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Αφιέρωμα
στον καθηγητή
Βασίλη Κατσαρό
ἔκφρασι ς
Αφιέρωμα
στον καθηγητή
Βασίλη Κατσαρό
Επιμ έλεια
ISBN 978-960-656-136-8
Επιμέλεια Έκδοσης
Δημήτρης Π. Δρακούλης Πασ χάλης Ανδρ ούδης
Δρ Αρχιτέκτων - Πολεοδόμος ΑΠΘ, Επίκουρος Καθηγητής Βυζαντινής
Μεταδιδάκτορας ΑΠΘ – ΕΛΙΔΕΚ Αρχαιολογίας και Τέχνης ΑΠΘ
ΜΕΡΟΣ Ι: ΕΙΣΑΓΩΓΗ
Πρόλογος 3
ΔΗΜΗΤΡΗΣ Π. ΔΡΑΚΟΥΛΗΣ – ΠΑΣΧΑΛΗΣ ΑΝΔΡΟΥΔΗΣ
Βιογραφικό - Εργογραφικό Σημείωμα και Κατάλογος Δημοσιευ-
μάτων του Βασίλη Κ. Κατσαρού 5
Brendan Osswald
Wis se n sch a f t lich e r Mi tarb ei ter
Hei d e lb erg e r A ka d e mi e de r Wi ss en sch af te n
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À propos d’un chapitre de Georges Pachymère
13 παισὶ καὶ τῇ ἀρχῇ ἐδεδοίκει· ὁ γὰρ σφῶν πατὴρ Ἰωάννης ζῶντα τὸν
14 Νικηφόρον, νόθος γνήσιον, τὰ πολλὰ τῶν ἐκείνου
15 προσαφαιρούμενος ἐζημίου. διὰ τοι ταῦτα καὶ οὐκ ἀνυστὴν ὅλως
16 βουλὴν ἐβουλεύετο· ἔγνω γὰρ ἀποστέλλειν πρὸς βασιλέα, καὶ
17 λιπαρεῖν μὲν αὐτὸν λιπαρεῖν δὲ πατριάρχην καὶ ἐκκλησίαν παριδεῖν
18 νόμους κειμένους καὶ τῇ ἀνάγκῃ συγκαταβῆναι ἐχούσῃ καὶ μέγα τὸ
19 χρήσιμον, ὥστε τὸν νέον βασιλέα γαμβρὸν ἐκείνῃ γενέσθαι καὶ
20 πᾶσαν χώραν καὶ ἑαυτὴν καὶ παῖδα, ὡς ἀρχαῖα ἐλλείμματα
21 Ῥωμαΐδος ἐγχειρίζειν χαίρουσαν ὡς εἰ καὶ αὐτὴ ἐπ’ ἐκείνοις τόσα
22 λαβεῖν ἔμελλε. Τὸ γοὖν συνάλλαγμα ὃ συνιστᾶν ἤθελεν ἕκτου ἦν
23 βαθμοῦ καὶ ἐξ αἵματος, καὶ πάντως γε μᾶλλον ἀπεκωλύετο. Ὃθεν
24 καὶ τῷ μὲν Θωμᾷ τὸ δεσποτικὸν ἀξίωμα ζητήσασα καὶ λαβοῦσα, τὴν
25 δ’ ἐντεῦθεν ἀσφάλειαν ἀπελπίσασα, πρὸς Ἰταλοὺς ἀφορᾷ, καὶ τὸν
26 ἔκγονον τοῦ Καρούλου ἐπιγαμβρεύεται Φίλιππον, οὐκ ὀλίγα τῶν
27 τῆς χώρας καὶ πόλεις ἐς προῖκα δοῦσα τῇ θυγατρί.
Cet épisode est repris en résumé, au livre XI7:
28 ἀλλ’ ἐπεὶ τοῦ πρὸς τὸν βασιλέα Μιχαὴλ ἀποκρουσθεῖσα κήδους
29 διὰ τὴν συγγένειαν τὸν τοῦ Καρούλου υἱὸν ἐπεγαμβρεύσατο
30 Φίλιππον, καθὼς φθάσαντες εἴπομεν, καὶ πόλεις ἦσαν καὶ χῶραι τὰ
31 εἰς προῖκα δοθέντα.
