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PAULET Antoine

Commentaire : le succès électoral du Poujadisme


aux élections du 2 janvier 1956.

Quand on accuse Pierre Poujade de se servir de l'Union de Défense des Commerçants et des
Artisans (UDCA) pour lancer sa propre carrière politique, il se défend en disant que jamais il ne
souhaiterait être député, étant donné le peu d'estime qu'il a pour eux. Cela ne l'empêche pas
d'envoyer 52 députés poujadistes à l'assemblée nationale en 1956.
Comment expliquer ce succès électoral soudain ?
Pierre Poujade est né en 1920. Il grandit dans un environnement maurrassien proche des
camelots du roi. Il milite dans l'Union populaire des jeunesses françaises qui est le mouvement de
jeunesse du Parti populaire français de Jacques Doriot. Pendant l'occupation, il est responsable
d'une compagnie des Compagnons de France, un mouvement de jeunesse vichyste. En 1942, il
rejoint la résistance. A la Libération, il rentre à Saint-Céré lancer une librairie-papéterie. En 1953, il
participe à une opposition à contrôle à Saint-Céré. C'est-à-dire qu'une foule a énergiquement refusé
le passage à un percepteur d'impôts qui devait contrôler l'arrière-boutique d'un commerçant de
Saint-Céré pour vérifier qu'il ne cache pas des sources de revenus non déclarées. Cette mesure est
considérée comme injuste par beaucoup de commerçants qui ont l'impression d'être traités comme
des voleurs et qui voient là une atteinte à leur vie privée. On n'est pas sûrs que Poujade soit à
l'origine de l'opposition de ce jour-là mais il se démarque rapidement et prend la tête du mouvement
de Saint-Céré et fonde l'UDCA. Rapidement, l'opposition se répand dans les départements voisins
où des militants de l'Union distribuent des tracts et font des discours. La question de l'avenir du
mouvement et de sa politisation se pose. En se présentant aux élections législatives de 1956,
l'UDCA fait un pari risqué mais étonnamment soutenu par la base du mouvement.
Les débats à l'assemblée nationale à propos d'une nécessité d'organiser élections anticipées
commencent le 21 octobre 1955. La campagne électorale officielle dure du 2 décembre au 2 janvier.
Nous avons en premier document la motion de synthèse du congrès de Saint-Céré des 8-9
novembre 1955, c'est-à-dire le compte rendu des discussions et votes des représentants udécistes de
tous les départements.
Les deuxième et troisième documents sont des affiches électorales poujadistes datant de la
campagne de décembre-janvier.
Le quatrième document est une carte présentant les résultats électoraux des listes poujadistes
durant l'élection de 1956. Le chercheur Claude Leleu l'a réalisée en 1971 à partir des chiffres du
ministère de l'intérieur.
On va s’intéresser à l'apogée du poujadisme donc on évoquera ce qui a conduit l'UDCA
jusqu'aux élections de 1956 mais on n'étudiera pas le tournant politique qu'elle prend après les
élections.
On place souvent Poujade à l'extrême-droite, et on l'a vu, le personnage a un passé
maurrassien et vichyste, mais est-il considéré comme tel en 1956 ? L'enjeu de la compréhension du
succès électoral des Poujadistes de 1956 est de savoir si les électeurs qui ont mis le bulletin
poujadiste dans l'urne ont pensé voter pour l'extrême-droite.
Quelles sont les causes du succès électoral des Poujadistes aux élections de 1956 ? Sur quoi
repose l'identité de l'UDCA ?
D'abord, nous verrons que les circonstances ont été propices au populisme de l'UDCA, puis
que, déjà en 1956, le poujadisme est imprégné par une pensée d'extrême-droite, et enfin, que le
corporatisme reste le cœur du programme des poujadistes.

I] Un populisme simpliste mais rassembleur


1) Campagne électorale courte et énergique
(ligne 2) Ce sont des élections anticipées dont il n'y a qu'un mois de campagne. Le jeune
mouvement militant de l'UDCA se donne à fond. Les responsables sillonnent le pays en voiture,
distribuent des tracts et enchaînent discours enflammé sur discours enflammé.
Les plus gros scores sont là où des personnalités poujadistes ont su s'affirmer et répandre
leurs idées. Chose étonnante, le Lot, département de Saint-Céré, a un score assez médiocre.
La campagne est tellement violente verbalement que Poujade comparait au tribunal pour
injures et menaces envers Edgar Faure, le président du conseil.

