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PRINCIPES
DE GRAMMAIRE GÉNÉRALE
PAR
LOUIS HJELMSLEV
D E U X I E M E EDI TI ON
KØBENHAVN
KOMMISSIONÆR: MUNKSGAARD
' 1968
Kr. 45.-
D et Kongelige D anske Videnskabernes S elskab udgiver følgende
publikationsrækker;
Bibliographical Abbreoiaiion
Oversigt over Selskabets Virksomhed (8°) Overs. Dan. Vid. Selsk.
(Annual in Danish)
PRINCIPES
DE GRAMMAIRE GÉNÉRALE
PAR
LOUIS HJELMSLEV
KØBENHAVN
hovedkommissionær : ANDR. FRED. HØST & SØN, kgl . h o f - boghandel
B IA N C O L U N O S BO GTR YK KER I
1928
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AVANT-PROPOS
Délimitation de la grammaire.
I. Grammaire scientifique.
1. Toute science empirique a ceci de particulier qu’elle
ne peut pas établir des affirmations générales dans le sens
absolu du term e. Pour saisir la nature intim e de son objet
dans sa généralité absolue, elle ne peut qu ’établir des
hypothèses et chercher à les vérifier.
La science du langage en a connu plusieurs.
Pour saisir la nature intim e du langage, on a établi
plusieurs conceptions — hypothétiques , dont chacune
est le résultat d’idées et d ’observations particulières.
D’abord, en se fondant sur l’état de fait, en observant
la langue telle qu’elle existe pour le sujet parlant placé
dans la société am biante, on a conçu le langage comme
organisation. On a vu dans ce trait son caractère essentiel.
Les données empiriques, ainsi entendues, am ènent à croire
que toute langue, en tout temps et en tout lieu, est dominée
par une forme, qui s’exprime dans une série de catégories
constituant un système. Le langage est u n é t a t . On peut
appeler ceci la c o n c e p t i o n g r a m m a t i c a l e . Elle est la
plus ancienne des conceptions émises en m atière linguis
tique. C’est elle qui inspire tout travail pour dém ontrer la
régularité gram m aticale, pour constater l'existence de cer
tains types de langues dont la structure est identique, pour
8 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
' Ce qui rend cette méthode encore plus naturelle, c’est que la
psychologie (pure), de son côté, ne peut profiter des faits grammaticaux
que dans une mesure excessivement restreinte. Citons à ce propos une
remarque d’un psychologue qui s’est occupé particulièrement du langage:
»Der allgemeinen Semasiologie oder Funktionsiehre aber [c’est-à-dire la
grammaire] . . . kommt offenbar der Löwenanteil an dem zu, was den
Namen Sprachps3’chologie oder theoretische Sprachphilosophie verdient.
Denn was der Psychologe daneben noch und abgesehen von ihrer Funk
tion über die Beschaffenheit und Genesis der Sprachzeichen zu sagen
liât, tritt an Wert und — wenn heute nicht, so sicher später einmal —
auch an Umfang weit zurück«. M akty , U n ters., p. 51 sv.
^ Nous sommes parfaitement d’accord avec M. P e S ko vskiy , qui dit:
»11 existe une science particulière du langage, qui a pour objet d’étudier
le langage considéré comme fait de la nature, . . . la grammaire est une
branche de cette science, ayant pour but d’étudier la vie et le déve
loppement de ces faits du langage qu’on appelle ‘les formes’«. CuHraKcuc,
éd., préface, p. iij.
Principes de grammaire générale. 33
^ W as is t S y n ta x ? p. 48.
® S tr u c tu r e lo g iq u e de la p h r a se.
® Voir p. ex. N. B eck m an , T ill frâ g a n om g r a m m a tis k a k a t e
g o r ie r och g r a m m a tisk t e r m in o lo g i.
* On sait qu’on le fait généralement: on identifie le nom et le sujet,
le verbe et le prédleat, l’adjectif et l’attribut, en définissant, en partie,
les différentes parties du discours par les termes qu’elles se prêtent
principalement à exprimer. Ces identifications se trouvent p. ex. chez
M. S a p j r , L a n g u a g e , p. 125 sv., et aussi chez S c h u c h a h d t , S p r a c h -
u r sp r u n g III: P r ä d ik a t , S u b je k t, O b jek t. B r e v ie r , p. 218—
235 (1919). La confusion est complète pour »Tadverbe«, qui désigne à la
fois un mot et un terme. Cf. G. v. d. G a b e l e n t z , I d e e n , p. 379.
® o p . c i t . , p. 102 SV.
38 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
‘ C o u r s, p. 155.
® W. v o n B e c h t e r e w , o p . c i t . , p. 2.
* C’est cette considération qui est à la base de toute l’œuvre de
WUNDT.
* F. de Saussure , C ou rs, p. 33 sv. W. von B e c h te r ew , op. cit.,
p. 31 et p. 355 sv.
46 Nr. 1. L o uis H je l m s l e v :
Légende:
X = synchronique
y — diachronique
a = sons y matériel
b = formesj 3 5 5 0 . \
c = mots jciationsl signes
d — svntagmes )
fondam ental dans les systèmes des formes, des mots, des
syntagmes, bref, dans les systèmes des signes.
Cette difference suffit pour rendre la théorie des sons
plus accessible du côté diachronique que ne le sont les
autres disciplines linguistiques. L’inexistence des valeurs
perm et de faire abstraction plus facilement du système en
tant que tel, d ’isoler les éléments ou les groupes d ’éléments
sans considérer leur rôle dans la totalité. On peut faire
valoir la perspective diachronique dans son intégralité.
Ce procédé a ses inconvénients dès qn’on opère sur des
valeurs. Un système d’associations ne se laisse guère dé
composer sans qu ’on fasse violence aux éléments mêmes
qui le composent. Les formes, les mots, les syntagmes
form ent, à chaque moment donné, un système de valeurs
où tout se tient, où la com préhension exacte de chaque
élément exige la considération constante de tous les autres.
Les signes de valeurs constituent un système qui n’existe
que sim ultaném ent, qui ne s’explique que synchronique
ment. Et les éléments ne s’expliquent que par le système.
Ici, si on veut introduire la perspective diachronique,
on ne saurait la faire valoir dans son intégralité. Il devient
indispensable de la suppléer par les perspectives synchro
niques. La perspective diachronique se réduit par nécessité à
une juxtaposition pure et simple des états synchroniques.
Si, p o u r'ce qui est des sons, il serait légitime de faire
abstraction plus ou moins des systèmes qui sont atteints
par les évolutions, et de ne les considérer que facultative
ment, il en est autrem ent là où il s’agit des signes. Ici, les
systèmes deviennent l’essentiel.