Cette anecdote, dont nous verrons qu’elle est invraisemblable en l’état,
a été étudiée par plusieurs historiens avec plus ou moins d’esprit critique,
mais tandis que certains ne se sont pas suffisamment interrogés sur les
multiples problèmes que pose le texte, d’autres auteurs l’ont abordée de
façon plus pertinente mais néanmoins incomplète. Par ailleurs, en dépit
des problèmes de temporalité que ce chapitre pose, l’éditeur Albert Failler
n’a pas jugé bon de lui consacrer une étude dans sa série de trois articles
consacrés à la chronologie dans l’œuvre de Pachymère8. Le dossier me
semble donc mériter d’être repris et je me propose ici d’examiner le texte
en détail et les divers problèmes, principalement liés à l’histoire épirote,
qu’il pose, afin de proposer des solutions à l’interprétation de ce passage9.
De la mort du despote Nicéphore et de la demande adressée à l'empe-
reur.
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céphore Angélos (…) avant les événements qu’il rapporte ici et qui concernent l’an-
née 1294. Si les documents de la chancellerie angevine font bien état de l’activité du
despote d’Épire jusqu’en 1296, l'historien fait erreur, mais il reste à le montrer ».
18 Romanos 1895, 89-90. — Nicol 1984, 46 n. 53, 50.
19 Hopf 1867, 334. — Laiou 1972, 42. — Asonitis 2005, 72 n. 9. — Lappas 2007,
326-327.
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Par ailleurs, à sa mort, Nicéphore ne laissait pas deux enfants sous tu-
telle mais bien un seul, Thomas, puisque Thamar était, ainsi que nous le
verrons, déjà mariée depuis octobre 1294. On notera que le couple despo-
tique avait une autre fille, Marie, qui avait épousé le fils du comte de Cé-
phalonie en 129020.
Leur mère, Anne, fille d’Eulogie, avait, une fois le sébastokratôr Jean
disparu lui aussi, la tutelle des enfants et de la toparchie21; elle redoutait
énormément les deux enfants de Jean, Doukas et Angélos, elle une femme,
qui est un être impropre à la guerre, face à des hommes, qui de plus étaient
aguerris; quant à Michel Komnènos, en effet, elle l’avait précédemment
trompé par ruse, saisi et livré à l’empereur ; elle craignait pour ses enfants
et pour son État: en effet leur père Jean avait fait du tort à Nicéphore de
son vivant, le fils bâtard au fils légitime, en le dépouillant d'une grande
partie de ses possessions. (ll. 6-15).
Pachymère fait ici référence à la régence d’Anne en Épire, et aux diri-
geants thessaliens par lesquels elle se sentait menacée. Le « sébastokratôr
Jean » était le demi-frère bâtard de Nicéphore, qui reçut la Thessalie à la
mort de leur père Michel II et régna sur elle jusqu’à sa mort avant mars
128922. Il laissait deux enfants, que Pachymère appelle Doukas et Angélos
mais dont les prénoms étaient en réalité Constantin23 et Théodore24. Ces
princes avaient en effet de bonnes raisons d’être hostiles envers Anne, qui
avait effectivement capturé leur frère Michel et l’avait livré à Andronic
II25. Et ils attaquèrent l’Épire peu après le couronnement de Michel IX, en
129526. Karl Hopf mentionne également deux attaques sous la régence
d’Anne, en 1301 et 130227. Il est malheureusement, comme souvent,
céphore, aurait reçu la tutelle des deux enfants ainsi que la régence sur la Thessalie
provient d’une mauvaise lecture de ce passage, qui évoque en réalité la tutelle
d’Anne sur Thomas et Thamar, ainsi que sa régence sur l’Épire, ainsi que le montre
très bien la traduction de Failler.