2) Un vote contestataire et antiparlementaire


antiparlementarisme → peu importe leur bord politique, ils vont vous trahir
Pas une critique de l'institution parlementaire façon Maurras mais des éléments pourris qui
le composent
exemple : Maurice Faure est un député qui s'était engagé auprès de l'UDCA mais s'est ravisé.
(ligne 20) = refuser le jeu du système et des partis
(doc 2) « gavés du régime » = députés
(doc 2) « halte programmes menteurs et leurs auteurs »

pas tant basé sur la popularité de Poujade que sur l'impopularité des autres
SORTEZ LES SORTANTS
(ligne 11) = référendum où s'affronte nos idées et les coupables dénoncés
Pour voir la part du vote contestataire dans le poujadisme :
Comparaison des cartes :
Légère progression des communistes (+500 000). Le poujadisme a récupéré une partie du
vote de contestation communiste dans le midi mais la baisse de l'abstention et les jeunes électeurs
ont comblé la différence.
Légère progression des socialistes (+500 000) même si perte de terrain dans 33 départements
face aux Poujadistes.
Grande progression pour les radicaux (+1 000 000) surtout en ville où ils récupèrent les voix
gaullistes et MRP mais les radicaux traditionnels de la campagne perdent beaucoup de terrain face
aux Poujadistes.
Effondrement de 80% pour Gaullistes sans De Gaulle car électeurs perdus.
MRP : léger recul (13%)
→ Le poujadisme n'est pas un phénomène régional mais national. Il a des scores dans la moyenne
dans tous les départements où il est présent.
Poujadisme dans régions d'économie stagnante, paysannerie confrontée à la modernisation
Partout où le poujadisme est présent, l'abstention a baissé = il a attiré une clientèle nouvelle
composée de blasés de la politique et d'antiparlementaires. Il a volé les votes contestataires de tous
les partis.
Total :
Environ 10 millions de votes à droite et 10 millions à gauche

3) Des promesses vagues et simplistes


- si le pays est dirigé par des professionnels alors ça ira forcément mieux
- absence d'idées sur les affiches mais : la taxe sur l'énergie et les matières premières
- les États généraux

4) Une empreinte bonapartiste


- (doc 2) paragraphe Tous + « vous devez faire trêve de vos dissensions et de vos intérêts de
classe » → populisme bonapartiste
culte du chef de Poujade
idéal démocratie directe avec le congrès et le référendum (plébiscite)
césarisme démocratique
II] Un discours imprégné de références d'extrême-droite
1) complotisme et antisémtisme:
-volonté délibérée d'annihiler les petits commerçants (pas totalement faux → il faut faire place au
progrès)
-les élections anticipées sont organisées pour contrer les États généraux
- les bons soldats trahis par leurs chefs
- trusts apatrides (juifs?)

2) Esprit ancien combattant :


- Verdun, monuments aux morts, mobilisations pour des actions directes => rappelle les ligues

3) Nationalisme attaché à l'empire


« liquidé l'union française »
le 3 juin 1955 : le gouvernement français reconnaît le principe d'indépendance de la Tunisie
le 6 novembre 1955 : le gouvernement français reconnaît le principe d'indépendance du Maroc
La dissolution du parlement est pour consolider le gouvernement en place et assurer la
continuité des négociations

« assez de sang »
guerre sanglante d’Indochine terminée en 1954
événements d'Algérie qui commencent en 1954

« être né français »
« défense de la patrie »
« française, français »

4) référence à 1789 :
menaces de morts des opposants (régulièrement demandes de pendaisons des traitres)
états généraux
engagement sacrifice ultime, dévouement à la nation jusqu'à la mort

