. Sander SG, Tutuncuoglu SO Immune thrombocytopenic purpura – domised controlled trial. The Lancet 2008, 371(9610); 395-03.
current management practices Expert Opin Pharmacother 2004 Dec., 25. Khellaf M, Michel M, Quittet P, Viallard JF, Alexis M, Roudot-
5(12); 25; 15-27 Thoraval F, Lambotte O. Romiplostim safety and efficacy for immune
5. Mazzucconi MG, Fazi P., Bemasconi S. & al. Therapy with high-dose thrombocytopenia in clinical practice: 2-year results of 72 adults in
dexamethasone (HD-DXM) in previously untreated patients affec- a romiplostim compassionate-use program. Blood 2011, 118(16);
ted by idiopathic thrombocytopenic purpura: A Gimena experience 4338-45.
Blood 2007 Feb 15: 109(4); 1401-7 26. Bussel JB, Kuter DJ, Pullarkat V, Lyons M, Guo M, Nichol JL.
6. Borst F., Keuning JJ., van Hulstein H., Sinnige H., Vreugdenhil G. High- Safety and efficacy of long-term treatment with romiplostim in
dose dexamethasone as first and second line treatment of idiopathic throm- thrombocytopenic patients with chronic ITP. Blood 2009, 113(10);
bocytopenic purpura in adults Am Hematol 2004 Dec.: 83(12); 764-8 2161-71.
7. Cheng Y., Wrong RS., Soo YO., et al. Initial treatment of immune throm- 27. Biondo F, Santoro C, Baldacci E, Leporace A, Foa R, Mazzucco-
bocytopenic purpura with high-dose dexamethasone N. Engl. J. Med. 2003 ni M.G. Persistent response after romiplostim discontinuation in
Aug 28: 349(9); 831-6 patients affected by primary thrombocytopenia. In 17th Congress
8. Imbach P, Barandun S, d’Apuzzo V et al. High-dose intravenous of the European Haematology Association, Amsterdam, The Ne-
gammaglobulin for idiopathic thrombocytopenic purpura in child- therlands, 2012 (June)
hood Lancet 181, jun 6. 1(8232); 1228-31 28. Biagiotti C, Carrai V, Alterini R, et al. Persistent remission of
9. Saleh MM, Gutheil J, Moore M, et al. A pilot study of anti-CD20 chronic immune thrombocytopenia after romiplostim disconti-
MoAb rituximab in patients with refractory immune thrombocytope- nuation. 44th Congress of the Italian Society of Hematology, Vero-
nic purpura (ITP) Blood 2000; 96: 252a na, Italy, October 20–23, 2013. Haematologica 2013; 98: 103
10. Bell WR Jr Long-term outcome of splenectomy for idiopathic throm- 29. Ghadaki B, Nazi I, Kelton JG, Arnold DM. Sustained remissions
bocytopenic purpura Semin Hematol 2000, Jan 37 (1 Suppl 1); 22-25 of immune thrombocytopenia associated with the use of thrombo-
11. Neunert C, Lim W, Crowther M, Cohen A, Solberg L. Crowter poietin receptor agonists. Transfusion 2013, 53(11); 2807-12.
MA the American Society of Hematology 2011 evidence-based prac- 30. Bosi A, Carrai V, Musso M, Scalone R, Crescimanno A, Porretto F,
tice guideline for immune thrombocytopenia Blood 2011 Apr 21., Azzi A. Open questions in the treatment of immune thrombocytopenic
117(16); 4190-207 purpura. Drugs and Cell Therapies in Hematology 2014, 3(2); 55-72.
12. Neylon AJ, Saunders PW, Howard MR, Proctor SJ, Taylor PR. Cli- 31. Fleischer J, Grage-Griebenow E, Kasper B, et al. Platelet factor 4 inhi-
nically significant newly presenting autoimmune thrombocytopenic bits proliferation and cytokine release of activated human T cells. J Immu-
purpura in adults: a prospective study of a population-based cohort nol 2002; 169: 770-7.

42 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Hémophilies acquises,
Défis et difficultés de prise en charge en pratique quotidienne :
Expérience du CHU d’Oran en Algérie.
R. MESSAOUDI (1), A. CHERIF HOSNI (1), N. LAHMAR (1),
R. MRABET (1), A. MOUEDEN (2), D. BELALDJ (2), D. SAIDI (1),
H. TOUHAMI (1)
(1) Service d’Hématologie,
(2) Service d’Hémobiologie.
CHU Benaouda Benzerdjeb, Oran.

Résumé
Introduction : l’hémophilie acquise est une maladie
rare. Le diagnostic est évoqué devant l’absence d’histoire
hémorragique personnelle et familiale, un allongement
isolée du TCA non corrigé par le test du mélange, une Abstract
baisse de l’activité du facteur VIII ou IX. Il est confirmé
Introduction : Acquired haemophilia is a rare disease.
par la présence d’un auto-anticorps anti-FVIII et/ou The diagnosis is evoked by the absence of personal and
un anticorps anti-IX. Patients et méthodes : Recueil des family haemorrhagic history, an isolated prolongation
données de 06 patientes (05 patientes présentant une of the aPTT not corrected by the test of the mixture, a
hémophilie A acquise et 01 patiente avec une hémophi- decrease in the activity of factor VIII or IX. It’s confirmed
lie B acquise), à partir des dossiers médicaux des pa- by the presence of an autoantibody FVIII or an anti-IX. Pa-
tients suivis au niveau du centre hospitalo-universitaire tients and methods: Collection of data from 06 patients
d’Oran. Résultats : Nous avons recensé 06 patientes, la (05 patients with acquired haemophilia A and 01 patient
plus jeune est âgé de 27 ans et la plus âgé est de 42 ans. with acquired haemophilia B), from the medical files of
patients monitored at the university hospital in Oran. Re-
Le titre de l’inhibiteur varie de 19,2 à 179 UB. L’enquête
sults: We identified 06 patients, the youngest is 27 years
étiologique retrouve 03 hémophilies A acquises du old and the oldest is 42 years old. The titer of the inhibi-
post-partum et 02 patientes présentant un terrain d’au- tor ranges from 19.2 to 179 BU. The etiological investiga-
to-immunité ; une patiente présente une hémophilie B tion found 03 acquired haemophilia A postpartum and
acquise secondaire à un état dys-immunitaire. Le traite- 02 patients with an autoimmunity ground; one patient
ment repose principalement sur les agents by-passant presented with acquired haemophilia B secondary to a
et la corticothérapie pour l’éradication de l’inhibiteur. dys-immune state. The treatment is mainly based on by-
Nous avons associé les cyclophosphamides et les anti- passing agents and corticosteroid therapy for eradication
corps monoclonaux chez 02 patientes, après échec à la of the inhibitor. We combined cyclophosphamides and
monoclonal antibodies (anti-CD20) in 02 patients, after
corticothérapie. Conclusion : La difficulté de la prise
failure of corticosteroid therapy. Conclusion: The difficul-
en charge de l’hémophilie acquise nécessite un travail ty of managing acquired haemophilia requires collabora-
collaboratif entre les différentes spécialités (hématolo- tive work between the different specialties (haematolo-
gistes, internistes, gynécologues, hémobiologistes), et la gists, internists, gynaecologists, hemobiologists) and the
mise en place d’un réseau national multidisciplinaire. establishment of a national multi-disciplinary network.
Ce réseau a pour mission l’élaboration des recomman- This network's mission is to develop national recommen-
dations nationales de diagnostic et de prise en charge dations for diagnosis and treatment according to local
en fonction des conditions locales. conditions.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Hémophilie A et B acquise, auto-anticorps, agents by- Acquired haemophilia A and B, auto-antibodies, by
passant, traitement éradicateur. passing agents, eradicator treatment.

45
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Introduction
L’hémophilie acquise (HA) est une maladie hémorra- d’hémobiologies du CHU et de l’EHU d’Oran. Ce bilan
gique rare, d’une incidence très faible estimée à 1,5 cas comprend :
par million d’habitants et par an. La maladie survient Le temps de céphaline + activateur : pour réaliser un
le plus souvent au-delà de 60 ans, un autre pic de fré- TCA tout en respectant les conditions pré-analytiques,
quence apparaît en période du post-partum chez les le prélèvement de sang veineux se fait en général au pli
femmes de 30 ans [1,2]. du coude avec un tube contenant un anticoagulant. Le
Elle se manifeste cliniquement par des ecchymoses tube devra être suffisamment rempli (9 volumes de sang
très entendues et spontanées. L’hémophilie acquise se pour 1 volume de citrate) et bien agité. Le prélèvement
manifeste également par des hématomes musculaires, doit être réalisé en évitant la pose trop prolongée d'un
des hémarthroses, des hémorragies viscérales graves et garrot, pour ne pas fausser les résultats. Au laboratoire,
des hémorragies du post-partum. L’absence d’histoire le TCK est le temps de coagulation d'un plasma dépla-
hémorragique personnelle et familiale, un allongement quetté, recalcifié en présence de phospholipides (cépha-
isolée du TCA non corrigé par le test du mélange per- line) et d'un activateur (le kaolin) du système contact de
mettent d’évoquer le diagnostic. Une baisse de l’activité la coagulation. Les résultats sont exprimés en secondes
du facteur VIII ou IX inférieur à 30% et la présence par rapport au témoin ou sous forme d’un rapport :
d’un auto-anticorps anti-FVIII titré par la méthode temps du malade/temps du témoin. Les valeurs sont
de Bethesda Nejmegen (titre supérieur à 0,4 unités très variables selon la technique utilisée (de l'ordre de 27
Bethesda), et ou anticorps anti-IX confirme l’hémophi- à 35 secondes). Le TCA est dit allongé lorsque le ratio
lie acquise. Dans 50% des cas, l’hémophilie acquise est patient/témoin est supérieur à 1,2 [6].
dite idiopathique sans aucune cause évidente. L’auto-an-
ticorps anti-VIII ou IX peut survenir au cours des ma- Le test de correction et le calcul de l’indice de
ladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus Rosner : c'est un test de dépistage, il permet la distinc-
érythémateux disséminée, syndrome sec) dans 11,6% tion entre le déficit en facteur et la présence d’un anti-
des cas, des tumeurs solides (11,8%). coagulant circulant. L’épreuve de correction doit être
effectuée à T0 et 2 heures après incubation à 37 °C. La
Il peut survenir également au cours des transfusions san-
notion de correction est évaluée de manière objective
guines, des prises médicamenteuses, des gammapathies
par l’indice de Rosner (IR) dont la formule est la sui-
monoclonales de signification indéterminée MGUS et
vante :
certaines maladies dermatologiques. Cependant le post-
• IR = [(temps du mélange-temps du témoin) / temps
partum représente 10% des circonstances de découverte
du malade] ×100
de l’hémophilie acquise, l’anticorps apparait 1 à 5 mois
• r IR < 12 : il y a correction, ce qui est en faveur d’un
après l’accouchement, le plus souvent, survient à l’issu
déficit en facteur,
de la première grossesse [3]. La stratégie thérapeutique
• r 12 < IR < 15 : résultat douteux,
repose sur un traitement d’urgence des manifestations
• r IR > 15 : il n’y a pas de correction, ce qui est en faveur
hémorragiques graves par un agent by-passant ou les
de la présence d’un inhibiteur [4,7].
immunoglobulines polyvalentes et un traitement de
fond qui vise à éradiquer l’anticorps anti-FVIII ou IX, Le dosage du facteur VIII ou IX : Les dosages des fac-
par un traitement immunosuppresseur type corticostéroïde, teurs VIII et IX sont effectués par méthode chronomé-
cyclophospahamide, ou des anticorps monoclonaux type trique (mesure de l’activité VIII : C et IX : C) ; mesure
anti-CD20 en plus du traitement de l’affection causale [4,5]. d’un temps de coagulation d’un mélange à volume égal
du plasma du malade dilué au 1/10 et du réactif défi-
Patients et méthodes cient en facteur VIII ou IX. Le temps mesuré est expri-
Recueil des données à partir des dossiers médicaux des mé en pourcentage d’activité en se référant à une courbe
patients suivis au niveau du Centre Hospitalo-Universi- de calibration établie à partir d’un plasma témoin ayant
taire Benaouda Benzerdjeb d’Oran. Nous avons récolté 100% d’activité. Il est essentiel de doser les facteurs du
toutes les manifestations cliniques hémorragiques, TCA après plusieurs dilutions du plasma du malade. En
hématologiques et extra-hématologiques, ainsi que présence d’un anti-FVIII ou anti-IX, le taux du facteur
l’aspect évolutif et les antécédents des patients. Le bilan VIII ou IX reste bas quelle que soit la dilution [6]. En cas
coagulation standard et spécialisé, tout en respectant les d’anticoagulant circulant type lupique, le dosage se nor-
conditions pré-analytiques, au niveau des laboratoires malise à des dilutions élevées [8].

46 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge

Le titrage des inhibiteurs par la méthode Bethesda Les manifestations hémorragiques ont été trouvées chez
Nejmegen : Le diagnostic de l’hémophilie acquise est tous les patients, types ecchymoses étendues (figure 1, 2)
confirmé par la recherche et le titrage de l’auto-anticorps chez 5 patientes, des hématomes musculaires dans 3 cas,
anti-FVIII par méthode de Bethesda. Ce test consiste à gingivorragies, hémarthroses et hémopéritoine dans un
mesurer le FVIII résiduel après deux heures d’incuba- seul cas. Le diagnostic biologique reposait sur un allon-
tion à 37°C sur un mélange à parties égales d’un plasma gement isolé du TCA et un test de correction négatif
normal témoin avec différentes dilutions du plasma du chez toutes les patientes, avec un indice de Rosner entre
malade. Il est nécessaire de chauffer le plasma du patient 15 et 27,5. Le dosage du facteur VIII est de moins de 1%
à 56°C pendant 30 minutes, afin de dissocier la totalité dans 4 cas et de 2% dans un seul cas, concluant à une hé-
du complexe anticorps-FVIII. Une unité Bethesda est mophilie A acquise chez 05 patientes. Nous avons dia-
définie comme la quantité d’anticorps anti-FVIII neu- gnostiqué 1 cas d’hémophile B acquise, le dosage du fac-
tralisant 50% du facteur VIII apporté par le plasma de teur IX est effondré à 23% et un facteur VIII augmenté à
référence [4,7]. 238%. Le titrage des inhibiteurs retrouve un titre élevé :
Le recueil des données comprend aussi le nombre d’épi- plus de 5 U Bethesda chez les 05 hémophiles A acquise,
sodes hémorragiques ayant nécessité un traitement par le titre est respectivement de 19, 2, 32, 54, 8, 83 et 179
un agent by-passant ou immunoglobuline polyvalente, UB. Après une enquête étiologique minutieuse, nous
le traitement de fond ainsi que l’évolution de l’inhibiteur. avons retenu le diagnostic d’une hémophilie A acquise
du post-partum chez 03 patientes, 1 cas secondaire à un
Résultats lupus et 1 autre secondaire à un lupus et maladie der-
Nous avons recensé dans notre série 6 patients, tous de matologique type pelade traité par du plasma riche en
sexe féminin dont la plus jeune est âgée de 27 ans et la plaquettes PRP. Chez une patiente nous avons retenu le
plus âgée est de 42 ans. Le post-partum était la circons- diagnostic d’une hémophilie B acquise sur un terrain
tance de découverte chez 3 patientes, chez une patiente dys-immunitaire (anémie hémolytique auto-immune et
l’hémophilie acquise a compliqué l’évolution d’un lupus. une sarcoïdose) voir tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques clinico-biologiques des patientes avec une hémophilie acquise

Paramètres Patient N°1 Patient N°23 Patient N°3 Patient N°4 Patiente N°5 Patient N°6
Age (ans / sexe) 42/Féminin 27/Féminin 36/ Féminin 18/Féminin 34/Féminin 32/Féminin
2 mois Post-partum 8 mois :
Évolution 4 mois post-partum 5 mois 1 an
post-partum immédiat arthralgie
Asthme Aucun Pelade G3P3
Aucun antécédent G5 P3
Antécédents bronchique antécédent Injection de Lupus sous
G1P1 (2 avortement)
G3P3 G1P1 PRP Plaquenil
Hémorragies Ecchymose Ecchymose étendues de la Ecchymose Ecchymose éten- Ecchymose
Non
cutanées étendue (7/10 cm) cuise étendue dues de l’abdomen étendue
Hémorragies
NON Gingivorragies Non Non Non Non
muqueuses
Hémarthrose Hématome
Hémarthroses- Hématome Hématome
genou gauche (1) musculaire (3) Non
hématomes musculaire musculaire
Hémarthrose du genou droit (1) Hémopéritoine
TCA (T) sec 59 (31) 62 (29) 81,5(30) 73(31) 56 69 (31)
Indice de Rosner 15 16 61 27,5 19 27,4
Test de correction Négatif Négatif Négatif Négatif Négatif Négatif
IX : 23%
FVIII ou IX VIII : 0,5% VIII : <1% VIII : 1% VIII : 2% VIII<1%
VIII : 234%
Titre d’inhibiteur
19,2 83 32 54,8 179 /
UB
Hémophilie B
Hémophilie Hémophilie A
Hémophilie A Hémophilie A acquise :
Hémophilie A acquise du A acquise : acquise
Etiologie acquise du acquise du Sarcoïdose
post-partum Pelade Lupus
post-partum post-partum AHAI
Lupus
(TCD+)

47
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

traitement par du facteur VII recombinant ; 1 épisode


qui n’a pas répondu au traitement par du rFVIIa a été
traité efficacement par le aPCC tableau 2.
Tableau 2 : Efficacité des agents by-passant dans le traitement des
épisodes hémorragiques (n=9)

rFVIIa
Type d’épisode
Efficace Non efficace
hémorragique (n)
Hémarthroses (2) 2 0
Hématome
Figure1 : Ecchymose étendue de l’abdomen 4 1(aPCC)
musculaire (5)
Ecchymose étendue de
1 0
la cuisse (1)
Hémopéritoine (1) 1 0

Le traitement de fond initial était à base de corticothé-


rapie chez toutes nos patientes. L’évolution est marquée
par la disparition du syndrome hémorragique et la né-
gativation des anticorps circulants chez 3 patientes dont
1 patiente avec une hémophilie B acquise. Une patiente
qui présentait une hémophilie A acquise du post-par-
tum n’a pas répondu à 02 cures de corticothérapie, et
a été traité efficacement par un anticorps monoclonal
type anti-CD20 (l’évolution des ACC en fonction du
traitement de fond figure 3). Une autre patiente qui pré-
Figure 2 : Ecchymose étendue de l'avant-bras chez une patiente sente une hémophilie A acquise compliquant l’évolution
présentant une hémophilie A Acquise. d’un lupus a été traitée par corticothérapie et cyclos-
phosphamide, patiente non encore évaluée. Le délai de
Nous avons traité 9 épisodes hémorragiques sur 17, ob- la négativation des auto-anticorps a été respectivement
servés chez nos patientes. Huit épisodes ont répondu au de 1, 2, 3 et 8 mois tableau 3.
Tableau 3 : Modalités thérapeutiques des épisodes hémorragiques

Patient N° 1 Patient N° 2 Patient N°3 Patient N°4 Patient N°5 Patient N°6
Nombre d’épi-
sodes hémor- 2 5 4 2 2 2
ragiques
Épisodes 1/VII
0 3/ VIIr 4 /VIIr 1/VIIr 0
traités 1/FEIBA
Corticoïde
Traitement de Corticoïde
Corticoïde Corticoïde Corticoïde Ig polyvalente Corticoïde
fond Ritixumab
Endoxan
Absence Absence Absence Absence Diminution de Absence
d’hémorragie d’hémorragie d’hémorragie d’hémorragie l’hémorragie d’hémorragie
Évolution
TCA normal TCA normal TCA normal TCA normal TCA normal TCA normal
ACC(-) ACC(-) ACC(-) ACC(-) ACC non fait
Délai de
négativation 1 mois 3 mois 8 mois 8 mois En cours 2 mois
des AC

48 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge

Titre de l’inhibiteur
250

200 200 200


Corticoide ANTI-CD20
150
Titre de l'inhibiteur
100
65 Linéaire
50 (titre de l’inhibiteur)
32 30
0
1 2 3 4 5 6 7 8 mois

Figure 3 : L'évolution des inhibiteurs chez une patiente qui présente une hémophilie A acquise du post-partum traité par corticothérapie
et anti-CD20.

Le graphe ci-dessus représente l’évolution des inhibi- Dans la majorité des études, l’hémophilie acquise sur-
teurs chez une patiente qui présente une hémophilie A vient chez les primipares ; dans notre série nous avons
acquise du post-partum avec un titre élevé d’inhibiteur 02 primipares et une patiente après le 3ème geste.
à 32 UB. Elle a été traitée par corticothérapie à la dose Le tableau clinique est caractérisé par des ecchymoses
de 1 mg/kg pendant 4 semaines puis dégression pro- étendues chez 53,2% patients, des hématomes muscu-
gressive. Après négativation de l’inhibiteur, nous avons laires (50,2%), des hémorragies muqueuses et rétro-pé-
noté la reprise de la symptomatologie hémorragique, ritonéales (31,6%) ainsi que des hémarthroses (4,9%)
le titrage de l’inhibiteur est à 30 UB. Nous avons mis sur 479 épisodes hémorragiques analysés. Dans notre
la patiente sous corticothérapie à 1,5 mg/kg pendant 3 série, le tableau clinique est dominé par des ecchymoses
semaines puis dégression progressive ; cependant nous étendues, des hématomes musculaires, des hémar-
avons observé une remontée de l’inhibiteur à 200 UB. throses ainsi qu’un hémopéritoine [10].
Nous l’avons mise sous thérapie ciblée type anti-CD20 Cependant, sur les 501 patients présentant une hémo-
(Rituximab) à raison de 375mg/m2 par semaine (total : 4 philie A acquise, 482 patients soit 96,2% ont présenté
cures). L’éradication d’auto-anticorps anti-VIII est obte- une syndrome hémorragique ; par contre 19 patients
nue après 08 mois d’évolution [9]. soit 3,8% n’ont présenté aucun symptôme. Pour l’hémo-
Discussion philie acquise du post-partum toutes les patientes ont
Dans notre série nous observons une prévalence éle- présenté une hémorragie soit 41 cas (8,9%). Au cours
vée de l’hémophilie acquise chez les patientes de sexe des maladies auto-immunes, 65 patients (14,1%) ont
féminin. Le post-partum et les maladies auto-immunes présenté un syndrome hémorragique contre 2 patients
représentent la majorité des étiologies. L’European sans aucun symptôme soit 10,5%.
Aquired Hemophilia Registry en 2012 montre la préva- Dans le cas d’hémophilie A acquise secondaire à des
lence de l’hémophilie acquise chez les femmes, le post- tumeurs solides, les hémorragies sont observées dans 53
partum représente 42 cas dans une série de 235 femmes cas soit 11,5% contre 2 cas sans hémorragies soit 10,5%.
soit 18%, avec une moyenne d’âge de 33,9 ans [10]. Ces Au cours de l’hémophilie A acquise idiopathiques, 250
résultats sont concordants avec notre série malgré le patients soit 54,3% ont présenté des épisodes hémorra-
faible effectif. giques, par ailleurs 10 patients sur 19, soit 52,6%, n’ont
Les circonstances de découverte sont des hémorragies présenté aucun symptôme [10]. Dans notre série les épi-
spontanées dans 77,4% des cas, post-traumatiques dans sodes hémorragiques sévères comportaient les hémor-
8,9% des cas, post-chirurgicales (8,2%) et du post-par- ragies du post-partum, les hématomes musculaires, les
tum (3,8%) selon les données l’EAH 2012 [10]. hémarthroses et un hémopéritoine.

