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SENTIERS SAUVAGES DANS LE LARZAC Fs TERRE SAUVAGE ea ae. ca ng FORET DE COLOMBIE- BIALOWIEZA aU els LUNA AU) aS MAGIQUE aa COTE OUEST PuBLI COM nique A dheval entre Céte-d'Or et Haute-Marne, le Parc national de foréts eS ee eet le ee Greece ot cutaker ene ene a Vinstar des dix autres pares nnationaux frangais, la voca tion du Pare national de foréts repose sur In pro tection et la valorisation de la nature, des paysages et des patr moines culturels, Sur ce vaste terrtoire de2 180 lomitres carés (dont 566 en zone réglementée) sépanouissent une vegeta tion etune fauneremarquablestémoignant de la qualité de vie et de la quiétude qui regnentici, Leseul parenational sis la moitié nord de a France, & proximité de Paris, est dédié& la protection des foréts feuillues de plaine, Hétres et chénes se disputent la vedette mais s'imposent éga lement, ileus, chatmes, érables, fees, alisiers et quelques résincux, portant le nombre dessences jusqu’a 15 8 "hectare, contre 5 en moyenne en France. La faune elle, se compose d'un beau cheptel de certs, chevreulssanglirs blaireaux, chats fores tiers, chiropkéres et autres petits animaux souvent tré disrets, sans oublier a rareet farouche cigogne noire, objet d'un impor- ‘ant programmede suivi et de conservation. INFORMATIONS Pare national de forts +20, rus Anatola Gabeur «52210 Arc-en-erois Tél 03 26 316235» contact@forets-parcnationalf« Www.forets~parcnational.fr MONUMENT DE NATURE ET TERRE D'EXPERIENCES Les chercheurs comme le grand public ‘rouvent au Pare national de forétsmatire A études scientifiques et émerveillement. Sur ses vastes espaces habités oi les act vités économiques de agriculture, des flies lu botset dela pierre de Bourgogne, ete écotourisme sont praigueées,on peut n famille pour profter des ppaysogeset du patrimoine Pros de 1000 km de sentiers de randonnée, 10 itinéraires de pratique équestre, le cyclotourisme, Tobservationde a lore et deta faunefres- tigres séduizont petits et grands, Le tout sous un cel étoilé, loin dela pollution, at grand air! Du printemps & fautomne, le Pare natio nal deforéts propose une variété de sorties encadrées et gratuites pour partager la pas sion et les connaissances du monde de la {orét. Balades interactives, sorties décou: vertes,randonnées échappées nocturmes. SurveillezFagenda sur forets-parcnationalf ctrepérez ls expériences qui vous inspirent OLIVIER THEVENET Redacteuren chef Sans terre, sans eau, sans arbres, sans JSleurs, sans insectes, Tagriculture nexiste pas. JE FAIS UN REVE lanevousa bien évidemment pas échappé, le début de Tannée 2024 até marqué en France par les bar- rages et les revendications des agriculteurs. LCagriculture est au eceur de nos vies, méme si un grand nombre dentre nous ne sen apercoit que de temps en temps:lors de vacances «a la campagne» ou pendantlesalon de Agriculture Paris. Rendez~ ‘vousincontournable d'une agriculture quand méme un peu fantasmée, parfois loin de la réalité des champs. Débattre sur Tagriculture en France, c'est un peu comme parler de lacomposition de equipe nationale de football la velle d'un match. Tout le monde a son avis. Notre imaginaire collectif est encore trés li au monde rural et paysan. Un imaginaire bien bousculé ces derniéres semaines, oi Ton a enfin? ~ compris que a réalité est plus compliquée que ce que nous pensionsou faisionssembler de penser. agriculture souffre,lesagricul teurs souffrent. LELIENENTREUAGRICULTUREETLA NATURE est fort, vital méme. ‘Nousle savons. Sans terre, sans eau, sansarbres,sansfleurs,sansinsectes, agriculture, celle des paysans, n'existe pas. Quelle soit durable, bio ou paysanne, Tagriculturea un coat. Et malheureusement nous ne sommes pas toujours préts a assumer individuellement, collectivement. Nous voulons bien manger certes, mais surtout pas cher! Avaler du poulet en formant les yeux sur sa provenance et ses conditions d'élevage. Faire Vimpasse sur les fraises en hiver peut-étre, mais pourquoi se priver de tomates? Comme souvent, nous attendons quel'Etat ouméme «l'Europe» fassent les choix pour nous, simples consommateurs. Bt certains choix ont été faits. Finiles «contraintes» environnementales, au placardle plan Ecophyto, au pas les agents de 'Office frangais de la biodiversité qui passent sous lautorité des préfets... Lagriculture va mal, alors mettons de cété nos engagements écologiques, c'est tellement plus simple. Mais cerrest pasen opposant la nature agriculture que nous répondrons au mal-étre des paysans. La nature doit elle aussi faire entendre ses souf- frances. Jefaisle réve de voir les renards, les cerfs, les sangliers, lesloups, lesoiseaux, les abeilles, leslibellules, les grenouilles se mobiliser et venir bloquer nos routes et nos autoroutes, nos trainset nos avions, et pourquoi pas méme envisager le siége de Paris! Et la aussi, nous ne pourrions pas répondre é leur souffrance en envoyant des CRS... = Coup de eur, coup de grffe®Dites nousce que vous pense de Terre Sauvage! ferive= nous fcourrieratere-eaunage.com ou rgjojgner-nous sur Facebook et instagram. Retrouvez Terre Sauvage sur 2 Terre Sauvage 3, ads PUNT Pin PORTRAIT y - iy ao a PW felt 4 Terre Sauvage LE MONDE EN IMAGES ECHOS DE LA NATURE Cap sur Farchipel le plus isolé du monde. fait la fiertédes Marquisiensqui, fidéles leurs traditions, préserventla natureetleur culture, "ARCHIPEL DES AUSTRALES Constitué de sept les, dont cing sont habitées, ce lieu magique, composé de falaisesabruptes et dune végétation luxuriante. promet de fantastiques découvertes Is soutiennent Terre Sauvage: PORTRAIT Rencontre avec le réalisateur belge de Vémission «Rendez-vous en terre nconnue» et de nombreux documentaires. Un homme épris humanité et passionné de nature. ARRET SUR IMAGES Le photographe Alain Fournier a été témoin d'une seéne de prédation entre tune hyéne et un topidansla réserve du Masai Mara. Terrible RENCONTRE Dansle Haut-Diois vit un naturaliste pas comme les autres : Fernand Deroussen