Soient O, b, c des états successifs d ’une même langue.
Soient X, y, z certains éléments de cette langue, soumis à
u n e étude d ia c h ro n iq u e . E n i n d i q u a n t p a r u n p o in ti llé la
Principes de grammaire générale. 51
sons signes
X J t Z J ÿA -A
c c
b b
a a
‘ de S a u s s u r e , C o u r s, p. 185.
® Ci-dessus, p. 7 sv.
® On le voit surtout par le fait que la causalité grammaticale est
souvent la négation de la causalité diachronique. Voir plus loin, p. 232 sv.
Principes de grammaire générale. 55
‘ de S a u ss u r e , C ou rs, p. 128.
® A consulter surtout les travaux de MM. P e s k o v s k iy et P e t e r s o n ,
élèves de F o r t u n a t o v et de M. P o r z e z i n s k i y . (Voir la bibliographie).
® Voir H. P a u l , P rin z., p. 20.
* C’est par un anachronisme singulier que M. T r o m b e t t i y adhère.
E le m e n t i, vol. I, p. 4 sv.
60 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
pas avec la réalité. Il est vrai que chacun des deux sys
tèmes — synchronique et diachronique — ne contient que
la moitié de la vérité. Mais les deux systèmes opèrent sur
des plans logiquement différents. La causalité, la ôvv(x/j,iç
qui est en jeu, diffère entièrem ent d ’un système à l’autre^.
L’interdépendance et le conditionnem ent réciproque des
deux systèmes ne se com prendra, par conséquent, que par
un procédé logique qui fait, d’une façon rigoureuse, le
départ des deux séries de causalités. Bien qu’il soit vrai
qu’il n’y a au fond q u ’une seule discipline gram m aticale,
à la fois synchronique et diachronique®, les term es et les
notions ont une valeur différente dans les deux systèmes.
La fusion des deux systèmes provoque toujours une con
fusion d’ordre logique®.
D’autres encore en sont venus à distinguer les deux
points de vue. Ainsi le maître de la philologie rom ane,
M. W . M e y e r -LO b k e , s’est efforcé^ de partager ses études
linguistiques entre le point de vue synchronique et le point
de vue diachronique. Il distingue® une exposition verticale
et une exposition horizontale ( v e r t i k a l e u n d h o r i z o n
t a l e D a r s t e l l u n g ) , et il définit même l’exposition h ori
zontale comme d ie C h a r a k t e r i s t i k e i n e s g e g e b e n e n
S p r a c h z u s t a n d e s , avec une terminologie qui recouvre
presque exactement celle de F. de Saussure. Mais la con
ception d ’wétat de langue« n ’est pas en réalité la même
<îhez M. Meyer-Lûbke que chez F. de Saussure.
On voit bien par l’exposé de M. Meyer-Lûbke qu’il ne
^ Pour le détail, voir p. 232 sv. ci-dessous.
* M e i l l e t , L in g. h ist. et lin g . gén., p. 48.
® Voir Marty , Un ter s ., p. 52 sv. B ally , La p e n sé e et la la n g u e ,
p. 130.
* Probablement sous l’influence de S c h u c h a r d t . Voir B r e v ie r ,
p. 264 (1874).
^ E in fü h r u n g , p. 62 sv.
62 Nr. 1. Louis H j e l m s l e v :
5*
68 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v ;
è%eiaaTo na%qotfovf\a
AïyiciS-ov àoXôii/iynv, b' ol naxêqa xXvxbv exxa
^ S p r o g v id e n s k a b e n s h is t o r ie , p. 14.
® Cf. W iw E L , S y n s p u n k t e r , p. 36. B e c k e r avait exprimé autre
fois le même avis à l’égard de la théorie d’Aristote (O rg a n ism , p. xix).
S t e in t h a l s’y est opposé avec force (G esch. d. S p r a c h w iss., p. 187).
Ses résultats à cet égard sont cependant loin d’être sûrs.
® Çainénu , p . 59, cf. p. 7 sv. L e f è v r e , p. 2.
^ Cf. S e c h e h a y e , P rogram m e et m é th o d e s , p. 11.
80 N r. 1. L o u is H j e l m s l e v :
traire, qui n’a rien affaire avec les réalités, et s’il en est
ainsi, il va de soi que la division faite par M. Ries ne devra
pas être maintenue dans un exposé qui ne prend son point
de départ que dans les réalités linguistiques mêmes ^
Etant donné que, en réalité, tout fait syntaxique est
m orphologique en ce sens qu ’il concerne uniquem ent la
f o r m e grammaticale, et étant donné également que tout
fait m orphologique peut être considéré comme syntaxique
puisqu’il repose toujours sur une connexion syntagm atique
entre les éléments gram m aticaux en question ^ nous som
mes persuadé que la division possible de la gram m aire en
morphologie et syntaxe est dénuée de toute im portance du
point de vue pratique®.
La gram m aire est, en effet, une discipline une, la théo
rie de la f o r m e tout c o u r t E l l e est entièrem ent différente
de la théorie d e s s ons . C’est cette division seule qui im
porte, et nullem ent cette autre entre morphologie et syntaxe.
Cette division principale entre gram m aire et phonologie
est identique à celle proposée, dès 1906, par M. Albert
D auzat. En y donnant notre pleine adhésion, nous pouvons
citer ces phrases de M. D auzat: »Tout langage suppose deux
facteurs essentiels . . . le son et l’idée. D’où la division de
la linguistique en deux branches: la phonétique ou l’étude
des sons, et la sém antique ou l’étude des idées dans leurs
‘ Cf. K a rl B rügm ann , K urze verg l. Gramm., p. vij, note. Pour les
rapports de la grammaire à l’unité mot d’après notre système, voir plus
loin, p. 99 SV.
* Voir de S a u ssu r e , C ou rs, p. 176 sv. Voilà pourquoi M. M arty a
voulu comprendre par syntaxe toute théorie traitant des »combinaisons
des signes«. U r sp r u n g , p. 107. U n t e r s u c h u n g e n , p. 532 sv.
* Cf. de S a u ssu r e , C o u rs, p. 186. D’une manière générale et pra
tiquement, nous pouvons donc dire avec M. D e l a c r o ix qu’»il n’y a pas
à faire de différence entre la morphologie et la syntaxe«. Le la n g a g e ,
p. 201. ’
* Cf. S c h u c h a r d t , B r e v ie r , p. 127 (1917).