49
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Les saignements modérés comportaient des ecchymoses Cependant les autres patients nécessitent un traite-
et des gingivorragies. ment immunosuppresseur visant à éradiquer l’auto-an-
La confirmation du caractère auto-immun de l’hémophile ticorps. Le traitement de première ligne est à base de
nécessite le recours à un bilan de coagulation standard corticothérapie, qui est efficace dans 58% des cas [14],
comportant le temps de céphaline + activateur, un test l’association avec les cyclophosphamides augmenterait
de mélange et le calcul de l’indice de Rosner, le titrage l’efficacité à 80% [15]. Le 1/3 des patients réfractaires né-
de l’inhibiteur par la méthode Bethesda Nejmegen [11,21]. cessitent un traitement par les anticorps monoclonaux
Dans notre série, toutes nos patientes avec une hémo- anti-CD20. Une réponse complète au rituximab (inhi-
philie A acquise présentent un fort titre d’inhibiteur biteurs indétectables et normalisation de l'activité du
> à 5 UB, avec des valeurs dissemblables allant de 19,2 facteur VIII) survient plus tard, généralement pendant
à 179 UB. Le registre EAH rapporte un titre entre 0,7 et plusieurs semaines à plusieurs mois après début de la
348 UB [10]. thérapie ciblée [16,17]. En revanche, certains patients pré-
Le traitement des épisodes hémorragiques dépend de la sentant un inhibiteur persistant nécessitent des traite-
sévérité de l’épisode et du taux d'inhibiteur. Les patients ments répétés ou une association avec la prednisone et/
avec un faible titre d'inhibiteur (< 5 U) peuvent être ou le cyclophosphamide en plus du rituximab. D’autres
traités avec des concentrés de FVIII, administré à une options thérapeutiques peuvent être utilisées telles que
dose suffisamment élevée pour saturer l'inhibiteur afin les immunoglobulines polyvalentes qui visent à éra-
que les taux hémostatiques de facteur VIII puissent être diquer l’auto-anticorps dans les situations d’urgence.
atteints. Chez les patients avec un titre élevé d'inhibi- Dans notre série, 4 patientes ont répondu d’une manière
teur (>5 UB), un contrôle efficace des saignements aigus efficace à la corticothérapie, une patiente a nécessité le
peut être obtenu par des agents by-passant (concentré recours aux cyclophosphamides en association avec les
de complexe prothrombinique activé aPCC et facteur corticoïdes. Une seule patiente avec une hémophilie A
VII recombinant activé (rFVIIa). Ils sont efficaces dans acquise du post-partum a nécessité le recours à l’anti-
92,8% des épisodes hémorragiques, 91,2% pour le rF- CD20, après l’échec à 02 cures de corticothérapie. Hut-
VIIa et 93,3% pour le aPCC [12]. Kuhne A et al., décrit des résultats similaires [18].
Chez les patients avec un titre élevé d’inhibiteur présen- Le délai de la négativation des auto-anticorps varie de 1
tant une hémorragie sévère, une plasmaphérèse ou une mois à 8 mois dans notre série [19].
immunoadsorption peut être utilisée avant la mise en Chez une seule patiente nous avons diagnostiqué une
route du traitement by-passant pour éliminer l’auto-an- hémophilie B acquise, plus rare que l’hémophilie A
ticorps [13,20]. Dans notre série toutes les patientes ont acquise. Le syndrome hémorragique est limité à une
été traitées en fonction de la disponibilité du produit. ecchymose étendue ; l’enquête étiologique retrouve un
Le rFVIIa était efficaces dans tous les épisodes hémorra- terrain dys-immunitaire (sarcoïdose, anémie hémoly-
giques (n=8), un épisode qui n’a pas répondu au facteur tique auto-immune à test de Coombs direct positif).
rFVIIA a été traité efficacement avec du aPCC. L’anticorps anti-IX est éradiqué rapidement en 02 mois
L’éradication de l’inhibiteur est nécessaire pour rétablir par une simple corticothérapie en plus de la normali-
une hémostase normale et prévenir les épisodes hémor- sation du taux d’hémoglobine. Cependant le facteur IX
ragiques. Un quart des patients guérissent spontané- semble moins immunogène que le facteur XIII ; du fait
ment, en particulier au cours de l’hémophilie acquise de l’homologie des séquences avec les autres facteurs
du post-partum et/ou secondaire à une prise médica- vitamine-K-dépendants, responsables de la tolérance
menteuse. vis-à-vis du soi [22].

Site de clivage par


les furines

Gla EGF1 EGF2 Peptide d'activation Domaine catalytique

C C

Figure 4 : Le facteur IX (B) est composé de chaines légères (1 domaine Gla Gamma Carboxy Glutamic et 2 domaines EGF Epidermal
Growth Factor) et de chaines lourdes ( domaine d’activation et domaine catalytique) relièes par un pont dissulfure.

50 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge

Conclusion 6. GFHT : recommandations préanalytiques en hémostase, révision octobre


2015. www.geht.org.
Malgré la rareté de l’hémophilie acquise, sa prise en 7. Huth-Kühne A, Baudo F, Collins P, et al. International recommendations on
the diagnosis and treatment of patients with acquired hemophilia A. Haemato-
charge nécessite une attention particulière par la mise logica 2009;94:566-75.
en place au niveau national d’un registre de l’hémophilie 8. Greaves M, Cohen H, MacHin SJ, et al. Guidelines on the investigation and
management of the antiphospholipid syndrom. Br J Haematol 2000;109:704-15
acquise, afin de recenser le maximum de cas et ressortir 9. R. Messaoudi, A. Bensahli, A. Cherif-Hosni, Y. Rahal, D. Belaldj And H.
les caractéristiques socio-épidémiologiques, cliniques et Touhami Acquired hemophilia postpartum. Journal of the World Federation of
évolutives de la maladie. Ceci va permettre une meil- Hemophilia 2014, 20 Suppl 3: 1-186
10. Baudo F, Collins P, Huth-Kuhne A, Levesque H, Marco P, Nemes L, et al.
leure compréhension de la maladie et une uniformi- Management of bleeding in acquired hemophilia A: results from the European
sation des conduites diagnostiques et thérapeutiques ; Acquired Haemophilia (EACH2) Registry. Blood 2012;120:39–
11. Lévesque H, Borg JY, Bossi P, Goudemand J, Guillet B, Cabane J. L’hémo-
ainsi que de valider des schémas thérapeutiques en fonc- philie acquise : approches diagnostiques et thérapeutiques actuelles. Rev Med
tion des conditions locales et des produits disponibles. Interne 2001;22:854–66
12. Knoebl P, Marco P, Baudo F, Collins P, Huth-Kuhne A, Nemes L, et al. Demo-
Cependant la prise en charge de l’hémophilie acquise graphic and clinical data in acquired hemophilia A: results from the European
nécessite un travail collaboratif entre les différentes Acquired Haemophilia Registry (EACH2). J Thromb Haemost 2012;10:622–31
spécialités (hématologistes, internistes, gynécologues, 13. Hay CR, Colvin BT, Ludlam CA, Hill FG, Preston FE. Recommendations
for the treatment of factor VIII inhibitors: from the UK Haemophilia Centre
hémobiologistes) et la mise en place d’un réseau natio- Directors Organisation Inhibitor Working Party. Blood Coagul Fibrinolysis
nal multidisciplinaire, qui a pour tâche l’élaboration des 1996;7:134–8
14. Spero JA, Lewis JH, Hasiba U. Corticosteroid therapy for acquired factor
recommandations nationales de prise en charge. VIII: C inhibitors. Br J Haematol 1981;48:635–42
15. Green D, Rademaker AW, Briet E. A prospective randomised trial of pred-
Date de soumission nisolone and cyclophosphamide in the treatment of patients with factor VIII
autoantibodies. Thromb Haemost 1993;70:753–7.
07 Août 2021. 16. Massimo Franchini. Rituximab in the treatment of adult acquired hemophi-
lia A: A systematic review Critical Reviews in Oncology/Hematology 63 (2007)
Liens d’intérêts 47–52
17. Stachnik JM. Rituximab in the treatment of acquired hemophilia. Ann Phar-
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. macother 2006;40:1151–7
18. Hut-Kuhne A, Lages P, Zimmermann R. Successful inhibitor elimination
Références with rituximab in acquired hemophilia A and a patient with a carrier status
for hemophilia A-two case reports. J Thromb Haemost 2005;3(Suppl 1). P1830
1. Huth-Kühne A, Baudo F, Collins P, Ingerslev J, Kessler CM, Lévesque H, et al. [abstract].
International recommendations in the diagnosis and treatment of patients with 19. Messaoudi R, Saidi D, Lahmar N, Belaldj D, Mouaden A, Bensahli M, Djaafri
acquired hemophilia A. Haematologica 2009;94:566–75 M, Touhami H. The Experience of Oran University Hospital in Algeria in the
2. Collins P, Hirsch S, Baglin TP, Dolan G, Hanley J, Makris M, et al. UK haemo- Management of Acquired Hemophilia [abstract]. Res Pract Thromb Haemost.
philia centre doctor’s organisation. Acquired hemophilia A in the united Kingdom: 2021; 5 (Suppl 1).
a 2-year national surveillance study by the United Kingdom Haemophilia Centre 20. Guillet B, Kriaa F, Huysse MG, Proulle V, George C, Tchernia G, D’Oiron
Doctor’s Organisation. Blood 2007;109:1870–7 R, Laurian Y, Charpentier B, Lambert T, Dreyfus M (2001) Protein A sepha-
3. Shetty S, Bhave M, Kanjaksha Ghosh K. Acquired hemophilia A: diagnosis, aetio- rose immunoadsorption: immunological and haemostatic effects in two cases of
logy, clinical spectrum and treatment options. Autoimmune Rev 2011;10:311–6 acquired haemophilia. Br J Haematol 114:837–844
4. Collins P, Baudo F, Huth-Kühne A, Ingerslev J, Kessler CM, Mingot-Castellano 21. Verbruggen B, Novakova I, Wessels H, Boezeman J, van den Berg M, Mau-
ME, et al. Consensus recommendations for the diagnosis and treatment of acquired ser-Bunschoten E., (1995) The Nijmegen modification of the Bethesda assay for
hemophilia A. BMC Res Notes 2010;3:161. factor VIII:C inhibitors: improved specificity and reliability. Thromb Haemost
5. A. Millet, O. Decaux, B. Bareau, B. Guillet, C. Cazalets, A. Perlat, P. Jego, B. Gros- 73:247–2513333
bois. Efficacité du rituximab dans les hémophilies acquises : à propos de deux cas et 22. Jeddid I, Hdiji S, Ajmi N et al. Acquired haemophilia B : a case report and
revue de la littérature. La Revue de médecine interne 28 (2007) 862–865 literature review. Ann Biol Clinique (Paris) 2011 ; 69(6) : 685-8.

Retrouvez tous les numérosde l'année 2018 sur


www.el-hakim.net
www.el-hakim.net

elhakimmedecine elhakim.revuemedicale linkedin.com/in/el-hakim el_alg

51
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Quel est l’apport de la synoviorthèse


Dans la prise en charge de l’arthropathie hémophilique du genou ?
Expérience du Centre Hospitalo-Universitaire d’Oran en Algérie

R. MESSAOUDI (1), K. LAYADI (2), Y. RAHAL (1),


A. CHERIF HOSNI (1), D. SAIDI (1), H. TOUHAMI (1),
(1) Service d’Hématologie,
(2) Service de Médecine Physique et de Réadaptation,
CHU Benaouda Benzerdjeb d’Oran,
Université Ahmed Benbella N°1, Oran.
Résumé
Introduction : Chez l’hémophilie sévère, l’arthropa-
thie hémophilique chronique du genou représente une
complication majeure et fréquente. Son atteinte doit
être évaluée sur le plan clinique, radiologique, diagnos-
tiquée au stade précoce de synovite, qui est traitée par
une synoviorthèse cortisonique ou radioactive à
l'Yttrium 90. Patients et méthodes : Nous avons inclus Abstract
dans notre étude 08 patients présentant une hémophilie
A sévère, une arthropathie hémophilique chronique du Introduction: In severe haemophilia, a chronic haemo-
genou stade II et III selon la classification radiologique philic arthropathy of the knee is a major and frequent
complication. Its involvement must be evaluated clini-
d’Arnold et Hilagtner. Nous avons pratiqué une syno-
cally, radiologically. Diagnosed at the early stage of syno-
viorthèse à l’héxacétonide de triamcinolone chez 6 pa- vitis, which is treated by a cortisonic or radioactive syno-
tients. Deux patients ont bénéficié d’une radio-synovec- viorthesis with Yttrium 90. Patients and methods: We
tomie à l’Yttrium 90 au niveau du service de médecine included in our study 08 patients with severe haemophi-
nucléaire du Centre Hospitalo-Universitaire de Tlem- lia A, chronic haemophilic arthropathy of the knee stage
cen. L’évaluation repose sur le nombre d’hémarthroses, II and III according to the radiological classification of Ar-
le score clinique de Gilbert, l’évaluation de la douleur nold and Hilagtner. We performed a triamcinolone hexa-
par l’échelle visuelle de la douleur EVA et l'évaluation cetonide synoviorthesis in 6 patients, 2 patients unde-
radiologique par des radiographies standard de l’arti- rwent an Yttrium 90 radio synovectomy in the nuclear
medicine department of the Tlemcen University Hospi-
culation du genou, avant et après synoviorthèse. Résul-
tal. The evaluation is based on the number of hemarthro-
tats : l’articulation du genou est la plus touchée, chez sis, a clinical Gilbert score, the evaluation of pain by the
33% des patients hémophiles sévères. Le traitement visual pain scale EVA and a radiological evaluation by
par synoviorthèse a permis une diminution du nombre standard radiographs of the knee joint, before and after
d’hémarthrose de 44% et l’intensité de la douleur, de synoviorthesis. Results: The knee joint is the most affec-
43% dans la synoviorthèse à l’héxacétonide de triam- ted, in 33% of severe haemophiliac patients. Treatment
cinolone, de 35% dans la radio-synoviectomie ; ainsi with synoviorthesis reduced the number of hemarthro-
qu’une amélioration du score clinique orthopédique de sis by 44% and the intensity of pain by 43% in the syno-
Gilbert. Conclusion : la synoviorthèse cortisonique et viorthesis with triamcinolone hexacetonide, by 35% in
the radio-synoviectomy; as well as an improvement in
radioactive doit être le traitement initial de choix dans
the Gilbert orthopaedic clinical score. Conclusion: corti-
les arthropathies hémophiliques chroniques de stade sonic and radioactive synoviorthesis should be the ini-
II et III avec des signes de synovite. Mais le problème tial treatment in stage II and III of chronic haemophilic
majeur de cette technique prometteuse en Algérie est arthropathy, with synovitis. However, the major problem
la dotation des services de médecines nucléaires en of this promising technique in Algeria is the endowment
produits radioactifs. of nuclear medicine services with radioactive products.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Hémophilie sévère, arthropathie, synoviorthèse Severe haemophilia, arthropathy, cortisonic synoviorthesis,
cortisonique, synoviorthèse radioactive. radioactive synoviorthesis.

52 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
La synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou

Introduction
L’hémophilie est une maladie articulaire handica-
pante dans sa forme sévère, elle est en rapport avec
un déficit constitutionnel en facteur anti-hémo- Cellule A
philique VIII et/ou FIX, prédisposant au saigne- Cellule B
Couche superficielle
ment à répétition dans l’articulation.
Ces hémarthroses sont à l’origine d’une destruc- Cellule C
tion progressive de l’articulation par des modifica- Vaisseaux sanguins
tions spécifiques de la membrane synoviale et du
Tissu conjonctif lache
cartilage, responsables de douleurs chroniques, de Membrance fibreuse
dialysat
raideurs et d’épanchement articulaire. de plasma
Capillaires sanguins
Elles se localisent principalement au niveau de la acide
cheville (42%), du coude (21%) et du genou (20%), hyaluronique
Vaisseaux lzmphatique
mais aussi la hanche et l’épaule. La prévention de
Liquide synovial
l’arthropathie hémophilique par synoviorthèse a
pour objectif d’interrompre le cercle vicieux en ré- Cartilage

duisant le pannus synovial, elle consiste à injecter


dans l’articulation un produit toxique pour le tissu
Os sous-chondral
synovial qui tapisse l’articulation.
La synoviorthèse au niveau de genou est à base de
corticoïdes à demi-vie prolongée tel que l’héxacé-
Figure 2 : Structure histologique de la synoviale normale.
tonide de triamcinolone, chimique ou radioactive.
La radio-synovectomie consiste à injecter un ra-
dioélément β émetteur type Yttrium 90 Y ayant une
affinité pour les synoviocytes. Le rayonnement est
Composition de la synoviale : La mem-
à l’origine d’une nécrose des cellules synoviales, la
brane synoviale est constituée par un ré-
disparition des infiltrats cellulaires et l’apparition
seau très lâche de fibres collagènes et de
progressive de la fibrose synoviale.
fibres élastiques. Au sein de ces fibres, on
trouve une assise cellulaire simple de cel-
lules synoviales ou synoviocytes ayant des
fonctions macrophagiques et sécrétoires.
Le synovial est en outre parcouru par un
réseau extrêmement dense de capillaires ar-
tériels et veineux. Il existe trois types de sy-
noviocytes : des cellules de type A, dont l’ac-
tivité est essentiellement phagocytaire ; des
cellules de type B, qui ont essentiellement
un rôle de synthèse ; des cellules de type
C, aux caractères intermédiaires entre les
deux précédents types. Le liquide synovial
sécrété par les synoviocytes est un liquide
clair, transparent, visqueux, incoagulable,
contient une substance, la mucine. Cette
dernière, composée d’acide hyaluronique
lié à une protéine, confère au liquide syno-
Figure 1 : Image scannographique en3 D du genou d’un hémo- vial ses caractéristiques essentielles de vis-
phile sévère qui présente des lésions cartilagineuses avec des
cosité et de haut pouvoir lubrifiant.
signes de synovite

53
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Patients et méthodes Nous avons pratiqué la synoviorthèse chez les patients


Nous avons inclus dans l’étude les patients présentant de stade II et III selon la classification radiologique
une hémophilie A sévère, une arthropathie hémophi- d’Arnold et Hilagtner de l’arthropathie hémophilique.
lique chronique du genou, suivis au niveau du service
d’hématologie du centre hospitalo-universitaire d’Oran.
Une évaluation clinique initiale est faite en collabora-
tion avec les médecins de réadaptation. Cette évaluation
repose sur le nombre d’hémarthroses, le score clinique
de Gilbert [1], l’évaluation de la douleur par l’échelle
visuelle analogique de la douleur EVA [2] et l'évaluation
radiologique par des radiographies standard [4] de l’arti-
culation du genou avant et après synoviorthèse.

Le nombre d’hémarthroses : recueil des données sur


le nombre d’hémarthroses au niveau genou à partir du
dossier médical et/ou le carnet d’hémophile. Le nombre
d’événements hémorragiques au niveau de l’articulation
du genou dans les 06 mois qui précèdent la synovior-
thèse et dans les 6 mois en post-synoviorthèse.

Score clinique orthopédique de la Fédération


Mondiale des Hémophiles FMH : score clinique or- Figure 3 : Arthropathie hémophilique Stade II
thopédique permettant l’évaluation de l’arthropathie
hémophilique. L’interrogatoire et l’examen clinique
permettent d’apprécier l’atteinte clinique d’une manière
quantitative. L’examen clinique est fait en collaboration
avec les médecins de réadaptation au cours des consul-
tations de suivi.

Échelle visuelle de la douleur EVA : C’est une échelle


d’auto-évaluation. Elle est sensible, reproductible, fiable
et validée aussi bien dans les situations de douleur ai-
guë que de douleur chronique, l'EVA se présente sous
la forme d’une réglette en plastique de 10 cm graduée
en mm. L’une des extrémités correspond à "Absence de
douleur" 0, et l’autre à "Douleur maximale imaginable" 10.

Évaluation radiologique arthropathie hémophilique


par une radiographie standard du genou : la radio-
graphie permet de préciser le stade de l’arthropathie
hémophilique ; ci-dessous le tableau de la classification
radiologique [4] :
Figure 4 : Arthropathie hémophilique Stade III

Tuméfaction des parties molles sans


Stade I Produits utilisés : l'héxacétonide de triamcinolone :
anomalies radiologiques
Stade II Ostéopénie et élargissement épiphysaire dérivés cortisonique à demi-vie longue, qui contiennent
un atome de fluor à pouvoir atrophiant de la synoviale, ce
Kystes sous-chondraux, densification de la
Stade III sont des ampoules de 20 mg (2ml). Yttrium 90 Y : L’Yt-
synovial, l’interligne articulaire est conservé
trium 90, ß émetteur, est l’isotope le plus employé pour
Majoration des lésions du stade III, le genou, aux doses respectives de 5 mCi, 3 mCi.
Stade IV
pincement de l’interligne articulaire Il permet une fibrose synoviale progressive avec régéné-
Stade V Disparition de l’interligne articulaire rescence d’une membrane saine au bout de 3 mois.
90
Y est efficace dans 75 à 80% des cas [8].

54 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
La synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou

Déroulement de la synoviorthèse : Une Injection de


30 UI/kg de facteur VIII ou 40 UI/kg de facteur XI 30 Synoviorthèse 6 Hémophiles A sévères
à 45 mn avant le geste, l’asepsie doit être rigoureuse, à l’héxatrione Arthropathies hémo-
une vérification de la bonne position intra-articulaire philiques de stade II
de l’aiguille s’impose au bord supérieur et latéral de la et III
rotule, puis on procède à l’injection de l’héxacétonide
de triamcinolone ou du radio-isotope, l’Yttrium 90. À Synoviorthèse 2 Hémophiles A sévères
la fin de l’injection on fait un rinçage au sérum phy- radioactive orthèse Arthropathies hémo-
siologie avant et pendant le retrait de l’aiguille, puis une à l’Yttrium 90 philiques de stade III
immobilisation de l’articulation par orthèse pendant 48 à
72 heures ; une 2ème injection de FAH de 20 UI/kg, 8
heures après est nécessaire. Résultats
Les principales localisations des arthropathies
hémophiliques chez les hémophiles sévères sont
respectivement au niveau du genou (33%), du
coude (30%), de la cheville (28%), de l'épaule
(21%) et de la hanche (9%).

30 35%
33%
30% 30%
25 28%
25%
20
21% 20%
15
15%
10
9% 10%
5 5%

0 0%
Figure 5 : synoviorthèse à l’héxatrione du genou droit chez un Genou Hanche Cheville Epaule Coude
hémophile A sévère avec arthropathie hémophilique chronique
et signe de synovite Figure 6 : Principales localisations d’arthropathies hémophiliques

Patients inclus : Parmi les 76 hémophiles suivis réguliè- Tableau 1 : Scores orthopédiques de GILBERT de 02 genoux (N=34)
rement au niveau du service d’hématologie, nous avons
recensé 71 hémophiles A, et 5 hémophiles B. Leur clas- (Nombre,%) Moyenne score FMH Extrême
sification en fonction de la sévérité retrouve 26 Hémo-
philes mineurs soit 34%, 16 hémophiles mineurs soit Genou Droit
(25, 73%) 12 8-16
21% et 34 hémophiles sévères soit 45%. Les principales
localisations des arthropathies hémophiliques chez les Genou Gauche
hémophiles sévères sont respectivement au niveau du (21, 62%) 11 8-15
genou (33%), du coude (30%), de la cheville (28%), de
l'épaule (21%) et de la hanche (9%). Nous avons pra-
tiqué une synoviorthèse à l’héxatrione chez 6 patients Sur les 34 hémophi les s é vères, 25 p at ients
hémophiles A sévères, présentant une arthropathie présentent une arthropathie hémophilique chro-
hémophilique de stade II et III selon la classification ra- nique du genou droit et 21 patients au niveau du
diologique d’Arnold et Hilagtner. Deux patients hémo- genou gauche.
philes A sévères avec une arthropathie hémophilique de La moyenne du score orthopédiques FMH est de 12
stade III ont bénéficié d’une radio-synovectomie à l’Yt- pour le genou droit avec des extrêmes entre 8 et 16,
trium 90 au niveau du service de médecine nucléaire du la moyenne est de 11 pour le genou gauche avec des
centre hospitalo-universitaire de Tlemcen. extrêmes entre 8 et 15.