nregistre es sons de la nature. II nous embarque pour un tour horizon deson rmétier, plus qu'un métier, une passion. CIES SUD PRED areca WARS EY PORTFOLIO Bn Pologne se déploie ladernire forét primaire d'Europe. Regard dela photographe Jessica Buezek qui en est littéralement tombéeamoureuse AVENTURE Depuis15 ans, le naturaliste Florent Nicolas parcourt, avec passion, la forét pluviale du Grand Ours, surle territoire autochtone des Gitga'at. SENTIERS SAUVAGES Un voyage des sens et de esprit od, aprés avoir découvert une flore merveilleuse, on pénétre dans les entrailles dela Terre. CARNET DE SAISON Terre Sauvage 5 LE MONDE EN IMAGES ATTAQUE ‘comme le montre cette photo. snhaut d'un chéne, legeai a vu le pie sur une branche plus bas. Aussitét il est descendu pour Vattaquer. Combatif, le pie a fait face maisilafini par quitterla place Ni Mi \ | MONDE EN IMAGES ff 2 t rae LE MONDE EN IMAGES ies termitieres. dattente en forét,[ sir un indi Poked Sa PAR CATHERINE PERRIN, Chaque mois, Terre Sauvage vous fait découurir lune espéce dussi extraordinaire que méconnwe. Cet étrange gastéropode vivant prés de sources hydrothermales revét une armure enrichie en fer. harysomatlon squamiferum n'a pas choisi le lieu de vie le plus accueillant: des sources hydrothermales situées & prés de 3000 métres sous la surface de Focéan, Indien, rejetant des fumées acides a une température de 350°C, dans le noir le plus total. Pour évoluer dans cet environnement des plus hos- tiles, cet escargot marin de quelques centimétres a déve- Joppé desadaptationshorsducommun, Sonsystéme diges- tifsemble atrophié: le mollusque préfére en effet tirer son énergie ailleurs, grace une veritable ferme délevage située Aintérieur de son corps. Dans une vaste poche interne spécialement dédiee, il abrite des bactéries transformant energie chimique des éléments erachés par les sources hydrothermales, Lescargot dispose en outred'unsystéme cardiovasculaire les plus développes (son cceur est propor- tionnellement prés de quatre fois plus gros que le nétre), probablement pour apporter un maximum doxygénedses précieuses bactéries. Mais ce rest pas la seule étrangeté de animal, qui posséde également une coquille peu ordi- naire, Celle-ci est composéede trois couches. La premiére, typique de nimporte quel gastéropode, est constituée de carbonate de caleium. Elleest recouverte par une seconde couche organique isolante. La troisiéme couche, externe, est faite de sulfure de fer. Le pied est couvert d'une véri- tablearmure constituéede centainesd'éeailles,ellesaussi rrenforcées par le composé ferreux, sans que on connaisse encore la fonction exacte de cet exosquelette de fer. YANN CHAVANCE 12 Terre Sauvage ACTIVITES HUMAINES VERSUS CLIMAT Des chercheurs du CNRS ont quantifié les réles de ces deux facteurs sur lérosion des sols dans les Alpes. “Erosion dessolsest, ‘unegrande menace tant pour la bio: diversité que pour les capacités de production alimentaire et le stoc: kage de gaz earbonique. On sait que cette dégra- dation résulte de Faction conjuguée du climat et des activités humains, ‘mais quantifier les réles respectifs de ces deux facteurs restaitjusqu’a présent trés compliqué. Des chercheurs ‘du CNRS ont réussi exploit. Ils ont prélevé des sédiments par carottages au fond du lac du Bourget, dont le bassin versant est le plus grand des Alpes francaises, puis les ont analysés par des techniques de géochimie isotopique. Il Savére que les effets des activités humaines, en particulier agriculture etle pastoralisme, sur lérosion des sols sont largement supérieurs & ceux du climat, et ce depuis plus de 3800 ans, transformant durablement le fonc- tionnement delenvironnement alpin, -Envoyer-nous vos photos! Via Facebook, Instagram. et par e-mail Un jeune cormoran pygmée, photographié @ 22 heures par Jean-Jacques Julen, se repose en bord demer, d marge haute, $urla plage de Gouville-sur-Mer, dans la Manch CONSERVATION ALERTE SUR LES MIGRATEURS Unrapport des Nations unies révéle que les espéces animales migratrices subissent un déclin alarmant. semen Jhaque année, des milliards animaux effec- fattpaceces tuent des migrations, traversant les fron- sess tiéres entre les pays et les continents, par- ‘nenaceer ‘courant parfois des milliers de kilometres pour se nourrir et se reproduire. Afin de protéger les espéces les plus menacées, la Convention surlaconservation desespéces migratrices appartenant Ala faune sauvage (CMS) a été créée en 1979 et signée par 133 pays. Du2aur7févrer, la14° session dela Conférence des parties cette Convention sest enue & Samarande (Ouzbékistan). A cette occasion, le tout premier rapport surleursituationdansle monde a été publié. Il porte prin- cipalement sur 1189 espéces animales reconnues parles parties la CMS comme nécessitant une protection inter- nationale. II révéle que si certaines voient leur état de conservation s‘améliorer, 44 % dentre elles présentent ‘un déelin de leur population et 22% sont menacées dex- tinction dont presque la totalitédes poissonsinseritssur les listes de la CMS, tels que les requins, les raies et les esturgeons migrateurs. Au cours des trente derniéres années, 70 espéces, dont laigle des steppes, le perenop- tére d’Egypte et le chameau de Bactriane, sont encore plus menacées. En revanche, état de conservation sest amélioré pour 14 dentre elles comme la baleine bleue, le pygargue i queue blanche etlapetitespatule, Ce rapport, ‘montre aussi que plusde la moitié des sites suivis, recon- ‘nus comme étant importants pour lesespécesmigratrices, subissent des niveaux non viables de pression humaine. Les principales menaces sont Ia surexploitation ainsi que ladégradation etla perte des habitats dues desactivités| tellesque agriculture et expansion desinfrastructures de transport et dénergie. ‘ems int/en/publieation state-worlds-migratory-species Unclassement réducteur Un comitéd'experts, constitué par la Fondation pour ta recherche ura biodiversté, ta LPO et /Aspas, arendu un rapport sur ta pertinence de laliste des ‘Espécessusceptibles doccasionner des dégats», fixée par arrété ministérel.juge ce classement réducteur et dénué de justification scientifique, et dénonce lemassacre annuel de zillions doiseaux et de ‘mammiféres sauvages. 