Principes de grammaire générale. 95
^ E s s a i de m é t h o d o lo g ie lin g u is t iq u e , p. 19.
* La v ie du la n g a g e , p. 13.
® E s s a i de m é t h o d o lo g ie l i n g u is t iq u e , p. 24.
* U n te r s u c h u n g e n zu r la t e i n is c h e n S e m a sio lo g ie .
® L it e r a t u r b la t t für g e r m a n is c h e u nd r o m a n is c h e P h i
lo lo g ie , 1887, no. 5, col. 201 sv.
96 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
^ W as is t S y n ta x ? p. 160.
* o p . c i t . , p. 88.
® D e u ts c h e S y n ta x .
Principes de grammaire générale. 97
m orphèm es; elle peut donc être faite par la même discipline
qui s’occupe des sémantèmes et des m orphèm es en général.
La syntagm atique ne se distingue pas de la morphologie.
La combinaison de mots ne peut être considérée que
comme une com binaison de sémantèmes et de morphèmes.
Il en est autrem ent du m ot: le mot peut être considéré
sans égard aux éléments qui le com posent; il est une unité
indépendante.
Ces unités linguistiques une fois constatées, elles per
m ettent de faire le départ entre trois groupes de disciplines
linguistiques selon la deuxième subdivision:
L a p h o n o l o g i e et l a p h o n é t i q u e s o n t l es t h é o r i e s
des p h o n è m e s ; la g r a m m a i r e est la t h é o r i e des
s é m a n t è m e s et d e s m o r p h è m e s ( e t de l e u r s c o m b i
n a i s o n s ) ; l a l e x i c o l o g i e et l a s é m a n t i q u e s o n t l es
t h é o r i e s d e s mot s ^.
Cette manière de concevoir les disciplines linguistiques
nous semble avoir de grands avantages ^ Non seulement
elle est en concordance parfaite avec les faits mêmes du
langage, elle a encore l’avantage de dispenser la gram m aire
de la notion du mot, qui a toujours donné lieu à des
^ Malgré la considération malheureuse dont part M. D e l a c r o ix (voir
la note 2, p. 98), il arrive toutefois à établir une subdivision qui est
identique à la nôtre. Le la n g a g e , p. 132 sv.
* M. R ie s a eu tort à subordonner la sémantique à la grammaire.
Voir P e t e r s o n , OnepK, p. 27 sv. La même confusion se trouve dans
P e Skovskiy , U I k . h HayHH. rp ., p. 17. C’est à tort aussi que de S a u ssu r e
a subordonné la lexicologie à la grammaire. C ou rs, p. 186 sv. En réalité,
le mot est une unité indépendante des sémantèmes et des morphèmes
qui le composent. La lexicologie et la sémantique considèrent le mot
comme unité, sans égard à ses éléments, alors que la grammaire a pour
objet les sémantèmes et les morphèmes et leurs rapports réciproques, en
faisant abstraction du mot en tant que tel. Voir les remarques justes
de S t e in t h a l , Gr. Log. P sych ., p. 347; D aüzat , E s sa i de m é t h o d o
lo g ie , p. 69; N o r e e n , V ârt s p r â k , vol. I, p. 49; B ally , La p e n s é e
e t la la n g u e , p. 126.
7*
100 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
VI. Conclusion.
24. On a vu que la gram m aire n ’est pas une science
philosophique, m ais au contraire une science purem ent
linguistique; ce n ’est que par autant q u ’elle appartient à
la linguistique q u ’elle fait une branche de la psychologie
et de la logique descriptive.
On a vu que la gram m aire n ’est pas une science dia
chronique, m ais une science synchronique; elle est une
théorie de catégories, et plus particulièrem ent des catégories
constituées par les éléments gram m aticaux, c’est-à-dire les
sém antèm es et les m orphèm es.
On a vu enfin que la gram m aire est une science pan-
chronique, non idiochronique; les études idiochroniques ne
sont que des m oyens pour l’étude panchronique.
C’est ainsi que s’est établie notre délim itation de la
gram m aire, parm i les sciences hum aines en général, et
particulièrem ent au sein même de la linguistique dont elle
fait partie.
108 N r. 1. L o u is H j e l m s l e v :
Chapitre II.
La forme grammaticale.
I. Forme et fonction.
25. On sait que le terme de »forme« est, en matière
linguistique, parm i ceux qui prêtent le plus à l’équivoque ^
D’une m anière générale, nous pouvons donner notre adhé
sion aux distinctions si nettes faites par M. S e c h e h a y e ®.
Nous distinguons avec lui l ’a s p e c t phonique, concret et
conventionnel, c’est-à-dire le système des phonèmes ^ et la
f o r m e gram m aticale, abstraite et algébrique, c’est-à-dire le
système des idées-symboles^ dont dispose le sujet parlant,
ces idées-symboles étant, de leur côté, en partie des sém an
tèmes, en partie des m orphèm es ^ La forme est constituée
par le fait que ces idées-symboles sont classés dans notre
esprit dans certaines catégories.
^ Voir l’exposé détaillé dans M arty , U n te r s u c h u n g e n , p. 181 sv.
® P rogram m e e t m é t h o d e s , p. 110 sv. Cf. de S a u ssu r e , C o u rs,
p. 109 en bas et p. 145. D’autres auteurs ont vu la nécessité de la même
distinction, p. ex. H. G. W iw e l , S y n s p u n k t e r , p. 240, avec n o te.
Chez les grammairiens russes, la conception de la forme est en principe
identique à celle de M. S e c h e h a y e et de W i w e l , mais il y a des points
de détail où il y a différence, et où les théories de l’école de F o r t u n a t o v
nous semblent moins justes.
® Voir plus haut, p. 100.
* Voir a u s s i S e c h e h a y e , op. c i t . , p. 120 e t 137.
® Il est hors de doute que M. S e c h e h a y e et W iw e l fcf. la note
2) ont été les premiers à établir un système qui permette d’opérer
cette distinction. W . v. H u m b o l d t , S t e in t h a l et G. v. d. G a b e l e n t z ont
bien vu, il est vrai, la nécessité qu’il y a de faire le départ entre ce
qu’ils appelent »Form« et ce qu’ils appellent »Stoff« (voir en outre sur
Principes de grammaire générale. 113
' La p e n s é e et la la n g u e , p. 125.
® Voir plus haut, p. 83 sv. Cf. aussi S a p ir , L a n g u a g e , p. 59 sv.
O l l io n , P h i l , d e l a gram m ., p. 22.