55
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Tableau 2 : Classification radiologique des arthropathies hémophiliques du genou droit et gauche

GENOU DROIT GENOU GAUCHE


Classification
Nombre Pourcentage (%) Nombre Pourcentage (%)
d’Arnold-Hilagtner
STADE I 2 8% 3 14%
STADE II 12 48% 7 33%
STADE III 7 28% 8 38%
STADE IV 4 16% 3 14%
STADE V 1 4% 1 5%

L’étude des radiographies des 02 genoux chez les hé-


mophiles, montre que la majorité des patients ont une
arthropathie hémophilique de stade II du genou droit
soit 48% ; et 33% pour le genou gauche.
L’arthropathie de stade III est retrouvée dans 28% des
cas pour le genou droit, et dans 38% des cas pour le
genou gauche.
L’arthropathie évoluée de stade IV et V est retrouvée
respectivement dans 30% des cas (16% genou droit,
14% genou gauche) et 9% des cas (4% genou droit et 5%
genou gauche).
Figure 7 : Évaluation de la douleur selon l’échelle visuelle analo-
gique de la douleur EVA

La synoviorthèse à l’héxatrione a permis une réduction de


la douleur de 43% selon l’échelle visuelle de la douleur et
une réduction de 35% après la synoviorthèse radioactive.

Figure 6 : Evaluation du nombre d’hémarthroses avant et après


synoviorthèse

On observe une diminution de 44% du nombre d’hé-


marthroses par rapport au nombre avant la synovior-
thèse. Figure 7 : Évaluation de la douleur selon l’échelle visuelle analo-
gique de la douleur EVA
Au cours de la synoviorthèse radioactive, on note une
diminution chez les 02 patients hémophiles respecti-
vement à 4 et 3 hémarthroses dans 6 mois après syno- La synoviorthèse à l’héxatrione a permis une réduction de
viorthèse par rapport à 8 et 10 dans les 6 mois avant la la douleur de 43% selon l’échelle visuelle de la douleur et
synoviorthèse radioactive. une réduction de 35% après la synoviorthèse radioactive.

56 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
La synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou

standard selon la classification d’Arnold Hilagtner [4] est


décisive dans l’indication thérapeutique. Les arthropa-
thies de stade I, représentent 20% de notre série, et né-
cessitent un traitement prophylactique et un entretien
articulaire par une kinésithérapie passive et active. Les
stades II et III, représentent respectivement 81% et
66% des hémophiles sévères de notre série, nécessitent
en plus du traitement prophylactique, une synovior-
thèse cortisonique, chimique, radioactive et/ou une
synoviectomie chirurgicale. Les atteintes articulaires
majeures de stade IV (30%) et V (9%), considérées
Figure 8 : score orthopédique de GILBERT avant et après synovior- comme un échec du traitement médical, nécessitent
thèse une prise en charge chirurgicale. Elle repose sur la
synoviectomie chirurgicale, le remplacement prothé-
Le score orthopédique des patients hémophilies a été tique de l’articulation et/ou une arthrodèse. Actuelle-
fait en collaboration avec les rééducateurs lors des ment l’échographie articulaire est considérée comme
consultations multidisciplinaire de suivi. On note une un examen-clé pour la détection des synovites au
légère amélioration du score chez les hémophiles ayant stade précoce. Ainsi les signes échographiques sont en
bénéficié d’une synoviorthèse à l’héxatrione soit une rapport avec le stade de l’arthropathie hémophilique :
réduction de 25%. On note une amélioration signifi- 1. Dans les stades précoces, elle montre un épanchement
cative de 50% chez les hémophiles après une synovior- intra-articulaire, un épaississement de la synoviale.
thèse radioactive. 2. Dans les stades tardifs, l’échographie montre un
amincissement et une irrégularité du cartilage, des
Discussion ostéophytes, des érosions sous-chondrales en plus de
l’épaississement synovial [5].
L’arthropathie hémophilique est la première cause de Par contre l’imagerie par résonance magnétique ne
morbidité chez les patients hémophiles sévères. Elle ré- trouve pas sa place dans le diagnostic des arthropa-
sulte du saignement répété au niveau de l’articulation, thies évoluées, mais elle est très performante dans le
dite articulation cible. Ces saignements provoquent diagnostic des stades précoces, son usage est contro-
une douleur intense, diminuent l'amplitude des arti- versé par le problème d’accessibilité et de coût.
culations touchées, la perte de la fonction articulaire Deux scores ont été développés pour classer l’arthro-
et une invalidité. Elles entrainent également une syno- pathie hémophilique en IRM : Le score de Denver,
vite, qui est à l’origine d’une destruction progressive il permet la détection et l’étude des lésions cartilagi-
du cartilage et de l’os sous-chondral. Les arthropathies neuses précoces et le score européen, pour l’étude des
hémophiliques chroniques ciblent principalement les tissus mous avoisinants l’articulation atteinte, plus ap-
genoux, les chevilles et les coudes, mais peuvent éga- proprié pour les arthropathies modérées et sévères [6,7].
lement toucher d’autres articulations comme l’épaule, Dans le cadre de l’exploration radiographique, le scan-
la hanche ou les inters-phalangiens. Dans notre série ner peut être utilisé pour l’évaluation de la fragilité
l’articulation la plus touchée est le genou, observé dans osseuse dans la cadre de l’analyse articulaire préopéra-
33% des cas, le genou droit (75%) est le plus touché toire. Après confirmation de la synovite chronique par
par rapport au genou gauche (62%). A ce stade de la l’examen clinique, qui montre une articulation indo-
maladie, une évaluation clinique et radiologique de lore et un gonflement secondaire à des hémarthroses
l’atteinte articulaire s’impose en collaboration avec le récurrentes, ne répondant pas aux facteurs anti-hémo-
médecin de réadaptation et le chirurgien orthopédiste. philiques et en l’absence d’inhibiteurs.
Les scores cliniques orthopédiques validés actuelle- Les radiographies standards sont réalisées pour éva-
ment par la Fédération Mondiale des Hémophiles sont luer le degré de l’atteinte osseuse. Si les arthropathies
le score de Gilbert et le score HJHS (Hemophilia Joint sont de stade II et III une synoviorthèse cortisonique
Health Score), applicable pour l’enfant et adulte [1,3]. ou radioactive est indiquée en fonction de la disponi-
Ces scores permettent une évaluation clinique objec- bilité des drogues.
tive et le suivi des atteintes articulaires. L’évaluation du Nous avons réalisé 6 synoviorthèses cortisoniques
degré de destruction articulaire par des radiographies à l’héxacétonide de triamcinolone en collaboration

57
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

avec le service de médecine physique et réadaptation tomie sont l’Y90 (Yttrium-90), le P32 (Phospore-32)
du CHU d’Oran et de 02 synoviorthèses radioactives et le Rh186 (Rhénium-186). Le choix du radio-isotope
à l'Yttrium 90 au niveau du service de médecine nu- doit tenir compte de la demi-vie, le taux d'exposition
cléaire du centre hospitalo-universitaire de Tlemcen et à la taille du radio colloïde ; le radio-isotope doit
après la préparation de l’isotope. Toutes ces synovior- être un β émetteur, minimisant ainsi l'exposition du
thèses ont été faites aux niveaux des genoux. Les radio- corps entier aux rayonnements. Le tableau 3 montre
isotopes actuellement utilisés pour la radio-synoviec- les radio-isotopes les plus utilisés en pratique clinique [8,9].

Tableau 3 : Radio-isotopes les plus utilisés en dans l’arthropathie hémophilique chronique

Isotope Yttrium Y 90 Rhénium Rh 186 Phosphore P32


Demi-vie (jours) 2,8 3,8 14,3
Type de radiation β émetteur β émetteur + Gamma β émetteur
Articulation ++ Genou Coude et cheville Genou

Dans notre série, la synoviorthèse cortisonique à l’héxa- mophiles et à toutes les articulations. Mais le problème
cétonide de triamcinolone est efficace, elle permet une majeur de cette technique prometteuse en Algérie est la
diminution du nombre d’hémarthroses à 44%, réduc- dotation des services de médecine nucléaire en produits
tion de la douleur à 43%, ainsi qu’une amélioration du radioactifs.
score clinique orthopédique. Heisel montre que les cor-
Date de soumission
ticoïdes à demi-vie longue (héxatrione) donnent 66%
d’excellents résultats pendant plus de six mois [10,11]. 30 Juillet 2021.
La synoviorthèse radioactive pratiquée chez nos 02 Liens d’intérêts
hémophiles sévères à l'Yttrium 90 a permis une dimi- Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
nution du nombre d’hémarthroses et une réduction
significative de la douleur articulaire due à la synovite. Références
Fernandez Pallazi et al., ont montré en 2001, que la sy- 1. Gilbert MS. Musculoskeletal complications of hemophilia: the joint. Hemo-
noviorthèse radioactive permet une diminution de plus philia 2000; 6 (Suppl.1): 34–7.
2. HAS haute autorité de santé. Liste des échelles acceptées pour mesurer la dou-
de 3/4 des hémarthroses, une diminution de la douleur, leur 26.05.2020
et une conservation de la mobilité de 75 à 95% avec 3. Feldman BM, Funk SM, and Bergstrom BM. Validation of a new pediatric
recul de 6 à 40 mois. Par ailleurs Rodriguez-Merchan joint scoring system from the International Hemophilia Prophylaxis Study
Group: validity of the hemophilia joint health score. Arthritis Care Res 2011;
et al., en 2014 montrent le bénéfice de cette technique, 63:223–30.
elle permet une diminution de 64% des hémarthroses, 4. Fauré C. Autres arthropathies : manifestations ostéoarticulaires et musculaires
de l’hémophilie. Imagerie ostéoarticulaire. Paris : Flammarion;1998 503–12.
et une diminution de 70% de la douleur avec l'Yttrium 5. Melchiorre D, Linari S, Innocenti M. Ultrasound detects joint damage and blee-
90 et le Rhénium 186 [12,13]. ding in hemophilic arthropathy: a proposal of a score. Hemophilia 2011; 17:112–7.
6. Lundin B, Pettersson H, Ljung R.A new magnetic resonance imaging scoring
Conclusion method for assessment of haemophilic arthropathy.Haemophilia2004; 10:383–9.
7. Doria AS, Lundin B, Kilcoyne RF. Reliability of progressive and additive MRI
Selon notre petite expérience, la synoviorthèse cortiso- scoring systems for evaluation of haemophilic arthropathy in children: expert
MRI Working Group of the International Prophylaxis Study Group. Haemophi-
nique et/ou radioactive doit être le traitement initial de lia 2005; 11:245–53
choix dans les arthropathies hémophiliques chroniques 8. Rodriguez-Merchan EC, Heim M. Synoviorthesis in haemophilia. Haemo-
de stade II et III avec des signes de synovite, car elle per- philia 2001; 7(Suppl. 2).
9. Rodriguez-Merchan EC, Wiedel JD. General principles and indications of
met d'obtenir des résultats satisfaisants dans un nombre synoviorthesis (medial synovectomy) in haemophilia. Haemophilia 2001; 7
élevé de cas. Elle devrait être généralisée à tous les (Suppl. 2): 6–10.
10. Heisel MA, Clohisy DR, Christie BA, Osip JM, Johnson VA, page MJ, et al.
centres de traitement d’hémophilie. L'équipe pluridisci- Intra-articular steroid injection and joint immobilisation for chronic synovitis
plinaire formée par l'hématologue, le chirurgien ortho- in patients with bleeding disorders. XVIIth congress of the International Society
of thrombosis and haemostasis. Washington DC.14-21 August 1999. Thromb
pédiste, le médecin de réadaptation, doit rechercher les Haemost 1999: 89-791 [abstract n° 2506].
signes de synovite au stade précoce et poser rapidement 11. R. Messaoudi, Z. Zouaoui, Z. Boukara, Bedjaoui Apport de la synoviorthèse
l’indication d’une synoviorthèse. à l'hexatrione dans l'arthropathie hémophilique du genou. Revue française d’hé-
matologie. Volume 17, supplément 5, Décembre 2011
Cette technique permet d’éviter l’évolution vers la destruction 12. Fernandez-Palazzi F, Caviglia H. On the safety of synoviorthesis in haemo-
cartilagineuse et osseuse de l’articulation, ainsi que la philia. Haemophilia 2001; 7:50–3
13. [13]Rodriguez-Merchan EC, De la Corte-Rodriguez H, and Jimenez-Yuste
diminution du nombre d’hémarthrose et l’intensité de la V. Radiosynovectomy in haemophilia: long-term results of 500 procedures per-
douleur, l’intérêt d’élargir la synoviorthèse à tous les hé- formed in a38-year period. ThrombRes 2014 ; 134:985–90.

58 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Covid et hémopathies,
expérience du service d'hématologie
R. MERABET,
Service d'Hematologie,
CHU Benaouda Benzerdjeb, Oran.

Résumé
La pandémie liée au SARS-CoV-2, représente un défi
sans précédent pour la communauté médicale. Des re- Abstract
commandations internationales ont émis des lignes de The SARS-CoV-2 pandemic represents an unprece-
conduites quant à la prise en charge des patients suivis dented challenge for the medical community. The hae-
pour hémopathies. Nous rapportons à travers ce travail matological societies have issued guidelines. We report
notre expérience face à ce fléau. through this work our experience facing this scourge.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Myélome, lymphome, leucémie, hémoglobinopathies, Myeloma, lymphoma, leukaemia, hemoglobinopathies,
PTI. idiopathic thrombopenic purpura.

Introduction Covid-19 et lymphomes


La pandémie liée au SARS-CoV-2, représente un défi Une distinction a été faite entre les formes agressives
sans précédent pour la communauté médicale. De et les formes indolentes. Dans les formes agressives,
manière à protéger nos patients atteints de pathologies un délai dans l’initiation d’un traitement peut impac-
hématologiques du Covid-19, des postes d’accueil ont ter l’évolution de l’affection et favoriser l’extension. Les
été installés à l’entrée du service, rappelant et faisant chimiothérapies classiques ont été donc prescrites, avec
respecter les gestes barrières. Les consultations ont été, une recommandation large d’utilisation des facteurs de
dans un premier temps, réduites pour éviter la promis- croissance, et des mesures prophylactiques (aciclovir,
cuité et donc la dissémination du virus. Des procédures bactrim® [sulfaméthoxazole/triméthoprime], antibio-
séparant les flux de patients infectés par le SARS-CoV-2 thérapie).
de ceux qui en sont épargnés, ont été mises en place. Dans ce groupe trois patients ont contracté le Covid au
Les patients hospitalisés, y compris en unités de jour, décours de leur prise en charge. La chimiothérapie a dû
sont dépistés avant leur prise en charge, afin de garantir être interrompue jusqu’à immunisation.
à chacun un accès optimal aux soins, et en n’impactant Dans les lymphomes indolents, une plus grande flexi-
pas ceux porteurs de pathologies curables. bilité a été permise quant à l’initiation d’un traitement ;
Les symptômes de présentation des affections onco-hé- nous avons tenu compte des répercussions de la patho-
matologiques peuvent mimer ceux de la Covid-19 ; ce logie et des risques d’une infection Covid-19 sous trai-
diagnostic différentiel doit être gardé à l’esprit. Des re- tement. L’attitude attentiste a été privilégiée dans la me-
commandations internationales ont émis des lignes de sure du possible. Les traitements d’induction en cours
conduites quant à la prise en charge des patients suivies ont été maintenus, une réduction du nombre de cycles a
pour hémopathies. Nous rapportons à travers ce travail été proposée dans certaines situations.
notre expérience face à ce fléau. Pour les traitements de maintenance, un report des

59
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

cures, en particulier dans les maladies les plus indo- de neuf patients qui ont contracté l’infection à SARS-
lentes bien contrôlées, chez des patients âgés fragiles, ou CoV-2 en induction.
en cas d’hypogammaglobulinémie profonde, était envi- Les LAM3 ont été traitées de manière conventionnelle
sagé au cas par cas. par l’association ATRA-ATO, avec ou sans chimiothéra-
Ainsi, trois patients suivis pour lymphome de bas grade en pie, en fonction de leur risque pronostique.
induction et Covid+ ont subi ces mesures sans incidents. Pour les leucémies lymphoblastiques aiguës, l’équipe du
Dans les leucémies lymphoïdes chroniques, l’initiation GRALL conseille de suspendre l’administration de vin-
d’un traitement dépendait des caractéristiques de la cristine et de corticoïdes dans la phase d’entretien de 2
maladie et du performans status du patient. Chez un ans. Cette consigne n’a pas été appliquée en raison de
patient Covid+, le traitement a été maintenu au vu de l’importance de ces drogues dans les protocoles théra-
symptômes modérés, à l’exception des anticorps mono- peutiques.
clonaux.
Dans le lymphome de Hodgkin, la prise en charge n’a Covid-19 et leucémie myéloïde chronique
pas été modifiée, la curabilité de l’affection et le jeune Il n’y a actuellement aucune évidence scientifique que
âge de la population concernée ont été des facteurs dé- les ITK augmentent les risques d’infection à SARS-
terminants dans cette décision. La question de la toxici- CoV-2 ou en augmentent la sévérité. Cependant ces
té pulmonaire de la bléomycine en période de pandémie drogues peuvent initialement (dans les 3 premiers
a été soulevée mais n’a pas constitué une entrave à sa mois) entraîner une myélosuppression avec une leuco-
prescription. neutropénie nécessitant une diminution de la dose ou
un arrêt transitoire de la médication. Il est important,
Covid-19 et myélome durant la période de pandémie actuelle, d’éviter une
Comme pour les lymphomes agressifs, il a été impos- neutropénie sévère de grade IV (< 500 / µL) pour mini-
sible de différer l’initiation d’un traitement d’induction miser les risques d’infection. À distance de l’initiation,
chez un patient diagnostiqué avec un myélome sympto- le traitement ne doit pas être modifié, ni la dose ni la
matique. Les traitements classiques ont donc été pres- médication. Il n’y a actuellement pas d’évidence d’une
crits, en tentant de limiter les visites à l’hôpital. Les per- immunodépression avec augmentation du risque d’in-
fusions mensuelles de biphosphonates ont été espacées. fection virale sous ITK. Les effets secondaires pulmo-
En cas de maladie bien contrôlée, et particulièrement naires (épanchement pleural, HTAP...) principalement
chez les patients âgés et fragiles, la réduction des doses liés au Sprycel® (Dasatinib) doivent être gérés comme
de corticoïdes (dexamethasone, 20 mg par semaine ; 10 d’habitude mais peuvent compliquer une infection à
mg chez les plus de 75 ans), voire leur suspension était SARS-CoV-2 sévère.
tolérée. Les risques d’interactions médicamenteuses entre un
Nous déplorons le décès de deux patientes sur les vingt- traitement d’essai du SARS-CoV-2 et les ITK doivent
six suivis à la même période. aussi être pris en compte, particulièrement les risques
d’allongement du QT et de torsades de pointe. Une cor-
Covid-19, leucémies aiguës rection des différents électrolytes (potassium et magné-
L’urgence de la prise en charge d’une leucémie myélo- sium) est requise, particulièrement avec le Tasigna®
blastique aiguë impose d’initier un traitement classique (Nilotinib).
(7+3) sans délai, sous réserve d’impacter le pronostic de Une patiente est décédée suite à une infection à SARS-
l’affection et de voir apparaître des anomalies génétiques CoV-2 avec atteinte cardio-pulmonaire sévère.
additionnelles potentiellement responsables de formes
plus agressives. Chez les patients non éligibles à un trai- Covid-19 et myélodysplasies
tement intensif, l’administration d’agents hypométhy- Il n’existe actuellement aucune preuve scientifique que
lants a été une option, bien qu’elle n’évite pas les épisodes les patients souffrant de syndromes myélodysplasiques
de neutropénies prolongées et d’infections potentielles, soient plus à risque de contracter le SARS-CoV-2, que
bactériennes ou fongiques. La couverture préventive les personnes dont la moelle osseuse fonctionne norma-
par antibiotiques, antimycotiques ou antiviraux a tenu lement. La neutropénie et le dysfonctionnement des neutro-
compte des interférences médicamenteuses potentielles. philes fréquemment détectés chez ces patients augmen-
Les traitements de consolidation ont été maintenus. tent les risques d’infections bactériennes et fongiques,
Malgré ces mesures préventives, nous déplorons le décès bien plus que les infections virales. Les patients

60 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Covid et hémopathies

lymphopéniques sont eux plus à risque de développer Chez les patients présentant un nouveau diagnostic de
des infections sévères requérant une hospitalisation PTI, l’OMS recommande l’éviction des corticoïdes au
voire un séjour en soins intensifs. La neutropénie peut bénéfice de thérapies alternatives non-immunosuppres-
augmenter le risque de surinfection bactérienne après sives, sous réserve de leur disponibilité. En cas d’utilisa-
une infection virale. tion de corticoïdes, la dose minimum nécessaire pour
Les patients souffrant de syndrome myélodysplasique à une durée limitée doit être privilégiée ; on favorisera dès
haut risque, sous agents hypométhylants Vidaza® (Aza- lors les pulses de dexaméthasone aux traitements pro-
citidine) ont débuté ou poursuivi leur traitement sans longés par méthylprednisolone. Les agonistes des récep-
délai ni adaptation de dose. teurs TPO sont recommandés en première intention.
Les patients souffrant de syndrome myélodysplasique Leur effet pro-thrombotique en début de traitement
à faible risque ont été transfusés avec un abaissement chez les patients Covid + doit être pris en compte, au vu
du seuil de transfusion à 7 g/dl pour l'hémoglobine et du risque prothrombogène décrit dans cette infection.
10.000/mm3 pour les plaquettes. Ces seuils ont été dis- La perfusion d’immunoglobulines reste une alternative
cutés en fonction de l’âge et des comorbidités cardiopul- valable permettant d’augmenter rapidement le taux de
monaires du patient plaquettes. L’utilisation du Rituximab est déconseillée
en raison de son effet immunosuppresseur au long cours
et de sa capacité à réduire la production de nouveaux
Covid-19 et syndromes
anticorps.
myéloprolifératifs
Chez les patients sous immunosuppresseurs pour un
Les complications thromboemboliques sont fréquentes PTI chronique, il n’y a pas d’indication de modifier le
lors d’une infection à SARS-CoV-2 surtout dans des traitement. Tout changement pourrait favoriser une re-
stades avancés de l’infection virale. Ces risques sont chute et/ou des complications, et nécessiterait alors un
préoccupants chez les patients souffrant de syndromes suivi hospitalier plus rapproché, exposant le patient à un
myéloprolifératifs qui ont, du fait de leur maladie héma- risque plus élevé de contracter l’affection.
tologique, un risque thromboembolique élevé. Chez les patients porteurs d’un PTI hospitalisés pour
Une stricte adhérence au traitement est recomman- Covid-19, le traitement préventif par héparine de bas
dée chez ces patients avec un contrôle de l’hématocrite poids moléculaire doit bien être administré, en pré-
<45% dans la maladie de Vaquez, la poursuite des anti- vention des complications thromboemboliques si les
agrégants plaquettaires et de la cytoréduction selon les plaquettes sont supérieures à 30.000/µL, en l’absence de
recommandations de l’European leukemia Net : soit un signes de saignement.
taux d’hématocrite <45%, un taux de globules blancs
Selon les données actuelles, les patients splénectomisés
<11.000/µL et un taux de plaquettes <400.000/µL.
ne semblent pas présenter de risque majoré de déve-
Chez les patients souffrant de syndromes myéloprolifé- lopper une forme sévère de Covid-19. Néanmoins, le
ratifs qui développent une infection sévère ou critique risque de surinfection bactérienne est toujours présent.
au SARS-CoV-2, une prophylaxie par héparine de bas Il est important de poursuivre l’antibioprophylaxie et de
poids moléculaire à dose intermédiaire est recomman- mettre à jour la vaccination.
dée. Une embolie pulmonaire doit être suspectée chez
Une patiente a été hospitalisée au service des mala-
ces patients en cas de détérioration respiratoire. Les
dies infectieuses pour infection Covid-19, syndrome
risques de saignements doivent être monitorés en pré-
hémorragique cutanéomuqueux et thrombopénie sévère
sence d’antécédents hémorragiques personnels ou de
à 15.000/mm3. Le diagnostic de PTAI a été retenu. Après
thrombocytose extrême ou de thrombocytopénie. Les
administration d’immunoglobulines (score de Khelaf à 8),
traitements cytoréducteurs tels que l’Hydrea® (hydroxy-
la patiente a reçu une dose initiale de Romiplostim à 1 µg/
carbamide), le Xagrid®, (Anagrélide) ne sont pas asso-
kg hebdomadaire en S/C (la dose initiale recommandée
ciés à une majoration des risques d’infection à SARS-
selon RCP est de 1 ug/kg). La réponse a été favorable
CoV-2 ou de sévérité. Il est donc primordial de garder
avec un taux de plaquettes oscillant entre 120 et 150 G/L.
le contrôle de la maladie myéloproliférative pour éviter
une augmentation du risque thrombotique.
Covid-19 et hémoglobinopathies
Covid-19 et purpura Les patients drépanocytaires sont très vulnérables face
thrombocytopénique immun au Covid-19. Ils présentent d’une part, une asplénie
Comme toute infection virale, le SARS-CoV-2 peut fa- fonctionnelle, et d’autre part, sont fréquemment trai-
voriser l’apparition d’un PTI ou déclencher une rechute. tés par de l’hydroxyurée, traitement potentiellement