64000 km de récifs coralliens ont été découverts par des scientifiques australiens ‘partir de tanalyse fine images satelitaires, réalisée dans le cadre du programme Allen Coral Atlas. Cela porte a Acquisition et partage Chere singe vervet, tes femelies estont toute leur vie dansleur groupe natal alors ue lesmateste quittent a leurmaturite sexuelle et interent un nouveau groupe. Une experimentation menée surle terrain par des scientifiques du CNRS montre que les males migrants peuvent generer de nowveltes habitudes alimentaires at esimporterdans le groupe quilsintégrent. surfacetotalecowere Floraison parlesrécifscoralliens © Précoce 4348000 km?, Ne Selon une étude réalisée Teprésentant que 0% pardes chercheurs desocéans, lshébergent espagnols les plantes entre 25 et 40 % des des régions espéces marines ‘méditerranéennes . fleurissent 22 jours plus Festival photo — tstenmoyenne que dans les années 1980, é cause Pour sa 2*édition, , iu chaneabrphees duréchauffement Festival climatique. Chez le val organise un : i Concourssurlesthémes Tomarin, la floraison a ‘méme avancé de 3 mois! La saison de floraison s'est aussi allongée chez suivants: paysages du monde, massif du Mont-Blanc, graphisme cette plante, comme (forme et matiére de tte plante, lanature, macro-proxi Pour 43 % des 51 espéces ef . végétales étudiées, photographie, vi animale, vie sous- marine, homme et ta nature. Une exposition des lauréats de chaque theme sera organisée. chamonixphotofesival.com PAR ETIENNE HURAULT Festin dépaulards a Chaque hiver en Norvege, unord ducercle polaire arctique, des harengs stamassent par millions dans lefiord de Kuaenangen, attirant une foule de grands prédateurs. Parmieux, les orques. Le photographe ‘Stephane Granzotto stest invite au festin et ne nous laisse pas en reste! itémane desescliches, aUinstar des baleines tueuses en chasse, tune force trancuille doublée dune imparable vivacité. on. est happé par 'instantané, bintensite du moment, Vimpitoyable froideur de Vanimalet des elements, Tempo naturel Les ehmes ive, Et Delaear, Neste 2024 2080, basoe’ Une biologiste i cettutaire nous invited lever le pied sur nos vies bien remplies et regarderle temps qui passe, ccoluiquirythme a uie des plantes et animaux. Quit prenne des millions d’années telle apparition du vol, des, centaines de illierstelle laformation fun atoll, des dizaines demiliersteliela domestication, des centaines tellelarégénération d'une forét, des dizaines tellela ‘decomposition dune baleine, oubien desmoistellela migration, des jours telle la gestation, des minutes telle la défécation, chaque phénomene est traité sur une double-page, trés graphique, regorgeant dinfos & picorer. Originalet addictif! 14 Terre Sauvage Deans poran \ MIGRATION me D'AMIS GRACIEUX ous sommes en 3042 Za température mnie a bondi de °C en deux décennes, les brasirs enilamment IBurope la Grande Fonte redesine les rivages du globe, les touristes s‘offrent des croisiéres: twtiques autour du Groenland. Un homme fte, quant $lusesooans per unvoyageestaordinalreLevayage desa vie. Cet ancien ambassadeur des péles suit un couple de steresaretiquesdanssamigrationannvelle depuisle Groenland jusqu'u pole ud. licopinesimplement vee See ily. et senvoleen leur compagnie!” ‘ON NAGEEN PLEIN DELIRE! Bt pourquoi pas? Aux grands maux, les grands remédes, suggére Tauteur du roman en expliquant que ses amis ailés «sont nés dans {sa]tete travers un double mouvement. De doute d'une part quant a la eapacité des hommes de vouloi, pou voir et savoir répondre ala destruction dela planéte, et 4e confiance d'autre part faite aux animaux pour nous ramener & Tessentiel», Cette itinérance de glace et de hhaute mer, cette recherche de lumiére et de krill, cette ‘quéte dedeux étés paran est done Ala fois un récitfutu- riste, documenté et critique, et une fable quimarque es esprits. Une ceuvre poétique, osée et éprise de libert ‘anthropomorphique, maisindispensable face urgence climatique Laisser vivre eure rouensient Spi wanopedon sor ns bern 200 20.78 psychologue - spécialiste de la parentalité —publie ici s‘ins- crit dans la lignée de sa réflexion surl'importance du lien entre santédelenfant,éveilculturel et éveillanature, La ‘Terreet lenfance souffriraient dailleursdesmémesmaux. Jamais moralisatrice, résolument optimiste, lauteure cultivece paralléleen nousinvitantneppasdéfendreaveu- sglémentla Terreetenfance, maisavivreavee, Abatirune ‘connaissance tirée des experiences vécues & leurs cdtés etnondes raisonnements, a développer notre sensibilité, ‘De quoi dessinerles contours d'une nouvelle sociét Echo des savanes REIT femmes ee ica Suameae Les 250 clichés dece beau livre dont plusieurs ont été primés auxconcours Wildlife Photographer of the Year dela BBC et aucomedy ‘wildlife Photography Awards) racontent lequotidien dela faune africaine a travers tell taguin de Brigitte et Jean- Jacques Alcalay-Marcon. Les heures durepas, dubain, delatoilette, dela sieste et des ébats offrent eur tot de scénes urprenantes, cocasses, toutesinsolites. Lecouple de photographes joue avectes perspectives saisies partabjectif sémerveillede attitude des, ‘animaux, ssamuse de leurs interactions, Nous aussi! Noctam- bubulles cme ene, sono Soe Pingeet tet tment rants, matunga ape Sanne lesen Saansutune acto cern dsc ‘Todenaratypetiee nutivenchroe tare verticale quotidienne. Le desert se fait abondance. Ambiance, = ai APRES AILEFROIDE ET LA DERNIERE REINE, poe DECOUVREZ LE NOUVEAU RECIT DE MONTAGNE DE JEAN-MARC ROCHETTE LE 20 MARS EN LIBRAIRIE Les tages Editions Au milieu de Vocéan Pacifique sépanouit la Polynésie -francaise. Parmiles cing archipels qui la composent, lesiles Marquises et Australes, mystérieuses et sauvages. BO AU CTE heli e aa eee eRe ea ae = lanature est chérie par les insulaires aus DL une tradition millénaire. Prey Pon oR Ota eS Fo ey. Cal “ ee | Peres ad ‘38 Q LES DU MONDE. 