22 PLP 208. L’affirmation d’Asonitis 2005, 72, n. 9 (voir aussi 80), selon laquelle
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Paléologues, dont Anne était elle-même issue37. Cette idée est basée non
seulement sur le texte de Pachymère, mais également sur un extrait du
Livre de la Conqueste, qui affirme à propos du mariage de Thamar : « si
en fut grant division avec la despine sa femme et les plus sages barons de
son conseil38». Cette phrase permettrait d’affirmer que les époux se se-
raient ouvertement déchirés dès 1291 lorsqu’ils commencèrent à réfléchir
au mariage de leur fille puînée39. Menant une diplomatie parallèle dans
le but de contrecarrer celle de son époux, Anne aurait donc proposé à
deux reprises d’offrir l’Épire en échange du mariage40. Mais le Livre de la
Conqueste est mal interprété, puisque division signifie ici « discus-
sion »41. En conséquence, cette source affirme simplement que Nicéphore
discuta du mariage de sa fille avec son épouse et son conseil, ce qui est on
ne peut plus normal. Force est donc de constater qu’à trop vouloir suivre
une source problématique on en vient à la contredire nettement, puisque
Pachymère affirme clairement qu’Anne fit cette proposition en tant que
régente et nullement en tant que pouvoir derrière le trône ou en tant
qu’opposante de son mari, de même qu’à aucun moment il n’évoque deux
tentatives d’Anne. Par ailleurs, certains auteurs valident l’idée qu’Anne
offre de déshériter son propre fils pour une très maigre contrepartie, ce
que Pachymère lui-même trouve déraisonnable42, et qu’elle est prête, du
vivant de son époux, à sacrifier volontairement l’indépendance épirote
sur l’autel de la réunification byzantine par peur des Thessaliens alors
que, devenue régente, elle opposa une résistance acharnée aux Thessa-
liens et aux Angevins sans jamais proposer le Despotat aux Byzantins43.
En bref, ces tentatives de valider le récit de Pachymère sont infructueuses
et il faut se rendre à l’évidence : ce dernier est, en l’état, invraisemblable.
Le scepticisme s’accroît encore si l’on observe que, des deux arguments
invoqués par Pachymère pour insister sur l’étrangeté de la demande
d’Anne, celui présenté comme le plus définitif – un mariage entre Thamar
et Michel IX serait « totalement irréalisable » – est en réalité le plus faible.
37 Laiou 1972, 42. — Nicol 1984, 37-38, 44. — Asonitis 2005, 74.
38 Livre de la Conqueste, §657, p. 262.
39
Lappas 2007, 327, qui récuse à juste titre l’idée de la diplomatie parallèle
d’Anne, reprend pourtant cette interprétation du Livre de la Conqueste.
40 Nicol 1984, 45 mentionne une deuxième demande d’Anne sans préciser quand
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226, n. 26, confond ce mariage avec celui de Nicéphore Ier d’Épire et Anne Paléo-
logue Cantacuzène.
47 Grumel 1989, 360, n° 858 ; 486, n° 1028.
48 Grumel 1989, 578, n° 1162.
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328. Sur ces négociations, voir Van Dieten 1973, 274 n. 333. — Kiesewetter 1994, 181,
n. 3. — Kiesewetter 1996, 47, n. 21.
52 Pachymère, livre IX, §5 = III, 227-233.
53 Pachymère, livre I, §6 = I, 3514-23. — Failler 1976, 115-116.
54 Kiesewetter 1994, 181. — Kiesewetter 1999, 350-353.
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qu’en 1310 lors de son mariage. C’est cependant négliger l’inscription de la Parigori-
tissa, ainsi que d’autres sources des années 1303 et 1304 : voir Lappas 2007, 328, n.
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l’Épire relevait de la juridiction impériale et que Thomas lui avait prêté un « serment
de vassalité » : DVL I, 146, n° 77 = AAV I/1, 37, n° 55 (1320): dicit dominus imperator
[…] quod ipsa terra est jurisdictionis Imperii sui, et qui tenet eam juramento vassalagii
astringitur Imperio suo. Cette terminologie féodale fait probablement référence à
l’octroi du titre despotique. Concernant ce dernier et l’intérêt qu’il représentait
aussi bien pour eux que pour les empereurs byzantins, voir Osswald 2019, 104. —
Osswald 2020, 21.
64 Kiesewetter 1994, 186. — Kiesewetter 1999, 360-361. Charles II ordonna le 11
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mariage de Thamar ont commencé dès juin 129166. Quant à l’accord con-
cernant le mariage et la dot, il fut conclu en septembre 129367.
La théorie des deux diplomaties antagonistes au sein du couple des-
potique permettrait certes de concilier des pourparlers simultanés avec
les Angevins depuis 1291 et avec les Paléologues en mai 1294. Mais encore
une fois cette idée est nettement contredite par le texte de Pachymère,
selon lequel Anne non seulement n’était pas hostile au mariage de Tha-
mar et de Philippe, ce qui est confirmé par le fait qu’Anne accompagna sa
fille en Italie pour le mariage68, mais en fut même l’instigatrice, ce qui est
peut-être une erreur due au fait que Pachymère place cet épisode après la
mort de Nicéphore. Par conséquent, si la proposition de mariage entre
Thamar et Michel IX correspond à une quelconque réalité, il faut suppo-
ser qu’elle eut lieu à une autre date, en l’occurrence plus tôt.