III] Un discours corporatiste


1) L'UDOF et les communistes
« Travailleur » → Dès 1953, le PCF commence à noyauter l'UDCA. L'UDCA est très divers
politiquement à ses débuts et on reproche même souvent à Poujade d'être un agent soviétique. Au
nom de l'apolitisme, une épuration des communistes s'opère, d'abord chez les responsables, puis les
orateurs, les militants. Le PCF prend naturellement ses distances et attaque l'UDCA. Poujade lance
alors l'UDOF (Union de Défense des Ouvriers de France) pour concurrencer l'influence de la
gauche chez les ouvriers et unifier les petites gens face aux gros. Mais ça tourne au fiasco parce que
les syndicats de gauche chahutent tous les représentants de l'UDOF, retournent leur voiture,
réservent les salles de réunion avant eux, etc.
Ici, présence purement symbolique sur le tract pour attirer des voix

2) L'UDAF et dorgérisme
« Paysan » → Henri Dorgères est le fondateur et chef des Chemises vertes, un mouvement
ligueur et syndical de défense des paysans. Un rapprochement s'opère entre Poujade et Dorgères,
désormais président de la Défense Paysanne, mais ils se brouillent vers 1955 et Poujade lance
l'UDAF (union de défense des agriculteurs de France). Le succès est très mitigé aussi, les paysans
préférant les syndicats traditionnels.
Ils critiquent les coopératives et dépossèdent le paysan de son sol + modernisation difficile.
Pareil, présence sur le tract pour la propagande
paysannerie = 20% de la population

LISTES APPARENTEES :
la liste de l'UDCA, l'UFF (union et fraternité française) est apparentée avec l'UDOF et
l'UDAF ce qui veut dit que peu importe pour lequel de ces trois vous votez, ça ira à la même liste.
Poujade va même présenter ces trois listes dans les mêmes départements.

3) La révolte des classes moyennes


la révolte de la classe moyenne => misère (fin de l'inflation + taxes)
« s’équilibreront vos intérêts particuliers » recherche de l'équilibre du marché : libéralisme
« exercer sa profession depuis 5 ans » => inspiration de l'Estado Novo de Salazar : national
corporatisme. Fascination pas encore assumée
artisans et commerçants = 8% de la population
haine des percepteurs
grève de l'impôt
obsession pour le travail : 1916
la majorité des voix proviennent d'artisans et commerçants

Conclusion :

En novembre 1955, l'UCDA fait le choix du jeu électoral alors qu'il a basé une grande partie
de son discours sur la critique des députés. C'est un pari mais les autres options qui s'offraient à
l'Union étaient soit le retrait de la vie politique, soit la lutte armée, et la base militante n'aurait pu
accepter aucun de ces choix. Le contexte de décolonisation, de perte de vitesse des artisans et
commerçants, de modernisation agricole et d'instabilité gouvernementale ont permis aux
Poujadistes de se hisser à la quatrième position dès leur première élection. Beaucoup de chemin a
été parcouru depuis les débuts hétérogènes du mouvement. La personnalité de Poujade et la
politisation du mouvement amènent un discours d'extrême-droite encore timide sur le devant de la
scène. Mais le succès des poujadistes est de courte durée et c'est un autre homme qui profitera du
travail des udécistes : De Gaulle.
PAULET Antoine
Commentaire : le succès électoral du Poujadisme
aux élections du 2 janvier 1956.

Plan :
I] Un populisme simpliste mais rassembleur
1) Campagne électorale courte et énergique
2) Un vote contestataire et antiparlementaire
3) Des promesses vagues et simplistes
4) Une empreinte bonapartiste

II] Un discours imprégné de références d'extrême-droite


1) Complotisme et antisémitisme
2) Esprit ancien combattant
3) Nationalisme attaché à l'empire

III] Un discours corporatiste


1) L'UDOF et les communistes
2) L'UDAF et le dorgérisme
3) La révolte des classes moyennes

Bibliographie :
Ouvrages généraux :
REMOND René, Les droites en France, Paris, Aubier Montaigne, 1982.
LELEU Claude, Géographie des élections françaises depuis 1936, Paris, PUF, 1971.

Ouvrages spécialisés :
BORNE Domine, Petits-bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade, Paris, Flammarion, 1978
HOFFMAN Stanley, Le mouvement Poujade, Paris, Armand Colin, 1956.
SOUILLAC Romain, Le mouvement Poujade. De la défense professionnelle au populisme
nationaliste (1953-1962), Paris, Presses de Sciences-po, 2007.

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