18 Terre Sauvage es critic . ant Larchipel le plus isolé du monde fart lafierté des Marquisiens qui perpétuent une tradition de préservation de la culture et de la nature. © 28 juillet 1595, alors que la fotte commandée parlenavi- gateur espagnol Alvaro de Mendatia de Neira fait voile danslesmersdu Sud, homme de vigie apergoit un chapelet dies hautes et mystérieuses. EncettefindeXVIsigele,mar- 4quée parlexpansion maritime etlesmissionsdévangéisation catholiques, 'explorateur nommecesilesLas Marquesas de Mendoza, en hommage a !épouse de son protec- teur, le vie'roi du Pérou. Il fait ériger trois croix, symboles de la domination de Féglise ehrétienne, avant de lever fanere en direction des ile Salomon, Déslors, cette découverte signee début de lacoloni- sation européenne uientraineradansson sillagele destin de farchipel des Marquises. ILY A PLUSIEURS MILLIONS D'ANNEES naissait dufeuetdes convulsions aquatiquest'archipelleplus {solé du monde. Composé d'une douzaine d'iles prin- cipales sans réeif corallien ni lagon, et de plusieurs hhauts-fonds,ilestsitué aumilieude Tocéan Pacifique 41500 km au norel-est de Tahiti, Les premiers habi- tants surnommerent ces fragments voleaniques Te Henua Enata (la Terre des hommes) pour signi fier la dimension divine de la eréation du monde et renforcer 'émedu peuple insulaire, Ces marinsdori- gineaustronésienne, sansinstrumentsde navigation pour se repérer dans limmensité, sélangaient a la conquéte de nouveaux territoires depuis les c6tes » Terre Sauvage 21 Bale de Motu Sur (ceconty efor: aviva srsgenaa. chit ertna He tps rane ‘okra atone rare Un dleveur ‘rhea + orientales de Asie. Leurs eonnaissances astrono- rmiques leur permettaient de déterminer les routes raritimesetestoileslesdirigeaient rapidement aux frontires du Pacifique. A bord de grandes pirogues 4 balancie, is affrontaient les assauts de Téeume, Jes vents, les tempétes. Les générations suecessives conserveront, de leurs pérégrinations océanes, la mémoire daventuriers audacieux et la résilience de guerriers valeureux. Quelques sicles plus tard, €n.1774, lors de son deuxiéme voyage exploration, Je capitaine James Cook eartographie avee une pré- cision étonnanteensemble desiles Marquises. Dans son journal de bord, il déeritlanature sauvage de ces terres lointaines et relate ses premiéres rencontres avec les indigenes. Lilustre marin est animé par la volonté detransmettred sescontemporains|a déter- ‘mination et la ferté un peuple rompu a préserver saculture, ses coutumeset sa diffrence. UN SOLEIL ROUGE ET OR ILLUMINE les pitons Dasaltiques dansla vallée @Aakapa, sur Tilede Nuku Hiva, la plus grande ile de Tarchipel. Au loin, le pay- sage souvre sur une succession de reliefs escarpés, de sommets dentelés et de c6tes rocheuses battues par les flots. Au début dujour, un chasseur solitaire arpente les foréts de pins en quéte de cochons sau vvages. Fusil en bandouliére et corde ala main, ilesea- lade une corniche rocheuse ol sabrite une chévre ‘marronne. I pose son doigtsurladétenteet s‘appréte A tiver, mais animal se déplace et lui éehappe. «Ce sera pour plus tard», soupire homme en ajustant Jasangle de arme sur son épaule. Aprés une ultime tentative couronnée de suceés et plusieurs heures de marehe, le chasseur est de retour au village. La viande est alors découpée finement puis saléeet mise Asécher. Elle sera ensuite rétieau feude boisdansdu Iaitdecoco et accompagnée du fruit dearbrea pain (uru) la couleur cendrée et au goit deboisfumé. Les Marquisiens perpétuent depuis es tempsanciensla transmission des gestes liés ala traque du gibier. Ils respectent et utilisent les ressources naturelles de leurs iles. Pour eux, Ia subsistance repose sur leur relation profonde et intime avec la nature. Amarée basse, les pécheursse retrouvent surla plage de sable blane de la baie d’Anaho pour partager le thon et les rires. Dans la vallée de Taipivai pousse une vanille puissante et subtile aux arémes fleuris et anisés. Sur les contrebas du plateau de Toovi, les ‘maraichers récoltent le eitron vert issu d'un petit, arbrerustique au feuillage persistant. Partoutsurles files on cultive le nono, plante originaire du Sud-Est asiatique dont les feuilles sont utilisées dans la pré- paration de boissons aux vertusmédicinales. Sila vie Geonomique de larchipel demeure tournée vers les activités traditionnelles (p@che, agriculture, artisa- nat), elle reste néanmoins dominée par exploitation du coprah. Les plantations de eocotiers oceupent deux tiers de lasurface agricolede Fensemble desiles, Alinstardes cocoteraies|uxuriantes quitapissent es hhauteurs de Hakatao sur I'le de Ua Pou. APLUSIEURS MILLES NAUTIQUES au sud du cap ‘Tikapo, Hiva Oa se dresse majestueuse au milieu des ‘mers. Les éerivains Herman Melville, Robert Louis Stevenson et Jack London ont sillonné les parages decetteile inondéedelumiere, Une terre ai leSoleil est encore source démerveillement. Surnommée le «jardin des Marquises»,en référence allégorique au paradis terrestre de la Genése, lle sépanouit dans une végétation débordante et sauvage. Elle abrite les trésors du patrimoine archéologique du peuple- ‘ment originel. Les tikis géants de Puamau, étranges silhouettes, témoignent du mode de vie des pre- Terre Sauvage 23 Lemont remetia, preted Poe oe baer precy a Bory Labale de Puamau, 26 Terre Sauvage + miers natifs. Ces statues aux formes humaines mbolisent un personage mythique mi-homme ‘mi-dieu qui effraie les mauvais esprits, guérit malades et apporte chance et prospérité au village. Les Marquisiens pronent un équilibre harmonieux entre le monde réel et le monde surnaturel. Pour exprimer leur gratitude envers tous les éléments de la nature, ils insufflent le mana, force sacrée des iles, énergie tangible et intangible. Un évell spirituel ut fait écho aux incertitudes du lendemain et aux