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Abstract
The classical criterion for decision making under risk, maximizing expected utility, has been generalized to improve its
descriptive power. This generalization allows the deci-sion maker to distort the probabilities. This paper proposes a
representative diagram of the decision process and an expérimental study to estimate the distortion function.
Résumé
Le critère classique de décision individuelle en univers risqué, l'espérance d'utilité, a été généralisé en réponse aux « paradoxes
» expérimentaux. Cette généralisation équivaut à permettre aux agents de « déformer » les probabilités. On montre que la
décision d'un agent fidèle au critère généralisé peut être repré-sentée à l'aide d'un diagramme apte à illustrer des applications
économiques. En outre, une estimation de la fonction de déformation des probabilités est menée auprès d'un échantillon
d'agents.
Gayant Jean-Pascal. Généralisation de l'espérance d'utilité en univers risqué : représentation et estimation. . In: Revue
économique, volume 46, n°4, 1995. pp. 1047-1061;
doi : https://doi.org/10.3406/reco.1995.409721
https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1995_num_46_4_409721
en univers risqué
Représentation et estimation
Jean-Pascal Gayant
* Université d'Evry Val d'Essonne, boulevard des Coquibus, 91025 Evry Cedex, et
Centre d'économie mathématique et d'économétrie, Unité associée au CNRS D0924,
Université Paris 1, 12 place du Panthéon, 75231 Paris Cedex 05.
Une première version de cet article a été présentée à la 6e International Conference
for the Foundations of Utility, Risk and Decision Theory (FUR VI), Paris, 15-18 juin
1992. Cette version a été présentée au XLET congrès de l' AFSE, Paris, 29 et 30
septembre 1994.
Je tiens à remercier Michèle Cohen ainsi que deux rapporteurs anonymes pour leurs
précieux commentaires. Toute erreur ou inexactitude subsistant est de mon entière
responsabilité.
l.Le risque est le cas particulier de l'incertitude où les probabilités objectives sont
connues.
2. Ce modèle reprend certaines idées de Kahneman et Tversky [1979]. Ces auteurs
ont, depuis, étendu le modèle dans Tversky et Kahneman [1992] ; il a été axiomatisé par
Wakker et Tversky [1993].
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FORMALISATION DU RISQUE
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Jean-Pascal Gayant
LE MODÈLE RDEU
V(L) = [«(*!> -
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Revue économique
En conséquence, l'agent raisonne non sur les probabilités simples mais sur les
probabilités cumulées. Autrement dit, il se base sur la fonction décumulative GL
(où GL (x) = Proba {XL ^ x}, XL étant une variable aléatoire ayant pour
distribution de probabilités L). Nous utiliserons explicitement cette fonction pour
bâtir notre diagramme.
Le décideur est sûr d'atteindre le niveau d'utilité u{x{) ; puis, il peut espérer
atteindre des niveaux d'utilité supérieurs, successivement ufa), ..., u(xn). À
chaque stade, c'est le supplément d'utilité [u(x2) - u(x{)],..., [u(xn) - u(xn _ 1) ]
qui est pris en compte.
- L'agent déforme les probabilités cumulées associées à ces suppléments
d'utilité. Cette déformation est mesurée par/. L'estimation de /est malaisée.
Quiggin [1982] suggère que les résultats extrêmes sont « sur-pondérés » dans
l'esprit des agents, tandis que les résultats intermédiaires sont « sous-
pondérés ». Une fonction de déformation caractérisée par/(p) >p pour les
petites valeurs de p etflp) < p pour les grandes valeurs de p est conforme à cette
intuition.
Figure 1 .
f(p) u(x)
r
M
i= 1
1050
Jean-Pascal Gayant
Donnons une illustration dans le cas d'une loterie comportant trois résultats :
L = (xhpl ; x2, p2 ; x3, p3) :
Figure 2.
0 *i x2 x3
H| Espérance mathématique de la loterie L
Figure 3.
1051
Revue économique
V(A') < V(B') <=> 0,25m (3000) < 0,2« (4000) « Uu (4UUU)
^^ < J\
Par contre, le modèle avec déformation des probabilités autorise une telle
paire de choix. Écrivons la fonction V dans cette nouvelle optique :
V(A) = «(3000), V(B) =/(0,8) «(4000),
V(A') =^0,25) «(3000) et V(B') =i(0,2) «(4000).
Ainsi
Rien
r,- ne s > oppose av ce que/(0,8)
„no, < u ;(3000); < J/(0,2)
\ ' . Les
T paramètres w,
« (4000) / (U,25)
/, d'un agent possédant une fonction de déformation de type Quiggin sont
susceptibles de vérifier une telle inégalité. Illustrons cela par la figure 4.
La plupart du temps, les fonctions de déformation telles queßp) <p au
voisinage du point 1 , conduisent à un résultat semblable.