61
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

leucopéniant. Ils présentent généralement des comor- fication de protocole, de monitoring ou d’adaptations
bidités cardiovasculaires, un facteur de risque d’évo- thérapeutiques dans l’intérêt et le bien-être de nos
lution défavorable en cas d’infection. Une vaccination patients.
adéquate est dès lors primordiale, notamment contre le
pneumocoque. Date de soumission
Les infections sont des facteurs déclenchant potentiels 19 Novembre 2021.
de crises vaso-occlusives. Il n’est d’ailleurs pas toujours
évident de distinguer un syndrome thoracique aigu, Liens d’intérêts
complication sévère de la crise drépanocytaire, d’une Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
infection à Covid-19. Des infiltrats diffus en verre dépo- rapport avec cet article.
li sont plutôt évocateurs d’une infection à SARS-CoV-2,
tandis que les infiltrats sont plus localisés dans la pneu- Références
monie ou le STA. 1. World Health Organization. Clinical management of severe
Les patients atteints de thalassémie, en particulier lorsqu’ils acute respiratory infection (SARI) when COVID-19 disease is sus-
sont âgés, sont souvent splénectomisés ce qui les rend fra- pected. Interim guidance 13 March 2020.
2. Guidance for the management of adults with Immune Throm-
giles face aux infections bactériennes et majore leur risque bocytopenia during the COVID-19 pandemic. Br J Hematol 2020.
thrombotique. En cas de fièvre, les patients splénectomisés May 6. doi: 10.1111/bjh.16775. Motta I, Migone De Amicis M,
nécessitent une prise en charge précoce, avec recherche Pinto VM, et al.
d’un foyer infectieux bactérien éventuel et initiation rapide 3. SARS-CoV-2 infection in beta thalassemia: preliminary data
from the Italian experience. Am J Hematol. 2020. doi:10.1002/
d’une antibiothérapie à large spectre. ajh.25840
4. Brioli A, Klaus M, Sayer H, et al. The risk of infections in mul-
Conclusion tiple myeloma before and after the advent of novel agents: a 12-
year survey. Ann Hematol 2019. Mar;98(3):713-722.
Nous sommes devant une situation inédite. La prise 5. COVID-19 resources from ASH - Input from Drs. Michael Mau-
en charge des patients suivis pour hémopathies a été ro, Brian Druker, Jerald Radich, Jorge Cortes, Tim H. Brümmen-
l’objet d’amendements que ce soit en termes de modi- dorf, Guiseppe Saglio, Timothy Hughes, and Delphine Rea.

Où que vous soyez, tous les numéros sont consultables en ligne sur :
w w w .el-hakim.net

*
Accès gratuit
N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022


N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

Hématologie ®
Coordinateur du numéro
Pr R.A. BOUHASS

Dossier
ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

® Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin


Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans

Hématologie
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Hématologie Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Coordinateur du numéro
Pr R.A. BOUHASS Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
Dossier
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin
Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Covid et hémopathies
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres

Dysfonction ventriculaire gauche systolique

Coordinateur du numéro
Syndrome de Waardenburg
Maladie de Fabry Dysfonction ventriculaire gauche systolique
Psychotraumatisme

Syndrome de Waardenburg
www.el-hakim.net Maladie de Fabry
Pr R.A. BOUHASS
elhakimmedecine
Psychotraumatisme

www.el-hakim.net
Téléchargement

el_alg Dossier
Stades étendus de lymphome de Hodgkin

elhakim.revuemedicale Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin


Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Insuffisance rénale dans le myélome multiple

linkedin.com/in/el-hakim (*) exclusivement réservé aux professionnels de la santé


Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres

62 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Thrombopénie et Covid-19
(expérience du CHU d'Oran en Algérie)
M.A. MOUEDEN (1), R. MESSAOUDI (2), D. BENALDJ (1),
M. ELHORRI (3), F. SGHIER (2)
(1) CHU Benaouda Benzerdjeb, Oran, service d’Hémobiologie et Banque de
Sang, Faculté de Médecine, Oran, Algérie.
(2) Service d’Hématologie Benaouda Benzerdjeb, Oran.
(3) Service Hémobiologie HMRU Oran.

Résumé
Introduction : La thrombopénie est considérée parmi
les complications les plus redoutables observées au
cours de la Covid-19. Notre objectif est de décrire la
thrombopénie observée chez les patients atteints de Co-
vid-19 au niveau du CHU Oran, interpréter la variation
des différents paramètres plaquettaires dans notre série Abstract
et comparer nos résultats avec les autres études. Patients Introduction: Thrombocytopenia is considered among
et méthodes : notre étude a porté sur 18 patients hos- the most serious complications observed during Co-
pitalisés au niveau du CHU d’Oran entre juillet 2020 et vid-19. Our objective is to describe the thrombocytopenia
novembre 2020, représentait environ 22% des patients observed in patients with Covid-19 at the Oran University
bénéficiant d’une numération de formule sanguine (83 Hospital, to interpret the variation of the various platelet
patients) faite sur un automate Mindray BC-6800. Les parameters in our series and compare our results with
other studies. Patients and methods: Our study included
différents paramètres plaquettaires (taux de plaquettes,
18 patients hospitalized at the University Hospital of Oran
volume plaquettaire moyen, indice de distribution pla- between July 2020 and November 2020) and repre-
quettaire et plaquettocrite) sont ainsi interprétés, éva- sented around 22% of patients benefiting from a com-
lués et comparés avec les autres études. La thrombo- plete blood count (83 patients) performed on a Mindray
pénie est vérifiée par un frottis sanguin périphérique. BC - 6800. The various platelet parameters (the platelet
Résultats : La fréquence de la thrombopénie effective count, the mean platelet volume, the platelet distribution
et corrigée après l’exclusion du patient présentant une width and the plateletcrit) are thus interpreted, evaluated
fausse thrombopénie descend à 22,89%. Notre étude a and compared with the other studies. Thrombocytope-
montré une corrélation très significative entre le taux de nia is confirmed by a peripheral blood smear. Results:
The frequency of effective and corrected thrombocy-
plaquettes et le taux de lymphocytes p=0,005, R=0,627)
topenia after exclusion of the patient with false throm-
avec 94,4% des patients présentant une thrombopénie bocytopenia drops to 22.89%. Our study showed a very
qui présentent aussi une lymphopénie. 72,2% des pa- significant correlation between the platelet count and
tients présentant une thrombopénie ont un VPM élevé the lymphocyte count (p=0.005, R=0.627); with 94.4% of
(supérieur à 11 fl.) avec une moyenne de (12,43 ± 1,19) patients with thrombocytopenia also present with lym-
fl. 100% des patients avaient un IDP-CV élevé avec une phopenia. 72.2% of patients with thrombocytopenia have
moyenne de (16,86 ± 0,63)%. 100% des patients présen- a high MPV (greater than 11 fl.) with a mean of (12.43±1.19) fl.
tant une thrombopénie ont un plaquettocrite inferieur 100% of patients had an elevated PDW-CV with a mean
à 0,22% avec une moyenne à (0,11 ± 0,05)%. Discus- of (16.86±0.63%). 100% of patients with thrombocytope-
nia have a plateletcrit less than 0.22% with a mean of
sion et conclusion : Le diagnostic de la thrombopénie
(0.11±0.05%). Discussion and conclusion: The diagnosis of
au cours de la Covid-19 que ce soit à l’admission ou thrombocytopenia during Covid-19, whether on admis-
durant la maladie est primordial afin d’éviter des com- sion or during illness, is essential in order to avoid very
plications très graves. Il est aussi important de détecter serious complications. It is also important to detect pseu-
les pseudo-thrombopénies afin d’éviter des traitements do-thrombocytopenia in order to avoid ineffective and
inefficaces et toxiques. toxic treatments.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Thrombopénie, Covid-19, volume plaquettaire moyen, Thrombocytopenia, Covid-19, mean platelet volume,
indice de distribution plaquettaire, plaquettocrite. platelet distribution width, plateletcrit.

63
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

Introduction
La Covid-19 est une infection virale causée par le SARS- plaquettaire – écart type), IDP-ET et l’indice de distri-
CoV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavi- bution plaquettaire – coefficient de variation IDP-CV
rus-2). Cette infection s’est vite propagée à l’échelle mon- en pourcentage sont donnés directement par la numé-
diale et elle est responsable de plusieurs complications. ration de formule sanguine faite sur un automate Min-
La thrombopénie est considérée parmi les complications dray BC-6800 après un prélèvement sur un tube EDTA
les plus redoutables observées au cours de la Covid-19. (Éthylène Diamine Tétra Acétique), dont les paramètres
Elle est associée à une surmortalité chez les patients plaquettaires sont soit mesurés par la méthode d’impé-
atteints de cette infection virale [1]. Plusieurs équipes cli- dance soit calculés à partir des paramètres mesurés.
niques l’ont utilisée comme indicateur afin calculer des Le FSP est confectionné et coloré au MGG (May Gru-
scores pour l’évaluation de la progression clinique tels nwald Giemsa). L’étude de la lignée plaquettaire consiste
que Multiple Organ Dysfunction Score (MODS), Sim- à estimer la taille et le contenu des plaquettes d’un côté
plified Acute Physiology Score (SAPS II), et Acute Phy- et d'estimer la richesse plaquettaire et confirmer ainsi la
siology and Chronic Health Evaluation (APACHE II) [2]. thrombopénie d’un autre côté.
Plusieurs mécanismes physiopathologiques pourraient
induire une thrombopénie [3] tels que : l’atteinte centrale Analyse statistique
de la moelle osseuse responsable d’une hématopoïèse Les données ont été saisies et analysées sur un support
réduite [4] ; la tempête des cytokines responsable d’une informatique utilisant le logiciel IBM SPSS statistics 21.
activation anormale des systèmes de phagocytes mono- Un seuil de 0,05% est considéré comme significatif pour
nuclées et donc une phagocytose des plaquettes [3]; une l’ensemble des tests statistiques réalisés. Les variables
consommation périphérique des plaquettes due à une qualitatives sont exprimées en pourcentage ou nombre
hypercoagulabilité et une hyper-agrégation plaquettaire de cas n sur le total N et les variables quantitatives sont
observée au cours de la de la Covid-19 [5]. Un mécanisme exprimées en moyenne ± l’écart type et ou en médiane.
auto-immun par augmentation des auto-anticorps et Les présentations graphiques ont été réalisées par les
des complexes immuns semblable à celui observé lors commandes statistiques du logiciel informatique Mi-
d’une infection au VIH (Virus de l’immunodéficience), crosoft Excel 2007. La normalité de la distribution a été
est ainsi impliqué dans la destruction des plaquettes [6]. vérifiée par les tests de Kolmogorov-Smirnov et Shapi-
Des publications très récentes ont évoqué l’apparition ro-Wilk. la corrélation entre 02 variables quantitatives a
du purpura thrombopénique auto-immun chez certains été faite par la méthode de Spearman.
patients atteints de Covid-19 [7,8]. Notre objectif est de
décrire la thrombopénie observée chez les patients at- Résultats
teints de Covid-19 au niveau du CHU d'Oran, interpré- 64,3% des patients sont de sexe masculin et 35,7% sont
ter la variation des différents paramètres plaquettaires de sexe féminin avec un sex-ratio (H/F) égal à 1,80.
dans notre série et de les comparer avec les autres études. Les patients sont âgés entre 32 ans et 80 ans avec une
moyenne d’âge de : 64,91 ± 15,54 ans.
Patients et méthodes La fréquence des patients présentant une thrombopé-
Notre étude a porté sur 18 patients atteints de Covid-19 nie parmi les patients qui ont bénéficié d’une NFS est de
confirmée par la RT-PCR en temps réel et présentant 24,09% (20 sur 83) dont 01 patient présentait une pseu-
une thrombopénie inférieure à 150 G/l, et confirmée sur do-thrombopénie. La fréquence de la thrombopénie ef-
un frottis sanguin périphérique (FSP). fective et corrigée après l’exclusion du patient présentant
Ces patients étaient hospitalisés au niveau du CHU une fausse thrombopénie descend à 22,89%.
d’Oran entre juillet 2020 et novembre 2020, et représen- Les caractéristiques des différents paramètres plaquet-
taient environ 22% des patients bénéficiant d’une numé- taires sont résumées dans le tableau 01.
ration de formule sanguine (83 patients) au niveau du Notre étude a montré une corrélation très significative
service d’hémobiologie CHU Oran durant cette période. entre le taux de plaquettes et le taux de lymphocytes
Les différents paramètres plaquettaires dont le taux de p=0,005, R=0,627) ; avec 94,4% des patients présentant
plaquettes en G/l, le volume plaquettaire moyen (VPM) une thrombopénie présentent aussi une lymphopénie
en fl., le plaquettocrite en %, l’indice de distribution (figure 1).

64 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Thrombopénie et COVID-19

Tableau 2 : Caractéristiques des paramètres plaquettaires de notre série (N=18)

Paramètre plaquettaire Moyenne ± écart type Minimum Maximum


Taux de plaquettes en G/l VN :
91,5 ± 35,45 16 139
(150 – 400 G/l)
VPM en fl VN: (7–11fl) 11,66 ± 1,65 8,7 14,70
IDP-CV en% VN : (10 – 15%) 16,68 ± 0,63 15,40 17,60
Plaquettocrite en% VN : (0,22 – 0,24%) 0,11 ± 0,05 0,02 0,20
VN : Valeurs normales

la thrombopénie durant l’infection de la Covid-19 [14].


4,5
4 y = 0,0095x-0,0337 Notre étude a montré une corrélation très significative
Taux de lymphocytes en G/L

3,5 R² = 0,1037 entre le taux de plaquettes et le taux de lymphocytes


3 p=0,005, R=0,627) ; avec 94,4% des patients qui pré-
2,5 sentent une lymphopénie.
2
Ceci renforce l’hypothèse qu’au cours de la Covid-19
1,5
1
il y a une hématopoïèse défectueuse responsable de
0,5 cytopénie périphérique [15], et donc une thrombopénie
0 d’origine centrale.
0 20 40 60 80 100 120 140 160
Ainsi on trouve que 94,4% des patients présentent un
Taux de plaquettes en G/L
NLR > 6,5. Javanmard et al., avaient estimé que les pa-
Figure 01 : Corrélation entre le taux de plaquettes et le taux de tients présentant un NLR > 6,5 ont six fois plus de risque
lymphocytes
de développer une Covid-19 sévère que les patients qui
ont un NLR < 6,5 [16].
Discussion Plusieurs études ont montré que la thrombopénie est
La fréquence des patients présentant une thrombopénie associée à un pronostic très péjoratif dans l’évolution de
est de 24,09% (20 sur 83) dont 01 patient présentait une la maladie [17] et souvent associée à une évolution cri-
pseudo-thrombopénie détectée initialement, d’un côté tique et nécessitent un transfert des patients vers l’unité
un non-retour à la base de la courbe sur l’histogramme des soins intensifs [18]. Ainsi les patients qui ne pré-
de la distribution des plaquettes, et d’un autre coté un sentent pas une thrombopénie et placés dans les unités
nuage des agrégats plaquettaire qui apparait dans le de soins intensifs sont plus susceptibles de développer
scatergramme Diff en 3 dimensions (3D). Cette fausse une thrombopénie [19].
thrombopénie a été vérifiée sur FSP par la présence Dans notre étude on trouve que 72,2% des patients pré-
d’agrégats plaquettaires. La fréquence exacte de la pseu- sentant une thrombopénie ont un VPM élevé (supérieur
do-thrombopénie au cours de la Covid-19 est actuelle- à 11 fl.) avec une moyenne de (12,43 ± 1,19) fl.
ment inconnue [9]. Han Li et al., ont évoqué dans leur Le VPM est considéré comme un indice d’activation
cas clinique d’une pseudo-thrombopénie aux cous de la plaquettaire et un marqueur pro-inflammatoire et pro-
Covid-19, une thrombopénie induite par l’EDTA ; et ils thrombotique [20].
l’ont expliqué par le fait que les anticorps anti Covid-19 Dans notre série 100% des patients avaient un IDP-CV
présentent des épitopes qui se lient à l'antigène pla- élevé avec une moyenne de (16,86±0,63)%. Wang et
quettaire cryptique pour provoquer une réaction croi- al., ont démontré la valeur diagnostique potentielle du
sée antigène-anticorps. Ainsi la pseudo-thrombopénie l’IDP-CV dans la Covid-19 [21]. Ainsi Daniels et al., ont
disparaissait avec la négativité des anticorps gG/IgM de trouvé que les VPM et IDP-CV élevés sont associés à des
Covid-19 [10]. formes sévères de Covid-19 [22].
La fréquence de la thrombopénie corrigée descend à Notre étude a trouvé que 100% des patients présentant
22,89%, la fréquence de la thrombopénie dans la litté- une thrombopénie ont un plaquettocrite inférieur à
rature est très variable, Chen et al., 12% [11] ; Guan et 0,22% avec une moyenne à (0,11 ± 0,05)%. Bhandary
al., 36,2% [12] ; Maquet et al., 24,9% [13]. La thrombopé- et al., ont trouvé qu'un plaquettocrite bas est lié à une
nie est très fréquente surtout à l’admission des patients forme mineure de Covid-19 [23].
à l’hôpital [12]. D’autres études évoquent l’apparition de La même étude a trouvé que l’augmentation des VPM

65
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Dossier

et IDP-CV est considérée comme un signe de sévérité 7. Murt, A., et al., COVID-19 presenting with immune thrombocytopenia: A case
report and review of the literature: J Med Virol. 2021 Jan;93(1):43-45. doi: 10.1002/
de la maladie [23]. jmv.26138. Epub 2020 Jun 29.
8. Bhattacharjee, S. and M. Banerjee, Immune Thrombocytopenia Secondary to
COVID-19: a Systematic Review. SN Compr Clin Med, 2020. 19: p. 1-11.
Conclusion 9. Kuhlman, P., J. Nasim, and M. Goodman, Pan-Pseudothrombocytopenia in
Le diagnostic de la thrombopénie au cours de la Co- COVID-19: A Harbinger for Lethal Arterial Thrombosis? Fed Pract, 2020. 37(8):
p. 354-358.
vid-19 que ce soit à l’admission ou durant la maladie est 10. Li, H., et al., Transient appearance of EDTA dependent pseudothrombocy-
primordial afin d’éviter des complications très graves. topenia in a patient with 2019 novel coronavirus pneumonia. Platelets, 2020.
Ainsi la détermination des différents paramètres pla- 31(6): p. 825-826.
11. Chen, N., et al., Epidemiological and clinical characteristics of 99 cases of
quettaires à savoir le VPM, l’IDP-CV, le plaquettocrite 2019 novel coronavirus pneumonia in Wuhan, China: a descriptive study. The
et même le pourcentage des grandes plaquettes joue un Lancet, 2020. 395(10223): p. 507-513.
12. Guan, W.J., et al., Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in
rôle primordial à la fois dans le diagnostic ou le pronos- China. N Engl J Med, 2020. 382(18): p. 1708-1720.
tic, et dans l’évolution de la pathologie. 13. Maquet, J., et al., Thrombocytopenia is independently associated with poor out-
come in patients hospitalized for COVID-19: Br J Haematol. 2020 Sep;190(5):e276-
Il est aussi important de détecter les pseudo-thrombopé- e279. doi: 10.1111/bjh.16950. Epub 2020 Aug 31.
nies afin d’éviter des traitements inefficaces et toxiques. 14. Hashemieh M., T.S., Radfar M., Fahim P., COVID-19 Associated Thrombo-
cytopenia in Children. Int. J. Pediatrics, 2021. 9(6): p. 13635–136420.
15. Yao, X.H., et al., [A pathological report of three COVID-19 cases by minimal
Date de soumission invasive autopsies]. Zhonghua Bing Li Xue Za Zhi, 2020. 49(5): p. 411-417.
21 Août 2021. 16. Javanmard, S.H., et al., Neutrophil-to-lymphocyte ratio as a potential bio-
marker for disease severity in COVID-19 patients. J Glob Antimicrob Resist,
Liens d’intérêts 2020. 22: p. 862-3.
17. Zong, X., et al., Thrombocytopenia Is Associated with COVID-19 Severity
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en and Outcome: An Updated Meta-Analysis of 5637 Patients with Multiple Out-
rapport avec cet article. comes. Lab Med, 2021. 52(1): p. 10-15.
18. Zhu, Y., et al., Association between thrombocytopenia and 180-day progno-
sis of COVID-19 patients in intensive care units: A two-center observational
Références study. PLoS One, 2021. 16(3).
1. Yang, X., et al., Thrombocytopenia and its association with mortality in patients 19. Gómez-Mesa, J.E., et al., Thrombosis and Coagulopathy in COVID-19. Curr
with COVID-19. J Thromb Haemost, 2020. 18(6): p. 1469-1472. Probl Cardiol, 2021. 46(3): p. 2.
2. Frater, J.L., et al., COVID-19 and the clinical hematology laboratory. Int J Lab 20. Colkesen, Y. and H. Muderrisoglu, The role of mean platelet volume in pre-
Hematol, 2020. 1: p. 11-18. dicting thrombotic events. Clin Chem Lab Med, 2012. 50(4): p. 631-4.
3. Xu, P., Q. Zhou, and J. Xu, Mechanism of thrombocytopenia in COVID-19 pa- 21. Wang, Y., et al., The diagnostic value of platelet distribution width in patients
tients. Ann Hematol, 2020. 99(6): p. 1205-1208. with mild COVID-19. J Clin Lab Anal, 2021. 35(4): p. 27.
4. Yang, M., M.H. Ng, and C.K. Li, Thrombocytopenia in patients with severe acute 22. Daniels, S., H. Wei, and D.W. Denning, Platelet size as a predictor for seve-
respiratory syndrome (review). Hematology, 2005. 10(2): p. 101-5. rity and mortality in COVID-19 patients: a systematic review and meta-analysis.
5. Arabi, Y.M., et al., Clinical course and outcomes of critically ill patients with medRxiv, 2021: p. 2021.07.15.21260576.
Middle East respiratory syndrome coronavirus infection. Ann Intern Med, 2014. 23. Bhandary, C.P.A., P. L.; Manivannan, P.; Kar, R.; Basu, D., Hematological pa-
160(6): p. 389-97. rameters in covid-19 illness: Emphasis on platelet indices as a marker of severity
6. Nardi, M., et al., Complement-independent, peroxide-induced antibody lysis of of disease. Indian Journal of Hematology and Blood Transfusion, 2020. 36((1
platelets in HIV-1-related immune thrombocytopenia. Cell, 2001. 106(5): p. 551-61. SUPPL)).