Principes de grammaire générale. 115
qui existe entre les langues les plus différentes et les plus
éloignées entre elles, malgré les discordances du matériel
phonique qui sert à exprim er les catégories. C’est cette
concordance qui lui permet, malgré la diversité extérieure,
de poser le problème de la gram m aire générale.
Mettons que deux langues possèdent un génitif, qui a
dans les deux langues une seule et même signification
grammaticale, disons par exemple celle de la possessivité,
à l’exclusion de toute autre signification (partitive, etc.).
Mettons en même temps que ce génitif s’exprime dans la
langue A par un préfixe x, dans la langue B par un suf
fixe y. Cela supposé, il serait illégitime de dire que, sur ce
point particulier, il y avait différence de la forme entre
les deux langues. C’est différence de l’aspect phonique q u ’il
faut dire. La forme est, au contraire, identique.
L ’aspect phonique ne veut donc pas dire que l’ensemble
des phonèmes ou même le système de phonèmes que
comporte un état de langue donné. L ’aspect phonique peut
avoir sa s t r u c t u r e à elle, et qui ne se confond nulle
m ent avec la forme. C’est à bon droit que M. S a in é a n
distingue »l’expression des catégories grammaticales« des
catégories grammaticales mêmes Mais ce sont les caté
gories gram m aticales mêmes qui font l’objet de la gram
maire, et non leur »expression«, ainsi entendue.
On sait que selon F. de S a u s s u r e ® le signe linguistique
est constitué par l’association d’un signifié (concept) avec
un signifiant (une image acoustique ou verbale^). Or, le
signifiant comprend précisément les deux choses que nous
venons de distinguer: une image phonique, d ’une part, et
* R a p o r t u r i l e , p . 106— 114.
* C ours, p. 98 SV.
® J. V endryes, Le la n g a g e , p. 78 sv.
8*
116 N r. 1. L o u is H j e l m s l e v :
= signifié = signifiant,
que M. S apir a appelé ratten tio n sur le fait que, bien que
les intonations constituent, par exemple en chinois et en
grec classique, des catégories fondam entales et bien définies
d’ordre phonique, elles ne constituent pas pour cela des
catégories grammaticales. C’est là une distinction d’ordre
purem ent phonique, et due uniquem ent à des conditions
phoniques; il est possible qu’il y ait connexion, dans une
certaine mesure, entre cette distinction phonique et cer
taines distinctions d’ordre sém antique ou lexicologique; mais
la distinction en question ne correspond à aucune distinc
tion dans la fo rm e l Et cela n ’a rien que de courant. Le
système phonique de n ’importe quelle langue comporte, en
eiîet, beaucoup de catégories qui n’ont aucune valeur gram
maticale. Toute catégorie phonique peut coïncider avec une
catégorie gram m aticale ou lui rester étrangère.
D’autre part, la forme gram m aticale diffère aussi com
plètement de la signification. S’il y a des catégories
phoniques sans des valeurs gram m aticales correspondantes,
il y a aussi des catégories de concepts qui n ’ont pas
de valeur grammaticale. On ne parle pas ici des concepts
pures, qui sont différents du signifié^. Même les signifiés,
les concepts linguistiques, se rangent sans aucun doute
en certaines catégories qui ne s’exprim ent pas dans le
signifiant. Les concepts linguistiques étant d ’ordre psycho
logique, il faut prévoir qu’ils font partie, avec les
concepts pures, de certaines catégories psychologiques et
logiques qui ne sont pas en même tem ps des catégories
formelles.
Dans tout acte gram m atical, il convient donc de di
stinguer trois sortes d ’élém ents; la signification, la forme,
^ O b s e r v a tio n su r la la n g u e e t la lit t é r a t u r e p r o v e n ç a le s ,
p. 14 SV.
124 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
^ G r ie c h is c h e G r a m m a tik , p. 415.
® Cf. G. V. d. G a b e l e n t z , D ie Sprw., p. 3 8 5 : »Jede Sprache kleidet
ihren Stoff in Formen, wären es auch nur syntaktische . . .«
® Voir plus haut, p. 94.
* Voir de S a u ssu r e , C ou rs, p. 123, 163, 254, 256.
Principes de grammaire générale. 127
\ p. 30 —31.
®p. 2—4.
®p. 96 sv.
Principes de grammaire générale. 129
^ P h i l o s o p h y of Gr a m m ar , p. 97.
® Voir op. cit., p. 114 SV.
* Pour l’anglais. M o d e m E n g l i s h Gr amma r , vol. II, p. 211—462;
d'un point de vue général. P h i l o s o p h y of Gr amm a r , p. 98—101.
Principes de grammaire générale. 131
^ R a n g s t u f e n , p. 301.
® R a n g s t u f e n , p. 307.
® Voir p. 27—28.
Principes de grammaire générale. 133
^ R a n g s t u f e n , p. 307.
* En des phrases littéralement identiques, S p r o g e t s l o g i k , p. 30 sv.,
et P h i l o s o p h y of G r a m m a r , p. 96.
134 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
^ D e l m a g y a r i s k e s p r og og d et s s t a m m e s l æ g t s k a b , 1867,
= S a m l e d e a f h a n d l i n g e r , vol. II, p. 294—296. A m a g y a r t à r g y a s
r a g o z à s r ô l n é h â n y m e g j e g y z é s . Magyar N y e l v o r , t. XL, 1912,
= K l e i n e B e m e r k u n g e n z u r o b j e k t i v e n K o n j u g a t i o n des u n
g a r i s c h e n V e r b u m s , S a m l e d e a f h a n d l i n g e r , vol. II, p. 298—302.
® A t å r g y a s r a go z å s e r e d e t i b b alakja.
* A v o g u lo s z t j å k tårgyas igeragozåsrol.
* A m a g y a r t å r g y a s i g e r a go zå s .
® On retrouvera ce phénomène dans notre dernier chapitre, p. 333 sv.
ci-dessous.
V id e n sk .S e lsk . H is t.-B iol. M edd. XVI, 1. 10
146 Nr. 1. Louis H j e l m s l e v :
a. C o n c o r d a n c e p u r e .
Le m orphèm e du terme régi n’indique que le rapport
syntaxique et ne porte point sur la signification de ce
term e. E x e m p l e : le Genre.
Principes de grammaire générale. 147
b. C o n c o r d a n c e c o m p l e x e .
Le m orphèm e du term e régi indique
1° le rapport syntaxique et
2® q u ’une partie de la signification des termes combinés
est identique. E x e m p l e s : la concordance en cas, per
sonne, nom bre, déterm ination. Conjugaison objective. »Etat
construit«.