hasards de existence. Sculptures sur bois ou sur pierre, tapisserie sur Ecorce arbre, tatouages i lencre végétale, laculture _marquisienne est marquée par héritage artistique des eréateurs dautrefois, Les artistes aujourd'hui pratiquent art du tatouage (patutiki), symbole de Deauté, deforeeet de virilité. Au-dela de sa fonetion protectrice, la peau enerée exprime la personnalité intime des insulaires. La pratique contemporaine et Jerenouveau du tatouage sinscrivent désormaisdans une démarehe culturaliste identitaire. Let courant vt DANS LE CIMETIERE DU CALVAIRE fi Atuona repose Paul Gauguin qui, durant les deux derni années lesa vie, n'aura decessede transerire parles couleurs lumineuses de a palette son réve de paradis, primitif et sauvage. Précurseur de Tart moderne, artiste impétueux en proie a lineompréhension du ‘monde, il peint avee acharnement les scénes buco- liques dela viequotidienne des indigenes. A quelques pasdu peintredusymbolisme,unautregrandartiste, Jacques Brel. Le poéte a su saisir mieux que qui- cconque Fessence de l'me insulaire. Sous sa plume, une confidence: « Veux-tu queje te dise /gémir nest ppas de mise / aux Marquises.» Depuis toujours, le ressac des vagues caresse les falaises vertigineuses des iles Marquises comme le refrain d'un ancien chant maori, Les récifs redou- tables dominent limmensité, Larchipel marquisien constitueun éeosystéme naturel unique au monde. » ‘Terre Sauvage 27 Banian géant, + Lisolement géographique, la diversité remar quable des paysages, l'histoire du peuplement et les connaissances en matiére de survie transmises de génération en génération ont favorisé le déve- loppement de Videntité singuliére des insulaires. Les Marquisiens se sont adaptés aux contraintes environnementales et ont perpétué la tradition. millénaire avee une constance admirable. Locéan semblea la fois proche et lointain, Unjeu dombreet delumiére qui révéleladualitéd'un peupleenraciné depuis des siécles dans les pratiques ancestrales et confronté aujourd'hui aux réalités changeantes du monde moderne. Alla tombée du jour, les nuages sillonnent un ciel de cendre et de feu sur I'lle de Tahuata. La brise agite les lianes des vieux banians. Le temps se fige Jusqu‘i Phorizon. Soudain, dans un silence ombra sgeux, des hordes de chevaux sauvages, eriniéres au vent, dévalent les plaines verdoyantes comme pour affirmer que les iles Marquises resteront & jamais, tune terre de liberté. ~ EN SAVOIR PLUS HISTOIRE PATRIMOINE | route mn tere Sec simran det, Pociqel Jetdetnconttuien | AECOUTER Topclepmipenentugrane | AFAIRE Eptnraton noineation | Ehananrssenbieses AuRE 28 Terre Sauvage Pea 30 Terre Sauvage 1 soleil fauve décline lentement derriére la ligne bleue de Fhorizon. LAranui 5, un navire de ravitaillement arbo rant pavillon francais, chevauche les vagues étineelantes de Voeéan Pacifique. Une nuée @oiseaux de mer sur- vole le monstre d'acier. Déja loin de son port attache, Papeete, le cargo mixte (fret et passagers) sillonne limmensité en direction de Varchipel des Australes. Sur la passerelle, les marins de veille serutent lobscurité. Lofficier de quart, armé d'une régle et d'un compas, étudie la carte marine dépliée surla table. Aux premiéres lueurs du jour, le regard aguerri du capitaine repére au loin les falaises Georchées de Rurutu. Jumelles collées aux yeux, i ordonne d'une voix sourde de ralentir Ia vitesse et deparerila manceuvre alentrée du port de Moerai Devant la proue, ile émerge au milieu des brisants. Leressac, le vent, les tempetes et le déferlement des James surlerivage érodent es tes rocheuses depuis, la nuit des temps. Sur la frange eétiére, plages de sable blane et parois de corail piquées de grottes se _mélent ala végétation luxuriante. A Foriginalité des paysages correspond une géologie particuliére, qui aconditionné de agon déterminante 'implantation et factivité humaines. Les immenses eavités natu: relles qui parsément le littoral servaient de refuge aux premiers oceupantsdeT'ile lors des mouvernents migratoires des X*et XI siécles. «Aux tempsanciens, lesclansse faisaient laguerre et les grottes étaient de véritables sanctuaires,explique Matahina, une habi- tante du village ’Avera, en admirant les eoncrétions et les stalactites a Vintérieur dela grotte Ana Keo. » Terre Sauvage 31 ‘La grotte sn vo sure aera Matahina, ur hasan ct age due sure de aru rogues boancieru tee Rimatara 32 Terre Sauvage + Cesgrottesreprésentent notre héritage. Elles sont esymbole de notreile!» Plus loin, un chemin caillouteux méne a la passe de ‘Tauraatua, surplombée par des falaises ealeaires bruptes. Aularge dela passe, ilafindehiver austra, lesbaleines® bosse retrouvent leseaux profondespour se reproduire et mettre bas. Les cétacés sextirpent des ténébres en crachant des panaches de vapeur blanche dans un ballet incessant entre la lumiére et lesabysses. Lile est aussi une terre de égendes et de tradition orale. Au tournant du XIX°siéce, soucieux: detransmettreleurculture aux générationssulvantes, Iesinsulairesont consigné dans des registres,lesputa ‘tupuna, leurs connaissances traditionnelles et leurs sgénéalogies. Le13 a0it769,lenavigateur britannique James Cook est le premier Européen & atteindre les pparages de Rurutu au cours de son voyage d'explo- ration dans le Pacifique. Un demi-siécle plus tard, les missionnaires de la London Missionary Society simplanteront sur ilejusqu‘en 1889, année marquée parlentréedes Australessous|e rotectorat francais. A QUELQUES MILES NAUTIQUES plus 8 louest, enavire fait escale &Rimatara, laplus petite desiles Australes. Lajetée est envahie par les habitants qui accueillent les passagers de /Aranui avec des sourires chaleureuxet des olliers de fleurs de tiaré. Larrivée du bateau de ravitaillement est un événement auquel viennent assister tous le iliens. Les marins déchargent ila hite ls cargaisons de marehandises et les denrées alimentaires. Sur le quai, cst Feffer vescence autour des paquetsetdes cartons. Temanu, un jeune