Retrouvez tous les numéros


de l'année 2019 sur
www.el-hakim.net

elhakimmedecine elhakim.revuemedicale linkedin.com/in/el-hakim el_alg

66 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Maladie de Fabry

M.A. BOUBCHIR,
Service de Néphrologie, CHU Nédir-Mohamed, Tizi Ouzou.

Résumé
La maladie de Fabry est une maladie héréditaire du
métabolisme, de transmission liée au chromosome X,
est due à un déficit total ou partiel d'une enzyme lyso-
somale, l'alpha-galactosidase-A. Elle aboutit dès le plus
jeune âge à une accumulation progressive ubiquitaire Abstract
de glycosphingolipides (principalement le globotriao-
Fabry's disease is an inherited metabolic disease, of
sylcéramide encore appelé GL-3, ou Gb3) non dégra-
transmission linked to the X chromosome, is due to
dés par cette enzyme. Les atteintes cutanées, neurolo-
a total or partial deficiency of a lysosomal enzyme,
giques, néphrologiques, cardiaques, gastro-intestinales,
alpha-galactosidase-A. From an early age, it leads to a
ophtalmologiques, respiratoires et cochléo-vestibu-
progressive ubiquitous accumulation of glycosphin-
laires sont responsables d'une mortalité accrue et d'une
golipids (mainly globotriaosylceramide also called GL-
altération significative de la qualité de vie des patients. 3, or Gb3) not degraded by this enzyme. Cutaneous,
L’interrogatoire oriente aussi vers le diagnostic d’une neurological, nephrological, cardiac, gastrointestinal,
maladie de Fabry s’il existe dans la famille des décès ophthalmological, respiratory and cochleovestibu-
chez des personnes de moins de 50 ans, principalement lar disorders are responsible for increased mortality
de sexe masculin, des accidents vasculaires cérébraux, and a significant deterioration in the quality of life of
des troubles du rythme ou de la conduction cardiaque patients. The questioning also directs towards the dia-
ou des cas d’insuffisance rénale. Un diagnostic plus gnosis of Fabry disease if there are deaths in the family
précoce peut conduire à l’instauration d’un traitement in people under 50 years of age, mainly males, cere-
par enzymothérapie substitutive à même d’éviter la brovascular accidents, arrhythmias or conduction
survenue de lésions irréversibles. Le diagnostic repose disorders heart or kidney failure. Earlier diagnosis can
chez le patient de sexe masculin sur la mesure de l’acti- lead to the initiation of treatment with enzyme repla-
vité enzymatique de l’alpha-galactosidase A dans les cement therapy, which can prevent the occurrence of
leucocytes ou le plasma; une valeur effondrée confirme irreversible lesions. Diagnosis in male patients is based
le diagnostic de maladie de Fabry. Les femmes hétéro- on measurement of alpha-galactosidase-A enzyme
zygotes présentent des signes de la maladie plus tardi- activity in leukocytes or plasma; a collapsed value
vement et généralement d’intensité moindre. Chez les confirms the diagnosis of Fabry disease. Heterozygous
femmes, seul un génotypage (recherche de la mutation women show signs of the disease later and generally
du gène GLA), permet d’affirmer le diagnostic. Dans of less intensity. In women, only genotyping (search for
tous les cas, une enquête familiale devra être réalisée the GLA gene mutation) can confirm the diagnosis. In
après diagnostic d’un cas index. Un suivi spécialisé ré- all cases, a family investigation should be carried out
gulier est indispensable, chez les hommes, les femmes after diagnosis of an index case. Regular specialist fol-
et les enfants. low-up is essential for men, women and children.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Maladie de Fabry, Alpha-galactosidase A, Angiokéra- Fabry disease, Alpha-galactosidase A, Angiokeratomas,
tomes, Insuffisance rénale. Renal failure.

67
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

Introduction X et un chromosome Y (XY), les femmes, deux chromo-


somes X (XX).
La maladie de Fabry (MF) est une maladie de surcharge ly- Les maladies dont le gène est localisé sur le chromo-
sosomale progressive, liée à une anomalie du métabolisme some X se transmettent le plus souvent sur un mode dit
des glycosphingolipides, de transmission liée au chromo- "récessif lié à l'X". Dans ce cas, la maladie se manifeste
some X, avec une atteinte plus précoce et plus sévère chez chez les sujets de sexe masculin (XY), qui possèdent une
les hommes, due à un déficit en alpha-galactosidase A, seule copie mutée du gène, alors que les femmes (XX) por-
enzyme nécessaire à la dégradation du globotriaosylcéra- teuses du gène muté sur un des deux chromosomes X sont
mide (Gb3). cliniquement saines, mais conductrices de la maladie.
Ce déficit enzymatique entraine une augmentation de la Seuls les garçons sont donc atteints dans la lignée maternelle.
concentration plasmatique de Gb3 (globotriaosylcéra- Il n'y a jamais de transmission père-fils.
mide) et une accumulation dans les lysosomes des organes
tels que le rein, le cœur, les cellules nerveuses et les cellules
endothéliales capillaires. Cette accumulation tissulaire pro-
voque une atteinte multisystémique avec des manifesta- Figure 1 : Affection liée au chromosome X
tions algiques dans l’enfance, ainsi qu’une atteinte cutanée
et ophtalmologique, puis des atteintes : rénale, neurolo-
gique et cardiaque qui grèvent le pronostic du patient.

Historique
1898 : Première description par deux dermatologues
Johannes Fabry et William Anderson
1947 : Découverte de dépôts lipidiques dans les vais-
Conductrice Sain
seaux sanguins par Pompen.
1963 : Identification du globotriaosylcéramide (Gb3), XX XY
principal sphingolipide accumulé dans les tissus par
Sweeley et Klionsky.
1967 : Identification de l’enzyme déficiente, l’α-
galactosidase A par Brady, puis confirmation par Kint
en 1970.
1986 : Séquençage du gène codant pour l’α- XX XX XY XY
galactosidase A.
2001 : Le traitement de référence par Fabrazyme® (enzyme
humaine recombinante) est approuvé par la commission
Européenne en août 2001 et par la FDA en avril 2003.
2016 : Molécules chaperons.

Rappels
Atteint
a. Génétique
Individu homozygote : Si ces deux allèles sont identiques, Figure 2 : Emplacement du gène Fabry annoté en rouge - Loci Xq
22.1 sur le chromosome X
l'individu est dit homozygote pour le gène considéré.
Individu hétérozygote : Si les deux allèles sont différents,
l'individu est dit hétérozygote pour ce gène. b. Lipidologie
Individu hémizygote : Un individu n'ayant qu'un seul Globotriaosylcéramide : ganglioside également ap-
allèle pour un gène donné (l'allèle du daltonisme chez pelé trihexosylcéramide, CD77, Gb3 ou GL-3 dont la
un mâle par exemple). structure peut être représentée par αGal–βGal–βGlc–
Le gène Fabry défectueux est situé sur le chromosome Cer, composé :
X, qui est l'un des deux chromosomes qui déterminent • D'une unité céramide constituée d'un résidu de
le sexe d'un individu . Chaque cellule de l’être humain sphingosine lié à un acide gras ;
contient 46 chromosomes, regroupés en 23 paires. La • D'un résidu de glucose lié au céramide par une liai-
23ème paire est constituée des chromosomes dits sexuels son β-osidique ;
(gonosomes) : les hommes présentent un chromosome • D'un résidu de galactose lié au glucose par une liai-

68 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Maladie de Fabry

son β-osidique ; Ces composés diffèrent les uns des autres uniquement
• D'un résidu de galactose terminal lié au galactose par l'acide gras combiné à la sphingosine de l'unité
par une liaison α-osidique. céramide.

GI-3 globotriaosylcéramide
Céramide Glu Gal Gal
Alpha Gal A

GI-2 lactosylcéramide
Céramide Glu Gal alpha-Galactosidase A
Bêta Gal A

GI-1 glucosylcéramide
Céramide Glu

Figure 3 : Action de l’alphagalactosidase

Les Gb3 sont produits dans les cellules à partir de lation donnée à un moment donné).
galactose et de lactosylcéramide sous l'action de l'α- 4.Lorsque la maladie se développe plus tardivement,
1,4-galactosyltransférase. cette prévalence augmente à 1/3 000[3].
b. Lysosome Tableau clinique
organite cellulaire de 0,2 à 0,5 micron présent dans le La surcharge tissulaire augmente avec l’âge et le ta-
cytosol de toutes les cellules eucaryotes, animales, à bleau clinique recouvre tout un spectre de sévérités
l'exception des érythrocytes. Il a pour fonction la di- allant des formes légères (femmes hétérozygotes),
gestion intracellulaire grâce à une quarantaine d'en- aux formes graves (hommes hémizygotes) présentant
zymes, dont des lipases, des protéases, des nucléases, toutes les manifestations caractéristiques.
des glycosidases, des phosphatases et des sulfatases. Cette affection est multisystémique avec, dans sa
forme classique, des manifestations algiques (débu-
tant le plus souvent dans l’enfance ou l’adolescence).
Dégradation enzymatique Déficit enzymatique
des macromolécules surcharge lysomomale a. L’interrogatoire
Lysosome Il recherchera :
- Des antécédents familiaux de MF (arbre généalo-
gique),
- Des symptômes évocateurs, en particulier acropa-
resthésies, anhidrose, symptomatologie digestive,
Sujet sain Sujet malade etc., des signes généraux : asthénie, altération de l’état
général,
- Des palpitations, douleurs thoraciques, dyspnée,
Figure 4 : Surcharge lysosomale par déficit enzymatique [1].
- Des facteurs de risque cardio-vasculaire : HTA,
tabagisme, dyslipidémie, diabète, obésité,
Épidémiologie - Chez l’enfant : des manifestations douloureuses
(acroparesthésies et crises douloureuses paroxys-
La maladie de Fabry, bien que rare, fait partie des tiques articulaires ou abdominales)[4].
maladies de surcharge lysosomale les plus fréquentes,
touchant 1/40.000 naissances masculines[2]. La mala- b. L’examen physique
die de Fabry est pan-ethnique. 4. L'incidence annuelle, Il recherchera des signes d’atteinte spécifique
mal connue, est estimée à 1 pour 80.000 naissances vi- Rénale : (quasi constantes) : l’atteinte rénale est
vantes, mais ce chiffre pourrait être sous-estimé[3]. La longtemps cliniquement asymptomatique, nécessi-
prévalence, à la naissance, pour cette maladie s'élève tant un dépistage systématique d’une microalbumi-
à hauteur de 1/80.000 (nombre de cas dans une popu- nurie, d’un trouble de la concentration des urines,

69
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

d’une hyperfiltration, d’une protéinurie, hématurie


et plus rarement d’une HTA généralement modé-
rée. Si elle n'est pas traitée précocement, la MF peut
conduire à une insuffisance rénale terminale (plus
tardive) [5].
Le diagnostic histologique est évident.
MO : le cytoplasme des cellules glomérulaires (en
particulier des podocytes) et tubulaires distales est
intensément vacuolisé par les dépôts lipidiques.
IF : négative,
MO : n'est pas utile[6].
Dermatologique : (très fréquentes) : apparaissent Figure 1 : Cornée verticillée
généralement entre 3 et 20 ans (angiokératomes) ;
une hypohidrose, une anhidrose, résultant en une
intolérance à la chaleur, sont fréquentes ;
Acroparesthésies :
- Brûlures des extrémités,
- Régression spontanée des acroparesthésies au
cours du temps,
- EMG normal,
- Possible intérêt des potentiels évoqués laser, du
sudoscan,
Facteurs déclenchant : exercice, fatigue, émo-
tions, variations de température (chaleur ou froid).
Signes associés : fièvre, syndrome inflammatoire
Figure 2 : Angiokératome
biologique.
Les angiokératomes représentent la manifestation
cutanée la plus fréquente mais ne sont pas spéci-
fiques de cette maladie, et doivent être distingués
des angiokératomes isolés ou associés à des mala-
dies de système. Autres signes cutanés: des lésions
buccales, des œdèmes des membres inférieurs, etc.
Cardiaques : L’accumulation progressive de Gb3 est
à l’origine d’une vasculopathie systémique et de pro-
cessus pro-fibrosants.
Les hommes hémizygotes, mais également les
femmes hétérozygotes, peuvent être touchés : 48,6%
des hommes et 36,4% des femmes avaient au moment
du diagnostic de la MF, une HVG[7]. Figure 3 : AVC ischémique
Dans la forme classique : hypertrophie ventricu-
laire, cardiomyopathie hypertrophique typiquement
concentrique (mais pouvant aussi être asymétrique)
survient habituellement à partir de 40 ans, souvent
asymptomatique dans ses débuts, troubles de la
conduction (PR court à la phase précoce puis possibi-
lité de BAV ou dysfonction sinusale à la phase tardive)
et/ou du rythme (ACFA, arythmie maligne), insuffi-
sance cardiaque, angor, valvulopathies.
Des variants cardiaques, correspondant à des muta-
tions particulières et une activité enzymatique rési-
duelle avec pour conséquence une symptomatologie
principalement cardiaque d’apparition plus tardive,
Figure 4 : Cardiomyopathie hypertrophique
ont été décrits. Leur fréquence est mal connue[8].

70 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Maladie de Fabry

Ophtalmiques : Méthodes diagnostiques


polymorphes sans traduction clinique. Les dépôts La maladie de Fabry est un trouble du métabolisme
cornéens (signe quasi-pathognomonique) sont visibles des glycosphingolipides due à une activité déficiente
uniquement par examen à la lampe à fente. (ou absente) d'une hydrolase, l'alpha-galactosidase-
Des tortuosités des micro-vaisseaux rétiniens et A lysosomale liée à des mutations dans le gène GLA
conjonctivaux sont par ailleurs classiques, thrombose (Xq21.3-q22).
de la veine centrale de la rétine. Le diagnostic est surtout clinique et doit être évo-
Dystrophie cornéenne (cornée verticillée) : Signe qué devant une histoire personnelle et/ou familiale
précoce pouvant être présent dès l’âge de 2 ans, évocatrice; il est confirmé par le dosage de l'activité
n’altérant peu ou pas la vision. enzymatique au sein des leucocytes ou bien par étude
moléculaire.
Manifestation la plus fréquente : jusqu'à 90% des
Le diagnostic de laboratoire définitif implique la dé-
patients
monstration d'un déficit enzymatique accentué chez
Diagnostic différentiel : les hommes hémizygotes. L'analyse enzymatique
Fucosidose (retard mental ++) peut aider à détecter les hétérozygotes (souvent peu
Traitements chroniques : antipaludéens de syn- concluant dû à l'inactivation X-chromosomique aléa-
thèse, amiodarone, phénothiazines... (liste non toire), ce qui rend les tests moléculaires (génotypage)
exhaustive). obligatoires pour les femmes.
Actuellement, la mesure est réalisée avec un substrat
Cochléo-vestibulaire, (très fréquente) : uni- ou synthétique, la spécificité de la réaction étant assurée
bilatérale. par l’addition d’un inhibiteur de l’alpha-galactosidase
L'hypoacousie le plus souvent progressive pouvant B : la N-acétyl D-galactosamine. L’activité est non dé-
aller jusqu’à la cophose et vertiges sont fréquemment tectable ou très fortement diminuée dans les formes
observés, sévères classiques ; une activité résiduelle de 1 à 12%
Pulmonaire : pseudo-asthme, dyspnée, peut être retrouvée dans les formes plus modérées et
Gastro-intestinales (non spécifiques) : douleurs abdo- en particulier dans le variant « cardiaque » porteur de
minales, diarrhée, constipation, alternance diarrhée- la mutation p.Asn215Ser[4].
constipation, inappétence, Le déficit étant ubiquitaire, tous les milieux biolo-
Rhumatologique : Ostéopénie/ostéoporose. giques permettent le diagnostic : plasma, taches de
Neurologique : Atteinte périphérique. Les signes de sang séchées sur papier buvard, leucocytes, lympho-
souffrance neurologique périphérique sont dominés blastes, fibroblastes, biopsies tissulaires. Tout déficit
par les crises douloureuses et les acroparesthésies dans le plasma doit être vérifié dans les leucocytes en
chroniques touchant 84% des hommes et 79% des raison d’exceptionnels faux positifs et faux négatifs.
femmes. Apparaissant plus tôt chez les garçons (avant L’analyse du gène codant pour l’alpha-galactosidase A
10 ans), que chez les filles hétérozygotes[9]. (gène GLA), qui n’est pas indispensable au diagnostic
Atteinte centrale (entre 20 et 40% des patients) : les chez l’hémizygote, est nécessaire à la réalisation de
accidents vasculaires cérébraux dans la majorité des l’enquête familiale [4].
cas ischémiques sont surtout vertébrobasilaires : 67% Chez les femmes, le diagnostic est plus délicat : S’il
chez les hémizygotes, 60% chez les hétérozygotes[10]. existe un cas masculin dans la famille, le diagnostic
La maladie est généralement reconnue après la deu- d’hétérozygotie repose sur la mise en évidence de la
xième décennie devant des complications : un ou plu- mutation précédemment identifiée chez le malade.
sieurs AIT ou AVC sans facteur de risque particulier. Dans le cas où aucun cas familial n’est connu ou étudié,
le diagnostic de certitude est plus difficile à établir :
La maladie de Fabry est responsable de :
- L’activité enzymatique de l’alpha-galactosidase-A
- Environ 1% des mises en dialyse inexpliquées ;
peut être normale chez une femme hétérozygote du
- Environ 1% des cardiomyopathies hypertrophiques
fait d’une inactivation préférentielle de l’X muté.
(CMH) inexpliquées ;
- L’excrétion du Gb3 urinaire (en dehors du cas de la
- Environ 1% des accidents vasculaires cérébraux is-
mutation p.Asn215Ser et des malades ayant eu une
chémiques inexpliqués [11].
greffe rénale), est généralement augmentée modéré-
L'examen physique, évalue l’impact sur la qualité de ment mais peut être normale chez les hétérozygotes.
vie : syndrome douloureux, retentissement psycholo- - Le séquençage complet du gène GLA est donc souvent
gique, scolaire ou socioprofessionnel, dépression, etc. nécessaire pour confirmer le diagnostic [4].

71
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

Annonce du diagnostic matique +/- recherche de la mutation. Demande de


diagnostic prénatal quel que soit le sexe fœtal =>
Il s’agit d’une double annonce : celle de la maladie
biopsie de placenta directement sans diagnostic de
chronique grave et celle de l’origine génétique. Les
sexe fœtal préalable.
circonstances de l’annonce vont avoir une incidence
Deuxième approche : Diagnostic préimplantatoire.
directe sur le processus d’adaptation personnelle
et familiale à la maladie à long terme. Il convient Conseil génétique
donc de prendre le temps de l’annonce et de revoir La maladie de Fabry est transmise par le chromosome
le patient dans un deuxième temps pour répondre de X. L'existence de variantes atypiques et les nouvelles
nouveau à ses questions. Pour un enfant, il est souhai- options thérapeutiques compliquent le conseil géné-
table que les deux parents soient présents. tique.
L’explication de l’origine génétique doit être fournie avec Le dépistage familial s’impose chez tous les apparen-
tact et prudence. Il faut faire comprendre le mode de tés à risque en tenant compte du mode de transmis-
transmission par les mères lorsqu’elles sont reconnues sion lié à l’X : par exemple il n’existe pas de transmis-
comme conductrices (hétérozygotes) : probabilité sion père-fils et toutes les filles des hommes atteints
qu’un garçon soit atteint : 50%, qu’une fille soit trans- de la maladie de Fabry sont porteuses obligatoires.
mettrice : 50%, en évitant toute notion de culpabilité - Plus de 800 mutations pathogènes ont été décrites
maternelle, et souligner le fait que les garçons d’un dans le gène GLA (Xq22.1, 7 exons).
père atteint seront toujours sains, ses filles toujours - Un conseil génétique et un test génétique doivent
conductrices, mais non forcément malades. être proposés à tout patient à risque, par un clinicien
Diagnostic(s) différentiel(s) possédant une expertise spécifique, au sein d’une
équipe pluridisciplinaire comportant au moins un
Chez l'enfant, éliminer les autres causes de douleur, généticien et un psychologue.
telle que la polyarthrite rhumatoïde et des douleurs - Le dépistage génétique pré-symptomatique des ap-
de croissance doivent être exclues. Chez l'adulte, la parentés dans la maladie de Fabry peut être proposé,
sclérose en plaque est à éliminer. en l’absence de symptômes, à partir de l’âge de 16 ou
Il est rappelé que le diagnostic doit être confirmé 18 ans chez les garçons (en lien avec les recommanda-
avant toute initiation d’une enzymothérapie subs- tions européennes ou françaises pour l’initiation du
titutive : TES).
Chez l’homme, par la mise en évidence d’un déficit en - Certaines mutations de GLA, appelées "variants car-
alpha-galactosidase-A (activité enzymatique absente diaques" peuvent donner des formes cliniques avec
ou fortement diminuée) dans les leucocytes. L’acti- atteinte cardiaque isolée.
vité enzymatique dans le plasma a néanmoins une - Il peut être intéressant de rechercher une maladie
bonne valeur indicative (faux positifs); de Fabry devant les cas d’HVG non expliqués par des
Chez la femme, par un génotypage (recherche de la conditions de charge ou une autre étiologie (HTA,
mutation du gène GLA), après consentement éclai- sténose aortique, cœur d’athlète, obésité, CMH sar-
ré écrit pour étude des caractéristiques génétiques, comérique, autres maladies infiltratives et métabo-
permettant seul d’affirmer si elle est ou non hétéro- liques), a minima par dosage enzymatique chez les
zygote. En effet, une activité enzymatique normale hommes de 30 ans et plus.
ne permet pas d’exclure un statut d’hétérozygote.
Le dosage du Gb3 urinaire peut également aider au Suivi des patients atteints de la maladie
diagnostic. de Fabry
La maladie de Fabry nécessite un suivi régulier cli-
Diagnostic anténatal nique, biologique et morphologique, par un médecin
Le diagnostic prénatal est basé sur la détermination expert dans les maladies métaboliques, qui coordonne
de l'activité enzymatique ou par des tests ADN des le suivi par les différents spécialistes d’organe (rein,
villosités choriales ou des cellules amniotiques culti- cœur, SNC, yeux). Le suivi cardiologique régulier doit
vées uniquement pour les fœtus mâles. Un diagnostic être conseillé et répété tous les ans en cas d’atteinte
préimplantatoire est possible. Deux approches pos- cardiaque ou de symptômes cardiovasculaires.
sibles : a. Surveillance cardiologique :
Première approche : grossesse spontanée. Prise de - Évaluation clinique, ECG et ETT : à réaliser
sang maternel : Diagnostic du sexe fœtal à 10 SA tous les ans, ou en cas d’apparition/aggravation de
Garçon : Biopsie de placenta à 12 SA : Dosage enzy- symptômes,