2. Rection complexe.
Le m orphèm e du terme régi indique
1° la dépendance et
2® le caractère spécial de cette dépendance. E x e m p l e s ;
La rection d’objet chez le verbe et chez la préposition. La
rection de l’adverbe par le verbe.
q u i e s t le t e r m e r é g i s s a n t , et le t e r m e s e c o n d a i r e
q u i e s t le t e r m e régi .
Dès lors, il semble possible de distinguer les term es
prim aire et secondaire par les faits de la concordance pure.
De plus, ces faits sont également décisifs pour la définition
du term e tertiaire. L e t e r m e t e r t i a i r e p e u t se d é f i n i r
c o m m e le t e r m e q u i n ’e s t j a m a i s a f f e c t é de l a
c o n c o r d a n c e p u r e . Le genre ne s’exprim e pas dans
l’adverbe ni dans n ’im porte quel autre m ot jo u an t le rôle
de term e tertiaire^. Cela est vrai même pour les langues
bantoues, où, d’une m anière générale, le sujet impose son
indice de genre (»classe«) à presque tous les autres termes
de la série: les term es tertiaires en sont exempts.
Par suite, la concordance pure nous fournit un critérium
décisif pour la distinction des trois catégories de subordina
tion. Ce critérium est d ’ordre formel, étant donné que la
rection est une sorte de fonction, et, de plus, il ne comporte
pas, comme le critérium obtenu par l’ordre des éléments,
l’inconvénient que la série de subordinations se continue
sans limite. La triparlition se justifie bien.
Mais le rapport entre la rection et la subordination
peut être poussé plus loin. Si nous nous en tenons, au
préalable, à une langue telle que le latin ou le russe, les
mêmes règles valent pour la c o n c o r d a n c e c o m p l e x e .
Hominem bonum, ;i;66poro ^eaoBéKa; hominës bene currant,
jiî6 / i;h ôervT xopomô : c’est le terme prim aire {hominem,
qejroBéKa; hominës, jihSah) qui régit le terme secondaire
{bonum, AÔbporo; currant, beryr) en cas, en nom bre et en
‘ Il est vrai que les termes russes xopomô, njôxo ou les termes
danois g o d t , d a a r l i g t contiennent un morphème indiquant le genre
neutre. Mais l’existence du neutre dans ces termes n’est pas due à une
concordance, et cela seul importe.
150 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
I .................... + l a ± lb ±2
I I .................... - ^ l a ± lb +2
I I I ...................... 0 0 ±2.
Chapitre III.
La catégorie grammaticale.
I. L’hypothèse du contenu significatif.^
34. On sait* que la science grammaticale repose unique
m ent et nécessairement sur la notion de catégorie. Il im
porte donc avant tout de faire état de la nature essentielle
de la catégorie, considérée dans son sens purem ent gram m a
tical. On sait qu’une catégorie gram m aticale est toujours
d ’ordre formel. La question se pose cependant de savoir si
elle a, ou non, un contenu significatif.
Cette question est importante. Une fois constatées les
trois parties du signe linguistique: le phonème, la forme,
le signifié, la question s’impose de savoir en quelle mesure
elles se conditionnent mutuellement. Mais cette question
générale est extrêmement malaisée à trancher.
On a discuté plus haut les rapports qui existent entre
le phonème et la forme. On a vu qu’il y a des différences
et des identités dans l’ordre phonique auxquelles il n ’y a
pas de différences ni d’identités correspondantes dans l’ordre
formel^. On était amené à voir dans les faits syntagma-
tiques et dans les faits significatifs les critérium s qui nous
permettent de distinguer le phonème-signifiant du son.
D’un point de vue spécial, la question sera reprise plus
loin
^ Pour la terminologie, voir p. 157, note 2.
* Cf. p . 78 SV.
® p . 117 SV.
* p . 206 SV.
11 *
164 N r. 1. L o u is H je l m s l e v
mais cela ne nous semble pas être une raison pour aban
donner toute tentative d ’explication. Q u’on ne croie pas
que l’explication significative d ’un fait gram m atical soit
chose facile. Bien au contraire, cette tâche est si malaisée
q u ’on ne saurait s’attendre à obtenir un résultat du prem ier
coup. Il ne faudrait pas perdre de vue que tout dans la
gram m aire d ’une langue est subconscient. Or, si la con
science se refuse à y voir une raison, cela n ’est pas la
preuve que les faits ne puissent s’expliquer par une raison
subconsciente. En m atière scientifique, rien n ’est plus
dangereux que de vouloir constater l’im possibilité de l’ex
plication, de la solution d ’un problème. C’est justem ent la
meilleure m anière pour empêcher d ’arriver à une solution.
De même qu ’il y a, dans la linguistique diachronique, des
problèmes en suspens qui attendent encore une solution,
il y en a aussi dans la linguistique synchronique. Il ne
sert de rien de ferm er les yeux sur le problème. Le pro
blème subsiste malgré tout. En l’espèce, le problèm e con
siste en ceci que la catégorie du genre a subsisté, pendant
des milliers d ’années, sans qu’il y en ait une raison visible.
Ce fait exige une explication; la raison doit être trouvée.
Nous reviendrons sur ce point.
2®. En considérant plusieurs langues ou plusieurs états
de langues ensemble, on trouve des discordances incessantes.
Ainsi M. M e il l e t fait-il rem arquer que, »en français . . .
on ne saurait dire . . . pourquoi le soleil est m asculin et
la lune féminine. En allem and, le nom Sonne du ‘soleil’
est féminin et le nom Mond de la ‘lune’ m asculin; en
russe, solnce ‘soleil’ est neutre, et des deux noms de la
‘lune’, l’un, mésiac, est m asculin, et l’autre, luna, fémi
nin . . La chose est incontestable. Mais il faut se rendre
* Ling. h is t. et lin g. gén., p. 203.
Principes de grammaire générale. 167
* L a n g u a g e , p. 410.
® Die S p r a c h w i s s e n s c h a f t , p. 222—225 et p. 378—379.
* V. d. G a b e l e n t z , D ie S p r a c h w i s s e n s c h a f t , p. 378.
13 *
196 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
^ L a u t s y m b o l i k , Z e i t s c h r i f t fü r r o m a n i s c h e P h i l o l o g i e ,
t. XXI, p. 201—205. Cf. aussi ibid., t. XV, p. 121 ( = B r e v i e r , p. 183 sv.,
surtout p. 185).
* B. S. L., XXVll, 3, 1927, p. xxij.