gargon a la taille élancée et au regard vif, recoit un petit colis qui renferme son nouveau télé phone portable. «Je Fattends depuis trois mois, se réjouit'adolescent en se frayant un passage au milieu de la foule. Au-dela de Tagitation ambiante, dans les vallons, ile retrouve sa tranquillité, Raimana, sepluagénaire au visage ridé, cultive deux hectares de taro a 'intérieur de ile. Il travaille dans la taro- diére depuis son plus jeune age et veut aujourd'hui transmettre le savoir-faire herité de ses ancétres. «Sur notre ile, nous produisons le meilleur taro de Polynésie, sexclame-til en retournant la terre avec une fourche i bécher. Je utilise pas de pesticidesou engrais pour éliminer les mauvaises herbes. Si = CE DE NOTRE PEUPLE EST D'ETRE OUVER SUR LE MONDE TOUTE SERVANT NOTRE CULTURE.» Lesarbres fratrs refuge dela Tombes des aacarte Terre Sauvage 33 nous voulons continuer & nourrir nos enfants, nous devonsrespecter notre terre.» Rimataraest un jardin fleurissant couvert de bananiers, oyavierset grena- diers. Les arbres fruitiers constituent lerefuge dela pereuche rouge. Le lori de Kuhl est un petit oiseau endémique au plumage vert, jaune, rouge, violet et lneréte vert et bleu. On le surnomme «Te Uravaero ete Moho» (voleur de couleurs). Doté de griffes pour sagripper auxbranches des arbres, il senourrit prin- cipalement du nectar des fleurs. La perruche rouge est désormais en danger critique d'extinction avee seulement 1500 individus vivant a état sauvage. LELENDEMAIN, LARANUIjette Tancre a quelques encablures deT'ile de Tubuai. Les matelots mettent es ‘barges a la mer pour rejoindre la mythique Baie san- slante.Lelieu conserve le souvenirdesaffrontements ‘meurtriers entre les guerriers indigéneset les mutins du H.MS. Bounty, qui tentérent parla suite d'stablir une colonie sur I'lle. La route de ceinture longe un Jagon aux eaux turquoise avant de serpenter dansles vallées fertiles. Audétour d'un sentier, dansuneeclai- riéresilencieuse,sétendle marae Mataura, unancien site cérémoniel, reflet d'une société hiérarchisée. Jadis, au milieu des pierres voleaniques imprégnées ‘demana (énergie universelle) lesanciensinvoquaient les dieux et pratiquaient des offrandes et des sacri- fices, marquant ainsi leur appartenance i la terre et au peuple. Eifice saeré assurant le passage entre Jemonde invisible des aneetres et le monde tangible deshommes, le marae consolide aussi le pouvoir poli- tique des prétres et des chefs de clan. «Nous voulons transmettrednos enfantslatradition du marae pour quils puissent la perpétuer, senthousiasme Poerava, lune mére de famille accompagnée de sa fille. Cest la forcedenotre peupled'étre ouvert surle monde tout enconservant notre culture» A Taube d'un jour nouveau, le cargo navigue dans Tombre fraiche des falaisesde Rapa. Lilelaplusrecu- le de Tarchipel est un ancien volean bordé par des baies profondes. Avec un relief escarpé trés découpé, Rapa abrite une biodiversité exceptionnelle et une flore indigéne et endémique d'une richesse extraor- dinaire, notamment des plantes a fleurs, une végé- tation et une forét lttorales. De tous ebtés, les mon- tagnes sélancent dans le ciel comme des fléches Terre Sauvay een + de cathédrale. Le vent traverse les sommets et fait frissonner les fougéres envahissantes. Les erétes sont recouvertesd'herbes séches. «A Rapa, ilny ani fleuveni arbres, seulement desruisseauxet despetits arbustes, soupire Anapa, le capitaine de Iéquipe de futsal, sport le plus pratiqué sur Ile. Vivre au bout du monde, ca se méritel» Sur les pentes dominant les vallées, il existe des murailles construites avec des bloes de pierre basaltiques. Anerée sur des pies aigus, la douzaine de forteresses, autrefois impre nnables, témoigne dela bravoureet dela résilience des anciens guerriers insulaires. Lalégende raconteque le peuplement de 'ile de Paques a débuté avec larrivée des Polynésiens de Rapa. Lile est nommée Rapa Iti, «la petite», pour la distinguer de Rapa Nui, Vile de Paques, la «grande». LacommunautédeT'le sefforce de conserver un équilibre social et de renforcer len traide. Le principe dindivision fonciére généralisée sinscrit dans cette démarche solidaire. Fait uniqueen Franee, les dispositions du Code evilliges aufoneler ne ‘Sappliquent pas & Rapa. Le Conseil des sages (Toohitu), lu par les habitants, attribue la terre uniquement & des personnes ayant des ascendants originaires de Vile. La population souhaitepréserver cettetradition quiestle ciment de la vie communautaire. histoire de larchipel des Australes est jalonnée de légendes et de coutumes, Entremythe et réalité,ame ardente des insulaires anime lesprit des iles. Pour eux, vivre leur ile est une condition existentielle,& instar des habitants de la lointaine Raivavae, qui affirment quel'insularitéest un voyage erstailleurs et vers soi-méme. - EN SAVOIR PLUS AVEC QUIPARTIR? Dips 0248130 fiecancame” | Arame eae | 36 Terre Sauvage ines ste primaire resin, le de Rapa es: cr ba: poten ed aretpe Cestun ancien volcan Bor de fla e-dessus¢ gauche ponte de Tematapu ett dese Creve 38 Terre Sauvage Réalisateur, donc un homme de l’ombre, et pourtant vous connaissez certaines de ses ceuures comme «Rendez- vous en terre inconnue», On lui doit aussi des documentaires a couper le souffle. Rencontre avec ce Belge passionné d’aventures, de nature et d’humanité. petite cinquantaine, Pierre Stine est unbommeheureux et diseret. vit ot IMrévait de vivre une grande maison dans le pare de Tervuren, prés du “Musée royal de [Afrique centrale, en banlieue de Bruxelles. II exerce le métier qui voulait faire, au sein de nature XXL. Son talent est connu, reconnu, respecté: «Cété profession- nel, Cest'un des meilleurs du monde dans son domaine et, e6té privé, lest fami queje souhaite & chacuns, décrit Frédérie Lopez, intarissable sur son compa- sgnon de route depuis plus de quinze ans, Pierre Stine nest guére friand du mot «réussites,il propose une simple «réali- sation de [ses] réves enfant». «Je voulais faire des films, jai tout fait pour ca.» Cest tout? Pas tout i fait. Depuis peu, il comprend qu'une autre force quesa volonté!'asoutenu, «lim- portance de intention, de savoir la poser». Vivre des expé- riences si denses en nature développe foreément une grande acuité sensorielle: «.’