72 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Maladie de Fabry

- Holter ECG de 24h et épreuve d’effort : à considérer - Le greffon n’est pas recolonisé par le processus pa-
tous les 2 à 3 ans chez les patients stables, ou en cas thologique, il possède une activité enzymatique nor-
d’apparition/aggravation des symptômes, male,
- IRM cardiaque pour suivi de la fibrose, en fonction - Le greffon ne suffit pas pour substituer l’ensemble de
de l’atteinte myocardique la fonction enzymatique et les morbidités cérébro- et
- Scintigraphie d’effort, coronarographie, en fonction cardio-vasculaires persistent ;
de l’orientation clinique et paraclinique - La mise sous traitement peut se justifier.
b. Suivi biologique par dosage urinaire annuel des
Gb3 ou lysoGb3 pour évaluer l’observance et l’effica- Traitement
cité de la TES La prise en charge est multidisciplinaire; elle im-
c. Surveillance de la fonction rénale par mesure isoto- plique un traitement symptomatique et un traite-
pique du DFG, ionogramme sanguin, créatininémie, ment spécifique, responsables d'une amélioration à
protéinurie, créatininurie, la fois de la survie et de la qualité de vie des sujets
d. Surveillance neurologique clinique +/- IRM céré- atteints. L'enzymothérapie substitutive (ETS) par
brale si apparition de nouveaux signes neurologiques l'alpha-galactosidase-A recombinante constitue la
ou suspicion d’AIT, pierre angulaire du traitement spécifique et peut
e. Évaluation de la douleur et de la qualité de vie, être associée à d'autres types de traitements comme
f. Surveillance ORL avec audiogramme +/- PEA, le galactose et les molécules chaperonnes. La thérapie
g. Suivi ophtalmologique. génique représente elle aussi une approche en plein
essor.
Pronostic Fabrazyme, stabilise la fonction rénale chez 90% des
Avec l'âge, la détérioration progressive peut mener à patients sur une période médiane de suivi de 52,2
la défaillance organique. L'insuffisance rénale termi- mois[12].
nale et des complications cardio- et cérébro-vascu- La dose de 1mg/kg permet une meilleure clairance du
laires, mettant en danger le pronostic vital, réduisent GL-3 au niveau des podocytes comparée aux doses
l'espérance de vie des hommes et des femmes de 20 plus faibles[13].
et 15 ans respectivement par rapport à la population Chez la femme hétérozygote, il est recommandé
générale[2]. d’initier un traitement par enzymothérapie substi-
Les femmes sont pour la plupart symptomatiques à tutive en cas de survenue de symptômes cliniques,
des degrés divers, mais les manifestations cliniques en particulier en présence de cardiomyopathie, de
sont généralement plus atténuées que chez l’homme, maladie rénale débutante évolutive, de maladie
et de survenue plus tardive. L’atteinte rénale est moins rénale avérée (protéinurie > 1 g/24 h, existence de
fréquente et moins sévère. Ceci s’explique probablement lésions vasculaires étendues à la ponction-biop-
par l’inactivation au hasard d’un chromosome X dans sie rénale, insuffisance rénale modérée à sévère),
chaque cellule. Il n’existe pas d’étude contrôlée, rando- d’AIT, d’AVC, ou d’atteinte cochléaire sévère.
misée versus placebo, apportant un niveau de preuve Chez l’enfant de moins de 18 ans
quant à l’intérêt des enzymes de substitution adminis- Il n’existe pas d’étude contrôlée, randomisée ver-
trées chez la femme hétérozygote asymptomatique ou sus placebo publiée apportant un niveau de preuve
pauci-symptomatique. quant à l’intérêt des enzymes de substitution admi-
En cas d’hémodialyse ou de dialyse péritonéale nistrées chez l’enfant de moins de 18 ans. Il n’y a
- La survie des patients dialysés atteints de maladie de pas de preuve scientifique permettant de conclure
Fabry est moins bonne que celle des autres dialysés, que le traitement enzymatique substitutif ralentisse
diabétiques exclus, possiblement du fait des compli- l’évolution de la maladie chez l’enfant. En l’absence
cations cardiaques ou cérébro-vasculaires inhérentes de données, il n’y a pas lieu de traiter l’enfant de
à la maladie ; moins de 6 ans. Aucun schéma posologique ne peut
-La mise sous traitement par enzymothérapie subs- être recommandé actuellement dans cette sous-popula-
titutive est recommandée, aucune adaptation posolo- tion. Chez l’enfant, en l’état actuel des connaissances[14] :
gique n’est nécessaire chez les patients présentant une - Il n’est pas justifié de traiter les enfants asymptoma-
insuffisance rénale. tiques ;
En cas de greffe rénale - Il est recommandé d’instaurer un suivi médical
- La survie des transplantés rénaux est identique dans annuel en particulier rénal, cardiaque et auditif ;
la maladie de Fabry et dans les autres maladies rénales - Il est justifié d’envisager un traitement par enzy-
hors diabète ; mothérapie substitutive dans certaines situations

73
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

cliniques en rapport avec la maladie : de l'hydrolase alpha-galactosidase-A qui est nécessaire


• Grandes crises douloureuses réfractaires à un trai- à la dégradation quotidienne du globotriaosylcéramide
tement antalgique bien conduit (carbamazépine, di- (Gb-3). Lorsque le métabolisme correct de ce lipide ne se
phénylhydantoïne, gabapentine, amitryptiline), produit pas, le Gb-3 s'accumule dans la majorité des cellules
• Atteinte rénale organique débutante, de l'organisme.
• Atteinte cardiaque, L'accumulation progressive de lipides qui en résulte en-
• Atteinte cochléo-vestibulaire (hypoacousie objecti- traîne des dommages cellulaires qui provoquent un large
vée par l’audiogramme, crises vertigineuses d’origine éventail de symptômes légers à graves, y compris des consé-
vestibulaire), quences potentiellement mortelles telles que l'insuffisance
• Accident vasculaire cérébral ischémique rénale, l'arrêt cardiaque et les accidents vasculaires céré-
braux, souvent à un âge relativement précoce.
Posologies La maladie de Fabry doit être envisagée dès l’enfance, chez les
• Fabrazyme® : 1 mg/kg de poids corporel, administré garçons, devant un ou plusieurs des signes cliniques.
une fois toutes les 2 semaines par perfusion intravei- Un diagnostic et un traitement précoces peuvent éviter la
neuse. La vitesse de perfusion initiale ne doit pas dépas- survenue de nombreuses complications.
ser 0,25 mg/mn (15 mg/h) afin de minimiser l'éventua-
Date de soumission
lité de la survenue de réactions liées à la perfusion ;
28 Novembre 2020.
• Replagal® : 0,2 mg/kg de poids corporel, administré
une fois toutes les 2 semaines par perfusion intravei- Liens d’intérêts
neuse de 40 minutes [4]. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts
Traitement symptomatique en rapport avec cet article.
il améliore la qualité de vie des patients.
Références
• Le traitement de la douleur par l’éviction des facteurs
1. Lidove O, Sené T. Diagnostic illustré de la maladie de Fabry. Service
déclenchant et les antalgiques, de Médecine interne - Rhumatologie Centre de Référence Maladies
• La néphroprotecteur par inhibiteurs de l'enzyme de Lysosomales Site Diaconesses - Croix Saint Simon, Paris. ÉDITÉ PAR
conversion et antagonistes des récepteurs de l'angio- PHASE 5 - NOVEMBRE 2017
tensine puis prise en charge de l’insuffisance rénale 2. Mac Dermot KD, et al. Anderson Fabry disease: clinical and impact
of disease in a cohort of 98 hemizygous males. Journal of Medical Ge-
terminale, netics 2001; 38: 750 - 760
• La neuroprotection par aspirine et la cardioprotec- 3. Germain DP. Fabry disease. Orphanet J Rare Dis 2010;5:30.
tion par ß-bloquants +/- anti-arythmiques, les pace- 4. Protocole national de diagnostic et de soins PNDS Maladie de Fabry.
makers ou un défibrillateur implantable, et contrôle Novembre 2010 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/ applica-
tion/pdf/2010-12/ald_17_pnds_fabry_vd.pdf
des facteurs de risque cardiovasculaires. 5. Warnock et al. Clin J Am Soc Nephrol 5: 371- 378, 2010-9
6. Dussol B. Résultats de l'enzymothérapie substitutive sur l'atteinte
Molécules chaperonnes rénale dans la maladie de Fabry. La presse médicale, Mars 2007.
Traitement oral par des molécules pharmacolo- 7. Kampmann et al. Int J Cardiol 2008; 130: 367-73
8. Seydelmann N, Wanner C, Störk S, Ertl G, Weidemann F. Fa-
giques chaperonnes (Migalastat, Amicus Therapeu- bry disease and the heart. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab
tics). Ces molécules de bas poids moléculaire se lient 2015;29:195-204.
spécifiquement à certaines formes mutantes de l’α- 9. Mehta A et al. Fabry disease defined: baseline, clinical manifesta-
galactosidase-A pour les stabiliser et ainsi restaurer tions of 366 patients in the Fabry outcome Survey. Eur J Clin invest
2004; 34: 236-42
leur activité lysosomale. 10. Mitsias P, Levine SR. Cerebrovascular complications of Fabry's
disease. Ann Neurol 1996; 40: 8-17;
Conclusion 11. Rolfs A et al. Prévalence of Fabry disease in patients with cryptoge-
nic stroke: a prospective study. Lancet 2005; 366: 794-6
Affection génétique rare et grave de manifestation multi- 12. Germain DP et al. J Am Soc Nephrol. 2007; 18 (5): 1547-1557
systémique causée par un gène défectueux (le gène GLA). 13. Tondel et al. J Am Soc Nephrol 2013; 24 (1): 137-48
La maladie de Fabry est, en effet, encore souvent diagnosti- 14. Robert J. Hopkin, John L. Jefferies, Dawn A. Laney, Victoria H.
Lawson, Michael Mauer, Matthew R. Taylor, William R. Wilcox, on
quée avec retard. La maladie de Fabry est une maladie pro-
behalf of the Fabry Pediatric Expert Panel. The management and treat-
gressive, destructrice et potentiellement mortelle. ment of children with Fabry disease: A United States-based perspec-
Le défaut du gène provoque une quantité insuffisante tive. Mol Genet Metab 2015.

74 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

Et le psychotraumatisme renait de
ses cendres !
M. BENABBAS (1), O. BENELMOULOUD (2),
(1) Service de Psychiatrie. HMRUC/5°région militaire, Constantine.
(2) Faculté de Médecine, Université de Constantine 3.

Résumé
Les objectifs recherchés à travers cette enquête sont
de deux ordres : évaluer la prévalence du psychotrau-
matisme au sein d’un échantillon représentatif d’an- Abstract
ciens combattants. Définir la comorbidité du psycho-
traumatisme avec les autres troubles psychiatriques. The objectives sought through this survey are twofold:
Les conséquences de la guerre d’Algérie sur le plan de to assess the prevalence of psychotrauma within a re-
la santé mentale sont importantes à cause de la durée presentative sample of former combatants. Define the
comorbidity of psychotrauma with other psychiatric di-
et de l’intensité du conflit. Les tortures, les exécutions
sorders. The mental health consequences of the Algerian
sommaires, les déportations, les viols ont été rare-
war are significant because of the duration and intensity
ment décrits par les psychiatres qui se sont intéressées
of the conflict. Tortures, summary executions, deporta-
uniquement à la pathologie du contingent qui présen- tions, rapes were rarely described by psychiatrists who
taient des cas cliniques de psychopathie, de névrose were interested only in the pathology of the contingent
et d’alcoolisme alors que les populations colonisées who presented clinical cases of psychopathy, neurosis
n’ont fait l’objet d’aucune étude. Cinquante-six ans and alcoholism while the colonized populations have
après l’indépendance, nous avons pensé rechercher not been studied. Fifty-six years after independence, we
la présence ou la persistance de troubles psychiques thought to look for the presence or the persistence of psy-
en particulier le psychotraumatisme chez ces « res- chological disorders, in particular psychotrauma, in these
capés » de la révolution représentant une population "survivors" of the revolution, representing a population
jusque-là asymptomatique et silencieuse. until then asymptomatic and silent.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Ancien Moudjahid, psychotraumatisme. Old fighter, psychotrauma.

Sujets et méthodes quête et de ce fait son accord verbal est nécessaire. Enfin,
la population d’étude est de 60 patients.
Il s’agit d’une étude prospective qui a débuté au mois de
mars 2018 et qui continue dans le temps. La population
d’étude est représentée par des anciens (es) combattants
Résultats
(es), qui sont orientés vers le service de psychiatrie par la Sexe : nous avons recensés 55 hommes et 05 femmes.
direction des Moudjahidines de la Wilaya de Constan- Âge : la moyenne d’âge est de 75 ans, avec des extrêmes
tine en vue d’une éventuelle révision de leur taux d’IPP. de 70 à 80 ans.
Le diagnostic est posé cliniquement par le psychiatre Score de Horowitz : 28 anciens combattants ont présenté
du service et confirmé par l’évaluation à l’échelle de Ho- les signes d’un psychotraumatisme avéré (score > 42)
rowitz qui permet la mesure subjective de l’impact d’un avec des conduites d’évitement (82%), un syndrome de
événement(1,2). Le score seuil est de 42, et au-delà de 42 répétition (75%), et des perturbations du sommeil (78%)
c’est un psychotraumatisme à 95%. (tableau 1) ; et sont tous de sexe masculin.
Une explication succincte de l’objectif du travail est pro- Cette cohorte de traumatisés représente 47% de notre
diguée au consultant tout en précisant l’objectif de l’en- population générale.

75
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

Nous avons retrouvé un handicap moteur associé et in-


Tableau 1 : Caractéristiques cliniques
validant chez 57% d’anciens combattants présentant un
psychotraumatisme. Évitement 82%
Dans les antécédents personnels de suivi psychiatrique, Perte d’intérêt 64%
54% de sujets présentant un psychotraumatisme ont
Syndrome de répétition 75%
déjà suivi un traitement pour au moins 02 années, mais
pris d’une façon irrégulière et non précisée. Trouble de sommeil 78%
Tous les patients ont signalé une recrudescence de leurs Réactions de sursaut 43%
symptômes durant les années de terrorisme et de vio- Diminution des affects 54%
lence, associés à des trouble dépressifs (36%), un trouble
anxiété généralisée (29%), et des troubles paniques Irritabilité/ nervosité 60%
(18%) (tableau 2). Seulement 21% ont participé active-
ment dans la lutte anti-terroriste. Tableau 1 : PTSD et comorbidités
Enfin un fonctionnement paranoïaque revendicateur
EDM 36%
est retrouvé chez 43% d’anciens combattants évoluant
sur un mode sinistrosique pouvant être un remanie- Trouble panique 18%
ment structurel de la personnalité secondaire au psy- Agoraphobie 10%
chotraumatisme (tableau 3). Phobie sociale 10%
TOC 07%
Discussion
TAG 29%
La prévalence sur la vie est de 7,8 - 15,2% (NCS) (3,4). La
prévalence du psychotraumatisme chez les vétérans de la
Tableau 1 : Troubles de la personnalité
guerre du Vietnam est de l’ordre de 25,2%(4).
Malgré le manque de données épidémiologiques concer- Paranoïa/ sinistrose 43%
nant le psychotraumatisme en Algérie, une prévalence de
Anxio-dépressive 27%
43% est retrouvée chez une population victime du terro-
risme dans la région d’Annaba (Boudef et coll. 2000) (5). Passive- inhibée 13%
Dans notre série, la prévalence est de l’ordre de 46%, résul-
tat pouvant apparaître comme élevé par rapport à la littéra- Date de soumission
ture et peut être biaisé par le choix d’une population ciblée 28 Décembre 2020.
et non représentative, et l’absence d’une population témoin. Liens d’intérêts
On relève une morbidité élevée entre le psychotrauma- Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
tisme, et les troubles anxieux et thymiques (tableau 2), qui Références
peuvent être au-devant de la scène clinique et masquer le 1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental
disorders, fifth edition, DSM-5. Washington DC: American Psychiatric Associa-
diagnostic de psychotraumatisme, interférant négative- tion, 2013.
ment sur le fonctionnement de la personne (6,7,8,9). 2. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental
disorders, fourth edition, text revision, DSM-IV-TR. Washington DC; American
Les résultats de cette étude méritent d’être étayés par Psychiatric Association, 2000
d’autres enquêtes et avec un échantillon plus important. 3. Terhakopian A, Sinaii N, Engel CC, Schnurr PP, Hoge CW. Estimating popula-
tion prevalence of posttraumatic stress disorder: an example using the PTSD chec-
Même à un âge avancé, la symptomatologie du psycho- klist. J Traumatic Stress 2008; 21: 290–300.
4. Miller MW, Wolf EJ, Kilpatrick D, et al. The prevalence and latent structure of
traumatisme ne semble pas diminuer d’intensité ni de proposed DSM-5 posttraumatic stress disorder symptoms in US national and vete-
participation affective et cognitive (10). ran samples. Psychol Trauma 2013; 5: 501–12.
5. M. Boudef, PTSD dans la région de Annaba, congres de psychiatrie.2000.Alger
6. Contractor, AA, Durham TA, Brennan JA, et al. DSM-5 PTSD’s symptoms di-
Conclusion mensions and relations with major depression’s symptom dimensions in a primary
care sample. Psychiatry Res 2014; 215: 146–53.
7. Friedman MJ, Resick PA, Bryant RA, Brewin CR. Considering PTSD for DSM-5.
A l’issu de cette enquête, quelques remarques méritent Depress Anxiety 2011; 28: 750–69.
8. Marshall GN, Schell TL, Miles JNV. A multi-sample confirmatory factor analysis
d’être relevées : of PTSD symptoms: what exactly is wrong with the DSM-IV structure? Clin Psy-
chol Rev 2013; 33: 54–66.
• Le psychotrauma n’est pas rare chez le sujet âgé (mé- 9. Biehn TL, Elhai JD, Seligman LD, Tamburrino M, Armour C, Forbes D. Under-
connu, variabilité clinique, comorbidité) (10) lying dimensions of DSM-5 post-traumatic stress disorder and major depressive
disorder symptoms Psychol Inj and Law 2013; 6: 290–98.
• Penser au psychotrauma devant toute symptomatolo- 10. Elhai JD, Miller ME, Ford JD, Biehn TL, Palmieri PA, Frueh BC. Posttrauma-
gie anxio-dépressive chez un ancien combattant. tic stress disorder in DSM-5: estimates of prevalence and symptom structure in a
nonclinical sample of college students. J Anxiety Disorders 2012; 26: 58–64.
• Savoir relier son « histoire » personnelle à sa sympto- 11. Kilpatrick DG, Resnick HS, Milanak ME, Miller MW, Keyes KM, Friedman
MJ. National estimates of exposure to traumatic events and PTSD prevalence using
matologie actuelle (11). DSM-IV and DSM-5 criteria. J Traumatic Stress 2013; 26: 537–47..

76 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®

De nombreuses spécialités médicales couvertes


Cardiologie Cancer du poumon Covid-19
Cancer colorectal Arthrose
Hémopathies malignes

Douleur Hématologie
Santé de la femme
Allergies
Cancer du sein Orthopédie
Rhumatologie Immunothérapie des cancers
Oto-Rhino-Laryngologie Glaucome
Prévention & Dépistage des Cancers Endocrinologie

Dermatologie
Dialyse et transplantation rénale BPCO Neurologie
Diabète Néphrologie Urologie-Andrologie
Ophtalmologie Hépatologie Santé mentale SCA
Ménopause & Ostéoprose Pédiatrie Santé respiratoire Orthopédie

42 Numéros déjà publiés.


Accès
gratuit*

Où que vous soyez, tous


les numéros sont
N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

consultables en ligne sur :


N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022

®
Hématologie
Coordinateur du numéro
Pr R.A. BOUHASS

Dossier ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022

www.el-hakim.net
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
N° 40 - Fév. Mar. Avril 2022

® Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin


Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens

Hématologie
ISSN 2478-0227 Dépôt légal : Fév.Mar.Avril 2022
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Hématologie Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Coordinateur du numéro
Pr R.A. BOUHASS Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
Dossier
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin
Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Covid et hémopathies
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura
Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres

Dysfonction ventriculaire gauche systolique


Syndrome de Waardenburg
Maladie de Fabry Dysfonction ventriculaire gauche systolique
Coordinateur du numéro
Psychotraumatisme

Syndrome de Waardenburg
www.el-hakim.net Maladie de Fabry Pr R.A. BOUHASS
Psychotraumatisme

www.el-hakim.net
Téléchargement
Dossier
Stades étendus de lymphome de Hodgkin
Facteurs prédictifs de la rémission dans le lymphome de Hodgkin
Consommation de tabac et risque de lymphomes non hodgkiniens
Analyse descriptive et résultats des LDGCB sur 3 ans
Insuffisance rénale dans le myélome multiple
Qualité de vie des leucémies myéloïdes chroniques
Overview of 134 patients with immunologic thrombocytopenic purpura

(*) exclusivement réservé aux professionnels de la santé Hémophilies acquises, défis et difficultés de prise en charge
De la synoviorthèse dans l’arthropathie hémophilique du genou
Covid et hémopathies
Thrombopénie et COVID-19
Articles libres
elhakimmedecine elhakim.revuemedicale linkedin.com/in/el-hakim el_alg
Dysfonction ventriculaire gauche systolique
Syndrome de Waardenburg
Maladie de Fabry
Psychotraumatisme
®

Le syndrome de Waardenburg
A propos d’un cas
S. OMARI (*), D. DAHLOUK, Z. BENYAHIA, N. SEHAIRI, Y. ADIMI,
(*) Service de Pédiatrie, Unité Grand-Enfant, Hôpital Central de l'Armée
Mohamed Seghir NEKKACHE, Aïn Naâdja, Alger.

Résumé
Le syndrome de Waardenburg est une malformation
oculo-dermato-auditive autosomique dominante à
expression variable secondaire à une mutation du
gène PAX3. Il s’agit d’une pathologie peu fréquente,
Abstract
qui associe dans sa forme la plus typique une dysto- Waardenburg syndrome is an autosomal dominant ocu-
pie canthale, un élargissement de la base du nez, des lo-dermato-auditory malformation with variable expres-
troubles de la pigmentation et parfois une surdité sion secondary to a mutation in the PAX3 gene. This is
neurosensorielle. Le syndrome de Waardenburg est an uncommon pathology; which associates in its most
classé en 4 types selon l’expression clinique. Nous typical form canthal dystopia, enlargement of the base of
rapportons le cas de l’enfant B.B. âgé de deux ans, the nose, pigmentation disorders and sometimes sensori-
sans antécédents familiaux particuliers, qui présente neural deafness. Waardenburg syndrome is divided into
le syndrome de Waardenburg, chez qui le diagnostic 4 types based on clinical expression. We report the case
of B.B. a two-year-old child, with no particular family his-
a été découvert d’une manière fortuite, évoqué devant
tory, who presents Waardenburg syndrome, for whom the
quatre critères cliniques dont deux majeurs l’hété-
diagnosis was discovered by chance, mentioned in pres-
rochromie irienne (des yeux verrons), et la surdité
ence of four clinical criteria, two of them were major: iris
neurosensorielle et deux mineurs la dépigmentation heterochromia (seeing eyes), and sensorineural deafness
cutanée et l’élargissement de la base du nez. Le syn- ; and two of them were minor: skin depigmentation and
drome de Waardenburg, est une pathologie rare, dont nose base enlargement. Waardenburg syndrome is a rare
le pronostic socio-scolaire dépend de la précocité de pathology, the socio-educational prognosis depends on
la prise en charge, d’où l’intérêt du dépistage des sur- early treatment, hence the value of screening for hearing
dités devant toute dyschromie. Cette prise en charge loss in the presence of any dyschromia. The treatment
doit être multidisciplinaire associant pédiatre, ORL must be multidisciplinary associating paediatrician, ENT
(implant cochléaire), orthophoniste et psychologue, specialist (cochlear implant), speech therapist psycholo-
généticien. La prévention repose essentiellement sur gist and geneticist. Prevention relies primarily on genetic
le conseil génétique. counselling.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Dépigmentation cutanée, surdité neurosensorielle, dys- Pigmentation disorders, sensorineural hearing loss,
topie canthale, gène PAX3 dystopia canthorum, PAX3 gene .