1052
Jean-Pascal Gayanî
Figure 4.
B1
0V|A)
H V(B) V(A) > V(B) V(A') < V(B')
ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
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Revue économique
Processus expérimental
La difficulté majeure réside dans la distinction entre la fonction d'utilité et la
fonction de déformation à l'intérieur du processus d'estimation. Quelle que soit
la méthode choisie (révélation de l'équivalent certain, de l'équivalent en
probabilité ou de l'équivalent en loterie), la dissociation des deux effets est difficile
puisque ceux-ci interagissent simultanément sans que l'on puisse isoler l'un ou
l'autre ; la connaissance d'un point de la fonction de déformation dans
l'intervalle ouvert ]0 ; 1[ est une information susceptible de permettre cette
dissociation. Notre première tâche est donc d'évaluer un tel point. L'évaluation que
nous allons proposer sera valide pour les seuls agents possédant une fonction
d'utilité linéaire. La linéarité de u, qui nous ramène au critère de Yaari [1987],
sera testée a posteriori.
Estimation de/(l/2) : la question suivante a été posée à chaque membre d'un
groupe de 59 étudiants :
« Vous venez de gagner un lot à un concours. Des acheteurs potentiels sont
susceptibles de vous racheter ce lot. Dites, pour chacun des trois cas suivants,
quel est le prix minimal à partir duquel vous êtes prêts à vendre votre lot. »
- Lot A : un séjour à Venise avec voyage en avion.
- Lot B : un séjour à Venise avec voyage en train.
J voyage en avion, avec une chance sur deux
- Lot C : un séjour à Venise i
{ voyage en train, avec une chance sur deux
Les réponses à ces trois questions sont respectivement notées R^, Rß et Rç.
Le lot C est une loterie dont Rç. est l'équivalent certain. Nous supposons que le
voyage en avion est une occurrence strictement préférée à celle du voyage en
train. Donc, conformément au modèle RDEU :
V(C) = ii(Rb) +/(l/2) [«(RA) -u(RB)]
V(C)-u(RB)
»/(1/2) =
H(RA)-K(RB)
Pour les agents possédant une fonction d'utilité linéaire, et puisque
V(C) = w(Rc), on a :
KA~KB
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Jean-Pascal Gayant
Protocole
Les questionnaires furent proposés à un groupe de 59 étudiants, au rythme de
deux questions par semaine (l'une appartenant à la « séquence L,- », l'autre à la
« séquence Lp »). Sur les 59, 54 ont répondu à la série complète de questions.
Parmi les 54, seules celles pour lesquelles Réponse A > Réponse C > Réponse B
permettent a priori l'estimation de/. Détaillons d'abord celles pour lesquelles
ce n'est pas le cas :
- cinq sujets attribuent au lot B un montant supérieur à celui du lot A. Ceux-
ci préfèrent le voyage en train au voyage en avion ;
- neuf sujets attribuent le même montant aux lots A, B et C. Il n'est pas
possible de distinguer si ces réponses sont motivées par le dégoût de l'avion, du
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Revue économique
Résultats
L'estimation de fi 1/2) n'est donc valide que pour 20 des 39 sujets. La
fonction de distribution des valeurs calculées de filll), pour ces 20 sujets, a les
caractéristiques suivantes :
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CONCLUSION
L'objet de cet article est de montrer que le modèle RDEU est une
généralisation opérationnelle du modèle d'espérance d'utilité.
0 Le diagramme proposé illustre de manière relativement simple le modèle.
Il est susceptible de fournir un support visuel à des applications économiques de
décision en univers risqué, et cela pour tous types de sujets.
m) D'un point de vue expérimental, il apparaît que la grande majorité des
sujets possédant une utilité marginale constante déforme les probabilités, et
selon des modalités fort diverses. Il ne fait guère de doute que des agents
possédant une fonction d'utilité concave soit eux aussi susceptibles de déformer les
probabilités. Il serait donc intéressant de pouvoir estimer simultanément les
deux fonctions. Dans ce but, une méthode d'estimation, prometteuse mais
complexe, a été mise au point de manière récente par Wakker et Deneffe [1993]. Par
ailleurs, la nécessaire distinction entre l'attitude vis-à-vis du risque et le sens de
variation de l'utilité marginale justifie les travaux, par exemple Cohen [1994],
cherchant à établir des caractérisations plus fines de la notion d'aversion au
risque.
Octobre 1994
Revue économique
ANNEXE
f(p)
0.5 0.5
0.5 -»P
f(P)
0.5 0.5
—»p
1 0
quatre agents parmi vingt deux agents parmi vingt
lût
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0.5
un agent parmi vingt un agent parmi vingt
f(p)
/
0.5 0.5 /
—
s ^
/
/
/ ^-' y
.
0.5 0.5
un agent parmi vingt un agent parmi vingt
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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