étais 'écoute du moindre signe, je laissais mes intuitions me guider.» Depuis tout petit. «Je suis né dans la forét des Ardennes belge, en- droit le plus paumé, je pense, quion peut trouver en Belgique, {six kilométres de la petite villede Saint-Hubert..'ai grandi auprés de mes parents et de mon frére cadet, au milieu des bois, de maniére assez solitaire, et j'ai adoré cette enfance. ‘etais ts Taise dans cettenature.» Méreau foyer issued'un milieu paysan ~et pére la éte dune entreprise de menuise- rie qui deviendra trés prospere, ce combo famille forét nee prédestinait certes pasa efaire des films», en revanche cest Taquele lien avec la nature se fait. «En dehors de lécole, je voyais peu de gens. Moi,ce que jaimais, était partiren forét leplusloin possible, méme si mes parents 'aimaient pas trop a. Faimais suivre les bifureations, favais envie daller voir dervigre ce quily avait.» Ala maison, ilaimelire, il commence parTécrivain Roald Dahl et enchaine avec la science-fiction et les thrillers. Ledimanche aprés-midi est sacré:il regarde ila [TBF (la seule chaine quils captent) mission «Visa pour le ‘monde, jeu télevisé basé sur le voyage. Il découvre, fasciné, Afrique, les grands espaces. Dans'sa petite téte denfant, ca ‘commence & faire tic-tac,tie-tac. A 4ans,cest en regardant Témission «Ushuaia» que ca fait boum. Cette fis, c'est stiret ‘certain: «Je ferai des films et ce genre de film!» ine déviera plus de ce que son professeur de francais appelle . Protéger les ani: ‘maux, cest protéger leur habitat. Ichoisit dene pas se cacher. cLes animaux savent uonestla inutilede chercher aruser. Je préfére leur laisser le choix de se montrer, deveniramarencontre, Cela demande de passer beaucoup de temps dehors, avec eux, pour comprendre leurs eompor ements, leurs routines, connaitre leur personnalité, apprendre & lire leurs ati- ‘udeset ase positionner en conséquence.» Le taux de réussite d'une telle approche est limité, mais quand cela fonctionne, le résultat est la hauteur des espérances. Photographier les orques, les ours, les Joups edtierset les saumons, desanimaux. importants dans la mythologie Gitga‘at, est aussi la maniére qu'achoisie Florent Nicolas pour faire connaitrela culturede cette Premiére Nation. Les Gitga’ats Ten ccouragent a faire un livre, a porter leur voix. «Je voulais que mes photos servent & quelque chose, rendre & cette commu- nauté qui m’a accueilli, défendre ce ter ritoire sous pressions, résume-til,évo- quant son ouvrage (Lire page suivante). La bataille pour la protection de aforét pl vialedu Grand Ours—quiestaussicelle de lareconquéte par les Premiéres Nations = Terre Sauvage 71 LES ORQUES communiquent entre elise approche eur pies en produlsant de nombreut sons Le tafe marie destin & exportation Energies tose: andra masa ‘de leurs droits sur leur territoire ~ démarre des la fin des années 1990. Sa cible: exploitation forestiére. Le com- bat mené par les autochtones et es ONG environnementales aboutit, en 2016, un accord avec l'industrie forestiére et le gouvernement de la province. 85% des foréts sont désormais protégés et une politique durable de gestion des res- sources est mise en place. Mais autres dangers guettent. Les saumons sauvages sont victimes de la surpéche, du réchaut- fement deseauxet dela perturbation du cycle des précipitations dus au change- petecdan ata forte pute, “meratement oncetore tavern eae ‘timages autoclton 2022 Bans en ps de supeoes Photcraphos drat, erent Ric penageee rane oute Sapaston et sesconnatsances ‘Sarco tee oan ort 72 Terre Sauvage |\"\2 cer sons eps de provoquer devant de collisions aoe scat, ‘ment climatique et des virus transmis par les saumons d’levage. Les ours et les loups sont, eux, victimes de la chasse auxtrophées. Lachassedoursnoiraété interditeen 2022, maisaueune réglemen- tation n’existe pour les loups. DESIR DE PROTEGER Par ailleurs, les ambitions concernant le transport d’énergies fossiles par la mer sont importantes: on est la sur la route la plus courte entre IAmérique du Nord et Asie. Entre la pollution sonore des moteurs (interférence avec Danse forte ours esp, ‘deiantedliste, 201.64 Aocamentte etn voyast (aueeur dela fore putts du rama ure dont le beste Smaps: pars ‘uses vaune nani sitgectnationca,tesicecela ‘enitrenatoniegeut, les sons produits par les eétaeés pour ‘communiquer, se nourrir..), les risques de collision entre navires et animaux, les conditions de navigation difficiles (topographie et météo) augmentant le rrisque de catastrophe, faire passer des tankersdans cette zone semble tout bon- ‘nement «insensé., selon Florent Nicolas. Etpourtant... Aprés une vietoire en 2016 avec 'annulation du projet de pipelines ‘Northern Gateway, les Premiéres Nations niont paseu gain deeause... Laconstruc- mnd'un terminal méthanier & Kitimat, 4 Vextrémité du chenal de Douglas, est fen cours. II devrait étre opérationnel en 2025 pour assurer exportation de gaz naturel liquéfié vers Asie. A travers ses photos, Florent Nicolas partage son émerveillement, espérant déclencher cette méme émotion chez le spectateur. Car de admiration nait le desir de protéger, et de ce désir émergera peut-étre une nouvelle relation & notre environnement inspirée de celle des Gitga'ats. aA selUNTe(e( | 7h37 ~ maclenlcia erelianelUN ele em mates ANN SS ET VOYAG Wit ent icv, Eyes) CHEMINS DE TRAVERSE S’il est connu pour les luttes qui s’y sont tenues autrefois, le Larzac reste un territoire ou lon passe sans forcément s‘arréter. : Quelle: erreur! On rate un voyage des sens et de lesprit, ou: lon pénétre dans les entrailles de la Terre aprés avoir profité de Vimpressionnante richesse floristique. Terre Sauvage 75, Fan Des inseriptions et 12 rapplnt que