Sujets et méthodes morphologie faciale et une surdité neurosensorielle. Le traite-


ment dépend de la sévérité de l’expression clinique : implant
Le Syndrome de Waardenburg associe une surdité de gravité cochléaire en cas de surdité sévère.
variable, des troubles pigmentaires et des anomalies faciales. Nous rapportons le cas d’un garçon âgé de deux ans chez qui le
C’est une maladie à transmission autosomique dominante à syndrome de Waardenburg a été découvert de façon fortuite.
expression variable. Le diagnostic repose sur des critères cli-
niques : des anomalies pigmentaires qui peuvent atteindre la Présentation de cas
peau et/ou les phanères et/ou les yeux, des anomalies de la B.B., 2ans, a consulté aux urgences pédiatriques pour convul-

79
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

sions fébriles simples. - Une hétérochromie irienne totale (critère majeur)


4ème enfant d’un couple consanguin, dont les frères et sœurs - Un élargissement de la base du nez
ainés âgés respectivement de 13, 6 et 11 ans sont en bonne santé - Une dépigmentation cutanée au niveau du siège
sans notion de pathologie dans la famille ; né à terme au poids de • Potentiels évoqués auditifs (critère majeur)
2500 gr, n’a pas posé de problèmes à la période néonatale. • Surdité de perception bilatérale sévère au niveau de
Son développement psychomoteur est normal par rapport à l’oreille droite et profonde au niveau de l’oreille gauche.
l’âge, cependant on note un retard du langage.
L’examen clinique montre un enfant eutrophique Poids = 14kg
(P85) ; Taille = 96cm (P85-P97) ; PC = 49 cm (P85-P97).
On note la présence d’une hétérochromie irienne totale, un élar-
gissement de la base du nez (Fig. 1) ainsi qu’une dépigmentation
cutanée au niveau du siège (Fig. 2). Le reste de l’examen soma-
tique est normal, notamment l’examen neuroméningé.

L’examen ophtalmologique est sans anomalies (absence de


dystopie canthale). B.B. est actuellement suivi en pédiatrie, en
ORL pour sa surdité et adressé chez l’orthophoniste. Un dépis-
tage de surdité a été programmé chez les frères et sœurs.
Figure 1 : Yeux vairons et élargissement de la base du nez
Discussion
Le syndrome de Waardenburg est une malformation auto-
somique dominante à expression variable. Le diagnostic a
été décrit et individualisé pour la première fois par Waar-
denburg en 1951 [6], il existe quatre sous types [7] de ce syn-
drome, secondaires à des mutations des gènes PAX3, MITF,
EDNRB, EDN3 [3,4,5,6,9].
• SW type I caractérisé par la dystopie canthale
• SW type II avec absence de dystopie canthale
• SW type III caractérisé par une arthro-ostéo-myodysplasie
• SW type IV caractérisé par la maladie de Hirchprung.
Toutes ces mutations sont capables de modifier la différen-
Figure 2 : Dépigmentation cutanée tiation, la migration ou encore la survie de certaines cellules
dérivées de la crête neurale : les mélanocytes. En effet, en
Les examens biologiques sont normaux l’absence de mélanocytes, la strie vasculaire de la cochlée
• FNS : GB = 10300 elt/mm3 est anormalement fine entrainant une absence de produc-
• Hg = 12.8g/dl tion de potentiels endocochléaires et une destruction de la
• Plaquettes = 234000 elt/mm3 membrane de Reissner avec désorganisation de l’organe de
• CRP = 6g/l Corti et des anomalies de la pigmentation de la peau, des
• La culture des urines n’a pas montré d’infection urinaire. cheveux et des yeux.
Le diagnostic de convulsions fébriles simples a été retenu.
L’évolution a été marquée par la récurrence des crises pen- Mélanocytes
dant 24H, puis elles ont disparu. Les explorations neurolo- uvéaux
giques ultérieures (EEG et IRM cérébrale) n’ont pas montré
d’anomalies. L’hétérochromie irienne et les lésions de dépi-
gmentation cutanée nous ont fait suspecter le syndrome de Mélanocytes des
Waardenburg, l’examen a rapporté la notion de retard du leptoméninges
langage faisant suggérer une surdité sous-jacente probable. Mélanoblastes
Le diagnostic de Waardenburg type II a été retenu sur les Mélanocytes
de l’épiderme et des
critères suivants : Mélanocytes
follicules pileux
• Cliniques : de la cochlée

80 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Syndrome de Waardenburg

Sur le plan clinique le syndrome de Waardenburg malies radiologiques telles qu’un élargissement du sac
associe une surdité neurosensorielle dans 50 à 78% endo-lymphatique (sans réelle dilatation de ce sac),
des cas, qui peut être de gravite variable, uni ou bilaté- une dysplasie vestibulaire (une aplasie des canaux
rale, congénitale ou d’apparition tardive, des troubles semi-circulaires est même possible).
de la pigmentation et des anomalies morphologiques Le diagnostic est posé sur l’association de deux cri-
faciales. tères majeurs ou un critère majeur et deux critères
La TDM des rochers peut mettre en évidence des ano- mineurs [2] :

Apparenté du 1er degré atteint de SW Existence de zones cutanées dépigmentées


Présence d’une dystopie canthale et de cheveux
Racine du nez large et haute
blancs avant l’âge de 30ans
Présence d’une mèche blanche, Partie médiane des sourcils épaisse ou synophrys
Surdité de perception Hypoplasie des ailes du nez
Anomalies de l’iris Cheveux blancs avant 30ans.

Chez notre patient le diagnostic est retenu devant l’as- Références


sociation de deux critères majeurs : l’hétérochromie 1. Tagra S, Talwar AK, Walia RL, et al. Waardenburg syn-
irienne et la surdité de perception. drome. Indian J Dermatol Venereol Leprol. 2006;72(4):
Le traitement repose essentiellement sur la prise en 326.
2. Dourmishev AL, Dourmishev LA, Schwartz RA, et
charge chirurgicale des malformations faciales, ainsi que al. Waardenburg syndrome. Int J Dermatol, 1999;38(9):
la prise en charge adaptée et précoce de la surdité. Il n’y 656‐63.
a pas de recommandations de restrictions diététiques 3. Sangkhathat S, Chiengkriwate P, Kusafuka T, et al. Novel
ou d’activités [1,10], cependant une supplémentation en mutation of Endothelin B receptor gene in Waardenburg‐
Hirschsprung disease. Pediatr Surg Int. 2005;21(12):960‐3.
acide folique semblerait diminuer le risque de surve- 4. Chan KK, Wong CK, Lui VC, et al. Analysis of SOX10
nue du SW [11]. mutations identified in Waardenburg‐Hirschsprung pa-
La surveillance attentive est proposée en évaluant la tients: Differential effects on target gene regulation. Jell,
fonction auditive afin de détecter l’apparition d’une Biochem, 2003;90(3): 573‐85.
5. Touraine RL, Atti Bitach T, Manceau E, et al. Neurologi-
éventuelle surdité. Le pronostic de ce syndrome dé- cal phenotype in Waardenburg syndrome type 4 correlates
pend essentiellement de l’existence ou de l’apparition with novel SOX10 truncating mutations and expression in
ultérieure d’une surdité.La prévention repose essentiel- developing brain. Am J Hum Genet. 2000;66(5): 1469‐503.
lement sur le conseil génétique en évitant les mariages 6. Waardenburg PJ. A new syndrome combining develop-
mental anomalies of the eyelids, eyebrows and nose root
consanguins [8,9,10,11] with pigmentary defects of the iris and head hair and with
congenital deafness. Am J Hum Genet. 1951;3(3):195‐253.
Conclusion 7. Dourmishev AL, Dourmishev LA, Schwartz RA,
et al. Waardenburg syndrome. Int J Dermatol. 1999;
Le syndrome de Waardenburg est une entité rare 38(9):656‐63.
dont la surdité constitue l’élément le plus grave, d’où 8. Verheij JB, Sival DA, van der Hoeven JH, et al. Shah
la nécessité d’un dépistage systématique devant toute Waardenburg syndrome and PCWH associated with
SOX10 mutations: a case report and review of the litera-
hétérochromie irienne, afin d’éviter les retards dia- ture. Eur J Paediatr Neurol. 2006; 10(1):11‐7.
gnostics, cas de notre patient, où le diagnostic a été 9. Pingault V, Bondurand N, Kuhlbrodt K. SOX10 muta-
porté tardivement. tions in patients with Waardenburg‐Hirschsprung disease.
Nat Genet. 1998;18(2):171‐3.
Date de soumission 10. Moore SW, Johnson AG. Hirschsprung’s disease: gene-
17 Novembre 2020 tic and functional associations of Down’s and Waardenburg
syndromes. Semin Pediatr Surg. 1998;7(3):156‐61.
Liens d’intérêts 11. Karaman A, Aliagaoglu C. Waardenburg syndrome.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Dermatol Online J. 2006; 12(3):21.

81
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Médecine

Une cause rare de dysfonction


ventriculaire gauche systolique :
à propos d’un cas
S. OMARI(1). M. BOUAME. E. TEBACHE. H. BOUZIANE. S. HEDDI. A.
SAYEH. C. MOUNTAB. MZ. KHIALI,
Hôpital Central de l'Armée "Mohamed Seghir NEKKACHE", Aïn Naâdja,
Alger.

Résumé
L’hypoparathyroïdie post-thyroïdectomie totale consti-
Abstract
tue la première cause d'hypocalcémie chez l'adulte. Cette Post-total thyroidectomy hypoparathyroidism is the lea-
dernière peut provoquer une dysfonction myocardique ding cause of hypocalcaemia in adults. The latter can
qui peut aller jusqu'à une insuffisance cardiaque grave. cause myocardial dysfunction which can lead to severe
Situation rare mais réversible, c’est cette dernière que heart failure. A rare but reversible situation, it is the latter
nous illustrons à travers notre cas. that we illustrate through our case.

>>> Mots-clés : >>> Key-words :


Hypocalcémie, contraction cardiaque, dysfonction sys- Hypocalcemia, cardiac contraction, systolic dysfunction
tolique

Introduction pitants à mi-champs, Les explorations paracliniques


L'hypoparathyroïdie post-thyroïdectomie totale confirment une insuffisance cardiaque gauche. L’ECG
constitue la première cause d'hypocalcémie chez montre un rythme sinusal sans trouble de la repolari-
l'adulte. Cette dernière peut provoquer une dysfonc- sation, avec un allongement de l’intervalle QT.
tion myocardique qui peut aller jusqu'à une insuffi- La radiographie pulmonaire montre un épanchement
sance cardiaque grave. pleural droit. L’échographie trans-thoracique objective
Situation rare mais réversible, c’est cette dernière que une cardiopathie dilatée sans hypertrophie ventricu-
nous illustrons à travers cette observation. laire gauche.
La fraction d’éjection du ventricule gauche est abais-
sée (30%), et on note une hypokinésie globale sévère,
Observation
une insuffisance mitrale fonctionnelle moyenne (SOR
Madame F., 62 ans, adressée aux urgences par son mé- = 0,33cm2) et une hypertension artérielle pulmonaire
decin traitant pour une dyspnée d’aggravation progres- (PAPS = 40mmhg). Les enzymes cardiaques sont nor-
sive. Elle a comme antécédent remontant à une année, males.
une thyroïdectomie totale pour carcinome papillaire En l’absence d’étiologie évidente pouvant expliquer
lobaire droit substituée par Levothyrox® 100 μg/j (lé- une cardiomyopathie dilatée sévère chez cette patiente
vothyroxine) qu’elle prend régulièrement. Elle n’a pas sans antécédent médical notable, nous réalisons des
d’antécédent cardio-respiratoire notable. explorations plus poussées pour en déterminer la
L’examen initial retrouve une dyspnée de stade IV cause et nous avons la surprise de retrouver une hy-
NYHA sans douleur thoracique. La pression artérielle pocalcémie majeure (1,35mmol/l, N : 2,10-2,50, taux
est de 100/60 mmHg, le pouls à 90 BPM, la tempéra- corrigé en fonction de l’albuminémie). L’origine para-
ture de 37,4°C et la saturation en oxygène à 91% sous thyroïdienne est affirmée par la mesure de la PTH qui
4 l/mn d’oxygène. L’auscultation pulmonaire retrouve est indosable.
un murmure vésiculaire diminué à droite et des cré- Lorsque nous interrogeons la patiente à propos de la

82 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


®
Dysfonction ventriculaire gauche systolique

prise en charge de la thyroïdectomie, elle se sou- culaire type torsades de pointe (beaucoup plus rare
vient avoir pris un traitement par vitamine D et qu’en situation d’hypokaliémie).
calcium en post-opératoire (interrompu après D’autre part, le calcium, en se fixant à la troponine
quelques semaines de son propre chef). C, permet aux têtes de myosine de se lier aux fila-
Le traitement non spécifique de l’insuffisance ments d’actine entraînant la contraction myocar-
cardiaque par les vasodilatatrices et les diuré- dique.
tiques est associé à une substitution du déficit cal- L’hypocalcémie prolongée a pour principale consé-
cique : traitement d’attaque, gluconate de calcium quence une diminution de la force de contraction qui
10 ampoules par 24 heures en IVSE, sulfate de peut, à terme, aboutir à l’incompétence myocardique.
magnésium 10 ampoules par 24 heures et sup- Pour maintenir le débit cardiaque, les fibres mus-
plémentation en vitamine D3 calcitriol (2 µg par culaires s’allongent, expliquant le développement
24 heures), remplacés après quelques jours par d’une cardiomyopathie dilatée.
Eucalcic® (calcium carbonate) 1,2 g/j, Rocaltrol® L’hypocalcémie favorise aussi la réabsorption tubu-
(calcitriol) 0,5 μg/j, Cardensiel® (bisoprolol hémifu- laire du sodium parallèlement à celle du calcium,
marate) 1,25 mg x 2/j, Lasilix® (furosémide) 20 mg/j aggravant ainsi la rétention hydro-sodée.
et Triatec® (ramipril) 1,25 mg/j. Après 8 semaines, L’insuffisance cardiaque hypocalcémique est
l’amélioration clinique est spectaculaire : la patiente classiquement résistante aux tonicardiaques
n’est plus dyspnéique, la fraction d’éjection du ven- (digitalique), cette dysfonction myocardique
tricule gauche, mesurée par échographie, s’est amé- est le plus souvent réversible après traitement
liorée (49% à 8 semaines). Madame F., poursuit au substitutif calcique lorsqu’elle survient sur
long cours la supplémentation vitaminocalcique cœur sain.
par Eucalcic® et Rocaltrol® ; le traitement diuré-
tique a pu être interrompu en conservant Triatec® Conclusion
et Cardensiel®, et est toujours suivie en consultation La chirurgie thyroïdienne et parathyroïdienne
avec des échographies itératives. expose les patients à l’hypoparathyroïdie chronique
et à ses conséquences parfois invalidantes, voire
Discussion menaçantes pour le pronostic vital.
Alors que l’hypocalcémie aiguë est d’expression La cardiomyopathie dilatée secondaire à l’hypo-
clinique bruyante, l’hypocalcémie chronique d’ins- calcémie profonde peut être évitée par le contrôle
tallation progressive peut être longtemps asympto- systématique de la calcémie et la supplémentation
matique et c’est parfois une insuffisance cardiaque vitamino-calcique si nécessaire en période posto-
inexpliquée, comme chez notre patiente, qui va pératoire.
révéler le désordre métabolique calcique. Une insuffisance cardiaque congestive résistante au
En effet, ce déficit calcique chronique entraîne une traitement tonicardiaque conventionnel doit faire
baisse des performances myocardiques pouvant systématiquement évoquer une cause métabolique,
conduire à l’insuffisance cardiaque. notamment hypocalcémique.
L’hypocalcémie est délétère, comme l’atteste la sur- Références
venue possible d’une cardiopathie hypocalcémique 1. Hurley K, Baggs D. Hypocalcemic cardiac failure in the emergency
au cours de l’hypoparathyroïdie ou de l’hypovita- department. J Emerg Med. 2005; 28 (2):155-159
minose D. 2. Shinoda T, Aizawa T, Shirota T et al. Exacerbation of latent heart
L’ion calcium est essentiel à la contraction myocar- failure by mild hypocalcemia after parathyroidectomy in a long-term
dique, car il module le couplage excitation contrac- hemodialysis patient. Nephron 1992;60:482-6.
tion. Il intervient dans la repolarisation ventricu- 3. Levine SN, Rheams CN. Hypocalcemic heart failure. Am J Med
1985;78:1033-5. 3. Kazmi AS, Wall BM. Reversible congestive heart
laire lors de la deuxième phase du potentiel d’action
failure related to profound hypocalcemia secondary to hypoparathy-
cardiaque, dite phase de plateau. roidism. Am J Med Sci 2007;333:226-9.
La diminution des concentrations sériques de Ca++ 4. Brunvand L, Haga P, Tangsrud SE, Haug E. Congestive heart failure
prolonge cette phase de plateau, entrainant un al- caused by vitamin D deficiency? Acta Paediatr 1995;84(1):106-8.
longement de l’espace QT à l’ECG ainsi que la pos- 5. Chopra D, Janson P, Sawin CT. Insensitivity to digoxin associated
sibilité de survenue d’un trouble du rythme ventri- with hypocalcemia. N Engl J Med 1977;296:917

83
®
EL HAKIM Revue Médicale Algérienne
Hommage

Hommage
Professeur Yamina Ouarhlent

Le Professeur Yamina Ouarhlent n’est plus avec nous, victime de la Covid 19.
Quel chagrin ! Quelle tristesse !
C’était notre élève au service d’hématologie du CHU de Constantine où elle a fait son résidanat.
Après l’obtention de son DEMS, elle rejoint le CHU de Batna et ensemble et avec l’aide du Pr
Bouzid, elle crée le service d’hématologie attenant au laboratoire central. Je me souviens de sa
joie et de sa fierté le jour de l’inauguration de ce service.
Avec sa volonté, son abnégation et son calme légendaire, elle a fait face à toutes les difficultés
pour faire fonctionner son service, l’étoffer en moyens humains et matériels et encadrer ses
étudiants.
Elle a brillamment et courageusement soutenu le 13 décembre 2016 sa thèse de DESM dirigée
par le Prof. N. Boudjerra sur les carences en folates chez la femme enceinte dans la wilaya de
Batna.
Elle devient Docent puis Professeur chef de service titulaire en étant major de promotion.
A côté de ses activités hospitalo-universitaires, elle occupe également le poste de directrice du
département de médecine de la faculté de médecine de Batna, et se met au service des étu-
diants qui l’apprécient énormément.
Au dernier congrès de la SAHTS qui s’est tenu à Constantine, elle est élue par l’assemblée géné-
rale membre du bureau puis vice-présidente.
Infatigable, travailleuse, au service des uns et des autres, toujours disponible, des qualités que
nous garderons de cette grande Dame.
Nous demandons à tous ceux qui l’ont connue et aimée d’avoir une pieuse pensée à sa mémoire.
Puisse Dieu l’accueillir en Son vaste Paradis.
A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.