Principes de grammaire générale. 197
V. Groupes de catégories.
47. Avant de term iner notre vue d ’ensemble sur les
catégories gram m aticales, il faut m entionner une p ar
ticularité fort rem arquable qui est inhérente aux caté
gories de m orphèm es aussi bien qu’aux catégories fonc
tionnelles: ces catégories se groupent d ’ordinaire entre elles
de façon à form er des catégories plus larges, des g r o u p e s
de c a t é g o r i e s . P ar exemple, le latin possède les catégories
de m orphèm es qui s’appellent nom inatif, accusatif, datif,
ablatif, génitif et vocatif. La catégorie du génitif, par exemple,
semble com prendre plusieurs m orphèm es différents exprim és
par les phonèm es -e (puellae), -i (puerî, diëî), -is (consulis), et
-s (auis, manüs); de même pour les autres catégories. Mais
ces six catégories constituent ensemble ce qu’on appelle
ninces -e, -i, -is et -s. Cette catégorie est bien une réalité;
la signification et l’emploi de ces désinences est à tout
prendre identique. On ne peut cependant pas être sûr que
cette identité de signification soit totale; il faut réserver la
possibilité que des études ultérieures révèlent une diffé
rence entre ces désinences apparem m ent identiques, de
façon à définir chacune d’elles par une signification parti
culière. Il est certain que le travail à entreprendre à cet
égard est loin d ’être achevé. M. W ackernagel a appelé
l’attention sur le fait que par exemple le génitif lucrî a un
emploi et une signification qui ne se retrouve pas dans les
génitifs term inés par -is^. C’est déjà quelque chose. E. P.
Morris, de son côté, a étudié les significations de l’ablatif
l a t i n mensà exprime le lieu, hum î également; t/ie exprime
le tem ps, gladiô l’instrum ent. Morris est d ’avis que c’est la
signification des sémantèmes qui est la cause de ces diffé
rences, et nous ne voulons pas nier que ce soit vrai
semblable. Mais la chose n ’est pas sûre. Il faudrait se
dem ander si vraim ent le m orphèm e n ’y entre pour rien.
C’est peut-être que les sémantèmes se répartissent, dans
une certaine mesure, sur les déclinaisons d ’après leurs
significations. La question m ériterait d’être étudiée. Elle est
sans doute difficile, mais il ne convient point de la négliger.
Dans un tel cas, la tâche peut être rendue ardue par le
caractère extrêmem ent abstrait des significations dont il
s’agit; il ne faut pas perdre de vue, dans cet ordre d ’idées,
que tout dans la langue est subconscient, et que les caté
gories ont, la plupart du temps, un contenu très abstrait.
Nous avons posé un problème analogue, plus haut,
pour le genre grammatical®. Il s’agit, ici également, d ’un
^ V o r l e s u n g e n ü b e r S y n t a x , vol. I, p. 3 sv.
* P r i n c i p l e s and m e t h o d s in L a t in s y n t a x , p. 199.
* p . 165 SV.
208 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v ;
VI. Conclusion.
48. Après avoir ainsi passé en revue les différentes
espèces de catégories gram m aticales, revenons sur nos pas
afin de voir com m ent elles se com portent par rapport au
contenu significatif. Nous avons défini la catégorie gram m a
ticale comme une catégorie formelle, pourvue d’un contenu
significatif. L’hypothèse d u contenu significatif peut m aintenant
être formulée d ’une m anière plus détaillée ainsi q u ’il suit:
1®. Les catégories de sémantèm es exprim ent sans am biguïté
des catégories de notions®.
2°. Les catégories de m orphèm es exprim ent sans am biguïté
des relations entre les notions®.
3°. Les catégories fonctionnelles exprim ent sans am biguïté
la possibilité des relations d’une notion® donnée.
^ G r u n d r is s d er r o m a n i s c h e n P h i l o l o g i e , 1®, p. 272.
® On se sert ici du terme n o t i o n pour désigner spécialement le
concept-signifié, qui est, on le sait, en principe différent du concept
psychologique pur (cf. p. 27).
Principes de grammaire générale. 211
Chapitre IV.
Le système grammatical.
I. Hypothèse fondamentale.
50. Afin de pouvoir travailler indépendam m ent de toute
tradition sur des bases purem ent empiriques, la science
gram m aticale doit être fondée sur une h y p o t h è s e d o u b l e
concernant l’établissem ent des systèmes de catégories. Il va
de soi que cette hypothèse, aussi bien que l’autre que nous
venons de poser, celle du contenu significatif des catégories
formelles, ne peut être vérifiée que par les recherches elles-
mêmes. Voici l’hypothèse double dont il s’agit:
* p. 226.
Principes de grammaire générale. 217
également*.
En effet, il ne serait pas impossible de l’adopter. Ce
terme est, depuis les tem ps de von Hum boldt, l’expression
consacrée pour désigner les systèmes concrets. Si nous ne
l’adoptons pas, c’est qu’il prête (et a, en effet, prêté) à
une série de m alentendus que nous allons mettre en lumière.
On verra par là même combien sont nom breuses les préci
sions, apportées à cette théorie ancienne, par les travaux
de G. V. d. Gabelentz, de F. de Saussure et de H. G. Wiwel.
L’ancien term e de » f o r m e i n t é r i e u r e « ® comporte,
selon nous, les inconvénients suivants:
1°. L ’expression » i n t é r i e u r « n ’esf pas très précise.
Nous l’avons employée nous-même, mais dans un sens
* V â r t s p r â k , vol. V, p. 26 sv.
* Voir plus haut, p. 123.
* Voir plus haut, p. 99 sv.
Principes de grammaire générale. 223
* C o u r s, p. 121 SV.
* P r o g r a m m e et m é t h o d e s , p. 108.
®o p. c i t., p. 172.
* Cf. plus haut, p. 56.
^ A b r i s s , p. 428 sv.
Principes de grammaire générale. 229
^ Cf. S t e in t h a l , a b r is s , p. 452.
236 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
* SÉCHEHAYE, ¡ b i d . , p. 53.
* SÉCHEHAYE, O p. C it., p. 129.
® Cf. S a p ir , L a n g u a g e , p. 235. J. N. M a d v ig , Kl. p hil. Schr.,
p. 52—54 (1842).
* V endryes , Le la n g a g e , p. 162 sv. D elacroix , Le la n g a g e ,
p. 379, 382.
® Voir plus loin, p. 300 sv.
® W. WuNDT, Die S p r a c h e , vol. 1, p. 388 sv. J e s p e r s e n , L a n g u a g e ,
p. 282. G. V. d. G a b e l e n t z , Die Sprw., p. 299, 301. D e l a c r o ix , Le
la n g a g e , p. 178.