ears sé ocund pun ose como mire dr exes re finsenet anon) Lest des lieux que on traverse, en allant vers autres destinations. Pas parce quils font pas de qualité ou de valeur, ils'agit la simplement de géographie. Le Larzac fait partie de cela: il est situé surla route des vacances vers le Sud. On Ta longtemps abordé et traversé aveclenteur et mémeagacement par de petites routes exagérément encombréesa Theuredesdéparts, puis nettement plus vite avec Tautoroute) et enfin de ‘maniére presque céleste (surle viaduc de Millau). Ala fenétre alors, le défilement hypnotique de la steppe ppiquetée de buis et de genévriers et des panneaux oii sont inserits des noms ttillant Fimaginaire (La Couvertoirade, La Cavalere..). ‘Comme un décor de film, un peu surréaliste, fait de chaos rocheux et ducielimmense. ONNEDEVRAIT JAMAIS xe contenter detraverser certains lieux. (On devrait sortir de nos fichus véhicules et de ces satanées voies rapides. Christian Bernard, lui, les connait bien, les chemins de traverse et es sentiers secretsdu Larzac. Celafaitdes décenniesquil Jes écume, guidé par la passion des plantes. Botaniste accompli, ila éeritouvrage Flore des causses, quiest devenu uneréférenceet lun deslivresde botaniqueles plus vendusen France. Suprémes distine- Le monde devient un univers coloré de pétales et de sé a (Christian Bernard, nota grnd spilled afore des causes. 76 Terre Sauvage CLES. tions, une petite graminge endémique des causses lui a été dédige et porte son nom, la fétuque de Christian Bernard, mais également un hybride dorchidée,Tophrys de Bernard, résultat deTunion par insecte interposé entre fophrys bécasse et ophrysde 'Aveyron. En sa compagnie, alors que nousarpentons|espelouses et lesourlets du plateaudu Guilhaumard, dans extrémité méridionale du Larzac,le ‘monde devient un universcoloré de pétaleset desépales. Lanémone ‘rouge tardive déplaie de voluptueuses corollesviolettesau cceur dor, Terine des Alpes simmisce, minuscule, dans le repli d'un rocher de caleaire, tandis que non loin, sur une aréne dolomitique (des ssables issus de érosion de la dolomie}, pousse Ia diseréte fétuque de Christian Bernard, en compagnie d'une renoncule &feuilles de sgraminées. Le daphné et la thymélée des Alpes, deux arbrisseaux ressemblants. des lauriers, dévoilent des fleurs de taille modeste, rrespectivement blane verdatre et roses, trés parfumées. Laster Terre Sauvage 77 Parmi les multiples / orchidées qui poussent ici, celles appartenant au. - genre Ophrys sont lobjet de toutes les attentions. 78 Terre Sauvage Premiers rayens ce dans une inde Vo Pode 80 Terre Sauvage ‘= des Alpes, moins discret, tale ses grands capitules colorés un peu partout. Ilya aussi la scorsonére pourpre qui est «une espéce steppique et sarmatique», précise Christian Bernard. Les Sarmates cet la Sarmatie, au septentrion de lamer Noire, cet ancien peuple que la légende rattache aux Amazones...Ce nest plus seulement une sortie botanique, eest un voyage des sens et de esprit, depuis le ‘causse uusqu‘aux montages des Alpes et aux steppes eurasiennes, Un délice. Christian Bernard fait partie de ceux qui ont le don rare éclairer les liewx quetTon croyait déjabaignés de lumiére. PUISILY ABIENENTENDULESORCHIDEES, ces plantesextrava- sgantes quiattirentdellesun peuple un peuétrange: idophiles. Souvent,jlsnejurent que parces planteset se désintéressent compl tement des autres, capables de traverser des pays pour venir obser- ver une espéce particuliére, et méme une variété, une forme ou un hybride inhabituel. «Les orchidopathess, samuse le botaniste. Dans laliste pléthorique des espéces qui poussent ici, cellesappartenant ‘au genre Ophrys sont objet ce toutes es attentions. Avouonsque ces fleurs ont dela gueule... Undeleur pétale,lelabelle, a développé une ‘anatomie particuligre qui mite le eorps des hyménoptéres et émet des phéromones femelles. Cela attire inévitablement les insectes males entamant des pseudo-copulations endiablées. Sefaisant, ils sechargentleut insu de masses collantesde pollen, puis passent tune autre fleur. Le pollen entre alors en contact avec le stigmate, la fleurestfécondéeet letourestjoué. Une espéceattire icles orchido- philes plusqueles autres: ophrysdeT Aveyron, une veritable beauté cendémique des Grands Causses et du Pays basqueespagnol,donton dénombre i peine quelques centainesde pieds au total. AUBORD DE LA SOURCE DU DURZON, non loin du village de ‘Nant, dans un éerin naturel couleur émeraude, Laurent Danneville, hydrogéologueau pare naturel régional des GrandsCausses,indique quela ressource en eau potable est importante, avec une centaine de sources réparties surleterritoire. Pour une année, en mayenne, ‘on totalise 500 millions demétres cubes surle erritoire du pareet .250 millions pour le seul Larzac. «Autrement dit, on a plein deau souses pieds. Lecaleairedu Larzacdate dujurassique mayen, aus connu sousle nom de dogger, une époque qui stend de-175-161 mi lions d'années. Nous avons une bonne connaissance des aquiferes karstiques'. La ressource en eau est minutieusement suivie tant cen qualité qu‘en quantité grace a un réseau de stations de mesure. uo paramétres différents sont étudiés et le débit est enregist touteslesdemi-heures.» Ici, tla source du Durzon, arrive une grande partie des eaux du Larzac, dont certaines mettent jusqu‘i un an et demi pour faire le trajet souterrain depuis la surface. On voit une petite vasque sombre au fond de eau cristalline, ol unhommeatoutjustela place de simmiscer. «Plusieurs eampagnes d'exploration spéléogique ont permis d'inspecter le réseau souterrain durant les deux det niéres décennies. Aujourd'hui, le développement topographiéest degioométreset lagalerie continue encore apres...» Le Larzacest riche d'une vie intérieure, le karst, et cette vie est tout entiére ‘un sphinx se Fruptroe rest posesrierone tee Lelllage de Tourer au douché du crue fone, ‘Sou fora leilage Sensor a So Terre Sauvage 81

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