Prof. N. Sidimansour

84 N° 40 | Vol. VII | Février.Mars.Avril 2022


RÉSUMÉ DES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT : 1- COMPOSITION Substance d’allaiter, demandez conseil à votre médecin ou votre pharmacien avant de prendre ce
active : Enoxaparine sodique 2000 UI (20 mg) 0.2 ml. 4000 UI (40 mg) 0.4 ml. 6000 UI médicament. 9- CONDUITE DE VEHICULES ET UTILISATION DE MACHINES
(60 mg) 0.6 ml. 8000 UI (80 mg) 0.8 ml. Excipients : Eau pour préparation injectable Theranox n’a pas d’effet sur la capacité à conduire et à utiliser des machines. Il est conseil-
q.s.p. 0.2 ml / 0.4 ml / 0.6 ml /0.8 ml 2- FORME PHARMACEUTIQUE ET PRESENTA- lé de faire enregistrer le nom commercial et le numéro du lot du produit que vous utilisez
TION Solution injectable en seringue pré remplie. Boite de 2 seringues pré remplies. A par votre professionnel de santé. 10- POSOLOGIE ET MODE D’ADMINISTRATION
administrer par voie sous cutanée SC, intraveineuse IV ou voie extracorporelle dans le Veillez à toujours prendre ce médicament en suivant exactement les instructions de votre
circuit de dialyse. 3- CLASSE PHARMACO-THERAPEUTIQUE Agent antithrom- médecin ou votre pharmacien. Vérifiez auprès de votre médecin ou votre pharmacien en
botique, groupe de l’héparine. code ATC : B01AB05 Theranox contient une substance cas de doute. Utiliser ce médicament : · Normalement, Theranox vous sera administré par
active appelée énoxaparine sodique. Il appartient à une classe de médicaments dont le votre médecin ou votre infirmier/ière. En effet, il doit être administré par injection. ·
nom est « héparine de bas poids moléculaire » ou HBPM. 4- INDICATIONS THERA- Theranox est généralement administré par injection sous la peau (voie sous-cutanée). ·
PEUTIQUES Theranox peut être utilisé pour : - Traiter les caillots sanguins dans votre Theranox peut être administré par une injection dans votre veine (voie intraveineuse)
sang - Empêcher la formation de caillots sanguins dans votre sang dans les cas suivants : après certains types d’infarctus du myocarde ou après une intervention. · Theranox
o Avant et après une intervention chirurgicale o Lorsque vous êtes atteint(e) d’une mala- peut être introduit dans la ligne artérielle du circuit de dialyse, en début de séance. · N’in-
die de courte durée et que vous ne pourrez pas vous déplacer pendant un certain temps. jectez pas Theranox dans un muscle. Quelle quantité recevrez-vous : · Votre médecin dé-
- Empêcher la formation de caillots sanguins lorsque vous présentez un angor instable cidera de la quantité de Theranox à vous administrer. La quantité dépendra de la raison
(dans lequel votre cœur reçoit une quantité insuffisante de sang) ou après un infarctus du pour laquelle il est utilisé. · Si vous avez une insuffisance rénale, il est possible que vous
myocarde (crise cardiaque) - Empêcher la formation de caillots sanguins dans les circuits receviez une quantité plus faible de Theranox. Traitement des caillots sanguins dans votre
de l’appareil pour dialyse (utilisée pour les personnes atteintes d’une maladie rénale sang : · La dose habituelle est de 150 UI (1,5 mg) pour chaque kilogramme de votre poids
grave). 5- CONTRE-INDICATIONS N’utilisez jamais Theranox 4 000 UI (40 mg)/0,4 une fois par jour ou de 100 UI (1 mg) pour chaque kilogramme de votre poids deux fois
ml, solution injectable en seringue pré remplie si : - Vous êtes allergique à : - l’énoxaparine par jour. · Votre médecin décidera de la durée pendant laquelle vous devrez recevoir The-
sodique ou à l’un des autres composants contenus dans ce médicament. - L’héparine ou ranox. Prévention de la formation de caillots sanguins dans votre sang pendant les inter-
d’autres héparines de bas poids moléculaire telles que la nadroparine, la tinzaparine ou la ventions chirurgicales ou les périodes de mobilité réduite dues à une maladie : · La dose
daltéparine. Les signes de réaction allergique comprennent : éruption cutanée, difficulté à dépendra de votre risque de développer un caillot. Vous recevrez une dose de 2 000 UI
respirer ou à avaler, gonflement du visage, des lèvres, de la langue, de la cavité buccale, de (20 mg) ou de 4 000 UI (40 mg) de l’énoxaparine sodique une fois par jour. · Si vous devez
la gorge ou des yeux. - Vous avez eu une réaction à l’héparine ayant entraîné une diminu- faire l’objet d’une intervention chirurgicale, votre première injection sera généralement
tion importante du nombre de vos cellules de la coagulation (plaquettes) au cours des 100 administrée 2 heures ou 12 heures avant votre intervention. · Si votre mobilité est réduite
derniers jours - Vous présentez des anticorps dirigés contre l’énoxaparine dans votre sang en raison d’une maladie, vous recevrez normalement une dose de 4 000 UI (40 mg) de
- Vous saignez abondamment ou vous êtes atteint(e) d’une affection associée à un risque Theranox tous les jours. · Votre médecin décidera de la durée pendant laquelle vous de-
élevé de saignement tel que : - Un ulcère de l’estomac, une chirurgie récente du cerveau ou vrez recevoir Theranox. Traitement et prévention de la formation de caillots sanguins si
des yeux, ou un accident vasculaire cérébral hémorragique récent. - Vous utilisez The- vous présentez un angor instable ou après un infarctus du myocarde : Theranox peut être
ranox pour traiter des caillots sanguins et devez faire l’objet dans les 24 heures : - D’une utilisé pour deux types d’infarctus du myocarde différents. La quantité de Theranox qui
ponction spinale ou lombaire - D’une intervention chirurgicale avec une rachianesthésie vous sera administrée dépendra de votre âge et du type d’infarctus du myocarde que vous
ou une anesthésie péridurale. N’utilisez pas Theranox si l’un ou l’autre des cas ci-dessus avez eu. Infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (NSTEMI) : · La dose habi-
vous concerne. Si vous n’êtes pas sûr(e), parlez-en à votre médecin ou pharmacien avant tuelle est de 100 UI (1 mg) pour chaque kilogramme de votre poids toutes les 12 heures. ·
d’utiliser Theranox. 6- MISE EN GARDE SPECIALE ET PRECAUTION D’EMPLOI Normalement, votre médecin vous prescrira également de l’aspirine (acide acétylsalicy-
Theranox ne doit pas être remplacé par d’autres héparines de bas poids moléculaire lique). · Votre médecin décidera de la durée pendant laquelle vous devrez recevoir Thera-
comme la nadroparine, la tinzaparine ou la daltéparine. Cela est dû au fait qu’elles ne sont nox. Infarctus du myocarde avec élévation du segment ST (STEMI) si vous êtes âgé(e) de
pas exactement identiques et n’ont pas la même activité, ni les mêmes instructions d’utili- moins de 75 ans : · Une dose initiale de 3 000 UI (30 mg) de Theranox vous sera injectée
sation. Consultez votre médecin ou pharmacien avant d’utiliser Theranox si : · Vous avez dans une veine. · Au même moment, vous recevrez également Theranox en injection sous
déjà eu une réaction à l’héparine ayant causé une diminution importante du nombre de la peau (injection sous-cutanée). La dose habituelle est de 100 UI (1 mg) pour chaque
cellules de la coagulation (plaquettes) · Vous portez une valve cardiaque · Vous présentez kilogramme de votre poids, toutes les 12 heures. · Normalement, votre médecin vous
une endocardite (une infection de l’enveloppe interne du cœur) · Vous avez des antécé- prescrira également de l’aspirine (acide acétylsalicylique). · Votre médecin décidera de la
dents d’ulcère de l’estomac · Vous avez été victime récemment d’un accident vasculaire durée pendant laquelle vous devrez recevoir Theranox. Infarctus du myocarde avec éléva-
cérébral · Vous êtes atteint(e) d’hypertension · Vous êtes atteint(e) de diabète ou présentez tion du segment ST (STEMI) si vous êtes âgé(e) de plus de 75 ans : · La dose habituelle est
des problèmes au niveau des vaisseaux sanguins dans l’œil causés par le diabète (dénom- de 75 UI (0,75 mg) pour chaque kilogramme de votre poids toutes les 12 heures. · La
més rétinopathie diabétique) · Vous avez récemment subi une opération des yeux ou du quantité maximale de Theranox administrée lors des deux premières injections est de 7
cerveau · Vous êtes âgé(e) (plus de 65 ans) et en particulier si vous avez plus de 75 ans · 500 UI (75 mg). · Votre médecin décidera de la durée pendant laquelle vous devrez rece-
Vous avez une insuffisance rénale · Vous avez une insuffisance hépatique · Vous êtes en voir Theranox. Pour les patients faisant l’objet d’une opération dénommée intervention
sous-poids ou en surpoids · Vous présentez un taux élevé de potassium dans votre sang coronaire percutanée (ICP) : Selon le moment où vous recevrez votre dernière dose de
(cela peut être vérifié par une analyse de sang) · Vous utilisez actuellement des médica- Theranox, votre médecin pourra décider d’administrer une dose supplémentaire de The-
ments qui majorent le risque hémorragique (voir la rubrique 7) · Vous présentez un pro- ranox avant une ICP. Il s’agit d’une injection dans votre veine. Prévention de la formation
blème au niveau de votre colonne vertébrale ou avez subi une intervention chirurgicale au de caillots sanguins dans le circuit de dialyse · La dose habituelle est de 100 UI (1 mg)
niveau de la colonne vertébrale. Si l’un ou l’autre des cas ci-dessus vous concerne ou si pour chaque kilogramme de votre poids. · Theranox est introduit dans la ligne artérielle
vous n’êtes pas sûr(e), parlez-en à votre médecin ou pharmacien avant d’utiliser Theranox. du circuit de dialyse, en début de séance. La quantité est généralement suffisante pour une
Sodium : Pour les patients recevant des doses supérieures à 210 mg/jour, ce médicament séance de 4 heures. Cependant, votre médecin peut vous administrer une dose supplé-
contient plus de 24 mg de sodium par dose. Cela équivaut à 1,2 % de l’apport alimentaire mentaire de 50 UI à 100 UI (0,5 à 1 mg) pour chaque kilogramme de votre poids, si néces-
quotidien maximal recommandé par l’OMS de 2 g de sodium pour un adulte. Tests et saire. Vous administrer vous-même une injection de Theranox : Si vous êtes capable de
contrôles : Vous devrez peut-être faire l’objet d’une analyse de sang avant de commencer vous administrer Theranox vous-même, votre médecin ou votre infirmier/ière vous mon-
à utiliser ce médicament et régulièrement durant son utilisation ; cela permettra de véri- trera comment faire. N’essayez pas de vous faire l’injection si vous n’avez pas été formé à
fier le taux de plaquettes (cellules de coagulation) et celui du potassium dans votre sang. le faire. Si vous n’êtes pas sûr de ce qu’il faut faire, parlez-en immédiatement avec votre
Enfants et adolescents : La sécurité d’emploi et l’efficacité de Theranox n’ont pas été éva- médecin ou votre infirmier/ière. Une injection correctement effectuée sous la peau (injec-
luées chez les enfants ou les adolescents. 7- INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES tion sous-cutanée) aidera à réduire la douleur et les ecchymoses au site d’injection. Avant
Informez votre médecin ou votre pharmacien si vous prenez ou pourriez prendre tout de vous administrer Theranox 4 000 UI (40 mg)/0,4 ml : · Rassemblez les éléments dont
autre médicament. · Warfarine (utilisée pour fluidifier le sang) · Aspirine (également ap- vous avez besoin : seringue, tampon alcoolisé ou savon et eau, container pour objets tran-
pelée acide acétylsalicylique ou AAS), clopidogrel ou d’autres médicaments utilisés pour chants. · Vérifiez la date de péremption sur le médicament. Ne l’utilisez pas si la date est
prévenir la formation de caillots sanguins (voir rubrique 10). · Injection de dextran (uti- dépassée. · Vérifiez que la seringue n’est pas endommagée et que le médicament dans la
lisé comme substitut de sang) · L’ibuprofène, le dicloflénac, le kétorolac ou d’autres médi- seringue est une solution limpide. Si ce n’est pas le cas, utilisez une autre seringue. · Assu-
caments appelés anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui sont utilisés pour traiter la rez-vous que vous savez quelle quantité vous allez injecter. · Vérifiez votre abdomen pour
douleur, le gonflement dans le cadre de l’arthrite et d’autres affections · La prednisolone, voir si la dernière injection n’a pas causé une rougeur, un changement de la couleur de la
la dexaméthasone ou d’autres médicaments utilisés pour traiter l’asthme, la polyarthrite peau, un gonflement, un suintement ou s’il est encore douloureux. Si c’est le cas, parlez-en
rhumatoïde et d’autres affections · Des médicaments qui augmentent le taux de potassium à votre médecin ou votre infirmier/ière. Instructions pour les seringues avec le système de
dans votre sang, tels que les sels de potassium, les diurétiques et certains médicaments sécurité automatique PREVENTISTM :
pour les problèmes cardiaques Interventions chirurgicales et anesthésiques : Si vous de-
vez faire l’objet d’une ponction spinale ou lombaire ou d’une intervention chirurgicale au
cours de laquelle une anesthésie péridurale ou rachidienne est réalisée, informez votre
médecin que vous utilisez Theranox. Theranox 4 000 UI (40 mg)/0,4 ml, solution in-
jectable en seringue pré remplie avec des aliments et boissons : Sans objet. 8- GROS-
SESSE, ALLAITEMENT ET FERTILITE Si vous êtes enceinte, si vous pensez être en-
ceinte ou si vous prévoyez une grossesse, demandez conseil à votre médecin ou votre Préparer le site d’injection : 1. Choisissez une zone du côté droit ou gauche de votre
pharmacien avant de prendre ce médicament. Si vous êtes enceinte et portez une valve abdomen. Elle doit être au moins à 5 centimètres de votre nombril et vers les côtés. ·
cardiaque mécanique, vous pourriez présenter un risque plus important de développer Ne vous faites pas d’injection dans les 5 centimètres autour de votre nombril ou autour
des caillots sanguins. Votre médecin doit vous en parler. Si vous allaitez ou prévoyez de cicatrices ou d’ecchymoses. · Alternez la zone d’injection entre le côté droit et le côté
gauche de votre abdomen, selon l’endroit de la dernière injection. 2. Lavez-vous les mains. anticoagulants appelés antivitamines K (comme la warfarine) à Theranox. Arrêtez de prendre
Nettoyez (sans frotter) la zone choisie pour réaliser l’injection avec un tampon imbibé l’antivitamine K. Votre médecin vous demandera de faire des analyses de sang appelées INR et
d'alcool, ou de l’eau et du savon, 3. Asseyez-vous ou étendez-vous dans une position vous indiquera à quel moment commencer Theranox. · Passage d’un traitement par Theranox
confortable de façon à être détendu. Assurez-vous que vous pouvez voir la zone où vous à un traitement par anticoagulant oral direct Arrêtez de prendre Theranox. Commencez à
allez faire l’injection. Une chaise longue, un fauteuil inclinable ou un lit rehaussé avec prendre l’anticoagulant oral direct dans les 2 heures précédant le moment où vous auriez dû
des oreillers est idéal. Choisir votre dose 1. Retirez le bouchon de protection de l'aiguille recevoir l’injection suivante, puis continuez le traitement normalement. · Passage d’un traite-
avec précaution. Jetez le bouchon. · N’appuyez pas sur le piston pour chasser les bulles ment par anticoagulant oral direct à Theranox Arrêtez de prendre l’anticoagulant oral direct.
d’air avant de vous faire l’injection. Cela pourrait conduire à une perte de médicament. · Attendez 12 heures après la dernière dose de l’anticoagulant oral direct avant de commencer
Une fois que vous avez retiré le bouchon, ne laissez pas l’aiguille toucher quelque chose. le traitement par Theranox. Si vous oubliez d’utiliser Theranox 4 000 UI (40 mg)/0,4 ml, solu-
Ceci pour être sûr que l’aiguille reste propre (stérile). 2. Quand la quantité de médicament tion injectable en seringue pré remplie : Si vous avez oublié de vous administrer une dose,
dans la seringue correspond déjà à la dose prescrite, ce n’est pas la peine d’ajuster la dose. prenez-là dès que vous vous en rendez compte. Ne vous administrez pas une double dose le
Vous êtes maintenant prêt pour l’injection. 3. Quand la dose dépend de votre poids, vous même jour pour compenser une dose oubliée. La mention sur un agenda ou un carnet vous
pouvez être amené à ajuster la dose dans la seringue pour qu’elle corresponde à la dose aidera à ne pas manquer une dose. Si vous arrêtez d’utiliser Theranox 4 000 UI (40 mg)/0,4
prescrite. Dans ce cas, vous pouvez éliminer l’excédent de médicament en orientant la ml, solution injectable en seringue pré remplie : Il est important que vous continuiez à recevoir
seringue vers le bas (afin de garder la bulle d’air dans la seringue) et en éliminant la quan- des injections de Theranox jusqu’à ce que votre médecin décide de les arrêter. Si vous arrêtez le
tité excédentaire dans un récipient. 4. L'apparition d'une goutte à l'extrémité de l'aiguille traitement, vous pourriez développer un caillot sanguin qui peut être très dangereux. Si vous
est possible. Dans ce cas, éliminez la goutte avant l’injection en tapotant sur la seringue, avez d’autres questions sur l’utilisation de ce médicament, demandez plus d’informations à
l’aiguille orientée vers le bas. Vous êtes maintenant prêt pour l’injection. Injection 1. Tenez votre médecin, à votre pharmacien ou à votre infirmier/ère. 11- SURDOSAGE Si vous pen-
la seringue dans la main avec laquelle vous écrivez (comme un crayon). Avec l’autre main, sez que vous avez utilisé trop ou trop peu de Theranox, informez votre médecin, votre phar-
pincez délicatement la zone nettoyée de votre abdomen entre votre index et votre pouce macien ou votre infirmier/ière immédiatement, même si vous ne présentez aucun signe. Si un
pour faire un pli dans la peau. · Assurez-vous de maintenir le pli de la peau pendant toute enfant s’injecte ou avale accidentellement Theranox, emmenez-le immédiatement au service
la durée de l’injection. 2. Tenez la seringue de telle sorte que l’aiguille pointe vers le bas (en d’urgence d’un hôpital. 12- EFFETS INDESIRABLES EVENTUELS Comme tous les médi-
faisant un angle de 90° avec la peau). Introduisez toute la longueur de l’aiguille dans le pli caments, ce médicament peut provoquer des effets indésirables, mais ils ne surviennent pas
de la peau. 3. Appuyez sur le piston avec votre pouce. Ceci enverra le médicament dans systématiquement chez tout le monde. Effets indésirables graves Arrêtez d’utiliser Theranox
le tissu adipeux de votre abdomen. Terminez l’injection en utilisant tout le médicament et informez immédiatement un médecin ou une infirmier/ière si vous présentez le moindre
de la seringue. 4. Retirez l’aiguille du site d’injection en la tirant tout droit en gardant vos signe de réaction allergique sévère (comme une éruption cutanée, une difficulté à respirer
doigts sur le piston. Eloignez l’aiguille de vous et des autres et appuyez fermement sur le ou avaler, un gonflement du visage, des lèvres, de la langue, de la cavité buccale, de la gorge
piston pour activer le système de sécurité. Le manchon protecteur recouvrira automa- ou des yeux). Comme les autres médicaments similaires (diminuant la coagulation du sang)
tiquement l’aiguille. Vous entendrez un « click » audible pour confirmer l’activation du Theranox peut entraîner des saignements. Cela peut mettre la vie en danger. Dans certains
manchon protecteur Vous pouvez maintenant lâcher le pli de la peau. Quand vous avez cas, les saignements peuvent ne pas être visibles. Informez votre médecin immédiatement
fini 1. Pour éviter les ecchymoses, ne frottez pas le site d’injection après vous être fait si : · Vous présentez le moindre saignement qui ne s’arrête pas de lui-même · Vous présentez
l’injection. 2. Jetez la seringue utilisée dans le container pour objets tranchants. Fermez des signes de saignement excessif comme le fait d’être très faible, fatigué, pâle, ou d’avoir des
hermétiquement le couvercle du container et placez le container hors de la portée des étourdissements avec maux de tête ou gonflement inexpliqué. Votre médecin peut décider de
enfants. Quand le container est plein, débarrassez-vous en selon les instructions de votre vous garder sous surveillance étroite ou changer votre traitement. Informez votre médecin
médecin ou de votre pharmacien. Tout médicament ou déchet doit être éliminé confor- immédiatement : · Si vous présentez des signes d’obstruction d’un vaisseau sanguin par un
mément à la réglementation en vigueur. Instructions pour les seringues avec le système caillot, tels que: o Douleur à type de crampe, rougeur, chaleur ou gonflement au niveau d’une
de sécurité automatique NOVAGUARD SA® PRO: de vos jambes : ce sont des symptômes de thrombose veineuse profonde. o Essoufflement,
douleur thoracique, perte de connaissance ou toux sanglante : ce sont des symptômes d’embo-
lie pulmonaire. · Si vous présentez une éruption cutanée douloureuse de boutons de couleur
rouge foncé sous la peau, qui ne disparaissent pas si vous exercez une pression sur eux. Votre
médecin pourra vous demander de faire une analyse de sang pour vérifier votre numération
plaquettaire. Autres effets indésirables : Très fréquent (peut affecter plus d’une personne sur
10) : · Saignement · augmentation des taux d’enzymes hépatiques. Fréquent (peut affecter
Préparer le site d’injection 1. Choisissez une zone du côté droit ou gauche de votre abdo- jusqu’à 1 personne sur 10) : · Vous avez plus d’ecchymoses que d’habitude - cela pourrait être
men. Elle doit être au moins à 5 centimètres de votre nombril et vers les côtés. · Ne vous dû à un problème sanguin causé par un faible nombre de plaquettes · Tâches roses sur la peau
faites pas d’injection dans les 5 centimètres autour de votre nombril ou autour de cica- - elles sont plus susceptibles d’apparaître autour de la zone où Theranox a été injecté · Erup-
trices ou d’ecchymoses. · Alternez la zone d’injection entre le côté droit et le côté gauche tion cutanée (urticaire) · Peau rouge qui démange · Ecchymoses ou douleur au site d’injection
de votre abdomen, selon l’endroit de la dernière injection. 2. Lavez-vous les mains. Net- · Diminution du nombre de globules rouges · Nombre élevé de plaquettes dans le sang · Maux
toyez (sans frotter) la zone choisie pour réaliser l’injection avec un tampon imbibé d'alcool, de tête. Peu fréquent (pouvant affecter jusqu’à 1 personne sur 100) : · Mal de tête important
ou de l’eau et du savon, 3. Asseyez-vous ou étendez-vous dans une position confortable de d’apparition soudaine - cela pourrait être un signe de saignement dans le cerveau · Sensation
façon à être détendu. Assurez-vous que vous pouvez voir la zone où vous allez faire l’injection. de sensibilité et de gonflement au niveau de l’estomac - vous pourriez saigner au niveau de
Une chaise longue, un fauteuil inclinable ou un lit rehaussé avec des oreillers est idéal. Choisir l’estomac · Larges lésions cutanées de forme irrégulière avec ou sans cloques · Irritation cuta-
votre dose 1. Retirez le bouchon de protection de l'aiguille avec précaution. Jetez le bouchon. née (irritation locale) · Jaunissement de la peau ou des yeux et vos urines deviennent plus
· N’appuyez pas sur le piston pour chasser les bulles d’air avant de vous faire l’injection. Cela foncées. Il pourrait s’agir d’un problème hépatique. Rare (peut affecter jusqu’à 1 personne sur
pourrait conduire à une perte de médicament. · Une fois que vous avez retiré le bouchon, ne 1 000) : · Réaction allergique sévère - les signes peuvent être notamment : une éruption cuta-
laissez pas l’aiguille toucher quelque chose. Ceci pour être sûr que l’aiguille reste propre (sté- née, des difficultés pour avaler ou respirer, un gonflement des lèvres, du visage, de la gorge ou
rile). 2. Quand la quantité de médicament dans la seringue correspond déjà à la dose prescrite, de la langue · Augmentation du taux de potassium dans votre sang - il est plus probable que
ce n’est pas la peine d’ajuster la dose. Vous êtes maintenant prêt pour l’injection. 3. Quand la cela se produise chez les personnes ayant des problèmes rénaux ou atteintes de diabète. Votre
dose dépend de votre poids, vous pouvez être amené à ajuster la dose dans la seringue pour médecin pourra le vérifier en effectuant une analyse de sang · Une augmentation du nombre
qu’elle corresponde à la dose prescrite. Dans ce cas, vous pouvez éliminer l’excédent de médi- d’éosinophiles dans votre sang - votre médecin pourra le vérifier en effectuant une analyse
cament en orientant la seringue vers le bas (afin de garder la bulle d’air dans la seringue) et en de sang · Chute de cheveux · Ostéoporose (une affection rendant vos os plus susceptibles de
éliminant la quantité excédentaire dans un récipient. 4. L'apparition d'une goutte à l'extrémité se briser) après une utilisation au long cours · Des picotements, un engourdissement et une
de l'aiguille est possible. Dans ce cas, éliminez la goutte avant l’injection en tapotant sur la faiblesse musculaire (en particulier dans la partie inférieure de votre corps) lorsque vous avez
seringue, l’aiguille orientée vers le bas. Vous êtes maintenant prêt pour l’injection. Injection fait l’objet d’une ponction lombaire ou d’une anesthésie au niveau de la colonne vertébrale ·
1. Tenez la seringue dans la main avec laquelle vous écrivez (comme un crayon). Avec l’autre Difficulté à contrôler votre vessie ou vos intestins (vous ne pouvez pas vous contrôler lorsque
main, pincez délicatement la zone nettoyée de votre abdomen entre votre index et votre pouce vous allez aux toilettes) · Nodule induré ou bosse au site d’injection. Déclaration des effets
pour faire un pli dans la peau. · Assurez-vous de maintenir le pli de la peau pendant toute la secondaires : Si vous ressentez un quelconque effet indésirable, parlez-en à votre médecin ou
durée de l’injection. 2. Tenez la seringue de telle sorte que l’aiguille pointe vers le bas (en faisant votre pharmacien. Ceci s’applique aussi à tout effet indésirable qui ne serait pas mentionné
un angle de 90° avec la peau). Introduisez toute la longueur de l’aiguille dans le pli de la peau. 3. dans cette notice. Vous pouvez également déclarer les effets indésirables directement via le
Appuyez sur le piston avec votre pouce. Ceci enverra le médicament dans le tissu adipeux de système national de déclaration : Centre National de Pharmacovigilance et de Matériovigi-
votre abdomen. Terminez l’injection en utilisant tout le médicament de la seringue. 4. Retirez lance CNMP (www.cnpm.org.dz). 13- CONSERVATION A conserver à une température
l’aiguille du site d’injection en la tirant tout droit. Un manchon protecteur recouvrira automa- ne dépassant pas 25°C. Ne pas congeler. Tenir ce médicament hors de la vue et de la portée
tiquement l’aiguille. Vous pouvez maintenant lâcher le pli de la peau. Le système de sécurité des enfants. N’utilisez pas ce médicament après la date de péremption indiquée sur la boîte
ne libère le manchon protecteur que si la seringue a été entièrement vidée en appuyant sur le et l’étiquette de la seringue pré-remplie. La date de péremption fait référence au dernier jour
piston jusqu’au bout. Quand vous avez fini 1. Pour éviter les ecchymoses, ne frottez pas le site de ce mois. N’utilisez pas ce médicament si vous remarquez un défaut dans la seringue, des
d’injection après vous être fait l’injection. 2. Jetez la seringue utilisée dans le container pour particules dans la solution, ou une couleur anormale de la solution. Apres ouverture : le pro-
objets tranchants. Fermez hermétiquement le couvercle du container et placez le container duit doit être utilisé immédiatement. Ne jetez aucun médicament au tout-à-l’égout ou avec
hors de la portée des enfants. Quand le container est plein, débarrassez-vous en selon les ins- les ordures ménagères. Demandez à votre pharmacien d’éliminer les médicaments que vous
tructions de votre médecin ou de votre pharmacien. Changement de médicament anticoa- n’utilisez plus. Ces mesures contribueront à protéger l’environnement. Date d’approbation
gulant : · Passage d’un traitement par Theranox à des anticoagulants appelés antivitamines K de la notice : Décembre 2021 Liste I. Médicament soumis à prescription médicale. DE N° :
(comme la warfarine) Votre médecin vous demandera de faire des analyses de sang appelées 21/12B082/543 Fabricant, conditionneur et détenteur de DE : Les Laboratoires BIOTHERA,
INR et vous indiquera à quel moment arrêter Theranox. · Passage d’un traitement par des RN 44 AL Anieb, Ben M’hidi, El Tarf, Algérie.

You might also like