Principes de grammaire générale. 241
‘ Zu N o r e e n s A b h a n d l u n g ü b e r S p r a c h r i c h t i g k e i t , sur
tout p. 236 SV.
^ Om s p r â k r i k t i g h e t , réimprimé dans les S p r id d a s t u d i e r ,
vol. I, p. 143—212, traduit en allemand par J ohannson sous le titre
V idensk. Selsk. H lst.-filo l. M edd. XVI, l. 16
242 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
^ Cf. D e l b r ü c k , E i n l e i t u n g , p.
144 sv., et plus haut, p. 68 sv.
* M e i l l e t , Ling. h ist , e t lin g ,
gen., p. 191.
® P h i l o s o p h y of G r am m ar, p. 7.
16*
244 Nr. 1. Louis H j e l m s l e v :
gram m atical peut être saisi sur le vif^. C’est principalem ent
sur l’étude de cette sorte d ’états que la théorie de la syn
chronie générale doit être fondée.
Qu’on n’aille pas dire que le nom bre d’états vraim ent
utilisables est ainsi singulièrement réduit. Le nom bre en
est assez grand pour adm ettre des conclusions d’ordre pan-
chronique. Les états actuels présentent, en réalité, un nom
bre illimité, une variété infinie. Rappelons, à ce propos,
que les états de langue se constituent non seulem ent selon
l’époque et selon le lieu, m ais aussi selon le milieu. Selon
le lieu, c’est déjà beaucoup: l’état change d’un village à
l’autre. Selon le milieu, c’est plus encore: les milieux
peuvent être extrêm em ent restreints.
Parm i les états actuels, nous allons opérer encore une
subdivision d’après la mesure dans laquelle ils sont utili
sables.
a. Tous les patois de n ’im porte quelle langue actuelle
m ent parlée sont fort utilisables. Ils représentent tous des
normes rigoureusem ent fixées. Ce qui rend quelquefois
l’étude plus difficile, c’est que la norme de la langue
officielle, différente de celle du patois, s’impose souvent aux
sujets parlants, et la correction gram m aticale peut ainsi
occasionner des déviations assez grandes de la norme
propre au patois et provoquer une sorte d’état mixte dont
il convient de se défier.
b. L’étude est plus facile là où une langue officielle
s’est fixée. Sous cette condition, la correction grammaticale,
dans le sens où nous prenons ce terme, provoque souvent
une stabilité particulièrem ent nette qui rend le système
^ Cf. H. P aul , P r i n z i p i e n , p. 3 0 ; » F ern er ist m a n n a tü r lic h viel
besser daran, wo man Beobachtungen am lebenden Individuum anstellen
kann, als wo man an die zufälligen Reste der Vergangenheit angewiesen
is t « . Cf. S c h u c h a r d t , B r e v i e r , p. 2 3 7 s v ., 2 6 7 s v .
Principes de grammaire générale.- 245
sive, des temps, des cas dans les langues les plus diverses,
par exemple en anglais et en polynésien; il en conclut que
les principes »syntaxiques« sont psychiques et par con
séquent universels. M. J e s p e r s e n ® y objecte que l’emploi
que font les diverses langues de ces catégories est
cependant loin d ’être identique; c’est vrai, mais ce sont
des différences de détail. Il reste vrai que des catégories,
essentiellement identiques, se font jour — sous certaines
conditions qu’il convient de déterm iner — en tout tem ps
et en tout lieu. Nous sommes d ’accord avec le P. J. van
G i n n e k e n lorsqu’il dit que »des résultats constam m ent
pareils font supposer aussi des causes toujours pareilles«.
Le P, van Ginneken insiste avec pleine raison sur la cons
tance frappante avec laquelle les parties du discours se
retrouvent dans les dom aines linguistiques les plus divers
et les plus éloignés ^ Cela donne en effet à réfléchir.
Comme M. S é c h e h a y e vient de le faire rem arquer, il y a
des institutions gram m aticales qui semblent survivre à tous
les événements diachroniques: quel que soit le changem ent
opéré sur le système gram m atical, ce sont toujours à peu
près les mêmes catégories qui sont exprimées par des
moyens divers^.
Il faut attacher beaucoup d’im portance à l’attitude que
prend M. B oas en face de ce phénomène. Le grand expert
ès langues am éricaines souligne avec force que, malgré les
différences en partie profondes entre ces langues et celles
d ’Europe, par exemple, il y a des concordances non m oins
frappantes. Il insiste surtout sur le fait que le chinook
^ S t u d i e s in E n g l i s h S y n t a x , p. 10.
® P h il, o f Gr., p. 48.
■
’ P r i n c i p e s , p. 66 sv.
* S t r u c t u r e l o g i q u e , p. 142. Cf. M ar ty , U n te r s., p. 87—91.
Principes de grammaire générale. 253
^ Cf. H o c a r t , T he P s y c h o lo g ic a l I n t e r p r é t a t io n , p. 267.
D e l a c r o ix , Le la n g a g e , p. 235—238. M. B oas , loc. cit., fait valoir que
Principes de grammaire générale. 265
la faculté de rendre des idées abstraites n’est pas moins grande dans
les langues »primitives« que dans les nôtres.
266 N r. 1. L o u i s H j e l m s l e v :
® A n t in o m ie s l i n g u is t iq u e s , p. 5 sv.
268 Nr. 1. L o u is H j e l m s u e v :
^ p. 104.
® SÉCHEHAYE, P ro g ra m m e et m é t h o d e s , p. 107.
Principes de grammaire générale. 269
^ H a n d b o o k , vol. I, p. 24 et p. 27.
* Cf. M a d v ig , Kl. p h il. Schr., p. 8 (1835) et p. 113 sv. (1856).
* B o a s , H a n d b o o k , vol. 1, p. 25—26. M ind of p r im it iv e m an,
p . 145 SV.
* B o a s, H a n d b o o k , p. 66. M ind o f p r im it iv e m an , p. 152.
L é v y - B r u h l , L es f o n c t io n s m e n t a le s , p. 204 sv.
® Voir son ouvrage Les id é e s la t e n t e s du la n g a g e.
® 11 dit, avec raison, op. cit., p. 30 sv. : »Mais si la grammaire géné
rale avait tort d’appliquer un patron fait d’avance à des idiomes d’or
ganisation très-différente, et si l’on se trompait en attribuant à l’intelli-
Vidensk. Selsk. Hist.-Rlol. Medd. XVI, I. Jg
274 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
* p. 104— 105.