Les plus anciens commentateurs avaient d’ailleurs déjà considéré que
la demande d’Anne avait eu lieu avant 1292, date supposée d’une guerre
entre Épirotes et Byzantins69. Angeliki Laiou a émis l’hypothèse que les
négociations aient eu lieu avant 1288, pour mieux cependant reprendre la
date de 129470, comme l’ensemble des auteurs71. Plus récemment, Kie-
sewetter est revenu à l’ancienne chronologie en plaçant l’offre d’Anne en
1290 ou 1291, en tout cas avant juin 1291, date à laquelle les émissaires an-
gevins Florent de Hainaut et Pierre de l’Isle reçurent commission pour
négocier un mariage entre l’un des fils de Charles II et une fille de Nicé-
phore72. Pour Kiesewetter, la fille en question était Thamar et Pierre de
l’Isle, ambassadeur à Constantinople depuis 1289, aurait eu vent de la pro-
position mentionnée par Pachymère, incitant Charles II à faire une
contre-proposition, qui aurait finalement eu gain de cause, notamment
en raison d’une invasion byzantine en 129273. Cette hypothèse pose ce-
pendant deux problèmes. D’une part, cela voudrait dire que Charles II
aurait entamé des négociations à propos de Thamar avant que sa sœur
aînée Marie ne se soit mariée, ce qui contredit nettement le Livre de la
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dans la note 19 il semble indiquer qu’il s’agit de Marie avant d’affirmer qu’il s’agit de
Thamar ; cette dernière mention semble donc être un lapsus calami.
77 Asonitis 2005, 72-75.
78 Perrat – Longnon 1967, 44, n° 26. — Asonitis 2005, 74 et n. 19.
79 Stefec 2015, 78, n° 146.
80 Lappas 2007, 326-328.
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aussi s’agir de la sécurité face à une nouvelle invasion d’Andronic II, qui
n’avait jamais renoncé à annexer l’Épire. La proposition épirote au lende-
main de la guerre de 1290 visait manifestement à établir une paix durable.
Mais le refus d’Andronic ne pouvait qu’inciter Nicéphore et Anne à la mé-
fiance quant aux intentions de l’empereur. Pachymère, opportunément,
ne mentionne pas le conflit de 1290, mais le Livre de la conqueste, qui le
mentionne, est pour sa part sans ambiguïté : Nicéphore choisit de marier
Thamar au prince de Tarente pour recevoir de l’aide en cas d’attaque im-
périale81.
Voyons enfin le résumé du livre XI :
Empêchée de conclure une alliance matrimoniale avec l’empereur Mi-
chel à cause de la parenté, elle avait pris pour gendre Philippe, le fils de
Charles, ainsi que nous l'avons dit précédemment, et la dot était constituée
de villes et de territoires. (ll. 28-31).
Il n’y a ici rien de spécial à noter : Pachymère résume le chapitre 4 du
livre IX, sans ajouter d’information supplémentaire ni contredire ce qu’il
a dit auparavant.
Comment expliquer les nombreuses imprécisions chronologiques et
factuelles de Pachymère dans ce chapitre ? Tout d’abord, celles-ci sont en
règle générale nombreuses dans les Relations historiques, à tel point
qu’Albert Failler a dû leur consacrer, dans les trois articles mentionnés en
introduction, près de 300 pages. Certes, elles vont en diminuant au fur et
à mesure que la date des événements racontés se rapproche de la date de
rédaction, mais elle ne disparaissent pas totalement ; or, les événements
du chapitre 4 eurent lieu au minimum une dizaine d’années avant la ré-
daction et de façon générale le livre IX pose divers problèmes chronolo-
giques82. Par ailleurs, les affaires épirotes sont, pour des raisons politiques
et géographiques, moins bien connues que celles de Constantinople, ce
qui rend possible, d’une part que Pachymère se soit purement et simple-
ment trompé, d’autre part, et sans que cela exclue ce qui précède, qu’il ait
pu penser pouvoir manipuler les faits sans grand risque d’être démenti.
En effet, lorsqu’il s’agit de l’Épire, la malveillance n’est jamais bien loin
chez cet auteur83. En l’occurrence, les enjeux d’une éventuelle
81 Livre de la conqueste, §657, p. 262 : « pour quoy il puest avoir secours de l’em-
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Sources
Bibliographie
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