® L i n g . h i s t . e t l i n g . g é n . , p. 49.
* L e l a n g a g e , p. 187. Cf. a u s s i F. d e S a u s s u r e , C o u r s , p. 138.
Principes de grammaire générale. 287
^ Le la n g a g e , p. 249.
® p. 85 SV.
288 Nr. 1. Lours H j e l m s l e v :
etc.
etc.
^ P r i n c i p e s , p. iv.
® Un exposé particulièrement profond du problème de la classifica
tion des (états de) langues est donné par M. S a pir , L a n g u a g e , p. 127
—156.
* Les f on ct io ns m e n t a l e s , p. 151.
Principes de grammaire générale. 291
Chapitre V.
1°. N o u s a p p e l o n s a d j e c t i f u n s é m a n t è m e a y a n t
d ’o r d i n a i r e f o n c t i o n de t e r m e s e c o n d a i r e , et q u i
e s t s u s c e p t i b l e d e m o r p h è m e s de c a s d a n s l es
é t a t s c o n c r e t s o ù il e x i s t e de s c a t é g o r i e s de cas.
2“. N o u s a p p e l o n s v e r b e u n s é m a n t è m e a y a n t d ’o r
d i n a i r e f o n c t i o n de t e r m e s e c o n d a i r e , et q u i
n ’e s t p a s s u s c e p t i b l e de m o r p h è m e s de c a s d a n s
l es é t a t s c o n c r e t s o ù il e x i s t e d e s c a t é g o r i e s
de c a s.
* o p . cit., p . 12 SV . et 157.
* S y n s p u n k t e r fo r d a n s k s p r o g l æ r e , p. 150.
* K u rze v e r g l e i c h e n d e G r a m m a t ik , p. 480. G r i e c h i s c h e
G r a m m a t ik , p. 301.
* Cf. K u r z e vgl. Gramm., p. 2, et la remarque de Me il l e t , Lin g.
hist. et lin g. gén., p. 10.
310 Nr. 1. Louis H je l m sl e v :
‘ V o ir s u r to u t C a r o l in a M ic h a e l is d e V a s c o n c e l l o s , D e r »por
tugiesische« Infinitiv.
* Les l a n g u e s du m o n d e , p. 257.
Principes de grammaire générale. 311
^ J. N. M a d v ig , L a t i n s k S p r o g l æ r e , p. 33.
* Cf. B rügm ann , K u rze v e r g l e i c h e n d e G r a m m a t ik , p. 410.
G r i e c h i s c h e G r a m m a t ik , p. 286.
® Cf. B rugm ann , Kurze v e r g l e i c h e n d e G r a m m a t ik , p. 612.
316 Nr. 1. L o u is H j e l m s l e v :
' Voir V. E r c k e r t -, D ie S p r a c h e n d es k a u k a s is c h e n S ta m
m es, vol. II, p. 124 et 128 sv.
® Voir plus haut, p. 64.
* G. L acom be dans L es L a n g u es du m o n d e, p. 324.
* De con j., 501, 23; De s^’ntax., 176, 5, etc. Cf. aussi D io m è d e ,
p. 323 P: V erb u m e s t p a rs o r a t io n is p r a e c ip u a , s in e ca su .
Principes de grammaire générale. 321
^ Om P r o n o m e n e r n e , p. 47.
* Voir, par exemple, P e t e r s o n , PyccK afi nsbiK, p. 39.
* Aussi àuKüvvfxoy, àvxwvofxaaia, naçovofxaaia, iaœyv/nia. Voir S t e i n
THAL, G es ch. d. Sprw ., p. 573. — On fait abstraction ici du fait qu’une
partie des pronoms de la grammaire actuelle étaient casés par les gram
mairiens grecs dans les catégories de l’ôVopot et de l’dîpÿ^po»'.
* D e n y s T h r a x , § 21.
328 N r. 1. L o u is H j e l m s l e v :
l’objet qui les porte), m ais ils l’indiquent sans décrire ses
qualités, c’est-à-dire, d ’une m anière abstraite. Déjà T y r a n
N io définissait le pronom comme araieCioaiç, c’est-à-dire
comme un m ot qui ne signifie pas les objets, m ais qui ne
fait que les indiquer, les m ontrer. Pour A p o l l o n iu s D y s -
COLE également, la nature de VàvTmvvfiCa était et
àvatpoqâ, ce qui veut dire une indication. La nature ab s
traite du pronom a été vue également par les gram m ai
riens indous, qui désignaient le pronom par le terme
sarvanâman- ‘nom de tout, nom qui sert à désigner tout’,
term e qui a été inventé plus tard, et indépendam m ent
d’eux, par le gram m airien danois J. K inch {alord).
Même notre définition formelle a été donnée en partie
par les gram m airiens de l’antiquité. A p o l l o n iu s D ysco le
voyait bien que le pronom a, la plupart du temps, la
même valeur gram m aticale q u ’un substantif ou qu ’un ad
jectif m unis de l’article »défini« \ Et il voyait également
que le pronom secondaire régit quelquefois son terme pri
m aire en lui im posant l’article défini; il dit ainsi que le
pronom diffère du substantif par le fait qu’il ôqCZei^, c’est-
à-dire délimite, concrétise.
Il serait intéressant d’exam iner ensuite les autres carac
tères formels du pronom , les rapports du pronom à l’égard
des catégories de genre, de cas, de personne, et ainsi de
suite, en vue de rechercher si ces caractères du pronom
peuvent être mis en rapport également avec sa nature
abstraite. Mais nous n ’entam ons pas cette étude ici. Elle
nous entraînerait beaucoup trop loin. Il serait nécessaire
d ’exam iner d’abord la nature et la signification de chacune
de ces catégories de m orphèmes.
^ De synt., III, 3.
®De synt., p. 101, 11.
Principes de grammaire générale. 339
BIBLIOGRAPHIE
ABREVIATIONS
C h a p i t r e p r e m i e r: D é l i m i t a t i o n de la g r a m m a i r e ............ 7
I. Grammaire scientifique................................................................... 7
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Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab
Historisk-filosoiiske Meddelelser
(Hist. Filos. Medd. Dan. Vid. Selsk.)
Bind 38 (kr.
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Printed in Denmark.
Bianco Limos Bogtrykkeri A/S.
Id: 539
Forfatter: Hjelmslev, Louis
Titel: Principes de grammaire générale.
År: 1928
ISBN:
Serietitel: Historisk Filosofiske/filologiske Meddelelser
Serienr: H 16:1
SerienrFork: H
Sprogkode: